La lettre juridique n°863 du 29 avril 2021 : Fiscalité des particuliers

[Focus] Le sempiternel casse-tête de la déductibilité des dépenses engagées au titre de travaux effectués par les propriétaires bailleurs

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par Virginie Pradel, Fiscaliste

le 28 Avril 2021


Mots-clés : dépenses pour travaux • déductibilité • propriétaires bailleurs • impôt sur le revenu

Les dépenses engagées au titre de certaines catégories de travaux (I) peuvent, sous certaines conditions, être déduites par les propriétaires bailleurs de leurs revenus (II). Compte tenu de l’impact potentiellement astronomique pour les finances publiques d’une telle déductibilité (selon l’Insee, les travaux effectués par les propriétaires ont représenté plus de 50 milliards d’euros en 2018 [1]), celle-ci est strictement encadrée… et contrôlée.

Eu égard au nombre très important de litiges avec l’administration fiscale au sujet de la déductibilité des dépenses pour travaux, il est nécessaire pour les propriétaires bailleurs de bien analyser en amont les dépenses déductibles de celles qui ne le sont pas.

Cet article a justement vocation à rappeler les principales règles applicables en matière de déductibilité des dépenses engagées au titre de travaux effectués par les propriétaires bailleurs.


 

Un constat malheureux s’impose : ces règles se révèlent particulièrement complexes comme le révèle l’article 31 du Code général des impôts (N° Lexbase : L6165LUU), relatif aux charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net. Ce dernier est l’un des articles les plus longs du Code général des impôts (12 pages), l’un des plus souvent modifiés (plus de 50 fois depuis 1979) et aussi l’un de ceux générant le plus de questions des contribuables au moment de leur déclaration d’impôt sur le revenu.

Pour rappel, l’administration fiscale peut contester la déductibilité des dépenses engagées au titre de travaux par le biais d’une proposition de rectification notifiée au contribuable jusqu’au 31 décembre de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due [2], soit le 31 décembre N+3. Exceptionnellement, pour les travaux effectués en 2017 et déclarés en 2018, l’administration fiscale peut opérer des rehaussements d’imposition jusqu’au 14 juin 2021 [3].

I - Les différentes catégories de travaux

Le législateur, la jurisprudence et la doctrine administrative distinguent trois grandes catégories de travaux :

  • les travaux d’entretien et de réparation ;
  • les travaux d’amélioration ;
  • les travaux de (re) construction et d’agrandissement.

📌 Les travaux d’entretien et de réparation

Les travaux d’entretien s’apparentent généralement aux travaux de maintien en l’état de l’immeuble [4].

Ont notamment été considérés comme des travaux d’entretien :

  • le traitement des bois contre les insectes xylophages tels que les termites ou les capricornes [5] ;
  • les dépenses de recherche et d’analyse de la nocivité de l’amiante [6] ;
  • d’autres dépenses de recherches et d’analyse rendues obligatoires par la réglementation telles que les diagnostics relatifs aux risques d’exposition au plomb, à la sécurité des installations intérieures de gaz et d’électricité, à la performance énergétique ou à l’information des acquéreurs et locataires sur les risques naturels et technologiques majeurs [7].

Les travaux de réparation sont ceux dépassant les opérations courantes d’entretien et qui consistent en la remise en état, la réfection ou le remplacement d’équipements essentiels pour maintenir l’immeuble en mesure d’être utilisé conformément à sa destination [8].

Ont notamment été considérés comme des travaux de réparation :

  • la remise en état du gros œuvre (toiture, façades, etc.), des canalisations ou de l’installation électrique [9] ;
  • la remise en état de l’installation de chauffage central (remplacement de canalisations et d’éléments de radiateurs) [10] ;
  • la remise en état du mur d’une propriété [11] ;
  • les travaux de réparation des plafonds, des planchers et de l’escalier et les travaux de réfection des enduits extérieurs [12] ;
  • les travaux de remise en état de la toiture de l’immeuble, ravalement et crépissage des murs et réfection des peintures extérieures [13]

📌 Les travaux d’amélioration

Les travaux d’amélioration sont ceux qui ont pour objet d’apporter à un immeuble un équipement ou un élément de confort nouveau ou mieux adapté aux conditions modernes de vie, sans modifier cependant la structure de cet immeuble. Il peut s’agir d’apporter à un local d’habitation un équipement ou un élément de confort nouveau ou mieux adapté aux conditions modernes de vie, sans modifier la structure de l’immeuble, l’installation initiale ou le remplacement par un équipement mieux adapté aux conditions modernes de vie : du chauffage central ; d’une salle d’eau ; d’une cuisine ; du tout-à-l’égout ; d’un ascenseur ; d’une antenne collective de télévision [14].

Ont notamment été considérés comme des travaux d’amélioration :

  • l’installation d’une porte automatique d’ascenseur dans le cadre de dépenses occasionnées par la mise en conformité aux normes réglementaires de sécurité[15] ;
  • les dépenses d’enlèvement, de fixation et d’encoffrement des matériaux contenant de l’amiante [16] ;
  • l’agrandissement des fenêtres et la pose de persiennes [17] ;
  • la réfection de l’installation électrique et l’aménagement de nouvelles installations sanitaires sans accroissement du volume et de la surface habitable [18] ;
  • la réparation de la toiture d’un bâtiment, par remplacement d’une partie de la charpente, le ravalement de sa façade, l’ajout de balcons en fer forgé, la pose de dalles ainsi que la consolidation ou le changement des cloisons intérieures de manière à aménager des appartements dans les volumes existants [19] ;
  • la pose de sanitaires, l’installation de salles d’eau, la réfection de la peinture et de la plomberie, de manière à aménager des appartements dans les volumes existants [20].
Précision : lorsque les dépenses de réparation et d’entretien s’accompagnent de l’adjonction d’éléments ou d’équipements nouveaux, l’ensemble de cette opération présente le caractère de dépenses d’amélioration.

📌 Les travaux de construction, reconstruction ou d’agrandissement

Les travaux de construction, reconstruction ou d’agrandissement s’entendent notamment de ceux qui ont pour effet d’apporter une modification importante au gros œuvre de locaux existants, des travaux d’aménagement interne qui par leur importance équivalent à une reconstruction ou encore de ceux qui ont pour effet d’accroître le volume ou la surface habitable de locaux existants [21].

Ainsi, sont notamment considérés comme des travaux de construction, de reconstruction ou d’agrandissement, les travaux :

  • de démolition totale ou partielle d’un immeuble en vue de sa reconstruction ;
  • de reconstruction d’un immeuble démoli ou de modifications importantes apportées au gros œuvre de locaux existants ;
  • d’aménagement interne qui par leur importance équivalent à une reconstruction (reconstruction complète après démolition intérieure d’une unité d’habitation suivie de la création d’aménagements neufs…). Les travaux correspondant à une restructuration complète après démolition intérieure d’une unité d’habitation, suivie de la création d’aménagements neufs doivent être considérés comme des dépenses de construction, reconstruction et agrandissement.

La frontière entre les différentes catégories de travaux susmentionnées peut se révéler ténue. Il peut en particulier s’avérer difficile de distinguer clairement certains travaux de construction, de reconstruction ou d’agrandissement de travaux d’amélioration. Pour cela, il faut prendre en considération essentiellement la nature et l’importance des travaux effectués plutôt que le coût de ceux-ci. Le contribuable doit procéder à l’examen dans le détail des travaux effectués à l’aide de tous renseignements utiles (devis, mémoires et factures établis par les entrepreneurs, rapports et plans d’architecte avant et après les travaux, etc.) et à la lumière des décisions de jurisprudence rendues en la matière.

Précision : les travaux qui ont pour effet de permettre l’aménagement de locaux d’habitation dans des locaux affectés auparavant à un autre usage sont en principe assimilés à des travaux de construction ou de reconstruction [22].

II - Les règles de déductibilité

Plusieurs critères permettent de déterminer si le montant des travaux réalisés est ou non déductible :

  • la nature de la dépense : dépenses de réparation, d’entretien, d’amélioration, de (re) construction, ou d’agrandissement ;
  • la nature de la propriété : travaux réalisés sur une propriété urbaine ou rurale ;
  • l’affectation de l’immeuble : travaux réalisés sur un immeuble à usage d’habitation ou sur un immeuble affecté à un autre usage ;
  • le caractère récupérable ou non récupérable de la dépense sur le locataire ;
  • l’application d’avantages fiscaux particuliers : travaux réalisés sur un logement pour lesquels le contribuable a opté pour l’une des déductions au titre de l’amortissement ou pour lesquels il a demandé le bénéfice d’une réduction d’impôt.

📌 Les travaux de réparation et d’entretien relatifs à des immeubles donnés en location pour la détermination du revenu net des propriétés urbaines ou rurales sont déductibles.

Les travaux réalisés par le propriétaire au titre des réparations locatives ne sont pas déductibles [23]. Il existe toutefois trois exceptions :

  • les travaux occasionnés par la vétusté ou la force majeure ;
  • les travaux engagés en vue de faciliter la location ;
  • les dépenses récupérables sur le locataire non récupérées.

Par ailleurs, ne sont pas admises en déduction au titre des dépenses de réparation et d’entretien, les dépenses indissociables de dépenses d’amélioration qui ne seraient pas déductibles en tant que telles ou d’opérations de construction, reconstruction ou agrandissement dont elles ne constituent que l’accessoire.

📌 Les dépenses d’amélioration effectuées sur les immeubles donnés en location sont en principe des dépenses d’investissement non déductibles. Sont cependant déductibles vertu de l’article 31 du CGI :

  • les travaux réalisés sur des locaux d’habitation ;
  • les travaux réalisés sur des locaux professionnels et commerciaux, pour les seules dépenses d’amélioration destinées à faciliter l’accueil des personnes handicapées ou destinées à protéger les locaux de l’amiante ;
  • les travaux sur des propriétés rurales. Ainsi sont admises en déduction les dépenses d’amélioration afférentes aux propriétés bâties dès lors qu’elles sont considérées comme non rentables [24] ainsi que l’ensemble des dépenses d’amélioration afférentes aux propriétés non bâties [25].

📌 Les travaux de construction, reconstruction ou d’agrandissement d’un immeuble ne sont, en principe, pas déductibles.

Il existe toutefois deux exceptions :

  • pour les travaux engagés pour la construction d’un nouveau bâtiment d’exploitation rurale, destiné à remplacer un bâtiment de même nature, vétuste ou inadapté aux techniques modernes de l’agriculture, à condition que la construction nouvelle n’entraîne pas une augmentation du fermage ;
  • pour les travaux réalisés par le propriétaire (ou l’associé de la société propriétaire) ayant opté pour le dispositif « Périssol », « Besson neuf » ou « Robien », sous réserve de respecter certaines conditions.

Précision : le déficit foncier qui résulte des dépenses pour travaux déductibles autres que les intérêts d’emprunt est déductible du revenu global, sous certaines conditions, dans la limite annuelle de 10 700 euros [26]. Cette limite est portée à 15 300 euros lorsqu’un déficit est constaté sur un logement pour lequel a été pratiquée la déduction au titre du dispositif « Périssol ».

Si le revenu global du contribuable est insuffisant pour absorber le déficit foncier imputable, dans la limite de 10 700 euros, un déficit global est constitué et est imputable dans les conditions de droit commun sur les revenus globaux des six années suivantes

La fraction du déficit qui dépasse la limitte anuelle ou qui résulte des intérêts d’emprunt est imputable exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes. Cet excédent ne peut pas augmenter les déficits fonciers des années suivantes imputables sur le revenu global.

 

[1] Insee, Tableau de l’économie française, édition 2020.

[2] LPF, art. L. 169 (N° Lexbase : L6005LMD).

[3] BOI-DJC-COVID19-20.

[4] BOI-RFPI-BASE-20-30-10, n° 10 (N° Lexbase : X6781ALQ).

[5] CE 7° et 8° ssr., 20 avril 1988, n° 86472 (N° Lexbase : A6698APR).

[6] QE n° 8 de M. Briand Philippe, JOANQ, 1er juillet 2002, réponse publ. 26 août 2002 p. 2932, 12ème législature (N° Lexbase : L0899BBW).

[7] QE n° 106891 de M. Hellier Pierre, JOANQ 17 octobre 2006, réponse publ. 12 décembre 2006, p. 12973, 12ème législature.

[8] BOI-RFPI-BASE-20-30-10, n° 10.

[9] CE Contentieux, 8 juillet 1992, n° 93366 (N° Lexbase : A1018AIK).

[10] CE Contentieux, 30 juin 1971, n° 74385 (N° Lexbase : A7660AYD).

[11] CE 8° et 9° ssr., 24 octobre 1969, n° 75706 (N° Lexbase : A6781B8N).

[12] CE Contentieux, 14 décembre 1977, n° 05010 (N° Lexbase : A7693AYL).

[13] CE Contentieux, 25 février 1976, n° 97398 (N° Lexbase : A7598AY3).

[14] BOI-RFPI-BASE-20-30-10, n° 70.

[15] Rép. min. n° 44474, JO AN, 16 sept. 1991, p. 3747, Calloud

[16] QE n° 8 de M. Briand Philippe, JOANQ, 1er juillet 2002, réponse publ. 26 août 2002 p. 2932, 12ème législature (N° Lexbase : L0899BBW).

[17] CE Contentieux, 17 décembre 1976, n° 92159 (N° Lexbase : A7605AYC).

[18] CE, 14 décembre 1977, n° 5010.

[19] CE Contentieux, 29 mars 1989, n° 91879 (N° Lexbase : A1046AQS) et CE 7° et 9° ssr., 29 mars 1989, n° 68330 (N° Lexbase : A1019AQS).

[20] CAA Nantes, 22 décembre 1993, n° 92NT00582 (N° Lexbase : A4410BHS).

[21] BOI-RFPI-BASE-20-30-10, n° 110.

[22] BOI-RFPI-BASE-20-30-10.

[23] BOI-RFPI-BASE-20-30-20, n° 20.

[24] CGI, art. 31, I-2°,c (N° Lexbase : L6165LUU).

[25] CGI, art. 31, I-2°,c quater.

[26] CGI, art. 156, I, 3° (N° Lexbase : L6953LZK).

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