Lexbase Social n°466 du 15 décembre 2011 : QPC

[Jurisprudence] La Cour de cassation et l'affirmation de la constitutionnalité des conditions de mise en place de la section syndicale

Réf. : Cass. soc., 30 novembre 2011, n° 11-40.072, FS-P+B (N° Lexbase : A4887H3E)

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N9215BS4

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

le 24 Octobre 2014

Qu'on se le dise, le contrôle de conformité des lois aux droits et libertés que garantit la Constitution s'exerce désormais Quai de l'Horloge, et non rue de Montpensier comme on avait pu le croire après la réforme constitutionnelle de 2008 ! Fidèle à ce qui apparaît désormais comme sa ligne de conduite, la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans un nouvel arrêt en date du 30 novembre 2011, a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause les conditions exigées par l'article L. 2142-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3761IBW) pour la mise en place d'une section syndicale pour les syndicats non représentatifs et non affiliés (I). La solution méritera d'être commentée au regard des deux principes constitutionnels mis en cause, le principe de participation et la liberté syndicale (II), mais aussi au regard de l'esprit de la réforme de 2008 (III).
Résumé

La question portant sur la conformité des dispositions de l'article L. 2142-1 du Code du travail aux principes posés par les sixièmes et dix-huitièmes alinéas du préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L1356A94), au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme de 1789 (N° Lexbase : L1370A9M), au principe à valeur constitutionnelle de non-discrimination entre organisations syndicales légalement constituées, au principe à valeur constitutionnelle selon lequel "ce qui est nécessaire pour la sauvegarde des fins d'intérêt général", et au principe de proportionnalité à valeur constitutionnelle, n'est pas nouvelle en ce qu'elle ne porte pas sur une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application.

I - La conformité à la Constitution de l'article L. 2142-1 du Code du travail

Nouvelles règles relatives à la section syndicale. La loi du 20 août 2008 (loi n° 2008-789, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail N° Lexbase : L7392IAZ) a souhaité permettre à des syndicats non représentatifs de mettre en place une section syndicale, et d'y exercer les prérogatives jusque là réservées aux seuls syndicats représentatifs, et ce afin d'organiser les règles du nouveau jeu syndical dans l'entreprise (1). L'article L. 2142-1 du Code du travail dispose depuis cette date que, "dès lors qu'ils ont plusieurs adhérents dans l'entreprise ou dans l'établissement, chaque syndicat qui y est représentatif, chaque syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ou chaque organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance et est légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise concernée peut constituer au sein de l'entreprise ou de l'établissement une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres conformément à l'article L. 2131-1 (N° Lexbase : L2109H9Y)".

C'est la condition de deux ans exigée des syndicats non représentatifs non affiliés qui était ici remise en cause au regard des principes de participation et de liberté syndicale.

Question transmise. La question transmise est ainsi rédigée : "l'article L. 2142-1 du Code du travail, en sa rédaction actuellement applicable, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et plus précisément au sixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, au dix-huitième alinéa de ce même Préambule, au principe d'égalité à valeur constitutionnelle garanti par l'article 6 de la Déclaration de 1789, au principe à valeur constitutionnelle de non-discrimination entre organisations syndicales légalement constituées, au principe à valeur constitutionnelle selon lequel 'ce qui est nécessaire pour la sauvegarde des fins d'intérêt général', et au principe de proportionnalité à valeur constitutionnelle " ?

Absence de caractère sérieux et refus de transmission. Pour la Chambre sociale de la Cour de cassation, "la question posée ne présente pas un caractère sérieux dans la mesure où l'exigence d'une ancienneté minimale de deux ans subordonnant la constitution par une organisation syndicale d'une section syndicale au sein de l'entreprise, laquelle ouvre un certain nombre de droits, constitue une condition raisonnable et proportionnée pour garantir la mise en oeuvre du droit de participation des travailleurs par l'intermédiaire de leurs représentants et l'exercice par le syndicat de prérogatives au sein de l'entreprise, sans priver le salarié de la liberté d'adhérer au syndicat de son choix, et ne porte atteinte à aucun des principes invoqués".

II - Appréciation au regard des principes constitutionnels mis en cause

A - Appréciation au regard du principe de participation

Caractères du principe de participation. Le principe de participation est consacré par l'alinéa 8 de la Constitution de 1946 aux termes duquel "tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises".

Le Conseil constitutionnel a eu à statuer sur le respect de ce principe à quelques reprises, notamment dernièrement dans le cadre de la procédure de QPC.

Il a ainsi considéré que le principe de participation a pour bénéficiaires, sinon la totalité des travailleurs employés à un moment donné dans une entreprise, du moins tous ceux qui sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu'elle constitue, même s'ils n'en sont pas les salariés, et que le législateur peut exclure du décompte des effectifs certaines catégories de travailleurs pour les règles relatives à la représentation du personnel pour alléger les contraintes susceptibles de peser sur les entreprises et ainsi favoriser l'insertion ou le retour de ces personnes sur le marché du travail (2).

Le Conseil constitutionnel a également considéré que "ni les dispositions du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ainsi invoqué par les requérants, ni aucune autre règle de valeur constitutionnelle n'obligent le Gouvernement à faire précéder la présentation au Parlement d'un projet de loi comportant des dispositions touchant aux principes fondamentaux du droit du travail d'une négociation entre les partenaires sociaux" (3), ou que "le principe de participation à la détermination des conditions de travail n'imposait pas au législateur de prévoir l'existence de collèges électoraux distincts pour la désignation des représentants des personnels des agences régionales de santé" (4). Dans cette même affaire, le Conseil a également considéré "qu'il était loisible au législateur de prévoir que les représentants des salariés de droit public et de droit privé des agences régionales de santé ne soient pas consultés de manière séparée lorsque les questions posées les concernent de manière exclusive" (5).

Le Conseil a, en revanche, censuré un dispositif qui, dans la mise en oeuvre du principe de participation, introduisait un critère illicite de nationalité (6).

Cette décision rendue cette fois-ci par la Cour de cassation ne fait toujours pas d'application contraignante du principe de participation dont le législateur assure ainsi la mise en oeuvre avec une très grande marge de liberté. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'instauration d'un critère de représentativité syndicale n'a pas été jugé contraire au principe de participation (7).

Principe de participation et jurisprudence constitutionnelle de la Cour de cassation. La Cour de cassation, qui a eu à connaître de la conventionalité de la loi du 20 août 2008 avant que ne se pose la question de sa conformité à la Constitution, n'a pas jugé autrement et considéré "que le fait pour les salariés, à l'occasion des élections professionnelles, de participer à la détermination des syndicats aptes à les représenter dans les négociations collectives n'a pas pour effet d'affaiblir les représentants syndicaux au profit des représentants élus, chacun conservant les attributions qui lui sont propres", ce qui démontre la non-contrariété avec le principe de participation (8).

La Cour a également été destinataire ces derniers mois de QPC assez fantaisistes, dont certaines fondées sur une prétendue violation du principe de participation, et qui n'ont pas été transmises. Un justiciable s'interrogeait ainsi sur le fait de savoir si "les dispositions de l'article L. 2324-15 (N° Lexbase : L9759H8X) auxquelles renvoie l'article L. 2324-2 (N° Lexbase : L3724IBK) permettent-elles en toutes circonstances un exercice serein par les salariés de leur droit à participation, par l'intermédiaire de leurs représentants, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ?". L'argument a été balayé et la question mise directement à la poubelle par la Haute juridiction qui a considéré que "la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que, premièrement, les dispositions combinées des articles L. 2324-2, L. 2324-14 (N° Lexbase : L9758H8W) et L. 2324-15 du Code du travail font obstacle à ce qu'une organisation syndicale remplissant les conditions pour nommer un représentant au sein du comité d'entreprise, désigne, pour assurer ce mandat, un salarié de l'entreprise ayant fait l'objet d'une interdiction, déchéance ou incapacité relatives à ses droits civiques, deuxièmement que la désignation frauduleuse encourt la nullité et enfin que la mise en oeuvre de la protection dont bénéficie le salarié désigné comme représentant syndical est assortie de garanties procédurales et de fond suffisantes" (9).

B - Appréciation au regard du principe de liberté syndicale

Sources constitutionnelles du principe de liberté syndicale. Aux termes de l'alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946, "tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix".

Conformité de la décision à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. La marge d'interprétation laissée au législateur en matière sociale a conduit le Conseil constitutionnel à affirmer que "la liberté d'adhérer au syndicat de son choix, prévue par le sixième alinéa du Préambule de 1946, n'impose pas que tous les syndicats soient reconnus comme étant représentatifs indépendamment de leur audience" (10).

Le Conseil constitutionnel a également considéré "qu'en imposant aux syndicats représentatifs de choisir, en priorité, le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles, l'article L. 2143-3 (N° Lexbase : L3719IBD) associe les salariés à la désignation des personnes reconnues les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l'entreprise et à conduire les négociations pour leur compte ; qu'en adoptant cet article, le législateur n'a pas méconnu le principe de la liberté syndicale énoncé par le sixième alinéa du Préambule de 1946" (11). L'argument tiré de la volonté d'éviter la dispersion de la représentation syndicale a été également utilisé pour valider le système de l'élection des médecins conventionnés aux unions régionales des professionnels de santé (12). La Cour de cassation a d'ailleurs repris en mars 2011 les mêmes arguments pour considérer que la réforme de la démocratie sociale n'était pas contraire aux articles 11 (N° Lexbase : L1358A98 liberté syndicale) et 14 (N° Lexbase : L1364A9B non-discrimination) de la CESDH (13).

Conformité à la jurisprudence conventionnelle de la Chambre sociale. La Chambre sociale de la Cour de cassation a eu, elle-aussi, à se pencher sur le respect par la loi du 20 août 2008 du principe de liberté syndicale au travers du contrôle de conventionnalité qu'elle en a fait et a d'ailleurs ici manifesté son désir de participer à un effort commun d'interprétation convergente des droits sociaux fondamentaux. Dans sa décision rendue le 14 avril 2010, elle a, en effet, également considéré que "si le droit de mener des négociations collectives est, en principe, devenu l'un des éléments essentiels du droit de fonder des syndicats et de s'affilier à des syndicats, pour la défense de ses intérêts, énoncé à l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, les Etats demeurent libres de réserver ce droit aux syndicats représentatifs, ce que ne prohibent ni les articles 5 et 6 de la Charte sociale européenne ni l'article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (N° Lexbase : L8117ANX), ni les Conventions n° 98 et 135 de l'OIT" (14). La Haute juridiction a, par ailleurs, considéré que "l'obligation faite aux syndicats représentatifs de choisir, en priorité, le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % des voix ne heurte aucune prérogative inhérente à la liberté syndicale et que, tendant à assurer la détermination par les salariés eux-mêmes des personnes les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l'entreprise et à conduire les négociations pour leur compte, elle ne constitue pas une ingérence arbitraire dans le fonctionnement syndical".

En affirmant, dans ce nouvel arrêt, que "l'exercice par le syndicat de prérogatives au sein de l'entreprise, sans priver le salarié de la liberté d'adhérer au syndicat de son choix, [...] ne porte atteinte à aucun des principes invoqués" par le demandeur (15), la Cour de cassation s'inscrit donc dans cet ensemble en considérant que le législateur ne porte pas atteinte au principe de liberté syndicale dès lors que les salariés demeurent libres d'adhérer aux organisations de leur choix, le fait d'être incité à choisir les organisations représentatives ne pouvant être assimilé à une atteinte portée à la liberté syndicale.

Conformité à la jurisprudence constitutionnelle de la Chambre sociale. La particularité de la procédure de QPC qui s'applique depuis le 1er avril 2010 est de conférer aux juridictions de cassation (Cour de cassation et Conseil d'Etat) un rôle de filtrage des questions, au travers de la vérification du caractère nouveau et sérieux des motifs, qui se traduit nécessairement par la mise en oeuvre d'un pré-contrôle de constitutionnalité des lois. Certes, ce contrôle est sommaire et imparfait puisqu'il ne peut conduire qu'à la confortation des dispositions, par le refus de transmettre les questions, et non à leur censure puisque cette prérogative est réservée au Conseil constitutionnel qui n'en a jamais encore fait usage en droit du travail.

C'est dans ce contexte que la Cour de cassation, sans doute soucieuse de ne pas voir son appréciation de la conventionnalité des dispositions issues de la loi du 20 août 2008, admise en avril 2010, être remise en cause par une appréciation divergente de leur inconstitutionnalité, a refusé, dans un premier temps, de transmettre les questions remettant en cause la réforme de la représentativité syndicale au regard notamment du principe constitutionnel de liberté syndicale. Dans une série d'arrêts rendus le 18 juin 2010, la Chambre sociale a donc justifié son refus de transmission par le fait que "l'exigence d'un seuil raisonnable d'audience subordonnant la représentativité d'une organisation syndicale ne constitue pas une atteinte au principe de la liberté syndicale et où la représentation légitimée par le vote, loin de violer le principe de participation des salariés à la détermination collective de leurs conditions de travail par l'intermédiaire des syndicats, en assure au contraire l'effectivité" (16).

Une raison comparable a conduit la Haute juridiction à refuser de transmettre une question mettant en cause la redéfinition des conditions de la présence d'un représentant syndical au sein du comité d'entreprise des entreprises de 300 salariés et plus (17).

Dernièrement, la même Haute juridiction a également refusé de transmettre une autre question qui portait sur l'état du droit antérieur à la réforme de 2008, et qui mettait en cause "l'article L. 2324-22, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L3748IBG) [en ce qu'il porterait] atteinte aux droits et libertés garantis par l'alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946, faisant partie du bloc de constitutionnalité, ainsi qu'aux articles 1 de la Constitution (N° Lexbase : L1277A98) et 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789", car, pour le demandeur, "le fait de restreindre les candidatures, au premier tour des élections professionnelles, aux seuls salariés syndiqués, conduit à imposer aux salariés souhaitant se porter candidats à des fonctions de représentants du personnel de se syndiquer et qu'une telle contrainte est manifestement contraire à la liberté syndicale". Or, pour la Cour de cassation, "les dispositions légales qui réservent aux organisations syndicales le monopole de présentation des candidats au premier tour des élections professionnelles ne heurtent aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle" (18).

III - Appréciation au regard du rôle de la Cour de cassation dans la procédure de QPC

Bis repetita. Comme à chaque nouveau refus de transmission, désormais, la même question se pose avec entêtement : la Cour de cassation ne joue-t-elle pas son rôle de filtre avec un zèle excessif ? Et comme à chaque fois, ou presque, une réponse positive nous semble s'imposer dès lors que la Cour fait porter son jugement non pas sur l'existence même des atteintes alléguées aux droits et libertés, mais sur la justification ou la proportionnalité de celles-ci, lorsqu'elles sont avérées, au regard des principes constitutionnels invoqués par le demandeur (19).

L'arrêt du 30 novembre 2011 n'échappe pas à cette critique méthodologique.

S'agissant de l'atteinte alléguée à la liberté syndicale, la Cour a, en effet, considéré qu'un subordonnant la présence dans l'entreprise à deux années pour les syndicats non représentatifs non affiliés, l'article L. 2142-1 du Code du travail n'avait pas porté atteinte à la liberté d'adhésion syndicale. L'affirmation est exacte mais l'alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946 vise également, aux côtés de cette première acception de la liberté syndicale, le droit à l'action syndicale ; or, la possibilité de constituer une section syndicale d'entreprise conditionne l'exercice de nombreuses prérogatives syndicale dans l'entreprise (RSS, cotisations, affichage et diffusion des communications syndicales, local syndical et réunions syndicales). En subordonnant le droit de constituer une section syndicale à une ancienneté de deux ans, le législateur restreint donc objectivement le droit à l'action syndicale ; reste ensuite à déterminer si cette atteinte est justifiée et proportionnée, mais c'est un autre débat.

S'agissant de l'atteinte au principe de participation, le franchissement de la ligne qui sépare le rôle de filtre de celui de chambre des requêtes est patent puisque la Cour de cassation affirme qu'il s'agit là d'une "condition raisonnable et proportionnée pour garantir la mise en oeuvre du droit de participation", alors que la confrontation de ces dispositions avec les principes sociaux du Préambule de 1946 devrait être systématiquement de la compétence du Conseil Constitutionnel, et non de celle de la Cour de cassation.

Et maintenant ? Qu'on ne se méprenne pas sur le sens de notre propos. Il ne s'agit pas ici de douter des compétences de la Cour de cassation pour statuer sur des questions de constitutionnalité, car celle-ci, composée des meilleurs des magistrats français et rompue au contrôle de conventionnalité, nous semble au moins aussi bien armée que le Conseil constitutionnel dont il n'est pas inutile de rappeler qu'il a été conçu sur un tout autre modèle et qui se trouve composé d'hommes et de femmes choisis pour des raisons souvent politiques et dont on nous explique d'ailleurs que certains ne seraient même plus en état physiquement et mentalement d'être jugés...

Il s'agit ici de mettre le législateur face à ses responsabilités et de prendre conscience que la procédure actuelle de la QPC est dans une impasse, enfermée dans une spirale qui ne pourra conduire, à tout le moins en matière sociale, qu'à la mort par asphyxie du dispositif, puisque moins le Conseil censure et plus la Cour de cassation renforce son filtrage, privant ainsi le Conseil de la possibilité de faire évoluer sa propre doctrine.

Dans ces conditions, une ligne de partage plus claire devrait être définie, par le dialogue des juridictions, et des directives devraient être données pour que les compétences soient clairement partagées : à la Cour de cassation la mise à l'écart des QPC mal fondées, et au Conseil constitutionnel l'appréciation du caractère justifié et proportionné des atteintes constatées ...


(1) Sur ce jeu, notre chron., L'exercice du droit syndical après la loi du 20 août 2008 : Liberté, égalité, représentativité, ou la nouvelle devise de la démocratie sociale, Dr. soc., 2011, p. 1229.
(2) Cons. const., 29 avril 2011, n° 2011-122 QPC (N° Lexbase : A2798HPC), v. nos obs., Le Conseil constitutionnel valide l'exclusion de certaines catégories de travailleurs du décompte des effectifs, Lexbase Hebdo n°438 du 4 mai 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N0702BSS).
(3) Cons. const., 10 juin 1998, n° 98-401 DC, Loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail (N° Lexbase : A8747ACX), cons. 6.
(4) Cons. const., 28 janvier 2011, n° 2010-91 QPC (N° Lexbase : A7408GQG), cons. 4.
(5) Cons. 5.
(6) Cons. const., 6 mai 2011, n° 2011-128 QPC (N° Lexbase : A7887HPS).
(7) Cons. const., 7 octobre 2010, n° 2010-42 QPC (N° Lexbase : A2099GBD), cons. 6 : "il était loisible au législateur, pour fixer les conditions de mise en oeuvre du droit des travailleurs de participer par l'intermédiaire de leurs délégués à la détermination des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises, de définir des critères de représentativité des organisations syndicales".
(8) Cass. soc., 14 avril 2010, n° 09-60.426, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9981EU9) ; Dr. soc., 2010, p. 647, chron. L. Pécaut-Rivolier.
(9) Cass. soc., 18 novembre 2011, n° 11-40.068, P+B (N° Lexbase : A9519HZL) ; v. notre chron., L'interprétation des décisions QPC de la Chambre sociale de la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n° 464 du 30 novembre 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N9005BSC).
(10) Cons. const., 7 octobre 2010, n° 2010-42 QPC (N° Lexbase : A2099GBD), cons. 6 ; Cons. const., 12 novembre 2010, n° 2010-63/64/65 QPC (N° Lexbase : A4181GGX), cons. 7.
(11) Cons. const., 12 novembre 2010, n° 2010-63/64/65 QPC, consid. 9.
(12) Cons. const., 19 novembre 2010, n° 2010-68 QPC (N° Lexbase : A9735GIE).
(13) Cass. soc., 2 mars 2011, n° 10-60.214, FS-D (N° Lexbase : A3527G4E), "les organisations syndicales qui, selon leurs statuts, ont vocation à représenter certaines catégories de travailleurs et qui sont affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale ne se trouvent pas dans la même situation que les autres organisations syndicales ; que dès lors constitue une justification objective et raisonnable à la différence de traitement instituée par le législateur la volonté de prendre en compte la différence de champ statutaire d'intervention des syndicats catégoriels affiliés à une confédération catégorielle nationale pour leur permettre de participer à la négociation collective pour les catégories qu'ils ont vocation à représenter".
(14) Cass. soc., 14 avril 2010, n° 09-60.426, FS-P+B+R, préc..
(15) Ce dernier invoquait des principes connus (le sixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le dix-huitième alinéa de ce même Préambule, peu opérationnel, le principe d'égalité à valeur constitutionnelle garanti par l'article 6 de la Déclaration de 1789, le principe à valeur constitutionnelle de non-discrimination entre organisations syndicales légalement constituées) et d'autres qui l'étaient moins (le "principe à valeur constitutionnelle selon lequel 'ce qui est nécessaire pour la sauvegarde des fins d'intérêt général'" et le "principe de proportionnalité à valeur constitutionnelle").
(16) Cass. QPC, trois arrêts, 18 juin 2010, n° 10-40.005, P+B (N° Lexbase : A4056E3M) ; n° 10-40.006, P+B (N° Lexbase : A4057E3N) ; n° 10-40.007, P+B (N° Lexbase : A4058E3P).
(17) Cass. QPC, 18 juin 2010, n° 10-14.749, P+B (N° Lexbase : A4055E3L).
(18) Cass. soc., 18 janvier 2011, n° 10-40.054, FS-D (N° Lexbase : A3455GQZ).
(19) V. notre dernière chronique, L'interprétation des décisions QPC de la Chambre sociale de la Cour de cassation, préc..

Décision

Cass. soc., 30 novembre 2011, n° 11-40.072, FS-P+B (N° Lexbase : A4887H3E)

Non-lieu à renvoi

Texte concerné : C. trav., art. L. 2142-1 (N° Lexbase : L3761IBW)

Mots-clés : QPC, principe de participation, liberté syndicale, section syndicale

Liens base : (N° Lexbase : E1824ETQ)

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