Lexbase Fiscal n°501 du 11 octobre 2012 : Finances publiques

[Projet, proposition, rapport législatif] Projet de loi de programmation pour les années 2012 à 2017 : la crise comme leitmotiv

Réf. : Projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques

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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

le 11 Octobre 2012

Lors du Conseil des ministres du 19 septembre 2012, Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac ont présenté un projet de loi de programmation pour les années 2012 à 2017. Ce projet de loi, faisant partie du "paquet européen", lui-même constitué, par ailleurs, du projet de loi autorisant la ratification du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire et du Pacte européen pour la croissance et l'emploi, a deux objets : programmer les objectifs budgétaires des cinq années à venir (2012-2017) et poser les règles mettant en oeuvre le Traité européen sur la stabilité. Dans un contexte toujours plus marqué par la crise financière, l'ensemble des dispositifs légaux votés par le Parlement a pour objectif le redressement des comptes publics. Ce redressement passe par une diminution de la dépense publique, que nous ne traiterons pas ici, mais surtout, à hauteur des deux tiers des efforts envisagés (10 milliards d'euros pour les ménages et 10 milliards d'euros pour les entreprises), par les recettes publiques. Retour sur les moyens prévus par le projet de loi de programmation pour les années 2012 à 2017 en matière fiscale et sur les nouvelles règles que devront respecter les lois de finances pour l'avenir. I - La programmation des finances publiques

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : depuis 2007, la dette a augmenté de 600 milliards d'euros, atteignant, fin 2011, plus de 1 700 milliards d'euros, ce qui représente 86 % du PIB. En 2011, les charges d'intérêt annuelles s'élèvent à 53 milliards d'euros, soit le premier poste de dépense de l'Etat, avant même le budget de l'éducation nationale. Si la sonnette d'alarme a été tirée il y a plusieurs mois, les solutions doivent être prises rapidement, ce qui a déjà été le cas dans les dernières lois de finances (loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, de finances rectificative pour 2011 N° Lexbase : L0278IRQ ; loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011, de finances rectificative pour 2011 N° Lexbase : L1269IRG ; loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011, de finances pour 2012 N° Lexbase : L4993IRD ; loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011, de finances rectificative pour 2011 N° Lexbase : L4994IRE ; loi n° 2012-354 du 14 mars 2012, de finances rectificative pour 2012 N° Lexbase : L4518IS7 ; loi n° 2012-958 du 16 août 2012, de finances rectificative pour 2012 N° Lexbase : L9357ITQ), mais aussi sur le long terme. Le projet de loi relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques vise la réalisation du retour à un déficit public à 3 % du PIB dès 2013 (en 2011, il était à 5,2 %) et la baisse du poids de la dette publique dans la richesse nationale à partir de 2014. L'année 2015 devrait voir le déficit public abaissé à 0,5 % du PIB, ce pourcentage devant tomber à 0 en 2016 et 2017. Cette programmation s'appuie sur une hypothèse optimiste de croissance de l'ordre de 2 % (alors qu'elle est de seulement 0,2 % en 2011).

A - La réalisation des objectifs budgétaires par l'impôt

Afin de redresser les comptes publics, l'Etat se propose de diminuer les dépenses, mais surtout d'augmenter les recettes. Outre le domaine immobilier de l'Etat, les solutions ne sont pas infinies : il faut augmenter les impôts. Le projet de loi de programmation des finances publiques l'a bien saisi. Ainsi, le chapitre 1er du projet regroupe les objectifs généraux des finances publiques, et la trajectoire de redressement des comptes publics. L'article 2 définit l'objectif à moyen terme de la France comme l'équilibre structurel, en précisant la trajectoire des finances publiques permettant d'atteindre cet équilibre sur la période 2012-2017. Pour la première fois, et conformément au Traité européen sur la stabilité, cette trajectoire est présentée en solde structurel. Une telle présentation permet de se fixer une trajectoire de redressement en termes structurels, soit corrigée des variations conjoncturelles. Le solde effectif prévoit un retour à un déficit de 3 % en 2013, avec un équilibre en 2016-2017.

L'article 3 précise les objectifs de finances publiques, en termes de dépenses, recettes et de dette des administrations publiques.

B - Le mécanisme de correction

La fiscalité et les finances publiques ne sont pas une science exacte. En effet, les recettes de l'Etat ne sont pas toujours conformes aux évaluations opérées en amont, et il en va de même des dépenses. Ainsi, la dernière loi de finances rectificative de chaque année opère des ajustements en ce sens, et notamment, elle attribue plus de moyens aux ministères, afin qu'ils puissent payer les salaires de leurs fonctionnaires. Ces mesures, prises en urgence, sont des facteurs de déséquilibre, dus à une évaluation sujette aux changements. Afin de pallier à ces problèmes, l'article 4 du projet de loi de programmation des finances publiques prévoit un mécanisme de correction. Ce mécanisme est mis en oeuvre par le Gouvernement, en cas de constatation d'un écart important par rapport à la trajectoire de solde structurel précisée dans le projet de loi. Le Gouvernement doit alors expliquer les écarts à la trajectoire constatés au moment du débat d'orientation des finances publiques. Cette période correspond au moment où il dispose des données en comptabilité nationale sur l'année échue. Le mécanisme de correction attribue au Gouvernement le pouvoir de proposer des mesures de correction qui devront être prises en compte au plus tard dans les prochains projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale de l'année. Ainsi, les problèmes sont soulignés avant les discussions sur un projet de loi et même avant rédaction du projet et sa présentation en conseil des ministres.

Cet article permet d'anticiper la mise en oeuvre du Traité sur la stabilité. En effet, l'article 3 du Traité prévoit déjà un tel mécanisme. L'"écart important" est défini conformément au Règlement n° 1175/2011 du 16 novembre 2011, modifiant le Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997, relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques (N° Lexbase : L8176IRA) (volet préventif du pacte de stabilité et de croissance).

Par exception, en cas de survenance de circonstances exceptionnelles, conformément au Traité européen sur la stabilité, le mécanisme de correction est suspendu. Toutefois, à l'expiration de telles circonstances exceptionnelles, le Gouvernement présente un nouveau projet de loi de programmation au plus tard lors de l'examen du plus prochain projet de loi de finances de l'année.

C - L'évolution des recettes publiques

L'article 13 présente le plancher annuel de mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires qui devront être votées ou adoptées par voie réglementaire sur la période de programmation.

Ainsi, et à compter du 1er juillet 2012, les mesures adoptées par le Parlement ou prises par le Gouvernement par voie réglementaire et afférentes aux prélèvements obligatoires ne peuvent être inférieures à certains montants. Il s'agit des mesures mentionnées dans le rapport prévu à l'article 52 de la loi organique du 1er août 2001, relative aux lois de finances (N° Lexbase : L1295AXA). Ce rapport est présenté à l'ouverture de la session ordinaire et retrace l'ensemble des prélèvements obligatoires, ainsi que leur évolution. Ce rapport comporte l'évaluation financière, pour l'année en cours et les deux années suivantes, de chacune des dispositions, de nature législative ou réglementaire, envisagées par le Gouvernement.

Les montants planchers sont définis comme suit (en milliards d'euros) :

2012 2013 2013 2015 2016 2017
7 24 0 -1 -3 -7

Afin d'atteindre l'objectif des 3 % de déficit public, l'année 2013 est marquée par un plancher très élevé.

L'article 14 prévoit que les éventuels surplus de recettes par rapport aux évaluations de la loi de finances de l'année ou de la loi de financement de la Sécurité sociale de l'année sont affectés au désendettement. Cet article, optimiste, attribue à tout surplus de recette la fonction de redressement des comptes publics.

Les niches fiscales et sociales ont pris une importance particulière dans ce projet de loi de programmation des finances publiques, ce qui s'explique notamment par le poids qu'elles font supporter à la dépense (100 milliards d'euros). Ainsi, l'article 15 prévoit que tout nouveau texte (pris à compter du 1er janvier 2013) instituant une dépense fiscale ou une niche sociale doit prévoir un délai limité d'application pour les dispositions ainsi créées.

Le système fiscal français regorge de niches. Celles existantes ne sont pas menacées par le projet de loi de programmation des finances publiques. Mais les nouvelles niches ne pourront être que temporaires.

Ce dispositif rend à la niche fiscale son caractère d'incitation conjoncturel. A un moment donné, l'Etat souhaite encourager un comportement de la part d'un contribuable. En général, la niche fiscale est mise au service d'un objectif non fiscal (par exemple, la construction de logements neufs, ou l'investissement dans les PME, ou dans la R&D...). Or, la France n'aura pas besoin, ad vitam aeternam, de logements neufs. C'est un objectif conjoncturel, qui s'oppose à un objectif structurel, comme celui recherché par ce projet de loi : le redressement et l'équilibre des comptes publics. Du fait de son objectif non fiscal, la niche constitue une dépense publique qui vient ralentir le processus de désendettement. C'est pourquoi son inscription limitée dans le temps est salutaire. Attention toutefois aux tendances de prorogations fréquemment suivies par les pouvoirs législatif et réglementaire (par exemple, l'amortissement "Périssol", les dispositifs "Robien" et "Scellier", les BSPCE, etc.).

Autre article relatif aux niches fiscales, l'article 17 prévoit une évaluation systématique de tous les dispositifs dérogatoires un an avant leur arrivée à échéance. Cette évaluation porte chaque année sur un cinquième des dépenses fiscales, réductions, exonérations ou abattements d'assiette s'appliquant aux cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base de la Sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement et sur l'ensemble de ceux qui, aux termes du texte qui les a institués, cesseront de s'appliquer dans les douze mois. Cette disposition vise en réalité à faire perdurer le mécanisme mis en oeuvre dans l'article 13 III de la précédente loi de programmation des finances publiques (loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010, de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 N° Lexbase : L0390IP7), abrogé par l'article 21 du projet de nouvelle loi de programmation des finances publiques. En effet, cet article prévoyait une évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales trois ans après leur création (cette dernière n'a pas encore trouvé à s'appliquer), ainsi qu'une évaluation de l'ensemble du stock avant le 30 juin 2011. Un rapport coordonné par l'inspection générale des finances de juin 2011 a procédé à cette évaluation du stock.
Le projet de loi vise à rendre récurrente l'évaluation du stock des dépenses fiscales et niches sociales et à renforcer le dispositif en rendant publics les résultats de cette évaluation.

II - La mise en oeuvre du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union européenne

Le projet de loi de programmation des finances publiques est, dans son esprit, marqué par le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union européenne. Ainsi, et alors même que ce Traité, qui n'a pas encore été ratifié par la France, n'apparaît pas dans le texte du projet de loi, l'exposé des motifs du Gouvernement fait sans cesse référence à ses stipulations.

A - Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union européenne

Les députés ont examiné, les 7, 8 et 9 octobre 2012, et adopté, le 9 octobre, le projet de loi de ratification du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union européenne. L'article unique de ce projet de loi prévoit la ratification, et donc l'entrée dans les dispositions légales françaises, des stipulations du texte européen.

Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union européenne institue une "règle d'or" budgétaire, selon laquelle les déficits des Etats doivent être à l'équilibre ou en excédent.

Cette fameuse "règle d'or" a fait l'objet de nombreux débats. Notamment, la question s'est posée de son intégration à la Constitution française. Ainsi, le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques, voté le 13 juillet 2011, n'a jamais vu le jour (lire L'inscription dans la Constitution de l'équilibre des finances publiques : impératif économique et moral ou simple illusion ? - Questions à Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public à l'Université de Rennes I, Lexbase Hebdo n° 437 du 27 avril 2011 - édition fiscale N° Lexbase : N0587BSK). A la suite de la décision n° 2012-653 DC du 9 août 2012 (N° Lexbase : A4217IRM), le Conseil constitutionnel, chargé de contrôler la conformité à la Constitution et aux droits et libertés qu'elle garantit du projet de loi, a estimé que la ratification du Traité et sa mise en oeuvre, notamment l'inscription de la règle relative à l'équilibre budgétaire dans le droit national, ne nécessitaient pas de révision préalable de la Constitution. La révision constitutionnelle a donc été écartée. Cette solution n'est pas isolée, car d'autres Etats de l'Union européenne ont choisi cette voie : Danemark, Luxembourg, Estonie et Hongrie.

La "règle d'or" est considérée comme respectée si le solde structurel annuel correspond à l'objectif à moyen terme fixé par chaque Etat membre dans son programme de stabilité (que l'on retrouve dans le projet de loi de programmation des finances publiques) et respecte une limite inférieure de déficit structurel de 0,5 % ou de 1 % pour les Etats dont le ratio d'endettement est sensiblement inférieur à la valeur de référence de 60 % du PIB. A cet égard, rappelons que le ratio français est de 86 %.

Le même article 3 du Traité présente le mécanisme de correction étudié supra.

L'article 4 du Traité prévoit que les Etats présentant un ratio d'endettement supérieur à 60 % doivent le réduire à un rythme moyen d'un vingtième par an de la différence entre le niveau de dette et la valeur de référence. Le rythme retenu par la France est plus soutenu.

Si la France n'a pas choisi de modifier a priori sa Constitution de façon à y intégrer le contenu du Traité, ou du moins la "règle d'or" qu'il institue, elle prend déjà en compte cette règle dans le projet de loi de programmation des finances publiques.

B - L'intégration des règles européennes dans le corpus français

Sans fixer de seuil d'endettement, le projet de loi de programmation des finances publiques met bien en oeuvre le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union européenne. En effet, en dessinant la trajectoire décroissante du déficit public, le projet de loi réalise la "règle d'or", ou du moins prévoit sa réalisation en France à l'horizon 2016.

En outre, le projet de loi prévoit tout un arsenal de rapports et d'évaluations destiné à accompagner le redressement des comptes publics et à inscrire l'équilibre dans la durée. Ainsi, la deuxième partie du projet de loi, qui regroupe les dispositions permanentes ayant vocation à perdurer après la fin de la période couverte par la programmation, crée une série de rapports :
- l'article 16 précise la procédure d'évaluation socio-économique préalable pour les investissements de l'Etat, des établissements publics et les établissements de santé ;
- l'article 17 crée un dispositif d'évaluation permanente, transmise au Parlement, des dépenses fiscales et des niches sociales (voir supra) ;
- l'article 18 prévoit le dépôt, en vue de l'examen du projet de loi de finances de l'année, d'un rapport relatif aux comptes publics, intégrant dans un seul et même document l'ensemble des informations permettant au Parlement d'être au mieux informé s'agissant des prévisions de finances publiques ;
- l'article 19 exige du Gouvernement qu'il présente annuellement, au moment du débat d'orientation des finances publiques devant le Parlement, un bilan de cette loi de programmation ;
- enfin, l'article 20 prévoit une évaluation, avant le 30 juin 2013, de l'ensemble des taxes affectées aux autres personnes morales que l'Etat à l'exception des collectivités territoriales et des organismes de Sécurité sociale (principalement les opérateurs de l'Etat).

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