La lettre juridique n°603 du 5 mars 2015 : Responsabilité administrative

[Chronique] Chronique de droit de la responsabilité administrative - Mars 2015

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par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine et directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique

le 17 Mars 2015

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, la chronique d'actualité de droit de la responsabilité administrative rédigée par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine et directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE). Cette chronique traitera, tout d'abord, de deux arrêts rendus respectivement les 12 et 30 décembre 2014 qui apportent des précisions relatives au régime de réquisition de la force publique en cas d'expulsions (CE 4° et 5° s-s-r., 30 décembre 2014, n° 353252, mentionné aux tables du recueil Lebon ; CE 4° et 5° s-s-r., 12 décembre 2014, n° 363372, mentionné aux tables du recueil Lebon). Elle abordera ensuite une décision du 30 janvier 2015 qui revient sur la problématique de la prise en compte des revirements de jurisprudence dans le cadre de l'appréciation du délai raisonnable du jugement (CE 2° et 7° s-s-r., 30 janvier 2015, n° 384413, mentionné aux tables du recueil Lebon). Elle étudiera enfin un arrêt du 11 février 2015 par lequel le Conseil d'Etat apporte des précisions à la fois sur la garantie fonctionnelle dont bénéficient les magistrats mais également sur les modalités d'appréciation de la faute personnelle (CE 1° et 6° s-s-r., 11 février 2015, n° 372359, publié au recueil Lebon).
  • Précisions relatives au régime de réquisition de la force publique en cas d'expulsions (CE 4° et 5° s-s-r., 30 décembre 2014, n° 353252, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4666M9P ; CE 4° et 5° s-s-r., 12 décembre 2014, n° 363372, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6167M7K)

1.- La responsabilité de l'Etat pour refus de concours de la force publique en cas d'expulsion peut être engagée en cas de violation des règles décrites par le Code des procédures civiles d'exécution. Ce régime, en partie lacunaire, vient d'être précisé par deux arrêts récents du Conseil d'Etat.

2.- Dans un arrêt n° 363372 du 12 décembre 2014, la juridiction administrative suprême précise d'abord que lorsque le juge a, conformément aux textes en vigueur, supprimé le délai pour quitter les lieux, la notification du commandement de quitter les lieux et la réquisition de la force publique peuvent intervenir de façon simultanée.

En l'espèce, par un jugement du 31 janvier 2006, le tribunal d'instance d'Ivry avait, à la demande de la société X, ordonné l'expulsion d'occupants sans droit ni titre d'un logement dont elle était propriétaire. Ce jugement accordait aux occupants un délai jusqu'au 30 juin 2006 pour quitter les lieux. En principe, comme le précise l'article 62 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, portant réforme des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L9124AGZ), aujourd'hui codifié à l'article L. 412-5 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L9021IZ7), les occupants d'un local d'habitation disposent, pour quitter les lieux en cas d'expulsion, d'un délai de deux mois qui court à compter de la date à laquelle l'huissier a notifié au préfet le commandement de quitter les lieux qu'il leur a préalablement signifié. Le même texte précise, toutefois, que ce délai de deux mois peut être réduit ou supprimé par le juge qui ordonne l'expulsion, ce qui est le cas dans la présente affaire. Selon l'article L. 412-1 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L5898IRU), cette solution peut être privilégiée notamment lorsque les occupants sont entrés dans les locaux par voie de fait ou lorsque la procédure de relogement n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire.

On peut ici rappeler qu'en dépit de la lettre des textes, le Conseil d'Etat a récemment considéré que le propriétaire n'est pas obligé de recourir à un huissier de justice pour présenter une réquisition de la force publique (1). Toutefois, dans la présente affaire, c'est bien un huissier mandaté par la société qui a demandé au préfet de lui accorder le concours de la force publique en vue de l'exécution du jugement, en joignant à sa réquisition une copie du commandement de quitter les lieux. Le préfet n'ayant pas donné suite à cette demande, la société a recherché la responsabilité de l'Etat.

Les juges considèrent que l'exécutant a la possibilité de requérir la force publique en même temps qu'il notifie le commandement de quitter les lieux au préfet dans l'hypothèse où le juge aurait supprimé le délai pour vider les locaux. Cette solution est conforme à une jurisprudence qui est caractérisée par une certaine souplesse.

Dans l'hypothèse où le délai de deux mois visé par l'article L. 412-5 n'a pas été réduit, il a certes été jugé que le concours de la force publique ne peut être légalement accordé avant l'expiration de ce délai. Dans ce cas, le délai est déclenché par la notification du commandement au préfet (2). Toutefois, lorsqu'à la date d'expiration de ce délai la demande n'a pas été rejetée par une décision expresse notifiée à l'huissier, le préfet doit être regardé comme valablement saisi à cette date. Il dispose alors d'un délai de deux mois pour se prononcer sur la demande (3).

En l'espèce, le Conseil d'Etat précise que c'est toujours la notification du commandement au préfet qui est l'élément déclencheur de la procédure : il permet de faire courir le délai de deux mois s'il est maintenu, mais il permet également, en l'absence de délai, de demander simultanément au préfet d'accorder le concours de la force publique.

3.- L'arrêt n° 353252 du 30 décembre 2014 concerne plus spécifiquement les modalités de notification au préfet du commandement d'avoir à quitter les lieux. Rappelons que c'est en principe cette notification qui fait courir le délai de deux mois dont dispose le préfet pour rechercher une solution de relogement pour la personne expulsée. C'est seulement à l'expiration de ce délai que le propriétaire peut demander au préfet le concours de la force publique. En cas de refus exprès ou implicite né à l'expiration de ce délai, la responsabilité de l'Etat est engagée.

Dans son arrêt du 30 décembre 2014, la juridiction administrative suprême apporte d'importantes précisions concernant l'office du juge dans le contrôle de la notification du commandement de payer. Le Conseil d'Etat précise qu'en cas d'absence de contestation sur ce point, le juge n'est pas tenu de procéder à une mesure d'instruction pour vérifier que le bénéficiaire du jugement d'expulsion a notifié au préfet le commandement de quitter les lieux et la date à laquelle il a accompli cette formalité. En revanche, si le juge décide néanmoins de procéder à une telle mesure d'instruction, il lui appartient de lui donner un caractère contradictoire en l'adressant tant au requérant qu'au représentant de l'Etat. C'est seulement dans l'hypothèse où ce dernier affirme que le commandement ne lui a pas été notifié ou qu'il l'a été moins de deux mois avant la réquisition de la force publique que l'absence de production par le propriétaire d'un justificatif apportant la preuve contraire permet au juge de retenir que la réquisition a été irrégulière ou prématurée. Dans ce cas, la procédure sera jugée irrégulière et elle devra être reprise au stade de la notification du commandement au préfet.

  • Prise en compte des revirements de jurisprudence dans le cadre de l'appréciation du délai raisonnable du jugement (CE 2° et 7° s-s-r., 30 janvier 2015, n° 384413, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6930NAW)

En principe, lorsqu'un requérant met en cause un dysfonctionnement de la justice administrative, la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée que pour faute lourde (4). Toutefois, en application de la solution retenue dans le célèbre arrêt d'Assemblée "Garde des Sceaux, ministre de la Justice c/ Magiera" du 28 juin 2002 (5), le Conseil d'Etat n'exige que la démonstration d'une faute simple lorsqu'est en cause la violation du délai raisonnable de jugement. Cette exigence résulte à la fois des stipulations de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) et "des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives". Toutefois, même si l'influence des règles européennes du procès équitable sont indéniables -l'exigence d'un délai raisonnable de jugement apparaissant expressément dans l'article 6 § 1- le Conseil d'Etat a ensuite éliminé toute mention à cet article pour ne plus se référer qu'aux principes généraux susmentionnés à partir d'un arrêt du 25 janvier 2006 (6).

Il n'en demeure pas moins que l'appréciation de la notion de "délai raisonnable" prend en compte les trois critères définis par l'arrêt "Magiera" et directement inspirés de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (7) : la complexité de l'affaire ; les conditions de déroulement de la procédure ; l'intérêt qu'il peut y avoir pour l'une ou l'autre des parties à ce que le litige soit tranché rapidement.

A l'évidence, la grande plasticité de ces critères conduit nécessairement à une jurisprudence particulièrement casuistique, comme l'illustre l'arrêt n° 384413 du 30 janvier 2015. Le contentieux opposant M. X à l'Etat est célèbre puisqu'il a donné lieu à un revirement de jurisprudence à l'occasion d'un arrêt d'Assemblée du 13 novembre 2013 (8), dans lequel le Conseil d'Etat abandonne le contrôle restreint des décisions sanctionnant les fonctionnaires (9) au profit d'un contrôle normal incluant un examen de la proportionnalité de la sanction. Le Conseil d'Etat avait estimé que des faits de harcèlement sexuel reprochés à un ambassadeur constituaient des fautes de nature à justifier une sanction. Les juges avaient considéré qu'"eu égard à la nature de ces faits, à la méconnaissance qu'ils traduisent des responsabilités éminentes qui étaient les siennes, et compte tenu, enfin, de ce qu'ils ont porté sérieusement atteinte à la dignité de la fonction exercée, l'autorité disciplinaire n'a pas, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant de le mettre à la retraite d'office".

Il ne s'agit toutefois pas ici de la seule décision rendue dans cette affaire par le Conseil d'Etat (10). M. X avait d'abord formé devant le Conseil d'Etat, compétent en premier et dernier ressort, le 27 septembre 2010, un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation de l'évaluation administrative dont il avait fait l'objet le 12 juillet 2010. Il a ensuite présenté, le 3 novembre 2010, un autre recours dirigé contre le décret du 30 septembre 2010 par lequel le Président de la République a mis fin à ses fonctions d'ambassadeur, représentant permanent de la France auprès du Conseil de l'Europe à Strasbourg. Enfin, le 22 mars 2011, il a saisi le Conseil d'Etat d'un troisième recours tendant à l'annulation du décret du Président de la République du 3 février 2011 le mettant à la retraite d'office par mesure disciplinaire et de l'arrêté du 8 mars 2011 du ministre des Affaires étrangères et européennes le radiant du corps des ministres plénipotentiaires à compter du 4 mars 2011. Le Conseil d'Etat avait rejeté les deux premières requêtes par une même décision du 17 juillet 2013 (11), et a statué sur la troisième requête à l'occasion de l'arrêt d'Assemblée du 13 novembre 2013.

L'intéressé avait ensuite déposé un recours contre l'Etat demandant à ce qu'il soit condamné à lui verser 50 000 euros de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de la durée excessive des trois procédures devant le Conseil d'Etat ayant donné lieu aux décisions rendues les 17 juillet et 13 novembre 2013.

Comme le précise l'article R. 311-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L8980IXU), c'est le Conseil d'Etat qui est compétent pour connaître en premier et dernier ressort des actions en responsabilité dirigées contre l'Etat pour durée excessive de la procédure devant la juridiction administrative. Notons également que cette procédure n'échappe pas à la règle de la décision préalable. Le requérant doit donc d'abord provoquer une décision administrative du Garde des Sceaux pour que soit opérée la liaison du contentieux et qu'il puisse ensuite saisir le Conseil d'Etat (12).

En l'espèce, les juges considèrent que, "si la durée de deux ans et huit mois pour le jugement de la troisième requête, dont les implications en termes jurisprudentiels ont justifié qu'elle soit jugée par l'assemblée du contentieux, n'est pas excessive, il n'en va pas de même pour la durée de deux ans et dix mois mise pour statuer sur la première requête et pour celle de deux ans et neuf mois mise pour statuer sur la deuxième requête, eu égard à l'intérêt qui s'attachait, pour (le requérant), à ce que ce dernier litige, relatif à la fin de ses fonctions d'ambassadeur, soit tranché rapidement". M. X obtient en conséquence la condamnation de l'Etat à lui verser 700 euros, ce qui est très éloigné de ses prétentions.

L'appréciation du délai raisonnable, au regard des critères d'appréciation définis par la jurisprudence est évidemment très subjective. On relèvera, à titre d'exemple, que dans un arrêt de section du 17 juillet 2009 (13), le Conseil d'Etat a retenu, dans un contentieux relatif à un marché public de travaux, qu'un délai de jugement de onze ans et sept mois dépassait de trois ans le délai raisonnable, alors que le rapporteur public lui suggérait de retenir une durée de quatre ans (14). Il n'en demeure pas moins que ce nouvel arrêt présente un intérêt majeur puisqu'il indique que la portée jurisprudentielle de la décision rendue, qui peut justifier que soit saisie l'assemblée du contentieux, rapportée à l'intérêt du requérant à voir le litige tranché rapidement, doit être prise en compte pour l'appréciation du délai raisonnable de jugement.

  • Protection fonctionnelle des magistrats et identification de la faute personnelle (CE 1° et 6° s-s-r., 11 février 2015, n° 372359, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4196NBZ)

Dans son arrêt n° 372359 du 11 février 2015, le Conseil d'Etat apporte des précisions à la fois sur la garantie fonctionnelle dont bénéficient les magistrats mais également sur les modalités d'appréciation de la faute personnelle. Cet arrêt conforme également que la faute personnelle ne doit pas être appréciée de manière identique par le juge selon qu'elle est appréhendée dans le cadre du contentieux de la responsabilité administrative ou dans celui du contentieux de la protection fonctionnelle.

1.- Il résulte de l'article 11 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature (N° Lexbase : L5336AGQ), qu'"indépendamment des règles fixées par le Code pénal et les lois spéciales, les magistrats sont protégés contre les menaces, attaques de quelque nature que ce soit, dont ils peuvent être l'objet dans l'exercice ou à l'occasion de leurs fonctions". Ce texte est toutefois lacunaire puisque, comme le souligne le Conseil d'Etat, ces dispositions n'étendent pas le bénéfice de la protection fonctionnelle au cas où le magistrat fait l'objet de poursuites pénales. Cependant, pour les agents qui ne relèvent pas du statut général de la fonction publique, le droit à la protection fonctionnelle résulte d'un principe général du droit dégagé par le Conseil d'Etat à l'occasion de l'arrêt de Section du 26 avril 1963 "Centre hospitalier régional de Besançon" (15). Ce principe s'applique y compris dans le cas où l'agent fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle. C'est cette solution qui est appliquée, en l'espèce, au bénéfice du magistrat mis en cause.

2.- Il restait alors aux juges à déterminer si le magistrat mis en cause avait commis une faute personnelle justifiant que ne lui soit pas accordée la protection fonctionnelle. Dans la présente affaire il est reproché à un magistrat d'avoir fait modifier par un greffier une note d'audience pour y faire figurer des citations directes qui n'avaient pas été enregistrées ni régulièrement appelées à l'audience et d'avoir rédigé quatre jugements fixant des consignations alors qu'il n'en avait prononcé que deux sur le siège.

Les juges précisent "qu'une faute d'un agent de l'Etat qui, eu égard à sa nature, aux conditions dans lesquelles elle a été commise, aux objectifs poursuivis par son auteur et aux fonctions exercées par celui-ci est d'une particulière gravité doit être regardée comme une faute personnelle justifiant que la protection fonctionnelle soit refusée à l'agent, alors même que, commise à l'occasion de l'exercice des fonctions, elle n'est pas dépourvue de tout lien avec le service et qu'un tiers qui estime qu'elle lui a causé un préjudice peut poursuivre aussi bien la responsabilité de l'Etat devant la juridiction administrative que celle de son auteur devant la juridiction judiciaire et obtenir ainsi, dans la limite du préjudice subi, réparation". Ce considérant de principe met en avant le caractère fonctionnel de la notion de faute personnelle. En particulier, il indique clairement que cette faute doit notamment s'apprécier au regard des "fonctions exercées par l'agent". Cet élément était déjà sous-jacent dans la jurisprudence antérieure. Ainsi, notamment, dans un arrêt du 28 décembre 2001 (16), le Conseil d'Etat a pu identifier une faute personnelle commise par un médecin "eu égard au caractère inexcusable du comportement de ce praticien au regard de la déontologie de la profession". C'est une solution proche qui est retenue en l'espèce, le Conseil d'Etat qualifiant de faute personnelle les faits reprochés à l'agent, ce qui justifie la décision du Garde des Sceaux de refuser d'accorder à l'intéressé la protection fonctionnelle, alors même qu'en application du mécanisme de cumul des responsabilités l'Etat aurait pu être poursuivi par la victime devant les juridictions administratives (17).

3.- De prime abord, cette solution paraît en décalage avec la jurisprudence du Tribunal des conflits dont il résulte que la faute commise par un agent "qui n'était animé par aucun intérêt personnel [...] dans l'exercice de ses fonctions et avec les moyens du service [...] ne saurait être regardée, quelle que soit sa gravité, comme une faute personnelle détachable du service" (18). Elle semble également ne pas concorder avec la jurisprudence de la Cour de cassation dont il résulte qu'une faute personnelle n'est détachable du service "que s'il est démontré que leur auteur a agi dans une intention malveillante ou pour satisfaire un intérêt personnel étranger au service public" (19).

Ces deux dernières décisions concernent toutefois l'appréciation de la faute personnelle dans le contentieux de la responsabilité administrative, et non pas dans le contentieux de la protection fonctionnelle. Dans le contentieux de la responsabilité administrative, dans le but de mieux protéger les victimes, le Conseil d'Etat prône à la fois une conception extensive de la faute de service, et une conception étroite de la faute personnelle détachable du service, de façon à faire jouer plus facilement le mécanisme de cumul des responsabilités. Dans une affaire célèbre, il a ainsi été admis qu'une faute personnelle commise par un gendarme coupable d'un assassinat n'est pas dépourvue de tout lien avec le service "alors même qu'il a été commis [...] en dehors de ses heures de service et avec son arme personnelle" (20). La situation est différente, en revanche, dès lors que c'est l'agent qui demande la protection fonctionnelle. Dans ce cas, en effet, il n'y a aucune raison de lui offrir une garantie qu'il ne mérite pas lorsqu'il fait preuve d'une incompétence manifeste où, comme en l'espèce, d'un manquement avéré aux principes déontologiques de sa profession.


(1) CE 4° et 5° s-s-r., 10 février 2014, n° 350265, publié au recueil Lebon ([LXB=A3788MEZ)]).
(2) CE 5° s-s., 5 mai 2010, n° 324274, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1157EX7).
(3) CE 4° et 5° s-s-r., 12 mars 2014, n° 351113, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9160MGD).
(4) CE, Ass., 29 décembre 1978, n° 96004, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4002AI3), p. 542, AJDA, 1979, n° 11, p. 45, note M. Lombard, D., 1979, jurispr. p. 279, note J. Vasseur, RDP, 1979, p. 1742, note J.-M. Auby.
(5) CE, Sect., 28 juin 2002, n° 239575, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0220AZ8), p.247, concl. F. Lamy, RFDA, 2002, p. 756, concl. F. Lamy, AJDA, 2002, p. 596, chron. F. Donnat et D. Casas, D., 2003, p. 23, note V. Holderbach-Martin, Dr. adm., 2002, 167, note M. Lombard, LPA, octobre 2002, n° 197, concl. F. Lamy, LPA, novembre 2002, n° 221, note Rouault, JCP éd. G, 2003, II 10151, note J.-J. Menuret.
(6) CE 4° et 5° s-s-r., 25 janvier 2006, n° 284013, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5438DMD), AJDA, 2006, p. 589, chron. C. Landais et F. Lenica, Dr. fisc., 2006, 27, 494, JCP éd. A, 2006, 1110, note Ch. Guettier, RFDA, 2006, p. 299, note J.-Y Struillou.
(7) V. notamment CEDH, 25 juin 2000, Req. 30979/96 (N° Lexbase : A7714AWM).
(8) CE, Ass., 13 novembre 2013, n° 347704, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2475KPD), AJDA, 2013, p. 2432, chron. A. Bretonneau et J. Lessi, AJFP, 1/2014, p. 11, note Ch. Fortier, Dr. adm., 2014, 11, note A. Duranthon et 149, note Ch. Vautrot-Schwarz, JCP éd. A, 2014, 2093, note D. Jean-Pierre, RFDA, 2013, p. 1175, concl. R. Keller.
(9) Cette solution avait été retenue à l'occasion de l'arrêt "Lebon" du 9 juin 1978 (N° Lexbase : A6577B7Q), Rec. p. 245, AJDA 1978, p. 573, concl. J. Genevois, note S.S., D., 1979, jurispr. p. 275, obs. H. Sinay.
(10) Notons que le Conseil d'Etat avait déjà été saisi une dizaine d'années auparavant par le même requérant d'un recours dirigé contre une décision le rappelant en France eu égard à la détérioration de ses relations avec l'ambassadeur à l'époque en poste à Madagascar (CE 4° et 6° s-s-r., 15 novembre 2000, n° 186801, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9132AHP).
(11) CE 4° et 5° s-s-r., 17 juillet 2013, n° 343554, 344148 (N° Lexbase : A0029KKB).
(12) CE 4° et 5° s-s-r., 7 juillet 2006, n° 285669, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3572DQD), p. 934, JCP éd. A, 2006, act. 628, obs. M.-Ch. Rouault, Procédure, 2006, 192, obs. S. Deygas.
(13) CE, Sect., 17 juillet 2009, n° 295653, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9198EII), p. 286, AJDA, 2009, 1605, chron. S.-J. Liéber et D. Botteghi, Dr. adm., 2009, 141, note F. Melleray, RFDA, 2010, p. 405, note S. Givernaud.
(14) Conclusions citées par F. Melleray dans sa note sur l'arrêt CE, Sect., 17 juillet 2009, n° 295653, publié au recueil Lebon, préc..
(15) Rec. p. 242, concl. Chardeau, S., 1963, p. 338. V. dans la jurisprudence récente, CE Sect., 8 juin 2011, n° 312700, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5418HTT), p. 170, AJCT, 2011, p. 571, obs. D. Krust, JCP éd. G, 2011, 1466, chron. G. Eveillard, JCP éd. A, 2011, act. 447, obs. J.-G. Sorbara ; CE 4° et 5° s-s-r., 26 juillet 2011, n° 336114, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8344HWX) ; CE 3° et 8° s-s-r., 5 avril 2013, n° 349115, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6571KBY).
(16) CE 4° et 6° s-s-r., 28 décembre 2001, n° 213931, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9751AXG), p. 681.
(17) CE, 26 juillet 1918, n° 49595, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8025B8Q), p. 761, D., 1918, III, p. 9, concl. L. Blum, note M. Hauriou.
(18) T. confl., 19 octobre 1988, n° 3131 (N° Lexbase : A5641BQY), Rec., p. 822, D., 1999, jurispr. p. 127, note O. Gohin, JCP éd. G, 1999, II 10225, concl. J. Sainte-Rose, note A. du Cheyron.
(19) Cass. civ 1, 9 décembre 1986, n° 85-11.528 (N° Lexbase : A6357AAP), Bull. civ. I, n° 295 ; Cass. civ. 1, 6 janvier 2004, n° 01-15.357, FS-P (N° Lexbase : A6928DAT), Bull. civ. I, n° 7.
(20) CE 3° et 5° s-s-r., 18 novembre 1988, n° 74952, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7872APA), p. 416, JCP éd. G, 1989, II, 21211, note B. Pacteau.

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