Jurisprudence : CE 9/10 SSR, 08-07-2002, n° 225159

ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT

CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 225159

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

c/ M. Lecat

M. Salesse, Rapporteur
Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement

Séance du 5 juin 2002
Lecture du 8 juillet 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le pourvoi, enregistré le 19 septembre 2000, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 6 juillet 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, annulant le jugement du 10 octobre 1995 du tribunal administratif de Paris, a accordé à M. Francis Lecat la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1987 et 1988 ; il soutient que la cour administrative d'appel a méconnu le champ d'application de la convention fiscale franco-belge ;

Vu l'arrêt attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2001, présenté pour M. Lecat M. Lecat demande que le Conseil d'Etat

1°) rejette le pourvoi ;

2°) condamne l'Etat à lui payer la somme de 15 000 F (2 286,74 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier;

Vu la convention fiscale du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique ;

Vu le code général des impôts;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique

- le rapport de M. Salesse, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. Lecat,

- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au cours des années 1987 et 1988, M. Lecat habitait en Belgique avec sa famille et exerçait en France la profession d'agent d'assurances ; que l'administration lui a refusé le bénéfice des déductions de cotisations à un régime de retraite et de la réduction d'impôt au titre de primes d'assurance vie que prévoient respectivement les articles 164 A et 199 septies B du code général des impôts ; qu'elle s'est fondée à cet égard sur le motif que ces avantages sont réservés aux contribuables qui ont leur domicile fiscal en France ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : "Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française" ;

Considérant qu'aux termes de l'article 164 A du même code: "Les revenus de source française des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France sont déterminés selon les règles applicables aux revenus de même nature perçus par les personnes qui ont leur domicile fiscal en France. Toutefois, aucune des charges déductibles du revenu global en application du présent code ne peut être déduite" ; qu'aux termes de l'article 199 septies B du même code : "Les personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France ne bénéficient pas de la réduction d'impôt prévu à l'article 199 septies" ; que ces dispositions, rapprochées de celles précitées de l'article 4 A du code général des impôts, doivent être interprétées comme ayant pour objet de réserver les avantages fiscaux qu'elles prévoient aux personnes qui sont imposables en France sur l'ensemble de leurs revenus en raison d'un critère de résidence ;

Considérant que si aux termes de l'article 4 B du code général des impôts: "1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : ... b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire", en jugeant, par la seule application de l'article 4 B, que le domicile fiscal de M. Lecat était en France, sans rechercher s'il pouvait y être imposé sur l'ensemble de ses revenus, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; que, dès lors, le ministre est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur la motivation de la notification de redressements

Considérant que la notification de redressements en date du 9 février 1990 indiquait explicitement que, du fait de sa non domiciliation en France, M. Lecat n'avait droit ni à une déduction des charges du revenu global ni à des réductions d'impôts, réservées par le code général des impôts aux personnes domiciliées en France ; qu'elle était ainsi suffisamment motivée ; que la circonstance que l'administration ait cité comme fondement légal des redressements l'article 199 sexies B du code général des impôts au lieu de l'article 199 septies B du même code n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition;

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses

Considérant que l'Article 1er de la convention entre la France et la Belgique signée le 10 mars 1964, dont la ratification a été autorisée par la loi du 26 décembre 1964 et qui a été publiée au Journal officiel du 11 août 1965, stipule : "Une personne physique est réputée résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer permanent d'habitation ..." ; que du fait de cette stipulation, M. Lecat ne pouvait être passible en France de l'impôt sur le revenu à raison de l'ensemble de ses revenus et, par suite, ne pouvait bénéficier des avantages prévus par les articles 164 A et 199 septies B du code général des impôts précités ;

Considérant que si l'article 25 de la convention fiscale franco-belge et l'article 52 du traité CEE devenu, après modification, l'article 43 du traité CE, prohibent toute discrimination fondée sur la nationalité en matière d'imposition et de liberté d'établissement, ils ne font pas obstacle à ce qu'un Etat soumette ses ressortissants, qui exercent leur activité professionnelle sur son territoire et qui y perçoivent la totalité ou presque de leur revenu, à une charge fiscale plus lourde lorsqu'ils ne résident pas dans cet Etat que lorsqu'ils y résident; qu'ainsi M. Lecat n'est pas fondé à soutenir que les articles 164 A et 199 septies B du code général des impôts méconnaîtraient les stipulations précitées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Lecat n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris ;

Sur les conclusions de M. Lecat tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. Lecat la somme que demande celui-ci au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêt du 6 juillet 2000 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions et la requête de M. Lecat devant la cour administrative d'appel de Paris sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à M. Francis Lecat.

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