La lettre juridique n°240 du 14 décembre 2006 : Marchés publics

[Le point sur...] Les modalités de sélection des candidatures dans le Code des marchés publics 2006

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par Marie-Hélène Sanson, Juriste marchés publics au sein d'un organisme national de protection sociale

le 07 Octobre 2010

Plusieurs dispositions du Code des marchés publics issu du récent décret n° 2006-975 du 1er août 2006 (N° Lexbase : L4612HKZ) suscitent une certaine appréhension. C'est ainsi le cas des articles relatifs aux candidatures et à leur sélection. On relève, en effet, trois modifications principales par rapport au Code des marchés publics 2004. Celles-ci sont relatives aux critères de sélection des candidatures, aux modalités de régularisation des candidatures incomplètes, au traitement des références produites par les candidats. Ce dernier point a, d'ailleurs, suscité les plus larges débats. Pourtant, après quelques semaines de recul, ces changements ne sont peut-être pas aussi radicaux qu'il peut paraître. I. Les critères de sélection des candidatures

Une des premières nouveautés du code relatives aux candidatures figure dans son article 45-I, alinéa 3 (N° Lexbase : L2705HPU). Celui-ci prévoit qu'"il ne peut être exigé des candidats que des niveaux minimaux de capacités liés et proportionnés à l'objet du marché". Le code 2004 ne comportait pas cette disposition. Pour autant elle n'est pas une innovation. En effet, l'arrêté du 26 février 2004, fixant la liste des renseignements et/ou documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics (N° Lexbase : L1865DPR) indiquait, dès son article 1er : "à l'appui des candidatures et dans la mesure où ils sont nécessaires à l'appréciation des capacités des candidats l'acheteur public ne peut demander que les renseignements ou l'un des renseignements [...] suivants". Suivait alors une liste d'informations telles que le chiffre d'affaires, les effectifs et l'importance du personnel d'encadrement, les principaux services, fournitures ou travaux des trois dernières années (cinq années concernant les travaux), les titres d'études et/ou l'expérience des responsables et exécutants de la prestation de service, l'outillage, le matériel et l'équipement technique, les certificats de qualification professionnelle...

Les mentions "la mesure où ils sont nécessaires à l'appréciation des capacités des candidats" et "les renseignements ou l'un des renseignements, les documents ou l'un des documents" impliquaient déjà que les informations figurant dans l'arrêté ne devaient pas être systématiquement demandées. Les acheteurs devaient s'interroger lors de chaque procédure de marché sur la pertinence de telle ou telle information au regard de l'objet du marché. On conçoit, en effet, mal l'intérêt, par exemple, d'une présentation des moyens matériels de l'entreprise dans le cas d'une prestation de service telle que le conseil en organisation ou l'assistance méthodologique, de même que revêtent peu d'intérêt les titres d'études des responsables et exécutants dans le cas d'un marché de fournitures courantes.

Cette obligation d'adapter la demande à l'objet du marché était, de plus, régulièrement affirmée par la jurisprudence (CAA Douai, 31 mars 2005, n° 02DA00889, Société Thermotique c/ OPAC Oise Habitat N° Lexbase : A2376DK9). Dans le cadre d'une prestation de contrôle administratif, technique et financier de chaufferies, il n'est pas légitime de la part de la collectivité de demander aux candidats des références spécifiques en contrats d'affermage, le contrôle d'une gestion concédée n'étant pas substantiellement différent de celui d'une gestion affermée. Cette expérience aussi précise n'est pas justifiée par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution. De même, le Conseil d'Etat, dans une décision du 10 mai 2006 (CE 2°et 7° s-s-r., 10 mai 2006, n° 281976, Société Bronzo N° Lexbase : A3393DPD) indique que s'il est possible à "l'acheteur public d'exiger [des candidats] la détention [...] de documents comptables et de références de nature à attester de leurs capacités, cette exigence, lorsqu'elle a pour effet de restreindre l'accès au marché à des entreprises de création récente, doit être objectivement rendue nécessaire par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser".

II. Le traitement des références produites par les candidats

Ce sont les dispositions du nouveau code relatives aux candidatures qui ont été le plus commentées. A première vue pourtant, les dispositions des articles 52 du code 2004 (N° Lexbase : L1093DY7) et du code 2006 (N° Lexbase : L2712HP7) ne sont pas très éloignées. En effet, le premier (article 52, alinéa 2), dispose que "les candidatures [...] qui ne présentent pas des garanties techniques et financières suffisantes ne sont pas admises". Le deuxième (article 52-I, alinéa 4), indique que "les candidatures [...] sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières".

De même, les renseignements qui peuvent être demandés aux candidats sont quasi-identiques. L'article 45, alinéa 1, du code 2004 (N° Lexbase : L1087DYW) évoque "des renseignements permettant d'évaluer les capacités professionnelles, techniques et financières du candidat". L'article 45-I, alinéa 1, du code 2006 (N° Lexbase : L2705HPU) évoque "des renseignements ou documents permettant d'évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières".

Enfin, les deux textes renvoient à un arrêté du ministère de l'Economie le soin de fixer la liste précise des renseignements et documents qui peuvent être demandés. Il s'agit de l'arrêté du 26 février 2004 (déjà cité) et de l'arrêté du 28 août 2006 (N° Lexbase : L6697HKA). Leurs éléments sont eux aussi très proches. Il s'agit, par exemple, du chiffre d'affaires, des effectifs et personnel d'encadrement, des principaux services, fournitures ou travaux des trois dernières années (cinq années concernant les travaux), des titres d'études des responsables de prestation de service, de l'outillage, matériel et équipement technique, des certificats de qualifications professionnelles, des certificats établis par des services chargés du contrôle de la qualité, des échantillons, descriptions et/ou photographies de fournitures...

Les codes 2004 et 2006 sont donc fondés sur les mêmes éléments. La nouveauté du code 2006 réside dans une précision apportée à l'article 52-I, alinéa 4 : "L'absence de références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier l'élimination d'un candidat et ne dispense pas le pouvoir adjudicateur d'examiner les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats". Certains ont vu là la quasi-disparition des références comme critère de sélection des candidatures.

S'agit-il réellement d'un changement aussi radical ? On a vu, en effet, que les références de prestations de même nature sont reprises par l'arrêté du 28 août 2006, comme elles l'étaient dans l'arrêté du 26 février 2004. De même, les codes 2004 et 2006 se réfèrent aux "capacités professionnelles, techniques et financières" pour évaluer les candidatures des entreprises. Le Code des marchés publics 2006 y ajoute même la notion "d'expérience", qui rejoint vraisemblablement celles des références. Les références peuvent donc toujours être demandées et examinées par les personnes publiques pour sélectionner les candidats. Ce critère n'a donc en aucun cas disparu.

Ce qui change, en revanche, c'est obligation de ne pas faire des références le critère unique de sélection des candidatures et l'unique motif d'élimination des entreprises. L'absence de références ne suffit pas à rejeter une candidature. Elle peut le permettre si elle est accompagnée d'autres arguments. Le nouveau code veut, ainsi, mettre fin à la suprématie des références. L'objectif est de ne pas pénaliser les petites et moyennes entreprises ou les entreprises nouvelles. Le caractère rédhibitoire de l'absence de références conduit, en effet, mécaniquement à exclure de la commande publique les entreprises qui se créent. Il constitue ainsi un frein à la création d'entreprise.

Cette idée n'est pas non plus totalement nouvelle. La précédente réglementation avait déjà mis en place ce qui pouvait constituer un "palliatif", même partiel, à l'absence de références. L'arrêté du 26 février 2004 avait, en effet, prévu, comme le fait d'ailleurs, aujourd'hui, l'arrêté du 28 août 2006, la possibilité pour les personnes publiques de demander les titres d'études ou de l'expérience professionnelle des personnes physiques qui seront chargées de l'exécution du marché. De cette façon, les entreprises peuvent faire valoir, à défaut de leur propre expérience, l'expérience mais aussi les qualifications de leurs dirigeants et cadres, afin de ne pas être éliminées d'office. L'arrêté de 2004 visait seulement les prestations de service, l'arrêté de 2006 étend cette possibilité à la conduite de travaux. La jurisprudence l'avait d'ailleurs envisagée de façon générale, concernant les entreprises nouvellement créées. En effet, dans une décision du 10 mai 2006 "Société Bronzo" (déjà citée), le Conseil d'Etat rappelait, en des termes très généraux, qu'afin de ne pas pénaliser les entreprises nouvelles, les personnes publiques peuvent autoriser les candidats "qui ne sont pas en mesure de produire les références demandées, à justifier de leurs capacités financières et professionnelles par d'autres moyens et notamment par la présentation de titres ou de l'expérience professionnelle du ou de leurs responsables".

Le Code des marchés publics 2006 apparaît donc plus comme un pas supplémentaire dans la réduction de l'importance des références que comme une véritable révolution. Les deux codes successifs restent dans une logique proche, mais alors que le code 2004 était incitatif, le code 2006 est impératif. Les personnes publiques ne sont plus invitées à laisser une chance aux entreprises, elles doivent examiner sans a priori l'ensemble de leurs arguments.

Dès lors, comment se déroulera en pratique la sélection des candidatures ? Face à un dossier ne comportant aucune référence dans l'objet du marché, sur quelles informations pertinentes pourra se fonder l'acheteur public pour choisir de le retenir ou de l'éliminer ? Côté entreprises, en l'absence de références, quels éléments pourront être utilement produits pour convaincre l'acheteur public ?

Il y a, tout d'abord, naturellement les moyens techniques et humains. On en a, cependant, évoqué plus haut les limites dans certaines prestations. Par ailleurs, ils ne peuvent souvent identifier qu'un niveau théorique de compétence, alors que les références reflètent un niveau de compétences pratique éprouvé "in situ". Il y a, ensuite, les certificats de qualifications professionnelles. Certains secteurs disposent de processus de ce type, organisés et reconnus. Les principales branches professionnelles du bâtiment proposent ainsi des certificats permettant de valider la compétence et le professionnalisme d'une entreprise : QUALIBAT pour le bâtiment, QUALIFELEC pour l'équipement électrique, QUALIPROPRE pour les services de propreté... D'autres certificats existent dans certains secteurs de services notamment : OPQCM pour le conseil en management, OPQF pour la formation professionnelle continue, OPQIBI pour l'ingénierie... Dans ces domaines, en l'absence de références présentées par un candidat, les acheteurs publics pourront examiner la pertinence des éventuels certificats présentés.

Les choix risquent, en revanche, d'être plus difficiles dans les secteurs où il n'existe pas de certificats de qualification. Dans ces hypothèses, en l'absence de références, candidats et acheteurs publics risquent de se trouver démunis.

III. La régularisation des candidatures incomplètes

La possibilité pour les personnes publiques de régulariser une candidature, issue du code 2004, est maintenue. Elle figure à l'article 52-I, alinéa 1er, du Code des marchés publics 2006. Ainsi, la personne publique "qui constate que des pièces dont la production était réclamée sont absentes ou incomplètes peut demander à tous les candidats concernés de compléter leur dossier". Un même délai est alors laissé aux entreprises. Il est fixé librement par la personne publique, dans la limite de dix jours maximum, comme dans le code 2004.

L'apport du Code des marchés 2006 réside dans le fait que la personne publique qui décide de permettre aux candidats dont les dossiers sont incomplets d'apporter des compléments, doit en informer les autres entreprises et leur permettre à elles aussi de compléter leur candidature. Cette disposition est directement inspirée par le principe d'égalité des candidats. Si les entreprises ayant constitué un dossier insuffisant peuvent le compléter, celles ayant présenté un dossier satisfaisant peuvent le parfaire. Elles ne sont donc pas défavorisées. Cette disposition semble louable, mais elle comporte, cependant, un risque d'allongement des procédures en raison du délai supplémentaire imparti aux candidats pour apporter des compléments et du délai d'analyse nécessaire à leur examen ; d'autant plus que les compléments peuvent, désormais, émaner potentiellement de tous les candidats. Cette disposition pourrait alors éventuellement dissuader les personnes publiques de permettre aux entreprises de régulariser leurs candidatures.

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