La lettre juridique n°489 du 14 juin 2012 : Urbanisme

[Jurisprudence] Chronique de droit de l'urbanisme - Juin 2012

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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen

le 14 Juin 2012

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver cette semaine la chronique de droit de l'urbanisme d'Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen. Le premier arrêt évoqué précise les conditions de recevabilité des recours des particuliers contre les délibérations relatives à la modification des documents d'urbanisme (CAA Lyon, 1ère ch., n° 11LY00778, 22 mai 2012, mentionné aux tables du recueil Lebon). Le deuxième arrêt apporte, également, des précisions quant à la recevabilité des recours déposés par les collectivités locales à l'encontre de documents d'urbanisme et, notamment sur l'intérêt d'une commune lui donnant qualité pour demander l'annulation d'un permis de construire (CE 1° et 6° s-s-r., 22 mai 2012, n° 326367, mentionné aux tables du recueil Lebon). Enfin, la dernière décision commentée précise que la mention du sursis à statuer dans un certificat d'urbanisme est divisible du reste de ce dernier et, par suite, qu'elle est susceptible d'être discutée au contentieux (CE 9° et 10° s-s-r., 21 mai 2012, n° 323882, mentionné aux tables du recueil Lebon).
  • Conditions de recevabilité des recours des particuliers contre les délibérations relatives à la modification des documents d'urbanisme (CAA Lyon, 1ère ch., n° 11LY00778, 22 mai 2012, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1926IMB)

La cour administrative d'appel de Lyon, par la décision n° 11LY00778, a apporté deux intéressantes précisions sur le régime de la recevabilité des recours en matière d'urbanisme et sur la répartition des compétences entre le maire et le conseil municipal pour prescrire la modification d'un plan local d'urbanisme. L'arrêt, datant du 22 mai 2012, n'est pas encore définitif, mais il semble probable que les deux solutions retenues par la cour seraient confirmées par le juge de cassation dans le cas où ce dernier serait saisi d'un pourvoi. Il ressort de cet arrêt que l'intérêt à agir contre une modification du plan local d'urbanisme (PLU) n'est pas limité aux habitants de la commune et que le conseil municipal est seul compétent pour prescrire la modification d'un PLU.

1- La recevabilité du recours des particuliers

La seule qualité d'habitant d'une commune donne qualité pour agir contre n'importe quelle délibération du conseil municipal. Cette catégorie d'acte présente, le plus souvent, un caractère général, qui est censé concerner l'ensemble des habitants. Dans cette hypothèse, l'intérêt à agir est donc très largement entendu. Le Conseil d'Etat a, par exemple, admis la recevabilité de la requête d'un particulier dirigée contre une délibération relative au POS d'une commune, aux motifs que ce dernier, en tant qu'habitant de la commune, "justifie d'un intérêt suffisant lui conférant qualité pour demander l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération [...] du conseil municipal [...] décidant l'application anticipée de certaines dispositions du plan d'occupation des sols en cours de révision" (1).

La reconnaissance de l'intérêt à agir a été étendue à l'hypothèse dans laquelle la requête dirigée contre la délibération est présentée par un habitant d'une autre commune. Dans ce cas, la jurisprudence exige, implicitement ou non, des conditions supplémentaires, la seule qualité d'habitant ne pouvant plus suffire, à elle seule, à justifier la recevabilité du recours. Lorsqu'il s'agit d'une association, le cas ne présente pas de difficultés particulières, puisque l'intérêt pour agir de la personne morale est apprécié au regard des intérêts visés par les statuts et défendus par l'association. Une association dont l'objet social est constitué par la réflexion et le débat sur l'environnement et l'urbanisme dans une commune, ainsi que la protection et la défense, y compris devant toute juridiction, de ces deux domaines sur le territoire de cette commune et ses environs immédiats est, ainsi, recevable à contester une modification du POS intervenant sur la commune voisine (2).

Pour les personnes physiques, le Conseil d'Etat a admis la recevabilité de la requête d'un particulier dirigé contre l'arrêté préfectoral rendant public le POS de la commune voisine (3). L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon présente l'avantage d'expliciter très précisément les critères sur lesquels est fondée la reconnaissance de l'intérêt à agir d'un habitant d'une commune dans le cadre d'un recours dirigé contre une délibération prise par le conseil municipal de la commune voisine en matière d'urbanisme. La cour relève, d'une part, les spécificités des relations entre les deux collectivités, lesquelles justifient une appréciation globale des choix d'aménagement. Elle souligne que, "si la station de sports d'hiver de [la commune X] est située sur le territoire des communes [Y et Z], elle a d'emblée été conçue, au cours des années soixante, comme un ensemble homogène et constitue physiquement, du fait, notamment, des choix alors opérés en matière d'organisation de l'espace et de l'identité très marquée des partis architecturaux qui la caractérisent, une même entité urbaine". D'autre part, et en conséquence, elle admet la recevabilité de le requête déposée par l'habitant de l'une des communes contre une délibération du conseil de la commune voisine : "compte tenu de ces particularités, d'où résulte la nécessité d'harmoniser au mieux les documents d'urbanisme des deux communes concernées, les requérants, propriétaires d'appartements situés dans différents immeubles collectifs de la station de sports d'hiver de [la commune X], au voisinage de la partie supérieure du quartier dit Front-de-Neige' concerné par la modification litigieuse du plan local d'urbanisme de [la commune Z], qui vise à y permettre la réalisation d'une unité touristique nouvelle, justifient, à ce titre, d'un intérêt pour agir à l'encontre de la délibération du 4 février 2009, alors même que leurs propriétés sont situées sur le territoire de la commune [Y] et non sur celui de la commune [Z]".

Ce faisant, la cour se situe donc dans la ligne d'une jurisprudence ténue qu'elle vient utilement compléter.

2 - La compétence pour prescrire la modification d'un PLU

Avant la modification opérée par le décret n° 2001-260 du 27 mars 2001, modifiant le Code de l'urbanisme et le Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et relatif aux documents d'urbanisme (N° Lexbase : L3987ITT), le Code de l'urbanisme organisait très précisément la répartition des compétences entre le maire et le conseil municipal dans la procédure de modification du POS. L'article R. 123-34 de ce code (N° Lexbase : L7880ACT) disposait, en effet, que "l'initiative de la modification d'un plan d'occupation des sols en application du deuxième alinéa de l'article L. 123-4 (N° Lexbase : L7278ACK) appartient au maire ou au président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent. Le projet de modification est soumis à enquête publique, dans les formes définies à l'article R. 123-11 (N° Lexbase : L2923DZB), par le maire ou, le cas échéant, par le président de l'établissement public de coopération intercommunale. Le plan modifié est approuvé par délibération du conseil municipal ou, le cas échéant, de l'organe délibérant de l'établissement public". Cette disposition a été supprimée depuis lors, sans pour autant être remplacée.

La cour administrative d'appel de Lyon a donc procédé à une combinaison des textes en présence en s'appuyant tout autant sur les dispositions explicites que sur les silences de ces textes. Elle rappelle, tout d'abord, la compétence de principe du conseil municipal fixée par l'article L. 2121-29 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L8543AAN), selon lequel "le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune". Elle écarte, ensuite, les dispositions attribuant les compétences relatives à l'élaboration ou à la révision du PLU, en ce qu'elles constituent des procédures distinctes de la modification. Elle constate, enfin, l'absence de dispositions législatives expresses conférant au maire le pouvoir d'initiative en matière de modification, en particulier dans la longue liste des compétences prévues par l'article L. 2122-21 du même code (N° Lexbase : L9560DNE).

Au terme de ce raisonnement, la cour est tenue de conclure "qu'il n'appartient, dès lors, qu'au conseil municipal, investi d'une compétence générale en vertu des dispositions précitées de l'article L. 2121-29 dudit code, de prescrire la modification du plan local d'urbanisme". Appliquant cette règle incontestable aux faits de l'espèce, elle relève qu'il est "constant que le conseil municipal de [la commune Z] n'a voté aucune délibération à cet effet". Elle en déduit que "la délibération contestée est, dès lors, intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière et doit, par ce motif, être annulée".

On ne peut qu'approuver cette solution qui vient combler une lacune, la jurisprudence n'ayant pas eu à se prononcer sur cette question depuis l'abrogation de l'article R. 123-34 du Code de l'urbanisme survenue en 2001.

  • Conditions de recevabilité des recours déposés par les collectivités locales à l'encontre de documents d'urbanisme (CE 1° et 6° s-s-r., 22 mai 2012, n° 326367, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0894IM3)

L'arrêt rendu le 22 mai 2012 par le Conseil d'Etat rappelle les conditions de l'intérêt à agir d'une collectivité locale. Bien qu'il soit rendu en matière d'urbanisme et, plus particulièrement, à l'occasion de l'implantation d'éoliennes, la solution retenue par la Haute juridiction est, bien entendu, applicable à l'ensemble du contentieux administratif. En l'occurrence, le préfet de l'Aisne avait délivré un permis de construire portant sur six éoliennes et un poste de livraison. La cour administrative d'appel de Douai (4), confirmant le jugement de première instance (5), avait annulé ce permis. Le pétitionnaire s'était pourvu en cassation contre l'arrêt d'appel.

1- Les éoliennes et le permis de construire

La cour administrative d'appel avait annulé le permis de construire au motif de l'insuffisance de l'étude d'impact effectuée. Il n'est pas inutile de rappeler ici le cadre législatif qui entoure l'édification des éoliennes. La floraison de ces générateurs s'explique officiellement par le développement du recours aux énergies renouvelables. Officieusement, la raison de la multiplication de ces engins, que leurs défenseurs ne voudraient surtout pas voir dans leur champ de visibilité, réside évidemment dans des considérations financières. L'électricité produite par les éoliennes est achetée à un tarif excédant largement le coût de production, assurant, ainsi, à cet investissement une rentabilité outrancière. En 2006, le jeu du tarif de rachat et des dispositions fiscales donnait, pour un site moyennement venté, une rentabilité après impôts de 20 à 40 %, garantie sur quinze ans. La commission de régulation de l'électricité estimait déjà l'impact du programme de développement de l'éolien sur les charges de service public entre 1 à 2,5 milliards d'euros par an en 2015.

Les évolutions législatives et réglementaires successives ont progressivement restreint les avantages de la filière éolienne, sans pour autant supprimer son caractère attractif. L'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité (N° Lexbase : L4327A3N), modifié par la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005, de programme fixant les orientations de la politique énergétique (N° Lexbase : L5009HGM), a, par exemple, limité le bénéfice de l'obligation d'achat aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent implantées dans le périmètre d'une zone de développement de l'éolien (ZDE). Le mécanisme de l'obligation d'achat actuellement applicable a réduit la durée des contrats, ainsi que le taux de rentabilité de ces investissements qui demeurent, néanmoins, très attractifs dans le contexte financier actuel.

Le Code de l'urbanisme a, également, été modifié pour s'adapter à ces nouveaux moulins à vent. Les éoliennes dont la nacelle est située à moins de douze mètres de hauteur sont dispensées de toute formalité, sauf lorsqu'elles sont implantées en site inscrit ou sauvegardé, auquel cas elles sont soumises à déclaration. Dès lors que la nacelle dépasse les douze mètres, le permis de construire est obligatoire. Il faut, également, noter que, depuis le 13 juillet 2011, les éoliennes terrestres sont inscrites au régime des installations classées pour la protection de l'environnement. Lorsque la hauteur est inférieure à douze mètres, l'ouvrage est dispensé de toute formalité. Sont soumis à autorisation au titre des installations classées, les parcs comprenant au moins un mât d'une hauteur supérieure ou égale à cinquante mètres ou comprenant des générateurs d'une hauteur comprise entre douze et cinquante mètres et d'une puissance supérieure ou égale à vingt mégawatts. Les installations dont la hauteur des nacelles est comprise entre douze et cinquante mètres et dont le générateur est d'une puissance inférieure à vingt mégawatts sont soumises à déclaration "ICPE".

En l'espèce, la construction des éoliennes de la société requérante nécessitait la délivrance d'un permis de construire.

2- L'intérêt à agir des collectivités

De manière générale, il faut rappeler que l'intérêt à agir constitue l'une des conditions primordiales de la recevabilité des recours. Il est apprécié de manière traditionnellement assez libérale par les juridictions administratives qui exigent, néanmoins, un intérêt propre au requérant. Cette exigence du caractère personnel de l'intérêt fait obstacle à ce qu'une personne agisse pour une autre. C'est ainsi que la seule qualité d'habitant d'une commune ne suffit pas à conférer un intérêt à agir contre les permis de construire délivrés sur le territoire de celle-ci. Le Conseil d'Etat exige, de manière constante, que le requérant fasse état d'une proximité suffisante avec le projet autorisé (6).

Les recours des collectivités sont soumis à la même exigence. L'intérêt à agir est reconnu dès lors que le projet autorisé est réalisé sur son territoire. C'est le cas lorsque le permis de construire est délivré par l'Etat (7) ou en cas de retrait d'un tel permis (8). C'est, également, le cas lorsque la commune entend contester le refus d'autoriser une société à créer une grande surface commerciale sur son territoire (9).

A propos des autorisations délivrées sur le territoire d'une commune voisine, la collectivité doit établir qu'elle défend un intérêt qui lui est propre. Le Conseil d'Etat a, ainsi, implicitement admis l'intérêt à agir d'une commune pour contester un permis accordé à l'extension d'un équipement sportif dont la fréquentation était susceptible de provoquer des conséquences importantes pour l'auteur du recours en termes de circulation et de stationnement (10). De même, une commune dispose d'un intérêt à agir contre la révision du document d'urbanisme de la commune voisine prévoyant l'extension d'une zone industrielle (11).

L'arrêt du 22 mai 2012 se situe dans la lignée de cette jurisprudence tout en rappelant le critère d'appréciation de l'intérêt à agir. A ce sujet, la cour administrative d'appel avait estimé que, "si le projet de ferme éolienne est situé en dehors du territoire communal [...] il ressort des pièces du dossier que les éoliennes seraient visibles par les résidents de la commune". Elle en avait conclu qu'"eu égard à l'importance du projet, la commune [...] a intérêt à demander l'annulation de ce permis de construire". La cour s'était donc fondée exclusivement sur les caractéristiques du projet, dont l'importance le rendait visible par les habitants de la commune, pour en déduire que celle-ci était bien fondée à se porter à leur secours pour défendre leurs intérêts.

Très logiquement, le Conseil d'Etat a cassé cette appréciation erronée et assez surprenante. Le juge de cassation souligne "qu'en se référant ainsi au seul intérêt de ses résidents, sans caractériser en quoi l'intérêt propre de la collectivité était lésé par la décision que celle-ci attaquait, la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit". Ce faisant, il rappelle que l'intérêt à agir doit être apprécié au regard de la personne de l'auteur du recours. La commune constitue une personne morale qui dispose de compétences définies par la loi, et dont l'étendue détermine son intérêt à agir. L'intérêt de la commune ne se confond pas avec celui de ses habitants. Elle doit donc établir l'intérêt propre qui se trouve compromis par la décision qu'elle entend contester.

Or, en l'espèce, le seul intérêt invoqué est évidemment impossible à soulever par une personne morale qui ne peut être lésée par la vue d'éoliennes. Ce qui aurait pu constituer un intérêt pour un de ces habitants ne suffit pas à créer un intérêt pour la commune... Statuant au fond après cassation, le Conseil précise ce qui aurait permis la collectivité de respecter cette condition de recevabilité : la commune "se borne à faire état de l'atteinte que le projet litigieux porte à l'environnement visuel de ses habitants, sans se prévaloir d'une incidence sur sa situation ou sur les intérêts dont elle a la charge". L'intérêt à agir peut donc reposer sur une atteinte à ses compétences ou à sa situation propre. Mais la défense des intérêts de ses habitants, lorsqu'elle ne se traduit pas dans l'une de ses compétences, ne fait pas partie des objectifs pour lesquels la commune est recevable à déposer un recours contre une autorisation d'urbanisme délivrée sur le territoire d'une autre commune. Le Conseil d'Etat rejette donc le recours au fond comme irrecevable.

  • Sursis à statuer et certificat d'urbanisme (CE 9° et 10° s-s-r., 21 mai 2012, n° 323882, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0891IMX)

La vocation générale du certificat d'urbanisme est d'informer les particuliers sur les règles d'urbanisme applicables à un terrain. Depuis l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005, relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme (N° Lexbase : L4697HDC), le certificat d'urbanisme, indique, en fonction de la demande présentée, les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain. Le second type de certificat indique, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée, ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération et l'état des équipements publics existants ou prévus. L'arrêt du Conseil d'Etat du 21 mai 2012 vient apporter des précisions sur le caractère divisible de certaines mentions. Il faut, d'ailleurs, noter que la décision a été rendue à l'issue d'une procédure peu ordinaire. Un premier arrêt du 7 octobre 2010 (12) avait, en effet, refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 410-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3418HZM) et avait rejeté partiellement le pourvoi au titre de la procédure de filtrage. Il restait donc au Conseil à se prononcer sur le surplus des conclusions.

1- Certificat d'urbanisme et sursis à statuer

Le Conseil d'Etat expose, dans un premier temps, l'objet même du certificat d'urbanisme. Aux termes de l'article L. 410-1 du Code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à l'affaire (N° Lexbase : L7216ACA), c'est-à-dire avant l'ordonnance du 8 décembre 2005, "le certificat d'urbanisme indique les dispositions d'urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété et le régime des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus [...]". L'alinéa 5 du même article précisait que, "si la demande formulée en vue de réaliser l'opération projetée sur le terrain, notamment la demande de permis de construire prévue à l'article L. 421-1 (N° Lexbase : L3419HZN) est déposée dans le délai d'un an à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme et respecte les dispositions d'urbanisme mentionnées par ledit certificat, celles-ci ne peuvent être remises en cause. Il en est de même du régime des taxes et participations d'urbanisme, ainsi que des limitations administratives au droit de propriété applicables au terrain, à l'exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique". Ces dispositions devaient être combinées avec celles de l'article R. 410-16 du même code (N° Lexbase : L7443HZP), qui imposaient que le certificat fasse mention d'un éventuel sursis à statuer opposable à une demande d'autorisation portant sur le terrain.

La procédure du sursis à statuer est, pour sa part, prévue à l'article L. 111-7 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L6292HIU). Elle permet à l'auteur du document d'urbanisme de ne pas être lié par des demandes incompatibles avec les futures orientations du document. En cas d'élaboration ou de révision du plan local d'urbanisme, l'autorité peut, ainsi, opposer le sursis à statuer à toute demande d'autorisation lorsque celles-ci concernent "des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan".

Le Conseil d'Etat regroupe ces règles sous le droit à l'information des pétitionnaires. Il estime, en effet, "qu'il résulte de ces dispositions combinées qu'elles ont pour objet d'informer le pétitionnaire des règles d'urbanisme et des limitations administratives au droit de propriété applicables au terrain et de permettre à ce pétitionnaire de savoir qu'à compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, le sursis à statuer prévu par l'article R. 410-16 du même code est susceptible de lui être opposé". Ce droit à l'information est sanctionné par le juge. Il a, ainsi, été jugé que, faute de mentionner une possible opposition d'un sursis à statuer, un certificat d'urbanisme est illégal (13). Après avoir effectué ce rappel, le Conseil approfondit la question de la divisibilité des mentions du certificat d'urbanisme.

2 - Sursis à statuer et mentions susceptibles de recours

La jurisprudence a déjà apporté plusieurs précisions sur la nature des mentions des certificats d'urbanisme. L'enjeu est important car il s'agit de déterminer précisément les mentions qui sont divisibles du certificat et qui sont donc susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir de manière isolée, sans mettre en péril le certificat dans sa globalité. Le pétitionnaire peut, en effet, être satisfait de certaines mentions du certificat, tout en souhaitant déférer au juge de l'excès de pouvoir d'autres mentions. Il importe donc d'identifier les mentions divisibles.

Il en va ainsi des énonciations relatives à la desserte du terrain par le réseau public d'eau potable (14). Il en va de même de la participation financière qui peut être exigée de la part du bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme. A ce sujet, le Conseil d'Etat a jugé que "cette participation financière n'étant pas exigée dès la délivrance du certificat d'urbanisme, mais seulement au moment où une construction est entreprise, la disposition en cause ne fait pas grief et n'est pas susceptible d'être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir" (15). La question des certificats négatifs a fait l'objet d'une solution globale. A ce sujet, le Conseil considère qu'un certificat d'urbanisme négatif a pour objet unique d'indiquer au demandeur que l'opération qu'il envisage d'effectuer sur un terrain donné ne peut être réalisée. Il s'agit en conséquence "d'un acte indivisible". Dès lors, un certificat négatif reposant sur une disposition illégale du PLU relative au zonage est entaché d'une illégalité qui l'affecte dans sa totalité (16).

En revanche, la jurisprudence estime que certaines dispositions sont susceptibles de recours de manière isolée. Il s'agit, par exemple, de la mention d'un emplacement réservé (17). De même, il a été jugé que les énonciations d'un certificat déclarant l'inconstructibilité d'une partie d'un terrain du fait de sa pente étaient dissociables du reste de l'acte (18).

L'arrêt du 21 mai 2012 reconnaît un nouveau cas de mention divisible. Le Conseil d'Etat, après avoir rappelé que les dispositions applicables ont donc pour objet de garantir le droit à l'information des pétitionnaires énonce "que la mention du sursis à statuer dans un certificat d'urbanisme complète ainsi l'information du pétitionnaire tout en pouvant lui faire grief, dès lors qu'en cas de modification des documents d'urbanisme, le pétitionnaire est susceptible de perdre le bénéfice des règles applicables qu'est censé assurer le certificat d'urbanisme [...] ainsi, la mention dans un certificat d'urbanisme de la possibilité d'un sursis à statuer ultérieur est divisible du reste du certificat et susceptible d'être discutée au contentieux".

C'est donc parce que le sursis à statuer est de nature à priver finalement le certificat de toute validité, les règles garanties étant susceptibles d'être modifiées, que la mention du sursis est non seulement obligatoire dans l'acte mais, encore, qu'elle est divisible du reste du document et peut donc faire l'objet d'un recours autonome. Contrairement à ce qu'a jugé la cour administrative d'appel (19), l'effet potentiellement dévastateur du sursis sur les autres énonciations du certificat justifie que la mention puisse faire l'objet du recours. Le Conseil d'Etat reconnaît, ce faisant, une différence de nature entre la mention du sursis et les autres mentions du certificat, y compris celles que la jurisprudence a déjà considérées comme divisibles. En effet, le sursis fait, certes, partie intégrante du droit à l'information du pétitionnaire, mais le contenu même de cette mention est de nature à réduire à néant ladite information.

En l'occurrence, le certificat d'urbanisme positif délivré par le maire portait sur la possibilité de réaliser une opération de lotissement au vu des dispositions d'urbanisme alors applicables et mentionnait, également, qu'au vu du plan local d'urbanisme en cours d'élaboration, une demande ultérieure d'autorisation de lotir pourrait faire l'objet d'un sursis à statuer. Le Conseil d'Etat censure les deux erreurs de droit commises par la cour administrative d'appel. Celle-ci avait, en effet, jugé que la mention relative au sursis à statuer n'était pas divisible et en avait déduit, à tort, qu'elle ne pouvait donc faire l'objet d'une contestation au contentieux. Le Conseil d'Etat en conclut "qu'en jugeant que ces dernières énonciations du certificat d'urbanisme n'étaient pas divisibles de celles accordant un certificat d'urbanisme positif, alors qu'elles se fondaient sur des dispositions d'urbanisme différentes et avaient un autre objet, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit".

Le Conseil annule, ainsi, l'arrêt d'appel en ce qu'il a rejeté le recours dirigé contre la mention du sursis comme irrecevable et renvoie l'affaire au fond devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.


(1) CE 7 ° et 10° s-s-r., 14 novembre 1997, n° 159024, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5067ASH) ; CAA Lyon, 1ère ch., 10 décembre 2009, n° 08LY02350, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3693EQT).
(2) CAA Douai, 1ère ch., 1er octobre 2009, n° 08DA00422, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7155EMX).
(3) CE 2° et 6° s-s-r., 1er février 1989, n° 66700, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1827AQQ).
(4) CAA Douai, 1ère ch., 22 janvier 2009, n° 08DA00372, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5739EEB).
(5) TA Amiens, 31 décembre 2007, n° 0501460 (N° Lexbase : A4195D8U).
(6) CE 4° et 10° s-s-r., 25 mars 1981, n° 20227 et n°22837, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6581AKX).
(7) CE 1° et 4° s-s-r., 14 décembre 1981, n° 15498, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7293AKC).
(8) CE 3° et 5° s-s-r., 2 décembre 1991, n° 92598, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0605ART).
(9) CE 1° et 4° s-s-r., 12 novembre 1997, n° 151821, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5037ASD).
(10) CE 6° et 10° s-s-r., 17 juin 1987, n° 39073, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3349APQ).
(11) CE 1° et 4° s-s-r., 19 mars 1993, n° 119147, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8943AM8).
(12) CE 9° et 10° s-s-r., 7 octobre 2010, n° 323882, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3517GBU).
(13) CAA Lyon, 1ère ch., 28 février 1995, n° 93LY00316, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3505BGW), CAA Lyon, 3ème ch., 15 février 1994, n° 92LY01509, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0906BGN).
(14) CAA Marseille, 1ère ch., 13 janvier 2005, n° 99MA01586, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5211DG4).
(15) CE 7° et 10° s-s-r., 15 avril 1996, n° 145489, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8659ANZ).
(16) CE 4° s-s., 17 octobre 2007, n° 294964, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7920DYY).
(17) CE 9° et 10° s-s-r., 19 décembre 2007, n° 297148, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1543D3K).
(18) CAA Paris, 4ème ch., 7 février 1995, n° 94PA00829, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8514BHS).
(19) CAA Bordeaux, 5ème ch., 3 novembre 2008, n° 07BX00349, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0952IM9).

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