Jurisprudence : CJCE, 27-06-1996, aff. C-107/94, P. H. Asscher c/ Staatssecretaris van Financiën

CJCE, 27-06-1996, aff. C-107/94, P. H. Asscher c/ Staatssecretaris van Financiën

A1787AW4

Référence

CJCE, 27-06-1996, aff. C-107/94, P. H. Asscher c/ Staatssecretaris van Financiën. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1008146-cjce-27061996-aff-c10794-p-h-asscher-c-staatssecretaris-van-financien
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Cour de justice des Communautés européennes

27 juin 1996

Affaire n°C-107/94

P. H. Asscher
c/
Staatssecretaris van Financiën



61994J0107

Arrêt de la Cour (cinquième chambre)
du 27 juin 1996.

P. H. Asscher contre Staatssecretaris van Financiën.

Demande de décision préjudicielle: Hoge Raad - Pays-Bas.

Article 52 du traité CE - Obligation d'égalité de traitement - Imposition sur le revenu des non-résidents.

Affaire C-107/94.

Recueil de Jurisprudence 1996 page I-3089

1. Libre circulation des personnes ° Liberté d'établissement ° Dispositions du traité ° Champ d'application personnel ° Ressortissant non-résident d'un État membre exerçant parallèlement des activités non salariées sur le territoire de celui-ci et dans un autre État membre ° Inclusion

(Traité CE, art. 52)

2. Libre circulation des personnes ° Liberté d'établissement ° Législation fiscale ° Impôts sur le revenu ° Ressortissant non-résident d'un État membre exerçant parallèlement des activités non salariées sur le territoire de celui-ci et dans un autre État membre ° Imposition supérieure à celle applicable aux résidents ° Inadmissibilité ° Compensation, par des mesures fiscales, de la non-affiliation et de la non-perception de cotisations au régime national de sécurité sociale ° Inadmissibilité

(Traité CE, art. 52; règlement du Conseil n° 1408/71)

1. Un ressortissant d'un État membre exerçant une activité non salariée dans un autre État membre, où il réside, peut invoquer le bénéfice des règles de l'article 52 du traité à l'égard de son État d'origine, sur le territoire duquel il exerce une autre activité non salariée, dès lors que, par l'exercice d'une activité économique dans un autre État membre que son État d'origine, il se trouve à l'égard de ce dernier dans une situation assimilable à celle de tout autre sujet invoquant, à l'égard de l'État d'accueil, le bénéfice des droits et libertés garantis par le traité.

2. L'article 52 du traité doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un État membre applique à un ressortissant d'un État membre exerçant une activité non salariée sur son territoire et exerçant parallèlement une autre activité non salariée dans un autre État membre, où il réside, un taux d'impôt sur le revenu supérieur à celui applicable aux résidents exerçant la même activité dès lors qu'il n'existe aucune différence de situation objective entre ces contribuables et les contribuables résidents et assimilés susceptible de justifier pareille différence de traitement. Tel est le cas, entre autres, lorsque le fait d'être non-résident ne permet pas d'échapper à l'application de la règle de la progressivité de l'impôt et que les deux catégories de contribuables se trouvent donc dans une situation comparable au regard de cette règle.

Un État membre ne saurait non plus tenir compte, au moyen d'un tel taux majoré d'imposition sur le revenu, du fait que, en raison des dispositions pertinentes, en matière de détermination de la législation sociale applicable, du règlement n° 1408/71, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, le contribuable n'est pas soumis à l'obligation de cotiser à son régime national d'assurances sociales. La circonstance que le contribuable est affilié au régime de sécurité sociale de son État de résidence, qui résulte également dudit règlement, est sans pertinence à cet égard.

Dans l'affaire C-107/94,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Hoge Raad der Nederlanden et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

P. H. Asscher,

Staatssecretaris van Financiën,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 48 du traité CEE, devenu traité CE,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. D. A. O. Edward, président de chambre, J.-P. Puissochet, J. C. Moitinho de Almeida, C. Gulmann et M. Wathelet (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: M. H. A. Ruehl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

° pour M. P. H. Asscher, par M. M. W. C. Feteris, conseiller fiscal,

° pour le gouvernement néerlandais, par M. A. Bos, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

° pour le gouvernement allemand, par M. E. Roeder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, en qualité d'agent,

° pour le gouvernement belge, par M. J. Devadder, directeur d'administration au ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, en qualité d'agent,

° pour le gouvernement français, par Mme C. de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. J.-L. Falconi, secrétaire des affaires étrangères à la même direction, en qualité d'agents,

° pour la Commission des Communautés européennes, par Mme H. Michard et M. B. J. Drijber, membres du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de M. Asscher, représenté par M. M. W. C. Feteris, du gouvernement néerlandais, représenté par M. J. S. van den Oosterkamp, conseiller juridique adjoint au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, du gouvernement français, représenté par M. F. Pascal, chargé de mission à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par MM. S. Braviner, du Treasury Solicitor' s Department, en qualité d'agent, et A. Moses, QC, et de la Commission, représentée par M. B. J. Drijber, à l'audience du 14 décembre 1995,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 15 février 1996,

rend le présent

Arrêt

1 Par ordonnance du 23 mars 1994, parvenue à la Cour le 30 mars suivant, le Hoge Raad der Nederlanden a posé, en application de l'article 177 du traité CE, cinq questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 48 du traité CEE, devenu traité CE.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant le Staatssecretaris van Financiën à M. Asscher, ressortissant néerlandais qui travaille aux Pays-Bas sans y résider, à propos de l'application à ce dernier d'un taux d'impôt sur le salaire supérieur à celui applicable aux contribuables résidents aux Pays-Bas ou assimilés qui y exercent la même activité.

3 Aux Pays-Bas, la fiscalité directe des personnes physiques est régie par la Wet op de inkomstenbelasting, du 16 décembre 1964 (loi relative à l'impôt sur le revenu, Staatsblad 519, ci-après la "loi relative à l'impôt sur le revenu"), et la Wet op de loonbelasting, du 18 décembre 1964 (loi relative à l'impôt sur le salaire, Staatsblad 521, ci-après la "loi relative à l'impôt sur le salaire"), qui ont fait l'objet d'une réforme au cours de l'année 1989 (versions modifiées figurant respectivement au Staatsblad 1990, 103 et 104).

4 En vertu des lois des 27 et 28 avril 1989 (Staatsblad 122, 123, 129 et 611), une perception combinée de l'impôt et des cotisations d'assurances sociales a été instaurée, avec effet au 1er janvier 1990, en ce qui concerne tant l'impôt sur le revenu que l'impôt sur le salaire. La perception s'effectue désormais en fonction d'une assiette uniforme: le revenu imposable et le revenu servant de base au calcul des cotisations sociales coïncident, en sorte que le montant exonéré d'impôt et de cotisations (c'est-à-dire la "franchise de base") est le même.

5 Le barème d'imposition, composé de trois tranches, est fixé par les articles 20a et 20b de la loi relative à l'impôt sur le salaire (et, de la même manière, par les articles 53a et 53b de la loi relative à l'impôt sur le revenu), qui prévoient, uniquement en ce qui concerne la première tranche du montant imposable, des taux distincts. En revanche, dans le cadre du barème existant avant la réforme fiscale, un même taux de 14 % était applicable sur la première tranche pour les contribuables bénéficiant de salaires provenant d'une source interne aux Pays-Bas.

6 L'article 20a prévoit un barème pour les contribuables résidant aux Pays-Bas ou étant assimilés à ces derniers. L'assimilation est constituée lorsque le contribuable non-résident démontre que son revenu mondial consiste exclusivement ou presque exclusivement (c'est-à-dire à concurrence d'au moins 90 %) en revenus imposables aux Pays-Bas, cette dernière condition étant réputée remplie si le contribuable est soumis, aux Pays-Bas, à la perception de cotisations au titre du régime général obligatoire d'assurances sociales ("volksverzekeringen"). Pour ces contribuables, le taux d'impôt sur la première tranche du montant imposable s'élève à 13 %.

7 Il convient de relever que, en ce qui concerne l'exercice fiscal de 1990, la première tranche du montant imposable correspondait à un revenu annuel imposable inférieur ou égal à 42 123 HFL. Le taux des cotisations d'assurances sociales générales perçues en même temps que l'impôt sur la seule première tranche d'imposition était alors de 22,1 %. Le montant total prélevé sur le salaire des contribuables résidents et assimilés s'élevait en conséquence à 35,1 %.

8 L'article 20b prévoit un barème, dit "barème étranger", applicable aux contribuables non-résidents ne satisfaisant pas aux conditions de l'article 20a, c'est-à-dire obtenant moins de 90 % de leur revenu mondial aux Pays-Bas et n'étant pas tenus de cotiser aux assurances sociales néerlandaises. Ces derniers sont redevables sur la première tranche d'un impôt plus élevé, d'un taux de 25 %.

9 En ce qui concerne les deux autres tranches du barème, l'impôt s'élève, pour tous les contribuables sans distinction, à 50 % sur la deuxième tranche du montant imposable et à 60 % sur la troisième (ce dernier taux était de 72 % avant la réforme de 1989).

10 Il ressort du dossier que M. Asscher est directeur aux Pays-Bas d'une société à responsabilité limitée, la P. H. Asscher Beheer BV, dont il est l'unique actionnaire.

11 M. Asscher exerce également une activité professionnelle en Belgique, où il dirige une société de droit belge, la société Vereudia, pour laquelle il n'exerce des activités qu'à l'intérieur de cet État.

12 Au mois de mai 1986, M. Asscher a transféré sa résidence des Pays-Bas en Belgique sans que ce déménagement ait entraîné de changement dans l'exercice de ses activités tant aux Pays-Bas qu'en Belgique.

13 Sur le plan fiscal, les règles de répartition de la compétence de perception de l'impôt entre le royaume de Belgique et le royaume des Pays-Bas sont fixées par la convention bilatérale du 19 octobre 1970, tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et à régler certaines autres questions en matière fiscale (Tractatenblad 1970, n° 192, ci-après la "convention").

14 En application des dispositions combinées des articles 16, paragraphe 1, et 24, paragraphe 2, 1 , première phrase, de cette convention, le revenu obtenu par M. Asscher aux Pays-Bas, à savoir la rémunération que lui verse sa société néerlandaise, est exclusivement imposable aux Pays-Bas.

15 En Belgique, État de sa résidence, M. Asscher est imposé sur le reste de ses revenus. Les revenus qu'il a perçus aux Pays-Bas sont exemptés d'impôt mais, en application de la deuxième phrase de l'article 24, paragraphe 2, 1 , de la convention précitée, la Belgique reste en droit de tenir compte des revenus exemptés pour fixer le taux de ses impôts et appliquer ainsi la clause de progressivité.

16 Sur le plan de la sécurité sociale, la situation de M. Asscher est la suivante.

17 M. Asscher a été affilié au régime néerlandais des assurances sociales générales jusqu'à son transfert de résidence en Belgique, au mois de mai 1986. Depuis lors, il n'a plus été soumis à l'obligation de cotiser aux assurances sociales générales néerlandaises et a été exclusivement soumis à la législation belge en matière de sécurité sociale. Au moment des faits, il était affilié de manière obligatoire en Belgique aux assurances sociales du régime des indépendants.

18 Au mois de juin 1990, période salariale en cause dans l'espèce au principal, le taux de 25 % a été appliqué, en ce qui concerne la première tranche d'imposition, au salaire perçu par M. Asscher aux Pays-Bas.

19 A la suite du rejet de la réclamation qu'il avait introduite contre la retenue fiscale effectuée sur son salaire du mois de juin 1990, M. Asscher a formé un recours devant le Gerechtshof te Amsterdam, estimant que l'application du taux de 25 % constituait, de manière générale, une discrimination indirecte en raison de la nationalité, contraire aux articles 7 et 48 du traité CEE, devenus les articles 6 et 48 du traité CE.

20 Dans sa décision du 13 avril 1992, le Gerechtshof a rejeté l'argumentation relative à la discrimination. Il a observé que, avant le 1er janvier 1990, un contribuable tel que l'intéressé, non tenu de cotiser aux assurances sociales générales (ci-après le "contribuable non-cotisant"), payait l'impôt sur le salaire et sur le revenu au même taux qu'un contribuable redevable des cotisations d'assurances sociales générales (ci-après le "contribuable cotisant"), mais que ce dernier pouvait déduire celles-ci de l'assiette de son impôt.

21 D'après le Gerechtshof, pour le contribuable cotisant, la baisse générale des taux qui a pris effet au 1er janvier 1990 a eu pour contrepartie la suppression de la déductibilité des cotisations d'assurances sociales générales du montant imposable. Ce désavantage n'a, en revanche, pas affecté les contribuables non-cotisants. Selon le Gerechtshof, sans l'application aux contribuables non-cotisants d'un taux d'imposition majoré, l'abaissement général des taux aurait représenté pour eux un avantage injustifié par rapport aux autres contribuables. Il a, en conséquence, jugé objectivement justifiée l'instauration, dans le cadre de la réforme fiscale, de taux d'imposition distincts selon que le contribuable cotise ou ne cotise pas.

22 M. Asscher a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

23 Doutant de l'interprétation de dispositions du traité CE, le Hoge Raad a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) L'article 48 du traité permet-il à un État membre (l'État de travail) de soumettre le salaire gagné dans cet État auprès d'un employeur qui y est établi à une imposition sur le revenu et sur le salaire sensiblement plus lourde lorsque le travailleur ne réside pas dans l'État de travail, mais dans un autre État membre?

2) En cas de réponse négative à la première question, la différence de traitement est-elle néanmoins autorisée lorsque le revenu mondial du travailleur, calculé selon les normes de l'État de travail, est composé de telle manière qu'il consiste à concurrence de moins de 90 % en revenus pouvant être pris en compte par l'État de travail aux fins de l'impôt sur le revenu dans le cas de non-résidents?

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