La lettre juridique n°848 du 17 décembre 2020 : Fiscalité internationale

[Brèves] Notion d’établissement stable en matière d’IS et de TVA : le Conseil d’État se prononce

Réf. : CE Plénière, 11 décembre 2020, n° 420174, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A652539K)

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[Brèves] Notion d’établissement stable en matière d’IS et de TVA : le Conseil d’État se prononce. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/62862104-breves-notion-detablissement-stable-en-matiere-dis-et-de-tva-le-conseil-detat-se-prononce
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par Marie-Claire Sgarra

le 16 Décembre 2020

Le Conseil d’État est venu apporter, dans un arrêt en date du 11 décembre 2020, des précisions sur la définition de l’établissement stable au sens de la convention franco-irlandaise et en matière de TVA le cadre juridique applicable.

Les faits. Une société irlandaise, détenue à 100 % par une société de droit américain, exerce une activité de marketing digital, en particulier en Europe, par l'intermédiaire de sociétés sœurs et notamment, en France.

La société irlandaise propose à ses clients des services dénommés « Media », « Marketing par affiliation » et « Technologies », un contrat de licence de droits de propriété intellectuelle conclu avec la société de droit américain l'autorisant à exploiter les droits relatifs à ces produits sur tous les marchés, hors Amérique du Nord. En exécution d'un contrat de prestation de services conclu entre les sociétés du groupe, la société française doit fournir à la société irlandaise les services suivants :

- assistance marketing consistant à agir comme le représentant marketing de la société irlandaise,

- services continus de management et services d'assistance back-office, assistance administrative.

En contrepartie, elle est remboursée de ses frais et perçoit une rémunération égale à 8 % du montant de ces frais.

Procédure. À la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a estimé que la société de droit américain exerçait en France une activité imposable, par l'intermédiaire d'un établissement stable constitué par la société française. La société américaine a en conséquence été assujettie à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2009, 2010 et 2011 et un rappel de TVA a été mis à sa charge au titre de la période du 10 avril 2008 au 30 novembre 2012. Le tribunal administratif de Paris (TA Paris, 7 mars 2017, n° 1508234 N° Lexbase : A9524YH9) a rejeté la demande de la société américaine tendant à la décharge de ces cotisations et rappels ainsi que des pénalités correspondantes. La cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et prononcé la décharge demandée (CAA Paris, 1er mars 2018, n° 17PA01538 N° Lexbase : A1338XGN).

Solution de la cour administrative d’appel. La cour administrative de Paris a écarté, que ce soit en matière d’IS ou de TVA la qualification d’établissement stable en France de la société de droit irlandaise. La filiale française, bien que dotée d’importants moyens et dont les personnels négocient et rédigent certaines clauses des contrats, ne disposait en aucun cas du pouvoir d’engager juridiquement la société irlandaise, seule cette dernière signant lesdits contrats, « quand bien même cette signature présentait un caractère d’automatisme et s’apparentait à une simple validation ». D’autre part, la société française ne disposait pas des infrastructures nécessaires à rendre possible de manière autonome les prestations de service concernées.

Lire en ce sens, F. Laffaille, À propos de la notion d'établissement stable, Lexbase Fiscal, avril 2018, n° 737 (N° Lexbase : N3417BXT)

Solution du Conseil d’État.

Sur l’impôt sur les sociétés : pour avoir un établissement stable en France au sens des stipulations de l’article 209 du Code général des impôts (N° Lexbase : L7520LWG) ainsi de la convention franco-irlandaise, tendant à prévenir les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu, signée le 21 mars 1968 (N° Lexbase : E0457EUH), une société résidente d'Irlande doit :

- soit disposer d'une installation fixe d'affaires par laquelle elle exerce tout ou partie de son activité,

- soit avoir recours à une personne non indépendante exerçant habituellement en France des pouvoirs lui permettant de l'engager dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant ses activités propres.

⇒ Doit être regardée comme exerçant de tels pouvoirs, une société française qui, de manière habituelle, même si elle ne conclut pas formellement de contrats au nom de la société irlandaise, décide de transactions que la société irlandaise se borne à entériner et qui, ainsi entérinées, l'engagent.

Si la société irlandaise fixe le modèle des contrats conclus avec les annonceurs pour leur ouvrir le bénéfice des services dont elle assure l'exploitation ainsi que les conditions tarifaires générales, le choix de conclure un contrat avec un annonceur et l'ensemble des tâches nécessaires à sa conclusion relèvent des salariés de la société française, la société irlandaise se bornant à valider le contrat par une signature qui présente un caractère automatique. La cour a commis une erreur de droit et une erreur de qualification juridique en jugeant, au motif que les contrats avec les clients français étaient signés, par la société irlandaise, que la société française n'était pas, pour elle, un établissement stable au sens de la convention franco-irlandaise.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée : l'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique apparaît comme un point de rattachement prioritaire, la prise en considération d'un autre établissement à partir duquel les prestations de services sont fournies ne présentant d'intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle d'un point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre État membre. Un établissement ne peut être utilement regardé, par dérogation au critère prioritaire du siège, comme lieu des prestations de services d'un assujetti, que s'il présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées.

Jusqu'au 31 décembre 2009, le rattachement de prestations de services soit à un établissement satisfaisant aux critères énoncés par la législation européenne dont le prestataire dispose en France, soit au siège de son activité économique situé sur le territoire d'un autre État membre, détermine si la TVA grevant ces prestations est due en France ou dans l'autre État membre.

Par ailleurs, lorsque le lieu des prestations de services se trouve en France parce qu'elles sont fournies à des assujettis remplissant les conditions définies à l'article 259 du Code général des impôts (N° Lexbase : L2727IG4), le redevable de la TVA afférente est le prestataire qui les fournit s'il est lui-même établi en France. Doit être regardé comme tel le prestataire qui a en France un établissement stable depuis lequel les prestations sont fournies.

Dès lors que les prestations peuvent être rattachées à un tel établissement, il n'y a pas lieu de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu'un rattachement au siège de l'activité économique du prestataire.

Sur l’imposition de la société irlandaise : le Conseil d’État relève que la société française dispose des moyens humains rendant possible, de manière autonome, la fourniture des prestations de la société irlandaise, notamment des moyens humains qui lui permettent de prendre la décision de conclure, avec un annonceur, un contrat lui ouvrant le bénéfice des services dont la société irlandaise assure l'exploitation. De plus, les salariés de la société française doivent être regardés comme disposant de moyens techniques adaptés rendant possible, de manière autonome, la fourniture des prestations de la société irlandaise, quand bien même aucun centre de données utilisé pour l'exécution des fonctionnalités de mise en relation n'est localisé en France, pas davantage d'ailleurs qu'en Irlande.

L’arrêt de la cour administrative d’appel est annulé.

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