Lexbase Fiscal n°623 du 3 septembre 2015 : Fiscal général

[Questions à...] Point sur les mesures fiscales incluses dans la loi "Macron" - Questions à Jérôme Barré, Associé en charge du pôle fiscalité du cabinet Franklin

Réf. : Loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC)

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[Questions à...] Point sur les mesures fiscales incluses dans la loi "Macron" - Questions à Jérôme Barré, Associé en charge du pôle fiscalité du cabinet Franklin. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/25968409-questions-a-point-sur-les-mesures-fiscales-incluses-dans-la-loi-macron-questions-a-b-jerome-barre-as
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par Jules Bellaiche, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

le 03 Septembre 2015

La loi "Macron", pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (loi n° 2015-990 N° Lexbase : L4876KEC), a été publiée au Journal officiel le 7 août 2015. Les principales mesures fiscales touchent notamment le régime des attributions gratuites d'actions, le régime des impatriés, l'assurance-vie, ou encore les réductions d'impôts sur le revenu loi "Madelin" et d'ISF-PME. Pour en savoir plus sur cette loi et les dispositions fiscales incluses, Lexbase Hebdo - édition fiscale a interrogé Jérôme Barré, Associé en charge du pôle fiscalité du cabinet Franklin.

Lexbase : Dans quelles mesures la loi "Macron" va modifier le régime fiscal des attributions gratuites d'actions ?

Jérôme Barré : A compter de la prochaine assemblée générale statuant sur une attribution gratuite d'actions (AGA), il sera possible de bénéficier du nouveau régime de la loi "Macron". Souvenons-nous que les AGA avaient été instituées en 2004. Ce mécanisme visait à développer un actionnariat salarié stable au sein des entreprises. Les contraintes étaient de conserver les titres reçus gratuitement (soit dans le cadre d'une augmentation de capital réservée, soit dans le cadre de la cession/distribution d'actions de la société "donnée" aux salariés élus) pendant une période minimum de quatre ans - deux ans à partir de l'attribution des titres, ils étaient attribués mais n'étaient pas encore la propriété définitive des intéressés (période d'acquisition), deux ans supplémentaires pendant lesquels les bénéficiaires devaient conserver les titres dont ils sont devenus propriétaires (période de conservation). Ces délais étaient minimums, l'entreprise attributaire pouvant les augmenter.

Comparativement aux stock-options, ce système est plus simple et conduit nécessairement les attributaires à constater un gain en cas de cession des titres.

Ainsi, on distingue deux plus-values distinctes : la plus-value d'acquisition, égale à la valeur des titres au terme minimum de deux ans, puis la plus-value de cession par différence entre la valeur des titres à la cession et leur plus-value au terme du premier délai minimum de deux ans (délai d'acquisition).

Par suite de mauvais traitements fiscaux, en particulier l'anticipation des charges sociales par les entreprises, et probablement pour des raisons idéologiques, les salariés se sont trouvés de fait privés de ce mécanisme, les AGA étaient en désuétude.

La loi "Macron" procure un allègement très significatif du coût social et fiscal, tant pour les salariés que pour les entreprises qui recourent à un mécanisme de fidélisation des collaborateurs élus (1).

Désormais, la période d'acquisition est réduite à un an sans exigence d'une durée de conservation ultérieure, cependant le minimum global exigé est de deux ans. On passe ainsi d'un délai de quatre à deux ans.

De plus, les bénéficiaires des AGA se verront imposés dans la catégorie de gain de cession de valeurs mobilières (plus-values mobilières) et non plus dans la catégorie des traitements et salaires. Ces deux cas étant taxés selon le régime du barème progressif de l'impôt sur le revenu, à première vue on ne perçoit pas très bien l'intérêt d'une telle mesure. Cependant, il existe un véritable amortissement fiscal en fonction de la durée de détention des titres. Autrement dit, c'est la loi fiscale qui vient favoriser la détention longue des titres reçus.

La pression fiscale marginale à l'impôt sur le revenu diminue de 64,5 % à 42 % en cas de conservation des titres entre deux et huit ans. Au-delà de 8 ans, l'imposition passe à 35,25 %.

Effet magique pour les entreprises, la contribution sociale patronale de 30 % est réaménagée. Jusqu'alors, cette cotisation était exigée au moment de l'attribution des titres, soit avant même que les bénéficiaires ne soient définitivement propriétaires. Ainsi, dans l'hypothèse où le bénéficiaire ne respectait pas son délai d'acquisition de 2 ans, autrement dit s'il quittait son employeur, les charges patronales avancées étaient perdues.

Désormais, la contribution patronale est ramenée à 20 % et sera exigible à la date d'acquisition définitive des titres par salarié.

Cette réforme est véritablement intéressante dans un contexte très déprimé. Elle simplifie une procédure rendue complexe par la législation au fil du temps. Elle rend les chefs d'entreprise plus souriants, et permet aux salariés de véritablement gérer dans le temps leurs AGA sans contrainte réglementaire. Nous devrions assister à un renouveau de ce type d'intéressement des salariés à l'évolution de l'entreprise.

Lexbase : Selon vous, favoriser le régime fiscal des impatriés aura-t-il un véritable effet sur l'économie française ?

Jérôme Barré : Dans la loi "Macron", le régime des impatriés n'est pas fondamentalement modifié. Rappelons que ce mécanisme a pour vocation d'attirer en France les meilleurs talents. Il repose en particulier sur une exonération d'impôt à hauteur de 50 % du montant de certains revenus passifs perçus à l'étranger et de certaines plus-values mobilières (également, au titre de l'ISF- rien à voir donc avec les revenus ! - il existe une exonération pendant cinq ans des actifs situés hors de France).

Ce régime de faveur commençant dès l'arrivée en France était valable pendant une durée de cinq ans mais pour autant que le salarié demeurait dans la même société du groupe auquel il appartenait. Contraignant !

Désormais, le salarié pourra voir sa carrière évoluer au sein d'un même groupe pendant cette période de cinq ans.

Cette réforme appelle deux remarques. A un moment où l'on se demandait ce qu'il allait advenir de ce mécanisme, c'est un signal fort. Le régime des impatriés est appelé à durer. Par ailleurs, du point de vue du salarié qui se projette assez naturellement sur une période de trois à cinq ans, s'efface le risque de freiner son évolution au sein du groupe dans lequel il évolue afin de ne pas perdre un avantage déterminant pour lui. Il redevient mobile.

Sur les effets de la réforme, il est probable que les grands groupes ne manqueront pas de la mettre en avant. Cependant, de nombreuses entreprises ont été très conscientes de la lourde augmentation des contributions de tous ordres. Il paraît donc difficile de donner un avis intelligent sur les conséquences réelles de cette mesure. Elle rassurera les dossiers en cours. Elle ne peut pas nuire pour de nouveaux salariés intéressés, mais on ne peut savoir si cela présentera un effet déterminant.

Lexbase : Certains dispositifs d'investissement sont également modifiés. Qu'en est-il donc des mesures concernant notamment l'assurance-vie et les réductions d'impôt sur le revenu loi "Madelin" et les dispositions concernant l'ISF et les PME ?

Jérôme Barré : L'assurance-vie est un des déplacements préférés des français. Jusqu'à ce jour du moins, il rassure. La loi "Macron" permet désormais qu'en dénouement du contrat, voire en cas de rachat total ou partiel, les bénéficiaires ou les souscripteurs aient le choix de recevoir du numéraire ou les titres qui figurent aux titres des unités de compte choisis par le souscripteur.

Cette mesure libère les assureurs du risque de liquidités auquel ils devaient faire face dans le cas des contrats investis en titres non cotés. Certains titres exigent des délais souvent nettement supérieurs à celui qui est exigé pour que la compagnie d'assurance-vie remplisse son obligation de verser les liquidités dans le délai de trente jours. On peut s'attendre à un plus grand investissement dans l'entreprise non cotée, ce qui avait été largement proposé par l'AFIC.

Toujours en vue de favoriser la souscription au capital des sociétés non cotées, la nouvelle loi prévoit le doublement du plafond de la réduction ISF PME pour la porter à 90 000 euros. On notera également que les exceptions à la condition de conservation des titres pendant cinq ans sont revues et alignées entre l'IR et l'ISF.

Par ailleurs, pour les réductions d'impôt "Madelin" et ISF PME, la loi abaisse le délai pendant lequel le remboursement est interdit à sept ans au lieu de dix auparavant.

Lexbase : Que répondez-vous aux critiques dénonçant le fait que ces mesures soient destinées à la fiscalité des plus aisés ? La loi "Macron" n'aurait-elle pas davantage impacter la fiscalité des foyers plus modestes afin de favoriser la consommation, et par conséquent la croissance ?

Jérôme Barré : Vous touchez du doigt un mal français, l'égalité par le partage, le nivellement par le bas, souvent perçus comme un progrès social. Il est vrai que tout ce temps, tous ces travaux pour aboutir à un tel résultat de la loi est frustrant. Cela montre une fois de plus la difficulté de gouverner notre pays.

Vous touchez du doigt également que les mécanismes incitatifs devraient être plus proposés à l'ensemble des salariés, et non seulement aux dirigeants. C'est particulièrement le cas pour les AGA dans le cadre de cette loi.

Dans tous les cas, acquérir des titres non cotés, soit dans le cadre du contrat d'assurance-vie, soit dans le cadre de la réduction ISF (qui profite à des foyers moins modestes) favorise l'investissement. Les financiers se lamentent de la torpeur dans laquelle demeurent les épargnants français qui sont accrochés à leurs fonds en euros et à leur SICAV de trésorerie.

Monsieur Macron était dans une situation impossible : au coeur d'un débat politique, entre deux assemblées tirant dans des directions différentes, au sein d'un Gouvernement très idéologique. Peut mieux faire, certes, mais comment ?


(1) Pour faire simple, pour le salarié, impôts et contributions sociales confondues, on passe d'un taux ancien système 64,5 % à 42 % entre deux et huit ans, et 35,25 % au-delà de huit ans. Pour les entreprises, la cotisation sociale passe de 30 % à 20 %.

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