Lexbase Social n°108 du 19 février 2004 : Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Des conditions de validité de la clause de dédit-formation

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N0559ABC

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par Chrystelle Alour, Rédactrice en droit social

le 07 Octobre 2010

Une clause de dédit-formation ne saurait être valablement prévue dans le contrat de travail du salarié. L'accord des parties doit faire l'objet d'une convention distincte, préalablement à la période de formation, précisant notamment la date, la nature et la durée de la formation ainsi que son coût réel pour l'employeur. C'est ce que décide la Cour de cassation dans un arrêt du 4 février 2004.
Décision

Cass. soc., 4 février 2004, n° 01-43.651, M. Olivier Lafontan c/ Société Compagnie aérienne Flandre Air, FS-P+B (N° Lexbase : A2302DBU)

Clause de dédit-formation, démission.

C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC).

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Faits

Un salarié signe avec une compagnie aérienne un contrat de travail en qualité de pilote, prévoyant des stages de formation en fonction de ce que l'employeur jugerait nécessaire pour la société. Il est stipulé à ce titre que le salarié doit s'engager à servir son employeur pendant une durée définie, ou à rembourser au prorata temporis, s'il démissionne avant la fin de ce délai, les frais de stage dont il doit bénéficier. En outre, un accord d'entreprise fixe les durées d'amortissement selon les formations assurées. Au cours de son contrat, le salarié est amené à suivre une période de formation. Ce n'est qu'après le stage que l'employeur lui fait signer une clause de dédit-formation. Quelques mois après, le salarié démissionne. L'employeur lui demande alors de rembourser les frais engagés pour sa formation. Le salarié refuse et l'affaire est portée devant le conseil de prud'hommes.

Solution

1. "Vu l'article 1134 du Code civil :

L'engagement du salarié de suivre une formation à l'initiative de son employeur, et en cas de démission, d'indemniser celui-ci des frais qu'il a assumés, doit, pour être valable, faire l'objet d'une convention particulière conclue avant le début de la formation et qui précise la date, la nature, la durée de la formation et son coût réel pour l'employeur, ainsi que le montant et les modalités du remboursement à la charge du salarié".

2. "Il résulte des constatations [de la cour d'appel] que les conditions de validité n'étaient pas réunies".

Commentaire

1. Les conditions traditionnelles de validité de la clause de dédit-formation

Pour rappel, par la clause de dédit-formation, le salarié accepte, en contrepartie des frais engagés par l'entreprise pour sa formation professionnelle, de demeurer pendant un temps déterminé au service de l'employeur. En cas de démission, les sommes engagées sont remboursées par l'intéressé en fonction d'un prorata.

Comme le précisait l'arrêt, dans le rappel des faits, un accord d'entreprise peut fixer les durées d'amortissement selon les formations assurées.

Traditionnellement, la jurisprudence de la Cour de cassation pose trois conditions à la validité de la clause de dédit-formation.

D'une part, la clause doit constituer la contrepartie d'un engagement pris par l'employeur d'assurer une formation entraînant des frais réels au-delà des dépenses imposées par la loi et la convention collective (Cass. soc., 19 novembre 1997, n° 94-43.195, Fondation psychotérapique Camille Miret c/ Isabelle Coulaud, inédit N° Lexbase : A6904AH8 ; Cass. soc., 5 juin 2002, n° 00-44.327, M. Sébastien Pallard c/ Société MCT, publié N° Lexbase : A8603AYB).

D'autre part, le montant de l'indemnité de dédit doit être proportionné aux frais de formation engagés (Cass. soc., 23 janvier 1985, n° 82-42.992, Comptoir d'assurances générales Boidevezi c/ Mme Lang, publié N° Lexbase : A1505ABD).

Enfin, la clause de dédit-formation ne doit pas entraver la liberté du salarié de démissionner. La Cour de cassation juge, par exemple, qu'une durée de 4 années n'est pas excessive (Cass. soc., 5 juin 2002, précité). Dans le même sens, le montant de l'indemnité à rembourser ne doit pas décourager le salarié de toute volonté de démissionner.

L'arrêt ici commenté ne remet pas en cause les conditions de validité dégagées au fil de la jurisprudence. Mais, pour la première fois, une condition de forme particulièrement précise est posée, touchant à la manifestation du consentement du salarié.

2. La condition de validité tenant à la forme de l'engagement du salarié

La plupart des arrêts en matière de validité de clause de dédit-formation statuent sur la somme prévue à titre de dédit, ou encore sur la durée de la clause, c'est-à-dire sur les éléments susceptibles d'aliéner la liberté du salarié de démissionner. Plus rares sont, en revanche, les décisions qui s'attachent à la manifestation du consentement du salarié. Dans un arrêt du 25 mai 2002 (Cass. soc., 21 mai 2002, n° 00-42.909, Société Flandre Air c/ M. Roger Régis-Constant, publié N° Lexbase : A7162AYW), la Cour de cassation a toutefois eu l'occasion de préciser qu'un contrat de formation pouvait être signé le même jour que l'embauche. Cette circonstance n'entachait pas, selon elle, la clause de nullité. Dans l'attendu de cet arrêt, la Cour de cassation reprenait sa formule habituelle concernant les conditions de validité de la clause de dédit-formation, sans plus de précision quant à la forme de cette clause et à la manifestation du consentement du salarié.

Dans l'arrêt du 4 février 2004, pour la première fois, la Cour de cassation explique tout d'abord que la clause de dédit doit faire l'objet d'une "convention particulière" avant le début de la formation. Autre précision importante, la convention en question doit être signée avant le début de la formation.

Enfin, et quant au contenu même de cette clause, la Cour de cassation indique qu'elle doit stipuler "la date, la nature, la durée de la formation et son coût réel pour l'employeur, ainsi que le montant et les modalités du remboursement à la charge du salarié". A noter que le coût réel qui doit ainsi être prévu dans la clause de dédit désigne le coût global de cette formation (voir le second moyen de l'arrêt).

Par conséquent, en l'espèce, la clause contenue dans le contrat de travail ne pouvait valablement engager le salarié, alors même qu'elle prévoyait bien la possibilité de formation ultérieure, dans les termes d'une clause de dédit-formation, que les durées d'amortissement de son coût étaient fixées par accord d'entreprise et que le salarié avait été informé du coût avant le début de la formation litigieuse. Le salarié n'était donc pas contraint de payer la somme en remboursement de la formation.

Ainsi, désormais, la clause de dédit-formation ne sera valable qu'à condition d'être l'objet d'un accord écrit répondant à l'ensemble des caractéristiques décrites par la Cour. Bien plus, l'engagement du salarié ne pourra plus être valablement formé dans le corps du contrat de travail. Une convention distincte devra être prévue entre les parties, antérieurement à l'exécution de la période de formation.

A travers les exigences de forme, c'est l'intégrité du consentement du salarié que la Cour de cassation cherche à protéger. A l'instar des arrêts précédents, la Cour place l'article 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) dans le visa de sa décision. Une façon de rappeler que l'exécution d'une période de formation appartient, même lorsqu'elle est "à l'initiative de son employeur", au champ des relations contractuelles des parties, et non au domaine du pouvoir de direction de l'employeur.

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