La lettre juridique n°240 du 14 décembre 2006 : Internet - Bulletin d'actualités n° 10

[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Novembre 2006

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[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Novembre 2006. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3208758-panorama-bulletin-dactualites-clifford-chance-departement-communication-media-amp-technologies-novem
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le 07 Octobre 2010

Tous les mois, Marc d'Haultfoeuille, avocat associé chez Clifford Chance, vous propose de retrouver l'actualité juridique en matière de Communication Média & Technologies. A noter ce mois-ci, entre autres, un arrêt de la Cour de cassation en date du 7 novembre dernier, aux termes duquel l'exploitation d'une oeuvre dans une compilation n'est de nature à porter atteinte au droit moral de l'auteur que pour autant qu'elle risque d'altérer l'oeuvre ou de déconsidérer l'auteur, ou encore une recommandation du Forum des droits sur l'internet sur la classifications des contenus multimédias mobiles.

I - Communications électroniques

  • Le Forum des droits sur l'internet a publié une recommandation sur la "Classification des contenus multimédias mobiles" en date du 17 octobre 2006

Contenu :

Le Forum des droits sur l'internet a publié une recommandation visant à définir un dispositif de classification des contenus multimédias mobiles.

Le système de classification retenu s'applique à tous les services de contenus référencés sur les portails des opérateurs et/ou dans les kiosques. Le Forum des droits sur l'internet a repris la signalétique et les tranches d'âge de la grille du CSA afin d'assurer une meilleure compréhension de la part des utilisateurs.

Quatre catégories ont ainsi été retenues :
- "tous publics" ;
- "-12" ou "déconseillé aux moins de 12 ans" ;
- "-16" ou "déconseillé aux moins de 16 ans" ;
- "-18" ou "réservé aux adultes".

Le Forum des droits sur l'internet préconise la mise en place d'un système d'auto-classification par les éditeurs de contenus. Toutefois, les classifications déjà adoptées pour certains contenus tels que les films de cinéma, les programmes audiovisuel et les jeux vidéo, seront conservés (sauf cas particuliers).

Le Forum des droits sur l'internet propose aussi que la mise en place de ce système de classification soit assurée par deux instances, dont la première aurait pour mission de traiter les différends relatifs à la classification ou à la modération de l'espace interactif, et la seconde proposerait des évolutions des niveaux de classification.

Le Forum des droits sur l'internet précise que le dispositif de classification ne concerne pas les espaces publics des espaces interactifs (chats, blogs, forums...)

Enfin, le Forum des droits sur l'internet recommande que le dispositif de contrôle parental s'appuie sur les catégories de classification proposées et empêche au minimum l'accès aux contenus classés "déconseillés aux moins de 16 ans" ainsi qu'aux services interactifs de rencontres. La mise en place d'un système d'accès spécial aux contenus réservés aux adultes permettant de prouver la majorité de l'utilisateur est également recommandée.

Commentaire :

Cette recommandation du Forum des droits sur l'Internet a été adoptée à la suite de la signature de la Charte d'engagements des Opérateurs sur le contenu multimédia mobile par l'Association Française des Opérateurs Mobiles (AFOM) le 10 janvier 2006.

La mise en place du dispositif de classification est un exemple de tentative d'auto régulation du marché par le Forum des droits sur l'internet. Le Forum des droits sur l'internet propose, ainsi, un encadrement extra-législatif adapté aux réalités du marché.

Le Forum des droits sur l'internet prévoit une période transitoire pour la mise en place de ce système de classification : les éditeurs de contenus multimédias mobiles auraient jusqu'au 1er janvier 2007 pour classer leurs services. A compter de cette date, seuls les contenus multimédias mobiles classés par les éditeurs resteraient accessibles depuis les kiosques et les portails de téléphonie mobile.

Les opérateurs de téléphonie mobile et les éditeurs de contenus continuent à réfléchir sur les implications techniques de ce nouveau schéma de contrôle d'accès aux contenus.

II - Fichiers informatiques

  • Les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence : Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 04-48.025, M. Jérémy Le Fur, F-P+B (N° Lexbase : A9621DRR)

Faits :

M. Le Fur, salarié de la société Techni-Soft, a été licencié pour faute grave le 28 février 2002.

Il lui a été, notamment, reproché d'avoir crypté son poste informatique, sans autorisation de la société qui, dès lors, ne pouvait pas consulter les dossiers commerciaux du salarié.

Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 12 avril 2002. Le litige a, par suite, été porté devant la cour d'appel de Rennes qui a confirmé la validité du licenciement pour faute grave.

M. Le Fur a alors formé un pourvoi en cassation.

Décision :

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé.

La Cour affirme que "les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence".

Après avoir relevé que M. Le Fur avait procédé volontairement au cryptage de son poste informatique, sans autorisation de la société, faisant ainsi obstacle à la consultation des dossiers commerciaux par l'employeur, la Cour de cassation confirme l'arrêt rendu en appel, et considère que le comportement du salarié rendait impossible le maintien des relations contractuelles et constituait une faute grave.

Commentaire :

Par cette décision, la Cour de cassation affirme que sont présumés avoir un caractère professionnel, les fichiers et dossiers enregistrés sur le poste de travail du salarié.

Si l'employeur tolère une utilisation par le salarié des outils informatiques à titre personnel, chaque salarié doit expressément identifier les dossiers ou fichiers qu'il considère comme étant personnels. A défaut, l'employeur pourra avoir accès à tout fichier ou dossier non identifié par le salarié comme personnel. Toute entrave à ce droit d'accès peut constituer une faute grave de la part du salarié. Cela peut être, notamment, rappelé aux salariés dans le cadre d'une charte informatique.

Rappelons, par ailleurs, que la cour de Cassation avait précédemment jugé, dans un arrêt du 17 mai 2005 (Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40.017, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2997DIT), que l'employeur ne pouvait ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels qu'en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé. La Cour énonçait encore que ce principe supporte une exception : en cas de risque ou événement particulier pour l'entreprise, l'employeur peut ouvrir les fichiers identifiés comme personnels sans la présence du salarié.

Cependant, il convient d'attendre une interprétation, par des décisions futures, du sens à donner à la notion de "risque ou événement particulier".

Sur cet arrêt lire également les observations de Sébastien Tournaux, La consultation des documents de nature professionnelle du salarié, Lexbase Hebdo n° 234 du 1er novembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4508ALK).

III - Médias

  • Un communiqué de presse envoyé par courrier électronique à un ensemble de personnes qui s'étaient inscrites gratuitement sur une liste de diffusion sans aucune procédure de contrôle ou de sélection préalable, ne saurait être regardé comme constituant une correspondance confidentielle : TGI de Paris, 19 octobre 2006, Société Nationale de Télévision France 2 & Charles Enderlin c/ Philippe Karsenty (N° Lexbase : A8532DSS)

Faits :

Le 30 septembre 2002, la chaîne de télévision France 2 diffuse, lors du journal de 20h, un reportage qui évoque les affrontements du conflit israélo-palestinien. Ce reportage témoigne de violences sans précédents et rapporte la scène mortelle d'un fils et de son père abattus par une rafale de balles.

Le 22 novembre 2004, la société Média Ratings que dirige Philippe K., publie sur son site internet un article accusant France 2 et ses journalistes d'avoir diffusé un faux reportage et de tromper le public.

Le 26 novembre 2004, la société Média Ratings envoie un communiqué de presse par voie électronique à l'ensemble des personnes inscrites sur sa liste de distribution. Dans ce communiqué intitulé "France 2 - Arlette C. et Charles E. doivent être démis de leurs fonctions immédiatement", il est réaffirmé que France 2 a diffusé un faux reportage le 30 septembre 2002.

Le 3 décembre 2004, France 2 et Charles E. se constituent partie civile devant le tribunal de grande instance contre Philippe K. pour délit de diffamation publique.

Philippe K. fait valoir pour sa défense que le communiqué de presse a été diffusé uniquement par voie de courrier électronique à titre de correspondance privée aux seules personnes qui s'étaient préalablement et volontairement inscrites sur la liste de distribution de sorte que les destinataires étaient unis par une communauté d'intérêts et que la condition de publicité du délit de diffamation envers des particuliers viendrait par conséquent à manquer.

Décision :

Le tribunal de grande instance rejette l'argumentation de Philippe K.

Le tribunal relève que s'il ne fait aucun doute que le texte de ce communiqué de presse a été envoyé par courrier électronique à divers correspondants, il résulte des termes mêmes de ce courrier, comme d'ailleurs de son intitulé, que sa vocation était exclusive de toute confidentialité. En effet, non seulement ce communiqué a été adressé sans discrimination aucune à l'ensemble des personnes s'étant inscrites sur la liste de diffusion du site -cette inscription étant gratuite et s'opérant sans aucune procédure de contrôle ou de sélection préalable, comme l'a précisé Philippe K. à l'audience- mais chacun de ses destinataires, qui échappait par définition à toute identification préalable, se voyait informé de ce que "la quasi-totalité des rédactions françaises reçoivent nos communiqués de presse", le voeu étant, par ailleurs, exprimé que "les médias français [informent] rapidement les lecteurs, auditeurs et téléspectateurs de l'imposture [dénoncée]".

Dans ces conditions, conclut le tribunal, ce communiqué ne saurait être regardé, sans dénaturation, comme constituant une correspondance confidentielle adressée à des destinataires unis par une communauté d'intérêts. La condition de publicité du délit est, dès lors, caractérisée.

Commentaire :

Ce jugement du tribunal de grande instance de Paris précise les éléments constitutifs de la correspondance privée.

Seule une circulaire du 17 février 1988, prise en application de l'article 43 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, donne une définition de la correspondance privée. Il y a une correspondance privée lorsque le message est exclusivement destiné à une (ou plusieurs) personne(s) physique(s) ou morale(s), déterminée(s) et individualisée(s).

Les juges adoptent, en l'espèce, la même définition. Le message doit être exclusivement destiné à une personne précisément identifiée pour être considéré comme privé. Or, en l'espèce, il y avait eu absence de procédure de contrôle et de sélection préalable des destinataires à leur inscription sur la liste de diffusion. De plus, de par sa vocation, le communiqué de presse était destiné à l'ensemble des médias français. Autant d'éléments qui n'ont donc pas permis aux juges de retenir le caractère privé de la correspondance litigieuse.

  • L'exploitation d'une oeuvre dans une compilation n'est de nature à porter atteinte au droit moral de l'auteur que pour autant qu'elle risque d'altérer l'oeuvre ou de déconsidérer l'auteur : Cass. civ. 1, 7 novembre 2006, n° 04-13.454, Société Warner Chappell Music France c/ Pierre Perret, Société Universal Pictures video France et Société Pioneer LDCE limited (N° Lexbase : A2927DS9)

Faits :

M. Pierre Perret, auteur-compositeur et interprète de la chanson "Les jolies colonies de vacances" a notamment cédé à la société Warner Chappell Music France ses droits de reproduction et de diffusion par contrat en date du 7 juin 1966.

Par contrat en date du 25 juin 1996, la société Warner Chappell Music France autorise la société Polygram vidéo, devenue la société Universal Pictures video France, à intégrer l'oeuvre interprétée par un groupe d'artistes anonyme dans une vidéocassette de karaoké incluant treize autres chansons populaires. La jaquette de la vidéocassette porte la mention "Interprète : Pierre Perret - (Pierre Perret - Pierre Perret)".

M. Pierre Perret assigne les sociétés Warner Chappell Music France et Polygram vidéo, respectivement éditeur et producteur de la vidéocassette litigieuse, estimant qu'elles ont porté atteinte à son droit moral d'auteur.

M. Pierre Perret fait valoir devant la cour d'appel de Paris que la chanson a été exploitée sans son autorisation et que l'interprétation qui en est faite porte atteinte au droit au respect de son oeuvre.

La cour d'appel exclut l'atteinte au droit moral de l'auteur mais elle retient cependant l'atteinte portée à son droit moral d'artiste interprète. La cour d'appel prononce aussi la résiliation du contrat d'édition intervenu entre M. Pierre Perret et la société Warner Chappell Music France (CA Paris, 4ème ch., sect. B, 23 janvier 2004, n° 2002/03374 N° Lexbase : A3486DC4).

La société Warner Chappell Music France a formé un pourvoi et M. Pierre Perret a formé un pourvoi incident.

Décision :

La Cour de cassation casse et annule partiellement l'arrêt rendu.

La Cour considère que l'exploitation de l'oeuvre dans une compilation "n'est de nature à porter atteinte au droit moral de l'auteur, requérant alors son accord préalable, qu'autant qu'elle risque d'altérer l'oeuvre ou de déconsidérer l'auteur". Elle confirme ainsi la décision des juges du fond en constatant que la cour d'appel a légalement justifié sa décision dès lors qu'elle a relevé que l'oeuvre audiovisuelle n'est pas "de nature à la dévaloriser, ou à nuire à l'honneur ou à la réputation de M. Pierre Perret".

Elle confirme aussi la décision de la cour d'appel en ce qu'elle a prononcé la résiliation du contrat d'édition intervenu entre M. Pierre Perret et la société Warner Chappell Music France sur le fondement des articles 1134 ,alinéa 3, (N° Lexbase : L1234ABC) et 1135 (N° Lexbase : L1235ABD) du Code civil. La société Warner Chappell Music France en sa qualité de "professionnel averti", ne pouvait pas ignorer que le droit moral de M. Pierre Perret en tant qu'artiste interprète n'était pas compromis par l'enregistrement litigieux. Par ailleurs, la société Warner Chappell Music France a commis une faute en demandant à la société productrice de mentionner sur la jaquette de la vidéocassette le nom de M. Pierre Perret comme interprète.

Enfin, la Cour de cassation casse partiellement la décision de la cour d'appel au visa de l'article 1626 du Code civil (N° Lexbase : L1728ABM) en jugeant que "la personne qui a délibérément participé à la violation du droit d'un artiste interprète en mettant en vente un enregistrement qu'elle savait lui être faussement attribué ne peut obtenir la garantie de celui dont elle est l'ayant cause".

Commentaire :

Cet arrêt permet, notamment, de préciser les droits dont peut se prévaloir l'artiste-interprète sur l'exploitation de son oeuvre.

La Cour de cassation confirme la décision de la cour d'appel en adoptant une solution différente de celle de la jurisprudence "Jean Ferrat" selon laquelle "une exploitation sous forme de compilations avec des oeuvres d'autres interprètes étant de nature à en altérer le sens, ne pouvait relever de l'appréciation exclusive du cessionnaire et requérait une autorisation spéciale de l'artiste" (Cass. soc., 8 février 2006, n° 04-45.203, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7241DM7). La Cour de cassation considère, en effet, que la compilation constitue un mode d'exercice du droit patrimonial cédé, et que le droit moral de l'auteur n'est atteint que si la compilation risque "d'altérer l'oeuvre ou de déconsidérer l'auteur". Elle exclut par conséquent, en l'espèce, l'atteinte au droit moral de l'auteur.

Notons que la Cour fait usage de l'article 462 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2701ADE) pour réparer l'erreur matérielle des juges du fond qui avaient vu dans la mention litigieuse du nom de l'auteur interprète une atteinte au droit d'auteur. L'arrêt corrige et précise qu'il s'agit d'une atteinte au droit moral de l'artiste interprète, soulignant au passage qu'en sa qualité de "professionnel averti", l'éditeur ne pouvait nier ce risque.

Cet arrêt est aussi intéressant dans la mesure où la Cour de cassation casse la décision de la cour d'appel de condamner l'éditeur, la société Warner Chappell Music France, à garantir le producteur de l'oeuvre. La Cour de cassation considère, en effet, que le producteur a participé délibérément à la violation du droit moral en cause par la mise en vente de la cassette et ne peut donc se prévaloir de la garantie de l'éditeur.

Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & Technologies
Cabinet Clifford Chance

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