Lexbase Affaires n°50 du 5 décembre 2002 : Contrats et obligations

[Jurisprudence] La Cour de cassation confirme un certain nombre de solutions tenant au régime de la loi du 5 juillet 1985

Réf. : Cass. civ. 2ème, 14 novembre 2002, n° 00-20.594 (N° Lexbase : A7136A3P) et Cass. civ. 2ème, 14 novembre 2002, n° 00-19.028 (N° Lexbase : A7123A39)

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

le 01 Octobre 2012

Les deux arrêts rapportés, rendus le 14 novembre 2002 par la première chambre civile de la Cour de cassation, permettent de revenir sur deux questions, à l'origine d'un important contentieux, tenant au régime de la loi du 5 juillet 1985 (N° Lexbase : L7887AG9) en matière d'accidents de la circulation. Il s'agit, pour ce qui est des conditions de mise en oeuvre de la loi, d'étudier l'exigence relative à l'implication d'un véhicule terrestre à moteur dans une accident de la circulation, et, pour ce qui est de l'exonération, au moins partielle, de l'auteur du dommage, de voir l'incidence de la faute du conducteur sur la victime. Ce sont donc les dispositions des articles 1er et 4 de la loi qui étaient, ici, discutées. Dans la première espèce en effet, le conducteur d'une motocyclette avait chuté en traversant à un carrefour alors que, concomitamment, un véhicule, qui venait de face, avait démarré précipitamment sans attendre le "passage au vert" du feu de signalisation. Le motocycliste a assigné le conducteur dudit véhicule. Or, pour le débouter de sa demande, les juges du fond avaient relevé que le rôle causal du véhicule n'était pas démontré puisqu'il n'y avait pas eu de choc avec la moto. Cette décision est cassée, au visa de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelant, sous la forme d'un attendu de principe placé en tête de l'arrêt, "qu'est impliqué, au sens de ce texte, tout véhicule qui est intervenu, à quelque titre que ce soit, dans la survenance d'un accident".

La solution s'inscrit parfaitement dans la logique même de la loi, et plus précisément, dans la perception que se fait la jurisprudence de la notion d'implication. L'arrêt vient en effet confirmer qu'un véhicule est impliqué dans un accident de la circulation dès lors qu'il est intervenu d'une manière ou d'une autre dans cet accident (Cass . civ. 2ème, 28 février 1990, n° 88-20.133 (N° Lexbase : A4104AHH ), D. 1991, J., p. 123, note J.-L. Aubert; 24 juin 1998, n° 96-20.575, (N° Lexbase : A5143ACH). On sait, du reste, que la jurisprudence a admis que la loi du 5 juillet 1985 était applicable aux accidents de la circulation dans lesquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur, que celui-ci soit en mouvement ou en stationnement (Cass. civ. 2ème, 21 octobre 1987, n° 86-15.205, N° Lexbase : A6596AXL ; 23 mars 1994, D. 1994, J., p. 229, note Groutel). Bien sûr, la difficulté aurait pu venir, en l'espèce, de ce que la victime n'a pas été heurtée. Cependant, il est aujourd'hui acquis, on le sait, que l'absence de contact n'exclut pas nécessairement l'implication : il en va par exemple ainsi si le cyclomotoriste a été surpris par l'arrivée d'un camion qu'il n'avait pas remarqué, ce qui aurait provoqué une réaction violente de sa part le déséquilibrant et le jetant à terre (Cass. civ. 2ème, 14 décembre 1987, Gaz . Pal. 1988, 1, 428). Il n'y a donc rien de surprenant à ce qu'il soit, en l'espèce, décidé qu'il y a bien implication. Cette solution s'explique par la finalité de la loi qui consiste, faut-il le rappeler, dans l'amélioration de la situation des victimes. Or, par hypothèse, la réalisation de cet objectif, inscrit dans l'intitulé même de la loi, passe ici par une acception large de la notion d'implication.

Il est vrai que ces solutions, compréhensibles d'un point de vue purement théorique ou intellectuel, peuvent, en pratique, susciter la controverse. Mais ce serait oublier que, s'agissant de la notion d'implication, il est seulement question de décider de la mise en oeuvre ou non de la loi, sans préjuger de l'existence et/ou de l'étendue de la réparation allouée à la victime. Sur ce terrain, il convient en effet, du moins lorsque la victime a la qualité de conducteur, de tenir compte de sa faute éventuelle, l'article 4 de la loi disposant en effet que "la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis". Telle est précisément la question débattue dans le second arrêt rapporté.

Dans la seconde espèce en effet, un véhicule avait heurté un cyclomotoriste circulant sur un chemin départemental, de nuit, sans éclairage, alors qu'il transportait un passager. Les juges du fond avaient, pour condamner le conducteur du véhicule à l'origine du dommage et son assureur, à la réparation du préjudice souffert par la victime, et après pourtant avoir retenu que "le cyclomotoriste avait commis une faute en circulant de nuit sur un engin dépourvu d'éclairage et en ayant un passager arrière, alors que son cyclomoteur était inadapté et que ce transport d'une personne âgée de plus de 14 ans est réprimé pénalement", considéré que "cette faute n'est pas exclusive de nature à exonérer l'automobiliste de son obligation d'indemnisation puisque celui-ci devait prévoir les obstacles pouvant gêner sa progression ".

L'arrêt d'appel est cassé, au visa des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, la haute juridiction énonçant "qu'en statuant ainsi, alors que la faute de la victime ayant contribué à la réalisation de son préjudice doit être appréciée en faisant abstraction du comportement de l'autre conducteur impliqué dans l'accident, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Autrement dit, selon la Cour de cassation, la faute de la victime doit être appréciée en tant que telle, sans qu'interfèrent des considérations tenant au comportement du conducteur auteur du dommage. Or, en l'espèce, il est manifeste que la victime avait commis une faute qui devait, logiquement, conformément à l'article 4 de la loi, venir limiter ou exclure son indemnisation. Il eût été, en effet, hautement contestable d'exiger de l'auteur du dommage une vigilance dépassant celle que l'on peut raisonnablement attendre d'un conducteur et qui s'expliquerait par la volonté de couvrir l'évidente légèreté - d'aucuns diront inconscience - de la victime, du moins lorsqu'elle a la qualité de conducteur (sur la différence de traitement des conducteurs et des non-conducteurs victimes d'accident de la circulation, voir not. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 8ème éd., 2002, n° 929 et s.).

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