La lettre juridique n°293 du 21 février 2008 : Contrats et obligations

[Jurisprudence] L'exclusion de l'indemnisation des victimes d'infraction pour les atteintes donnant lieu à l'application de la loi du 5 juillet 1985 en matière d'accidents de la circulation

Réf. : Cass. civ. 2, 7 février 2008, n° 07-13.397, Fonds de garantie des actes de terrorisme et d'autres infractions, FS-P+B (N° Lexbase : A7348D4W)

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[Jurisprudence] L'exclusion de l'indemnisation des victimes d'infraction pour les atteintes donnant lieu à l'application de la loi du 5 juillet 1985 en matière d'accidents de la circulation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3209824-cite-dans-la-rubrique-b-contrats-et-obligations-b-titre-nbsp-i-lexclusion-de-lindemnisation-des-vict
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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

le 07 Octobre 2010

A d'assez nombreuses reprises déjà, l'occasion a été donnée de signaler l'importance du contentieux en matière d'accidents de la circulation et les difficultés suscitées par la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 1985, tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation (loi n° 85-677 N° Lexbase : L7887AG9), applicable, aux termes de son article 1er, "même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres". Un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 7 février dernier, à paraître au Bulletin, en constitue un exemple supplémentaire. S'agissant du régime d'indemnisation prévu par la loi, la jurisprudence récente a montré à quel point l'incidence de la faute du conducteur sur la réparation de son dommage (art. 4) était une question sensible. On n'ignore pas, en effet, sur ce terrain que, par deux importants arrêts du 6 avril 2007, rendus contrairement à l'avis de l'avocat général Charpenel, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, répondant à la question de savoir si peut être opposée au conducteur victime d'un accident de la circulation sa faute constituée par le fait d'avoir un taux d'alcoolémie supérieur au taux légalement admis, a écarté toute présomption de causalité, et refusé de considérer que la faute, en tant que telle indiscutable, soit nécessairement une faute causale (Ass. Plén., 6 avril 2007, 2 arrêts, n° 05-81.350, M. Daniel Duboust c/ Mme Patricia Pipon, P+B+R+I N° Lexbase : A9501DUG et n° 05-15.950, MACIF Provence-Méditerranée c/ M. Stéphane Devos, P+B+R+I N° Lexbase : A9499DUD, BICC 15 juin 2007, rapp. Gallet, avis Charpenel, JCP éd. G, 2007, II, 10078, note P. Jourdain, D., 2007, p. 1839, note H. Groutel, et p. 2906, obs. Ph. Brun). Et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, c'est sans réelle surprise que la Chambre criminelle de la Cour de cassation vient de refuser de considérer que la faute consistant dans le fait de conduire sans permis puisse entraîner ipso facto une limitation ou une exclusion de l'indemnisation des dommages de la victime, le raisonnement appliqué à la conduite en état d'ébriété ou sous l'emprise de stupéfiants pouvant être transposé au cas du défaut de permis de conduire (Cass. crim., 27 novembre 2007, n° 07-81.585, F-P+F N° Lexbase : A0861D3B et nos obs., Accidents de la circulation : le défaut de permis de conduire imputable au conducteur victime n'est pas constitutif d'une faute nécessairement causale du dommage, Lexbase Hebdo n° 287 du 10 janvier 2008 - édition privée générale N° Lexbase : N5925BDS, JCP éd. G, 2008, 10022, note D. Bakouche). Quant à l'appréciation de la faute inexcusable, seule faute susceptible d'être opposée à la victime qui cette fois n'a pas la qualité de conducteur et qui demande la réparation des dommages causés à sa personne (art. 3), elle donne lieu, là encore, à de nombreuses interventions de la Cour de cassation qui n'admet que très restrictivement sa caractérisation, suivant en cela l'objectif poursuivi par le législateur. Mais encore, faut-il, pour que ces questions se posent, que la loi soit applicable, autrement dit que, en amont, les conditions de mise en oeuvre du dispositif d'indemnisation soient remplies. Ainsi se demande-t-on, le plus souvent, si le véhicule terrestre à moteur est bien "impliqué" dans l'accident au sens de l'article 1er de la loi, interrogations que la Cour de cassation cherche à tarir en faisant une appréciation très large de la notion d'implication en décidant qu'un véhicule peut être impliqué dans un accident même en l'absence de contact, dès lors qu'il est intervenu d'une manière ou d'une autre dans cet accident (Cass. civ. 2, 18 mars 1998, n° 96-13.726, Fonds de garantie automobile (FGA) c/ Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France (MACIF) et autres N° Lexbase : A2686ACH, Bull. civ. II, n° 88).

L'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 7 février dernier avait, lui, à se prononcer sur le point de savoir si un "accident de la circulation" pouvait, en l'espèce, être retenu. L'enjeu était important dans la mesure où, si tel était bien le cas, alors la loi du 5 juillet 1985 était applicable et excluait, par suite, le principe posé par l'article 706-3, 1°, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5612DYI) de l'indemnisation de toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits présentant le caractère matériel d'une infraction. La jurisprudence est fixée en ce sens : le 1° de l'article 706-3 du Code de procédure pénale excluant l'indemnisation des atteintes à la personne entrant dans le champ d'application de la loi du 5 juillet 1985 constitue une exception au principe sus évoqué (Cass. civ. 2, 11 juin 1998, n° 96-13.945, Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions c/ Mlle Courbin N° Lexbase : A5110ACA, Bull. civ. II, n° 185 ; Cass. civ. 2, 8 décembre 1999, n° 97-20.120, Mme Lepoivre c/ Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres N° Lexbase : A5291AWU, Bull. civ. II, n° 182 ; Cass. civ. 2, 7 mai 2002, n° 00-20.442, FS-P+B N° Lexbase : A6064AYA, Bull. civ. II, n° 89 ; Cass. civ. 2, 17 mars 2005, n° 03-19.597, F-P+B N° Lexbase : A4174DH3, Bull. civ. II, n° 71). Tout cela est parfaitement entendu. Mais pouvait-on, en l'espèce, parler d'un "accident de la circulation" au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ? La victime avait été blessée au cours d'une opération de déchargement de plaques de béton sur un chantier, les plaques de béton étant arrimées sur la benne de son camion. Il avait saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions et la cour d'appel de Limoges, statuant sur renvoi après cassation (Cass. civ. 2, 22 septembre 2005, n° 04-15.513, F-D N° Lexbase : A5209DK7), avait estimé que son droit à indemnisation était établi. Mais cette décision est cassée par la Haute juridiction, aux motifs "qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations que l'accident survenu au moment du déchargement du camion sans instrument de levage, constituait un accident de la circulation, la cour d'appel a violé [l'article 706-3, 1°, du Code de procédure pénale]". La solution ne doit pas surprendre, tant la jurisprudence entend largement la notion d'accident de la circulation (voir not., à propos d'un accident causé par un girobroyeur : Cass. civ. 2, 5 janvier 1994, n° 92-13.245, Caisse mutuelle d'assurance et de prévoyance c/ M. Caneiro et autres N° Lexbase : A6879ABE, Bull. civ. II, n° 1 ; causé par un tracteur : Cass. civ. 2, 6 juin 2002, n° 00-10.187, FS-P+B N° Lexbase : A8490AY4, Bull. civ. II, n° 114 ; causé sur un chantier par une pelleteuse : Cass. civ. 2, 30 juin 2004, n° 02-15.488, FS-P+B N° Lexbase : A8916DC9, Bull. civ. II, n° 334 ; causé par un engin agricole de chargement d'une remorque de maïs : Cass. civ. 2, 19 février 1997, n° 95-14.279, Compagnie La Union et Le Phénix espagnol et autres c/ Union départementale des associations familiales des Landes et autres N° Lexbase : A0461AC3, Bull. civ. II, n° 42).

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