La lettre juridique n°423 du 13 janvier 2011 : Entreprises en difficulté

[Textes] Adaptation du droit des entreprises en difficulté à l'EIRL par l'ordonnance du 9 décembre 2010

Réf. : Ordonnance n° 2010-1512 du 9 décembre 2010, portant adaptation du droit des entreprises en difficulté et des procédures de traitement des situations de surendettement à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (N° Lexbase : L8794INZ)

Lecture: 14 min

N1473BRY

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Textes] Adaptation du droit des entreprises en difficulté à l'EIRL par l'ordonnance du 9 décembre 2010. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3555078-textes-adaptation-du-droit-des-entreprises-en-difficulte-a-leirl-par-lordonnance-du-9-decembre-2010
Copier

par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, membre du CERDP, Directeur du master 2 Droit des difficultés d'entreprise

le 17 Janvier 2011

La loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 (loi relative à l'entrepreneur à responsabilité limitée N° Lexbase : L5476IMR) a créé l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, ci-après désigné EIRL. Il s'est agi, par cette nouvelle organisation juridique, de permettre à un entrepreneur d'isoler, dans un patrimoine affecté, une masse de biens et de droits, qui répondront seuls, par principe, des dettes générées par l'exploitation de l'entreprise, et cela sans création d'un nouvel être juridique. L'EIRL sera ainsi à la tête d'au moins deux patrimoines, celui affecté à son entreprise et le patrimoine non affecté, qui peut, au demeurant, abriter une autre entreprise individuelle. A partir de 2013, une même personne physique pourra avoir plusieurs patrimoines affectés.
L'un des piliers du droit des biens, celui de l'unicité du patrimoine, est ainsi tenu en échec. Cela emporte de très importantes conséquences, qui ont conduit le législateur à poser un certain nombre de règles d'adaptation du droit des entreprises en difficulté à cette figure juridique nouvelle, pour tenir compte de la possibilité pour un individu d'être à la tête de plusieurs patrimoines, les actifs de chacun des patrimoines devant, par principe, répondre des dettes de chacun de ceux-ci.
C'est l'objet de l'ordonnance n° 2010-1512 du 9 décembre 2010, portant adaptation du droit des entreprises en difficulté et des procédures de traitement des situations de surendettement à l'EIRL. Ces adaptations prennent deux formes : une modification des textes existant du livre VI du Code de commerce, pour tenir compte de la création de l'EIRL et surtout, la création d'un corps de règles particulier, applicable spécifiquement à l'EIRL, Il s'agit d'un titre VIII inséré dans le Code de commerce, emportant ajout au code des articles L. 680-1 (N° Lexbase : L8970INK) à L 680-7. Le mécanisme de l'EIRL repose tout entier sur le principe d'étanchéité des patrimoines, qui conduit à observer que la procédure de traitement des difficultés est davantage ouverte contre un patrimoine que contre une personne.

L'ouverture des procédures de conciliation et des procédures collectives permet de se convaincre de cette affirmation. La situation économique du débiteur est appréciée patrimoine par patrimoine. C'est bien la signification du nouvel article L. 680-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L8969INI), selon lequel "les dispositions des titres 1er à VI du présent livre qui intéressent la situation économique [...] du débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée doivent, sauf dispositions contraires, être comprises comme visant les éléments du seul patrimoine affecté à l'activité en difficulté ou, si l'activité est exercée sans affectation de patrimoine, du seul patrimoine non affecté".

Ainsi, pour savoir si un débiteur est en état de cessation des paiements, il faut tenir compte uniquement des éléments de l'actif disponible du patrimoine concerné par l'ouverture de la procédure, que l'on va mettre en balance avec le passif exigible généré par ce patrimoine. Puisqu'il faut raisonner patrimoine par patrimoine, il est possible, pour un même débiteur, de connaître plusieurs procédures collectives.

La possibilité pour un débiteur de bénéficier de l'ouverture d'une sauvegarde est conditionnée par la démonstration qu'il rencontre des difficultés qu'il ne peut surmonter. La Cour de cassation, rapidement, a précisé que le débiteur seul ne devait pas pouvoir surmonter ses difficultés, peu important s'agissant d'une filiale, qui se trouve au sein d'un groupe de sociétés sain (1), voire sous le contrôle d'une société mère dont la situation est florissante, aisément à même de l'aider à surmonter les difficultés rencontrées. En présence d'un EIRL, le raisonnement, qui doit être mené patrimoine par patrimoine, ainsi que le précise l'article L. 680-2 du Code de commerce en disposant que "les dispositions des titres 1er à VI du présent livre qui intéressent la situation économique [...] du débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée doivent, sauf dispositions contraires, être comprises comme visant les éléments du seul patrimoine affecté à l'activité en difficulté ou, si l'activité est exercée sans affectation de patrimoine, du seul patrimoine non affecté", doit-il conduire à décider qu'il faut, pour savoir si l'EIRL peut bénéficier de la sauvegarde, raisonner uniquement sur le patrimoine que le débiteur veut placer sous le bénéfice de la sauvegarde ? La logique de l'EIRL semble bien commander une réponse positive. La morale n'est peut-être alors pas sauve, car l'on va demander aux créanciers des efforts, que le débiteur lui-même, sur ses autres patrimoines, ne veut pas consentir. Il y a là de quoi, nous semble-t-il, s'émouvoir quelque peu, au regard de la morale des affaires...

Le principe de l'unicité du patrimoine étant abandonné, symétriquement est abandonné celui de l'unicité de procédure collective, traduit par le célèbre adage "faillite sur faillite ne vaut". Il sera ainsi possible de placer l'EIRL sous procédure collective, cependant qu'au titre de son patrimoine non affecté, une autre procédure collective autonome pourra être ouverte, si ce dernier abrite une autre entreprise. A partir du moment où il sera possible de constituer plusieurs entreprises individuelles à responsabilité limitée, on pourra envisager autant de procédures collectives que d'entreprises, une procédure collective supplémentaire pouvant, en outre, être ouverte du chef du patrimoine non affecté.

La possibilité de démultiplication des procédures emporte une autre conséquence, prise en compte par l'ordonnance du 9 décembre 2010. La personne exploitant une EIRL peut bénéficier de la procédure de surendettement au titre de son patrimoine non affecté. L'article L. 333-7 du Code de la consommation (N° Lexbase : L9077INI), qui pose cette règle, est novateur, mais trouve parfaitement sa justification dans l'idée de traitement des difficultés patrimoine par patrimoine. Pour que la procédure de surendettement trouve application au bénéfice d'une personne éligible aux procédures collectives, il faudra que le surendettement soit caractérisé par des dettes contractées au titre de son patrimoine non affecté et, en outre, que ces dettes ne soient pas de nature professionnelles. Les dettes contractées dans le cadre de la création ou de l'exploitation de l'EIRL, non seulement ne seront pas prises en compte pour apprécier l'état de surendettement, mais encore ne seront pas traitées dans le plan conventionnel ou judiciaire de la procédure de surendettement, ou encore dans le cadre de la procédure de rétablissement personnel. Ainsi, la personne physique éligible aux procédures collectives du livre VI du Code de commerce est également éligible, au titre de son patrimoine non affecté, aux procédures de surendettement. En outre, les procédures peuvent se combiner, puisqu'il s'agit de traiter des passifs inclus dans des patrimoines différents.

Puisqu'il est possible d'ouvrir plusieurs procédures collectives simultanément, elles ne produiront pas l'effet universel d'appréhension des biens, droits et obligations du débiteur, comme cela est le cas en présence d'une procédure collective classique. Trois articles du Code de commerce, tels qu'il résultent de la rédaction que leur donne l'ordonnance du 9 décembre 2010, ont vocation à traduire ce principe nouveau d'éclatement des biens, droits et obligations, en fonction du patrimoine affecté par l'ouverture de la procédure collective : les articles L. 680-2 à L. 680-4.

L'article L. 680-4 (N° Lexbase : L8967ING) a spécialement vocation à s'intéresser à l'entreprise et, par voie de conséquence, aux règles qui concernent sa gestion pendant la période d'observation ou celle de la liquidation judiciaire.

Selon ce texte, lorsque les dispositions du livre VI du Code de commerce visent l'entreprise, elles doivent s'entendre comme visant "l'entreprise exploitée dans le cadre de l'activité en difficulté". Ainsi, toutes les règles de gestion de l'entreprise pendant la période d'observation n'ont-elles vocation à s'appliquer qu'à l'entreprise logée dans le patrimoine concerné par la procédure collective. Il en est ainsi, par exemple, des règles qui gouvernent la répartition de pouvoirs entre le débiteur et l'administrateur judiciaire, qualifiées de règles de l'administration contrôlée. De même, les règles relatives à la continuation des contrats en cours devront-elles s'appliquer distributivement, en fonction des patrimoines concernés par la procédure collective. La solution résulte des nouveaux articles L. 680-4 et L. 680-5.

Les règles relatives au dessaisissement du débiteur doivent identiquement s'appliquer au regard des seuls biens et droits compris dans le périmètre de la procédure collective, et non sur tous les biens saisissables du débiteur. Le débiteur en liquidation judiciaire au titre de l'un de ses patrimoines restera parfaitement maître de ses biens -in bonis- au regard de tous ses autres patrimoines. Il pourra donc vendre, constituer en garantie de la dette de tiers ou donner les éléments de son patrimoine non affecté par la procédure collective.

Symétriquement, les créanciers ne seront soumis à la discipline collective que de façon distributive, en raisonnant au regard du seul patrimoine concerné par la procédure collective. La solution résulte clairement de l'article L. 680-3 nouveau du Code de commerce (N° Lexbase : L8968INH), selon lequel "les dispositions du livre VI du [Code de commerce] qui intéressent les droits ou obligations des créanciers du débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée s'appliquent, sauf dispositions contraires, dans les limites du seul patrimoine affecté à l'activité en difficulté ou, si l'activité est exercée sans affectation de patrimoine, du seul patrimoine non affecté".

Seul le créancier détenant une créance pouvant être rattachée au patrimoine en rapport avec l'activité en difficulté sera soumis à la discipline collective. Si le créancier détient une créance sur le débiteur, qui se rattache au patrimoine non affecté, il ne sera pas concerné par la procédure collective ouverte contre ce même débiteur, si elle l'est au titre de son EIRL.

Ce critère permet de déterminer les créanciers soumis à l'interdiction des paiements, à l'interdiction ou à l'interruption des poursuites individuelles et des voies d'exécution et à l'obligation corrélative de déclarer leur créance au passif.

Le chef d'entreprise EIRL pourra passer des contrats avec lui-même, au titre d'un autre patrimoine. Il en résulte qu'il sera soumis, comme s'il était un tiers, à exercer, au titre d'un patrimoine autre que celui concerné par la procédure collective, une action en reprise dans la procédure collective, qui est une variété d'action en revendication, obéissant dans les grandes lignes, au régime procédural de l'action en revendication sous une réserve : il ne sera jamais demandé au débiteur son avis sur la décision prise par l'organe compétent pour acquiescer, puisque la demande en acquiescement de reprise du bien émane du débiteur lui-même.

Le principe de l'étanchéité des patrimoines, sur lequel repose la structure juridique de l'EIRL est toutefois tenu en échec dans un nombre de cas relativement grand, qui font apparaître soit une disparition totale du cloisonnement des patrimoines, soit une responsabilité de l'EIRL pouvant être étendue aux patrimoines non concernés par la procédure.

La première illustration de la disparition totale du cloisonnement des patrimoines tient à la création d'une action en réunion de patrimoines, qui n'est, en réalité, rien d'autre qu'une action en confusion des patrimoines. Cette action sera d'abord fondée dans tous les cas d'action en confusion des patrimoines. Mais elle le sera encore dans des cas spécifiquement prévus pour l'EIRL : un manquement grave aux règles d'affectation à un patrimoine, c'est-à-dire la violation des règles prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L5612IMS) ou un manquement grave aux obligations comptables et bancaires de fonctionnement de l'EIRL prévues à l'article L. 526-13 du même code (N° Lexbase : L5607IMM). Il s'agit ici de faire "sauter" l'étanchéité entre des patrimoines, dès lors que les règles présidant à cette étanchéité ne sont pas respectées.

Dans d'autres cas, il s'agit de rendre responsable l'EIRL sur tous ses biens, ce qui revient également à faire disparaître le cloisonnement entre les patrimoines. Il en est ainsi du jeu de l'article L. 526-12, avant dernier alinéa, du Code de commerce (N° Lexbase : L5608IMN) : manquement grave aux règles d'affectation à un patrimoine ou fraude.

L'article L. 562-12, alinéa 1er, du Code de commerce pose le principe d'opposabilité de plein droit de l'affectation aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à son dépôt. Pour les créanciers antérieurs, l'opposabilité est possible, mais à la double condition qu'il soit fait mention de la créance préexistante dans la déclaration d'affectation (2) et que le créancier concerné en soit informé. Si cette double condition n'est pas remplie, le créancier antérieur au dépôt de l'affectation peut l'ignorer. En outre, si l'entrepreneur a respecté ces conditions au jeu de l'opposabilité de la déclaration d'affectation, le créancier concerné peut former opposition afin de faire déclarer inopposable l'affectation. La juridiction rejettera l'opposition ou ordonnera soit le remboursement des créances, soit la constitution de sûretés. Si, selon le cas, le remboursement ou la constitution de sûretés n'intervient pas, la déclaration d'affectation sera inopposable au créancier opposant.

Si la déclaration d'affectation est inopposable à un créancier, ce dernier peut opposer au patrimoine affecté son droit de créance, qui se rattache pourtant au patrimoine non affecté. En cas de procédure collective atteignant l'EIRL, il ne pourra toutefois exercer son droit de créance qu'en déclarant sa créance au passif de l'EIRL. L'inopposabilité de la création du patrimoine d'affectation lui confère le droit d'accès au gage général soumis à la procédure collective, mais ne l'émancipe pas de l'obligation de respecter les règles d'opposabilité du droit de créance à la procédure collective, ce qui passe par une déclaration de créance au passif.

L'inopposabilité peut ne concerner que l'affectation d'un immeuble (C. com., art. L. 526-9 N° Lexbase : L5598IMB). Cette dernière obéit notamment aux règles de la publicité foncière. Si les règles présidant à l'affectation de l'immeuble à un patrimoine ne sont pas respectées, l'affection est inopposable. L'immeuble reste donc le gage des créanciers du patrimoine non affecté (3). En application de l'article L. 526-11 (N° Lexbase : L5597IMA), l'affectation d'un bien commun ou indivis suppose l'accord exprès du conjoint ou des coïndivisaires. A défaut, l'affectation est inopposable, semble-t-il, aux créanciers du patrimoine affecté, le bien restant dans le gage des créanciers du patrimoine non affecté (4).

Le législateur édicte également un certain nombre de cas dans lesquels l'on peut constater une responsabilité illimitée de l'EIRL.

Il en est d'abord ainsi en cas de problème de valorisation des biens affectés. L'article L. 526-10, alinéa 1er, du Code (N° Lexbase : L5609IMP) pose le principe d'une évaluation de tout élément d'actif du patrimoine affecté, autre que des liquidités, d'une valeur supérieure à un montant fixé par décret, par un professionnel du chiffre ou un notaire, s'agissant d'un immeuble. Deux cas de figure sont envisagés par le législateur.
Dans une première situation, lorsque la valeur déclarée par l'EIRL est supérieure à l'évaluation faite, l'EIRL est responsable à hauteur de la différence pendant 5 ans à l'égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté ou non. Il serait toutefois illogique qu'il soit tenu sur un autre patrimoine affecté, hypothèse que ne semble pas avoir envisagée le législateur.
Dans une seconde situation, le législateur envisage l'hypothèse d'absence d'évaluation par un professionnel. Une sanction comparable à celle précédemment décrite est posée : l'EIRL est alors tenu de la différence entre la valeur qu'il a déclarée et la valeur réelle du bien lors de l'affectation.

Ces règles peuvent être mises en oeuvre par le défenseur de l'intérêt collectif des créanciers en cas de procédure collective, c'est-à-dire le mandataire judiciaire ou le liquidateur, et, en cas de carence de ces deniers, et après une mise en demeure restée infructueuse, par un contrôleur, défendant alors subsidiairement l'intérêt collectif des créanciers. Ces règles mettant euli.n jeu l'intérêt collectif des créanciers ne semblent, en revanche, pas pouvoir être mises en oeuvre par un créancier agissant ut sing

Les article 5 à 7 de la loi du 15 juin 2010 prévoient que lorsque l'EIRL, par des manoeuvres frauduleuses ou à la suite de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales ou sociales, a rendu impossible le recouvrement des cotisations fiscales et sociales dont il est redevable au titre de cette activité, le recouvrement de ces sommes peut être recherché sur le patrimoine non affecté dès lors que le tribunal de grande instance a constaté la réalité de ces agissements. Une règle symétrique est posée lorsque les agissements de l'intéressé ont rendu impossible le recouvrement des impôts étrangers à son activité professionnelle. En ce cas, le recouvrement peut être recherché sur le patrimoine affecté. En cas de procédure collective de l'EIRL, l'administration fiscale devra toutefois limiter ses prétentions à une déclaration de créance au passif de l'EIRL. Cette solidarité fiscale et sociale prend ici un tour un peu particulier, puisqu'il s'agit d'instaurer une solidarité entre patrimoines, et non entre deux personnes. L'action n'appartient pas au défenseur de l'intérêt collectif des créanciers, puisqu'il n'est question que de protéger une catégorie de créanciers. Elle n'appartient, en conséquence, qu'aux créanciers protégés, le Trésor public ou les administrations sociales, selon le cas.

L'article L. 526-12, dernier alinéa, du Code de commerce permet une appréhension du bénéfice de l'EIRL réalisé au titre du dernier exercice clos, en cas d'insuffisance du patrimoine non affecté. Le législateur part du postulat que le bénéfice de l'EIRL est un bien du patrimoine de cet EIRL, qui ne peut donc, par principe, être appréhendé par les créanciers du patrimoine non affecté. Ce principe est écarté en cas d'insuffisance patrimoniale, qui rappelle un peu le droit pour les créanciers d'une société civile de poursuivre les associés, dans cette même hypothèse. Ici encore, il s'agit d'une sorte de responsabilité indéfinie de l'EIRL, qui est tenu envers des créanciers qui ne sont pas ceux du patrimoine affecté. En cas de procédure collective de l'EIRL, ce droit sur le gage du patrimoine affecté, portant spécialement sur le bénéfice, pendra la forme d'une déclaration au passif.

Un auteur a très bien démontré les emprunts fonctionnels de l'EIRL à l'EURL (5), le législateur utilisant des techniques et des concepts du droit des sociétés pour les appliquer à une personne physique. L'une des illustrations importantes de ce propos tient à la possibilité de condamner l'EIRL sur son patrimoine non affecté, en cas de faute de gestion ayant contribué à la création ou à l'augmentation d'une insuffisance d'actif. L'EIRL répondra de ses fautes de gestion à l'instar du dirigeant d'une société débitrice. Comme le dirigeant social condamné, le débiteur personne physique ne pourra, s'il est créancier de l'EIRL au titre d'un autre de ses patrimoines, participer aux distributions consécutives à sa condamnation.

Ainsi, au final, le principe est assez simple : un patrimoine, composé de biens et de droits, qui répond de dettes générées par l'exploitation de l'entreprise logée dans ce patrimoine. Mais les exceptions au principe sont assez nombreuses. Ce qui est plus inquiétant, encore, est qu'elles ont vocation à jouer assez facilement, dès lors que le débiteur n'aura pas scrupuleusement respecté les règles de constitution du patrimoine affecté ou les règles de fonctionnement et de gestion de ce même patrimoine affecté.

Est-on bien sûr que cet instrument de protection juridique des plus faibles jouera véritablement ce rôle, eu égard à sa sophistication ? Une sérieuse notice d'emploi devra être fournie à l'utilisateur, si l'on ne veut pas que la promesse d'un outil de protection ne se transforme en un merveilleux miroir aux alouettes (6).


(1) Cass. com. 26 juin 2007, n° 06-20.820, FSP+B+R+I (N° Lexbase : A9315DWW), Bull. civ. IV, n° 177 ; D., 2007, AJ 1864, note A. Lienhard ; D., 2008, pan. 570, obs. F.-X. Lucas ; Gaz. proc. coll., 2007/4, p. 20, note Ch. Lebel ; Act. proc. coll., 2007/13, n° 145, note J. Vallansan ; JCP éd. E, 2007, 2120, p. 28, note J. Vallansan ; RD banc. et fin., juillet-août 2007, p. 23, n° 158, note F.-X. Lucas ; Dr. sociétés, octobre 2007, p. 22, n° 177, note J.-P. Legros ; Rev. proc. coll., 2007/4, p. 223, n° 4, obs. B. Saintourens ; JCP éd. E, 2008, chron. 1207, n° 2, p. 29, obs. crit. Ph. Pétel ; RJ com., 2007, p. 359, note Ph. Roussel Galle ; Defrénois, 2007, 38675, p. 1575, n° 11, note D. Gibirila ; Rev. proc. coll., 2008, p. 50, note G. Sonier et N. Ghalimi ; RJDA, 2008/2, p. 103, note H. Guyader ; Dr. et patr., 2008, n° 172, p. 103, note C. Saint-Alary Houin ; Bull. Joly sociétés, novembre 2007, § 314, p. 1165, note C. Régnaut-Moutier ; et nos obs. in La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre, Lexbase Hebdo n° 269 du 19 juillet 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N9341BBL).
(2) Comp., toutefois, F. Vauvillé, Commentaire de la loi du 15 juin 2010 relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, Defrénois, 2010, art. 39144, p. 1649, sp. p. 1660.
(3) En ce sens aussi, F. Vauvillé, art. préc., sp. p. 1658.
(4) Sur cette question, M. Sénéchal, Le patrimoine affecté à l'épreuve du droit des procédures collectives, Dr. et patr., 2010, n° 191, p. 89 et s., sp. p. 93.
(5) A. Guesmi, EIRL versus EURL à l'aune du droit des procédures collectives, D., 2011, n° 2.
(6) Sur cette prophétie, Th. Montéran, EIRL: le miroir aux alouettes ?, Gaz. pal., éd. spécialisée Droit des entreprises en difficultés, Editorial, janvier 2011.

newsid:411473

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.