La lettre juridique n°558 du 13 février 2014 : Rupture du contrat de travail

[Jurisprudence] Rupture conventionnelle : précisions procédurales et intégrité du consentement

Réf. : Cass. soc., 29 janvier 2014, quatre arrêts, n° 12-24.539 (N° Lexbase : A2278MDQ), n° 12-25.951 (N° Lexbase : A4287MD7), n° 12-22.116 (N° Lexbase : A4441MDT), n° 12-27.594 (N° Lexbase : A2279MDR), FS-P+B

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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane

le 13 Février 2014

Une salve de quatre décisions rendues par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 29 janvier 2014 apporte diverses précisions au régime juridique de la rupture conventionnelle du contrat de travail et, en particulier, aux différents aspects de procédure. Il en ressort le sentiment très fort que la Chambre sociale n'entend pas se laisser enfermer par une tentative des plaideurs d'attaquer les écueils procéduraux des ruptures conventionnelles pour privilégier l'analyse de l'existence ou non d'un consentement valable. Ces décisions précisent, pour une grande partie, les informations qui doivent ou ne doivent pas être délivrées par l'employeur au salarié (I), prennent position quant aux personnes aptes à assister le salarié durant l'entretien préalable de négociation de la convention (II) et, enfin, se prononcent sur la date de la rupture devant être prise en compte pour comptabiliser le délai imparti à l'employeur pour renoncer à une clause de non-concurrence (III).
Résumé

Une erreur commise dans la convention de rupture sur la date d'expiration du délai de quinze jours prévu par l'article L. 1237-13 du Code du travail (N° Lexbase : L8385IAS) ne peut entraîner la nullité de cette convention que si elle a eu pour effet de vicier le consentement de l'une des parties ou de la priver de la possibilité d'exercer son droit à rétractation.

Après avoir constaté que le salarié avait conçu un projet de création d'entreprise, la cour d'appel a souverainement retenu que l'absence d'information sur la possibilité de prendre contact avec le service public de l'emploi en vue d'envisager la suite de son parcours professionnel n'avait pas affecté la liberté de son consentement.

Le délai de quinze jours au plus tard suivant la première présentation de la notification de la rupture du contrat de travail dont dispose contractuellement l'employeur pour dispenser le salarié de l'exécution de l'obligation de non-concurrence a pour point de départ la date de la rupture fixée par la convention de rupture.

Le défaut d'information du salarié d'une entreprise ne disposant pas d'institution représentative du personnel sur la possibilité de se faire assister, lors de l'entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative n'a pas pour effet d'entraîner la nullité de la convention de rupture.

Le choix du salarié de se faire assister lors de cet entretien par son supérieur hiérarchique, dont peu importe qu'il soit titulaire d'actions de l'entreprise, n'affecte pas la validité de la rupture conventionnelle.

Commentaire

I - Rupture conventionnelle et information du salarié

  • Egalité des parties et procédure de négociation de la rupture conventionnelle

Le caractère contractuel de la rupture conventionnelle du contrat de travail a pour effet de placer, un peu artificiellement parfois, l'employeur et le salarié sur un pied d'égalité au stade de la négociation des conditions de la rupture. Le Code du travail, en effet, se désintéresse du fait de savoir qui a réellement pris l'initiative de la rupture et des raisons, des motifs pour lesquels les parties souhaitent la rupture. Seule importe l'existence d'un consentement valable (1).

Cette égalité des parties lors de la négociation de la rupture emporte plusieurs conséquences. Chacune des deux parties peut prendre l'initiative de la rupture et peut transmettre la convention de rupture conclue à l'administration du travail en vue d'une homologation (2). En outre, aucune des parties n'est tenue d'informer l'autre partie de ses droits (3).

  • Nature des informations devant être délivrées au salarié à l'occasion de la rupture du contrat

Cela est spécialement le cas s'agissant de l'information du salarié de la possibilité de se faire assister lors du ou des entretiens préalables destinés à préparer la rupture conventionnelle. Aucun des textes applicables à la rupture conventionnelle n'oblige l'employeur à informer le salarié de son droit à être assisté lors des entretiens. Le salarié ne bénéficie pas davantage d'un droit d'être informé de l'existence du droit de rétractation prévu par le Code du travail.

Seule une obligation d'information est mise à la charge de l'employeur, celle d'informer le salarié de la possibilité de prendre contact avec le service public de l'emploi en vue d'envisager la suite de son parcours professionnel. Certainement, cette information n'est pas prévue par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 (N° Lexbase : L4999H7B), mais résulte de l'Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 (N° Lexbase : L1048IWQ) (4). Elle est, en principe, délivrée, de manière un peu mécanique, il est vrai, par le biais du formulaire d'homologation transmis à l'administration du travail qui fait état de cette information (5).

Malgré la faiblesse de ces obligations textuelles, la Chambre sociale a, toutefois, exigé qu'un exemplaire de la rupture conventionnelle soit obligatoirement remis au salarié dans le but de garantir la liberté de son consentement "en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause" (6). Il y avait ici, implicitement, une volonté judiciaire de s'assurer que le salarié avait bien été informé de l'existence d'un droit de rétractation. Il aurait, toutefois, été bien audacieux d'en déduire l'existence d'une obligation d'information à la charge de l'employeur sur cette question.

  • Les arguments en faveur de la création d'obligations d'information prétoriennes

Malgré les faibles exigences du texte en matière d'information des parties, il demeurait des raisons de se demander si la Chambre sociale de la Cour de cassation ne pouvait pas être plus exigeante que le législateur en la matière.

D'abord, parce que le présupposé selon lequel la négociation se déroule sur un pied d'égalité est souvent illusoire, la relation de travail n'étant pas encore rompue contrairement, par exemple, à ce qui se produit lors de la négociation d'une transaction. Ensuite, parce que le Code du travail (7), comme la Cour de cassation d'ailleurs (8), prêtent une très grande importance à la validité du consentement des parties. Or, on sait bien que l'information des parties sur leurs droits est un élément fondamental de l'intégrité de leur consentement (9). Il y avait tout lieu de penser, dès lors, que malgré le silence des textes, une interprétation favorable à l'identification d'obligations d'information à la charge des parties pourrait émerger.

Trois des quatre décisions présentées apportent quelques précisions sur cette question.

  • Absence d'information sur le droit d'être assisté

Ainsi, par l'une des décisions (n° 12-27.594), la Chambre sociale juge que "le défaut d'information du salarié d'une entreprise ne disposant pas d'institution représentative du personnel sur la possibilité de se faire assister, lors de l'entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative n'a pas pour effet d'entraîner la nullité de la convention de rupture en dehors des conditions de droit commun".

La Chambre sociale répond, de façon très précise, au pourvoi qui se focalisait sur la liste préfectorale des conseillers du salarié, dont on sait qu'elle fait l'objet d'une obligation d'information très précise à la charge de l'employeur en matière de licenciement (10). Il n'est pas certain, pour autant, que la décision soit limitée au cas où l'entreprise ne dispose "pas d'institution représentative du personnel". Au-delà du cas d'espèce, c'est toute obligation d'information du salarié quant à son droit de se faire assister qui semble être refoulée nonobstant l'absence de formule générale qui aurait pourtant été plus claire.

Conforme aux textes, cette position peut, malgré tout, être discutée. L'assistance du salarié, lors de l'entretien, nous semble constituer un élément décisif de l'intégrité de son consentement à la rupture, en particulier lorsque l'assistant dispose de connaissances juridiques, comme cela est le cas des représentants du personnel et des conseillers du salarié qui reçoivent une formation, certes sommaire et facultative, sur les tenants et les aboutissants de la rupture conventionnelle. Si l'assistance revêt bien l'importance que nous lui prêtons, il est très surprenant que le salarié puisse en être privé, non par choix, mais seulement par ignorance. L'obligation qui aurait pu être faite à l'employeur d'informer le salarié du droit de se faire assister n'aurait été que la manifestation de l'existence d'un devoir de loyauté à la charge des négociateurs lors des pourparlers. Ce dernier argument peut cependant être nuancé puisque, par souci d'égalité et peut-être de loyauté, l'employeur sera privé de tout droit à être assisté lorsque le salarié ne sera pas assisté lui-même (11). Il n'est pas certain, toutefois, que cette mesure suffise à ménager l'égalité des parties dans la négociation.

Une dernière question peut éventuellement se poser s'agissant de cette information sur le droit à être assisté. La Chambre sociale de la Cour de cassation ne juge pas expressément qu'une telle obligation n'existe pas mais, seulement, que le défaut d'information ne peut emporter la nullité de la rupture conventionnelle. Deux interprétations peuvent être envisagées.

On peut, d'abord, penser que le caractère imprécis de cette motivation ne permet pas l'extrapolation, si bien qu'aucune sanction ne pourra être prononcée faute que cette information soit délivrée. On pourrait, cependant, imaginer que la Chambre sociale n'ait volontairement pas exclu l'existence d'une telle obligation d'information précontractuelle. Il pourrait exister une telle obligation, fondée sur le devoir de loyauté précontractuelle, dont la violation se résoudrait en responsabilité délictuelle, comme cela est toujours le cas du manquement aux devoirs d'information ou de mise en garde précontractuels. Mieux, la Chambre sociale conclut son argumentation en se référant aux "conditions de droit commun" qui pourraient permettre d'obtenir la nullité de la convention. Ne pourrait-on pas imaginer, par exemple, que le consentement du salarié à la rupture soit vicié par dol, plus précisément par réticence dolosive, lorsque l'employeur n'a pas délivré cette information cruciale dont il était pourtant démontré qu'il l'avait en sa possession ?

D'aucuns considèreront que ces réflexions sont spéculatives et, pour tout dire, il est tout à fait possible qu'elles le soient. Cette spéculation demeure cependant possible tant que la Chambre sociale ne juge pas très clairement qu'aucune obligation d'information ne pèse sur l'employeur en la matière ou, au contraire, qu'une telle obligation doit être imposée à l'employeur.

  • Information et droit de rétractation

La première des quatre décisions présentées (n° 12-24.539) apporte une autre précision sur l'information du salarié quant au bénéfice d'un droit de rétractation. On se souviendra, en effet, que c'est au nom de ce droit de rétractation que les mêmes juges avaient exigé que soit impérativement remis au salarié un exemplaire de la convention conclue "pour garantir la liberté de son consentement, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause" (12). En somme, le salarié doit avoir connaissance de l'existence du droit de rétractation, mais la Chambre sociale précise, aujourd'hui, que le caractère erroné de l'information délivrée dans la convention ne peut permettre son annulation qu'à la condition qu'il soit porté atteinte à l'intégrité du consentement du salarié.

En effet, la Chambre sociale juge dans cette décision qu'"une erreur commise dans la convention de rupture sur la date d'expiration du délai de quinze jours prévu par l'article L. 1237-13 du Code du travail ne peut entraîner la nullité de cette convention que si elle a eu pour effet de vicier le consentement de l'une des parties ou de la priver de la possibilité d'exercer son droit à rétractation".

Plusieurs considérations doivent être prises en compte pour analyser cette solution. On remarquera, d'abord, que, malgré l'erreur matérielle commise, un délai de quinze jours s'était bien écoulé entre la date de conclusion de la convention et la demande d'homologation présentée à l'administration du travail. Les parties n'avaient donc pas été matériellement empêchées d'exercer leur droit de rétractation.

Faute qu'elles aient été réellement empêchées d'exercer ce droit, auraient-elles pu être intellectuellement empêchées d'en bénéficier ? On peut imaginer, par exemple, que le salarié n'ait pas exercé son droit de rétractation parce que, faisant foi à la lettre de la convention, il pensait que le délai était expiré au moment où il souhaitait se rétracter. C'est probablement le sens qu'il convient de donner à l'exception posée par la Chambre sociale : l'erreur ne suffit pas, en elle-même, à justifier l'annulation de la rupture, sauf à démontrer que l'une des parties a été privée du droit de se rétracter, c'est-à-dire à démontrer d'abord qu'elle avait eu l'intention de se rétracter, et ensuite, que cette rétractation avait été rendue impossible par un respect scrupuleux de la clause erronée. Cette décision paraît donc s'inscrire fort logiquement dans la lignée de celle rendue au mois de février 2013 (Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-27.000, FS-P+B+R N° Lexbase : A5796I7S), qui, déjà, mettait nettement en avant l'exigence d'un consentement valable.

On remarquera, enfin, que cette décision est tout à fait respectueuse de la théorie classique des vices du consentement. En effet, si l'erreur peut parfois permettre d'obtenir l'annulation d'une convention en raison d'un vice du consentement, c'est à la condition qu'elle porte sur la substance du contrat conclu ou, plus rarement, sur la personne du cocontractant. L'erreur de droit, comme cela aurait pu être invoqué ici, est parfois retenue par le juge judiciaire mais à condition, toujours, qu'il s'agisse d'une erreur de droit sur la substance du contrat conclu (13). Or, on peut douter que l'erreur commise sur la durée du droit de rétractation constitue une erreur sur la substance de la convention. Le salarié pourrait ici difficilement démontrer qu'il se trompait sur les effets de la convention, à savoir la rupture du contrat de travail, à moins qu'il ne démontre que, privé d'une partie du droit de rétractation, il n'a pas eu le temps de comprendre que la convention avait pour objet la rupture du contrat de travail.

  • Information et accès au service public de l'emploi

Une deuxième décision (n° 12-25.951, FS-P+B) s'intéresse, enfin, à l'obligation d'informer le salarié de la possibilité de prendre contact avec le service public de l'emploi, en vue d'envisager la suite de son parcours professionnel. La Chambre sociale juge "qu'après avoir constaté que le salarié avait conçu un projet de création d'entreprise, la cour d'appel a souverainement retenu que l'absence d'information sur la possibilité de prendre contact avec le service public de l'emploi en vue d'envisager la suite de son parcours professionnel n'avait pas affecté la liberté de son consentement".

Comme dans les affaires précédemment étudiées, c'est donc le consentement du salarié qui est placé au coeur du raisonnement des juges judiciaires. Abandonnée au pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond, la question aurait pu obtenir une réponse différente, s'il avait été démontré que le consentement du salarié avait été vicié. D'une certaine manière, la Chambre sociale donne donc davantage d'importance au fond qu'à la procédure. Si l'obligation procédurale d'information du salarié n'a pas été respectée, cela ne suffit pas à obtenir l'annulation de la convention, sauf à démontrer que ce manquement a eu, au fond, des répercussions sur le consentement donné par le salarié.

En somme, et pour conclure sur cette question, la Chambre sociale réaffirme donc par ces trois décisions le caractère primordial de l'intégrité du consentement dans la rupture conventionnelle. Par conséquent, elle exige que le consentement soit véritablement atteint pour que la rupture soit remise en cause sans s'arrêter au non-respect des conditions procédurales dont l'objet est pourtant, comme l'énonce l'article L. 1237-11 du Code du travail (N° Lexbase : L8512IAI) (14), de garantir le consentement du salarié. Ce n'est pas parce que le salarié n'a pas été informé de la procédure de rupture que sa volonté de rompre le contrat était nécessairement équivoque.

II - Assistance du salarié lors de l'entretien préalable

  • Assistance du salarié par son supérieur hiérarchique lors de l'entretien

Comme cela a déjà été rappelé, le droit des parties d'être assistées lors du ou des entretiens préalables constitue une pièce maîtresse de la garantie d'intégrité de leur consentement à la rupture. Si la Chambre sociale laisse planer un doute sur les conséquences du fait que le salarié ne soit pas informé de son droit à être assisté, elle est en revanche d'une grande clarté quant au choix de la personne pouvant assister le salarié.

En effet, dans la quatrième affaire jugée par la Chambre sociale (n° 12-27.594), le salarié avait été assisté lors de l'entretien par son supérieur hiérarchique et considérait, après coup, qu'il ne pouvait avoir été régulièrement assisté par cette personne "présumée avoir pour but de préserver les intérêts de l'entreprise". Sans ambiguïté, la Chambre sociale juge que "le choix du salarié de se faire assister lors de cet entretien par son supérieur hiérarchique, dont peu importe qu'il soit titulaire d'actions de l'entreprise, n'affecte pas la validité de la rupture conventionnelle".

  • L'importance du choix par le salarié de la personne qui l'assiste

A nouveau, plusieurs arguments permettent de conforter la solution rendue. Argument de texte, d'abord, puisque l'article L. 1237-12 du Code du travail (N° Lexbase : L8193IAP) permet au salarié de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise qui peut être un représentant du personnel ou "tout autre salarié". Les cadres de l'entreprise, quand bien même ils en seraient actionnaires, ce qui est d'ailleurs très courant par les différents mécanismes d'actionnariat salarié, demeurent des membres du personnel. En outre, le supérieur assistant avait été choisi par le salarié.

Deux situations auraient pu éventuellement être prises en compte et avoir des conséquences sur la validité de la rupture conventionnelle. D'abord, mais cela n'était pas le cas en l'espèce, on pourrait imaginer une situation dans laquelle un employeur impose au salarié d'être assisté par tel ou tel membre du personnel. L'exigence que l'assistant soit choisi par le salarié ne serait alors pas respectée et l'on pourrait imaginer que cette irrégularité ait une incidence sur la validité de son consentement : contraint à être assisté par telle personne, pourquoi le salarié ne serait-il pas aussi contraint de conclure la rupture conventionnelle ?

Quoique l'hypothèse soit un peu théorique, on peut se demander, ensuite, si la solution de la Chambre sociale aurait été la même si l'assistant choisi par le salarié avait été un cadre dirigeant trop proche de l'employeur. On pense, ainsi, à la jurisprudence de la Chambre sociale relative aux candidats aux élections professionnelles qui ne peuvent être des "cadres détenant une délégation particulière d'autorité établie par écrit permettant de les assimiler à un chef d'entreprise" (15). Cela étant, là encore, l'exigence que l'assistant soit choisi par le salarié et qu'il puisse être toute personne membre du personnel incite à penser que, sauf contrainte, ce choix ne serait pas de nature à lui seul à permettre l'annulation de la convention.

III - Date de la rupture conventionnelle

Une dernière précision est apportée par la troisième décision (n° 12-22.116), s'agissant de la date qu'il convient de retenir pour déterminer à quel moment, au plus tard, l'employeur peut renoncer à la clause de non-concurrence prévue par le contrat de travail.

On se souviendra que, par principe, la renonciation à la clause de non-concurrence doit intervenir, au plus tard, avant l'écoulement d'un délai prévu par le contrat de travail et qui commence à courir à partir de la rupture du contrat (16). Ce moment de la rupture reste cependant trop imprécis si bien que la Chambre sociale a dû préciser, selon le mode de rupture du contrat de travail en cause, à quel instant exactement le délai commençait à courir.

Si la rupture intervient à l'initiative de l'employeur, c'est le moment de l'envoi de la lettre de licenciement qui a été considéré comme faisant courir le délai (17), peu important que le courrier n'ait pas été effectivement réceptionné par le salarié (18). Si, en revanche, l'initiative de la rupture est prise par le salarié, en cas de démission ou de prise d'acte par exemple, le délai ne peut naturellement courir qu'à compter du moment où l'employeur a eu connaissance de la décision du salarié (19). La question de la détermination du point de départ de ce délai ne s'était cependant pas encore posée pour une rupture conventionnelle, l'initiative de la rupture étant alors indifférente.

Dans l'affaire présentée, la solution était rendue plus complexe par la rédaction de la clause contractuelle qui prévoyait que le délai commencerait à courir dès "la première présentation de la notification de la rupture du contrat de travail", procédé qui s'accorde mieux à la rupture unilatérale qu'à l'accord amiable, qui n'est pas notifié par l'une des parties à l'autre. Le salarié tentait, d'ailleurs, de faire produire tous ses effets à cette clause en demandant que le délai commence à courir à la date à laquelle l'employeur avait émis la volonté de mettre fin au contrat de travail, c'est-à-dire au moment de l'entretien au cours duquel la convention avait été conclue. Les juges du fond avaient, pour leur part, retenu la date à laquelle la volonté des parties était devenue définitive, à savoir à l'expiration du délai de rétractation.

Il convenait de dépasser cette difficulté d'interprétation, ce que fait la Chambre sociale en jugeant que le délai "a pour point de départ la date de la rupture fixée par la convention de rupture".

Cette solution ne surprend guère. En effet, avant cette date, la rupture reste hypothétique, les parties peuvent se rétracter pendant quinze jours, l'administration du travail peut refuser l'homologation. La date précise de la rupture est, de toutes les manières, beaucoup plus facile à déterminer que pour les ruptures unilatérales dans lesquelles se pose toujours la question de savoir s'il s'agit d'un acte réceptice ou d'un acte non-réceptice. Pour la rupture conventionnelle, les parties s'entendent dès le ou les entretiens préalables sur la date de la rupture et l'employeur aura donc nécessairement connaissance de cette date au moment où la rupture sera effective. A nouveau, c'est donc la volonté des parties ayant permis la détermination de cette date qui prévaut. Le choix de cette date paraît donc entièrement logique.


(1) L'article L. 1237-11 du Code du travail prévoit, d'ailleurs, que l'intégralité des "dispositions de la présente section [sont] destinées à garantir la liberté du consentement des parties".
(2) L'article L. 1237-14 du code du travail (N° Lexbase : L8504IA9) vise "la partie la plus diligente", ce à quoi la Chambre sociale de la Cour de cassation donne plein effet en exigeant qu'un exemplaire de la convention soit remis au salarié afin, précisément, que celui-ci puisse prendre l'initiative de la demande d'homologation ; v., Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-27.000, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5796I7S) et nos obs., Rupture conventionnelle : consécration de la prééminence du consentement, Lexbase Hebdo n° 516 du 14 février 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5793BTQ) ; RDT, 2013, p. 258, obs. F. Taquet.
(3) Contrairement, notamment, aux dispositions prévues en la matière par le Code du travail s'agissant de la procédure de licenciement qui, par certains aspects (entretien, assistance, indemnisation...) ressemble à la procédure de rupture conventionnelle.
(4) Art. 12 a) (N° Lexbase : L1048IWQ) : "La liberté du consentement est garantie : [...] par l'information du salarié de la possibilité qui lui est ouverte de prendre les contacts nécessaires, notamment auprès du service public de l'emploi, pour être en mesure d'envisager la suite de son parcours professionnel avant tout consentement".
(5) V. le cerfa n° 14598*01 qui peut être téléchargé sur le site du ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social
(6) Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-27.000, FS-P+B+R, préc..
(7) P. Lokiec, Garantir la liberté du consentement contractuel, Dr. soc., 2009, p. 127.
(8) Nos obs., Rupture conventionnelle : consécration de la prééminence du consentement, Lexbase Hebdo n° 516 du 14 février 2013 - édition sociale, préc..
(9) F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, "Les obligations", Dalloz, 2013, 11ème éd., n° 258.
(10) C. trav., art. L. 1232-4 (N° Lexbase : L1079H9T) et R. 1232-1 (N° Lexbase : L2513IAC). La Chambre sociale est très stricte sur cette question puisque l'omission des adresses auxquelles la liste peut être obtenue par le salarié est une cause d'irrégularité de la procédure ; v., par ex., Cass. soc., 29 avril 2003, n° 01-41.364, F-P (N° Lexbase : A0259B7Q).
(11) C. trav., art. L. 1237-12, al. 4 (N° Lexbase : L8193IAP).
(12) Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-27.000, FS-P+B+R, préc..
(13) J. Aubert, J. Flour, E. Savaux, Les obligations. 1. L'acte juridique, Dalloz, 15ème éd., 2012, n° 200.
(14) Ou l'ANI du 11 janvier 2008, pour l'information sur la faculté de prendre contact avec le service public de l'emploi (N° Lexbase : L1048IWQ).
(15) Par ex., Cass. soc., 24 septembre 2003, n° 02-60.569, publié (LXB=A6367C9P]).
(16) Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 09-41.626, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6837E4Y) et les obs. de Ch. Radé, Heurs et malheurs de la faculté de renonciation à la clause de non-concurrence, Lexbase Hebdo n° 406 du 2 septembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N0341BQP).
(17) Cass. soc., 4 mars 2003, n° 00-44.922, publié (N° Lexbase : A3707A7G).
(18) Cass. soc., 10 juillet 2013, n° 12-14.080, FS-P+B, sur le troisième moyen (N° Lexbase : A8710KIG) et nos obs., L'importance des stipulations contractuelles en matière de renonciation à la clause de non-concurrence, Lexbase Hebdo n° 537 du 25 juillet 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N8165BTL).
(19) Cass. soc., 8 juin 2005, n° 03-43.321, FS-P+B, sur le 3ème moyen (N° Lexbase : A6513DI3) ; Cass. soc., 25 mars 2010, n° 08-42.302, F-D (N° Lexbase : A1512EUK).

Décision

Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-24.539, FS-P+B (N° Lexbase : A2278MDQ).

Rejet (CA Montpellier, 4ème ch. soc., 20 juin 2012).

Textes concernés : C. trav., art. L. 1237-13 (N° Lexbase : L8385IAS).

Mots-clés : rupture conventionnelle ; délai de rétractation ; convention ; erreur ; nullité (non).

Liens base : .

Décision

Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-25.951, FS-P+B (N° Lexbase : A4287MD7).

Cassation partielle, (CA Versailles, 19ème ch., 18 juillet 2012).

Mots-clés : rupture conventionnelle ; information du salarié ; faculté de prendre contact avec le service public de l'emploi ; nullité (non).

Liens base : .

Décision

Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-22.116, FS-P+B (N° Lexbase : A4441MDT).

Cassation partielle (CA Lyon, 11 mai 2012, n° 11/06928 N° Lexbase : A5148ILA).

Textes concernés : C. trav., art. L. 1237-13 (N° Lexbase : L8385IAS).

Mots-clés : rupture conventionnelle ; clause de non-concurrence ; délai de renonciation ; point de départ.

Liens base : (N° Lexbase : E8734ESB).

Décision

Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-27.594, FS-P+B (N° Lexbase : A2279MDR).

Rejet (CA Grenoble, 12 septembre 2012, n° 11/04154 N° Lexbase : A0196KS3).

Mots-clés : rupture conventionnelle ; entretien préalable ; assistance du salarié ; obligation d'information à la charge de l'employeur (non) ; assistance par le supérieur hiérarchique.

Liens base : .

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