Jurisprudence : CJCE, 21-11-2002, aff. C-436/00, X c/ Riksskatteverket

CJCE, 21-11-2002, aff. C-436/00, X c/ Riksskatteverket

A0406A78

Référence

CJCE, 21-11-2002, aff. C-436/00, X c/ Riksskatteverket. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1129044-cjce-21112002-aff-c43600-x-c-riksskatteverket
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ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)


21 novembre 2002 (1)


"Liberté d'établissement - Libre circulation des capitaux - Impôt sur le revenu - Avantages fiscaux relatifs à la cession à perte d'actions à des sociétés dans lesquelles le cédant détient une participation"


Dans l'affaire C-436/00,


ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Regeringsrätten (Suède) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre


X


Y


et


Riksskatteverket,


une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 43 CE, 46 CE, 48 CE, 56 CE et 58 CE,


LA COUR (cinquième chambre),


composée de M. M. Wathelet, président de chambre, MM. C. W. A. Timmermans (rapporteur), D. A. O. Edward, P. Jann et A. Rosas, juges,


avocat général: M. J. Mischo,


greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,


considérant les observations écrites présentées:


- pour X et Y, par Me P. Nordquist, advokat,


- pour le Riksskatteverket, par M. T. Wallén, skattejurist,


- pour le gouvernement néerlandais, par Mme H. G. Sevenster, en qualité d'agent,


- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et J. Enegren, en qualité d'agents,


- pour l'Autorité de surveillance AELE, par M. P. A. Bjørgan, en qualité d'agent,


vu le rapport d'audience,


ayant entendu les observations orales de X et Y, représentés par Me P. Nordquist, du gouvernement suédois, représenté par M. A. Kruse, en qualité d'agent, de laCommission, représentée par MM. R. Lyal et J. Enegren, et de l'Autorité de surveillance AELE, représentée par M. P. A. Bjørgan, à l'audience du 20 mars 2002,


ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 6 juin 2002


rend le présent


Arrêt


1.


Par ordonnance du 1er novembre 2000, parvenue à la Cour le 27 novembre suivant, le Regeringsrätten (Cour administrative suprême) a posé, en vertu de l'article 234 CE, une question préjudicielle relative à l'interprétation des articles 43 CE, 46 CE, 48 CE, 56 CE et 58 CE.


2.


Cette question a été soulevée dans le cadre d'un recours introduit par deux ressortissants suédois, X et Y, à l'encontre d'un avis préalable rendu par le Skatterättsnämnden (commission de droit fiscal) à propos de l'exclusion de X et Y, en tant que cédants à perte d'actions de sociétés, du bénéfice du report de l'impôt dû sur les plus-values réalisées sur ces actions en raison de l'application d'une disposition nationale qui prévoit une telle exclusion au cas où la cession est effectuée au bénéfice d'une personne morale étrangère dans laquelle le cédant détient, directement ou indirectement, une participation ou d'une société anonyme suédoise dans laquelle une telle personne morale étrangère détient, directement ou indirectement, une participation.


Le cadre juridique national


3.


La lagen (1947:576) om statlig inkomstskatt (loi relative à l'impôt national sur le revenu), modifiée (ci-après la "SIL"), dispose, à son article 3, paragraphe 1, sous h), premier, deuxième, troisième et huitième alinéas:


"La cession d'un actif soumise aux règles des articles 25 à 31, effectuée sans rémunération, au profit d'une société anonyme suédoise dans laquelle le cédant ou un de ses proches possède directement ou - dans un cas autre que celui prévu au troisième alinéa - indirectement des actions est traitée comme la cession d'une participation moyennant une rémunération équivalente aux frais d'acquisition. Il en va de même si la cession est réalisée moyennant une rémunération inférieure tant à la valeur marchande des participations qu'aux frais d'acquisition. Si les frais d'acquisition dépassent la valeur marchande, l'actif est considéré avoir été cédé moyennant une rémunération équivalente à cette valeur marchande dans les cas qui viennent d'être mentionnés.


Si la rémunération n'a pas été versée, le montant total des frais d'acquisition des actions du cédant et d'un de ses proches dans la société est majoré d'un montant équivalent au montant des frais acquittés pour l'acquisition de l'actif ou, dans le cas visé au premier alinéa, troisième phrase, à la valeur marchande. Si la rémunération a été versée, les frais d'acquisition sont majorés de la différence entre ces frais ou la valeur marchande et la rémunération.


Une cession d'actif soumise aux règles des articles 25 à 31, effectuée sans contrepartie ou moyennant une rémunération qui se situe au-dessous de la valeur marchande de l'actif, au bénéfice d'une personne morale étrangère dans laquelle le cédant ou un de ses proches détient, directement ou indirectement, une participation doit être traitée comme si l'actif était cédé moyennant une rémunération équivalente à cette valeur marchande. Le même principe s'applique à une cession au bénéfice d'une société anonyme suédoise dans laquelle cette personne morale étrangère détient directement ou indirectement une participation.


[...]


Un actif qui, en vertu du premier ou du troisième alinéa, doit être considéré avoir été cédé pour une rémunération déterminée est réputé, pour l'application [...] de la présente loi, avoir été acquis pour la même rémunération par l'acquéreur."


4.


Selon la juridiction de renvoi, ces dispositions ont été adoptées en 1998 et en 1999 en vue de clarifier le traitement fiscal de l'apport (c'est-à-dire la cession sans rémunération ou à perte), notamment d'actions, à des sociétés par une réglementation plus détaillée.


5.


Les dispositions précitées impliquent, selon la juridiction de renvoi, que, en résumé, la différence entre la valeur réelle des actions cédées au moment de la cession ("valeur marchande") et la valeur d'acquisition desdites actions par le cédant ("frais d'acquisition") est choisie comme base d'imposition si la cession à perte est réalisée au profit d'une personne morale étrangère dans laquelle le cédant détient, directement ou indirectement, une participation ou d'une société suédoise dans laquelle une telle personne morale étrangère détient, directement ou indirectement, une participation. Une cession à perte réalisée au profit d'une société suédoise ne comportant aucune participation étrangère n'est en revanche soumise à aucune imposition immédiate. Dans ce cas, la plus-value correspondant à la différence entre la valeur marchande et la valeur d'acquisition des actions cédées à perte est généralement imposée lorsque le cédant aliène sa participation dans la société cessionnaire. Ainsi, l'imposition des plus-values est en principe repoussée jusqu'à la cession de la participation détenue par le cédant dans la société cessionnaire.


6.


La juridiction de renvoi relève en outre que la différence, d'un point de vue fiscal, entre l'apport à des sociétés imposables en Suède et l'apport à des sociétés qui ne le sont pas est justifiée dans les travaux préparatoires de la SIL par l'existence de risques que l'assiette de l'impôt échappe à l'imposition en Suède. Cela serait le cas, par exemple, si le propriétaire d'une société anonyme cédait à perte, préalablement à son déménagement à l'étranger, ses actions dans cette société à une société étrangère dont il est également propriétaire. À l'origine, la règle figurant à l'article 3, paragraphe 1,sous h), troisième alinéa, de la SIL s'appliquait uniquement aux cessions à une personne morale étrangère. Le législateur suédois a cependant considéré par la suite qu'une forme d'évasion fiscale pouvait également se produire lorsque le propriétaire cède ses actions à une société suédoise filiale de la société étrangère qu'il possède. Les règles ont donc été modifiées de manière à s'appliquer à la fois aux cessions à des personnes morales étrangères dans lesquelles le cédant ou l'un de ses proches détient, directement ou indirectement, une participation et aux cessions à des personnes morales suédoises dans lesquelles lesdites personnes morales étrangères détiennent, directement ou indirectement, une participation.


7.


La juridiction de renvoi précise que, à compter de l'année d'imposition 2002 (revenus de 2001), la inkomstskattelagen (1999:1229) remplacera la SIL. Cette loi comporte des dispositions identiques à celles de la SIL qui sont pertinentes dans l'affaire au principal.


La convention bilatérale contre les doubles impositions entre le royaume de Belgique et le royaume de Suède


8.


Aux termes de l'article 13, paragraphe 4, de la convention entre le royaume de Belgique et le royaume de Suède tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (SFS 1991, n. 606), signée le 5 février 1991 et entrée en vigueur le 24 février 1993 (ci-après la "convention belgo-suédoise"):


"Les gains provenant de l'aliénation de tous biens autres que [...] ne sont imposables que dans l'État contractant dont le cédant est un résident."


9.


Cette disposition de la convention belgo-suédoise est identique à l'article 13, paragraphe 4, de la convention type de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (modèle de convention de double imposition concernant le revenu et la fortune, rapport du comité des affaires fiscales de l'OCDE, 1977, version du 29 avril 2000).


10.


De plus, l'article 13, paragraphe 5, de la convention belgo-suédoise dispose:


"Nonobstant les dispositions du paragraphe 4, les gains qu'une personne physique qui est un résident d'un État contractant tire de l'aliénation d'actions d'une société qui est un résident de l'autre État contractant sont imposables dans cet autre État, si cette personne physique est un national dudit autre État et en a été un résident à un moment quelconque au cours d'une période de cinq années précédant immédiatement la date d'aliénation des actions. [...]"


11.


Enfin, les articles 26 et 27 de la convention belgo-suédoise prévoient des règles en matière, respectivement, d'échange de renseignements et d'assistance au recouvrement.


Le litige au principal


12.


X et Y, personnes physiques de nationalité suédoise résidant en Suède, ont demandé au Skatterättsnämnden un avis préalable sur l'application des dispositions relatives aux cessions d'actions qui figurent à l'article 3, paragraphe 1, sous h), de la SIL.


13.


Le système suédois des avis préalables en matière fiscale vise à fournir, à la demande des contribuables, des avis contraignants sur la façon dont une question déterminée, qui revêt pour eux une certaine importance, doit être appréciée au regard de la législation fiscale. Le droit suédois prévoit que, en principe, la confidentialité s'applique aux affaires dans lesquelles des avis préalables sont sollicités.


14.


Dans la présente affaire, la demande d'avis préalable a trait aux conséquences fiscales de la cession envisagée par X et Y, à leur valeur d'acquisition, de leurs actions dans X AB, une société suédoise, à Z AB, une autre société suédoise qui est elle-même la filiale de Y SA, une société belge. Préalablement à la réorganisation du groupe, X et Y ont en effet estimé approprié d'affecter certaines activités à Y SA.


15.


X AB est une société mère d'un groupe qui est actuellement détenu à égalité par X et Y, ainsi que par une société de droit maltais. X et Y ne possèdent aucune participation dans cette dernière société. Y SA est également une société mère qui est détenue par les propriétaires actuels de X AB.


16.


Dans leur demande, X et Y ont notamment interrogé le Skatterättsnämnden sur la question de savoir si la différence de traitement fiscal selon que les actions sont cédées à perte à une société suédoise sans actionnaire étranger [article 3, paragraphe 1, sous h), premier alinéa, de la SIL] ou à une société suédoise comportant de tels actionnaires [article 3, paragraphe 1, sous h), troisième alinéa, seconde phrase, de la SIL] peut être maintenue au vu, d'une part, des dispositions de la convention belgo-suédoise et, d'autre part, des dispositions du traité CE relatives à la liberté d'établissement et à la libre circulation des capitaux.


17.


Dans son avis préalable rendu le 27 septembre 1999, le Skatterättsnämnden a considéré que la cession des actions de X AB, si elle devait avoir lieu, devrait être traitée comme une cession réalisée moyennant un prix égal à leur valeur marchande et que X et Y devraient donc être imposés pour un profit correspondant à la différence entre la valeur desdites actions sur le marché et leurs frais d'acquisition.


18.


De plus, le Skatterättsnämnden a estimé que la liberté d'établissement n'était pas en cause et que, concernant la libre circulation des capitaux, l'exception prévue à l'article 58, paragraphe 1, sous a), CE était applicable.


19.


X et Y ont fait appel de cette décision devant le Regeringsrätten en lui demandant notamment de déclarer qu'il convient d'imposer la cession sur la base du prix de la cession projetée.


20.


Ils ont soutenu en substance, devant le Regeringsrätten, que le traitement fiscal moins avantageux appliqué aux cessions d'actions à perte au profit des sociétés suédoises danslesquelles le cédant détient une participation par le biais d'une personne morale étrangère constitue un obstacle manifeste à la libre circulation de capitaux, prévue à l'article 56 CE, et à la liberté d'établissement, prévue à l'article 43 CE.


21.


Selon X et Y, cet obstacle ne serait pas justifiable sur le fondement de l'article 58, paragraphe 1, CE, notamment au vu de la jurisprudence de la Cour, et serait, en tout état de cause, contraire à l'article 58, paragraphe 3, CE. Cet obstacle ne pourrait pas non plus, selon X et Y, être justifié en vertu du maintien de la neutralité fiscale, pour éviter la fraude fiscale ou pour une raison semblable.


22.


En outre, cet obstacle ne serait pas justifiable sur le fondement de l'article 46 CE parce que, selon la jurisprudence de la Cour, des considérations économiques telles que le risque d'évasion fiscale ou la diminution de l'assiette fiscale ne sauraient justifier des restrictions discriminatoires.


23.


Finalement, X et Y ont soutenu que les dispositions nationales en cause sont incompatibles avec les articles 43 CE et 56 CE parce qu'elles sont disproportionnées par rapport à l'objectif qu'elles visent, étant observé que l'objectif poursuivi - éviter que les plus-values sur les actions cédées à perte n'échappent à l'imposition en Suède au profit d'autres pays - pourrait être atteint par des mesures considérablement moins restrictives, par exemple en prévoyant que l'impôt sur les plus-values est exigible lorsque le cédant déménage à l'étranger.

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