Lexbase Fiscal n°501 du 11 octobre 2012 : Finances publiques

[Le point sur...] Projet de loi de finances 2013 : sévère mais juste ?

Réf. : Projet de loi de finances pour 2013

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par Christian Guichard, Associé, Co-responsable du département Droit fiscal du cabinet Lamy Lexel à Lyon

le 17 Octobre 2012

C'est en Conseil des ministres, le 28 septembre 2012 (date "butoir" de la rétroactivité éventuelle des mesures qui vont suivre) que le projet de loi de finances pour 2013 a été dévoilé. De nombreuses dispositions alourdissent la fiscalité pesant sur les particuliers comme sur les entreprises. L'incidence de ces mesures est d'autant plus défavorable aux particuliers, en termes de trésorerie, que plusieurs d'entre elles sont prévues pour être appliquées aux revenus 2012, de manière rétroactive. Par ailleurs, la mise à contribution des grandes entreprises, ainsi que la lutte contre l'abus de droit fiscal et l'évasion fiscale sont à nouveau prônées par ce projet. Nous vous présentons ici les principaux aspects du projet, qui sera débattu dans les prochaines semaines devant le Parlement, pour une adoption définitive prévue fin décembre... I - L'impôt sur le revenu

A - Création d'une tranche supplémentaire à 45 %

Le barème d'imposition des revenus 2012 (CGI, art. 197 N° Lexbase : L0511IPM) serait doté d'une nouvelle tranche d'imposition à 45 %, pour la fraction des revenus supérieure à 150 000 euros par part de quotient familial.

La mesure s'appliquerait à compter de l'imposition des revenus de l'année 2012, et concernerait environ 50 000 contribuables.

B - Instauration d'une contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus d'activité

La contribution de 3 à 4 % sur la fraction du revenu excédant 250 000 ou 500 000 euros, instaurée en 2011, sera maintenue pour l'imposition des revenus 2012 (CGI, art. 223 sexies N° Lexbase : L1152ITT). Elle serait complétée, s'agissant uniquement des revenus d'activité, par une contribution de 18 %, assise sur ces seuls revenus, pour la part excédant un million d'euros par bénéficiaire.

Ainsi, en intégrant l'augmentation du barème (nouvelle tranche marginale de 45 %), la contribution sur les hauts revenus (4 %), les prélèvements sociaux de 8 % sur les revenus d'activité et cette nouvelle contribution de 18 %, la fraction des revenus d'activité excédant 1 million d'euros serait, de facto, taxée 75 %.

Cette mesure touchera environ 1 500 personnes, qui subiront une hausse d'impôt moyenne de 140 000 euros environ.

Le Gouvernement souligne le caractère exceptionnel de cette mesure, qui ne s'appliquerait qu'au titre des revenus des années 2012 et 2013.

Le gain budgétaire attendu est estimé à 210 millions d'euros par an.

C - Imposition au barème progressif de l'impôt sur le revenu des plus-values mobilières

L'intégration à la progressivité des revenus du capital était l'un des sujets de la campagne de François Hollande. Il réalise cette idée avec cette mesure, qui prévoit que les plus-values mobilières réalisées en 2012, qui auraient dû faire l'objet d'une taxation forfaitaire au taux de 19 % pour les produits de placement à revenu fixe (CGI, art. 119 bis N° Lexbase : L9414ITT), seraient incluses au barème progressif de l'impôt. Il s'agit des gains réalisés à l'occasion des opérations suivantes :
- la cession des valeurs mobilières ;
- la cession ou le rachat de droits sociaux ;
- la cession ou le rachat de titres d'OPCVM de capitalisation ou de distribution ;
- la cession de parts de sociétés de personnes soumises à l'impôt sur le revenu pour les contribuables qui n'exercent pas d'activité professionnelle non salariée dans la société ;
- la cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière soumises à l'impôt sur les sociétés acquis à compter du 21 novembre 2003 ;
- la cession de parts de sociétés de capital risque réalisée par des résidents de France.

En tenant compte de l'augmentation du barème le taux effectif de taxation des plus-values pourrait donc être de 60,5 % (45 % au titre de l'impôt et 15,5 % au titre des contributions sociales) outre le cas échéant application de la contribution sur les hauts revenus (soit potentiellement 64,5 %).

S'agissant des personnes quittant le territoire français et devant liquider une "exit tax" (CGI, art. 167 bis N° Lexbase : L1163ITA) à ce titre, l'imposition au taux proportionnel de 19 % s'appliquera si l'installation a eu lieu au plus tard le 27 septembre 2012.

En revanche, pour les personnes quittant le territoire français à compter du 28 septembre 2012, l'"exit tax" sera liquidée non pas au taux de 19 %, mais en fonction du barème progressif de l'impôt 2012.

Deux atténuations sont prévues par :
- l'application d'un système de quotient ;
- la mise en place d'un abattement proportionnel progressif en fonction de la durée de détention (avec un maximum de 40 %).

La portée de ce mécanisme est néanmoins nuancée dans le projet de loi :
- la durée de détention est décomptée à partir du 1er janvier 2013 pour les titres acquis avant cette date ;
- le montant maximum de l'abattement est de 40 % après douze ans de détention.

Devant la forte levée de bouclier des organisations patronales et des professionnels, le ministre de l'Economie et des Finances, relayé par Jérôme Cahuzac, ont annoncé le 8 octobre au matin que ce ne seraient plus seulement les créateurs d'entreprise, mais tous les actionnaires, créateurs, investisseurs ou dirigeants, qui resteraient soumis au régime actuel du taux proportionnel de 19 %, à la condition qu'il soient détenteurs d'une part "significative" du capital (10, 15, 25 % ?), depuis suffisamment longtemps (2 à 5 ans ?) (Source : Les Echos).

Par ailleurs, le régime d'exonération des plus-values réalisées à l'occasion du départ en retraite des dirigeants de PME serait maintenu et prorogé jusqu'au 31 décembre 2017.

D - Suppression de l'option pour le prélèvement libératoire sur les dividendes et intérêts 2012

Les dividendes et produits de placements à revenus fixes (intérêts), bénéficient d'une option possible pour le prélèvement libératoire (21 % et 24 % ; CGI, art. 117 quater N° Lexbase : L5694IRC ; CGI, art. 125 A N° Lexbase : L5692IRA).

Dès 2012, et selon le projet de loi de finances pour 2013, ces revenus seraient imposés au barème de l'IR, nonobstant les options déjà formulées par les contribuables pour le prélèvement libératoire. Le prélèvement forfaitaire versé en 2012 tiendrait lieu d'acompte à valoir sur l'imposition supplémentaire à payer en 2013.

Ainsi, en dépit d'une option pour le PFL exercée en 2012, qui aurait dû être libératoire de l'impôt, un complément d'imposition devrait être acquitté, pouvant aller jusqu'à 6 % du montant du dividende perçu (soit 45 % x 60 % - 21 %), outre contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (4 % maximum).

Par ailleurs, l'abattement fixe de 1 025 euros (ou 3 050 euros) sur les dividendes serait supprimé à compter du 1er janvier 2012. A l'inverse, le taux de CSG déductible diminuerait, passant de 5,8 % à 5,1 %.

Pour 2013, un système de prélèvement à la source obligatoire non libératoire serait mis en place, le montant prélevé constituant un acompte à valoir sur l'imposition calculée en fonction du barème.

Le Gouvernement estime les recettes supplémentaires à 2 milliards d'euros pour 2013, puis 400 millions d'euros à compter de 2014.

Le montant de la cotisation d'impôt sur ces produits devrait baisser pour environ 4,5 millions de contribuables, tandis qu'elle serait plus élevée pour 4 millions de contribuables au titre des revenus 2012 et pour 1 million de contribuables supplémentaires au titre des revenus 2013.

E - Plus-values immobilières

La volonté de François Hollande est d'atteindre un objectif de construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Pour ce faire, diverses mesures sont proposées par le projet de loi de finances pour 2013, destinées à créer, à court terme un "choc d'offre", puis à fluidifier durablement le marché immobilier.

Ces mesures sont résumées dans les deux tableaux suivants :

BIENS IMMOBILIERS AUTRES QUE LES TERRAINS A BÂTIR
Régime actuel Du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013 A partir du 1er janvier 2014
Abattement pour durée de détention (CGI, art. 150 VC) Oui Oui Oui
Imposition au taux proportionnel de 19 % (CGI, art. 200 B) Oui Oui Oui
Exonération de la plus-value sur résidence principale Oui Oui Oui
Création d'un abattement exceptionnel de 20 % applicable après pris en compte de l'abattement de droit commun pour durée de détention
Sur l'imposition au taux proportionnel Oui
Sur les prélèvements sociaux Non
Exemples pour une plus-value de 500 000 euros Impôt au taux de 19 % + Prélèvements sociaux (15,5 %) Impôt au taux de 19 % + Prélèvements sociaux (15,5 %) Impôt au taux de 19 % + Prélèvements sociaux (15,5 %)
Détention depuis 15 ans 141 450 euros 125 870 euros 141 450 euros
Impôt sur le revenu 77 900 euros 62 320 euros (500 000 X 0,18 X 0 .8 X 0,41) 77 900 euros
Prélèvements sociaux 63 550 euros 63 550 euros 63 550 euros
Détention depuis 31 ans Exonération Exonération Exonération
Résidence principale Exonération Exonération Exonération
TERRAINS A BÂTIR
Régime actuel Régime transitoire (2013) si une promesse de vente a acquis date certaine avant le 1er janvier 2013 A partir du 1er janvier 2013 A partir du 1er janvier 2015
Définition Sont considérés comme des terrains à bâtir, les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d'un plan local d'urbanisme, d'un autre document d'urbanisme en tenant lieu, d'une carte communale ou de l'article L. 111-1-2 du Code de l'urbanisme (CGI, art. 257, I, 2, 1°)
Abattement progressif pour durée de détention (CGI, art. 150 VC) Oui Oui Non Non
Imposition au taux proportionnel de 19 % (CGI, art. 200 B) Oui Oui Oui Non

Imposition au barème progressif de l'IR

Exemples pour une plus-value de 500 000 euros Impôt au taux de 19 % + Prélèvements sociaux (15,5 %) Impôt au taux de 19 % + Prélèvements sociaux (15,5 %) Impôt au taux de 19 % + Prélèvements sociaux (15,5 %) Impôt au barème taux IR de 41 % (taux marginal retenu ici pour l'exemple) + Prélèvements sociaux (15,5 %)
Détention depuis 15 ans 141 450 euros 141 450 euros 172 500 euros 282 500 euros
Détention depuis 31 ans Exonération Exonération 172 500 euros 282 500 euros

II - Impôt de solidarité sur la fortune

Le Gouvernement Hollande, prévoit de rétablir l'ISF tel qu'il existait avant la réforme instituée par la troisième loi de finances rectificative pour 2012, du 29 juillet 2012 (loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, de finances rectificative pour 2011 N° Lexbase : L0278IRQ ; CGI, art. 885 U N° Lexbase : L8949IQI).

Ce rétablissement n'est, toutefois, pas parfait. Ainsi, le seuil de déclenchement serait fixé à 1 310 000 euros, et non à 800 000 euros comme c'était le cas avant la réforme. Toutefois, en cas de dépassement de ce seuil, la fraction du patrimoine comprise entre 800 000 euros et 1 310 000 euros serait taxable.

Le barème serait le suivant :

Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine (FNT) Barème
Inférieur à 800 000 euros 0 %
Entre 800 000 euros et 1 310 000 euros 0,5 %
Entre 1 310 000 euros et 2 570 000 euros 0,7 %
Entre 2 570 000 euros et 5 000 000 d'euros 1 %
Entre 5 000 000 d'euros et 10 000 000 d'euros 1,25 %
Supérieur à 10 000 000 d'euros 1,5 %

Un mécanisme de décote lisserait l'entrée dans l'imposition pour les contribuables dont le patrimoine taxable est compris entre 1,31 et 1,41 million d'euros.

Enfin, un mécanisme de plafonnement est rétabli, au taux de 75 % des revenus.

Les revenus pris en compte au titre du plafonnement de l'ISF sont étendus aux revenus capitalisés... Cette notion de revenus capitalisés demeure à ce stade mal définie : il pourrait s'agir des produits d'assurance vie (dont le montant des rachats réalisés au cours de l'année) et des revenus non distribués de sociétés dans lesquelles le contribuable détient des participations.

Le rendement attendu de cette mesure serait de un milliard d'euros à compter de 2013.

III - Impôt sur les sociétés

A - Limitation de la déduction des charges financières des entreprises

La part déductible des charges financières serait limitée à 85 % pour les exercices 2012 et 2013 et serait ramenée à 75 % pour les exercices à compter de 2014 (CGI, art. 209 N° Lexbase : L9518ITP).

En l'état actuel du projet, ce dispositif ne s'appliquerait pas lorsque le montant total des charges financières nettes est inférieur à 3 millions d'euros.

S'agissant des sociétés membres d'un groupe fiscalement intégré, la mesure de plafonnement s'appliquerait aux seules charges financières nettes qui résultent d'opérations réalisées avec des sociétés hors du groupe.

Le Gouvernement estime que le régime de la déductibilité des intérêts d'emprunt en France est trop permissif en comparaison de celui des autres Etats membres de l'Union européenne, en autorisant l'entière déduction des charges financières.

B - Plus-value de cession de titres de participation

La quote-part de frais et charge sur cession de titres de participation détenus depuis plus de deux ans, (actuellement fixée à 10 % et imposable au taux de droit commun de l'IS ; CGI, art. 219, I, a quinquies N° Lexbase : L9520ITR) verrait ses modalités de calcul modifiées.

Elle serait calculée sur le montant brut des plus-values et non plus sur le montant net. Il n'y aurait donc plus de prise en compte des moins-values à long terme subies au titre du même exercice.

En l'absence de précision quant à sa date d'entrée en vigueur, cette mesure devrait s'appliquer aux plus-values réalisées au cours des exercices clos à compter du 31 décembre 2012.

IV - Mesures diverses

Le Gouvernement a proposé d'autres mesures, moins "médiatisées", dont les suivantes :

  • la création d'un dispositif visant à inciter aux investissements immobiliers locatifs (reprenant en les durcissant les conditions du "Scellier") ;
  • la modification du régime des acomptes d'impôt sur les sociétés applicables aux grandes entreprises ;
  • la taxation des sommes placées en réserve de capitalisation des entreprises d'assurances ;
  • le renforcement de la taxe sur les logements vacants ;
  • la systématisation de la majoration de la valeur locative cadastrale des terrains devenus constructibles ;
  • le renforcement de la TGAP ;
  • la prorogation et durcissement du malus automobile ;
  • le renforcement de la taxe sur les friches commerciales ;
  • l'élargissement du crédit d'impôt recherche à certaines dépenses en aval de la recherche proprement dite.

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