La lettre juridique n°423 du 13 janvier 2011 : Consommation

[Jurisprudence] Le consommateur ne dispose pas d'un droit de rétractation s'il réserve une nuit d'hôtel par voie électronique

Réf. : Cass. civ. 1, 25 novembre 2010, n° 09-70.833, F-P+B+I (N° Lexbase : A3361GL3)

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par Malo Depincé, Maître de conférences à l'Université de Montpellier I, Avocat au barreau de Montpellier

le 31 Janvier 2011

La Cour de cassation vient de confirmer, dans un arrêt du 25 novembre 2010, que les réservations de nuits d'hôtel par voie électronique ne permettaient pas au consommateur lésé de faire valoir son droit légal de rétractation. Cela n'est pas sans conséquence, notamment pour celui qui réserve un forfait à un prix des plus attractifs sans avoir pris soin de prendre connaissance des conditions générales de vente. Largement défavorable aux consommateurs, la restriction est pourtant plus large encore que le seul fait d'espèce (v. infra). Un couple avait, à distance, par voie électronique et par l'intermédiaire d'une agence de voyages réservé plusieurs nuits d'hôtel à Dakar. Il avait donc rempli un formulaire de réservation sur le site internet de cette agence puis l'avait envoyé par voie électronique, en cliquant sur le bouton de validation de commande.
Dès le lendemain, le couple invoquait une erreur de saisie dans les dates du voyage. Il demandait alors à l'agence de voyages la modification des dates de son séjour ou à défaut le remboursement du prix. Les deux lui ont été refusés.

Sans précision dans l'arrêt, on peut s'interroger sur les conditions de vente de la prestation de service qui étaient imposées dans cette affaire. Dans le cadre d'un contrat classique de réservation de nuits d'hôtel, les professionnels, mais ce n'est là qu'une offre commerciale à laquelle ils ne sont pas tenus, permettent souvent une modification de réservation sous conditions. Si tel n'était pas le cas, en l'espèce, il s'agissait sans doute d'une de ces offres promotionnelles pour lesquelles les prix sont bradés mais les conditions particulièrement rigoureuses. Le risque est grand, alors, pour un consommateur peu attentif ou trop obnubilé par l'offre, d'y souscrire trop rapidement.
Dans une telle hypothèse, seul un droit de rétractation pourrait, efficacement, permettre au consommateur trop pressé de revenir sur ses engagements. Bien évidemment d'autres actions seraient juridiquement envisageables pour permettre au consommateur de revenir sur son engagement. Le droit commun, et plus précisément l'erreur et le dol, pourraient être invoqués pour autant que leurs conditions soient réunies. Il faudrait alors caractériser l'erreur "légitime" ou la manoeuvre "dolosive" du professionnel, ce qui s'avère toujours difficile et aléatoire dans l'hypothèse où les conditions d'engagement étaient clairement exposées sur le site internet de l'agence de voyages (ce qui sera à vérifier dans le cas d'espèce, v. infra).

En comparaison du droit commun, le droit de rétractation présente surtout l'avantage d'une plus grande simplicité et d'une plus grande rapidité. Le juge n'a, a priori, pas à être saisi (même si le présent contentieux démontrerait le contraire) : il suffit au consommateur de signifier au professionnel dans les délais prescrits son intention de se rétracter, qui plus est, selon le Code de la consommation, sans avoir à s'en justifier.

Pourtant, dans cette affaire de réservation d'hôtel par un site internet, point de droit de rétractation selon la Cour de cassation. Le juge de proximité avait certes accueilli la demande de ces consommateurs qui s'étaient trompés dans leur réservation. Au visa de l'article L. 121-20 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1037HBZ), le juge considéra que les demandeurs avaient été privés de leur droit de rétractation. Dans le cadre d'une vente ou d'une prestation de services à distance, en effet, "le consommateur dispose d'un délai de sept jours francs pour exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités, à l'exception, le cas échéant, des frais de retour" (C. consom., art. L. 121-20). Dans cette affaire, le professionnel qui s'estimait ne pas être tenu par un tel droit n'avait vraisemblablement pas indiqué sur son site que le consommateur avait la possibilité de se rétracter pour ce type de contrat, ce qui, si ce droit de rétractation était effectivement applicable, aurait permis de porter le délai à trois mois à compter de l'acceptation de l'offre.
Pour le juge de proximité, le consommateur avait fait connaître sa rétractation au professionnel, encore une fois sans qu'il ait à se justifier, et ce dès le lendemain de l'acceptation de l'offre. Le contrat n'était plus formé.

A l'inverse, le professionnel estimait que le droit de rétractation n'était pas applicable au contrat en cause : "il résulte des dispositions l'article L. 121-20-4 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6449G9Q) que le droit de rétractation de sept jours prévu à l'article L. 121-20 du même code, n'est pas applicable aux prestations d'hébergement, quel que soit le mode de conclusion du contrat dont celles-ci sont l'objet, et notamment en cas de conclusion par la voie électronique". L'argumentaire est simple mais efficace et la Cour de cassation l'a sans grande surprise retenu : "en statuant ainsi alors que le droit de rétractation n'était pas applicable à la prestation de service litigieuse, le tribunal a violé les textes susvisés".

D'autres affaires avaient donné lieu à une solution similaire, les juges retenant pleinement l'exception de l'article L. 121-20-4 qui vise en son 2° "la prestation de services d'hébergement, de transport, de restauration, de loisirs, qui doivent être fournis à une date ou selon une périodicité déterminée", et les exclut donc du bénéfice du droit de rétractation.
La Cour de justice des Communautés européennes avait ainsi jugé que la Directive 97/7 du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (N° Lexbase : L7888AUP), devait être interprétée en ce sens que la notion de contrat de fourniture de services de transports inclut les contrats de fourniture de location de voitures (CJCE, 10 mars 2005, aff. C-336/03 N° Lexbase : A3867DHP). La première chambre civile de la Cour de cassation avait, quant à elle, considéré que le droit de rétractation n'était pas applicable à l'achat auprès de la SNCF d'un billet de train via le site Thalys (Cass. civ. 1, 6 décembre 2007, n° 06-16.466, F-D N° Lexbase : A0323D3D, Contrats conc. consom., 2008, comm. n° 58, obs. G. Raymond).

L'exception est issue de la Directive communautaire du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (Directive CE 97/7 N° Lexbase : L7888AUP, transposée dans le Code français de la consommation par l'ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 N° Lexbase : L2527ATR, v. G. Raymond, JCP éd. G, 2001, Chronique n° 50). La loi française n'accordait auparavant aucun droit de rétractation pour les prestations de services conclues à distance, la Directive a donc renforcé la protection du consommateur sur ce point mais avec quelques exceptions dont les deux époux souhaitant partir au Sénégal ont fait les frais.

La juridiction de proximité n'avait pourtant pas écarté l'argument invoqué d'un revers de la main. Elle avait considéré que l'article L. 121-20-4 du Code de la consommation s'interprète dans le sens qu'en matière de commerce électronique de prestations de services d'hébergement, le consommateur dispose d'un droit de rétractation qui doit faire l'objet d'une "information renforcée conformément aux articles L. 121-18 (N° Lexbase : L8350IM9) et L. 121-19 (N° Lexbase : L8349IM8) du même code".
L'argument est intéressant, étant précisé que, si le droit de rétractation n'est pas applicable aux prestations visées par le 2° de l'article L. 121-20-4 du Code de la consommation, les dispositions des articles L. 121-18 et L. 121-19 sont pleinement applicables et visent une parfaite information du consommateur. L'avant-dernier alinéa de l'article L. 121-18 dispose, par ailleurs, que "ces informations, dont le caractère commercial doit apparaître sans équivoque, sont communiquées au consommateur de manière claire et compréhensible, par tout moyen adapté à la technique de communication à distance utilisée".
Poursuivons le raisonnement de la juridiction de proximité : les conditions générales de vente de l'agence de voyages stipulaient que "le nouvel article L. 121-20-4 du Code de la consommation précise que la plupart des dispositions ne sont pas applicables aux contrats ayant pour objet la prestation de service d'hébergement, de transport, de restauration, de loisirs qui doivent être fournis à une date ou selon une périodicité déterminée. L'acheteur ayant réservé et/ou commandé à distance (par téléphone ou via internet), une prestation auprès de l'organisateur, ne bénéficie pas du droit de rétractation". Pour la juridiction de proximité, "ces stipulations ne respectent pas les dispositions [des articles L. 121-18 et L. 121-19 du Code de la consommation]". Elle en déduisait, mais c'est ici sans doute que l'argumentaire pêche, "que par conséquent mademoiselle X et monsieur Y ayant réservé plusieurs nuits d'hôtel par l'intermédiaire du site de la société Go Voyages, ils devaient bénéficier, nonobstant les stipulations contractuelles, d'un droit de rétractation [...] mademoiselle X et monsieur Y ont sollicité la modification du billet puis par courrier reçu le 5 septembre 2007, ont demandé de manière alternative le remboursement des sommes versées estimant que la clause relative aux frais d'annulation en cas de simple modification de la commande était abusive, ce qui leur a été refusé, la société Z interprétant ces demandes comme une demande d'annulation ou de modification du contrat ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer qu'ils ont ainsi été privés de leur faculté de rétractation eu égard aux informations qui leur ont été fournies".

Or, en droit, l'interprétation à retenir est sans doute celle de l'agence de voyages. Il est indiscutable, en effet, que le droit de rétractation n'était pas applicable au cas d'espèce, tant parce que les dispositions du Code de la consommation sont sans ambiguïté que parce que la jurisprudence a déjà rendu des solutions identiques dans des faits analogues (v. supra). Et à s'appuyer sur un défaut d'information du consommateur, la sanction invocable ne peut être a priori que celle du dol : la nullité du contrat et/ou des dommages et intérêts (si le dol est principal/si le dol est incident). Il est bien évidemment plus facile de remarquer les solutions envisageables à un contentieux une fois que le juge s'est prononcé, mais on suggèrera que, en l'espèce, le consommateur aurait effectivement pu invoquer un dol : la présentation du droit de rétractation sur le site internet de l'agence de voyages était peut-être trop générale et, dès lors, difficile à comprendre. Elle aurait pu être considérée comme à même de tromper le consommateur ce qui l'aurait amené à contracter pensant pouvoir bénéficier d'un droit de rétractation qu'il n'avait pas en réalité.

Il ne s'agit là, pourtant, que d'une solution bien moins efficace que ne l'est le droit de rétractation qui permet au consommateur, faut-il le rappeler, de revenir sur un engagement qu'il a mal estimé, sans avoir en principe à saisir le juge. Peut-être faudra-t-il envisager, au vu du succès croissant des sites internet de démarque ou autres qui offrent des rabais considérables mais à des conditions bien plus contraignantes, une réforme de la Directive de 1997 qui supprimerait les exceptions au bénéfice du droit de rétractation ?
Ce serait aussi, et il faut en être conscient, prendre le risque de faire disparaître certaines ou la plupart de ces offres, qui ne peuvent être maintenues, diront les opérateurs du secteur, qu'à des conditions plus strictes. Imposer en ces matières un droit de rétractation pourrait bouleverser l'économie de ces offres.
Nous laissons le lecteur à ses propres réflexions sur ce point. La réponse n'est pas strictement juridique.

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