La lettre juridique n°304 du 15 mai 2008 : Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Procédure disciplinaire, application plénière

Réf. : Cass. soc., 16 avril 2008, n° 06-41.999, Société Azur Net Poitou c/ Mme Mansouri, FS-P+B (N° Lexbase : A9602D7R)

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010



Le fait, pour l'employeur, de ne pas être légalement tenu de respecter la procédure disciplinaire, pour appliquer une sanction au salarié, le dispense-t-il du respect d'une partie de la procédure ? Non, répond la Haute juridiction dans un arrêt rendu le 16 avril 2008. Elle affirme, en effet, que lorsque l'employeur a choisi de convoquer le salarié selon les modalités de l'article L. 122-41 du Code du travail (N° Lexbase : L5579ACM, art. L. 1332-1 et s., recod. N° Lexbase : L0254HXP), il est tenu d'en respecter tous les termes et ce, quelle que soit la sanction finalement infligée.
Cette décision, qui précise le régime de la procédure disciplinaire, doit être approuvée.
Résumé


Lorsque l'employeur souhaite mettre un avertissement au salarié, il n'est pas tenu de respecter la procédure disciplinaire. L'employeur qui choisit de convoquer le salarié selon les modalités de l'article L. 122-41 du Code du travail (art. L. 1332-1 et s., recod.) est tenu d'en respecter tous les termes et ce, quelle que soit la sanction finalement infligée.


I - Champ d'application de la procédure disciplinaire


  • Champ d'application


L'article L. 122-40 du Code du travail (N° Lexbase : L5578ACL, art. L. 1331-1, recod. N° Lexbase : L0252HXM) dispose que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement, ou non, la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Dans la mesure où l'employeur entend infliger une sanction susceptible d'avoir une incidence sur la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction ou sa rémunération, il doit engager la procédure disciplinaire normale ou celle prévue par la convention collective.

L'article L. 122-41 du Code du travail (art. L. 1332-1 et s., recod.) précise, en effet, que "aucune sanction ne peut être infligée au salarié sans que celui-ci soit informé dans le même temps et par écrit des griefs retenus contre lui".

L'employeur doit, ainsi, convoquer le salarié par lettre recommandée ou lettre remise en main propre contre décharge à un entretien préalable. Cette lettre doit contenir l'objet de la convocation et la faculté, pour le salarié, de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise (C. trav., art. L. 122-41, al. 2, art. L. 1332-2, recod.).


  • Procédure disciplinaire


Au cours de l'entretien, l'employeur doit indiquer au salarié les motifs de la sanction envisagée et recueillir des explications (C. trav., art. L. 122-41, al. 2, art. L. 1332-2, al. 3, recod.).

Si l'employeur maintient sa sanction ou envisage de sanctionner le salarié de quelque manière que ce soit, il lui appartient de lui notifier la sanction. Cette notification prend la forme d'une lettre recommandée ou d'une lettre remise en main propre contre décharge contenant les motifs de la sanction prise.

Attention, la notification de la sanction est enfermée dans certains délais. Ainsi, elle ne peut intervenir moins d'un jour franc, ni plus d'un mois, après le jour fixé pour l'entretien (C. trav., art. L. 1332, al. 4, recod.). Le cas échéant, la sanction serait nulle ou le licenciement requalifié en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 15 octobre 1997, n° 95-43.389, Mme Gefflot c/ Agence France presse N° Lexbase : A9648AAL, Bull. civ. V, n° 319).


Cette procédure s'applique à toute sanction disciplinaire, à l'exception des sanctions mineures. L'article L. 122-41 du Code du travail (art. L. 1332-2, al. 1er, recod.) précise, en effet, que la convocation du salarié à un entretien préalable et, partant, le respect de la procédure disciplinaire, s'imposent, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature qui a une incidence immédiate, ou non, sur la présence du salarié dans l'entreprise.


Si l'employeur n'est pas légalement tenu de respecter la procédure disciplinaire lorsqu'il prononce une sanction mineure, il reste, néanmoins, libre d'en faire application à toute sanction, qu'elle soit, ou  non, de nature à affecter la présence du salarié dans l'entreprise, donc à un avertissement. Dans ce cas, il est tenu d'en faire une application complète, comme le précise la Haute juridiction dans la décision commentée.


  • Espèce


Dans cette espèce, une salariée avait été licenciée pour inaptitude physique après avoir fait l'objet de trois avertissements et d'une mise à pied. Contestant cette rupture, la salariée avait saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, dont une tendant à l'annulation des avertissements prononcés par l'employeur.

La cour d'appel avait annulé les avertissements. Cette décision est confirmée par la Haute juridiction. Cette dernière affirme, en effet, que, lorsqu'il a choisi de convoquer le salarié selon les modalités de l'article L. 122-41 du Code du travail (art. L. 1332-2, recod.), l'employeur est tenu d'en respecter tous les termes et ce, quelle que soit la sanction finalement infligée.

Relevant que la cour d'appel avait annulé ces avertissements au motif que leur notification était intervenue plus d'un mois après l'entretien, elle confirme la solution des juges du second degré.

Le principe retenu au soutien de cette solution, que la Haute juridiction affirme, à notre connaissance, pour la première fois, dans cette décision, doit être approuvé.


II - Plénitude de la procédure disciplinaire


  • Une solution normale


Si l'employeur n'est pas tenu par la loi de respecter la procédure disciplinaire lorsque la sanction qu'il envisage de prendre contre son salarié est une sanction mineure, il lui appartient, s'il le fait, de suivre la procédure dans son intégralité. L'élément déclencheur est la convocation du salarié à un entretien préalable (élément permettant de distinguer la procédure disciplinaire normale de la procédure disciplinaire simplifiée). Le fait, pour l'employeur, de suivre cette première étape l'entraîne dans le dédale de la procédure disciplinaire normale et des règles qu'elle comporte (C. trav., art. L. 122-41, art. L. 1332-1 et s., recod.).


Cette solution se comprend aisément, d'une part, eu égard à la rédaction de l'article L. 122-41 (C. trav., L. 1332-2, recod.) du Code du travail. Cette disposition unique contient l'ensemble des règles applicables à la procédure disciplinaire. Les étapes sont, en outre, liées, puisque l'employeur convoque à l'entretien et ne peut notifier la sanction qu'une fois que cet entretien s'est déroulé et avant qu'un mois se soit écoulé.


Cette solution se comprend, également, eu égard à l'objet de ce texte. Cet article a vocation à protéger le salarié, en lui permettant, notamment, d'être informé et de faire valoir ses explications. L'existence d'un délai maximum pour sanctionner évite, en outre, que la sanction intervienne trop tardivement.


Le salarié informé de l'enclenchement d'une procédure disciplinaire à son encontre doit, enfin, pouvoir connaître les différentes étapes suivies par l'employeur. Le fait pour l'employeur de se soumettre à la procédure disciplinaire légale ouvre au profit du salarié le droit de se prévaloir du principe général du droit du travail contenu par l'article L. 122-41 du Code du travail (art. L. 1332-2, recod.), lequel contient la convocation, l'entretien, et le respect des délais.


Ce droit peut-il être invoqué dans tous les cas ?


  • Portée de la décision


Que veut dire "selon les modalités de l'article L. 122-41 du Code du travail" ? Ceci signifie-t-il que, pour que la procédure disciplinaire s'impose dans son intégralité, l'employeur doit avoir visé l'article L. 122-41 du Code du travail dans la lettre de convocation à l'entretien préalable ? Ceci signifie-t-il, au contraire, que le seul fait pour l'employeur de convoquer le salarié à un entretien suffit à lui imposer le respect de la procédure ?


La décision n'est pas particulièrement précise sur la question. La Haute juridiction se contente, en effet, d'affirmer que le fait pour l'employeur de convoquer le salarié selon les modalités de l'article L. 122-41 du Code du travail (art. L. 1332-1 et s., recod.), semble indiquer qu'il convient de pencher pour la seconde hypothèse.


Il semble, ainsi, que dans la mesure où l'employeur ne se contente pas de notifier au salarié la sanction mineure qu'il a pris à son encontre mais le convoque à un entretien, ceci lui impose de respecter la procédure dans son intégralité.


Si la Cour avait souhaité limiter la portée du principe qu'elle énonce, elle aurait certainement préféré à l'expression "selon les modalités de l'article L. 122-41 du Code du travail" les termes "en application de l'article L. 122-41 du Code du travail" ou "sur le fondement de l'article L. 122-41 du Code du travail".

Cette décision ne va pas, toutefois, inciter les employeurs à faire du zèle et, notamment, à entendre leur salarié préalablement à toute prise de décision. Les conséquences sont importantes puisque le défaut de respect de l'intégralité de la procédure entraîne la nullité de la sanction...

Décision

Cass. soc., 16 avril 2008, n° 06-41.999, Société Azur Net Poitou c/ Mme Mansouri, FS-P+B (N° Lexbase : A9602D7R)


Rejet de CA Poitiers, 14 février 2006


Mots clefs : procédure disciplinaire ; avertissement ; respect de la procédure ; obligation pour l'employeur de respecter l'intégralité de la procédure ; nullité des sanctions notifiées plus d'un mois après l'entretien préalable

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