La lettre juridique n°240 du 14 décembre 2006 : Sociétés

[Textes] Réflexion sur les aspects de droit des sociétés de la nouvelle notion de "dividende social"

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le 07 Octobre 2010

On ne saurait évoquer la participation sans citer le général de Gaulle qui, dans son rôle de législateur, a été à l'origine de son introduction en droit positif alors, qu'en 1969, il disait espérer, par ce moyen, de "faire en sorte que les hommes qui ont à accomplir une oeuvre commune soient assez près les uns des autres pour se comprendre, s'expliquer, s'associer".
De nouveaux enjeux sont apparus depuis cette époque, et notamment économiques, qui méritent d'aller au-delà de cette vision strictement sociale, décidément marquée par le contexte de ce qu'on appelle communément les "Trente glorieuses". Si, lors de son apparition, le principe s'appuyait essentiellement sur des textes relatifs à l'affectation des résultats financiers, la participation est, maintenant, un terme polysémique. Sous l'impulsion de l'Union, avec la définition donnée à l'occasion du Règlement sur la société européenne (Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil, 8 octobre 2001, relatif au statut de la société européenne N° Lexbase : L1040AWG), la participation englobe également en droit, aujourd'hui -et à part égale avec les aspects financiers- la représentation des salariés aux instances délibératives et la possibilité d'être associés à la prise de décision de l'entreprise à laquelle ils collaborent. Ainsi, M. Thierry Breton, en présentant au début de cet été, un nouveau projet de loi sur la participation aux parlementaires, pouvait-il affirmer que le mécanisme reposait sur trois piliers : "participation aux décisions, participation aux résultats et participation au capital" (1). Cependant, alors que la fin de l'année fiscale approche, le texte présenté, en dépit de la déclaration d'urgence, n'est toujours pas adopté au jour de cette publication. Il aura, en effet, fallu que se réunisse la commission mixte paritaire pour que le texte soit rédigé de façon quasi définitive (2) avant sa présentation, tel quel, pour un dernier vote, devant cette même assemblée le 14 décembre. Ce texte devrait ainsi, sauf improbable incident, être promulgué rapidement.

Pour autant, en dépit d'un travail de réécriture important, la commission mixte paritaire n'a pas altéré les six objectifs que le Gouvernement s'était fixé à l'origine, à savoir : favoriser la diffusion de la participation et de l'épargne salariale dans les PME, augmenter le montant des sommes versées aux salariés en autorisant l'attribution d'un supplément d'intéressement ou de participation au titre de l'exercice clos, favoriser la participation des salariés au capital en encourageant l'actionnariat salarié par des incitations fiscales et en créant un dispositif plus souple de reprise, renforcer la participation des salariés à la gestion de leur entreprise, améliorer la mise en cohérence des différents dispositifs, et renforcer l'information et la formation des salariés sur l'épargne salariale.

La réflexion sur l'impact et la nature de la notion de dividende du travail, objet de cette étude, est, toutefois, contingente à ces orientations, plus politiques que juridiques, et vise à démontrer, alors que la participation au sens large avait été figée en raison de la rigidité des mécanismes du droit du travail (I), comment l'utilisation de concepts issus du droit des sociétés (II) a permis de donner un essor au régime issu de l'ordonnance n° 59-126, du 7 janvier 1959, relative à l'association ou l'intéressement des travailleurs à l'entreprise.

I - La participation face à l'obstacle de l'ordre public social

La succession des réformes relatives à la participation financière au sens large, c'est-à-dire celle qui englobe l'ensemble des systèmes permettant d'associer les salariés aux résultats de l'entreprise, a démontré les difficultés à adapter un mécanisme simple -en apparence- à l'évolution du fonctionnement des sociétés (A). Une des causes de cet échec (3) peut être trouvée dans la soumission des mécanismes de participation (au sens large) à une forme d'encadrement juridique née du droit social, alors qu'elle met en jeu des domaines qui ne sont pas réductibles à la logique particulière du droit du travail (B).

A - L'échec relatif de quarante années de régime de participation

C'est en 1959 qu'est introduit en France l'intéressement facultatif aux résultats de l'entreprise, mécanisme qui ne deviendra obligatoire qu'en 1967, avec la mise en place de "la participation aux fruits de l'expansion de l'entreprise" (ordonnance n° 67-693 du 17 août 1967) et du plan d'épargne d'entreprise (PEE) (ordonnance n° 67-694 du 17 août 1967). Les lois se sont, ensuite, succédées pour enrichir le dispositif initial : celle du 27 décembre 1973 (loi n° 73-1196, 27 décembre 1973, relative à la souscription ou a l'acquisition d'actions de sociétés par leurs salariés) a donné la faculté de proposer aux salariés des plans d'option ou de souscription d'actions, celle du 24 octobre 1980 (loi n° 80-834, 24 octobre 1980, créant une distribution d'actions en faveur des salariés des entreprises industrielles et commerciales N° Lexbase : L2049A4N) a rendu plus aisée la distribution aux salariés d'actions gratuites à la suite d'une augmentation de capital.

Des réformes, notamment fiscales, ont ensuite tenté de rendre ces différents mécanismes plus attractifs, la plus récente, la loi "Fabius", du 19 février 2001, sur l'épargne salariale (loi n° 2001-152, 19 février 2001, sur l'épargne salariale N° Lexbase : L5167ARS), créant, notamment, le plan partenarial d'épargne salariale volontaire (PPESV) pour l'épargne retraite. Plus d'une dizaine de textes, en une quarantaine d'années, ont ainsi rythmé l'évolution de la participation.

On peut peut-être voir un signe de l'urgence du dossier dans l'accélération subite de cette cadence à compter de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (loi n° 2002-73, 17 janvier 2002, de modernisation sociale N° Lexbase : L1304AW9) qui va emporter modification de la représentation des salariés actionnaires dans les conseils d'administration et de surveillance. Elle est, en effet, suivie par la loi du 21 août 2003 (loi n° 2003-775, 21 août 2003, portant réforme des retraites [LXB=L9595CAM ]), créant le plan d'épargne retraite collectif (PERCO) en remplacement des PPESV, la loi du 4 mai 2004 (loi n° 2004-391, 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social N° Lexbase : L1877DY8), l'ordonnance du 24 juin 2004 (s'agissant des augmentations de capital réservées aux salariés, ordonnance n° 2004-604, 24 juin 2004, portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales N° Lexbase : L5052DZ7) et la loi du 9 août 2004 destinée à relancer la consommation (loi n° 2004-804, 9 août 2004, pour le soutien à la consommation et à l'investissement N° Lexbase : L0814GTC).

La loi de finances pour 2005 (loi n° 2004-1484, 30 décembre 2004, de finances pour 2005 N° Lexbase : L5203GUA) apportera des avantages fiscaux nouveaux pour les abondements de l'employeur alors que la loi du 23 février 2005, relative au développement des territoires ruraux (loi n° 2005-157, 23 février 2005, relative au développement des territoires ruraux N° Lexbase : L0198G8T) étendra l'intéressement, la participation et l'épargne salariale aux salariés de groupements d'employeurs mis à la disposition d'une entreprise. La loi du 31 mars 2005 (loi n° 2005-296, 31 mars 2005, portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise N° Lexbase : L1144G8U) instaurera, enfin, une passerelle entre le PERCO et les autres formes d'épargne salariale.

Autant de textes qui permettent de souligner qu'à la multiplicité des régimes, qui sont devenus proprement illisibles, va nécessairement succéder la recherche d'une plus grande simplicité. Pour autant, cette abondance même est le signe de l'importance du problème de fond soulevé par la nouvelle loi : la quasi-impossibilité, jusqu'à présent, de mettre en oeuvre l'axe principal de la participation au sens large ; dégager une communauté d'intérêts entre les forces du capital et celles du travail.

Le point de départ de la réflexion gouvernementale est à rechercher, à l'origine, dans la volonté de surmonter l'échec du dispositif de participation (stricto sensu, cette fois). Il est apparu d'emblée que ce dernier présentait le défaut de reposer sur une formule comptable complexe (4), imaginée à une époque où les conditions d'exploitation des entreprises étaient fort différentes de celles qui prévalent actuellement. L'espoir des gouvernements de l'époque était, en effet, de permettre, grâce à l'application d'une équation, d'affecter une partie de la valeur ajoutée dégagée par les entreprises à la part salariale de l'activité plutôt qu'à ses détenteurs de capitaux. Ainsi, la réserve spéciale de participation (RSP) a-t-elle été constituée en fonction de la formule légale suivante : P = 1/2 B - 5 % C x S/VA (où P est la participation, B le bénéfice corrigé, C les capitaux propres corrigés, S les salaires bruts de l'exercice et VA la valeur ajoutée). La faculté a, cependant, été donnée aux entreprises de déroger à cette formule, à la condition que le mode de calcul adopté respecte le principe de faveur issu de l'ordre public social soit, en pratique, ne désavantage pas les salariés. Or, de facto, cette faculté de dérogation a été très peu utilisée. Quant à l'application de la formule, elle s'est vite avérée inappropriée et complexe, à la fois trop lourde à gérer pour les entreprises et d'une portée symbolique pour la plupart des salariés.

Les réformes ultérieures, créant d'autres modes de participation (au sens large), avec pour dominante l'intéressement aux résultats ou l'épargne -en vue, notamment, de la retraite- n'ont pas davantage permis, en dépit de quelques vraies réussites financières, de mettre fin au jeu de l'alternative : être titulaire de dividendes ou d'un salaire, ni d'associer véritablement l'ensemble des salariés au capital ou aux résultats de leur entreprise.

B - La question de l'encadrement de la participation par le droit social

La raison de cet échec est sans doute à rechercher, au-delà de la complexité des équations dans la nature de l'ordre public spécifique, dit social, qui encadre les relations entre employeurs et salariés. Bien que sa nature soit parfois controversée, on peut ramener sa spécificité à l'existence de deux composantes. D'une part, le socle de tout ordre public, tel que l'entend le droit privé, c'est-à-dire le principe issu du mécanisme de l'article 6 du Code civil (N° Lexbase : L2231ABA), à savoir que le contrat ne saurait contenir des stipulations contraires aux dispositions des lois qui ne sont pas supplétives. D'autre part, le principe de faveur en vertu duquel les acquis obtenus par la négociation constituent progressivement des règles minimales qui s'imposent à tous les contrats futurs, règles qui, en théorie -et on notera au passage que les exceptions à celles-ci se multiplient-, ne peuvent jamais être remises en cause.

Ce principe de faveur a souvent été fustigé, non dans son principe, mais dans son application, comme constituant un des facteurs de l'immobilisme social. Caractérisé, comme le souligne un auteur par deux aspects : "certitude d'effet, [mais] incertitude de contenu" (5), l'ordre public social constitue une source d'insécurité juridique pour l'employeur. Il l'incite, ainsi, à repousser l'ouverture de négociations voire à les refuser, de crainte que les avancées sociales, par leur accumulation, ne déstabilisent la relation contractuelle. Or, les réformes les plus récentes, de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (N° Lexbase : L0300A9Y) à la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale (N° Lexbase : L6384G49), ont pris en considération la difficulté de maintenir ce principe de faveur, s'agissant de l'encadrement de négociations complexes dans lesquelles le progrès social paraît davantage devoir être obtenu sur la base d'un compromis ou être le fruit de concessions réciproques.

C'est pourquoi, dans des limites strictes permettant aux partenaires sociaux de contrôler le processus, s'est progressivement imposée l'idée de lever, pour des matières précises, et sous des conditions drastiques, les barrières du principe de faveur (notamment, dans les lois qui viennent d'être citées). N'aurait-il pas, alors, été judicieux d'alléger également l'application de ce principe au domaine de la participation ? Sans nul doute, mais c'est sans compter sur sa valeur, en termes de hiérarchie des normes qui en fait un mécanisme placé, selon le Conseil constitutionnel (6), sous la protection du législateur, ce même législateur étant garant de sa pérennité même s'il est autorisé à y apporter des aménagements. Au titre de cette protection, les éléments touchant à la rémunération -comme l'est la participation- constituent une matière sensible que le législateur a déjà partiellement écarté du champ de la dérogation au principe de faveur dans des textes récents (7).

L'abaissement du principe de faveur ne pouvant être réalisé, c'est fort opportunément, semble-t-il, que les mécanismes du droit des sociétés sont utilisés afin de contourner cet obstacle.

II - Le dividende du travail, mécanisme issu du droit des sociétés

Le nouveau texte illustre parfaitement le mouvement de perméabilité qui se fait progressivement jour entre des branches du droit qu'on aurait cru auparavant être séparées plus strictement. La notion de dividende (A) est ainsi revisitée (B) par le droit social qui en fait, désormais, un mécanisme adapté à la participation.

A - La notion de dividende de droit commun remise en cause

L'innovation majeure du texte est de créer un dividende du travail, le choix de ce terme, sans doute impropre au strict plan théorique, étant explicite d'une véritable innovation dans les rapports sociaux. Ce "dividende du travail" voit son fonctionnement institué par l'articulation des premières dispositions du projet de loi, tel qu'il est libellé à l'heure actuelle.

En effet, l'article 1 du texte dispose qu'"afin de favoriser le développement de la participation et de l'actionnariat salarié, il est créé un dividende du travail reposant :
- sur le supplément d'intéressement ou de participation, versé en application de l'article L. 444-12 du code du travail
(N° Lexbase : L6524ACM),
- sur les transferts des droits inscrits à un compte épargne-temps vers un plan d'épargne pour la retraite collectif ou un plan d'épargne d'entreprise
[...], 
- sur les attributions d'actions gratuites destinées à être versées sur un plan d'épargne d'entreprise [...], 
- sur la disponibilité immédiate des dividendes attachés aux actions détenues dans le cadre d'un fonds commun de placement d'entreprise [FCPE] dont plus du tiers de l'actif est composé de titres émis par l'entreprise [...],
- sur l'existence d'une formule dérogatoire de participation [...]".

Ainsi, faut-il en conclure, à la lecture de l'ensemble du texte, que ledit "dividende du travail" consiste avant tout en un "supplément" d'intéressement ou de participation ou une valorisation financière du compte temps par transfert, sur la libération anticipé des FCPE ou sur l'existence d'une formule dérogatoire de participation. En toute hypothèse, l'économie du texte laisse entendre que ces modalités de participation (au sens large) relèvent de gratifications, de primes ou de partage de la valeur ajoutée qui ne rentrent pas dans un cadre ou un dispositif habituellement mis en oeuvre par l'entreprise. Ce caractère exceptionnel suffit-il à faire échapper ces avantages au principe de faveur ? Sans doute pas, notamment, parce que, s'agissant de formules dérogatoires de participation, ces dernières peuvent être adoptées dans le cadre d'accords d'entreprise.

Reste l'emploi du terme "dividende" qui, lui, pourrait permettre de dédouaner dans une certaine mesure la soumission de la participation à la mise en oeuvre du principe de faveur.

En effet, le dividende s'entend traditionnellement du partage, entre associés, du bénéfice réalisé par la société. Il est ainsi marqué par l'annualité et n'existe qu'à la condition que des bénéfices soient réalisés. En toute hypothèse, on peut y voir, au risque de déplacer la réflexion sur un plan économique, une rémunération du facteur capital, le "dividende social" représentant, lui, la rémunération du facteur travail.

Une confirmation de la caractéristique économique de cette future disposition peut se retrouver dans la rédaction de l'article 6 bis, (texte élaboré par la commission mixte paritaire) qui modifie l'article L. 442-6 du Code du travail (N° Lexbase : L6505ACW), qui sera complété à l'avenir par la phrase suivante : "La réserve spéciale de participation peut être calculée en prenant en compte l'évolution de la valeur des actions ou parts sociales de l'entreprise ou du groupe au cours du dernier exercice clos".

Ainsi, le calcul évoqué plus avant pourrait être modifié, et, dans ce cas précis, calqué sur le cours d'une valeur de référence afin d'assurer un partage équitable de la valeur ajoutée ou, tout le moins, faire en sorte que l'augmentation de la rémunération du facteur capital entraîne, par corrélation, celle du facteur travail.

B - L'autonomie de la notion de dividende social

Pourtant, il apparaît que l'emploi du terme "dividende" prête à confusion si on le rapporte aux règles d'attribution, prévues par le texte, tel qu'il ressort de la rédaction dégagée par la commission mixte paritaire. En effet, alors que l'attribution du dividende de droit commun est de la compétence exclusive de l'assemblée générale des actionnaires, qui statue sur cette attribution en toute connaissance des actes et des décisions prises par les dirigeants (pour un exemple topique : la rédaction de l'article L. 225-100 du Code de commerce N° Lexbase : L3029HNI, s'agissant de la société anonyme), le "dividende du travail" lui se trouve placé en amont de la prise de décision des actionnaires.

L'article 2 du projet établit, en effet, qu'un article L. 444-12 nouveau sera inséré dans le Code du travail prévoyant qu'il sera de la compétence du conseil d'administration ou du directoire de décider de verser un supplément d'intéressement collectif au titre de l'exercice clos et selon les modalités de répartition prévues par l'accord d'intéressement, sachant, continue le texte que "ces sommes peuvent notamment être affectées à la réalisation d'un plan d'épargne d'entreprise, d'un plan d'épargne interentreprises ou d'un plan d'épargne pour la retraite collectif ; ou constituer un supplément de réserve spéciale de participation au titre de l'exercice clos". Cette prédominance des organes de direction sur les organes délibérants est, par ailleurs, renforcée par une autre disposition du texte qui prévoit que dans les entreprises dépourvues de conseil d'administration et de directoire, le chef d'entreprise peut décider le versement d'un supplément d'intéressement ou de réserve spéciale de participation.

Ainsi, l'attribution de ce "dividende du travail" présente des caractéristiques propres, largement détachées de la notion traditionnelle de dividende de droit commun. La décision d'attribuer ou de ventiler les éléments de participation revient aux organes de direction et, en leur absence, au chef d'entreprise. Difficile, dans ce cas, d'exclure totalement l'idée que ces gratifications puissent constituer des excédents de rémunérations. Il demeure, qu'en toute hypothèse, les décisions relatives à la participation sont contrôlées, et éventuellement sanctionnées, par des décisions de l'assemblée générale, mais le "dividende" évoqué est bien de nature économique et non juridique.

Quant à la question de la soumission, ou non, de cette décision au principe de faveur, cette dernière a été habilement tranchée par l'article 2 lorsqu'il dispose que ces suppléments ou excédents de participation (toujours au sens large) sont affectés "au titre de l'exercice clos".

Il s'ensuit que ce décalage d'exercice laisse supposer, d'une part, que la décision des organes dirigeants aura été prise après consultation et approbation de l'assemblée générale compétente en matière de comptes. Cela évite, en principe, une éventuelle sanction postérieure des dirigeants et, surtout, garantit les salariés de la validité de la décision, qui aura indirectement été prise par les actionnaires, ou au moins avalisée l'exercice précédent.

Cela permet de conclure, que la relation entre l'attribution de ces sommes et la clôture de l'exercice permet de ne lier l'excédent de participation qu'aux seuls bénéfices déjà réalisés, et ne saurait, ainsi, comme il en est dans le cadre de l'application du principe de faveur, constituer un avantage définitif et devenir pour les salariés un socle futur de l'ordre public social.

Jean-Baptiste Lenhof
Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne
Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)


(1) Exposé des motifs du projet de loi.
(2) Constitution du 4 octobre 1958, art. 45 (N° Lexbase : L1306A9A) : "Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique. Lorsque, par suite d'un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n'a pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée ou, si le Gouvernement a déclaré l'urgence, après une seule lecture par chacune d'entre elles, le Premier ministre a la faculté de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion. Le texte élaboré par la commission mixte peut être soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux assemblées. Aucun amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement".
(3) Selon les travaux préparatoires, jusqu'ici, un salarié sur deux seulement, soit huit millions de personnes, bénéficie d'un accord de participation ; un tiers seulement est affilié à un plan d'épargne d'entreprise.
(4) Ainsi la "valeur ajoutée" (VA) de la formule légale n'est pas celle du plan comptable général mais correspond à un calcul spécifique, réalisé à partir du compte de résultat et correspond au total des rubriques suivantes : salaires et charges sociales, impôts et taxes, dotations aux amortissements et provisions, charges d'exploitation, charges financières, et résultat courant avant impôt.
(5) Jacques Le Goff, Droit du travail et société, T. 2, les Relations collectives de travail, Presses Universitaires de Rennes, 2004, p. 40.
(6) Dans sa décision du 13 janvier 2003, relative à la loi "Fillon II" sur le temps de travail (Cons. const., décision n° 2002-465, du 13 janvier 2003, Loi relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi N° Lexbase : A6295A4W), le Conseil a rappelé sa jurisprudence sur la question (v. à ce propos, M.-L. Morin, Le conseil constitutionnel et le droit à la négociation collective, Dr. soc., 1997, p. 28) et que le principe, selon lequel la convention collective de travail "peut mentionner des dispositions plus favorables aux travailleurs que celles des lois et règlements en vigueur", doit être rangé au nombre des principes fondamentaux du droit du travail placés sous la protection du législateur. Ce principe n'a pas pour autant valeur constitutionnelle : "il ne saurait être regardé comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du Préambule de la Constitution de 1946". Il ajoutera, reprenant les termes mêmes du considérant précédent un an plus tard, dans sa décision du 29 avril 2004 à propos de la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (Cons. const., décision n° 2004-494 DC, du 29 avril 2004, Loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social N° Lexbase : A9945DBX), "qu'en revanche, il constitue un principe fondamental du droit du travail au sens de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294ABS), dont il appartient au législateur de déterminer le contenu et la portée".
(7) La loi n° 2004-391, du 4 mai 2004, pose en principe qu'on peut déroger, s'agissant de la mise en oeuvre du principe de faveur aux conventions qui sont de rang supérieur, si celles-ci ne l'interdisent pas. Une limite, toutefois : la loi ne permet pas de dérogation en matière de salaire minima, de classifications, de garanties en matière de prévoyance et de mutualisation des fonds de formation professionnelle.

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