Lexbase Avocats n°201 du 1 octobre 2015 : Avocats/Honoraires

[Doctrine] Vers une généralisation de l'honoraire de résultats

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par Hervé Haxaire, ancien Bâtonnier, Avocat à la cour d'appel, Président de l'Ecole régionale des avocats du Grand Est (ERAGE), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition professions

le 01 Octobre 2015

Lexbase Hebdo - édition professions a publié de nombreuses chroniques sur le thème de la convention d'honoraires et de la jurisprudence qui s'y attache. Il ne s'agit pas ici d'en faire la synthèse, mais d'aborder certaines des difficultés qui pourraient résulter de la mise en oeuvre de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC), dite loi "Macron".
  • La convention d'honoraires est obligatoire

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, rend obligatoire pour l'avocat la conclusion d'une convention d'honoraires avec son client, et ce, en toute matière et tout type d'intervention (postulation, consultation, assistance, conseil, rédaction d'actes juridiques sous seing privé et plaidoirie).

  • Le tarif de la postulation est supprimé devant le TGI

La loi supprime également le tarif de postulation devant le tribunal de grande instance. La postulation est désormais rémunérée par des honoraires, fixés en accord avec le client, et dans le respect des dispositions de l'article 10 modifié de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ). La contestation du montant de l'honoraire de postulation relève désormais de la compétence du juge de l'honoraire. Notons, toutefois, que les modalités de fixation des droits et émoluments de l'avocat en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires seront arrêtées conjointement par les ministres de la Justice et de l'Economie. Ce tarif, révisable au moins tous les cinq ans, prendra en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs. Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de l'Autorité de la concurrence, viendra préciser les modes d'évaluation des coûts pertinents et de la rémunération pertinente. La procédure de taxation demeure soumise aux articles 695 (N° Lexbase : L9796IRA) à 721 du Code de procédure civile.

  • Le nouvel article 10 de la loi de 1971

Ainsi, l'article 10 modifié de la loi du 31 décembre 1971 dispose en son premier alinéa : "les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client".

  • La DGCCRF exercera dorénavant un contrôle

Mais en outre -et faut-il dire surtout ?- une ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015, relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation (N° Lexbase : L3397KGW), a modifié l'article L. 141-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L5869KGH) en introduisant notamment un article III bis ainsi rédigé : "III bis. - Sont recherchés et constatés, dans les conditions fixées au II du présent article, les manquements aux dispositions :

1° Du troisième alinéa de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans le respect du secret professionnel mentionné à l'article 66-5 de la même loi".

Les agents de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) sont ainsi autorisés à effectuer des contrôles pour rechercher et constater les manquements de l'avocat à son obligation de conclure par écrit avec son client une convention d'honoraires, convention qui précise notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires.

La loi nouvelle est applicable depuis le 8 août 2015.

Mais comment sera-t-elle appliquée ?

  • De nouvelles sanctions à l'encontre de l'avocat

Le juge de l'honoraire était, en première instance, le Bâtonnier, également gardien du respect des règles déontologiques. A ses côtés apparaît aujourd'hui la DGCCRF, "gardienne" des droits du consommateur, susceptible de contrôler et de sanctionner l'avocat, considéré comme un prestataire ordinaire de services.

Client de l'avocat et consommateur, auxiliaire de justice et simple prestataire de services, voilà des associations bien hasardeuses.

Il faut rappeler que, si le contentieux de l'honoraire était abondant, les litiges concernant les honoraires de l'avocat demeuraient marginaux au regard du nombre considérable des dossiers traités par l'ensemble des avocats. L'essentiel de ce contentieux portait d'ailleurs principalement sur le recouvrement de l'honoraire, à l'initiative de l'avocat confronté à l'absence de paiement du client, bien davantage que sur la contestation, à l'initiative du client, du montant de l'honoraire facturé.

En matière de convention d'honoraires, seules étaient en cause la validité et la portée du contrat conclu entre l'avocat et son client. L'enjeu de la procédure devant le juge de l'honoraire était donc pour l'avocat la reconnaissance de sa créance d'honoraires, ou son rejet total ou partiel.

L'ordonnance du 20 août 2015, en instaurant un contrôle de l'autorité administrative, introduit une nouveauté substantielle : il pourra y avoir "contentieux" de l'honoraire hors de toute réclamation du client de l'avocat à l'occasion d'un contrôle de l'administration (nous n'envisagerons pas l'hypothèse de la dénonciation de l'avocat à la DGCCRF). L'avocat pourra encourir des peines d'amende, lourdes, pour ne pas s'être conformé aux dispositions de l'alinéa 3 de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, quand bien même le client n'aurait aucun grief à formuler à son égard (nous ignorerons délibérément le ralliement opportuniste du client à la position adoptée par l'autorité de contrôle).

  • Secret professionnel et contrôle administratif

L'article L.141-1 du Code de la consommation fixe comme limite à la recherche et à la constatation des manquements commis par un avocat le respect du secret professionnel mentionné à l'article 66-5 de la loi de 1971.

Il est permis de se demander comment un contrôle pourrait être conduit efficacement, de façon abstraite, hors de toute consultation réelle d'un dossier, ou ce qui reviendrait au même, hors de toutes explications fournies par l'avocat sur la mission qui lui a été confiée ?

Imagine-t-on tel avocat pénaliste renommé, faisant l'objet d'un contrôle, expliquer aux agents de la DGCCRF comment des honoraires importants ont été convenus et facturés sans violer de facto son secret professionnel ?

La DGCCRF avait lancé en mai 2014 une enquête dans 40 départements sur les honoraires d'avocat et l'information du consommateur dans ce domaine. Cette enquête se voulait essentiellement "pédagogique". Les agents de la DGCCRF ont contrôlé plus de 300 professionnels et adressé 27 avertissements. Si les opérations de contrôle, selon les avocats concernés, se sont déroulées la plupart du temps dans le respect des dispositions relatives au secret professionnel, quelques représentants de la profession ont toutefois rapporté, dans certains barreaux, des incidents avec des agents qui ont parfois demandé la communication de documents figurant dans des dossiers précis, en contravention avec les dispositions relatives au secret professionnel.

  • La portée du contrôle de la DGCCRF

Le Conseil national des barreaux, dans une fiche d'information technique du 14 août 2015 intitulée "Les Honoraires", écrit : "le contrôle de la DGCCRF a pour seul objet de déterminer l'existence d'un manquement à l'obligation pour un avocat de conclure une convention d'honoraires dans les conditions prévues par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et il doit s'exercer dans le respect du secret professionnel mentionnés à l'article 66 5 de la loi du 31 décembre 1971 [...]. Il sera donc limité au seul constat de l'existence matérielle de la convention".

Nous ne partageons pas cet optimisme.

Le troisième alinéa de l'article 10 dispose : "sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique (N° Lexbase : L8607BBE), l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés".

Or, le contrôle institué par l'article L.141-1 du Code de la consommation vise expressément les manquements aux dispositions du troisième alinéa de l'article 10, donc "notamment" pour reprendre les termes de l'alinéa 3, "le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés".

Nous sommes donc très éloignés d'un contrôle limité au seul constat de l'existence matérielle de la convention.

  • Le contenu de la convention d'honoraires

Il incombera à l'avocat de préciser le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, sous peine d'amende, ce qui constituera un exercice divinatoire particulièrement difficile dans de nombreux cas. Ce n'est pas de refus de la sacro-sainte transparence, érigée en principe supra constitutionnel au même titre que le droit des victimes, dont il est question ici, ni plus simplement de rejet du droit du client à une information loyale de son avocat. C'est de considérations pratiques dont il est question.

Bien sûr, nombreux sont les avocats qui ont mis en place de longue date des conventions d'honoraires avec leurs clients, bien avant que celles-ci ne deviennent obligatoires. Car il est effectivement possible de recourir à une facturation forfaitaire pour certains types de missions de l'avocat, dans son activité judiciaire comme dans son activité de conseil ou de consultation. C'est le cas en particulier dans les missions qui pourraient être qualifiées de banales ou répétitives, ou lorsqu'un dossier ne présente pas de difficultés particulières.

Il est également possible de mettre en place une facturation horaire dans ce même type de dossiers, ou dans des dossiers dont l'avocat peut craindre qu'ils soient chronophages. Il faut cependant observer que le texte de l'alinéa 3 de l'article 10 de la loi vise "les diligences prévisibles", donc a priori un volume horaire facturable prévisible. Ce qui nous ramène à la facturation forfaitaire, cette fois présentée différemment.

Comment prévoir à l'avance, notamment dans l'activité judiciaire, l'évolution d'un dossier, sa durée, sa complexification au fil des échanges de conclusions et de l'évolution des prétentions des parties, y compris celles du client de l'avocat (et non seulement de son adversaire) ?

  • Des conventions modifiables ?

Se pose ici la question de l'adaptabilité, et donc de la licéité, de clauses contractuelles dans la convention à des situations incertaines, bien que prévisibles en théorie. Ainsi en va-t-il dans le domaine judiciaire de procédures incidentes, d'expertises, de recours en révision, d'oppositions, de décisions avant-dire droit, de médiations ordonnées (la liste des possibles n'étant pas exhaustive).

Ainsi en va-t-il également, pour la rémunération de la plaidoirie ou de l'assistance à une réunion ou à une assemblée générale par exemple. Comment prévoir la durée et la complexité de la représentation ou de l'assistance de l'avocat ?

Enumérer dans une convention d'honoraires toutes les causes éventuelles de majoration du coût de la prestation de l'avocat, ceci pour répondre à l'exigence d'information sur les diligences prévisibles, est susceptible à l'évidence d'effrayer un client quant à l'étendue de son engagement lorsqu'il confie un mandat à un avocat. Ne pas le faire expose aujourd'hui l'avocat à des sanctions qui ne se limitent plus seulement à l'inefficacité de la convention, mais également à des amendes.

Qu'un client renonce à faire valoir ses droits par crainte du coût de la prestation de l'avocat, pour d'hypothétiques raisons, voilà bien là un effet pervers de la transparence exigée.

Une solution consisterait sans doute dans le fait pour l'avocat de prévoir un mode de facturation mixte, qui introduirait un tarif horaire à coté d'une facturation forfaitaire pour des prestations dont l'importance ne peut être prévisible qu'à l'intérieur d'une fourchette de temps. Rien n'indique cependant que la DGCCRF ou le juge de l'honoraire valideraient une telle pratique, même si les temps facturés sont vérifiables a posteriori par le client.

Rappelons-nous à cet égard la jurisprudence actuelle selon laquelle la convention d'honoraires doit être annulée, et non pas seulement réduite, lorsque l'information du client est imprécise ou insuffisante (cf., en ce sens, Cass. civ. 2, 2 juillet 2015, n° 14-24.062, F-D N° Lexbase : A5520NME).

Il n'est de conventions qui ne puissent être modifiées d'un commun accord entre les parties. Des avenants à la convention d'honoraires initiale seront-ils considérés comme licites au regard de l'exigence d'une convention d'honoraires préalable à toute prestation de l'avocat ?

Les avocats pourraient, certes, exciper d'une prestation complémentaire, mais serait-elle considérée comme imprévisible lors de la conclusion de la convention initiale ?

Nombre d'avocats vont sans doute trouver bien des avantages à l'honoraire de résultat.

  • Vers la généralisation de l'honoraire de résultat ?

Le pacte de quota litis demeure prohibé, mais pas l'honoraire de résultat dès lors que la convention d'honoraires est suffisamment précise dans l'énoncé de son mode de calcul, et dès lors que l'honoraire des diligences prévisibles n'apparaît pas dérisoire au regard de la rémunération du résultat obtenu.

Contrairement à une idée reçue, l'honoraire de résultat n'était pas usité par les avocats en toutes matières, a fortiori lorsque l'avocat n'avait pas pour habitude de mettre en oeuvre une convention (sans laquelle au demeurant l'honoraire de résultat ne peut être demandé). Il l'était plus fréquemment dans des domaines, en particulier dans l'activité judiciaire de l'avocat, où les intérêts financiers en jeu étaient importants. Dans un grand nombre de cas, l'avocat se bornait à majorer le montant de ses honoraires, d'ailleurs le plus souvent en accord avec le client, en fonction du service rendu.

Il est vraisemblable que le recours à un honoraire de résultat sera systématisé à l'avenir par les avocats, de la même façon que l'est désormais l'exigence d'une convention d'honoraires.

En effet, soumis, d'une part, à une forte concurrence, et par crainte, d'autre part, que ses honoraires aient un effet négatif sur la décision de son client de le mandater, l'avocat pourrait avoir la tentation d'établir une convention dont le montant de l'honoraire fixe serait minoré autant que possible. Le corollaire pourrait être l'instauration systématique d'un honoraire de résultat pour pallier cette contrainte d'une convention par trop dissuasive.

Faut-il envisager dans l'avenir une augmentation du nombre des clauses d'honoraire de résultat et une inflation du taux de cet honoraire ?

Cette perspective ne peut pas être totalement écartée. Entre le pacte de quota litis prohibé et l'honoraire de résultat licite existe une large plage qui pourrait être explorée par beaucoup d'avocats.

En ce cas, la loi dite "Macron" aurait manqué son objectif.

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