La lettre juridique n°570 du 15 mai 2014 : Fiscalité internationale

[Jurisprudence] Principe de subsidiarité : une évolution sans retenue (à la source) - A propos de l'arrêt "Céline" du 12 mars 2014

Réf. : CE 9° et 10° s.-s.-r., 12 mars 2014, n° 362528, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6800MGX)

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N2194BUS

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[Jurisprudence] Principe de subsidiarité : une évolution sans retenue (à la source) - A propos de l'arrêt "Céline" du 12 mars 2014. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/16423007-jurisprudence-principe-de-subsidiarite-une-evolution-sans-retenue-a-la-source-a-propos-de-larret-cel
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par Thibaut Massart, Professeur à l'Université Paris Dauphine, Directeur du Master 2 fiscalité de l'entreprise de l'Université Paris Dauphine, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition fiscale (1)

le 15 Mai 2014

1 - L'arrêt "Céline" du 12 mars 2014 marque une étape importante dans la construction du principe de subsidiarité en matière de fiscalité internationale. Alors que ce principe est généralement entendu comme permettant seulement à une convention fiscale bilatérale d'écarter une imposition interne, le Conseil d'Etat vient de décider qu'une convention fiscale peut servir de fondement à un refus de déduction de l'impôt étranger, lorsque cette exclusion ressort clairement des termes de la convention, approuvant ainsi les juges d'avoir écarté la loi fiscale française qui prévoyait pourtant la déduction de cette charge. Ce faisant, la Haute juridiction réussit l'exploit d'instaurer une double imposition en se fondant sur une convention bilatérale dont l'objet consiste précisément à éviter les doubles impositions. 2 - Dans cette affaire, la société de droit français Céline avait concédé des licences d'exploitation de sa marque pour la production d'accessoires à des sociétés établies au Japon et en Italie. Au titre des exercices clos en 2005 et 2006, elle avait déduit de ses résultats imposables les sommes correspondant aux retenues à la source acquittées dans ces deux pays à raison des redevances de marques perçues. En procédant de la sorte, la société appliquait simplement les dispositions de l'article 39-1-4° du CGI (N° Lexbase : L3894IAH). Rappelons en effet que cet article dispose que "le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant [...] notamment : / 4° Sous réserve des dispositions de l'article 153, les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice".

3 - A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration remit en cause les déductions pratiquées par la société Céline. Il ne s'en suivit aucune imposition supplémentaire, compte tenu du caractère déficitaire des résultats de la société française, mais une réduction du montant de ses déficits reportables.

Selon l'administration, les stipulations conventionnelles des Conventions franco-italienne (N° Lexbase : L6706BHT) et franco-japonaise (N° Lexbase : L6709BHX) interdisaient formellement une telle déduction. En effet, suivant l'article 24, §1 de la Convention franco-italienne, "la double imposition est évitée de la manière suivante : [...] a) Les bénéfices et autres revenus positifs qui proviennent d'Italie et qui sont imposables conformément aux dispositions de la convention, sont également imposables en France lorsqu'ils reviennent à un résident de France. L'impôt italien n'est pas déductible pour le calcul du revenu imposable en France. Mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français dans la base duquel ces revenus sont compris". Autrement dit, la société Céline bénéficiait d'un crédit d'impôt pour les retenues à la source acquittées en Italie, mais ne pouvait pas, sous peine d'obtenir un avantage fiscal excessif, déduire ces mêmes retenues à la source de la base imposable en France. Un tel mécanisme figurait également à l'article 23 de la Convention franco-japonaise, selon lequel "1). A) En ce qui concerne la France, les doubles impositions sont éliminées de la manière suivante : Les revenus qui proviennent du Japon, et qui sont imposables ou ne sont imposables qu'au Japon conformément aux dispositions de la présente Convention, sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsque leur bénéficiaire est un résident de France et qu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française. Dans ce cas, l'impôt japonais n'est pas déductible de ces revenus, mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt sur l impôt français". L'administration fiscale soutenait ainsi que la primauté reconnue aux conventions fiscales sur le droit interne, en vertu de l'article 55 de la Constitution (N° Lexbase : L0884AH9), faisait obstacle à la pleine effectivité de l'article 39-1-4° du CGI. Plus précisément, le service se borna à invoquer sa doctrine 4 H-1414, selon laquelle l'existence d'une convention ayant pour objet d'éliminer la double imposition suffit à faire obstacle à la déduction de l'impôt étranger.

La société Céline prétendait cependant qu'elle pouvait déduire les retenues à la source de la base imposable en France dès lors que sa situation déficitaire ne lui permettait pas d'imputer de manière effective un quelconque crédit d'impôt sur l'impôt français. En effet, le crédit d'impôt visé dans les conventions fiscales porte en réalité mal son nom, car il a la nature d'une simple réduction d'impôt. Il est définitivement perdu en cas de résultats déficitaires, à la différence de certains crédits d'impôt de droit interne qui, lorsqu'ils ne peuvent être imputés totalement ou partiellement sur l'impôt, peuvent être remboursés et donner lieu à l'émission d'un chèque du Trésor public.

4 - Par un jugement du 3 février 2011 (2), le tribunal administratif de Montreuil fit droit à la demande de la société Céline tendant à l'augmentation du montant des déficits constatés au titre des exercices clos en 2005 et 2006 en se fondant sur le principe de subsidiarité des conventions fiscales internationales et les dispositions de l'article 39-1-4° du CGI.

Sur recours du ministre chargé du Budget, la cour administrative d'appel de Versailles, par un arrêt du 16 juillet 2012 (3), infirma le jugement du tribunal administratif, estimant que les dispositions conventionnelles en cause faisaient effectivement obstacle aux déductions faites en application du droit interne.

Face à des dispositions de droit interne et des stipulations de droit conventionnel contradictoires, le Conseil d'Etat, saisi en dernier recours dans cette affaire "Céline", dut se prononcer sur la question de la déductibilité des retenues à la source étrangères en présence d'une convention fiscale internationale.

La Haute juridiction procède à un rappel appuyé du principe de subsidiarité des conventions fiscales internationales en soulignant que les conventions fiscales ne peuvent directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition et qu'il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie avant de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

Mais le Conseil d'Etat poursuit sa démonstration en indiquant que les stipulations de droit conventionnel peuvent s'opposer, dans certaines circonstances tenant à la clarté des termes de la convention, à la déduction des impôts étrangers de la base imposable en France, quand bien même une telle déduction serait prévue par le droit interne. La Haute juridiction termine son analyse en précisant qu'il en va ainsi, alors même que la convention prévoirait par ailleurs un mécanisme de crédit d'impôt imputable sur l'impôt français, dont cette entreprise ne serait pas en mesure de bénéficier du fait de sa situation déficitaire au cours de l'année en cause, dès lors que la convention interdit la déduction en toutes circonstances. Autrement dit, l'administration est parfaitement en droit d'invoquer les dispositions claires d'une convention fiscale préventive des doubles impositions, même si le résultat final aboutit justement à produire une double imposition (cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E2980EUW et N° Lexbase : E3400EUH).

Cette décision confirme l'étiolement du principe général de subsidiarité des conventions fiscales (I) et l'apparition d'une méthode kaléidoscopique d'analyse des conventions fiscales (II).

I - L'étiolement du principe général de subsidiarité des conventions fiscales

5 - Loin de proposer l'abandon du principe de subsidiarité des conventions fiscales, le Conseil d'Etat commence au contraire sa démonstration par rappeler la teneur précise du principe (A). Ce n'est que dans un deuxième temps de son raisonnement que la Haute juridiction estime que ce principe ne s'oppose pas à ce que les dispositions conventionnelles puissent faire obstacle aux déductions faites en application du droit interne (B).

A - Le rappel du principe de subsidiarité des conventions fiscales

6 - Afin de parfaitement comprendre la solution proposée par le Conseil d'Etat, il convient de rappeler les fondements et la teneur du principe de subsidiarité applicable en matière de fiscalité internationale.

Lorsqu'un litige met en oeuvre une convention fiscale internationale, cette dernière prime en principe le droit interne en vertu de l'article 55 de la Constitution reconnaissant aux traités internationaux une autorité supérieure à celle des lois. Cette supériorité des conventions fiscales internationales sur les lois nationales n'a jamais été contestée. Cependant, au regard de leur objet particulier, les conventions fiscales ne rendent la loi nationale inapplicable que dans certaines situations. En effet, les conventions fiscales ont essentiellement pour objet de lutter contre le phénomène de double imposition internationale. De ce fait, la pratique de la plupart des Etats admet que les normes des conventions fiscales ne s'imposent aux normes de droit interne que dans la mesure où elles sont moins contraignantes pour le contribuable. D'ailleurs, les conventions fiscales contiennent parfois une clause spéciale pour préserver les avantages accordés par le droit interne (4). Pour certains auteurs, le principe de primauté du droit conventionnel sur le droit interne serait ainsi tempéré par un principe coutumier dit de "non-aggravation" (5). Ce principe impliquerait que la situation d'un contribuable ne pourrait être aggravée par l'application d'une convention fiscale, dont la raison d'être est précisément la protection des contribuables par la recherche de l'élimination des doubles impositions. La supériorité conventionnelle ne jouerait donc qu'à sens unique à titre de garantie. Elle pourrait alléger ou supprimer des obligations fiscales, mais non les aggraver ou en créer de nouvelles (6). Le principe de légalité de l'impôt conforterait d'ailleurs l'émergence de cette règle générale.

En réalité, un tel principe de "non-aggravation" n'a jamais été consacré par la jurisprudence et sa positivité juridique est même aujourd'hui contestée (7). Quoi qu'il en soit, et de manière paradoxale, c'est bien l'idée d'une non-aggravation de la situation du contribuable qui a constitué le ferment du principe de subsidiarité des conventions fiscales.

7 - Ce principe introduit une interprétation spécifique de l'article 55 de la Constitution pour les seules conventions fiscales bilatérales et fixe les règles de combinaison du droit interne fiscal et des conventions fiscales.

Il est d'abord apparu en filigrane dans la jurisprudence du Conseil d'Etat avec les arrêts du 19 décembre 1975 (8) et du 17 mars 1993 (9). Mais l'évolution jurisprudentielle la plus importante viendra d'un arrêt d'assemblée en date du 28 juin 2002, affaire "Schneider Electric" (10). C'est à cette date que le principe de "principe de subsidiarité des conventions fiscales", qualifié également de "principe de priorité du droit interne", voit le jour. Selon l'arrêt "Schneider Electric", "si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; [...] par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer -en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office- si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale". Par cette décision, le Conseil d'Etat consacra pleinement le principe dit de subsidiarité des conventions fiscales. Ce principe se présente comme une théorie partant d'un postulat pour aboutir à une méthode d'analyse.

Le postulat réside dans une double affirmation. D'abord, les conventions fiscales ne peuvent avoir d'autre objet que de faire obstacle à une imposition prévue par le droit interne. Ensuite, l'autorité supérieure à celle des lois qui est conférée aux conventions fiscales bilatérales par l'article 55 de la Constitution ne peut jouer que pour autant que la loi soit d'abord susceptible de s'appliquer. Une convention fiscale ne peut donc servir de base légale pour imposer un contribuable. L'administration n'est pas susceptible de voir son pouvoir accru par les stipulations d'une convention, au-delà des limites qui sont définies par la loi, le législateur étant seul compétent pour fixer l'impôt (11).

Résulte de ce postulat une méthode d'analyse. Puisque les conventions fiscales n'ont pas pour objet une application intrinsèque, il convient d'examiner, dans un premier temps, les dispositions du droit interne français pour savoir si l'imposition est fondée, puis, dans un second, les dispositions de la convention fiscale internationale applicable afin de déterminer si ces dernières font obstacle ou non à la loi française.

Ce principe de subsidiarité, mêlant priorité du droit interne et primauté des dispositions conventionnelles, se présente ainsi comme une méthode essentielle et opérationnelle pour guider le juge de l'impôt dans l'application des règles fiscales dans un contexte international.

8 - Loin d'abandonner un tel principe, le Conseil d'Etat le réaffirme clairement dans l'arrêt "Céline", en le qualifiant expressément de "principe de subsidiarité des conventions fiscales". On soulignera cependant que le Conseil d'Etat ne reprend pas l'affirmation figurant dans l'affaire "Schneider Electric" selon laquelle "une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale". Cet "oubli" ne peut cependant être interprété comme remettant en question la force de l'article 55 de la Constitution et le principe de primauté des conventions bilatérales. Au contraire, tout le raisonnement mené par la Haute juridiction administrative dans l'affaire "Céline" semble sous-tendu par la primauté des conventions internationales sur le droit interne, même si, contrairement à l'arrêt Schneider, l'article 55 n'est même plus au visa de la décision (12).

9 - Par ailleurs, l'arrêt "Céline" ne semble pas remettre en question l'approche méthodologique consacrée par la jurisprudence "Schneider".

Traditionnellement, puisque l'on considérait que le principe de subsidiarité pouvait uniquement faire obstacle à une imposition prévue par la loi interne, le juge, confronté à un litige relatif à l'application d'une convention fiscale internationale, devait tenir un raisonnement qui reposait quasi exclusivement sur les deux interrogations suivantes : le revenu est-il imposable en France au regard du droit interne ? Si la réponse est positive, il devait alors rechercher si la convention fiscale faisait obstacle ou non à cette imposition ?

Cette approche méthodologique n'est a priori pas remise en cause par l'arrêt "Céline" qui précise qu'"[...] il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie avant de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale".

D'ailleurs, le Conseil d'Etat prend soin de préciser que le principe de subsidiarité des conventions fiscales n'a pas été méconnu par la cour administrative d'appel puisque cette dernière avait d'abord mis en relief le fondement de droit interne, à savoir les dispositions de l'article 39 du CGI, autorisant la société "Céline" à déduire les impositions acquittées en Italie et au Japon, puis avait examiné les stipulations conventionnelles dont l'administration se prévalait pour affirmer qu'elles faisaient obstacle à cette déduction.

Mais le principe de subsidiarité se trouve en réalité réduit à une approche purement formelle, car le Conseil d'Etat ajoute une nouvelle étape dans le raisonnement que doit suivre le juge.

B - L'inflexion manifeste du principe de subsidiarité

10 - La Haute juridiction ajoute une nouvelle étape au raisonnement classique en précisant qu'"[...] il appartient néanmoins au juge, après avoir constaté que les impositions qu'une entreprise a supportées dans un autre Etat du fait des opérations qu'elle y a réalisées seraient normalement déductibles de son bénéfice imposable en France en vertu la loi fiscale nationale, de faire application, pour la détermination de l'assiette de l'impôt dû par cette entreprise, des stipulations claires d'une convention excluant la possibilité de déduire l'impôt acquitté dans cet autre Etat d'un bénéfice imposable en France". Le Conseil d'Etat estime ainsi que les conventions fiscales, compte tenu de leur objet, sont indissociablement liées à la définition de l'assiette de l'impôt. Cette clarification institue en réalité une véritable réforme du principe de subsidiarité des conventions internationales en matière de déduction des impôts étrangers.

Le juge devait suivre une méthode d'ordre d'examen des questions. Celui-ci devait examiner si le contribuable pouvait obtenir satisfaction sur le terrain du droit interne avant de vérifier si une stipulation de la convention fiscale applicable y fait obstacle. Et si le contribuable était susceptible d'obtenir satisfaction sur le terrain du droit interne, le juge n'avait pas à examiner les stipulations de la convention. Au cas inverse, il devait examiner ces stipulations, même d'office. Dorénavant, le raisonnement du juge se trouve ainsi modifié de la façon suivante. Le juge ne doit plus uniquement se demander si le revenu est imposable en France au regard du droit interne, et si oui, se demander si la convention fiscale fait obstacle à cette imposition, mais doit également se demander si l'imposition étrangère correspondante est déductible au regard du droit interne. Et dans l'affirmative, si la convention fiscale fait explicitement obstacle à cette déduction.

En l'état actuel de cette jurisprudence, les règles applicables en matière d'imputation des retenues à la source étrangères sur l'impôt français en présence d'une convention fiscale internationale sont par conséquent les suivantes : en période bénéficiaire, si la convention fiscale bilatérale le prévoit, la société pourra obtenir un crédit d'impôt plafonné au montant de l'impôt français correspondant, qu'elle devra imputer sur l'impôt français. En revanche, en période déficitaire, le crédit d'impôt tombera en non-valeur dans la mesure où il n'est pas reportable d'une année à l'autre en vertu des principes d'annualité de l'impôt et de la spécificité des exercices. La société ne pourra déduire la retenue à la source de la base d'imposition pour le calcul de l'impôt français que si la convention fiscale internationale ne s'y oppose pas explicitement.

11 - Une telle évolution n'est cependant pas une véritable surprise. L'idée selon laquelle une convention fiscale internationale peut servir de base légale pour écarter une déduction qui est valablement établie en droit interne avait déjà été implicitement évoquée dans un arrêt du Conseil d'Etat, affaire "Soulès", du 20 novembre 2002 (13). Selon cette décision, "lorsqu'une entreprise industrielle ou commerciale effectue, dans un Etat étranger, des opérations dont le résultat entre dans ses bénéfices imposables en France, ce résultat doit, conformément aux dispositions du 1 de l'article 39 du CGI, être déterminé sous déduction de toutes charges' ayant grevé la réalisation desdites opérations, et que doivent, notamment, être regardées comme telles, à moins d'une stipulation conventionnelle spécifique y faisant obstacle, les impositions, de toute nature, que l'entreprise a supportées, du fait de ces opérations, dans ledit Etat" (14). Dans un arrêt "Lummus" du 11 juillet 1991 (15), le Conseil d'Etat avait également jugé que, lorsqu'aucune cotisation d'impôt sur les sociétés n'est exigible au titre d'un exercice et qu'il n'est pas possible d'opérer d'imputation sur cet impôt, les retenues à la source supportées à l'étranger ne peuvent être regardées comme des charges déductibles des résultats et ne peuvent donc augmenter les déficits reportables (16).

L'arrêt "Céline" permet ainsi au Conseil d'Etat d'affiner sa position déjà dégagée dans les affaires "Soulès" et "Lummus", et d'affirmer explicitement que les stipulations de droit conventionnel peuvent faire obstacle à l'application des déductions prévues par le droit interne.

12 - Au-delà, l'arrêt "Céline" atteste clairement de l'inexistence en droit positif d'un principe de non-aggravation. Selon ce principe, les conventions fiscales internationales ne devraient, en principe, que faire obstacle à une imposition prévue par la loi interne. Aussi, seul le contribuable devrait pouvoir invoquer une convention fiscale pour atténuer ou annuler une imposition. Mais l'arrêt "Céline" nous enseigne que, si une convention fiscale ne peut que faire obstacle à une imposition prévue par la loi interne, elle peut également faire obstacle à une déduction prévue par le droit interne. Il existe ainsi des situations dans lesquelles l'administration peut se prévaloir valablement des prescriptions d'une convention fiscale pour rejeter une déduction qui n'aurait pas été fondée au regard du seul droit interne. Mais comme le rejet d'une déduction revient, in fine, à l'imposition de la charge non déduite, l'administration est en réalité autorisée à se prévaloir d'une convention fiscale pour imposer un contribuable qui ne l'aurait pas été selon les dispositions internes.

Cette évolution défavorable au contribuable n'est là encore pas réellement une surprise, car la jurisprudence révélait déjà des situations pour lesquelles l'administration pouvait se prévaloir des stipulations conventionnelles pour asseoir une imposition qui n'aurait pas été fondée au regard de la loi fiscale interne. Il suffit de citer l'arrêt "Société BNP Paribas" du 12 juin 2013, dans lequel le Conseil d'Etat a jugé qu'une convention fiscale bilatérale prévoyant l'exonération en France des gains issus de la cession de titres détenus dans une filiale étrangère par le jeu combiné d'une clause de participation substantielle et d'une clause d'élimination de la double imposition reposant sur un mécanisme d'exonération, s'opposait à la déduction d'une provision pour dépréciation des titres (17).

13 - On notera également que la société Céline invoquait pour sa défense devant la cour administrative d'appel le principe de non-aggravation, mais que les magistrats balayèrent d'un revers de main cet argument. Le Conseil d'Etat, pour sa part, n'évoque pas le principe de non-aggravation mais assume plus directement les conséquences de sa nouvelle orientation en posant : "[...] il en va ainsi, alors même que la convention prévoirait par ailleurs un mécanisme de crédit d'impôt imputable sur l'impôt français, dont cette entreprise ne serait pas en mesure de bénéficier du fait de sa situation déficitaire au cours de l'année en cause, dès lors que la convention interdit la déduction en toutes circonstances". Le Conseil d'Etat considère que la "double peine" (18) que subit le contribuable n'est pas un obstacle à l'application des conventions. La société Céline souffre en effet, d'une part, de l'interdiction de bénéficier du crédit d'impôt conventionnel, celui-ci tombant immédiatement en non-valeur à défaut d'une base d'imputation, et d'autre part, de l'interdiction de déduire les impôts étrangers aux fins d'augmenter leurs déficits reportables en raison du principe de supériorité des conventions fiscales. Cette dernière peine n'interviendra de manière effective qu'après rétablissement de la situation bénéficiaire de la société, cette dernière se trouvant alors dans l'incapacité d'invoquer un déficit reportable.

14 - Exit donc ce principe de non-aggravation qui n'aura existé que sous la plume des commentateurs (19). Reste un principe de subsidiarité des conventions fiscales réduit à une méthode sommaire d'analyse. Celle-ci consiste à d'abord examiner le droit interne pour s'assurer qu'il y a bien un point d'entrée à l'application de la convention fiscale, puis, dans un second temps, à étudier ladite convention fiscale pour déterminer si elle modifie (et non plus aggrave) le droit interne. Le caractère subsidiaire n'est donc relatif qu'à l'ordre d'examen du droit applicable, qui confère la première place à la loi interne, sans que cette méthode ait une incidence sur la hiérarchie des normes (20). Cette minimalisation du principe de subsidiarité, réduit à une méthode très générale, masque en réalité une approche kaléidoscopique de la combinaison du droit interne et du droit international fiscal (21).

II - Une approche kaléidoscopique

15 - Afin d'entrevoir l'articulation entre le droit interne et le droit international, il ne suffit nullement de voir en priorité le droit interne, il faut encore placer devant l'objectif différents filtres qui constituent autant de critères qui modifieront la cartographie des solutions finales. Il semble ainsi nécessaire de distinguer selon que la convention est invoquée par le contribuable ou par l'administration, selon qu'il s'agit d'une imposition ou d'une déduction, selon que la question porte sur une qualification ou non. Tous ces paramètres exercent une influence sur la résolution du litige. Avec l'arrêt "Céline", il faudra également distinguer selon le contenu des conventions fiscales en cause (A). La jurisprudence récente de la Cour de justice de l'Union européenne pourrait même nous inviter à distinguer selon les pays parties à la convention fiscale (B).

A - La prise en compte du contenu de la Convention

16 - Pour la mise en oeuvre du principe de subsidiarité, selon les modalités nouvelles dégagées au travers de l'arrêt "Céline", le Conseil d'Etat subordonne la non-déduction de l'impôt étranger à l'existence de "stipulations claires d'une convention excluant la possibilité de déduire l'impôt acquitté dans cet autre Etat d'un bénéfice imposable en France". Il appartient ainsi au juge d'interpréter la convention afin de s'assurer qu'elle contient bien des "stipulations claires" sur la question de la non-déductibilité de l'impôt étranger.

17 - On soulignera que les traités fiscaux bilatéraux, en tant que traités internationaux, doivent suivre les règles générales d'interprétation du droit international public, telles qu'elles figurent dans la Convention de Vienne sur le droit des traités (22). La règle générale d'interprétation des traités est posée à l'article 31, paragraphe 1, de la Convention du 23 mai 1969 : "Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but" (23). Le principe général, qui guide l'ensemble de la démarche interprétative, est le principe de l'interprétation de bonne foi. La seule limite qui s'impose à l'interprète réside dans le souci de ne pas aboutir à une situation où les Etats seraient engagés au-delà de ce qu'ils ont accepté. Comme le souligne E. Dinh, "force est de constater que la reconnaissance par le juge de la possibilité pour la société française déficitaire de déduire l'impôt étranger n'est pas de nature à engendrer un franchissement de cette limite" (24). Pourtant, à travers l'arrêt "Céline", le Conseil d'Etat semble assurément recommander une interprétation stricte et littérale des conventions fiscales, alors même qu'il avait expressément fait référence à l'objet des dispositions d'une convention fiscale pour en déterminer le sens, dans l'arrêt "Regazzacci" rendu le 27 juillet 2012 (25). Selon l'arrêt "Céline", il convient d'opérer une distinction en fonction de la teneur de la convention de double imposition sans pouvoir arguer d'une interprétation téléologique de la convention en posant que l'objet même de la convention consiste à éviter une double imposition et non à mettre en place une "double peine".

Une typologie des conventions apparaît ainsi.

18 - Certaines conventions fiscales prévoient explicitement l'autorisation de déduction de la retenue à la source étrangère en cas de non-utilisation du crédit d'impôt et fixent ainsi les règles applicables pour une société en situation de déficit. Ces conventions ne posent aucune difficulté. Elles autorisent assurément le contribuable à déduire l'impôt étranger lorsque le crédit d'impôt ne peut être effectivement imputé sur l'impôt français. Elles n'autorisent cependant pas le contribuable à cumuler déduction et crédit d'impôt.

19 - D'autres conventions, au contraire, mentionnent expressément l'interdiction générale de la déduction des retenues à la source (26), ces conventions empêchent la déduction de la retenue à la source même en cas de non-utilisation du crédit d'impôt et sont visées par la solution de l'arrêt "Céline" puisqu'elles contiennent bien des "stipulations conventionnelles claires excluant la possibilité de déduire l'impôt acquitté dans cet autre Etat d'un bénéfice imposable en France".

20 - D'autres enfin se limitent uniquement à prévoir les modalités d'imputation de l'impôt étranger sur l'impôt français en posant le principe du plafonnement du crédit d'impôt étranger à l'impôt français. C'est par exemple le cas de la Convention franco-roumaine (N° Lexbase : L6743BH9), qui ne mentionne pas explicitement l'interdiction de la déduction de l'impôt étranger (27). Ces conventions s'attachent donc uniquement aux modalités d'imposition des revenus étrangers et ne disposent pas de "stipulations conventionnelles claires excluant la possibilité de déduire l'impôt acquitté dans cet autre Etat d'un bénéfice imposable en France". En application de cette jurisprudence "Céline", et sous réserve de précisions ultérieures par le Conseil d'Etat, ces conventions, qui n'excluent pas expressément la déduction de l'impôt étranger, conduiraient à accepter la déduction de l'impôt étranger. On notera d'ailleurs que l'administration ne s'est pas pourvue en cassation après que la cour administrative d'appel de Versailles ait validé la déduction de l'impôt étranger dans l'affaire "Egis" datant du 18 juillet 2013 (28), et ce, compte tenu des dispositions de l'article 21 de la Convention franco-grecque (N° Lexbase : L6697BHI), qui n'exclut pas expressément la déduction des retenues à la source contrairement aux Conventions franco-italienne ou franco-japonaise.

B - L'éventuelle prise en compte de la localisation géographique du pays signataire de la convention fiscale

21 - Lorsque la convention fiscale prévoit l'impossibilité de déduire les retenues à la source et autorise seulement le contribuable à faire valoir un crédit d'impôt, le Conseil d'Etat, à travers l'arrêt "Céline", applique scrupuleusement les dispositions conventionnelles. Mais une telle lecture s'impose-t-elle avec la même force lorsque l'Etat signataire de la Convention est également membre de l'Union européenne ? Cette question est a priori étrange puisque l'arrêt "Céline" aborde de la même façon la Convention signée avec le Japon et la Convention conclue avec l'Italie. C'est pourtant un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) rendu au lendemain de l'arrêt "Céline", c'est-à-dire le 13 mars 2014 (29), qui nous invite à nous interroger sur l'influence du droit communautaire en matière de déduction des impôts étrangers.

22 - Dans cette affaire, la CJUE reconnaît que les impôts payés à l'étranger sont déductibles de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour l'application du bouclier fiscal. La Cour se fonde, pour accorder la déduction des impôts étrangers, sur l'article 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) (N° Lexbase : L2713IP8), qui pose le principe selon lequel toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont prohibées. La Cour reconnaît ainsi que les impôts étrangers doivent être déductibles (pour l'application du bouclier fiscal français, en l'espèce) sur le fondement de la liberté de circulation des capitaux. Même si le contexte juridique est différent de celui de l'affaire "Céline", cette décision nous amène à nous interroger sur l'influence éventuelle de cette liberté communautaire sur la résolution de l'affaire.

23 - En effet, la société Céline invoquait l'atteinte à la liberté d'établissement et à la libre circulation des capitaux prévues par le droit de l'Union européenne que constituait l'impossibilité pour elle de déduire l'impôt étranger. Le mécanisme d'imputation d'impôt sur l'impôt constituerait ainsi une discrimination en dissuadant des opérateurs économiques résidant en France de s'établir ou d'investir à l'étranger, et notamment au sein de l'Union européenne. Cet argument avait été rejeté par la cour administrative d'appel, soulignant que la société Céline s'était bornée à invoquer une distinction entre sa situation et celle des contribuables ayant perçu des revenus provenant d'Etats n'ayant pas signé de convention ou ayant signé une convention ne prévoyant pas la non-déductibilité de l'impôt acquitté dans ledit Etat, mais qu'elle n'invoquait ainsi aucun traitement différent qui serait appliqué à des situations objectivement comparables.

Une telle position est toutefois sujette à critique. Certains auteurs, analysant les arrêts "Sté GBL Energy" du 9 mai 2012 (30) et "SA Kermadec" du 29 octobre 2012 (31), relatifs à l'exonération des dividendes perçus par une société résidente n'ayant pas la qualité de société mère lorsque ses résultats sont déficitaires, ont soutenu l'idée qu'un crédit d'impôt correspondant à la retenue à la source étrangère devrait pouvoir être utilisé, sinon lors de l'exercice de perception des dividendes, du moins lors du premier exercice ultérieur au cours duquel la société doit à nouveau acquitter l'IS sur un résultat bénéficiaire (32).

En conséquence, comme le suggère Emmanuel Dinh, "dès lors qu'est admis le postulat selon lequel une société déficitaire subit une double imposition, quand bien même cette dernière n'interviendrait-elle pas au titre de l'exercice de la perception des revenus, mais au moment où la société redeviendra bénéficiaire, il apparaît en effet attentatoire à la libre circulation des capitaux d'interdire l'utilisation en France du crédit d'impôt étranger" (33). Mieux, compte tenu de l'effet erga omnes de la liberté de circulation des capitaux, cette solution devrait prévaloir y compris pour les revenus prenant leur source dans des Etats tiers à l'UE.

Le Conseil d'Etat n'aborde pas ces questions dans l'affaire "Céline", mais il est clair que le débat n'est pas clos et que d'autres décisions apporteront d'autres filtres au kaléidoscope.


(1) L'auteur remercie Yasmine El Boury pour ses recherches documentaires.
(2) TA Montreuil, 1ère ch., 3 février 2011, n° 0909296 (N° Lexbase : A6444HTT) : Dr. Sociétés, 2011, comm. 165, note J.-L. Pierre ; JCP E, 2011, 1653. - V. également, N. Chayvialle, Sélection de jugements des tribunaux administratifs : Dr. fisc., 2011, n° 24, 386. - C. Acard, Chronique de fiscalité financière : Dr. fisc., 2012, n° 23, 323.
(3) CAA Versailles, 6ème ch., 16 juillet 2012, n° 11VE01877, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9866IQH) : Dr. fisc., 2012, n° 49, comm. 547, concl. J.-E. Soyez, note O. Fouquet et Ph. Durand ; Dr. sociétés, 2013, comm. 77, note J.-L. Pierre ; E. Dinh, Chronique de fiscalité internationale pour 2012, Dr. fisc. 2013, n° 9, comm. 170.
(4) O. Fouquet, Impôt étranger : déductible à défaut d'imputabilité ?, FR, 4/09, n° 9, p. 2 ; la Convention fiscale franco-américaine (N° Lexbase : L5151IEI) : les revenus ayant leur source dans l'autre partie ne peuvent subir un prélèvement supérieur à celui découlant de la seule application de la loi fiscale.
(5) CE 7° et 8° s-s-r., 17 décembre 1984, n° 47293, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4717ALB) : RJF, 2/85 n° 308 et conclusions Dr. fisc., 11/85 comm. 553 : le commissaire du Gouvernement M. Fouquet affirmait que "l'administration a toujours interprété la règle de supériorité des conventions fiscales internationales sur la loi interne antérieure comme ne pouvant aboutir à une aggravation de la situation du contribuable par rapport au droit interne".
(6) B. Castagnède, Précis de fiscalité internationale, PUF, 4ème éd., 2013, n° 272, p. 359.
(7) CE 10° et 9° s-s-r., 8 juillet 2002, n° 225159, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1501AZM) : Dr. fisc., 2002, n° 41, comm. 801, concl. Mme M.-H. Mitjavile ; RJF, 11/2002, n° 1202 ; BDCF, 11/2002, n° 133, concl. Mme M.-H. Mitjavile.
(8) CE plén., 19 décembre 1975, n° 84774 et 91895, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3446B87) : RJF, 2/76, n° 77, chronique B. Martin Laprade RJF 2/76 p. 41 avec conclusions D. Fabre, Dr. fisc., 27/76, c. 925.
(9) Les principes de la méthode avaient déjà été décrits dans concl. J. Arrighi de Casanova sous CE 8° et 9° s-s-r., 17 mars 1993, n° 85894, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8711AML) : Dr. fisc., 1993, n° 25, comm. 1093 ; RJF, 5/1993, n° 612, concl. J. Arrighi de Casanova, p. 359) "Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer -en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office- si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale".
(10) CE ass., 28 juin 2002, n° 232276, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0219AZ7) : JurisData n° 2002-080182 ; Rec. CE 2002, p. 233 ; Dr. fisc., 2002, n° 36, comm. 657 ; Dr. Sociétés, 2002, comm. 184, note J.-L. Pierre ; RJF, 10/2002, n° 1080, chron. L. Olléon, p. 755 ; BDCF, 10/2002, n° 120, concl. S. Austry ; Rev. Sociétés, 2002, p. 538 et s., obs. O. Fouquet ; LPA, 17 août 2002, p. 4 et s., note B. Boutemy, E. Meier et Th. Perrot ; Bull. Joly Sociétés, 2002, n° 200, note Ch. Nouel et S. Reeb ; BGFE, 2002, n° 4, p. 3 et s., obs. E. Davoudet ; FR Lefebvre, 34/2002, p. 14, obs. N. Chahid-Nouraï et P. Couturier ; GAJF, 4e, éd. n° 4 : V. également, P. Dibout, L'inapplicabilité de l'article 209 B du CGI face à la Convention franco-suisse du 9 septembre 1966 (à propos de l'arrêt CE ass., 28 juin 2002, Schneider Electric) : Dr. fisc., 2002, n° 36, 28 ; B. Castagnède, Précis de fiscalité internationale, PUF, 4ème éd., 2013, n° 112, p. 153 (et les références citées pour la lecture de l'arrêt "Schneider").
(11) S. Austry et D. Gutmann, Articulation des conventions et du droit interne, incidences de la jurisprudence Schneider Electric, FR, 53/07, inf. 9, p. 11, spéc. n° 3.
(12) Les conclusions du rapporteur public pourraient certainement apporter des éclaircissements sur ce point, mais nous n'avons pas eu accès à ce document au moment de la rédaction du présent commentaire.
(13) CE 9° et 10° s-s-r., 20 novembre 2002, n° 230530, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0758A4T) : Dr. fisc., 2002, n° 50, act. 234 ; Dr. Sociétés, 2003, comm. 59, note J.-L. Pierre ; RJF, 2/2003, n° 153 : BDCF, 2/2003, n° 19, concl. G. Goulard ; BGFE, 2003, n° 1, obs. N. Chahid-Nouraï.
(14) Voir également CAA Paris, 2ème ch., 21 décembre 2012, n° 11PA02852 (N° Lexbase : A9802I78) : Dr. fisc., 2013, n° 7, comm. 159, note Y. Egloff ; RJF, 5/2013, n° 470 : prohibant le droit de déduire les retenues à la source sur le fondement de l'article 39-1-4°, y compris en l'absence de résultats bénéficiaires (l'article 24 de la Convention franco-américaine applicable à l'espèce étant rédigé dans les mêmes termes que l'article 23 de la Convention franco-japonaise).
(15) CE 7° et 9° s-s-r., 11 juillet 1991, n° 57391, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0759AIX) : Dr. fisc., 1993, n° 31, comm. 1588 ; RJF, 10/1991, n° 1208 ; Rev. Sociétés, 1991, p. 808, concl. O. Fouquet.
(16) Dans cette affaire, la contribuable avait déduit sur le fondement de l'article 39-1-4°, les retenues à la source prélevées sur ses redevances en provenance d'Algérie en se prévalant du droit conventionnel. Or, la Convention franco-algérienne (N° Lexbase : L6658BH3) ne prévoit qu'une imputation de la retenue étrangère sur l'impôt français, à l'exclusion de tout autre mécanisme alternatif, notamment pour le cas où la société serait déficitaire l'année d'imputation. Ce n'était donc pas sur le fondement de la Convention que la société Lummus pouvait revendiquer la déduction de l'impôt étranger, mais sur celui de l'article 39-1-4°, de droit interne, dont elle ne s'était étrangement, à aucun moment, prévalue.
(17) CE 3° et 8° s-s-r., 12 juin 2013, n° 351702, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5884KGZ), Dr. fisc., 2013, n° 46, comm. 511, concl. E. Cortot-Boucher, note E. Dinh : Comme le souligne E. Dinh, il ressort de cette affaire"que le champ d'application des conventions fiscales doit être apprécié de manière objective : en l'absence même de tout débat lié à une double imposition juridique, les conventions fiscales ont vocation à réguler les questions liées à la déduction d'une charge de l'assiette fiscale d'une société résidente de France, dès lors que cette déduction est liée à la répartition interétatique de la matière imposable qu'elles organisent. Quand bien même la charge serait déductible au regard du droit interne, la subsidiarité ne peut avoir pour effet d'empêcher l'examen de la déduction au regard de la convention. [...] Si l'examen de la déduction de la charge au regard du droit conventionnel contredit le droit interne, le principe de hiérarchie des normes commande naturellement que les stipulations conventionnelles l'emportent sur le droit interne".
(18) Expression empruntée à E. Dinh (Fiscalité internationale, L'année fiscale 2012 : Dr. fisc., 2013, n° 9, comm. 170).
(19) B. Castagnède, Précis de fiscalité internationale, PUF, 4ème éd., 2013, n° 272, p. 359 ; B. Gouthière, Les impôts dans les affaires internationales, éd. Fr. Lefebvre, 9ème éd., n° 10665 : soulignant que si un principe de non-aggravation existe en théorie, il ne concerne pas l'assiette de l'impôt et qu'il est "sans effet utile, dans la généralité des cas, compte tenu précisément de la loi de 1959". Le commissaire du Gouvernement, Marie-Hélène Mitjaville, indique dans ses conclusions dans l'arrêt "Lecat" que "le principe général consacré par la coutume du droit fiscal international suivant lequel la convention ne peut aboutir à aggraver la situation du contribuable par rapport au droit interne ne constitue qu'une formule illustrant l'objet limité des conventions fiscales bilatérales et non un principe formel de non-aggravation" (CE 10° et 9° s-s-r., 8 juillet 2002, n° 225159, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1501AZM : Dr. fisc., 2002, n° 41, comm. 801, concl. Mme M.-H. Mitjavile ; RJF, 11/2002, n° 1202 ; BDCF, 11/2002, n° 133, concl. Mme M.-H. Mitjavile).
(20) En ce sens J.-E. Soyez, rapport sous CAA Versailles, 6ème ch., 16 juillet 2012, précité.
(21) En ce sens, Franck Locatelli qui évoque le "kaléidoscope mis en place progressivement par le Conseil d'Etat" (conclus. sous CAA Versailles, 3ème ch., 18 juillet 2013, n° 12VE00572, Dr. fisc., 2014, n° 4, comm. 93, concl. F. Locatelli, note J.-L. Pierre).
(22) Sur ce point, voir avis CE, 31 mars 2009, n° 382545, DF, 2010, n° 22, comm. 339.
(23) Pour une référence aux règles posées par la Convention de Vienne en matière fiscale, voir notamment les conclusions de J. Arrighi de Casanova, sous CE 8° et 9° s-s-r., 13 octobre 1999, n° 190083, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5436AXM), RJF, 12/99, n° 1587.
(24) E. Dinh, Chronique de fiscalité internationale pour 2012, précité.
(25) CE 9° et 10° s-s-r., 27 juillet 2012, n° 337656 et 337810, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0711IRR), RJF, 11/12, n° 1012, concl. F. Aladjidi, BDCF, 11/12, n° 126. Voir également conclusions de S. Austry sous l'arrêt Schneider, précité.
(26) C'est assurément le cas des Conventions franco-italienne et franco-japonaise précitées.
(27) Voir la Convention entre la France et la Roumanie du 27 septembre 1974, article 24, b).
(28) CAA Versailles, 3ème ch., 18 juillet 2013, n° 12VE00572, Dr. fisc., 2014, n° 4, comm. 93, concl. F. Locatelli, note J.-L. Pierre.
(29) CJUE, 13 mars 2014, aff. C-375/12 (N° Lexbase : A6825MGU).
(30) CE plén., 9 mai 2012, n° 342221 et 342222, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0104ILG), RJF 7/12, n° 774, concl. L. Olléon, BDCF, 7/12, n° 92, chron. E. Bockdam, RJF, 7/12, p. 587.
(31) CE 8° et 3° s-s-r., 29 octobre 2012, n° 352209, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1178IWK), DF, 2012, n° 45, act. 435.
(32) Voir S. Austry et D. Gutmann, Où s'arrêtera la jurisprudence ?, FR, 30/12, question d'actualité n° 5, spéc. n° 18.
(33) E. Dinh, Chronique de fiscalité internationale pour 2012, précité.

Décision

CE 9° et 10° s.-s.-r., 12 mars 2014, n° 362528, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6800MGX)

Rejet CAA Versailles, 6ème ch., 16 juillet 2012, n° 11VE01877, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9866IQH)

Lien base "Conventions fiscales internationales" (N° Lexbase : E2980EUW) et (N° Lexbase : E3400EUH)

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