La lettre juridique n°206 du 16 mars 2006

La lettre juridique - Édition n°206

Éditorial

Dématérialisation : une inflation galopante

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


A peu près tout a été dit sur le rôle angulaire d'internet dans l'économie moderne ; de Craig Barret, président d'Intel corporation, pour qui "internet sera à l'économie du 21[ème] siècle ce que l'essence fut au 20[ème] siècle. La puissance des ordinateurs c'est l'essence d'internet", prêchant ainsi quelque peu pour sa paroisse (mais au vu de la crise pétrolière actuelle, il est difficile de le contredire), à Jacques Attali, pour lequel "l'internet représente une menace pour ceux qui savent et qui décident. Parce qu'il donne accès au savoir autrement que par le cursus hiérarchique", marquant ainsi la démocratisation rampante des savoirs par le biais de ce nouveau média. Mais soyons francs, c'est bel et bien l'Etat, et la France n'est pas en reste, qui a donné ses lettres de noblesse au réseau des réseaux, en favorisant ou reconnaissant progressivement la dématérialisation des procédures aussi bien administratives que privées et dont le point d'orgue fut la distribution dématérialisée du Journal officiel depuis 2004. A lire le vade-mecum juridique sur la dématérialisation des marchés publics (nouvel enjeu des administrations publiques à l'orée de la publication d'un nouveau code), publié sur le site du Minéfi, la dématérialisation est avant tout une technique à laquelle il est reconnu une valeur juridique. Elle consiste à mettre en oeuvre des moyens électroniques pour effectuer des opérations de traitement, d'échange et de stockage d'informations sans support papier. A priori, elle n'a aucun effet sur le contenu de ces informations qui restent ce qu'elles sont indépendamment de la forme que prend leur support. La volonté de donner directement une valeur juridique aux informations et aux opérations dématérialisées oblige à adopter une nouvelle approche qui consiste à fixer préalablement par des textes les caractéristiques qu'elles doivent présenter pour en tirer directement des conséquences juridiques. En général, deux conditions, au moins, sont requises : la garantie de l'identification de leur auteur et l'intégrité qui garantit qu'elles n'ont subi aucune altération. Ceci se traduit, ensuite, par la mise en place de moyens techniques et organisationnels adaptés. Mais, "au-delà de la réduction des coûts liés aux frais administratifs, aux ressources humaines et à l'affranchissement des envois, la dématérialisation est avant tout considérée comme un moyen de fluidifier les processus métier" (Antoine Crochet Damais, Enjeux & applications de la dématérialisation, JDnet, 9 mai 2003). Il y a quelques semaines déjà, les éditions juridiques Lexbase s'étaient penchées sur ce sujet, suivant de près les travaux de l'Association pour développement de l'internet juridique (ADIJ), notamment sur la signature et l'archivage électronique. Cette semaine, Laure Teyssendier, SGR en droit social, vous propose un compte-rendu de l'atelier l'ADIJ animé par Sophie Vuillet-Tavernier, Directrice des affaires juridiques de la Cnil et Jean-Emmanuel Ray, Professeur à l'Université de Paris I et à l'Institut d'études politiques de Paris, Droit du travail et nouvelles technologies, abordant des sujets majeurs d'actualité comme les dispositifs biométriques, les dispositifs d'alerte professionnel, les NTIC et l'embauche, le travail à distance et la cybersurveillance. Par ailleurs, Chrystel Farnoux, Responsable du service juridique de la Chambre de commerce et d'industrie de l'Essonne, revient sur la Réforme du Code des marchés publics [et] la procédure des enchères électroniques, à la lumière de la Directive 2004/18 CE du 11 mars 2004. Enfin, Anne-Lise Lonné, rédactrice en chef de la Revue Lexbase de Droit Public, détaille, avec Alain Foucret, Chef du Pôle national de dématérialisation, Hélios, les enjeux de la dématérialisation de la chaîne comptable et financière locale, faisant suite à une conférence organisée sur ce thème par la mission ECOTER ; dématérialisation des bulletins de paye, des titres, mandats et bordereaux sont au programme du Plan d'actions de cette dématérialisation.

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Social général

[Jurisprudence] La RATP n'est pas obligée de mettre en place un service minimum pour assurer la continuité du service public

Réf. : CE 4° et 5° s-s-r., 8 mars 2006, n° 278999, M. Onesto et autres, publié (N° Lexbase : A4919DNI)

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

Les deux tiers environ des grèves en France ont lieu, chaque année, dans les services publics. Pour faire face à la répétition des conflits sociaux, la RATP, puis la SNCF (lire notre étude, Service minimum dans les transports publics : la fin du serpent de mer ?, Lexbase Hebdo n° 134 du 16 septembre 2004 - édition sociale N° Lexbase : N2798ABA), se sont orientées vers des procédures concertées de prévention et de règlement des différends. Mais l'exaspération de certains usagers est à son comble et certains d'entre eux voudraient bien voir un service minimum, ou garanti, mis en place. Cet arrêt rendu par le Conseil d'Etat, le 8 mars 2006, affirme, pour la première fois, que la RATP ne saurait être contrainte par le juge de mettre en oeuvre un service minimum pour assurer la continuité du service public (1), ce que nous ne pouvons qu'approuver (2).
Décision

CE 4° et 5° s-s-r., 8 mars 2006, n° 278999, M. Onesto et autres, publié (N° Lexbase : A4919DNI)

Rejet de la décision du 25 janvier 2005 de la présidente-directrice générale de la régie autonome des transports parisiens (RATP)

Textes visés : Constitution du 4 octobre 1958 (N° Lexbase : L7403HHN), ensemble le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6815BHU) ; Code du travail ; Code de justice administrative

Mots clef : services publics ; grève ; pouvoir réglementaire du chef de service ; absence d'obligation de mise en oeuvre pour assurer la continuité du service public.

Lien base :



Résumé

La RATP n'est pas obligée de mettre en oeuvre un service minimum pour garantir la continuité du service public.



Faits

1. M. Onesto, ainsi que d'autres usagers de la RATP, ont enjoint le 9 juillet 2003 à la présidente-directrice générale de la régie autonome des transports parisiens (RATP) de mettre en oeuvre un "service minimum" et de modifier, à cette fin, le règlement de la RATP régissant les statuts du personnel, en tant qu'il ne prévoit pas de réglementation du droit de grève, ainsi qu'au conseil d'administration de la RATP, en application des articles L. 911-1 et suivants du Code de justice administrative (N° Lexbase : L2821AMG), d'insérer dans les statuts de son personnel des règles instituant un "service minimum" garantissant le fonctionnement du service des transports les jours de grève des agents, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Par décision en date du 25 janvier 2005, la directrice de la RATP et le Conseil d'administration ont refusé de faire droit à cette demande.

2. M. Onesto a exercé contre ces refus un recours pour excès de pouvoir.



Solution

1. "En indiquant, dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent, l'assemblée constituante a entendu inviter le législateur à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève constitue l'une des modalités et la sauvegarde de l'intérêt général, auquel elle peut être de nature à porter atteinte ; en l'absence de la réglementation ainsi annoncée par la Constitution, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public".

2. "Si, en l'état de la législation, il appartient au Gouvernement, responsable du bon fonctionnement des services publics, de fixer lui-même, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et l'étendue de ces limites pour les services placés sous son autorité, seuls les organes dirigeants d'un établissement public, agissant en vertu des pouvoirs généraux d'organisation des services placés sous leur autorité, sont, sauf dispositions contraires, compétents pour déterminer ces limitations pour les services publics dont ils sont chargés".

3. "S'il appartient aux organes dirigeants de la RATP de garantir, indépendamment de l'obligation de préavis résultant de l'article L. 521-3 du Code du travail (N° Lexbase : L6609ACR), l'effectivité du principe fondamental de la continuité du service public des transports collectifs dans l'agglomération parisienne qu'assure la RATP et de prendre toutes les mesures, permanentes ou temporaires, nécessaires à cette fin, il ne résulte pas de ce principe qu'ils seraient tenus d'édicter à tout moment une réglementation du droit de grève ; eu égard, d'une part, aux mesures prises par la RATP, en particulier au dispositif contractuel d'"alarme sociale", en vue de limiter le recours à la grève, lesquelles ont produit des résultats en termes de nombre de jours de grève par an, d'autre part, aux pouvoirs, notamment en matière de réquisition, dont dispose l'Etat, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, lorsque la continuité du service public des transports collectifs est durablement et gravement affectée, la présidente-directrice générale de la RATP n'a, en s'abstenant de prévoir une réglementation du droit de grève des agents de la régie ou de saisir le conseil d'administration aux mêmes fins, ni méconnu le principe de continuité du service public, ni entaché sa décision d'erreur d'appréciation".

4. "La décision attaquée ne se fonde pas sur les dispositions de l'article L. 521 -2 du Code du travail (N° Lexbase : L6608ACQ) ; par suite, le moyen tiré de l'inexacte application de ces dispositions est inopérant".

5. "Il résulte de ce qui précède que M. Onesto et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision attaquée ; leurs conclusions aux fins d'injonction doivent, en tout état de cause, être rejetées par voie de conséquence".



Commentaire

1. Le juge n'a pas à imposer la mise en oeuvre d'un service minimum

  • La réglementation du droit de grève par le chef de service

L'alinéa 7 du Préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L6815BHU), qui fait partie intégrante du bloc de constitutionnalité, dispose que "le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent".

Devant la faiblesse de la réglementation en vigueur, le Conseil d'Etat a très tôt considéré qu'en "l'absence de cette réglementation, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit comme à tout autre en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public", et qu'"il appartient au Gouvernement, responsable du bon fonctionnement des services publics, de fixer lui-même, sous le contrôle du juge, en ce qui concerne ses services, la nature et l'étendue desdites limitations" (CE, 7 juillet 1950, n° 01645, Dehaene, publié N° Lexbase : A5106B7A). Affirmé avant l'adoption des lois du 11 février 1950 et 31 juillet 1963, le constat de l'insuffisance de cette réglementation a été répété depuis et la jurisprudence "Dehaene" confirmée (CE, 4 février 1966, n° 63050, Syndicat unifié des techniciens de la R.T.F. et autres [LXB=A2670B7Z ] ; CE, 30 novembre 1998, n° 183359, Mme Rosenblatt et autres N° Lexbase : A9134AS4).

Jusqu'à présent, le contrôle du juge s'exerçait sur l'étendue de ces limitations et ce dernier vérifiait, à la fois la nécessité des mesures adoptées, au regard de l'impératif de continuité du service public, et leur proportionnalité au regard de la nécessité de préserver le droit de grève lui-même.

Mais la question des obligations positives qui pèseraient sur l'Etat pour assurer la continuité du service public n'avait jamais été tranchée par le Conseil d'Etat.

  • L'origine du litige

Cette affaire avait pour origine l'action engagée tant par des usagers de la RATP, que par l'association Contribuables associés afin de contraindre la RATP à mettre en place un service minimum. Une précédente action avait été engagée à la fois contre le refus opposé par la RATP et contre celui opposé par le Premier ministre, le ministre de l'Equipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer ainsi que par le secrétaire d'état aux Transports et à la Mer. Saisi d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre ces décisions de refus, le Conseil d'Etat avait rejeté le recours de l'association qui ne justifiait "pas d'un intérêt qui lui soit propre lui permettant d'intervenir à l'appui d'une demande émanant de requérants qui arguent de leur qualité d'usagers des transports publics" (CE, 8ème et 3ème s-s-r., n° 260551, 1er décembre 2004, publié N° Lexbase : A1094DEA), mais annulé le refus opposé par le chef de l'unité affaires sociales du département juridique de la RATP dans la mesure où la délégation de signature émanant de la présidence de la RATP n'avait pas été publiée. En revanche, la demande dirigée contre la décision prise par la présidente de la RATP n'avait pas été examinée, dans la mesure où le Conseil d'Etat considérait que cette dernière demeurait saisie de la question. Enfin, la demande dirigée contre les décisions implicites de rejet, émanant tant du Premier ministre que des ministres et secrétaires d'Etat, avait été rejetée, dans la mesure où ces derniers n'avaient pas autorité sur la RATP.

On attendait donc que le Conseil d'Etat soit de nouveau saisi de cette affaire, dans le cadre du recours dirigé contre le refus émanant directement de la présidente de la RATP, seule compétente pour répondre aux demandes des usagers.

Toute question de compétence étant cette fois-ci écartée, le Conseil d'Etat se prononce, ici, au fond et nous livre une réponse à la fois précise et particulièrement riche, après avoir repris la formule de sa jurisprudence "Dehaene".

  • Le refus de consacrer une obligation positive d'instaurer un service minimum

En premier lieu, le Conseil d'Etat confirme que la RATP est tenue de faire respecter "le principe fondamental de la continuité du service public des transports collectifs dans l'agglomération parisienne" et précise que cette obligation ne se limite pas aux seules dispositions de l'article L. 521-3 du Code du travail (N° Lexbase : L6609ACR) aux termes desquelles elle doit négocier avec les organisations syndicales qui ont déposé un préavis de grève pendant la durée de celui-ci. Il lui appartient, dans ce cadre, d'assurer l'effectivité de ce principe en prenant "toutes les mesures, permanentes ou temporaires, nécessaires à cette fin".

Ces mesures sont, d'ailleurs, citées par le Conseil d'Etat qui rappelle l'existence de la procédure d'alarme sociale, mise en place depuis quelques années et qui a donné de bons résultats (C. Marquis, La prévention des conflits collectifs à la RATP, Dr. soc. 2003, p. 583), ainsi que la réquisition des grévistes "lorsque la continuité du service public des transports collectifs est durablement et gravement affectée".

Mais le Conseil d'Etat refuse de considérer que cette obligation de rendre effectif le principe de continuité des services publics pourrait conduire à imposer à la RATP la mise en place d'un service minimum ou garanti.

On cherchera, vainement, dans l'arrêt du Conseil d'Etat, la justification de cette affirmation.

Le seul élément avancé est que la présidente de la RATP, "en s'abstenant de prévoir une réglementation du droit de grève des agents de la régie ou de saisir le conseil d'administration aux mêmes fins, n'a ni méconnu le principe de continuité du service public, ni entaché sa décision d'erreur d'appréciation".

On peut, dès lors, affirmer que le Conseil d'Etat n'exclut pas, par principe, que l'on puisse reprocher à une entreprise publique de ne pas avoir mis en place de service minimum, mais qu'il considère, qu'en l'espèce, la RATP disposait d'autres moyens pour garantir l'effectivité du principe de continuité du service public.

Il est difficile de déterminer si la solution aurait été identique si la procédure d'alarme sociale n'avait pas été mise en place ; mais on peut penser que l'existence de cette procédure a dû peser (mais de quel poids ?) dans la balance des intérêts en jeu.

En d'autres termes, le Conseil d'Etat exige de la RATP qu'elle mette en oeuvre les moyens pour rendre effectif le respect du principe de continuité du service public, mais qu'il lui laisse une marge importante d'appréciation pour décider des moyens, juridiques et matériels, à mettre en oeuvre, le juge ne devant opérer qu'un simple contrôle minium de l'erreur manifeste d'appréciation.

2. Une solution parfaitement justifiée

Cette position nous paraît parfaitement justifiée à la fois sur le plan juridique et politique.

  • Une solution juridiquement souhaitable

S'il appartient bien aux juges de s'assurer du respect par la personne publique du principe constitutionnel de continuité du service public, tout en s'assurant également du respect par cette même personne publique du droit constitutionnel de grève, il ne lui appartient pas de se substituer à elle pour lui dicter sa conduite ni lui imposer les moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à concilier cet objectif.

C'est bien au Parlement qu'il appartient, en premier lieu, de fixer le cadre applicable au droit de grève, les chefs de service, d'une part, et le juge d'autre part, ne devant jouer qu'un rôle subsidiaire. C'est, d'ailleurs, tout le sens de la jurisprudence "Dehaene" qui fonde le pouvoir des chefs de service sur les insuffisances du cadre juridique applicable en cas de grève. Dans la mesure où la RATP a mis en place, par voie conventionnelle, la procédure de prévention et de règlement des différends collectifs, et que ces accords ont effectivement permis une réduction significative du nombre des conflits dans l'entreprise (le nombre des préavis de grève a baissé de moitié en général, et été divisé par 6 pour les signataires de l'accord), il ne paraît pas raisonnable de permettre au juge de condamner l'entreprise à aller plus loin dans la mise en place d'un service minimum.

Toutes choses étant égales par ailleurs, cette position prudente est à rapprocher de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière d'appréciation de la cause réelle et sérieuse du licenciement pour motif économique. On rappellera, en effet, que dans l'arrêt "SAT", rendu en Assemblée Plénière le 8 décembre 2000 (Cass. Ass. plén., 8 décembre 2000, n° 97-44.219, Société anonyme de télécommunications (SAT) c/ M Coudière et autres N° Lexbase : A0328AUP), la Cour de cassation a refusé d'autoriser les juges du fond à s'immiscer dans la gestion de l'entreprise pour porter un jugement de valeur sur les mesures adoptées par l'employeur pour faire face, ou prévenir, des difficultés économiques, dès lors que ces difficultés ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise étaient établis : "dès lors qu'une réorganisation de l'entreprise est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, il n'appartient pas au juge d'apprécier le choix opéré par l'employeur entre les différentes solutions de réorganisation possibles" (Dr. soc. 2001, p. 126, concl. P. de Caigny, note A. Cristau, p. 417, chron. A. Jeammaud et M. le Friant ; D. 2001, jur. p. 1125, note J. Pélissier).

  • Une solution politiquement prudente

Sur un plan politique, ensuite, la mise en place d'un service minimum ou garanti est une opération délicate qui exige de longues et complexes discussions avec les partenaires sociaux ; or le juge n'est pas en mesure d'assurer le respect de cette exigence et risquerait de mettre le feu aux poudres dans l'entreprise.

Les usagers n'auront donc plus qu'à prendre leur mal en patience, ou à engager la responsabilité de la RATP qui n'aurait pas assuré ses obligations de service public. Notons, d'ailleurs, qu'un accord SNCF-RATP Ile-de-France a été conclu, le 17 juin 2005, afin de contraindre les exploitants au respect d'engagements garantis. En cas de conflit, la SNCF devra assurer 33 % de son service et la RATP 50 % du sien. En cas de non-respect de leurs engagements, des pénalités sont prévues, ces dernières pouvant s'élever jusqu'à 780 000 euros par jour pour la RATP et 291 000 euros par jour pour la SNCF, versées à la Région.

Il appartiendra donc au Parlement de décider s'il y lieu de mettre en place un service minimum à la RATP ou à la SNCF ; mais compte tenu du climat social délétère qui règne aujourd'hui, et à quelques mois d'une échéance politique majeure, le serpent de mer pourrait bien continuer à narguer les usagers...

newsid:85761

Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] VRP : régime du licenciement et calcul de la ressource minimale forfaitaire

Réf. : Cass. soc., 28 février 2006, n° 03-47.880, M. Bernard Arlin c/ Société Les Fils de Stéphane Arlin, F-P+B (N° Lexbase : A4127DN8)

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Le 07 Octobre 2010

La Cour de cassation a rendu un arrêt, le 28 février dernier, doublement intéressant, en ce qu'il porte sur les deux aspects du statut du VRP : la validité de son licenciement, s'il est prononcé en cas de cessation d'activité et les conditions de versement de la ressource minimale forfaitaire. Le premier point n'est qu'une confirmation de jurisprudence : la cessation d'activité de l'entreprise, à certaines conditions, constitue un motif économique de licenciement. Dans cette affaire, le salarié, engagé en qualité de VRP exclusif, a été licencié pour motif économique. L'intéressé saisit les tribunaux d'une action en contestation de son licenciement, mais est débouté de ses demandes en appel. Conformément à sa jurisprudence, la Cour de cassation retient le principe que la cessation d'activité de l'entreprise, quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable, constitue un motif économique de licenciement. Le second point, objet de la cassation prononcée par la Cour, est plus original. La Cour de cassation se prononce sur les modalités de versement de la ressource minimale forfaitaire des VRP, alors que ni les textes ni la jurisprudence n'avaient proposé de règles précises. Ce dispositif de ressource minimale a été mis en place en raison de l'impossibilité de quantifier le temps de travail des VRP, qui ne peuvent pour cette raison prétendre au bénéfice du Smic.
Décision

Cass. soc., 28 février 2006, n° 03-47.880, M. Bernard Arlin c/ Société Les Fils de Stéphane Arlin, F-P+B (N° Lexbase : A4127DN8)

Cassation de CA Lyon chambre sociale, 5 novembre 2003

Textes visés : C. trav., L. 122-14-2 (N° Lexbase : L5567AC8) ; C. trav., L. 321-1 (N° Lexbase : L8921G7K) ; article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 .

Mots-clefs : VRP ; licenciement ; cessation d'activité ; ressources minimale forfaitaire ; modalités de versement.

Lien base : ,

Faits et procédure

M. Arlin, VRP exclusif, est licencié le 18 décembre 1998 pour motif économique. Il a saisi le conseil de prud'hommes d'une action en contestation de son licenciement et en paiement d'un rappel de salaires par rapport à la ressource minimale conventionnelle.

La cour d'appel de Lyon a constaté que la cessation d'activité de l'entreprise était donnée comme motif de rupture par la lettre de licenciement et a fait ressortir l'absence de fraude ou de légèreté blâmable de l'employeur.

Pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaires au titre de la ressource minimale forfaitaire, la cour d'appel de Lyon retient qu'à partir de 1997, si les rémunérations de certains trimestres ont été inférieures au minimum, il y avait compensation avec les trimestres suivants, conformément aux dispositions conventionnelles.

M. Arlin forme un pourvoi devant la Cour de cassation.

Son pourvoi est rejeté pour insuffisance de motivation de la lettre de licenciement au regard des articles L. 122-14-2 et L. 321-1 du Code du travail et de l'absence de cause économique à son licenciement. Mais sa demande est acceptée sur la question de la ressource minimale forfaitaire.

Solution

1. Cassation partielle.

2. "La cessation d'activité de l'entreprise, quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable, constitue un motif économique de licenciement".

3. "Lorsque l'employeur n'a pas effectivement versé au VRP chaque trimestre le montant de la ressource minimale forfaitaire instituée par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, il ne peut déduire du rappel de salaire dû les sommes excédant cette ressource versées au cours des trois trimestres suivants".

Commentaire

1. La cessation d'activité de l'entreprise, motif de licenciement économique

  • Cessation d'activité de l'entreprise, hors procédure de redressement

En l'espèce, le salarié, engagé en qualité de VRP exclusif, licencié pour motif économique, saisit les tribunaux d'une action en contestation de son licenciement. Il est débouté de ses demandes en appel, et forme alors un pourvoi en cassation, arguant de l'insuffisance de motivation de la lettre de licenciement au regard des articles L. 122-14-2 (N° Lexbase : L5567AC8) et L. 321-1 (N° Lexbase : L8921G7K) du Code du travail et de l'absence de cause économique à son licenciement.

En conformité avec sa jurisprudence, la Cour de cassation rejette le pourvoi, en relevant que la cessation d'activité de l'entreprise, quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable, constitue un motif économique de licenciement. Or, la cour d'appel n'avait pas à rechercher la cause de la cessation d'activité. Les juges du fond ont constaté que la cessation d'activité était donnée comme motif de rupture par la lettre de licenciement et a fait ressortir l'absence de fraude ou de légèreté blâmable de l'employeur.

Le point n'est donc plus sujet à discussion au terme d'une longue suite de décisions allant en ce sens (Cass. soc., 16 janvier 2001, n° 98-44.647, M. Daniel Morvant, publié N° Lexbase : A2160AIT ; Cass. soc., 30 octobre 2002, n° 00-43.624, Société en nom collectif (SNC) Drugstore Saint-Germain c/ M. Christian Le Goff, F-D N° Lexbase : A4132A3G ).

Il importe peu, à cet égard, de relever les motifs de cessation d'activité (ex. : coût insurmontable des travaux de réparation d'installations vétustes : Cass. soc., 4 juillet 990, n° 87-44.973, M. Casella, ès qualités de liquidateur de la société Precimeco c/ M. Blanchet N° Lexbase : A4313ACQ), puisqu'ils n'influent pas sur la reconnaissance de la cause économique du licenciement. En revanche, si l'employeur invoque un autre fondement juridique à sa décision de rupture du contrat, la solution pourra être différente. Il en va ainsi de la cessation d'activité consécutive à une inondation : elle peut constituer un motif économique de licenciement, mais non un cas de force majeure en raison de son caractère temporaire et partiel (Cass. soc., 15 février 1995, n° 91-43.905, M. José Arauyo et autres c/ Société anonyme Les Filatures de la Madelaine N° Lexbase : A1888AA8). Enfin, les juges s'attachent à vérifier que la fermeture de l'entreprise répond bien à la condition de son caractère définitif, et non temporaire. En effet, la fermeture temporaire d'un hôtel pour travaux ne constitue pas une cessation d'activité de l'entreprise : la lettre de licenciement ne comporte pas l'énoncé d'un motif économique de licenciement, lequel est donc sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 15 octobre 2002, n° 01-46.240, FS-P+B+I N° Lexbase : A2626A3N). Est sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé par l'employeur qui n'a fait qu'interrompre son activité sans la cesser définitivement en sorte qu'il a agit avec une légèreté blâmable (Cass. soc., 9 mars 2004, n° 01-46.780, F-D N° Lexbase : A4843DBY).

  • Cessation d'activité de l'entreprise, dans l'hypothèse d'une procédure de redressement

La jurisprudence admet que le visa du jugement de liquidation suffit à motiver la lettre de licenciement (sur ce sujet, lire nos observations, Liquidation de la société et motivation de la lettre de licenciement, Lexbase Hebdo n° 112 du 17 mars 2004 - édition sociale N° Lexbase : N0859ABG). La doctrine reste assez partagée sur la nécessité, ou non, d'appliquer le droit commun du licenciement économique aux entreprises connaissant des difficultés économiques et soumises à une procédure de redressement. La Cour de cassation, elle-même, a marqué, à plusieurs reprises, son attachement à l'application du droit commun du licenciement (obligation de recherche de possibilité de reclassement : Cass. soc., 10 mai 1999, n° 97-40.060, M. Bourguignon, ès qualités de liquidateur de la société Eurage industrie c/ M. Petit et autre N° Lexbase : A6336AGR ; lettre de licenciement et jugement prononçant la liquidation : Cass. soc., 9 juillet 2003, n° 01-43.763, F-D N° Lexbase : A1116C99).

L'arrêt précité (Cass. soc., 2 mars 2004) montre que la Cour a évolué sur cette question. Mais si l'employeur prononce le licenciement non plus dans le cadre d'une procédure de redressement, mais de liquidation, la lettre de licenciement, envoyée au salarié par le mandataire liquidateur de l'entreprise qui ne se réfère pas au jugement prononçant la liquidation de celle-ci, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 9 juillet 2003, n° 01-43.763, précité).

2. Respect de la ressource minimale forfaitaire des VRP : pas de compensation possible

  • Obligation de verser une ressource minimale forfaitaire

- Fondement de cette obligation

L'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 a instauré une garantie minimale de ressources au bénéfice des représentants entrant dans son champ, c'est-à-dire exerçant leur activité pour un seul employeur, et travaillant à temps plein.

L'article 5-1 de cet accord, ajouté par avenant n° 3 du 12 janvier 1982, prévoit que, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes (au sens de la loi du 12 décembre 1972) est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il a droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire. Pour les trois premiers mois d'emploi à plein temps, la ressource minimale forfaitaire représente, déduction faite des frais professionnels, 390 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance, le taux applicable étant celui en vigueur à la fin du dernier mois échu pris en compte à l'échéance. A partir du second trimestre d'emploi à plein temps, la ressource minimale trimestrielle ne peut être inférieure, déduction faite des frais professionnels, à 520 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance, le taux applicable étant celui en vigueur à la fin du dernier mois échu pris en compte à chaque paiement.

La ressource minimale trimestrielle peut être réduite à due concurrence lorsque le contrat de travail a débuté ou pris fin au cours d'un trimestre, ou en cas de suspension temporaire d'activité d'un représentant au cours de ce trimestre, ou, enfin, lorsque tout ou partie de ce trimestre correspondra à une période normale d'inactivité du représentant, appréciée compte tenu de la variabilité des périodes de vente de l'entreprise.

Enfin, l'ANI prévoit que le complément de salaire versé par l'employeur à partir du second trimestre sera à valoir sur les rémunérations contractuelles échues au cours des trois trimestres suivants et ne pourra être déduit que concurrence de la seule partie de ces rémunérations qui excéderait la ressource minimale.

- Modalités de versement : pas de compensation d'un trimestre sur l'autre

En l'espèce, un salarié, engagé en qualité de VRP exclusif, reproche aux juges du fond de l'avoir débouté de sa demande de rappel de salaires au titre de la ressource minimale forfaitaire. En effet, la cour d'appel avait retenu qu'à partir de 1997, si les rémunérations de certains trimestres ont été inférieures au minimum, il y avait compensation avec les trimestres suivants, conformément aux dispositions conventionnelles. La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel, au visa de l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 , en relevant que lorsque l'employeur n'a pas effectivement versé au VRP chaque trimestre le montant de la ressource minimale forfaitaire, il ne peut déduire du rappel de salaire dû les sommes excédant cette ressource versées au cours des trois trimestres suivants.

Cette solution s'inscrit dans la droite ligne d'un arrêt rendu par la Cour suprême en 2004, selon lequel "lorsque l'employeur n'a pas effectivement versé au VRP chaque trimestre le montant de cette ressource, il ne peut se prévaloir de la possibilité, prévue par le 6° de l'article 5-1, de déduire le complément de salaire des rémunérations contractuelles échues au cours des trois trimestres suivants" (Cass. soc., 30 novembre 2004, n° 03-44.635, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0944DEP).

  • Régime de l'obligation de verser une rémunération minimale forfaitaire

- Bénéficiaire de la rémunération minimale forfaitaire

La Haute juridiction a, en revanche, rappelé, dans un arrêt en date du 23 septembre 2003 (Cass. soc., 23 septembre 2003, n° 01-43.636, Mme Hélène Tsangaris c/ Société Encyclopaedia Britannica, publié N° Lexbase : A6294C9Y) que la rémunération forfaitaire n'est applicable, conformément à l'article 5-1 de l'accord collectif, qu'aux seuls représentants engagés à titre exclusif. Le bénéfice de la ressource minimale est donc subordonné à l'existence dans le contrat de travail d'une clause d'exclusivité. La ressource minimale forfaitaire ne concerne que les VRP non soumis à un horaire de travail déterminé. Dès lors qu'ils sont tenus de respecter un horaire, les VRP peuvent prétendre au bénéfice du Smic (Cass. soc., 22 mai 1996, n° 95-40.200, Société Centrale du meuble c/ Mme Forestier, publié N° Lexbase : A0807ACU).

- Une obligation d'ordre public

Une clause contractuelle prévoyant une rémunération inférieure à cette rémunération conventionnelle serait totalement inopérante (Cass. soc., 25 octobre 1995, n° 93-46.041, Société SNC SPCL France Loisirs c/ M. Michel Monno, inédit N° Lexbase : A2613AGU). De la même manière, les résultats obtenus par le VRP, s'ils peuvent constituer un motif de licenciement, ne peuvent pas être pris en compte pour l'application de la ressource minimale forfaitaire (Cass. soc., 9 octobre 1996, n° 93-45.477, Société générale d'édition et de diffusion (SGED) c/ Mme Maryse Paillat, inédit N° Lexbase : A2629AGH ; Cass. soc., 20 mai 1998, n° 95-42.124, M. Jean-Claude Raussin c/ Société Primext, société anonyme, inédit N° Lexbase : A2849AGM).

- Le non-paiement de la ressource minimale forfaitaire : une sanction pécuniaire illicite

La Cour de cassation, en confirmant sa jurisprudence antérieure (Cass. soc., 27 octobre 2004, n° 02-41.028, Mme Anita Villalon c/ Société en nom collectif (SNC) Certified Laboratories, F-P+B N° Lexbase : A6837DDL ; sur ce sujet lire N. Mingant, La stabilité du droit des VRP à une rémunération minimale forfaitaire, Lexbase Hebdo n° 142 du 11 novembre 2004 - édition sociale N° Lexbase : N3502ABC), fait application de l'article L. 122-42 du Code du travail (N° Lexbase : L5580ACN) et considère que toute retenue pratiquée par l'employeur sur cette ressource minimale constitue une sanction pécuniaire illicite. La Cour de cassation a rendu le 30 novembre 2004 (Cass. soc., 30 novembre 2004, n° 03-44.635, précité) un arrêt réaffirmant que tout manquement à l'obligation de verser la ressource minimale forfaitaire est une "sanction pécuniaire illicite". En effet, lorsque l'employeur n'a pas effectivement versé au VRP chaque trimestre le montant de cette ressource, il ne peut se prévaloir de la possibilité, prévue par le 6° de l'article 5-1 précité, de déduire le complément de salaire des rémunérations contractuelles échues au cours des trois trimestres suivants.

Christophe Willmann
Professeur à l'Université de Haute Alsace

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Social général

[Evénement] Droit du travail et nouvelles technologies

Lecture: 18 min

N5659AKS

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par Compte-rendu réalisé par Laure Teyssendier, SGR - Droit social

Le 07 Octobre 2010

Droit du travail et nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), alors que nombreuses questions restent en suspens sur ce thème, Sophie Vuillet-Tavernier, Directrice des affaires juridiques de la Cnil et Jean-Emmanuel Ray, Professeur à l'Université de Paris I et à l'Institut d'études politiques de Paris sont intervenus sur ce sujet, le 7 mars dernier, dans le cadre des "mardis de l'ADIJ". Cette conférence, animée par Christine Baudouin, avocat au Barreau de Paris, Associé du cabinet LMT Avocats, spécialiste en droit social, était destinée à faire le point sur l'actualité législative (1) et jurisprudentielle (2) relative au droit du travail et nouvelles technologies.

1. L'actualité législative du droit du travail et les nouvelles technologies

L'intervention de Sophie Vuillet-Tavernier était orientée, principalement, autour de trois axes, trois problématiques au coeur de l'actualité juridique dans le domaine des NTIC.

  • Les correspondants à la protection des données ou correspondants informatique et libertés

C'est la loi du 6 août 2004 (Loi n° 2004-801, 6 août 2004, relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel N° Lexbase : L0722GTW) modifiant celle du 6 janvier 1978 dite "loi Informatique et Libertés" (Loi n° 78-17, 6 janvier 1978, relative à l'informatique , aux fichiers et aux libertés N° Lexbase : L8794AGS) qui définit le correspondant à la protection des données (CPD). Selon ce texte, le CPD est la personne "chargée d'assurer, d'une manière indépendante, le respect des obligations prévues dans la présente loi". La parution du décret d'application, daté du 20 octobre 2005 (Décret n° 2005-1309, 20 octobre 2005, pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l''informatique, aux fichiers et aux libertés N° Lexbase : L0844HDM), permet désormais aux entreprises, associations, collectivités locales, et administrations de désigner, au sein de leur structure, un correspondant à la protection des données. La désignation, facultative, d'un tel correspondant permet non seulement d'alléger certaines formalités déclaratives de traitement, mais aussi d'assurer localement une meilleure application de la loi et de disposer de relations privilégiées avec la Cnil.

- Quelles sont les missions du correspondant ?

Dans un délai de trois mois suivant sa désignation, le correspondant est tenu de dresser une liste précise des traitements automatisés qu'il doit mettre à disposition de toute personne en faisant la demande. Par ailleurs, il est chargé d'assurer de manière indépendante le respect des obligations prévues par la loi. Ainsi, il veille à l'application de la loi "informatique et libertés". Pour cela, il peut conseiller le responsable de traitement, transmettre des informations, faire des recommandations, recevoir des requêtes et réclamations. En cas de difficultés rencontrées dans l'exercice de ses fonctions, le correspondant est habilité à saisir la Cnil.

- Qui peut exercer les fonctions de correspondant ?

Le correspondant ne doit en aucun cas être le responsable de traitement.

Une question s'est, alors, posée, à savoir, le correspondant doit-il obligatoirement être un salarié ou peut-il être une personne extérieure à la structure, un avocat par exemple ? La Cnil qui, selon Sophie Vuillet-Tavernier, reste très souple à ce sujet, recommande, cependant, que le correspondant soit un employé du responsable de traitement. En effet, évoluant à l'intérieur de la structure et connaissant, par conséquent, l'activité et le fonctionnement interne de son entreprise ou administration, il semble plus à même de veiller à l'application réelle des règles de protection des personnes et conditions de mise en oeuvre des traitements. La possibilité de choisir un correspondant extérieur à la structure connaît, cependant, certaines limites, notamment, pour les entités de plus de cinquante personnes chargées de la mise en oeuvre des traitements ou y ayant directement accès. Le correspondant ne peut, alors, être qu'un salarié du groupe de société ou GIE, auquel appartient le responsable de traitement ou une personne mandatée par l'organisme professionnel regroupant des professionnels dans un secteur d'activité auquel appartient le responsable de traitement.

Pour exercer sa mission, le correspondant doit, par ailleurs, être une personne bénéficiant de qualifications requises. Il doit, notamment, connaître la législation relative à la protection des données à caractère personnel, celle sur l'informatique et les nouvelles technologies. Bien qu'aucun diplôme ne soit requis, certaines connaissances en informatique semblent nécessaires, comme par exemple le vocabulaire, les métiers, les systèmes de gestion, d'exploitation de base de données, les logiciels...

Enfin, le correspondant doit pouvoir exercer ses fonctions de manière indépendante. Cette indépendance est assurée par le fait qu'il soit directement rattaché au responsable de traitement, qui a, lui, l'interdiction d'interférer dans l'accomplissement de ses missions. Pour être indépendant, le correspondant doit, aussi, être à l'abri de tout conflit d'intérêt avec d'autres fonctions exercées.

- Comment nommer le correspondant ?

La désignation d'un correspondant doit être notifiée, non seulement aux instances représentatives du personnel par lettre recommandée avec accusé de réception, mais aussi à la Cnil de la même manière. Cette dernière notification s'effectue grâce à un formulaire spécifique disponible sur le site de la Cnil. La désignation du correspondant prend, alors, effet un mois après la date de réception de la notification par la Cnil.

Aujourd'hui, plusieurs correspondants ont été désignés aussi bien dans de grandes entreprises, que dans des administrations publiques, cabinets d'avocat, de recrutement, associations humanitaires, groupe de presse. Bien que l'avenir reste incertain et flou dans le domaine des nouvelles technologies et traitement de données à caractère personnel, la mise en place du correspondant, selon Sophie Vuillet-Tavernier, constitue une innovation majeure dans l'application de la loi qui semble susciter un certain intérêt au sein des entreprises, administrations, associations et autres structures.

  • Les dispositifs biométriques

Une donnée à caractère personnel est une information relative à une personne physique identifiée ou susceptible de l'être, directement ou indirectement par référence à un numéro d'identification, ou bien un ou plusieurs éléments qui lui sont propres. La biométrie est, à l'évidence, une donnée à caractère personnel qui relève de l'application de la loi "informatique et libertés" du 6 janvier 1978 modifiée par celle du 6 août 2004.

Depuis cette dernière loi de 2004, les dispositifs biométriques sont soumis à une autorisation préalable de la Cnil. Echappent, cependant, à cette autorisation les dispositifs mis en oeuvre pour le compte de l'Etat, qui, eux, sont uniquement soumis à l'avis préalable de la Cnil.

Pour autoriser les dispositifs biométriques, la Cnil dispose de plusieurs critères d'appréciation. Elle évalue, dans un premier temps, le type de biométrie auquel il est fait usage. En effet, la Cnil distingue le dispositif biométrique sans trace, qui ne contient aucun risque d'utilisation à l'insu de la personne comme par exemple le contrôle d'accès à des locaux, hôpitaux, cantines, de celui avec trace, qui lui a contrario, présente des risques de récupérer une donnée biométrique à l'insu de la personne. C'est le cas, notamment, des empreintes digitales. La Cnil exerce, alors, un contrôle vigilant sur ce dispositif biométrique à trace, en observant son mode de stockage. En effet, face au risque de réutilisation de ces données, la Cnil considère que les caractéristiques biométriques d'une personne doivent être uniquement conservées sur un support individuel (carte à puce, ordinateur...) et non dans une base de données regroupant les caractéristiques anthropométriques de plusieurs personnes (base centrale ou lecteur biométrique). Seul un impératif particulier de sécurité et d'ordre public rendant nécessaire la centralisation des données biométriques pourrait être susceptible de justifier le non-respect de cette recommandation. Enfin, il est important pour la Cnil que les personnes concernées par le dispositif biométrique soient clairement informées de sa mise en oeuvre, de son caractère obligatoire ou facultatif, des destinataires des informations et des modalités d'exercice de leurs droits d'accès et de rectification. Il reste, cependant, très difficile de garantir un consentement réellement libre et éclairé.
Sur ce sujet, lire Gilles Auzero, De l'illicéité d'un système de "badgeage" par empreintes digitales, Lexbase Hebdo n° 167 du 11 mai 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4025AIW)

  • Les dispositifs d'alerte professionnelle ("whistleblowing")

Un dispositif d'alerte professionnelle est un système mis en place par une structure privée ou publique dans l'objectif d'inciter ses employés à signaler des problèmes pouvant sérieusement affecter son activité ou engager gravement sa responsabilité. Il peut, par exemple, prendre la forme d'un numéro de téléphone ou d'une adresse électronique, qui oriente les alertes vers des personnes spécialement formées.

Se pose, alors, la question de leur conformité avec la loi "informatique et libertés".

Trois documents de référence en la matière permettent aujourd'hui de définir les conditions permettant à ces dispositifs d'alerte professionnelle d'être en conformité avec la loi informatique et libertés :

- un document d'orientation du 10 novembre 2005 ;

- une autorisation unique du 8 décembre 2005 ;

- l'avis du groupe des autorités européennes de protection des données personnelles, dit "groupe de l'article 29", adopté le 1er février 2006 sur les dispositifs d'alerte professionnelle.

Les dispositifs d'alerte professionnelle, quel que soit le mode de recueil des données, constituent des traitements de données soumis à la loi informatique. Dès lors que ces traitements sont informatisés, ils doivent être autorisés par la Cnil.

Ce dispositif d'alerte professionnelle doit être facultatif, accessoire et limité au domaine comptable, à celui du contrôle des comptes bancaires et lutte contre la corruption.

Il est nécessaire, par ailleurs, d'informer la personne mise en cause dans ses droits (accès à l'enregistrement de l'alerte et possibilité de rectification) tout en s'assurant de la préservation des preuves nécessaires au traitement de l'alerte.

2. L'actualité jurisprudentielle sur le droit du travail et les nouvelles technologies

Jean-Emmanuel Ray nous présente un panorama des décisions jurisprudentielles ayant marqué ces dernières années en matière de NTIC et, plus précisément, celles concernant les thèmes des NTIC et de l'embauche, du travail à distance, et de la cybersurveillance.

  • NTIC et embauche

- Publication des offres d'emplois sur internet : précisions apportées par la loi de cohésion sociale de 2005
Concernant ce thème, une première question nous vient à l'esprit : les offres d'emploi sur internet sont-elles licites ? La loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 (Loi n° 2005-32, 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : L6384G49) définit, notamment, les informations obligatoires à faire figurer dans les offres d'emploi et les modalités de leur publication. Elle autorise la publication des offres d'emplois sur internet, dès lors qu'elles sont datées (article 3, modifiant l'article L. 311-4 du Code du travail N° Lexbase : L8899G7Q).

- Preuve de l'existence d'un contrat de travail précisant une période d'essai par courrier électronique : Cass. soc., 5 juillet 2005, n° 03-46.475, Société Algo Tech Informatique c/ M. Lionel Meyel, F-D (N° Lexbase : A8928DII)
Dans un arrêt du 5 juillet 2005, la Cour de cassation se prononce sur la preuve de l'existence d'un contrat de travail précisant la période d'essai. En l'espèce, un employeur, relevant de la convention Syntec, met fin au contrat de travail de son salarié en rompant la période d'essai applicable par défaut, selon lui, en application de la convention collective. Le salarié qui n'a signé aucun document, considère que cette rupture intervient hors période d'essai et saisit alors les juridictions. Seul un courriel antérieur à l'embauche est fourni à titre de preuve. Pour la Cour de cassation, dès lors qu'un salarié avait commencé à travailler sans contrat de travail et qu'un courrier électronique, seul document écrit antérieur à son engagement, ne faisait aucune référence à une période d'essai, et que, de plus, ne lui a pas été remis un exemplaire de la convention collective applicable comportant des indications sur les conditions d'essai,  il n'est pas soumis à une période d'essai, et la rupture qui intervient peu de temps après son embauche s'analyse en un licenciement.

- Information des salariés et usage d'intranet : Cass. soc., 20 avril 2005, n° 03-41.802, Compagnie IBM France c/ M. Michel Chatard, FS-P+B+R+I N° (N° Lexbase : A9303DHZ)
L'employeur peut-il se contenter d'informer les salariés employés à temps partiel des emplois à temps plein disponibles par la voie de l'intranet de l'entreprise ? Telle est la question adressée à la Cour de cassation dans cet arrêt. En l'espèce, un salarié à temps partiel "choisi" qui a postulé, au sein de son entreprise, pour un emploi à temps plein estime que son employeur a violé l'obligation posée par l'article L. 212-4-9 du Code du travail (N° Lexbase : L9588GQ8). Il saisit alors les juridictions. La Chambre sociale de la Cour de cassation admet le recours au réseau intranet de l'entreprise pour informer les salariés de leurs droits, mais considère que cette information ne suffit pas à libérer l'employeur de son obligation légale d'information. En effet "si l'employeur peut porter à la connaissance de ses salariés les emplois disponibles par voie de communication électronique, notamment sur le réseau intranet de l'entreprise, il est tenu, en application de l'article L. 212-4-9 du Code du travail, de procéder à une diffusion spécifique concernant les emplois pouvant correspondre à la catégorie professionnelle, ou à un emploi équivalent, des salariés à temps partiel souhaitant occuper un emploi à temps complet, ou des salariés à temps complet souhaitant un emploi à temps partiel". L'employeur, selon Jean-Emmanuel Ray, ne peut pas demander à son salarié d'aller chercher une information mais est dans l'obligation de la lui transmettre. 
Sur ce sujet, lire Christophe Radé, Information des salariés et usage de l'intranet, Lexbase Hebdo n° 166 du 5 mai 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N3898AI9).

- Accord collectif signé dans le secteur de la métallurgie concernant l'application de l'article L. 135-7 du Code du travail (N° Lexbase : L4701DZ7) : accord du 25 novembre 2005
L'article L. 135-7 du Code du travail prévoit que dans les entreprises dotées d'un intranet, l'employeur met sur celui-ci à disposition des salariés un exemplaire à jour de la convention ou de l'accord collectif de travail par lequel il est lié. C'est ce que les partenaires sociaux de la métallurgie ont conclu dans cet accord de novembre 2005. Les entreprises du secteur doivent, dorénavant, mettre à la disposition des entreprises, des représentants du personnel, des syndicats et des salariés, un espace sur internet exclusivement dédié aux conventions et accords collectifs, professionnels et interprofessionnels, nationaux et territoriaux. Jean-Emmanuel Ray préconise que, dans un futur proche, les avenants aux accords ou conventions mis en ligne ne pourront être opposables aux salariés s'ils n'ont pas été mis à jour.

  • Travail à distance

Nous sommes aujourd'hui, selon Jean-Emmanuel Ray, "tous des télétravailleurs". "Il existe grâce au télétravail une continuité du service privé". En effet, les NTIC permettant de travailler en tout lieu et à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, le travail, sans fin temporelle ni frontière géographique, empiète sérieusement sur la vie personnelle. Heureusement, "remercions la Cour de cassation" qui tente de ne pas tout mélanger en suivant la ligne directrice, insufflée par P. Waquet, de conserver une séparation entre ces deux sphères : vie privée - vie professionnelle. En effet, "le droit à la vie privée, c'est aussi le droit à la déconnexion !"
Sur le télétravail, lire Christophe Radé, Publication de la recommandation du Forum des droits sur l'Internet concernant le télétravail, Lexbase, Hebdo n°147 du 15 décembre 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N3934ABC)

- Fondement du droit à la déconnexion : Cass. soc., 17 février 2004, n° 01-45.889, M. Jean-Bernard Raze c/ M. Philippe Mazzola, F-D (N° Lexbase : A3167DBW)
L'employeur peut-il sanctionner un salarié qui ne répond pas à ses appels téléphoniques en dehors des heures de travail ? Telle est la question à laquelle la Cour de cassation a répondu dans un arrêt du 17 février 2004. En l'espèce, un salarié engagé comme ambulancier a été licencié pour faute grave, pour avoir refusé d'assurer son service et avoir mis la vie de personnes en danger et l'avenir de l'entreprise en péril, en refusant de répondre aux trois appels téléphoniques que son employeur a passé sur son téléphone portable personnel. La Cour de cassation réfute cette argumentation. En effet, selon la Haute cour "le fait de n'avoir pu être joint en dehors des horaires de travail sur son téléphone portable personnel est dépourvu de caractère fautif et ne permet donc pas de justifier un licenciement disciplinaire pour faute grave". Il ne s'agit pas, selon Jean-Emmanuel Ray, qui approuve entièrement la décision rendue par la Cour, de juger la gravité de la faute mais de permettre au salarié de se déconnecter.

- Utilisation d'internet à des fins personnel : CA Versailles, 6ème ch., 18 mars 2003, n° 02/00046, Monsieur Denis Gombert c/ SA Société française de radiotéléphonie (N° Lexbase : A2288C9M)
Un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 18 mars 2003 se prononce sur l'utilisation du matériel de l'entreprise à des fins personnelles. Selon les juges du fond, "si l'employeur est fondé à réglementer l'usage d'internet dans l'entreprise, les recommandations de la CNIL mettent en évidence l'existence d'un usage admettant qu'une interdiction absolue à des fins non professionnelles d'internet n'est pas raisonnable".

- Le retour au travail en entreprise peut-il constituer une modification du contrat de travail ? : Cass. soc., 13 avril 2005, n° 02-47.621, M. François Gargala c/ Société SDP, FS-P+B (N° Lexbase : A8645DHN)
En l'espèce, un salarié, engagé en qualité de directeur commercial, a été autorisé, dès son embauche, à effectuer ses tâches administratives à son domicile, situé à plus de 200 kilomètres du siège social de l'entreprise. Or, constatant son insuffisance de résultats, l'employeur lui a demandé de venir travailler deux jours par semaine au siège de l'entreprise. Devant le refus du salarié d'obtempérer, l'affaire est portée devant les tribunaux et les juges d'appel font droit aux prétentions de l'employeur. Cependant, la Cour de cassation, devant laquelle le salarié forme un pourvoi, censure la décision des juges du fond. Dans sa décision, rendue au visa de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), la Cour suprême casse l'arrêt d'appel, retenant que "le salarié effectuait son travail administratif à son domicile et que le fait pour l'employeur de lui imposer de se rendre désormais deux jours par semaine au siège de la société situé à plus de 200 km pour exécuter ce travail constituait une modification de son contrat que le salarié était en droit de refuser".

- Télétravail et reclassement : CA Paris, 18ème ch., sect. C, 17 novembre 2005, n° 05/01456, M. Nicolas Rennert c/ SARL Magnetica Soft (N° Lexbase : A2426DMS)
Dans cet arrêt, un salarié se voit licencié pour motif économique. Il soutient avoir continué à travailler après son licenciement sans avoir été ni déclaré ni payé. Le salarié demande aux juridictions prud'homales le paiement des salaires dus postérieurement à la rupture du contrat. Les juges du fond font droit à sa demande en constatant que celui-ci a "continué à travailler à Paris dans le local situé rue de Charenton qui était mis à leur disposition depuis leur engagement, quand bien même le siège de la société était situé à Nice, avec les ordinateurs appartenant à la société, sous la dépendance juridique du gérant de la société qui a continué à lui donner des consignes de travail : réalisation d'une version en 3D du logiciel Magnetica, consignes données par ce même gérant résultant de l'échange de courriels quotidiens, compte rendu de l'avancement des travaux réalisés, tenues de réunions hebdomadaire à Paris". Par ailleurs, le salarié apparaissait comme salarié de la société sur le site internet de la société au sein de laquelle il a bénéficié durant toute cette période d'une adresse électronique professionnelle. Selon les juges du fond "il résulte, par conséquent, de ces constatations que les relations qui se sont poursuivies entre les parties postérieurement au licenciement économique étaient de nature salariale".

  • Cybersurveillance

Le recours de plus en plus systématique aux nouvelles technologies a des incidences considérables sur le rapport salarial. Il est nécessaire d'établir "un équilibre" entre la vie privée des salariés et le besoin de sécurité de l'employeur. Selon Jean-Emmanuel Ray, la cybersurveillance est un sujet très délicat pour les employeurs. En effet, l'employeur qui contrôle ses salariés par la voie des NTIC et les sanctionne à la suite de comportements litigieux, se voit très souvent condamné par les tribunaux. Les arguments invoqués par la défense, comme l'absence d'information du salarié et celle du comité d'entreprise de l'établissement, entraînent l'inopposabilité de la preuve. Rappelons que, selon une jurisprudence constante, le doute profite au salarié. Or, un doute est toujours présent, non pas sur l'outil de travail mais sur l'identité de la personne qui a utilisé le poste. Paradoxe qui existe, actuellement, entre la traçabilité inhérente à l'outil de travail et l'impossibilité de prouver qui est l'auteur de tel envoi, consultation ou autre. En effet, n'oublions pas les salariés qui profitent d'une absence temporaire d'un de leur collègue ayant laissé malencontreusement sa session ouverte pour envoyer des mails piquants à la hiérarchie ou consulter des sites interdits. La jurisprudence a dû statuer de nombreuses fois sur de tels sujets.

- Création d'un site internet sur le lieu et pendant le temps de travail : CA Aix-en-Provence, 17ème ch., 17 janvier 2005, Nicolas B. c/ Lucent Technologiesn France, n° 04/01429
Dans un arrêt du 17 janvier 2005, la cour d'appel d'Aix statue sur la création d'un site internet par un salarié depuis son poste de travail pendant ses heures de travail, à l'insu de son employeur. En l'espèce, un salarié engagé dans un entreprise avait crée un site internet humoristique en utilisant les moyens informatiques de son employeur. Or, le règlement intérieur prévoyait que le matériel ne devait pas être utilisé à des fins personnelles. L'employeur licencie le salarié pour faute grave. Celui-ci saisit les juridictions en contestation de cette décision. La cour d'appel d'Aix déboute le salarié de ses demandes. Elle considère, en effet, que l'entreprise subit un préjudice du fait de la création par le salarié de ce site internet qui porte atteinte à l'image de l'entreprise. Elle en conclut que le salarié a commis une faute justifiant son licenciement.

- Confirmation de l'arrêt "Nikon" par la Cour de cassation : Cass. soc., 12 octobre 2004, n° 02-40.392, Mme Madeleine Richard c/ Société Sulzer orthopédie Cedior, F-D (N° Lexbase : A6042DD7)
La Cour de cassation reprend dans cet arrêt les principes posés par l'arrêt "Nikon" (Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942, Société Nikon France c/ M. Frédéric Onof, publié N° Lexbase : A1200AWD). En l'espèce, une salariée utilise la messagerie électronique fournie par son employeur pour échanger des courriers électroniques privés avec une ex-salariée de l'entreprise, pendant son temps de travail. Après avoir consulté les messages personnels de ladite salariée, l'employeur décide sa mise à pied disciplinaire. La Cour de cassation casse la décision rendue par les juges d'appel au visa des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
(N° Lexbase : L4798AQR), 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY), 9 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L3201ADW) et L. 120-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5441ACI). Elle considère que "le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l'employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur".

- Révision de la jurisprudence "Nikon" : Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40.017, M. Philippe Klajer c/ Société Cathnet-Science, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2997DIT)
L'employeur peut-il consulter des fichiers informatiques marqués comme personnels par le salarié et, si oui, à quelles conditions ? Telle est la question posée à la Cour de cassation dans un arrêt du 17 mai 2005. En l'espèce, un salarié s'est vu licencié de son entreprise pour faute grave au motif qu'à la suite de la découverte de photos érotiques dans un tiroir de son bureau, il avait été procédé à une recherche sur le disque dur de son ordinateur qui avait permis de trouver un ensemble de dossiers totalement étrangers à ses fonctions figurant, notamment, sous un fichier intitulé "perso". Selon les juges du fond, la découverte de photos érotiques par l'employeur constituait des circonstances exceptionnelles l'autorisant à contrôler le contenu du disque dur de l'ordinateur. La Cour de cassation censure cette décision au visa des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du Code civil, 9 du Nouveau Code de procédure civile et L. 120-2 du Code du travail. Elle décide que, "sauf risque ou événement particulier, l'employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l'ordinateur mis à sa disposition qu'en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé". Or, selon la Cour de cassation, la découverte de photos érotiques dans un tiroir du salarié ne constitue pas le "risque ou évènement particulier" justifiant l'ouverture des fichiers personnels, effectuée hors la présence de l'intéressé.
Sur ce sujet, lire Christophe Radé L'employeur et les fichiers personnels du salarié : la Cour de cassation révise la jurisprudence"Nikon". Lexbase Hebdo n° 169 du 25 mai 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4601AIA).

- Rédaction d'un courrier pendant les heures de travail : CA Paris, 22ème ch., sect. B, 24 mai 2005, n° 04/36576, Mme Marie France Launay c/ SA Compagnie franchise d'impression CFI (N° Lexbase : A7873DKS)
En l'espèce, un employeur reprochait à sa salariée d'avoir assisté un collègue qui venait de se faire licencier en rédigeant pendant les heures de travail rémunérées par l'entreprise, sur un ordinateur de l'entreprise mis à sa disposition pour l'exercice de ses fonctions, un modèle d'attestation à l'insu de l'entreprise. Seules les heures de sauvegarde du document avaient été conservées par l'employeur. Les juges du fond considèrent, alors, que cette seule indication ne démontre pas l'amplitude du temps consacré à ce travail. En effet, selon eux, il n'est nullement établit que le courrier en cause ait pu être rédigé durant les heures de travail de la salariée, l'indication des heures de sauvegarde du document n'est pas de nature à le démontrer.

Ainsi, cette conférence a permis d'exposer les interactions entre droit du travail et nouvelles technologies et de mettre l'accent sur les difficultés juridiques auxquelles les juges risquent, prochainement, d'être confrontés. Lexbase Hebdo - édition sociale ne manquera pas de vous informer de l'actualité à venir, au sein des ateliers de l'ADIJ, dans ses colonnes.

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Internet - Bulletin d'actualités n° 2

[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Février 2006 (1ère partie)

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Le 07 Octobre 2010




Tous les mois, Marc d'Haultfoeuille, avocat associé chez Clifford Chance, vous propose de retrouver l'actualité juridique en matière de Communication Média & Technologies (cf. Bulletin d'actualité Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Février 2006 (2ème partie) N° Lexbase : N5992AK7).

I - Données personnelles
  • Dans une délibération du 22 novembre 2005, la Commission nationale de l'informatique et des libertés décide de dispenser de déclaration les sites mis en oeuvre par des particuliers dans le cadre d'une activité privée diffusant ou collectant des données à caractère personnel (délibération de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) n° 2005-285 N° Lexbase : X6216ADL).

Contenu :

Constatant le développement de l'utilisation de sites web par les particuliers, à titre privé, la CNIL a pris la délibération n° 2005-285 afin de préciser les règles applicables.

En effet, ces sites mis en oeuvre par des particuliers étant susceptibles de diffuser ou collecter des données à caractère personnel, ils constituent, le cas échéant, un traitement automatisé de données à caractère personnel soumis aux dispositions de la loi "Informatique et Libertés" du 6 janvier 1978 (N° Lexbase : L8794AGS).

Mais sur le fondement de l'article 24 de la loi "Informatique et Libertés" (N° Lexbase : L4321AHI), la CNIL a décidé de dispenser les particuliers de la déclaration de ces sites à la CNIL.

La CNIL précise par plusieurs recommandations, de quelle manière doit s'effectuer la diffusion au public, par le biais d'un site web, de données à caractère personnel. Elle rappelle ainsi que le consentement préalable des personnes concernées est nécessaire et qu'elles doivent être préalablement informées de l'identité de la personne souhaitant procéder à la diffusion, de la finalité poursuivie ainsi que de l'existence d'un droit d'accès, de rectification et d'opposition à tout moment, y compris pour un site web créé par un particulier. La CNIL recommande aussi que les données sensibles ne soient pas diffusées à partir d'un site web personnel.

La durée de conservation de ces données ne peut excéder le temps nécessaire eu égard à l'objet du site et leur transmission à des tiers par le responsable du site ne peut s'effectuer que dans le cadre d'activités privées, après que la personne concernée en a été informée et mise en mesure de s'y opposer.

Commentaire :

La CNIL souhaite prendre en compte l'utilisation massive de l'internet par les particuliers, et, notamment, l'utilisation des blogs. Dès lors que des données à caractère personnel sont susceptibles d'être collectées, ces sites internet sont soumis aux dispositions de la loi "Informatique et Libertés" et à déclaration à la CNIL.

L'article 24 II de la loi "Informatique et Libertés" permet à la CNIL de dispenser de déclaration les catégories les plus courantes de traitements de données à caractère personnel.

En dispensant les particuliers de la déclaration de leurs sites, la CNIL simplifie le processus de déclaration pour les particuliers. En pratique, rares étaient les internautes qui procédaient à cette déclaration et la Commission ne fait donc que légaliser une situation de fait.

II - Droit d'auteurs

  • Le 17 juin 2005, la cour d'appel de Paris a jugé que la création et la mise à disposition du public d'un programme informatique désactivant les systèmes de protection d'un logiciel, sans autorisation, est constitutif du délit de contrefaçon (CA Paris, 17 juin 2005, M. O. c/ Ministère Public N° Lexbase : A5264DNB).

Faits :

Monsieur O. a été identifié comme ayant procédé à des activités de piratage et de crackage de logiciels, et notamment celui de l'Encyclopaedia Universalis.

De par sa profession d'ingénieur, Monsieur O. a, en effet, reconnu avoir la capacité technique pour trouver le système de déblocage des algorithmes de protection du logiciel en cause.

Décision :

Au visa de l'article L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3485ADG), la cour d'appel de Paris confirme le jugement rendu en première instance reconnaissant la culpabilité de Monsieur O.

Elle réduit, néanmoins, sa peine à 7 mois d'emprisonnement assorti du sursis simple, sans qu'il y ait lieu à publication de la décision, dans un souci de préservation de l'avenir professionnel de Monsieur O.

Commentaire :

Par cette décision, la cour d'appel de Paris juge que la création et la mise à la disposition du public d'un logiciel permettant de passer outre les techniques de protection d'un CD-Rom, est un acte de contrefaçon.

Cette solution n'était pas évidente, dans la mesure où l'article L. 353-3 du Code de la propriété intellectuelle régissant le délit de contrefaçon, ne prévoit pas cette hypothèse de contrefaçon indirecte, consistant à donner à l'internaute les moyens d'effectuer le délit par lui-même.

La reconnaissance de la contrefaçon par "fourniture de moyen" semble donc être une bonne prise en compte des évolutions technologiques en la matière et cette position favorable à la répression de la contrefaçon est dans l'esprit des débats actuels sur le projet de loi relatif aux droits d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.

III - Droit des marques

  • Le 8 décembre 2005, le tribunal de grande instance de Paris a jugé que le moteur de recherche Google ne commettait pas d'acte de contrefaçon en proposant comme mot-clé à une société de commerce téléphonique, le nom d'une autre société concurrente (TGI Paris, 3ème ch., sect. 2, 8 décembre 2005, Sociétés Kertel et Google c/ Société Cartephone N° Lexbase : A5273DNM).

Faits :

La société Cartephone qui commercialise des services téléphoniques, a utilisé la dénomination d'une société concurrente, la société Kertel, comme mot-clé proposé par Google pour activer ses liens publicitaires et offres commerciales.

La société Kertel, dont la dénomination est également une marque déposée, reproche aux sociétés Cartephone et Google, de commettre un acte de contrefaçon en utilisant cette marque comme mot-clé pour accéder à des offres commerciales sur le site d'une société concurrente proposant des services identiques.

Décision :

Le tribunal de grande instance de Paris a jugé que la société Cartephone a commis des actes de contrefaçon sur le fondement de l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle.

Le tribunal a, par ailleurs, retenu la responsabilité civile des sociétés Google sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), dès lors qu'en proposant le mot-clé, elles ont favorisé une activité contrefaisante. Le juge a écarté, en revanche, leur responsabilité au titre de la contrefaçon de marque ou d'une concurrence déloyale.

Commentaire :

Cette décision du tribunal de grande instance de Paris du 8 décembre 2005 s'inscrit dans la lignée de précédentes affaires ayant opposé Google et des sociétés telles que les sociétés Viaticum et Luteciel (TGI Nanterre, 13 octobre 2003, n° RG 03/00051 N° Lexbase : A8184C9Y), la société Louis Vuitton Malletier (TGI Paris, 4 février 2005, n° RG 04/05745 N° Lexbase : A6246DHS), la société des hôtels Méridien (TGI Nanterre, 16 décembre 2004, n° RG 04/03772 N° Lexbase : A2141DHR) à Google ou encore la société Agence des médias numériques.

Dans ces différentes affaires, la société Google avait proposé à des sociétés concurrentes des mots-clés qui reproduisaient les marques des sociétés. La responsabilité de Google avait été retenue à la fois au titre de la contrefaçon et de la responsabilité civile.

Cette nouvelle décision du tribunal de grande instance de Paris est intéressante dans la mesure où, alors qu'elle retient bien la responsabilité civile de Google pour avoir proposé un mot-clé reproduisant la marque d'une société concurrente, elle écarte tout acte de contrefaçon au motif que l'usage de ce mot-clé ne s'accompagne d'aucune proposition de produits ou services visés à l'enregistrement de la marque opposée mais participe d'une activité de prestataire de publicités.

IV- Informatique

  • Dans un arrêt du 2 septembre 2005, la cour d'appel de Paris a confirmé la résolution d'un contrat d'intégration d'un progiciel de gestion intégré pour manquement du fournisseur à son obligation de délivrance du progiciel dans les délais (Cour d'appel de Paris, 25ème ch., sect. A, 2 septembre 2005, n° 04/00786, SARL Exact Software France c/ Société Nocibe N° Lexbase : A5295DKC).

Faits :

Le 2 août 2001, un fournisseur, la SARL Exact Software et son client, la société Nocibe, ont conclu un contrat pour l'intégration d'un progiciel de gestion intégré. Le 27 décembre 2000, le client interrompt le projet d'intégration du progiciel avant la date de livraison prévue au 15 janvier 2001 en raison des difficultés de mise en oeuvre du projet et du retard pris par la SARL Exact Software.

La société Nocibe a assigné la SARL Exact Software devant le tribunal de commerce de Bobigny. Le fournisseur a été condamné à payer à la société Nocibe la somme de 25 972,79 euros et s'est vu débouté de sa demande reconventionnelle.

La SARL Exact Software a interjeté appel afin que la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Nocibe pour absence de collaboration soit prononcée et que le client soit condamné à payer les factures restées impayées.

Décision :

La cour d'appel de Paris confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny.

La cour juge que la SARL Exact Software n'est pas fondée à reprocher une absence de collaboration de la part de son client. En effet, elle relève que le client s'est impliqué dans le suivi du projet, notamment, par l'envoi de courriers électroniques et de lettres recommandées au fournisseur dressant une liste des points s'opposant au démarrage du projet et restés sans solutions.

Ainsi, selon la cour, la rupture des relations contractuelles est imputable à la SARL Exact Software qui a été incapable de respecter le calendrier convenu et de fournir son progiciel dans les délais en dépit d'une mise en demeure. Le contrat est donc résolu et le client doit restituer au fournisseur l'ensemble des logiciels et manuels appartenant à la SARL Exact Software qui lui a été remis.

Commentaire :

Dans cet arrêt, la cour d'appel de Paris rappelle que le fournisseur de progiciel de gestion intégré qui ne respecte pas les délais prévus au contrat manque à son obligation de délivrance.

Rappelons, qu'en matière de contrat informatique et en fonction de ce qui a été convenu entre les parties, l'obligation de délivrance d'une solution informatique, en plus de la livraison d'une documentation complète, peut être complétée par une obligation de délivrer des prestations complémentaires telles que la formation des utilisateurs, le transfert de compétence ou des maintenances correctives et/ou évolutives. En tout état de cause, le fournisseur reste soumis à l'obligation légale de livraison d'une chose conforme à ce qui avait été convenu.

Quant au client, il est soumis à une obligation d'information et de collaboration, dont la preuve de l'exécution a pu être rapportée, en l'espèce, au moyen des nombreux documents écrits adressés au fournisseur.

Le prononcé de la résolution du contrat par le juge reste néanmoins une solution extrême, dès lors que la résolution a un effet rétroactif suivant lequel le contrat est réputé n'avoir jamais existé entre les parties. Tout élément remis dans le cadre de l'exécution du contrat à une partie doit donc être restitué à l'autre.

  • Un décret du 28 décembre 2005 modifie les conditions de procédure en matière d'expertise judiciaire, notamment en permettant aux experts d'imposer des délais aux parties pour formuler leurs observations ou réclamations (décret n° 2005-1678, 28 décembre 2005, relatif à la procédure civile, à certaines procédures d'exécution et à la procédure de changement de nom N° Lexbase : L3298HEU).

Contenu :

Le décret du 28 décembre 2005 modifie des dispositions relatives à la procédure civile, à des procédures d'exécution ainsi qu'à la procédure de changement de nom.

Plus précisément, et en matière d'expertise judiciaire, le décret modifie l'article 276, alinéa 2, du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L7631HED). Les experts judiciaires peuvent désormais fixer un délai aux parties pour qu'elles formulent leurs observations ou réclamations. Les observations ou réclamations qui seraient faites à l'issue de ce délai ne seront donc pas obligatoirement prises en compte par l'expert, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée.

Le décret précise aussi que les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu des précédentes, à défaut de quoi, ces dernières seraient réputées abandonnées par les parties.

Enfin, il est ajouté au Nouveau Code de procédure civile, un article 278-1, aux termes duquel "l'expert peut se faire assister, dans l'accomplissement de sa mission, par la personne de son choix qui intervient sous son contrôle et sa responsabilité" (N° Lexbase : L7632HEE). En cas d'assistance de l'expert, le rapport doit alors mentionner les noms et qualités des personnes ayant prêté leur concours.

Commentaire :

Ce décret du 28 décembre 2005, qui est entré en vigueur le 1er mars dernier, permet, par les nouvelles mesures qu'il apporte, de favoriser les conditions d'exécution des expertises judiciaires.

L'autorisation pour l'expert, de fixer un délai aux parties pour la production de leurs observations et réclamations, devrait permettre d'accélérer le dépôt du rapport d'expertise.

De même, l'instauration du principe des dires récapitulatifs, facilitant le travail de l'expert, ainsi que l'éventuelle assistance de celui-ci, devraient aller dans le sens d'une accélération de la procédure d'expertise et donc d'une diminution de son coût.

V - Internet

  • La cour d'appel de Rennes considère, dans un arrêt du 20 mai 2005, qu'une société de bourse est tenue d'une obligation de renseignement au profit de son client même en dehors de tout mandat de gestion (CA Rennes, 20 mai 2005, n° 04/04390, Epoux M. c/ SA Portzamparc N° Lexbase : A5263DNA).

Faits :

Le 12 janvier 1998, monsieur et madame M. et la SA Portzamparc, société de bourse, ont convenu de l'ouverture d'un compte joint et la SA Portzamparc s'est engagée à exécuter les ordres de bourse donnés par ses clients.

Monsieur et madame M. ont, à cette occasion, demandé à la SA Portzamparc des renseignements sur le fonctionnement de la bourse. Cette dernière leur a transmis le guide de l'actionnaire individuel et leur a conseillé l'acquisition d'un livre intitulé "Le guide du néophyte". Le 3 mars 2000, une nouvelle convention a été conclue permettant à monsieur et madame M. de disposer d'une plate-forme télématique internet.

A la suite de mauvaises spéculations, le compte de monsieur et madame M. est devenu fortement débiteur. Après de vaines mises en demeure, la SA Portzamparc a assigné les époux M. en paiement du solde débiteur de leur compte, soit 8 031,21 euros.

Par un jugement en date du 23 mars 2004, le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc a condamné solidairement les époux au paiement de cette somme et leur a accordé un délai de grâce. Les époux ont interjeté appel considérant que la société de bourse était tenue d'un devoir d'information sur les risques encourus dans les opérations spéculatives.

Décision :

La cour d'appel de Rennes infirme le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc.

Selon la cour, la demande de renseignements de la part des époux prouvait la qualité de néophyte des clients. A ce titre, la cour fait peser sur la société de bourse une obligation de renseignement, selon laquelle elle doit renseigner tout client quelle que soit la nature des services à fournir. La cour considère, en l'espèce, que l'envoi du guide de l'actionnaire individuel ainsi que le conseil d'achat du "guide du néophyte" ne permettait pas de retenir que la société de bourse avait satisfait à son obligation contractuelle d'information.

En effet, bien que la recommandation de la Commission des opérations de bourse n° 99-02 (recommandation COB n° 99-02, 3 septembre 1999 N° Lexbase : L2856DYG), imposant une obligation de renseignement, ne soit pas applicable en l'espèce dès lors qu'elle ne concerne que les services de gestion sous mandat, la cour estime que la facilité d'accès à internet présente un risque accru pour les utilisateurs qui, comme monsieur et madame M., avait opté pour un compte libre. La société de bourse était donc tenue d'avertir ses clients des risques encourus ainsi que de s'enquérir de leurs objectifs "comme elle aurait dû le faire déontologiquement" .

La société de bourse est donc condamnée à réparer partiellement le préjudice de ses clients au titre de la perte de chance d'échapper à une mauvaise opération boursière.

Commentaire :

Cette décision de la cour d'appel de Rennes impose à la société de bourse par internet une obligation "déontologique", totalement jurisprudentielle, de renseignement à l'encontre de ses clients néophytes, quelle que soit l'étendue de la mission qui lui a été confiée.

Ainsi, la cour d'appel de Rennes met sur un pied d'égalité le client opérant directement en présence de la société de bourse et celui opérant virtuellement. Par conséquent, cette décision s'inscrit bien dans l'esprit de l'ordonnance du 6 juin 2005 portant sur les services financiers à distance, adoptée dans cet objectif, et qui est entrée en vigueur le 1er décembre dernier (ordonnance du 6 juin 2005, n° 2005-648, relative à la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs N° Lexbase : L8431G8R).

  • Dans une réponse à une question parlementaire du 1er novembre 2005, le ministre délégué au Budget et à la Réforme de l'Etat a précisé que les courriers électroniques utilisés par les administrations sont des documents administratifs communicables (réponse du ministre délégué au Budget et à la Réforme de l'Etat à la question n° 77194 de Yvan Lachaud (UDF) 1er novembre 2005 N° Lexbase : L7301HHU).

Contenu :

Le député du Gard, Yvan Lachaud, souhaitait que le ministre délégué au Budget et à la Réforme de l'Etat précise si les courriels utilisés par les administrations sont des documents administratifs communicables.

Dans une réponse du 1er novembre 2005 publiée au Journal officiel le 17 janvier 2006, le ministre rappelle que les correspondances entre les administrations et les citoyens constituent des documents administratifs aux termes de l'article 1er, alinéa 2, de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 (N° Lexbase : L6533AG3) qui définit comme documents administratifs tous les documents élaborés ou détenus par les Etats et les collectivités locales dans le cadre de leur mission de service public et quel que soit le support utilisé. Le ministre en déduit alors que le principe de la liberté d'accès et le droit à communication s'appliquent au courrier électronique sous certaines conditions.

En effet, aux termes de la loi du 17 juillet 1978, il faut que le courriel ait été conservé et que le courriel demandé ne revête pas un caractère préparatoire à une décision à venir auquel il se rattache. Dans ce dernier cas, la communication peut être différée jusqu'à ce que la décision soit prise. De plus, certains documents ne peuvent être communiqués qu'à l'intéressé, notamment, ceux pouvant porter atteinte au secret de la vie privée.

Commentaire :

Cette réponse ministérielle permet de clarifier la situation juridique des courriers électroniques échangés entre l'administration et les particuliers ainsi que le droit d'accès de ces derniers à ces documents.

Ainsi, tous les courriers électroniques ne sont pas communicables, mais dès lors qu'ils ont été conservés et ne revêtent pas un caractère préparatoire à une décision de l'administration, leur communication devrait être facilitée.

  • Dans un jugement du 8 décembre 2005, le tribunal de grande instance de Paris a relaxé un internaute pour la diffusion et la reproduction de fichiers musicaux au moyen d'un logiciel d'échange (TGI de Paris, 8 décembre 2005, n° RG 0504090091, Société Civile des Producteurs Phonographiques (SCPP) c/ Anthony G. N° Lexbase : A5274DNN).

Faits :

Au cours de l'année 2004, Anthony G. a téléchargé, grâce à un logiciel d'échange (peer-to-peer) 1 875 fichiers musicaux dont 1 212 correspondaient à des enregistrements d'artistes dont les producteurs sont membres de la SCPP.

A la suite d'une plainte de la SCPP, Anthony G. est poursuivi pour contrefaçon par reproduction et diffusion illicite de fichiers musicaux sur le fondement des articles L. 335-4 et suivants du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L4532DYI), ainsi que pour recel de contrefaçon sur le fondement de l'article 321-1 du Code pénal (N° Lexbase : L1940AMS).

Décision :

Le tribunal de grande instance de Paris relaxe Anthony G.

En se fondant sur l'article L. 211-3 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3429ADD) relatif à l'exception pour copie privée et sur l'article L. 335-4 précité, le TGI écarte tant le délit de contrefaçon que le recel de contrefaçon.

En effet, rappelant que la loi pénale est d'interprétation stricte, le TGI considère qu'il n'existe aucune présomption de mauvaise foi du fait du recours à un logiciel de partage, ni aucune présomption de refus d'autorisation de mise en partage des ayants droit d'oeuvres musicales. Et, en l'espèce, le TGI retient qu'Anthony G. ne disposait pas des informations lui permettant de distinguer les fichiers légaux des fichiers illégaux, et ainsi, d'éviter la diffusion et l'usage de ces oeuvres en mettant à disposition une copie dans les répertoires accessibles à d'autres utilisateurs.

Commentaire :

Cette décision est la première à relaxer un prévenu à la fois des faits de contrefaçon et de recel de contrefaçon par la mise à dispositions de fichiers musicaux.

Par un jugement du 15 novembre 2005 pour des faits très similaires à la décision commentée, le TGI de Bayonne (N° Lexbase : A5269DNH) avait déclaré un prévenu coupable de l'infraction de mise à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, de fichiers musicaux, réprimé par les articles L. 213-1 (N° Lexbase : L3318ADA) et L. 335-4 du Code de la propriété intellectuelle. Le TGI de Bayonne avait, en revanche, écarté les infractions de recel et de reproduction illicite, en se fondant aussi sur l'exception pour copie privée.

Rappelons que l'exception pour copie privée se fonde sur l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3363ADW) aux termes duquel l'auteur ne peut interdire les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille, ainsi que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective.

Cette exception peut-elle être invoquée dans le contexte des échanges peer-to-peer ? En cas de téléchargement par réception (download), l'application de cette exception pour copie privée est controversée dès lors que l'oeuvre musicale est reproduite par téléchargement et ce, sur un support externe. Tant la doctrine que la jurisprudence sont divisées sur ce point : alors que certains juges relaxent les prévenus sur le fondement de l'exception pour copie privée (TGI de Rodez, 15 octobre 2004 N° Lexbase : A4692DIM ; TGI du Havre, 20 septembre 2005 N° Lexbase : A5270DNI ; TGI Bayonne, 15 novembre 2005, précité), d'autres les condamnent pour contrefaçon pour des faits similaires (TGI de Pontoise, 2 février 2005 N° Lexbase : A4773DGU ; TGI de Toulouse, 10 mai 2005 ; TGI de Créteil, 19 mai 2005). En revanche, le téléchargement par émission (upload) était, jusqu'à présent, jugé comme étant une communication au public constituant un acte de contrefaçon.

En l'espèce, ni le téléchargement par réception ni le téléchargement par émission ne sont constitutifs d'une infraction. Le TGI de Paris a estimé qu'il n'existait aucune présomption de mauvaise foi du fait du recours à un logiciel de partage, alors même qu'en matière de contrefaçon, la mauvaise foi est présumée. Cette décision peut aussi être comparée sur ce point avec celle du TGI de Bayonne du 15 novembre 2005, qui avait jugé que "le prévenu ne pouvait ignorer qu'il mettait à la disposition d'autrui ses propres fichiers ; qu'en effet, il n'est pas indispensable d'être un internaute averti pour apercevoir à l'écran la mention 'mon dossier partagé'".

La SCPP ainsi que le parquet ont interjeté appel de ce jugement.

Dans le contexte des discussions et divergences à l'Assemblée nationale sur le projet de loi portant sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société d'information, ce jugement du TGI de Paris du 8 décembre 2005 entretient la confusion.

Pour la 2ème partie de ce Bulletin d'actualité, lire (N° Lexbase : N5992AK7)

Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & Technologies
Cabinet Clifford Chance

newsid:85579

Internet - Bulletin d'actualités n° 2

[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Février 2006 (2ème partie)

Lecture: 8 min

N5992AK7

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Le 07 Octobre 2010




Tous les mois, Marc d'Haultfoeuille, avocat associé chez Clifford Chance, vous propose de retrouver l'actualité juridique en matière de Communication Média & Technologies (cf. Bulletin d'actualité Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Février 2006 (1ère partie) N° Lexbase : N5579AKT).

VI - Médias
  • Dans un arrêt du 29 novembre 2005, la Cour de cassation se prononce sur l'interprétation d'une convention conclue entre une association de perception et de répartition de droits et les câblo-opérateurs (Cass. civ. 1, 29 novembre 2005, n° 03-17.543, Association nationale de gestion des oeuvres audiovisuelles (ANGOA) c/ Société France télécom cable, FS-D N° Lexbase : A8414DL9).

Faits :

L'Association nationale de gestion des oeuvres audiovisuelles (ANGOA) réclamait à la société France Télécom câble le paiement de redevances pour la retransmission sur ses réseaux câblés d'émissions contenues dans les programmes de plusieurs chaînes étrangères non francophones au titre d'un contrat conclu le 30 décembre 1993. L'ANGOA fondait sa demande sur le fondement de l'article 2.2 dudit contrat stipulant que "les gestionnaires de droits autorisent l'exploitant à retransmettre dans la limite des zones frontalières et en extension territoriale, les oeuvres audiovisuelles sur lesquelles ils détiennent ou représentent les droits de retransmission et qui sont contenues dans les programmes des chaînes de télédiffuseurs étrangers non francophones télédiffusées par voie hertzienne terrestre au sol en un point au moins du territoire français dans et en dehors des zones frontalières ou de réception directe".

L'ANGOA a assigné la société France Télécom câble en paiement. L'ANGOA a été déboutée en appel au motif que l'article 2.2 devait s'interpréter au regard du préambule du contrat excluant du mandat de l'ANGOA les oeuvres diffusées par satellite. La cour d'appel de Paris en a ainsi conclu que cet article ne pouvait s'appliquer aux retransmissions litigieuses dès lors que les chaînes avaient été captées par voie satellitaire et non hertzienne avant d'être retransmises par câble aux abonnées.

L'ANGOA se pourvoit en cassation.

Décision :

La Cour de cassation casse l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, au visa de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC).

Selon la Haute juridiction, l'exigence de mandat particulier prévu par le préambule ne s'applique qu'aux oeuvres diffusées par satellite et non pas aux oeuvres dont le signal a été capté par voie satellitaire et diffusé par voie hertzienne comme dans le cas d'espèce.

Commentaire :

Dans cet arrêt, la Cour de cassation se montre assez favorable à l'égard de l'association de perception et de répartition des droits en donnant une interprétation restrictive de la convention qu'elle a conclue avec le câblo-opérateur. Ainsi, est-il clairement établi que la diffusion d'oeuvre par satellite ne peut comprendre le mode de capture de son signal.

Il peut paraître étonnant que la Cour de cassation se permette d'intervenir dans l'interprétation d'un contrat, dès lors que l'interprétation des contrats, question de fait, relève de la compétence des juges du fond.

Cependant, de jurisprudence constante, la Cour de cassation, juge du droit, peut contrôler la qualification et la dénaturation des contrats.

L'arrêt d'espèce est une bonne illustration de l'intervention de la Cour de cassation pour dénaturation d'un contrat. Par dénaturation du contrat, il faut entendre une modification par le juge d'une clause claire, précise et sans ambiguïté ou une interprétation d'une clause ambiguë qui écarte l'application des clauses claires. En effet, la Cour de cassation a sanctionné l'analyse des juges du fond au visa de l'article 1134 du Code civil selon lequel "les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites". La Haute juridiction a ainsi procédé à un contrôle de la dénaturation sans le préciser clairement.

VII - Noms de domaine

  • Dans une décision du 13 décembre 2005, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé qu'un nom de domaine ne peut contrefaire une marque déposée antérieurement et désignant des services de communication télématique que dans la mesure où le site y afférant propose des produits ou services identiques ou similaires à ceux de la marque (Cass. com., 13 décembre 2005, n° 04-10.143, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A9534DLP).

Faits :

La société Le Tourisme Moderne est titulaire du nom de domaine "locatour.fr" ainsi que de deux marques Locatour, l'une ayant été déposée pour désigner des services d'agences de voyage, et l'autre pour des services de communication télématique (classe 38).

La société Soficar, intervenant dans le domaine de la gestion de portefeuille de participation, a enregistré le nom de domaine "locatour.com", mais ne l'exploite pas.

La société Le Tourisme Moderne a alors intenté une action en contrefaçon et en concurrence déloyale, à l'encontre de la société Soficar.

Décision :

Sur le fondement des articles L. 713-1 (N° Lexbase : L3728ADG), L. 713-2 (N° Lexbase : L3729ADH) et L. 713-3 (N° Lexbase : L3730ADI) du Code de la propriété intellectuelle, la Cour de Cassation casse l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris.

Elle rejette la contrefaçon de la marque par le nom de domaine au motif qu'"un nom de domaine ne peut contrefaire par reproduction ou par imitation une marque antérieure, peu important que celle-ci soit déposée en classe 38, pour désigner des services de communication télématique, que si les produits et services offerts sur ce site sont soit identiques, soit similaires à ceux visés dans l'enregistrement de la marque et de nature à entraîner un risque de confusion dans l'esprit du public".

Commentaire :

Cette décision est particulièrement intéressante puisque la Cour de cassation se prononce, pour la première fois, sur l'intérêt ou non de déposer une marque en classe 38 afin de protéger une marque contre tout usage sur internet.

Ainsi, confirmant, notamment, des décisions rendues précédemment par certains juges du fond (voir, notamment, CA de Versailles du 22 novembre 2001, SA Zebank c/ 123 Multimédia N° Lexbase : A5275DNP), la Cour de cassation juge qu'il convient de comparer les produits et services désignés dans le dépôt de la marque avec le contenu des sites internet, afin d'apprécier l'identité ou la similitude des produits ou services et de constater l'existence d'éventuels actes de contrefaçon. La désignation de produits ou services de la classe 38 ne protègerait donc la marque qu'à l'encontre de dépôts d'un nom de domaine exploité pour un site proposant au public des produits ou services de relevant de cette classe 38 (communication télématique par exemple).

Cette décision ne semble, cependant, pas résoudre la question de la protection des marques face à un nom de domaine inactif. Une interprétation stricte de l'arrêt de la Cour de cassation n'autoriserait donc le titulaire d'une marque souhaitant s'opposer au dépôt d'un nom de domaine postérieur qu'à intenter une action en concurrence déloyale ou en parasitisme. Notons que des juges du fond avaient été saisis de cette question et avaient jugé que la réservation d'un nom de domaine pour désigner un site inexploité constituait un acte de contrefaçon de la marque dès lors que l'adoption de ce nom de domaine était susceptible d'engendrer un risque de confusion dans l'esprit du public, qui pensait accéder au site de la société titulaire de la marque antérieure (voir par exemple tribunal de grande instance de Paris du 5 juillet 2002, EGG et autres c/ SARL EGG au Carré).

VIII - Télécommunications

  • Le décret portant sur les modalités de mise en oeuvre de la portabilité des numéros fixes et mobiles a été pris le 27 janvier et publié au Journal officiel le 28 janvier 2006 (décret n° 2006-82, 27 janvier 2006, relatif à la conservation du numéro prévue par l'article L. 44 du Code des postes et des communications électroniques N° Lexbase : L5020HGZ).

Contenu :

Le décret n° 2006-82 du 27 janvier 2006, publié au Journal officiel le 28 janvier 2006, définit les modalités de la mise en oeuvre de la portabilité des numéros de téléphonie fixes et mobiles, c'est-à-dire de la possibilité pour un abonné à des services de téléphonie fixe ou mobile de conserver son numéro tout en changeant d'opérateur.

Aux termes de l'article 1er du décret, l'abonné pourra demander la conservation de son numéro à l'opérateur auprès duquel il souscrit un nouveau contrat (l'opérateur receveur). Cette demande vaudra demande de résiliation du contrat auprès de son ancien opérateur à partir duquel le numéro est porté (l'opérateur donneur).

Le délai de portage, comprenant le délai nécessaire à l'obtention par l'opérateur receveur des éléments permettant le traitement de la demande d'abonnement et la demande de conservation du numéro de l'abonné ainsi que le portage effectif du numéro, ne pourra excéder 10 jours calendaires, sauf demande expresse de l'abonné. De plus, ce délai ne pourra courir qu'à compter de l'expiration de tout autre délai légal de rétractation ou de renonciation dont l'abonné pourrait bénéficier en application du Code de la consommation.

Le portage effectif du numéro vaut résiliation du contrat liant l'opérateur donneur à l'abonné.

L'opérateur receveur devra informer du portage du numéro l'opérateur à qui, conformément aux dispositions du plan national de numérotation, a été attribué le numéro objet de la demande de conservation du numéro (l'opérateur attributaire). Ce dernier devra faire droit aux demandes raisonnables des opérateurs receveurs concernant la mise à disposition et la transmission des numéros portés dont il est l'attributaire ainsi que l'identification des exploitants de réseau ouvert au public ouvrant l'interconnexion pour ces numéros.

L'article 2 du décret précise les dates d'entrée en vigueur du décret en fonction des types de numéros. Ainsi, en ce qui concerne les numéros non géographiques mobiles, ces dispositions entreront en vigueur le 1er avril 2006 dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane, le 1er janvier 2007 en métropole et le 1er juillet 2007 dans les départements de la Réunion et des collectivités de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Enfin, ces dispositions s'appliqueront aux numéros géographiques et non géographiques fixes à partir du 1er avril 2007.

Commentaire :

La portabilité des numéros sera effective en France à compter du 1er janvier 2007.

Une décision de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) est attendue afin de préciser les modalités d'application de l'article 1er relatives, notamment, à l'information des abonnés, aux obligations de qualité de service en matière de portage et le délai maximum d'interruption du service et aux délais de transmission entre les opérateurs des informations nécessaires au traitement de la demande de l'abonné.

Notons que, dans un avis en date du 8 décembre 2005 concernant le projet de décret, l'ARCEP considérait la date d'entrée en vigueur de ces dispositions, le 1er janvier 2007, pour les numéros mobiles en métropole comme "ambitieuse". En effet, la date prévue correspond à une période de l'année au cours de laquelle les systèmes d'information et les réseaux de distribution sont indisponibles à toute évolution majeure en raison de la forte activité commerciale suscitée par les fêtes de fin d'années. De plus, la transition entre le système actuel de portabilité et le système prévu par le décret devrait avoir pour conséquence, selon l'ARCEP, l'impossibilité de réaliser des portages sur une période de deux à trois semaines.

Par ailleurs, l'ARCEP soulignait que le décret devrait être interprété en ce sens que le délai de portage de dix jours entraîne la résiliation du contrat avec l'opérateur donneur dans ce même délai de dix jours. L'opérateur donneur ne pourra pas réclamer le paiement des sommes dues au titre d'un préavis de résiliation de deux mois, par exemple.

Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & Technologies
Cabinet Clifford Chance

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Fiscalité internationale

[Le point sur...] Le Traité CE à l'épreuve de la confrontation fiscale : l'impact incontournable sur la fiscalité directe des libertés fondamentales du Traité (2ème partie)

Lecture: 17 min

N5613AK4

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par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, Landwell & Associés

Le 07 Octobre 2010

La dimension, désormais, européenne de la gestion de la fiscalité par le contribuable s'illustre dans l'invocation de ses droits garantis plus par le Traité instituant la Communauté européenne (Traité CE), au regard de la jurisprudence la plus récente, que par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH), dont l'applicabilité à la fiscalité se trouve, pour un temps, remise en cause (voir, Jean-Marc Priol, Convention européenne des droits de l'homme à l'épreuve de la confrontation fiscale : l'impact incertain de la CESDH circonscrit à la matière fiscale (1ère partie), Lexbase Hebdo, n° 193 du 8 décembre 2005 - édition fiscale N° Lexbase : N1760AKE).
A la différence des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui visent les droits attachés à la personne (distinguant les droits substantiels des droits processuels), celles du Traité CE visent essentiellement des droits économiques.
Les dispositions en question ont un effet direct, sont directement invocables en droit interne et sont supérieurs à celui-ci par application des dispositions de l'article 55 de la Constitution (N° Lexbase : L1320A9R).
Qu'en est-il en matière fiscale de l'application desdites dispositions, notamment, à la fiscalité de l'entreprise ? Quelle est leur efficacité ? L'objectif de l'Union européenne (UE) est d'accroître sa compétitivité économique d'ici à 2010 et, pour ce faire, sa réalisation passe, notamment, selon la Commission européenne, par la suppression des nombreux obstacles fiscaux aux activités économiques transfrontalières dans le marché intérieur (Communication de la Commission du 24 novembre 2003 COM - 2003 - 726, un marché intérieur sans obstacles liés à la fiscalité des entreprises : réalisations, initiatives, en cours et défis restant).

A défaut d'action politique en ce sens des Etats membres, la suppression de ces obstacles fiscaux résulte de plus en plus fréquemment des actions des contribuables. A cet égard, le nombre de réglementations nationales relatives à la fiscalité directe, dont la question de l'incompatibilité avec le droit communautaire est soumise par le juge national à la Cour de justice, est passé d'une dizaine sur trente ans à une bonne dizaine environ par an sur ces cinq dernières années.

Qualifiée de destructrice par certains, génératrice de droits pour les contribuables, cette tendance jurisprudentielle ne semble pas devoir s'atténuer. En effet, ainsi que le note la Commission européenne, même si, en l'absence d'accord politique, les Etats membres n'agissent pas pour s'attaquer à ces obstacles fiscaux, les contribuables continueront à agir et "un grand nombre des obstacles concernés seront portés devant la Cour européenne de justice".

Les arrêts rendus par la Cour de justice en matière de fiscalité directe au cours de ces deux dernières années le montrent amplement, notamment, en ce qui concerne les réglementations françaises, dont la non-conformité avec le droit communautaire a été plusieurs fois révélée.

Il en est, ainsi, de la décision de la Cour, rendue le 4 mars 2004, condamnant la France pour son régime relatif aux revenus de placements et de contrats. La Cour a, en effet, jugé que, en excluant de manière absolue l'application du taux du prélèvement libératoire aux revenus découlant de placements et de contrats visés aux articles 125-0 A et 125 A du CGI , dont le débiteur n'est pas domicilié ou établi en France, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 49 (N° Lexbase : L5359BCH) et 56 du Traité CE (CJCE, 4 mars 2004, aff. C-334/02, Commission des Communautés européennes c/ République française ; lire Jean-Marc Priol, Prélèvement libératoire sur les revenus financiers et opérations transfrontalières : les articles 125-0 A et 125 A du CGI déclarés contraires aux principes de libre prestation de services et de capitaux, Lexbase Hebdo n° 111 du 11 mars 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N0838ABN).

Ensuite, par une autre décision de la Cour de Luxembourg du 11 mars 2004, c'est le système dit de l'"exit tax" français qui a été jugé contraire à la liberté d'établissement. Ce principe s'oppose, en effet, à un régime tel que celui en cause qui prévoit la taxation des plus-values latentes lors du transfert du domicile vers un autre Etat membre (CJCE, 11 mars 2004, aff. C-9/02, Hughes de Lasteyrie du Saillant c/ Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A5001DBT ; Dr. sociétés 2004, comm. 118, note J.-L. Pierre ; Jean-Marc Priol, Liberté d'établissement et présomption d'évasion ou de fraude fiscale, Lexbase Hebdo n° 113 du 25 Mars 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N1015AB9).

La tendance de ce mouvement jurisprudentiel n'a pas semblé devoir se ralentir si l'on considère que près d'une trentaine affaires ont été portées devant la Cour de justice et non des moindres avec, notamment, la question de l'application en droit communautaire du principe international de la clause de la nation la plus favorisée qui a reçu une réponse négative, pour le moment, pour défaut d'existence de situation comparable (CJCE, 5 juillet 2005, aff. C-376/03, D. c/ Inspecteur van de Belastingdienst/Particulieren/Ondernemingen buitenland te Heerlen N° Lexbase : A9934DIR) et celle du traitement transfrontalier de pertes avec l'affaire Mark & Spencer (CJCE, 13 décembre 2005, aff. C-446/03, Marks & Spencer plc c/ David Halsey (Her Majesty's Inspector of Taxes N° Lexbase : A9386DL9 ; Jean_Marc Priol, Les transferts de pertes communautaires à l'épreuve de l'examen du principe de la cohérence fiscale et du traitement fiscal équivalent, Lexbase Hebdo n° 165 du 28 avril 2005 - édition fiscale N° Lexbase : N3516AI3 ; Valérie Le Quintrec, Déduction, par la société mère d'un groupe, des pertes subies par ses filiales non-résidentes et liberté d'établissement, Lexbase Hebdo n° 197 du 12 janvier 2006 - édition fiscale N° Lexbase : N2960AKT), dont la faisabilité est envisagée sous réserve que les pertes ne puissent être prises en compte dans l'Etat de résidence de la société les ayant générées ou, encore, le régime du crédit d'impôt recherche en France (CJCE, 10 mars 2005, aff. C-39/04, Laboratoires Fournier SA c/ Direction des vérifications nationales et internationales N° Lexbase : A2728DHI ; Sabine Dubost, IS : l'octroi du bénéfice d'un crédit d'impôt aux seules opérations de recherche réalisées en France est contraire au principe communautaire de libre prestation de services, Lexbase Hebdo n° 159 du 17 mars 2005 - édition fiscale N° Lexbase : N2039AID) reconnu contraire au principe de libre prestation de services.

Est, donc, désormais devenue normale l'analyse d'une réglementation fiscale nationale par la Cour de justice, afin de juger si celle-ci porte atteinte à l'une des quatre libertés fondamentales prévues par le Traité. En premier lieu, la Cour de justice recherche dans quelle mesure la réglementation nationale en cause peut constituer une atteinte à l'une des quatre libertés prévues par le Traité CE (1) et, en second lieu, si cette atteinte peut être ou non justifiée (2).

1. La sanction par le juge communautaire des situations portant atteinte à l'une des quatre libertés garanties par le Traité

Selon une jurisprudence constante de la CJCE, si la fiscalité directe relève de la compétence des Etats membres, il n'en reste pas moins que ces derniers doivent exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire (voir, par exemple, CJCE, 11 août 1995, aff. C-80/94, G. H. E. J. Wielockx c/ Inspecteur der directe belastingen, § 16 N° Lexbase : A9743AUE ; CJCE, 16 juillet 1998, aff. C-264/96, Imperial Chemical Industries plc (ICI) c/ Kenneth Hall Colmer (Her Majesty's Inspector of Taxes), § 19 N° Lexbase : A0410AW4 ; CJCE, 29 avril 1999, aff. C-311/97, Royal Bank of Scotland plc c/ Elliniko Dimosio (Etat hellénique), § 19 N° Lexbase : A0532AWM).

En effet, bien que ce domaine ne soit pas harmonisé, les Etats membres doivent respecter le droit communautaire et, plus précisément, les "quatre libertés" fondamentales garanties par le Traité que sont la libre circulation des marchandises, des personnes, des capitaux et la libre prestation de services.

A cet égard, la Cour de justice considère que les Etats membres doivent s'abstenir de toute discrimination ostensible ou déguisée fondée sur la nationalité, mais sanctionne, également, les restrictions.

Ainsi une législation nationale qui constitue une discrimination ou une entrave est considérée par la Cour de justice comme portant atteinte à l'une des libertés fondamentales.

1) Sur le principe de la liberté d'établissement, si la Cour de justice sanctionne les restrictions imposées par un Etat membre à l'entrée du territoire, ce principe s'oppose, également, à ce que l'Etat d'origine entrave l'établissement d'un de ses ressortissants dans un autre Etat membre.

Une différence de traitement constitue une entrave, qui suffit à rendre la législation nationale incompatible avec les dispositions de l'article 43 du Traité CE .

On trouvera une illustration de l'application de ce principe dans l'arrêt "Bosal" (CJCE, 18 septembre 2003, aff. C-168/01, Bosal Holding BV c/ Staatssecretaris van Financiën N° Lexbase : A5824C9L ; Dr. sociétés 2004, comm. 15, note J.-L. Pierre ; Jean-Marc Priol, La limitation de la déductibilité dans un Etat membre des frais liés aux participations d'une société mère dans ses filiales établies dans d'autres Etats membres, Lexbase Hebdo n° 90 du 15 octobre 2003 - édition fiscale N° Lexbase : N9106AAI), dans lequel la Cour a sanctionné une différence de traitement comme étant constitutive d'une entrave à la liberté d'établissement.

Pour une affaire concernant une réglementation française, on peut se référer à l'arrêt "Lasteyrie du Saillant", cité en introduction, dans lequel la CJCE a considéré que, même si l'article 167 bis du CGI n'interdit pas à un contribuable français d'exercer son droit d'établissement, cette disposition est, néanmoins, de nature à restreindre l'exercice de ce droit en ayant, à tout le moins, un effet dissuasif à l'égard des contribuables qui souhaitent s'installer dans un autre Etat membre. La même problématique est soulevée au sujet de la réglementation française de l'ancien article 119 bis, alinéa 2, du CGI opérant une retenue à la source sur les dividendes versés par une société filiale française à sa mère néerlandaise et pour laquelle le Conseil d'Etat a posé une question préjudicielle (CE, 9° et 10° s-s., 15 décembre 2004, n° 235069, Société Denkavit c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4486DEU). Enfin, on notera, toujours sur le terrain de la liberté d'établissement, une décision de la cour d'appel de Paris (CAA Paris, 2ème ch., 24 juin 2005, n° 04PA01300, Société Papillon c/ ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A3180DKY), aux termes de laquelle le régime français d'intégration fiscale visé à l'article 223 A du CGI n'est pas contraire au principe de la liberté d'établissement en ne permettant pas à une filiale française détenue par l'intermédiaire d'une société étrangère de faire partie d'un groupe intégré français.

2) Sur l'article 49 du Traité CE relatif à la libre prestation de services, celui-ci s'oppose à l'application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre Etats membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un Etat membre.

A cet égard, la CJCE a, récemment, jugé que le principe de libre prestation de services s'oppose à une législation nationale qui, en règle générale, prend en compte, lors de l'imposition des non-résidents, les revenus bruts, sans déduction des frais professionnels, alors que les résidents sont imposés sur leurs revenus nets, cette différenciation de traitement caractérisant une discrimination indirecte sanctionnée par la Cour (CJCE, 12 juin 2003, aff. C-234/01, Arnoud Gerritse c/ Finanzamt Neukölln -Nord N° Lexbase : A7806C8M).

Dans l'arrêt du 4 mars 2004 "Commission contre France" précité, la Cour a jugé que l'application du prélèvement libératoire étant réservée, en vertu de l'article 125 A-I du CGI , aux contrats financiers ou d'assurance dont le débiteur est domicilié ou établi en France, elle avait pour effet de dissuader les contribuables résidant en France de souscrire de tels contrats avec des sociétés ayant leur siège dans un autre Etat membre. Or, l'article 49 du Traité CE s'oppose à l'application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre Etats membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un Etat membre. Il a, donc, été jugé que la réglementation en cause constituait une restriction à la libre prestation des services en vertu de l'article 49 du Traité CE.

C'est, également, parce qu'elle entrave la libre prestation de services que la réglementation française relative au crédit impôt recherche a été jugée contraire au droit communautaire dans l'affaire "Fournier" précitée. En effet, en se référant à sa jurisprudence, la Cour a jugé que le fait de réserver le bénéfice d'un crédit d'impôt aux seules opérations de recherche réalisées en France comporte une différence de traitement fondée sur le lieu d'exécution de la prestation de services.

3) Enfin, sur le fondement de la libre circulation des capitaux, la Cour de justice sanctionne les réglementations fiscales des Etats membres qui ont pour effet de dissuader les personnes d'un Etat membre d'investir des capitaux dans des sociétés ayant leur siège dans un autre Etat membre.

Ainsi, dans l'arrêt du 4 mars 2004 "Commission contre France" précité, la CJCE a jugé que la réglementation en cause entraîne, également, un effet restrictif à l'égard des sociétés établies dans d'autres Etats membres en ce qu'elle constitue à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux en France dans la mesure où les produits des contrats souscrits auprès de ces sociétés sont fiscalement traités de manière moins favorable que les produits provenant d'une société établie en France, de sorte que leurs contrats sont moins attrayants pour les investisseurs résidant en France que ceux de sociétés ayant leur siège dans cet Etat membre (voir, pour une situation similaire, CJCE, 6 juin 2000, aff. C-35/98, Staatssecretaris van Financiën c/ B.G.M. Verkooijenarrêts, § 35 N° Lexbase : A1828AWM et CJCE, 26 septembre 2000, aff. C-478/98, Commission des Communautés européennes c/ Royaume de Belgique, § 18 N° Lexbase : A0249AW7). Une telle réglementation constitue une restriction à la libre circulation des capitaux en vertu de l'article 56 du Traité CE .

Dans un autre arrêt du 7 septembre 2004, concernant l'avoir fiscal finlandais (CJCE, 7 septembre 2004, aff. C-319/02, Petri Manninen N° Lexbase : A2692DD3 ; Jean-Marc Priol, Avoir fiscal et libre circulation des capitaux, Lexbase Hebdo n° 137 du 7 octobre 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N3048ABI), la Cour a jugé que les articles 56 et 58 du Traité CE s'opposent à une réglementation, en vertu de laquelle le droit d'une personne assujettie à l'impôt à titre principal dans un Etat membre au bénéfice de l'avoir fiscal, en raison des dividendes qui lui sont versés par des sociétés anonymes, est exclu lorsque ces dernières ne sont pas établies dans cet Etat.

Selon la Cour, ladite réglementation produit, également, un effet restrictif à l'égard des sociétés établies dans d'autres Etats membres en ce qu'elle constitue à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux en Finlande. En effet, dans la mesure où les revenus de capitaux d'origine non finlandaise sont fiscalement traités de manière moins favorable que les dividendes distribués par des sociétés établies en Finlande, les actions des sociétés établies dans d'autres Etats membres sont moins attrayantes pour les investisseurs résidant en Finlande que celles de sociétés ayant leur siège dans cet Etat membre (CJCE, 6 juin 2000, aff. C-35/98, Staatssecretaris van Financiën c/ B.G.M. Verkooijen, précité et CJCE, 4 mars 2004, aff. C-334/02, Commission des Communautés européennes c/ République française, précité).

En conclusion de cette première partie portant sur l'atteinte par les Etats aux libertés fondamentales du Traité, on pourra noter que l'impact des quatre libertés prévues par le Traité couvre différents domaines de la fiscalité directe ce qui, tout en attribuant de nouveaux droits aux contribuables, oblige les Etats membres à harmoniser leur législation.

2. L'impossible justification des atteintes aux quatre libertés garanties par le Traité

La CJCE considère qu'une mesure qui est susceptible d'entraver une des libertés consacrées par le Traité ne saurait être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le Traité et si elle est justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général. Mais, encore faut-il, en pareil cas, que son application soit propre à garantir la réalisation de l'objectif, ainsi, poursuivi et n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre celui-ci.

A cet égard, il découle de la jurisprudence de la Cour européenne que la nécessité de préserver la cohérence d'un régime fiscal (voir, CJCE, 28 janvier 1992, aff. C-204/90, Hanns-Martin Bachmann c/ Etat belge N° Lexbase : A9890AUT et CJCE, 28 janvier 1992, aff. C-300/90, Commission des Communautés européennes c/ Royaume de Belgique N° Lexbase : A9599AU3), la lutte contre l'évasion fiscale (voir, arrêts "ICI", précité, point 26, et CJCE, 8 mars 2001, aff. C-397/98 et C-410/98 c/ Commissioners of Inland Revenue et HM Attorney General, § 57 N° Lexbase : A8088AY9) et l'efficacité des contrôles fiscaux (voir, notamment, CJCE, 15 mai 1997, aff. C-250/95, Futura Participations SA et Singer c/ Administration des contributions, § 31 N° Lexbase : A0119AWC et CJCE, 8 juillet 1999, aff. C-254/97, Myers-Squibb SA c/ Premier Ministre, Ministère du Travail et des Affaires sociales, Ministère de l'Economie et des Finances et Ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation, § 18 N° Lexbase : A0511AWT) constituent des raisons impérieuses d'intérêt général susceptibles de justifier des réglementations de nature à restreindre les libertés fondamentales garanties par le Traité.

1) La cohérence du système fiscal est toujours invoquée par les Etats membres, au motif que la Cour de justice a admis cette justification en 1992 (voir, arrêt "Bachmann", précité). Depuis, celle-ci refuse d'admettre cette justification, au motif, notamment, que pour qu'un argument fondé sur une telle justification puisse prospérer, il faut que soit établie l'existence d'un lien direct entre l'avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé (voir, en ce sens, CJCE, 14 novembre 1995, aff. C-484/93, Peter Svensson et Lena Gustavsson c/ Ministre du Logement et de l'Urbanisme, § 18 N° Lexbase : A7474AHB ; CJCE, 27 juin 1996, aff. C-107/94, P. H. Asscher c/ Staatssecretaris van Financiën, § 58 N° Lexbase : A1787AW4 ; arrêt "ICI", précité,  § 29 ; CJCE, 28 octobre 1999, aff. C-55/98, Skatteministeriet c/ Bent Vestergaard, § 24 N° Lexbase : A0580AWE ; CJCE, 21 novembre 2002, aff. C-436/00, X c/ Riksskatteverket, § 52 N° Lexbase : A0406A78). Pour une illustration récente, la CJCE a jugé dans l'affaire "Fournier" précitée, que dès lors qu'il n'existe aucun lien direct entre l'impôt sur les sociétés et le crédit d'impôt, l'argument tiré de la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal ne saurait prospérer.

De plus, l'argument fondé sur la nécessité de sauvegarder la cohérence d'un régime fiscal doit être examiné au regard de l'objectif poursuivi par la réglementation fiscale en cause (voir, arrêt précité, "Lasteyrie du Saillant", § 67).

Il est, donc, quasiment impossible pour les Etats membres de justifier leur régime par la nécessité de garantir la cohérence fiscale.

Toutefois, la CJCE a été amenée à assouplir ce critère suivant les conclusions de son Avocat général dans l'affaire "Marks & Spencer" précitée. En effet, l'Avocat général, notant la marge très réduite des Etats membres, a proposé, suivant en cela, la position de l'Avocat général, dans l'affaire "Mannen" précitée, un assouplissement des critères posés par la Cour par le biais du retour au critère de la finalité de la réglementation en cause. Dans l'affaire "Marks & Spencer", le retour au critère de la finalité permettrait, selon l'Avocat général, de justifier dans certains cas, en l'absence de compensation transfrontalière, les pertes dans un groupe de sociétés.

Si un assouplissement est intervenu en ce qui concerne cette justification, les autres justifications avancées par les Etats membres devant la Cour ne sont pas retenues.

2) Il en est, ainsi, de la perte de recettes fiscales, souvent invoquée. Mais, elle est refusée par la CJCE, au motif qu'elle ne saurait être considérée comme une raison impérieuse d'intérêt général pouvant être invoquée pour justifier une mesure, en principe, contraire à une liberté fondamentale (arrêt "ICI", précité, § 28, et CJCE, 8 mars 2001, aff. C-397/98 et C-410/98, Metallgesellschaft Ltd et autres c/ Commissioners of Inland Revenue et HM Attorney General, § 59 N° Lexbase : A8088AY9 ; arrêt "De Lasteyrie du Saillant" précité). Dès lors, le simple manque à gagner subi par un Etat membre du fait du transfert du domicile fiscal d'un contribuable dans un autre Etat membre, dans lequel la réglementation fiscale est différente et, le cas échéant, plus avantageuse pour ce contribuable, ne saurait, en soi, justifier une restriction du droit d'établissement.

3) Quant au principe de territorialité, on peut considérer que la Cour avait ouvert une porte dans l'arrêt "Futura participations". Cependant, la Cour a, récemment, jugé qu'un argument tiré du principe de territorialité, tel qu'il a été reconnu dans l'arrêt "Futura Participations" et "Singer" concernait l'imposition d'un seul contribuable, qui exerçait des activités dans l'Etat membre où il avait son établissement principal, ainsi que dans d'autres Etats membres à partir d'établissements secondaires. Par suite, cette justification n'est pas admise par la Cour (arrêt "Bosal", précité).

Pour une autre illustration de ce refus, on peut se référer à l'arrêt "Manninen" précité, dans lequel la CJCE a rejeté l'argument fondé sur la conformité de la législation nationale au principe de territorialité, soulevé par le Gouvernement français, au motif que ce principe ne saurait justifier un traitement différent des dividendes distribués par des sociétés établies en Finlande et ceux versés par des sociétés ayant leur siège social dans d'autres Etats membres, si les catégories de dividendes concernées par cette différence de traitement partagent la même situation objective.

La conformité au principe de territorialité a, également, fait l'objet d'un rejet par la Cour dans la récente affaire "Fournier" précitée et par l'Avocat général dans ses conclusions rendues dans l'affaire "Marks & Spencer", également précitée.

4) Enfin, quant à la prévention d'un risque d'évasion fiscale, cet argument qui devrait en principe être accepté est, également, refusé en pratique.

En effet, la Cour a considéré que pourrait répondre à une raison impérieuse d'intérêt général une législation qui aurait pour objet spécifique d'exclure d'un avantage fiscal les montages purement artificiels dont le but serait de contourner la loi fiscale. Dès lors, une restriction à la liberté d'établissement résultant d'une disposition destinée à faire échec à une véritable fraude à la loi fiscale pourrait être envisagée dans le respect de cette liberté. En effet, dans un tel cas, il s'agirait d'une application dans le domaine fiscal de ce que la Cour a considéré comme l'"exercice abusif" d'un droit conféré par le droit communautaire (CJCE, 7 juillet 1992, aff. C-370/90, The Queen c/ Immigration Appeal Tribunal et Surinder Singh, ex parte Secretary of State for Home Department N° Lexbase : A9785AUX).

En pratique, la Cour refuse d'admettre cette justification, au motif que les législations n'ont pas pour objet spécifique d'exclure d'un avantage fiscal les montages purement artificiels dont le but serait de contourner la législation fiscale nationale. La Cour a, ainsi, jugé que dans l'affaire "Lasteyrie de Saillant", pour ce qui concerne la justification tirée de l'objectif de prévenir l'évasion fiscale, mentionnée par la juridiction de renvoi dans la question préjudicielle, qu'il convenait de relever que l'article 167 bis du CGI n'avait pas pour objet spécifique d'exclure d'un avantage fiscal les montages purement artificiels dont le but serait de contourner la législation fiscale française, mais visait, de manière générale, toute situation dans laquelle un contribuable détenant des participations substantielles dans une société soumise à l'impôt sur les sociétés transfère, pour quelque raison que ce soit, son domicile hors de France (voir, en ce sens, arrêts "ICI", § 26, ainsi que "X et Y", § 61). Or, le transfert du domicile d'une personne physique en dehors du territoire d'un Etat membre n'implique pas, en soi, l'évasion fiscale. Une présomption générale d'évasion ou de fraude fiscale ne saurait être fondée sur la circonstance que le domicile d'une personne physique a été transféré dans un autre Etat membre et justifier une mesure fiscale portant atteinte à l'exercice d'une liberté fondamentale garantie par le Traité (voir, en ce sens, CJCE, 26 septembre 2000, aff. C-478/98, Commission des Communautés européennes c/ Royaume de Belgique, § 45 ; arrêt "X et Y", précité, § 62). On notera, toutefois, sur le sujet de l'évasion fiscale, une récente décision du Conseil d'Etat (CE, 3° et 8° s-s., 18 mai 2005, n° 267087, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Société Sagal N° Lexbase : A3517DI4) sur la procédure d'abus de droit français (LPF, art. L. 64 N° Lexbase : L5565G4U) et aux termes de laquelle cette procédure n'est pas contraire à la liberté d'établissement (Traité CE, art. 43) dans le cas d'une société mère française ayant bénéficié du régime favorable mère-fille sur les dividendes reçus de sa participation dans une société luxembourgeoise alors que cette dernière n'avait aucune substance.

En conclusion, si les Etats membres tentent d'avancer nombre de justifications aux atteintes portées par leurs législations aux libertés fondamentales, celles-ci sont difficilement admises par la CJCE.

Enfin, on notera que dans certaines affaires, dans lesquelles le juge français a estimé qu'une réglementation était contraire au droit communautaire, la question de la justification de l'atteinte à une liberté n'a pas toujours été abordée faute d'avoir été soulevée par l'administration fiscale. Ainsi, dans ses conclusions dans l'affaire "Coréal gestion" (CE Contentieux, 30 décembre 2003, n° 249047, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SARL Coréal Gestion N° Lexbase : A6490DAM ; CE Contentieux, 30 décembre 2003, n° 233894, SA Andritz c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A6487DAI ; lire N. de Vernejoul, Sous-capitalisation et déductibilité des intérêts : les incidences pratiques des deux dernières jurisprudences, DF 2004, n° 16, p. 743 et s. ; J.-L. Pierre, Déductibilité des intérêts versés par une société française à une société mère étrangère, Dr. soc. 2004, n° 3, comm. 50), le commissaire du Gouvernement G. Bachelier appelait de ses voeux un assouplissement des conditions d'admission des justifications par la CJCE observant que dans "l'affaire Coréal Gestion, le ministre n'avait pas cherché à avancer la moindre justification".

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Fiscalité des particuliers

[Jurisprudence] Donation : prise en charge des droits par le donateur

Réf. : Cass. com., 28 février 2006, n° 03-12.310, M. Jean-Philippe Fremont c/ Directeur général des impôts, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A2159DNB)

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

Le 07 Octobre 2010

Si la prise en charge des droits de donation par le donateur ne constitue pas une libéralité supplémentaire à ajouter à la libéralité principale pour la liquidation de l'impôt, ni à rapporter à la succession du donateur, c'est à la condition que cette prise en charge résulte, soit des termes de l'acte de donation, soit d'un paiement direct ou encore du versement du montant correspondant sur le compte du donateur à l'étude du notaire rédacteur. Il en va autrement, et cette prise en charge est une donation complémentaire taxable, lorsqu'elle résulte d'un acte postérieur à la donation. Telle est la solution retenue récemment par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 28 février 2006. 1. Doctrine relative à la prise en charge des droits

L'administration admet que, lorsque le donateur prend en charge, au lieu et place du donataire, les droits résultant d'une donation consentie par lui, cette stipulation ne constitue pas une donation indirecte taxable (Réponse Geoffroy, JO Sénat, 8 octobre 1975, p. 2835). Qui plus est, elle n'exige pas une stipulation expresse en ce sens. L'absence de taxation n'est pas contestée si l'acte de donation ne comporte aucune précision relative au paiement des droits par le donateur, celui-ci se contentant de créditer son compte à l'étude du notaire rédacteur du montant des droits (Réponse Du Luart, JO Sénat, 10 décembre 1987, p. 1936). Cette doctrine n'est que la conséquence de l'article 1712 du CGI , selon lequel les droits des actes civils emportant translation de propriété de meubles ou d'immeubles sont supportés par les nouveaux possesseurs, lorsqu'il n'a pas été stipulé de dispositions contraires dans les actes. Ainsi, le donateur peut, conventionnellement, prendre en charge les droits de donation.

2. Conséquences fiscales

2.1. Lors de la transmission à titre gratuit

La prise en charge par le donateur des droits et frais de donation ne donne pas lieu à taxation. On ne saurait voir dans cette clause une libéralité supplémentaire à ajouter à la libéralité principale pour la liquidation de l'impôt. Tel est la doctrine exprimée dans les réponses ministérielles "Geoffroy" et "Du Luart". Les donataires, qui n'étaient plus tenus légalement d'acquitter l'impôt, n'ont, en effet, reçu aucun avantage particulier. Mais cette doctrine ne peut être invoquée que si les droits sont mis expressément à la charge du donateur ou en cas de paiement spontané en l'absence de toute clause concernant ce paiement. En revanche, le paiement par le donateur, alors que l'acte met de façon explicite cette dette à la charge des donataires constitue un paiement pour autrui. Par suite, lors du décès du donateur, sa succession doit comprendre à l'actif une créance (Cass. com., 3 juin 2003, n° 01-12.711, F-D N° Lexbase : A9343C78). De même, comme vient de le préciser la Cour de cassation, la doctrine favorable ne peut être invoquée, lorsque la prise en charge résulte d'un acte postérieur à l'acte de donation. Un tel acte ne pouvant, comme le prétendaient les parties, présenter le caractère d'un simple acte rectificatif, alors qu'il devait être analysé comme une donation complémentaire. On sait que les erreurs rectifiables ne peuvent être que des erreurs matérielles portant sur la désignation d'une des parties ou d'un bien, voire sur le prix. En effet, un acte rectificatif n'a pour objectif que d'assurer la concordance du fichier immobilier et du cadastre avec les énonciations de l'acte déposé.

2.2. Lors du décès du donateur

Ne conduisant pas, selon la doctrine administrative, à une perception supplémentaire au moment de la donation elle-même, la prise en charge ne saurait donner lieu à application des dispositions de l'article 784 du CGI lors du décès du donateur. On sait que cette disposition impose de rapporter à la succession les donations antérieures pour le calcul des droits de mutation dus sur une nouvelle transmission à titre gratuit entre les mêmes personnes. Elle conduit, lorsque cela n'a pas été le cas, à la taxation des donations rapportées. Au cas particulier, une décision du tribunal de grande instance de Paris a décidé que, les donateurs s'étant libérés de leur propre dette, il ne pouvait être fait application de l'article 784 du CGI (TGI Paris, 2ème ch., 30 avril 1990, n° 13.201/89, décision contre laquelle l'administration fiscale ne s'est pas pourvue en cassation). Cette solution, fiscale, présente, cependant, certaines limites. En effet, s'il était envisagé lors des opérations de liquidations de la succession, au plan civil, de tenir compte de ce paiement, puisqu'il ne peut être nié que le donateur s'est appauvri et que le donataire s'est enrichi, n'ayant pas eu à supporter les droits, ce qui caractérise les éléments constitutifs d'une donation, l'administration fiscale pourrait tenter de tirer argument de l'intégration de la prise en charge des droits par le donateur dans les opérations de liquidation. On sait que cette dernière n'hésite pas à s'appuyer sur les analyses effectuées sur le plan civil pour déceler de la matière taxable. Tel est le cas, par exemple, de l'avantage conféré à un héritier par le défunt sous la forme d'une occupation gratuite d'un immeuble lui appartenant. La Haute juridiction ayant décidé que cette donation "de fruits" devait être rapportée à la succession du propriétaire sur le fondement de l'article 843 du Code civil (N° Lexbase : L3484ABN) (Cass. civ., 1ère ch., 14 janvier 1997, n° 94-16.813, Mme Katz c/ consorts Knoll N° Lexbase : A9935ABL), l'administration s'est emparée de cette décision pour en exiger le rappel fiscal sur le fondement de l'article 784 du CGI. Ainsi, il pourrait en être de même dans l'hypothèse où des héritiers entendraient tenir compte du paiement par le défunt des droits dus au titre d'une donation effectuée au profit de l'un d'entre eux, et ce, afin de rétablir l'égalité.

2.3. Etendue de la prise en charge

Si l'administration admet qu'un donateur puisse prendre en charge les droits afférents à une donation, même sans clause expresse, il en va autrement des droits supplémentaires dus en cas de contrôle de valeur. En effet, le seul fait, pour le donateur, d'acquitter les droits sans que cette mention ne figure dans l'acte n'implique pas qu'il ait entendu supporter les éventuels droits complémentaires dus en cas de contrôle. Ainsi, les donataires, en cas de décès du donateur, ne peuvent faire figurer en passif de succession le montant de redressements exigés au titre de la donation après le décès (Cass. com., 12 novembre 1996, n° 94-20.095, M. Flammarion c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A2548ABY). Bien entendu, si la prise en charge est explicite, l'accessoire suivant le principal, il devrait être admis que le donateur, ayant pris l'engagement de payer les droits initiaux, supporte le paiement des droits supplémentaires. Cependant, il ne faut pas négliger le risque que peut engendrer une clause trop explicite comme celle dans laquelle le donateur prendrait à sa charge le paiement des doits dus, ainsi que ceux qui découleraient d'une insuffisance de valeur. Une telle formulation pourrait être interprétée par le service de l'enregistrement comme un indice d'une valeur déclarée inférieure à la valeur de marché, valeur qui, en principe, sert d'assiette aux droits de donation.

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Baux commerciaux

[Jurisprudence] Du caractère temporaire de l'effet exonératoire de la force majeure

Réf. : Cass. civ. 3, 22 février 2006, n° 05-12.032, Mme Louise Stives c/ Société Agencement général du bois (AG Bois), FS-P+B+I (N° Lexbase : A1446DNU)

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par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris

Le 07 Octobre 2010

La force majeure n'exonère le débiteur que pour le temps où elle l'empêche de donner ou de faire ce à quoi il s'est obligé. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation en date du 22 février 2006 qui apporte, entre autres, une précision utile sur le rôle de la force majeure, notamment, en ce qui concerne les obligations du bailleur. En l'espèce, le preneur à bail de locaux à usage commercial avait consenti sur ces locaux, par acte du 1er juillet 1993, une sous-location à une société. La toiture du bâtiment s'était trouvée endommagée par la tempête du 26 décembre 1999 et les travaux de réfection avaient été effectués par le bailleur en septembre 2000. Par acte du 28 février 2000, le propriétaire avait délivré à son locataire un congé avec refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction, à effet au 1er septembre 2000, en lui reprochant, notamment, d'avoir réalisé dans les lieux loués des travaux sans son autorisation. Le 19 janvier 2001, le locataire et le sous-locataire avaient assigné le propriétaire en indemnisation des dommages causés par la tempête. Le 7 mai 2001, ce dernier avait fait délivrer aux deux preneurs un commandement, visant la clause résolutoire, de remettre les locaux en conformité avec les clauses du bail. Par acte du 25 mai 2001, le locataire principal avait fait assigner le propriétaire en nullité du congé du 28 février 2000 et du commandement du 7 mai 2001. Les deux instances ont été jointes. A l'occasion de cette procédure, le propriétaire avait également demandé la résiliation du bail en invoquant l'irrégularité de la sous-location et l'octroi de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance qu'il avait subi du fait du harcèlement de la part des dirigeants de la société sous-locataire. Les juges du fonds ayant débouté le propriétaire de l'ensemble de ses demandes, il s'est pourvu en cassation, permettant à la Haute cour de préciser, notamment, l'étendue temporelle du caractère exonératoire de la force majeure.

Les juges du fond avaient, en effet, condamné le propriétaire à régler aux sous-locataires une certaine somme au titre de la réfection du circuit électrique et de la réparation du chauffage radiant à titre de dommages et intérêts.

Ces dommages, dont les locataires demandaient la réparation, avaient eu pour origine le soulèvement de la couverture des lieux à la suite de la tempête du 26 décembre 1999, soulèvement qui avait entraîné des inondations et détruit le circuit électrique et le chauffage radiant.

Le principe même de la mise en jeu de la responsabilité du bailleur n'a fait l'objet d'aucune discussion dans l'arrêt rapporté.

La cour d'appel avait retenu un manquement à "l'obligation de délivrance d'un lieu normalement couvert". Toutefois, elle avait relevé que le bailleur était tenu aux termes du bail "d'assurer la permanence du couvert [...] la charge des travaux des articles 605 et 606 lui incombant". Cette précision pouvait laisser également penser qu'était en cause l'obligation d'entretien telle qu'elle avait été stipulée par les parties. Il est vrai que ces deux catégories d'obligations ont en commun d'incomber au bailleur pendant toute la durée du bail. Ce qui est une évidence quant à l'obligation d'entretien, le bailleur étant tenu de "faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives" (C. civ., art. 1720 N° Lexbase : L1842ABT), l'était moins pour l'obligation de délivrance (C. civ., art. 1719 N° Lexbase : L1841ABS) dont il était possible de penser qu'elle épuisait ses effets lors de l'entrée en possession des lieux. Cependant, la Cour de cassation confère un caractère permanent à cette obligation (voir, par exemple, Cass. civ. 3, 1er juin 2005, n° 04-12.200, FS-P+B N° Lexbase : A5185DIU). Par ailleurs, les dégradations d'un local qui peuvent s'analyser en un manquement du bailleur à son obligation d'entretien peuvent être telles qu'elles empêchent le preneur de pouvoir jouir de la chose louée. L'arrêt rapporté, qui ne vise d'ailleurs aucun texte en particulier, en est une illustration.

Le caractère de force majeure de la tempête ne suscitait également guère de doute (voir par exemple, parmi de nombreux arrêts en ce sens, Cass. civ. 3, 11 mai 1994, n° 92-16.201, Compagnie Gan c/ M. Le Garrec et autres N° Lexbase : A7074ABM).

Les débats, en ce qui concerne l'action en réparation des preneurs, ont porté sur la possibilité pour le bailleur de s'exonérer définitivement ou non de sa responsabilité.

La force majeure permet en effet au débiteur de s'exonérer de sa responsabilité du fait du manquement à l'une de ses obligations contractuelles et fait obstacle en conséquence à ce qu'il soit condamné au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par ce manquement (C. civ., art. 1147 [LXB= L1249ABU] et 1148 [LXB= L1248ABT]).

Cependant, et c'est la précision intéressante opérée par l'arrêt rapporté, le caractère exonératoire de la force majeure ne sera que temporaire si l'empêchement qu'elle constitue est momentané. Plus précisément, la Cour de cassation affirme, d'une manière abstraite, conférant à la solution qu'elle énonce une portée générale, que "la force majeure n'exonère le débiteur que pour le temps où elle l'empêche de donner ou de faire ce à quoi il s'est obligé".

La Cour de cassation avait déjà affirmé que "en cas d'impossibilité momentanée d'exécution d'une obligation, le débiteur n'est pas libéré, cette exécution étant seulement suspendue jusqu'au moment ou l'impossibilité vient à cesser" (Cass. civ. 1, 24 février 1981, n° 79-12.710, M. Etienne B. c/ Mme Simone S.  N° Lexbase : A5243DNI, Bull. civ. I, n° 65). Si elle n'avait pas, dans cette décision, employé le terme "force majeure", elle avait visé l'article 1148 du Code civil qui dispose que "il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit" (N° Lexbase : L1249ABU). La doctrine, pour l'essentiel, ainsi que la jurisprudence s'accordant pour assimiler le cas fortuit à la force majeure, au sens de ces dispositions (Saint-Pau J.-C., Juris-Cl. Civil code, art. 1146 à 1155, fasc. 11-30, n° 7), il y a lieu de conclure que l'arrêt commenté réitère la solution.

La solution doit être approuvée. S'il paraît en effet justifié de ne pas tenir le bailleur pour responsable d'un manquement à l'une ou à certaines de ses obligations essentielles en raison d'un cas de force majeure, par définition, extérieur, imprévisible et, à tout le moins irrésistible, il est également justifié de limiter cette exonération au temps qui lui est nécessaire pour remédier à ce manquement, à condition, évidemment, que la force majeure aie cessé de constituer un empêchement.

Il appartient donc au bailleur d'être extrêmement diligent et d'effectuer rapidement les réparations nécessaires. Ce temps ne saurait être un temps de raison, celui du coup de vent par exemple, et le caractère exonératoire de la force majeure devrait être maintenu pendant la durée des travaux.

Sous cet angle, la solution ne paraît pas trop sévère pour le bailleur. Il y sera, en outre, dérogé en cas de destruction totale ou partielle de la chose louée puisqu'en matière de bail, les dispositions de l'articles 1722 du Code civil (N° Lexbase : L1844ABW) devront s'appliquer. Ces dernières prévoient que si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail sera résilié de plein droit et que si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur pourra demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail, sans aucun dédommagement dans l'un et l'autre cas. Le tout, même en ce qui concerne la force majeure, sous réserve des stipulations contractuelles contraires.

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Sociétés

[Jurisprudence] L'existence du droit d'agir en demande d'expertise de gestion s'apprécie à la date de l'action introductive d'instance

Réf. : Cass. com., 6 décembre 2005, n° 04-10.287, M. Gilbert Ginhoux c/ Société Exploitation des sources de signes (SESS), FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A8956DLB)

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Le 07 Octobre 2010

L'expertise de gestion est un instrument d'information économique et de contrôle de la gestion sociale. Elle permet aux actionnaires et à certains autres demandeurs qui ne s'estiment pas suffisamment informés par les dirigeants, d'obtenir l'établissement d'un rapport de gestion sur des opérations précises. En d'autres termes, elle constitue un moyen efficace pour les actionnaires minoritaires désireux de se protéger activement et ainsi, de faire respecter par les dirigeants, non seulement leurs droits, mais également l'intérêt social (1). Aussi, ne se privent-ils pas de recourir à cette technique, afin de mettre en oeuvre légalement leurs prérogatives et de révéler au grand jour d'éventuels actes pénalement répréhensibles, notamment, des abus de biens sociaux (2) et du crédit de la société commis par les dirigeants de celle-ci. L'attrait pour l'expertise de gestion, justifié par la volonté des minoritaires d'instaurer un véritable contrôle au sein de leur société, génère souvent un contentieux qui ne trouve de dénouement qu'auprès des tribunaux (3). La faculté de demander en justice la nomination d'un expert chargé de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société, ainsi que le cas échéant des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L4050HBM), est dévolue à un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social, soit individuellement, soit en se groupant sous une forme quelconque (4). Le respect de cette condition n'occulte pas d'autres difficultés susceptibles de naître. Outre les questions relatives aux conditions de demande d'une expertise de gestion (5) ou à son domaine, peut se poser celle ayant trait à la date d'appréciation de la qualité d'actionnaire, condition légale impérative pour solliciter en justice la désignation d'un expert de gestion.

C'est l'origine du litige tranché par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans l'arrêt du 6 décembre 2005 censurant la décision rendue le 24 octobre 2003 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

I - N'ayant pas reçu de réponses satisfaisantes aux questions écrites sur des opérations de gestion posées au président du conseil d'administration, un actionnaire minoritaire avait assigné la société ainsi que son commissaire aux comptes sur le fondement de l'article L. 225-231 du Code de commerce (N° Lexbase : L6102AIT). L'action intentée visait à obtenir la désignation par le président du tribunal de commerce, d'un expert chargé d'établir un rapport sur ces opérations.

Débouté en première instance, l'intéressé n'obtint pas davantage de succès auprès de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Pour déclarer sa demande irrecevable, les juges du second degré avaient estimé qu'en l'état des résolutions de l'assemblée générale décidant de l'annulation du capital social par absorption des pertes, puis la recapitalisation de la société, le minoritaire qui n'ayant pas souscrit d'actions nouvelles en temps utile, à la date où la cour d'appel statuait, n'était titulaire d'aucune fraction du capital social. Dès lors, il n'avait ni la qualité pour agir, comme l'exige l'article L. 225-231 précité, ni l'intérêt pour agir au sens de l'article 31 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2514ADH).

De plus, la juridiction d'appel avait retenu que le commissaire aux comptes de la société avait adressé au président du tribunal de commerce un mémoire par lequel il avait répondu de manière précise et détaillée à toutes les questions posées par l'associé minoritaire. Ce mémoire ayant été transmis à l'ensemble des parties, l'intéressé avait donc disposé de toutes les informations nécessaires, sans recourir à l'expertise, de sorte que son intérêt à agir avait disparu.

La qualité pour agir qu'invoquent les juges du second degré, incarne le titre juridique en vertu duquel une personne se prévaut en justice d'un droit dont elle demande la reconnaissance ou la réparation, en sollicitant du juge qu'il examine le bien-fondé de sa prétention. La relative imprécision de cette notion explique la tendance à l'assimiler à celle de pouvoir. En général, sauf pour les actions "attitrées" que la loi attribue exclusivement à certaines personnes (époux agissant en divorce) et pour les cas où elle confère à telle personne la faculté d'exercer à titre personnel les droits et actions d'autrui (action oblique intentée par un créancier), le concept de qualité est difficilement dissociable de celui d'intérêt.

Il suffit souvent de justifier d'un intérêt pour se voir reconnaître la qualité pour agir, pourvu qu'il soit légitime, né et actuel, personnel et direct. Cet intérêt, patrimonial ou non, relève de l'exigence traditionnelle selon laquelle "pas d'intérêt, pas d'action" . En effet, aux termes de l'article 31 précité "l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention [...]". Dès lors, l'intérêt constitue souvent la seule condition requise, car il confère au demandeur la qualité pour agir (6).

Par conséquent, la perte de la qualité entraîne celle de l'intérêt. Aussi, en droit des sociétés, le demandeur qui, avant d'intenter l'action, a perdu le titre d'associé ou d'actionnaire par la cession de ses droits sociaux (parts sociales ou actions) ou ici, à la suite de l'annulation du capital social par absorption des pertes, n'a plus qualité pour agir. Etant devenu étranger à la société, il ne dispose plus d'aucun intérêt, en l'occurrence pour demander en justice la désignation d'un expert de gestion. Conformément à l'article 122 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2068ADX), le défaut de qualité et d'intérêt rend sa demande irrecevable.

C'est l'argument avancé ici par la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour refuser à l'intéressé non seulement la qualité d'actionnaire conféré par l'article L. 225-231 du Code de commerce pour agir en demande d'expertise de gestion, mais également l'intérêt à agir, faute pour lui de détenir une fraction du capital social au moment où elle a statué.

Aussi, ce dernier forme-t-il un pourvoi en cassation à la suite duquel la décision de cette juridiction est censurée par la Chambre commerciale, pour violation des articles 31, 122 et L. 225-231 susvisés.

II - La question de la recevabilité de l'action en demande d'expertise de gestion en raison de la détention de la participation minimale qui, depuis la loi NRE du 15 mai 2001 (loi n° 2001-420 N° Lexbase : L8295ASZ), est de 5 %, au lieu de 10 %, n'est pas nouvelle. Le point, ici discuté, de la date d'appréciation de la condition de détention d'une fraction du capital social, a été auparavant diversement apprécié par les juges du fond.

Antérieurement au présent arrêt, une cour d'appel avait décidé que le tribunal pouvait décharger de sa mission l'expert désigné à la demande d'un actionnaire qui avait cédé ses actions en cours de procédure (7). Il est vrai que le président de la juridiction saisie n'était pas tenu de faire droit à la demande de décharge de l'expert de sa mission.

Plus tard, une autre juridiction de seconde instance avait considéré, au contraire, que la détention du capital social devait s'apprécier au moment de l'introduction de la demande en justice (8). De surcroît, les évolutions ultérieures de la répartition de celui-ci dont "on peut craindre qu'ils puissent être inspirés par la volonté des actionnaires majoritaires de faire obstacle à la demande, n'ont aucune incidence sur la recevabilité et la validité de l'action régulièrement introduite, non plus que sur l'exécution de la mesure d'expertise ordonnée".

Cette seconde position, bien que majoritairement approuvée par la doctrine, a été critiquée par des auteurs qui l'ont jugé ni nécessaire, ni opportune (9). Pas nécessaire, car les théories de la fraude et de l'abus de majorité suffiraient à régler les situations conflictuelles générées par les augmentations de capital postérieures à la demande et visant à faire chuter le demandeur en dessous du seuil nécessaire (5 ou 10 %). Pas opportune, du fait qu'une mesure d'instruction ne saurait aboutir car, en vendant ses titres, le demandeur aurait perdu tout intérêt à agir. Toujours est-il qu'elle reçoit, ici, la consécration de la Cour de cassation dans les termes suivants : "l'existence du droit d'agir en justice s'apprécie à la date de la demande introductive d'instance et ne peut être remise en cause par l'effet de circonstances postérieures".

S'il est évident que l'intéressé doit avoir la qualité d'associé ou d'actionnaire disposant de la part minimale du capital social, d'où le terme d'expertise de minorité, pour introduire la requête en expertise de gestion, rien n'exige que cette condition soit constante durant la durée de la procédure, en particulier lorsque le juge statue. Il suffit que le demandeur ait eu cette qualité, c'est-à-dire ait détenu le pourcentage de capital social requis, au moment de l'introduction de la demande en justice.

Il serait, effectivement, illogique et inéquitable de lier la recevabilité de la demande d'expertise de gestion à la situation de l'associé ou de l'actionnaire le jour où le juge se prononce. Il serait également inadmissible que l'intéressé fût privé d'une mesure visant à préserver son droit à l'information, alors même que sa position dans la société se trouverait affaiblie par une décision émanant de la majorité.

La solution de la Chambre commerciale est justifiée par des raisons de commodité et d'efficacité. Il convient non seulement d'éviter que l'action du demandeur soit freinée par les atermoiements de la justice, mais encore par les tentatives des actionnaires majoritaires de faire échec à la demande d'expertise de gestion en procédant à des modifications de répartition du capital social.

La question de la détention d'une fraction du capital social soulève d'autres interrogations à propos desquelles la jurisprudence demeure partagée. Ainsi, tandis que la cour d'appel de Paris a imposé que les actionnaires demandeurs aient entièrement libéré leurs actions (10), à l'inverse, celle de Lyon a jugé recevable la demande d'un actionnaire détenteur de 25 % du capital non libéré (11). Par ailleurs, pour certains juges du fond, il n'est pas nécessaire pour déterminer le pourcentage d'actions nécessaire, de cumuler les actions de pleine propriété et celles en nue-propriété dès lors que le droit de vote attaché à ces dernières est limité par la loi aux assemblées générales ordinaires (12). Pour d'autres au contraire, il convient de prendre en considération les actions en nue-propriété pour une demande d'expertise relative à un projet de rachat d'entreprise par les salariés soumis à une prochaine AGE (13).

Dans d'autres domaines encore, la jurisprudence n'est pas stable, notamment, en matière d'action en annulation d'une délibération ou en responsabilité contre les dirigeants, pour lesquelles une demande d'expertise de gestion peut être le prélude, mais demeure ouverte même si ces actions sont d'ores et déjà prescrites. Ainsi, à propos d'une action en nullité, il a été jugé qu'il importe peu que les demandeurs ne soient pas restés actionnaires postérieurement à l'assemblée contestée (14). Cette décision rejoint celle pour qui la condition de recevabilité, tirée de la qualité d'actionnaire, s'apprécie au jour de la demande en justice, aucune disposition n'imposant que le demandeur à l'action en annulation d'un acte ou d'une délibération d'une société, soit actionnaire de cette société à la date de cet acte ou de cette délibération (15). A l'opposé, on a considéré qu'un actionnaire, ayant conservé ses titres durant toute l'instance, est habilité à poursuivre une action sociale ut singuli (16).

La solution varie donc en fonction de la nature de l'action en cause ; elle ne saurait être uniforme, étant donné la diversité des situations rencontrées.

L'actuelle décision traduit bien l'évolution que connaît l'expertise de gestion dont elle reflète un des aspects marquants. Autrefois perçue comme une mesure exceptionnelle d'information, elle fait aujourd'hui davantage partie de l'actualité du droit des sociétés. Non seulement sa demande répond à l'intérêt personnel du sollicitant, mais encore et surtout elle vise à protéger l'intérêt social de l'entreprise, sans oublier l'intérêt général de la vie des affaires. Elle demeure tout de même réglementée, eu égard à la gravité de la mesure. Sa mise en oeuvre suppose, en effet, une interrogation préalable par écrit du président du conseil d'administration ou du directoire sur la ou les opérations de gestion pour lesquelles le demandeur souhaite des éclaircissements (lire V. Téchené, Les conditions préalables à la nomination d'un expert de gestion, Lexbase Hebdo n° 204 du 2 mars 2006 - édition affaires N° Lexbase : N5063AKQ). Cette première étape est une condition de recevabilité de la saisine du juge des référés, dont l'absence ne peut être suppléée par l'envoi d'une demande en cours de procédure (17).

Ce n'est donc qu'à défaut de réponse pure et simple ou de réponse satisfaisante du président de l'organe social, que le minoritaire peut saisir le juge. Or, en l'espèce, le demandeur n'ayant perdu la qualité d'actionnaire qu'après la saisine du président du tribunal de commerce, sa demande d'expertise de gestion ne saurait être irrecevable. La réponse aurait été différente si cette qualité avait disparu avant ou après avoir interrogé les dirigeants sociaux et surtout avant de saisir le juge.

Demeure contestable, en outre, le lien qu'établit la cour d'appel d'Aix-en-Provence entre la recevabilité d'une telle demande et la détention par le demandeur "de tous les éléments d'information souhaitables" contenus dans le mémoire qui lui a été communiqué. Pareille circonstance a, en réalité, une incidence sur le bien-fondé de la demande appréciée par le juge au moment où il statue. Il convient, effectivement, de distinguer la recevabilité d'une action en justice de son bien-fondé. Une semblable action est recevable lorsqu'elle est formée en temps utile par une personne habilitée à l'exercer, c'est-à-dire ayant qualité et intérêt à agir. Elle est bien-fondée quand elle est légitime ou justifiée. Dès lors, ici, autant la demande d'expertise de gestion paraît recevable dans la mesure où elle a été faite avant que l'intéressé ait perdu ses droits sociaux ; autant, elle semble mal-fondée du fait que le demandeur ait disposé desdits éléments d'information.

Deen Gibirila
Professeur à l'Université des Sciences sociales de Toulouse I


(1) Pour les études les plus récentes, B. Dupuis, La notion d'intérêt social, thèse Paris XIII, 2001. A. Couret, Le désintérêt social , Mélanges P. Bézard p. 63, PA et Montchrestien 2002. B. Basuyaux, L'intérêt social, une notion aux contours aléatoires qui conduit à des situations paradoxales, LPA 6 janvier 2005, n° 4, p. 3.
(2) A. Dekeuwer, Les intérêts protégés en cas d'abus de biens sociaux, JCP éd. E 1995, I, 500.
(3) J.-P. Bornet, Le pouvoir des sans-pouvoirs ou comment s'organise le pouvoir des minoritaires, LPA 17 mars 1995, n° 33, p. 18.
(4) C. com., art. L. 225-231, al. 2. (N° Lexbase : L6102AIT) ; CA Versailles, 14ème ch., 23 octobre 2002, n° 02/05235, SA Elva c/ Lionel R. (N° Lexbase : A6953A4B) BRDA 24/2002, n° 6 ; RJDA 4/2003, n° 395, actionnaire détenant plus de 5 % des actions d'une société mère étrangère et demandant une expertise de gestion dans la filiale française.
(5) Sur la recevabilité de la demande d'expertise de gestion liée à un risque d'atteinte à l'intérêt social, Cass. com., 10 février 1998, n° 96-11.988, Société SAE et autre c/ Société Promo Real (N° Lexbase : A2637ACN), Bull. civ. IV, n° 69 ; Bull. Joly 1998, p. 478, note M. Menjucq ; RTD com. 1998, p. 348, obs. C. Champaud et D. Danet, p. 370, obs. B. Petit et Y. Reinhard ; JCP éd. E 1999, n° 17, p. 771, note D. Gibirila.
(6) G. Couchez, Procédure civile, n° 151 à 157, A. Colin, 2004, 13e éd. ; L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, n° 457 à 492, Litec 2004, 4e éd.
(7) CA Paris, 5 janvier 1978 : Rev. sociétés 1978, p. 742, note M. Guilberteau.
(8) CA Versailles, 11 mars 1999, n° 9998/96, Société SABIC France c/ Société AMCA Chimie (N° Lexbase : A3347A4Q), RJDA 6/1999, n° 683 ; Rev. sociétés 1999, p. 414, obs. Y. Guyon ; JCP éd. E 1999, n° 29, p. 1238, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain ; RTD com. 1999, p. 676, obs. C. Champaud et D. Danet ; Bull. Joly 1999, p. 670, note P. Le Cannu.
(9) A. Viandier et J.-J. Caussain, obs. s/s CA Versailles, 11 mars 1999 : préc., note 8.
(10) CA Paris, 24 mai 1974 : Rev. sociétés 1975, p. 101, note J. H..
(11) CA Lyon, 16 janvier 1998, n° 9602309, SA SAGE c/ Pascal P. (N° Lexbase : A3680A43), JCP éd. E 1999, n° 8, p. 351.
(12) CA Paris, 27 mai 1988, 14 ème ch., sect. B, n° 88-000320, M. Hubert de B. c/ Société nouvelle des basaltes (N° Lexbase : A9672C7D), D. 1988, IR, p. 219 ; Dr. sociétés 1988, n° 225.
(13) CA Versailles, 19 décembre 1989, 13ème ch., n° 10771/89, M. Jean-Claude A. c/ M. Ghislain B. (N° Lexbase : A3460A4W), Bull. Joly 1990, p. 182, note P. Le Cannu. T. com. Roanne, 13 septembre 1991: RTD com. 1992, p. 201, obs. Y. Reinhard.
(14) CA Paris, 16 janvier 1996, 1ère ch., sect. A, n° 94-19336, M. Louis B. c/ Société Matra-Hachette (N° Lexbase : A9489A7L), Bull. Joly 1996, p. 500, note A. Couret.
(15) Cass. com., 4 juillet 1995, n° 93-17.969, M. de la Fournière c/ M. Aymard et autre (N° Lexbase : A1252ABY), Bull. civ. IV, n° 206 ; RJDA 8-9/1995, n° 994 ; JCP éd. G 1995, I, 3885, n° 8, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain ; Rev. sociétés 1995, p. 104, note P. Le Cannu ; RTD com. 1996, p. 71, obs. B. Petit et Y. Reinhard ; D. 1996, jurispr. p. 186, note J.-C. Hallouin.
(16) CA Paris, 4 février 1994, 25ème ch., sect. B, n° 5274/91, M. Yves Le G. c/ Fédération nationale du bâtiment (N° Lexbase : A1190DG8), Bull. Joly 1994, p. 402, note M. Pariente.
(17) CA Paris, 26 mars 2003, 14ème ch., sect. A, n° 2002/20751, M. Alain A. c/ M. Jean Yves Le F. (N° Lexbase : A0008B7G), RJDA 8-9/2003, n° 841.

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Délégation de service public

[Le point sur...] Les risques de requalification des conventions d'objectifs issues de la loi du 12 avril 2000 en conventions de délégation de service public : le cas des activités socioculturelles gérées par des associations

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N5383AKL

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Le 07 Octobre 2010

Les conventions d'objectifs prévues par les dispositions de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (N° Lexbase : L0420AIE), lorsqu'une personne publique attribue une subvention à une personne privée, par exemple à une association, ont pour but de contrôler l'utilisation de cette subvention par son bénéficiaire. Toutefois, dans la mesure où ces conventions se rapportent à la gestion par une personne privée d'une activité d'intérêt général, elles courent le risque d'être requalifiées en conventions de délégation de service public, et donc d'être considérées comme nulles faute d'avoir été précédées d'une procédure de publicité et de mise en concurrence. Le présent article a pour but d'examiner les causes de ce risque de requalification et de dégager les critères permettant de distinguer une véritable convention d'objectifs d'une "quasi-délégation de service public". I. Avant même l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000, la jurisprudence a été amenée à requalifier des conventions de subventionnement en conventions de délégation de service public

1) La jurisprudence a, peu à peu, consacré l'existence d'associations délégataires de service public

La jurisprudence a, peu à peu, consacré l'existence d'associations délégataires de service public, notamment, en matière de service public culturel. Le tribunal administratif de Paris a ainsi jugé que la convention par laquelle la ville de Paris avait confié à une association le fonctionnement de quatre centres d'animation, ou maisons de jeunes, en vue d'y organiser un ensemble d'activités de caractère socio-éducatif constituait une convention de délégation de service public (DSP) (1). Le tribunal administratif de Lyon en a jugé de même à propos d'une convention par laquelle une commune avait mis à disposition d'une association de promotion du cinéma des locaux appartenant à la commune en contrepartie d'engagements d'animation culturelle (2). Par ailleurs, le tribunal administratif de Dijon a jugé que le contrat passé pour la gestion de la maison de la culture de Nevers, qui prévoyait que le délégataire assurait à ses risques et périls les missions qui lui étaient confiées, alors même que le contrat indiquait que l'autorité délégante s'engageait à verser au délégataire une subvention d'équipement, constituait une convention de délégation de service public (3). Dans ce dernier jugement, le tribunal administratif a, notamment, pris en compte le fait que l'attribution de cette subvention d'équipement n'avait pas pour effet de priver le délégataire de tout risque d'exploitation.

Car il faut, en effet, pour qu'une convention d'objectifs passée avec une association soit requalifiée en convention de DSP, que cette convention remplisse le principal critère d'identification des DSP qu'est l'existence d'une rémunération substantiellement assurée par les résultats de l'exploitation (4).

Enfin, dans un arrêt du 4 juillet 2005, la cour administrative d'appel de Marseille a jugé que l'organisation du festival international d'art lyrique d'Aix-en-Provence, eu égard à l'intérêt général d'ordre touristique et culturel que présentait ce festival, aux conditions de son financement et à son mode de fonctionnement, avait le caractère d'une activité de service public administratif (5). La cour en a conclu qu'une subvention ne pouvait être accordée à l'association chargée de l'organisation du festival en l'absence de convention de délégation de service public.

2) Le juge administratif ne s'est, jusqu'à présent, pas prononcé sur l'application des dispositions de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 et les risques de requalification des conventions d'objectifs en conventions de délégation de service public

Toutefois, si la jurisprudence a, donc, consacré l'existence d'associations délégataires de service public en matière de service public culturel, l'on notera que les jugements et l'arrêt précités ne se sont pas prononcés sur l'application des dispositions de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 qui n'étaient pas encore en vigueur. Cela s'explique aisément pour les trois jugements des tribunaux administratifs précités, puisque ces dispositions n'étaient pas encore en vigueur. S'agissant de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille de 2005, il est fondé sur les dispositions de l'article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) relatives aux DSP (N° Lexbase : L2050G9S), car la cour, si elle a annulé les délibérations ayant décidé d'allouer une subvention à une association chargée d'organiser le festival international d'art lyrique d'Aix-en-Provence, n'a pas eu à confronter les dispositions du CGCT relatives aux DSP et les dispositions de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000, dans la mesure où aucune convention d'objectifs propre à ces dernières dispositions n'avait été signée entre la commune d'Aix-en-Provence et l'association.

En bref, le juge administratif n'a pas eu, jusqu'à présent, à vérifier si une convention d'objectifs conclue sur le fondement des dispositions de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 devait être regardée comme une convention de DSP au sens des dispositions de l'article L. 1411-1 du CGCT. Il n'existe en jurisprudence aucun exemple de requalification d'une convention d'objectifs en DSP.

II. L'application aux conventions d'objectifs des critères d'identification propres aux délégations de service public révèle leur proximité

1) Les dispositions applicables

Les conventions d'objectifs sont issues de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Aux termes de cet article, "l'autorité administrative qui attribue une subvention doit, lorsque cette subvention dépasse un seuil défini par décret, conclure une convention avec l'organisme de droit privé qui en bénéficie, définissant l'objet, le montant et les conditions d'utilisation de la subvention attribuée. Lorsque la subvention est affectée à une dépense déterminée, l'organisme de droit privé bénéficiaire doit produire un compte rendu financier qui atteste de la conformité des dépenses effectuées à l'objet de la subvention. Le compte rendu financier est déposé auprès de l'autorité administrative qui a versé la subvention dans les six mois suivant la fin de l'exercice pour lequel elle a été attribuée".

Quant aux conventions de délégation de service public, elles sont définies par les dispositions de l'article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales précitées. La délégation de service public (DSP), dont la définition résulte d'ailleurs d'une jurisprudence bien antérieure, est "un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service". La DSP s'identifie concrètement à travers trois critères : elle a pour but de confier à un tiers une activité d'intérêt général, que l'administration a eu l'intention d'ériger en mission de service public, et dont le risque d'exploitation est assuré par le cocontractant (6).

2) Les conventions d'objectifs sont, en général, au regard des trois critères d'identification des DSP, très proches des conventions de DSP

S'agissant, en effet, du premier critère de la DSP, celui de l'intérêt général, il constitue, sous la forme de l'intérêt public local, une condition même de légalité du subventionnement. Il sera, donc, toujours rempli lorsqu'une convention d'objectifs sera signée.

S'agissant du deuxième critère, celui de l'intention, de la part de la collectivité, d'ériger la mission en service public, il s'apprécie en général au regard d'un faisceau d'indices. Citons les quatre principaux.

Le premier indice tient à l'existence d'un soutien matériel et financier au gestionnaire. Or, c'est là l'objet même de la convention prévue par l'article 10 de la loi du 12 avril 2000.

Le deuxième indice de la mission de service public tient à la présence de clauses définissant dans le détail l'organisation et le fonctionnement de l'activité. A cet égard, rappelons que la convention d'objectifs doit précisément définir "l'objet, le montant et les conditions d'utilisation de la subvention attribuée". Dans un arrêt du 11 décembre 2000, le Conseil d'Etat avait déjà requalifié en DSP un contrat d'occupation domaniale au motif que la collectivité propriétaire avait encadré, de façon pourtant très générale, le type d'activités qui pouvaient être menées dans les locaux (7).

Le troisième indice de la mission de service public tient à l'existence d'un contrôle technique et financier de l'activité par la collectivité. Là encore, les dispositions de l'article 12 de la loi du 12 avril 2000 remplissent parfaitement cette condition puisque "l'organisme de droit privé bénéficiaire doit produire un compte rendu financier qui atteste de la conformité des dépenses effectuées à l'objet de la subvention". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1611-4 du CGCT (N° Lexbase : L8439AAS), "toute association, oeuvre ou entreprise ayant reçu une subvention peut être soumise au contrôle des délégués de la collectivité qui l'a accordée. Tous groupements, associations, oeuvres ou entreprises privées qui ont reçu dans l'année en cours une ou plusieurs subventions sont tenus de fournir à l'autorité qui a mandaté la subvention une copie certifiée de leurs budgets et de leurs comptes de l'exercice écoulé, ainsi que tous documents faisant connaître les résultats de leur activité".

Le quatrième et dernier indice important de la mission de service public tient à la reconnaissance de prérogatives de puissance publique au cocontractant, condition plus rarement remplie et qui ne l'est d'ailleurs pas en l'espèce. Toutefois, cet indice est devenu moins pertinent que les trois précédents puisque le Conseil d'Etat a jugé qu'il pouvait y avoir délégation de service public sans transfert de prérogatives de puissance publique (8).

S'agissant, enfin, du troisième critère de la DSP, qu'est l'existence d'une rémunération substantiellement assurée par les résultats de l'exploitation, il faut souligner que l'attribution d'une subvention n'est nullement incompatible avec l'existence d'un risque d'exploitation. Le juge administratif a, en effet, admis qu'il y avait toujours un risque d'exploitation dans les contrats où, pourtant, l'administration garantissait au cocontractant un pourcentage élevé de sa rémunération : 70 % des recettes prévisionnelles pour un service d'incinération d'ordures ménagères (9), 80 % des dépenses d'exploitation pour l'organisation d'une manifestation culturelle (10).

Bien plus, même le versement d'une subvention d'équilibre, qui pourrait pourtant suggérer une absence totale de risques pour le cocontractant, est compatible avec la qualification de délégation de service public dès lors que cette subvention est calculée en début d'activité à partir d'un budget prévisionnel théorique et qu'il n'y a donc aucune certitude qu'elle couvre les besoins réels du cocontractant au fur et à mesure de la réalisation du contrat (11).

Il résulte de ce qui précède que la rédaction des dispositions de l'article 12 de la loi du 12 avril 2000 est telle que presque toutes les conventions d'objectifs signées sur leur fondement pourraient être qualifiées de DSP. En bref, la convention d'objectifs de la loi du 12 avril 2000 est, en elle-même, intrinsèquement, une quasi-convention de DSP. Or, ce serait détourner l'intention du législateur que de requalifier systématiquement les conventions d'objectifs en convention de DSP, dans la mesure où ce dernier a précisément entendu exclure des procédures de publicité et de mise en concurrence préalables le soutien apporté par l'administration à des activités d'intérêt général menées par des associations.

Il importe donc, afin de ne pas vider de son contenu le dispositif de la convention d'objectifs, de distinguer la fausse convention d'objectifs, qui est, en fait, une convention de DSP masquée, de la véritable convention d'objectifs. Or, pour cela, nous avons vu que l'application des critères de définition de la convention de DSP n'était pas pertinente puisqu'elle aboutissait à faire de toute convention d'objectifs une convention de DSP en puissance. Afin de redonner aux dispositions de l'article 12 de la loi du 12 avril 2000 toute leur portée, il faut donc s'appuyer sur un critère de distinction entre conventions d'objectifs et conventions de DSP qui soit plus opératoire et plus objectif (12). Or, ce critère tend peu à peu à émerger : il tient à l'identification de l'initiative du projet subventionné.

III. Le critère de l'initiative du projet subventionné doit permettre de distinguer une véritable convention d'objectifs d'une "quasi-délégation de service public"

1) Le critère de l'initiative du projet subventionné tend peu à peu à émerger de la doctrine

Selon une doctrine récente, "si la collectivité a orienté l'association dans la définition de son projet et donc dans sa demande de subvention afin que celle-ci s'inscrive mieux dans les perspectives locales, en termes d'intérêt général local, la convention d'objectifs est alors susceptible de traduire la volonté de la collectivité de confier une mission de service public à l'association" (13). Par ailleurs, rappelons que le versement d'une subvention n'est aucunement antinomique d'un risque d'exploitation qui est caractérisé alors même que le cocontractant ne supporte pas plus de 10 % du déficit d'exploitation (14).

Concrètement, l'identification de la simple convention d'objectifs tend, désormais, à s'appuyer sur le critère de l'initiative du projet subventionné. Selon plusieurs réponses ministérielles, "les conventions de subventionnement emportent simple association au service public dès lors que l'association poursuit pour son compte une activité privée préexistante à l'intervention financière de la collectivité et qu'en contrepartie de cette aide, cette structure s'engage à faire coïncider son action avec les objectifs, contraintes et contrôle que lui impose la collectivité locale" (15). De même, dans un arrêt du 20 juillet 1999, certes rendu avant l'entrée en vigueur de la loi du 12 avril 2000, la cour administrative d'appel de Marseille avait déjà relevé, pour écarter la qualification de DSP, que le comité des fêtes de la commune de Toulon "était le seul organisateur de la fête de la liberté et du livre et de la francophonie en 1997" et qu'il n'était pas établi que ce comité avait retiré par des redevances perçues sur le public une rémunération substantielle de l'organisation de cette manifestation (16). Il faut en conclure, a contrario, que si l'association n'est pas en mesure de démontrer qu'elle est la seule initiatrice du projet, en particulier, si elle utilise des biens mobiliers et immobiliers appartenant à la collectivité, la convention d'objectifs qu'elle a passé avec cette dernière peut être requalifiée en DSP. Enfin, observons que, dans le jugement précité du 14 juin 2000, le tribunal administratif de Lyon a relevé que la ville de Saint-Etienne avait eu l'initiative de la convention conclue avec l'association puisqu'elle avait elle-même acquis un cinéma en vue de confier à cette association des missions d'animation culturelle.

De même, l'instruction d'application du Code des marchés publics en date du 28 août 2001 (N° Lexbase : L6495BHZ) (commentaire relatif à l'article 1er du code) a fait apparaître l'initiative comme l'élément principal de distinction entre les contrats avec les associations soumis à des règles de concurrence et ceux qui ne le sont pas. Selon cette instruction, en effet, "il y a marché public lorsque l'administration exprime un besoin qui lui est propre et qu'elle demande à un prestataire extérieur de lui fournir les biens ou prestations de nature à satisfaire ce besoin en contrepartie d'un prix. Dès lors, le Code des marchés publics ou la loi Sapin, s'il s'agit d'une délégation de service public, trouvent à s'appliquer [...]. En revanche, il y a subvention lorsqu'il s'agit pour une collectivité d'apporter un concours financier aux activités d'une association qui a bâti un projet spécifique [...]. En effet, chaque fois qu'une collectivité décide de participer financièrement [...] à un projet élaboré par une association et qui répond aux besoins de cette dernière, on se trouve dans le domaine de la subvention qui n'appelle pas de mise en concurrence préalable".

Enfin, un article de doctrine publié à l'AJDA du 7 octobre 2002 s'est penché sur le risque de requalification des conventions de subventionnement en conventions de DSP (17) et a tenté d'identifier plusieurs critères permettant de déterminer l'initiative du projet subventionné.

2) Trois critères permettent d'identifier l'origine du projet subventionné : il s'agit du degré d'indépendance matérielle et organique de l'association subventionnée, des caractéristiques de l'activité subventionnée et enfin de la présentation politique et administrative des actes entourant et encadrant la convention de subventionnement

Concernant le premier critère, celui du degré d'indépendance matérielle et organique de l'association subventionnée, il s'agit de vérifier, d'une part, si les organes dirigeants de l'association comprennent de nombreux représentants de la collectivité et, d'autre part, si cette dernière met à disposition de l'association des moyens en personnel et en matériel. En effet, un nombre important de représentants de la collectivité dans les organes dirigeants de l'association peut révéler une certaine "emprise publique" sur le projet associatif et faire douter de l'autonomie de l'association par rapport aux besoins de la collectivité et, donc, de sa capacité d'initiative. De même, un nombre important d'agents publics mis à disposition peut signifier que l'association n'avait pas, avant l'intervention de la collectivité, les moyens suffisants en personnel pour gérer l'activité subventionnée. Enfin, la mise à disposition d'équipements spécialement aménagés (salle de spectacle, piscine, crèche...) peut signifier que l'administration aura entendu, par son investissement, créer à un endroit donné une activité d'intérêt public répondant à des besoins constatés par elle.

Concernant le deuxième critère, celui des caractéristiques de l'activité subventionnée, il s'agit de vérifier si l'activité relève ou non d'un domaine de compétence obligatoire de la collectivité. En effet, si tel est le cas, il y a lieu de douter de l'origine purement privée du projet associatif. Par ailleurs, il s'agit de vérifier si ce projet était ou non préexistant à l'intervention de la collectivité. En effet, si ce n'est pas le cas, cela signifie que l'association a été constituée pour les besoins du projet envisagé par l'administration et qu'elle n'a donc eu aucune initiative en la matière. En revanche, le doute ne sera pas permis si l'association a déjà développé par elle-même un projet, même à une moindre échelle, avant l'intervention financière de la collectivité.

Concernant le troisième critère, celui de la présentation politique et administrative des actes entourant et encadrant la convention de subventionnement, il s'agit, d'une part, de vérifier si la collectivité a indiqué, même implicitement, qu'elle était à l'initiative du projet que ce soit par voie de presse ou dans l'exposé des motifs justifiant l'attribution de la subvention et, d'autre part, de vérifier si les exigences manifestées en contrepartie du versement de cette subvention sont ou non très détaillées. Une réponse affirmative à ces deux questions tendrait à faire douter de l'initiative associative du projet. En effet, la présence dans l'exposé des motifs justifiant l'attribution de la subvention de formules de type "la collectivité a souhaité faire appel aux services de..." ou "la collectivité charge l'association ... d'organiser ..." fera, sans équivoque possible, douter de l'initiative privée du projet. De même, la mention dans la subvention d'exigences très détaillées de la part de l'administration en termes de fréquentation, d'horaires ou de tarifs pourra faire présumer d'un réel besoin public et justifier une requalification de la convention.

A titre d'illustration, la cour administrative d'appel de Marseille a jugé que le contrat par lequel une collectivité avait mis gratuitement à disposition d'une association un court de tennis était une convention d'occupation domaniale et non une DSP dans la mesure où, notamment, l'accès aux cours était limité aux adhérents de l'association (18). Il en aurait probablement été autrement si le contrat avait exigé que l'association autorise l'accès des courts à tout usager.

Conclusion

Le sort des conventions d'objectifs issues des dispositions de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 dépendra finalement de la proximité entre la personne privée subventionnée et la collectivité attribuant la subvention, du caractère restreint ou renforcé exercé par la seconde sur la première et du secteur d'activité concerné.

L'on peut prévoir, à cet égard, que plus l'activité subventionnée visera un public important, plus elle risquera d'être requalifiée en délégation de service public.

Frédéric Dieu
Commissaire du Gouvernement près le Tribunal administratif de Nice


(1) TA Paris, 5 mai 2000, Préfet de Paris, DA 2000, n° 206.
(2) TA Lyon, 14 juin 2000, Société Braytoise d'exploitation, DA 2000, n° 204.
(3) TA Dijon 14 novembre 2000, n° 0001662, Préfet de la Nièvre.
(4) CE, 30 juin 1999, n° 198147 Syndicat mixte du traitement des ordures ménagères Centre-Ouest Seine-et-Marnais (N° Lexbase : A3236AX7), AJDA 1999, p. 517, concl. Bergeal.
(5) CAA Marseille, 4 juillet 2005, n° 00MA02342 (N° Lexbase : A1595DLN) et n° 00MA02343 (N° Lexbase : A1596DLP), M. et Mme Armand.
(6) CE, 12 mars 1999, n° 186085, Ville de Paris (N° Lexbase : A5241AXE), AJDA 1999, p. 439 ; BJCP 1999, n° 5, p. 433.
(7) CE, 11 décembre 2000, n° 202971, Mme Agofroy et autres (N° Lexbase : A1518AI3), AJDA 2000, p. 13.
(8) CE, 20 juillet 1990, Association Melun Culture Loisirs, n° 69867 et n° 72160 (N° Lexbase : A5650AQC), publié au Recueil.
(9) CE, 30 juin 1999, n° 198147, Syndicat mixte du traitement des ordures ménagères Centre-Ouest Seine-et-Marnais (N° Lexbase : A3236AX7), AJDA 1999, p. 517, concl. Bergeal.
(10) TA Dijon, 14 novembre 2000, n° 0001662, Préfet de la Nièvre.
(11) CAA Marseille, 5 mars 2001, n° 99MA01751, Préfet du Var, (N° Lexbase : A2393BML), AJDA 2001, p. 968, à propos d'un service de transports scolaires.
(12) En effet, il serait autrement facile pour une collectivité de faire réaliser une mission d'intérêt général à une association sans se soumettre aux obligations de mise en concurrence en demandant à cette association de lui faire une proposition accompagnée d'une demande de subvention, ce qui permettrait à la collectivité d'invoquer l'absence d'initiative publique.
(13) Jurisclasseur Contrats et marchés publics, "Associations", fascicule n° 624, pp. 6 à 9.
(14) CAA Marseille, 5 mars 2001, n° 99MA01751, Préfet du Var, précité, AJDA 2001, p. 968.
(15) Rép. min., n° 29307, JOANQ 21 juin 1999, p. 3854 (N° Lexbase : L8801HG3) ; Rép. min. n° 29343, JOANQ 13 septembre 1999, p. 5397 (N° Lexbase : L8802HG4).
(16) CAA Marseille, 20 juillet 1999, n° 98MA01735, Commune de Toulon (N° Lexbase : A3785BM7), AJDA 2000, p. 266.
(17) D. Moreau, Les risques de requalification des subventions aux associations en marchés ou en délégations de service publics, AJDA 2002, p. 902.
(18) CAA Marseille, 5 février 2001, n° 97MA05293, Préfet des Alpes Maritimes N° Lexbase : A2362BMG), BJCP 2001, n° 20.

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Marchés publics

[Textes] Réforme du Code des marchés publics : la procédure des enchères électroniques

Réf. : Projet de Code des marchés publics, version n° 3

Lecture: 7 min

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par Chrystel Farnoux, conseiller juridique à la Chambre de Commerce et d'Industrie de l'Essonne

Le 07 Octobre 2010

La procédure des enchères électroniques est issue de la réglementation européenne et plus particulièrement de la Directive 2004/18 CE du Parlement européen et du Conseil en date du 11 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (N° Lexbase : L1896DYU). Définition

L'enchère électronique est définie par les dispositions communautaires précitées comme "un processus interactif selon un dispositif électronique de présentation de nouveaux prix revus à la baisse et/ou de nouvelles valeurs portant sur certains éléments des offres, qui intervient après une première évaluation complète des offres, permettant que leur classement puisse être effectué sur la base d'un traitement automatique".

Le projet de Code des marchés publics en cours d'adoption (version n° 3), dans son article 54, simplifie la définition en précisant qu'il s'agit d'une "procédure de sélection des offres réalisée par voie électronique, permettant aux candidats de réviser leur prix à la baisse et de modifier la valeur de certains autres éléments quantifiables de leur offre".

Ce dispositif permet, donc, à la personne publique de demander aux soumissionnaires la présentation de nouveaux prix à la baisse, dérogeant ainsi à l'intangibilité des offres remises dans le cadre des procédures d'appel d'offres classiques.

Champ d'application

L'objet du marché

Le projet de Code des marchés publics en cours d'adoption vient restreindre les dispositions prévues par la Directive 2004/18 précitée. En effet, contrairement à cette dernière, il n'autorise le recours à la procédure que pour l'acquisition de fournitures, contrairement à la Directive qui permettait que ladite procédure soit également mise en oeuvre pour les marchés de services et de travaux. Il convient, cependant, de souligner que le champ d'application des enchères électroniques s'est quelque peu étendu dans la mesure où il n'est plus seulement limité, comme sous l'égide du Code des marchés publics de 2004, aux fournitures courantes. Cette notion de "fournitures courantes" avait été précisée par le décret n° 2001-846 du 18 septembre 2001, pris en application du 3° de l'article 56 du Code des marchés publics et relatif aux enchères électroniques (N° Lexbase : L7930DNZ). Il s'agit "des fournitures pour lesquelles la personne publique n'impose pas de spécifications techniques qui lui soient propres".

Ainsi, si la version actuellement à l'étude devait être maintenue en l'état, le recours à cette procédure serait envisageable pour tout type de marché de fournitures que celles-ci soient courantes, ou non. Cependant, il convient de souligner que la Directive précitée indique que les spécifications doivent pouvoir être établies de manière précise, réservant la procédure, du moins en pratique, à des achats récurrents.

La procédure de passation

Les dispositions de la Directive européenne précitée disposent que l'enchère électronique peut être utilisée que la procédure de passation soit ouverte, restreinte ou négociée. Le projet de code ne précisant rien en la matière, il semble, donc, qu'aucune limite ne soit posée à cet égard.

Le montant estimé du marché

Le projet de Code des marchés publics fixe un plancher en dessous duquel le recours à la procédure ne sera pas possible. Le seuil plancher est celui au-delà duquel les règles européennes s'appliquent à savoir, 135 000 euros HT pour l'Etat et 210 000 euros HT pour les collectivités territoriales.

Les éléments de l'offre pouvant faire l'objet d'une enchère électronique

Conformément aux dispositions européennes et nationales précitées, peuvent faire l'objet d'enchères, les seuls éléments de l'offre pouvant être exprimés en chiffre ou en pourcentage, c'est-à-dire les éléments quantifiables. Il s'agit, donc, d'éléments susceptibles de faire l'objet d'une évaluation automatique par des moyens électroniques, sans que le pouvoir adjudicateur n'ait à apporter d'appréciation.

Principes généraux

Certains principes doivent être respectés lors de la mise en oeuvre d'une enchère électronique. Il s'agit, tout d'abord, des principes fondamentaux de la commande publique, rappelés à l'article 1er du projet de code, que sont la liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures. Rappelons, en effet, que le respect desdits principes permet d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics.

En outre, la Directive européenne et le projet de code précisent que le recours à cette procédure ne doit pas être abusif et ne doit pas servir à empêcher la concurrence ou à modifier, en cours de procédure, l'objet du marché.

Au-delà de ces principes fondamentaux, le pouvoir adjudicateur devra respecter des obligations plus spécifiques à la procédure ici analysée. Il convient donc de les énumérer :

- interdiction de divulguer, pendant la procédure, le nom des participants à l'enchère ;
- obligation de mettre en oeuvre toute mesure propre à assurer la sécurité et la confidentialité des informations portant sur les candidatures et les offres. A cet effet, ces informations devront n'être accessibles, à compter de la date limite de remise des offres, qu'aux personnes dûment habilitées par le représentant de la personne publique ;
- nécessité de mettre en place un réseau informatique accessible à tous les candidats et qui ne soit pas discriminatoire, comme rappelé, notamment, par le décret précité n° 2001-846 du 18 septembre 2001. Il convient de préciser que les frais d'accès au réseau sont à la charge des participants (décret précité).

Enfin, d'autres règles devront être respectées, comme précisé ci-dessous (cf. procédure).

Etablissement du cahier des charges

Le cahier des charges devra, notamment, comporter les mentions suivantes :

- éléments de l'offre qui feront l'objet de l'enchère électronique (éléments obligatoirement quantifiables pouvant être exprimés en chiffre ou en pourcentage) ;
- limites éventuelles des valeurs qui pourront être présentées ;
- informations qui seront mises à disposition des participants lors de l'enchère, modalités et moment de cette mise à disposition ;
- conditions dans lesquelles les participants à l'enchère pourront renchérir et, éventuellement, écarts minimaux entre les offres ;
- toute information permettant d'expliquer la procédure mise en oeuvre ainsi que son déroulement (notamment, différentes phases de l'enchère, durée de l'enchère -le cas échéant par phase-, rappel des obligations de chacun, conditions et modalités d'invitation à participer, durée de validité des offres remises, modalités de clôture, modalités d'attribution).

Procédure

La procédure d'enchères électroniques n'est pas une procédure à part entière mais permet simplement la mise en oeuvre de modalités particulières de négociation et d'attribution. Ainsi, certaines phases de la consultation ne comportent aucune originalité, du moins dans leur forme. Il s'agit plus particulièrement des phases amont (lancement de la publicité et réception des offres) et aval (attribution et notification du marché). Concernant plus spécialement l'attribution, celle-ci se fera, en effet, selon les règles prévues par l'article 53 du projet de code.

Il convient donc de s'arrêter, plus longuement, sur le déroulement de la procédure de passation.

Après avoir reçu les offres, le pouvoir adjudicateur effectuera une première évaluation afin de pouvoir, le cas échéant, éliminer les offres non conformes. Même si aucune spécificité n'est ici à souligner, rappelons qu'une offre considérée comme non conforme ne pourra à aucun moment être retenue. Ainsi, son auteur ne pourra participer à l'enchère sans que le principe d'égalité entre les candidats ne soit affecté.

En outre, un premier classement pourra être fait au regard des éléments de l'offre non quantifiables et qui ne feront donc pas l'objet de l'enchère.

Il convient de préciser que les candidats se devront d'indiquer au représentant de la personne publique l'identité de la personne ayant le pouvoir d'engager la société et de proposer des offres dans le cadre de l'enchère. Les procédures permettant de vérifier cette identité devront être mises en place par lesdits candidats.

Les candidats ayant remis une offre conforme au sens de l'article 53.I précité participeront à l'enchère. Ces derniers y sont invités par voie électronique. Cette invitation comprendra :

- le cas échéant, les résultats de la première évaluation (hypothèse où les offres ne sont pas jugées sur le seul critère du prix) ;
- la date et l'heure de début de l'enchère, sachant qu'un délai minimum de deux jours doit être neutralisé afin de permettre aux candidats de prendre connaissance de l'invitation et de se préparer à l'enchère ;
- la formule mathématique qui permettra le reclassement automatique des offres au fur et à mesure des nouveaux prix ou nouvelles valeurs présentés par les participants. Ladite formule devra intégrer la pondération des critères qui ont été indiqués dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans le règlement de consultation. En cas de variante, la formule mathématique applicable devra également être indiquée ;
- le cas échéant, les fourchettes de prix (et/ou autre) exprimées par une valeur déterminée ;
- si le pouvoir adjudicateur l'a prévu, le nombre des participants à l'enchère ;
- le cas échéant, les différentes phases de l'enchère ;
- la date et l'heure auxquelles l'enchère sera clôturée ou les faits générateurs (absence de nouvelles propositions, fin du déroulement prévu) et modalités de sa clôture ;
- toute information relative au dispositif électronique utilisé ainsi qu'aux modalités et spécifications techniques de connexion au site.

Lors du déroulement de l'enchère, les participants pourront suivre en temps réel leur classement au fur et à mesure des nouvelles propositions de prix (ou autre élément quantifiable). Si le cahier des charges l'avait prévu, lesdits participants pourront être informés des prix et/ou valeurs proposés par les autres candidats. En outre, ils sont informés instantanément de leur classement ou du résultat de la meilleure offre.

La personne publique clôture ensuite l'enchère selon l'une des modalités suivantes :

- aux date et heure précisées dans l'invitation à participer ;
- lorsqu'elle ne reçoit plus de nouvelles offres en respectant les modalités de clôture prévues par ladite invitation ;
- lorsque le déroulement prévu dans l'invitation arrive à sa fin : l'ensemble des phases d'enchère a eu lieu.

Il convient, ici, d'insister sur l'intangibilité des dernières offres remises avant la clôture de l'enchère.

La procédure d'enchères électroniques commence à être utilisée par les acheteurs publics. Le retour d'expérience paraît plutôt positif, notamment, d'un point de vue financier. En effet, il semble que les économies soient loin d'être négligeables. En outre, d'un point de vue purement concurrentiel, le nombre d'offres reçues ne semble pas inférieur à celui généralement obtenu dans le cadre de procédures plus classiques (cf. cas de la ville de Charleville-Mezières, ministère de l'Education nationale...).

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Comptabilité publique

[Evénement] La dématérialisation de la chaîne comptable et financière locale

Lecture: 6 min

N5694AK4

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par Compte-rendu réalisé par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de la Revue Lexbase de Droit Public

Le 07 Octobre 2010

Le Pôle national de dématérialisation de la Direction générale de la comptabilité publique (DGCP) du MINEFI a engagé, mi-2004, un plan d'actions visant à dématérialiser les documents papier de la chaîne comptable et financière locale. Alain Foucret, chef du Pôle national de dématérialisation, Hélios, dans le secteur public local, est venu faire le point sur cette action, lors d'une conférence organisée sur ce thème par la mission ECOTER, organisme dédié aux collectivités membres, le 24 février dernier. L'enjeu de la dématérialisation, en quelques chiffres :

La dématérialisation constitue un enjeu important pour les collectivités territoriales. En effet, les flux annuels de la chaîne comptable et financière représentent quelque 8 millions d'actes transmis au contrôle de légalité, 98 millions de titres et 77 millions de mandats, 58 millions de bulletins de paye, des millions de pièces des marchés publics, 500 000 documents budgétaires, 1 million de comptes de gestion édités, 2 millions de liasses de 3 kg en stock dans les chambres régionales des comptes... Autrement dit, ces flux ne génèrent pas moins de 500 millions de feuilles de papier par an (soit, plus de 2 millions/jour ouvré), soit 2 500 tonnes de papier, que l'on peut évaluer à 27 millions d'euros, ou encore à 140 hectares de forêt et 62 000 arbres !

Prenons l'exemple de la paye, dans le cadre d'une commune qui rémunère 200 agents. Aujourd'hui, une telle collectivité archive 200 bulletins et 50 feuilles de calcul par mois et adresse au comptable les mêmes documents. La paye mensuelle génère alors 6 000 feuilles/an et lui coûte, tout compris, au moins 2 000 euros.

Pour situer les enjeux, il convient alors de comparer ce chiffre au prix proposé par les éditeurs pour une solution de dématérialisation. Or, il s'agit, peu ou prou, du montant maximum fixé par un certain nombre d'éditeurs.

La conclusion est simple : toutes les communes, qui comptent plus de 200 agents à rémunérer par mois, amortissent en une année la solution de dématérialisation.

Le cadre de la dématérialisation :

La mise en oeuvre de la dématérialisation repose sur la Charte nationale de dématérialisation des échanges de documents papier dans le secteur public local, signée au MINEFI, le 7 décembre 2004, par le directeur général de la Comptabilité publique, onze associations nationales d'élus, cinq administrations centrales de l'Etat et la Cour des Comptes. Cette charte a pour objectif une mise en oeuvre coordonnée, cohérente et efficace de la dématérialisation dans le secteur public local et a pour ambition d'apporter à l'ensemble des acteurs de la chaîne comptable et financière du secteur public local, des principes et règles de fonctionnement communs en tenant compte de leurs attentes et de leurs contraintes respectives.

Proposée par la DGCP, elle est établie et signée par les représentants des trois groupes d'acteurs et partenaires de la dématérialisation, que sont les ordonnateurs, les comptables du Trésor et les juges financiers, auxquels s'associent les représentants des administrations centrales concernées.

La Charte définit les principes fondateurs de tout projet de dématérialisation. Il s'agit du respect de la libre administration des collectivités et établissements publics locaux, du respect des compétences de chacun, et du respect du volontariat.

Les principes arrêtés en partenariat prévoient également que la dématérialisation doit être intégrée de bout en bout. Il s'agit du principe d'intégration totale de la dématérialisation, c'est-à-dire que celle-ci doit être mise en oeuvre par les trois acteurs de la chaîne comptable et financière (les ordonnateurs, les comptables du Trésor et les juges financiers) afin que le juge des comptes reçoive les documents sous forme dématérialisée, et que soit évitée une "matérialisation" de pièces dématérialisées.

Enfin, il s'agit de dépasser les conventions ad hoc et de proposer des cadres nationaux, de privilégier l'échange de données, de favoriser les solutions industrialisables, et de privilégier l'expérimentation.

Les premières actions menées ont ainsi porté sur l'élaboration de conventions nationales type pour dématérialiser les états de paye, les titres de recettes, les mandats, les pièces des marchés publics, les factures et les autres pièces justificatives répétitives. Ces conventions ont pour objet de définir des "solutions de dématérialisation" acceptables par le plus grand nombre, en privilégiant l'échange de données.

Alain Foucret rappelle que, d'ores et déjà, la dématérialisation est possible avec ou sans Hélios : toutes les collectivités dont la trésorerie n'a pas encore migré vers Hélios peuvent dématérialiser dès maintenant, toutes leurs "pièces justificatives". En revanche, à partir de 2007, la dématérialisation des titres et mandats, autrement dit, des données de prise en charge, nécessitera que la trésorerie dispose d'Hélios.

  • Revenons au cas de la dématérialisation des bulletins de paye.

Il s'agit du stade le plus avancé. En effet, les acteurs disposent d'un cadre finalisé avec les partenaires : la Convention cadre nationale relative à la dématérialisation des états de paye des collectivités et établissements publics locaux, dans sa version n° 2 du 30 juin 2005, s'inscrit dans le cadre des principes énoncés dans la Charte nationale partenariale relative à la dématérialisation dans le secteur public local et se réfère au cadre national d'acceptation de la dématérialisation dans le secteur public local. L'objet de cette convention-cadre nationale est de définir, d'une part, les solutions organisationnelles et techniques référencées au plan national, c'est-à-dire ayant recueilli l'accord de principe de tous les signataires de la convention cadre nationale (représentants des ordonnateurs, des comptables publics et des juges des comptes), pour dématérialiser les éléments concourant à la liquidation de la paye, et, d'autre part, les normes techniques qui doivent être prises en compte dans chacune des catégories de solutions de dématérialisation des éléments concourant à la liquidation de la paye.

Alain Foucret invite, donc, les acteurs à se reporter à ce document qui contient tous les éléments nécessaires à la mise en oeuvre de la dématérialisation dans ce domaine.

Il rappelle que la solution qui doit être privilégiée est celle de l'échange d'un fichier mensuel des données de paye. Pour ce faire, les données doivent être normalisées selon un schéma XML, et les acteurs doivent disposer d'un outil d'exploitation commun de ces données.

La DGCP a ainsi élaboré l'outil d'exploitation "Xémélios".

Cet outil est donc commun (c'est-à-dire utilisable par l'ordonnateur, le comptable, le juge des comptes), générique et libre de droits. Techniquement, il permet les tris et recherches multiples, l'export sur outil bureautique, la visualisation et, par exception, l'édition.

Téléchargeable sur le site du Minéfi/collectivités locales, il représente, ainsi, une solution opérationnelle à moindre coût, évolutive et qui prépare l'archivage de l'ordonnateur.

En dehors de l'aspect technique, pour formaliser l'accord local, les acteurs pourront se reporter à l'annexe 6 de la convention, qui propose un "Formulaire de déclaration de la solution de dématérialisation des états de paye mensuels retenue".

  • La dématérialisation des titres, mandats et bordereaux.

Le cadre est, ici, plus récent. La Convention cadre nationale relative à la dématérialisation des titres de recette, des mandats de dépense et des factures (pièces justificatives) des collectivités et établissements publics locaux, dans sa version du 16 décembre 2005, a été officiellement publiée le 31 janvier 2006.

Les partenaires doivent privilégier l'échange de données avec le PES (Protocole d'échange standard) d'Hélios, un nouveau protocole unique de communication entre ordonnateurs et comptables. L'adoption du PES par l'ordonnateur permet, alors, au comptable du Trésor public d'offrir des services enrichis.

Le déploiement d'Hélios permettra aux collectivités et établissements publics locaux volontaires, d'associer la dématérialisation des pièces justificatives à celle des titres et des mandats, à compter de la mise en oeuvre du PES d'Hélios Version 2 (disponible à l'automne 2006).

La mise en oeuvre de cette dématérialisation est possible à certaines conditions :

- le poste comptable du Trésor chargé de la gestion budgétaire et comptable de la collectivité ou de l'établissement public local, doit avoir "migré" dans Hélios ;
- la collectivité ou l'établissement public local doit avoir intégré le PES Version 2 dans son progiciel financier ;
- la collectivité ou l'établissement public local doit opter pour la dématérialisation des titres et/ou des mandats, via le PES Version 2. Il lui suffit de remplir un simple formulaire d'adhésion au PES V2 (annexe n°3 de la convention).

  • La dématérialisation des pièces initiales des marchés.

La DGCP a répondu aux conséquences de l'article 56 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L1097DYB). En effet, une Convention cadre nationale relative à la dématérialisation des pièces justificatives des marchés publics des collectivités et établissements publics locaux, dans sa version expérimentale du 20 juillet 2005, a été publiée le 4 octobre 2005. Elle porte uniquement sur les pièces contractuelles des marchés publics (acte d'engagement, délibération, CCAP, avis de publication, procès-verbal de la commission d'appel d'offres, rapport de présentation prévu à l'article 75 du Code des marchés publics N° Lexbase : L1118DY3, etc.) transmises entre l'ordonnateur, le comptable et la chambre régionale des comptes.

Un accord local de dématérialisation conclu entre les trois partenaires, est établi dans la forme prévue à l'annexe 5 de la convention, en vue de préciser, notamment, la solution technique référencée retenue et le périmètre des documents dématérialisés.

  • Les réalisations à venir du Plan d'Actions :

Enfin, Alain Foucret a conclu son intervention par une présentation des différentes réalisations à venir du plan d'actions. Seront, donc, prochainement, proposés aux acteurs différents cadres destinés à :
- dématérialiser les pièces d'exécution des marchés publics ;
- dématérialiser la maquette budgétaire ;
- dématérialiser les délibérations et arrêtés avec signature électronique ;
- dématérialiser le compte de gestion du comptable ;
- recevoir le compte administratif dématérialisé et assurer la confrontation des données budgétaires avec le compte du comptable.

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