La lettre juridique n°423 du 13 janvier 2011 : Couple - Mariage

[Questions à...] Le PACS : quelles perspectives d'évolution ? Questions à Maître Stéphane Michel, Avocat au barreau de Paris

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[Questions à...] Le PACS : quelles perspectives d'évolution ? Questions à Maître Stéphane Michel, Avocat au barreau de Paris. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3555089-questions-a-le-pacs-quelles-perspectives-devolution-questions-a-b-maitre-stephane-michel-avocat-au-b
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par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée

le 17 Janvier 2011

Le 14 décembre 2010, le Sénat a adopté, en première lecture, la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. Pour simplifier le droit, ce texte prévoit d'améliorer la qualité des normes et des relations des citoyens avec les administrations. Le statut des groupements d'intérêt public (GIP) serait également harmonisé. De nombreuses règles en matière d'urbanisme, ou encore en matière pénale, promettent d'être simplifiées. Ce texte donne à nouveau l'occasion aux sénateurs de discuter d'éventuelles améliorations du régime du PACS, alors que la proposition de loi tendant à renforcer les droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité avait été rejetée par le Sénat, un an auparavant, le 9 décembre 2009. Pour faire le point sur les perspectives d'évolution de ce régime, Lexbase Hebdo - édition privée a rencontré Maître Stéphane Michel, Avocat au barreau de Paris, qui a accepté de répondre à nos questions. Lexbase : Quelles modifications le Sénat a-t-il accepté d'introduire au régime du PACS ?

Stéphane Michel : Le Sénat a seulement accepté, contre l'avis du nouveau Garde des Sceaux, que le partenaire pacsé survivant soit inscrit sur l'acte de décès du partenaire pacsé décédé. Cette modification bienvenue permet, en effet, d'assurer un parallélisme, tout à fait cohérent, avec l'obligation de mentionner sur l'acte de naissance d'une personne l'identité de son partenaire pacsé.

Très concrètement, cette mesure de publicité est salutaire car elle permet également d'améliorer le sort du partenaire pacsé survivant, en révélant ouvertement et officiellement son existence (ce qui n'est pas toujours le cas en pratique...) et, par là même, en facilitant la naissance et l'exercice de ses éventuels droits de succession, par rapports aux autres ayants droits du partenaire décédé.

En revanche, les propositions d'étendre aux partenaires pacsés le bénéfice du droit aux congés pour événements familiaux ou d'attribuer d'office au partenaire pacsé survivant la qualité pour "pourvoir aux funérailles" du partenaire pacsé décédé ont été écartées par le Sénat.

Il en ressort donc peu d'évolution en perspective pour le régime juridique du PACS et ce d'autant que l'Assemblée nationale et le Gouvernement actuels, compte tenu des prochaines échéances électorales, sont, à mon avis, susceptibles de montrer dans un avenir proche une certaine frilosité face au régime juridique du PACS, toujours considéré -hélas- comme un sujet de société.

Lexbase : En quoi le régime actuel du PACS est-il, selon vous, incomplet ?

Stéphane Michel : En l'état actuel du droit, je pense que le régime du PACS est incomplet, essentiellement du point de vue des droits et avantages sociaux des partenaires pacsés : en effet, les dernières réformes ont conduit, notamment, à aligner la situation fiscale des partenaires pacsés sur celle des couples mariés et introduit, à la charge des partenaires pacsés, des obligations lourdes : il ne faut pas oublier que les partenaires pacsés s'engagent à une vie commune, ainsi qu'à une aide matérielle et une assistance réciproque, ce qui les rapproche très sensiblement des couples mariés.

Dans ce contexte, je ne vois pas au nom de quels principes, si ce n'est au regard de préoccupations purement électoralistes, la situation sociale des partenaires pacsés ne devrait pas être alignée sur celle des couples mariés. C'est en quelque sorte le sens de l'histoire législative du régime juridique du PACS.

On peut également identifier une autre limite au régime actuel du PACS : je pense que le lieu d'enregistrement du PACS, à savoir, le greffe du tribunal d'instance, n'est pas du tout satisfaisant. On ne voit, en effet, pas non plus pourquoi les PACS ne bénéficient pas d'un peu plus de solennité par le biais d'une véritable cérémonie en mairie.

Enfin, et très concrètement, le PACS crée, compte tenu de son succès dans les grandes villes notamment, un inquiétant goulot d'étranglement dans les greffes des tribunaux d'instance, rendant souvent son délai d'enregistrement particulièrement long et totalement inadapté.

Lexbase : Quelles seraient, selon vous, concrètement, les mesures indispensables à prévoir ?

Stéphane Michel : Pour moi, la réforme prioritaire doit conduire à étendre aux partenaires pacsés les droits sociaux accordés aux personnes mariées en matière de pension de réversion, de congés accordés pour événements familiaux et d'assurance de prévoyance. C'est le minimum en termes de justice sociale.

C'est d'autant plus urgent que cet alignement de la situation des partenaires pacsés sur les couples mariés a été accordé dans la fonction publique, ce qui renforce d'autant le sentiment d'inégalité entre la situation des partenaires pacsés "non fonctionnaires" et les couples mariés.

A cet égard, un autre argument est également souvent surexploité par le législateur et le Gouvernement actuel pour justifier leur réticence à accorder de nouveaux droits sociaux aux partenaires pacsés : on a, en effet, le sentiment que ces derniers souhaiteraient idéalement, s'agissant des salariés des entreprises privées, se décharger totalement de la question de l'alignement des droits des partenaires pacsés sur les couples mariés, pour en confier la gestion aux seuls partenaires sociaux.

Or, s'il est vrai que les partenaires sociaux sont parfois allés plus loin dans ce domaine que les pouvoirs publics, il s'est toujours agi de solutions au cas par cas, dépourvues de tout caractère général, ce qui n'est absolument pas satisfaisant du point de vue de l'égalité de traitement et des droits entre les personnes.

Lexbase : Et en matière de procédure d'enregistrement des PACS, quelle réforme est envisageable ?

Stéphane Michel : Il serait utile de prévoir, purement et simplement, son enregistrement en mairie, et ce afin de lui conférer une certaine solennité, au regard notamment des obligations que le PACS confère aux partenaires pacsés. De plus, les mairies, compte tenu de leur expérience et de leurs moyens en matière de gestion des actes d'état civil, paraissent beaucoup plus adaptées que les greffes de tribunal d'instance qui pourraient ainsi se recentrer sur leurs fonctions purement judiciaires.

En revanche, je ne pense pas que ce soit une bonne idée de faire procéder à l'enregistrement des PACS par les notaires, en lieu et place des greffes des tribunaux d'instance : en effet, outre le fait que le passage devant un notaire pour enregistrer un PACS pourrait donner, à tort ou à raison, l'impression de sortir l'enregistrement des PACS de la sphère administrative, cette mesure me paraît surtout susceptible d'en augmenter le coût vis-à-vis des partenaires pacsés.

Lexbase : Un alignement poussé des droits sur ceux résultant du mariage ne reviendrait-il pas alors à vider de son sens ce "troisième mode de conjugalité", aux côtés du concubinage et du mariage ?

Stéphane Michel : C'est en effet la critique habituelle qui est portée par la majorité parlementaire actuelle pour refuser l'alignement de la situation des partenaires pacsés sur les couples mariés, alors que cette même majorité parlementaire a consacré l'égalité fiscale entre ces deux formes d'union... J'avoue pour ma part ne pas bien comprendre cet argument, compte tenu des précédentes évolutions législatives du régime du PACS et de la nécessité de lutter, de manière générale, contre l'ensemble des inégalités de traitements sociaux.

Lexbase : Au fond, le problème ne se situe-t-il pas dans celui de l'ouverture, ou non, du mariage aux couples homosexuels ?

Stéphane Michel : La situation actuelle des couples homosexuels renforce le sentiment d'inégalité de traitement entre les partenaires pacsés et les couples mariés : en effet, en ce qui concerne les couples homosexuels, le régime actuel du PACS crée une discrimination supplémentaire -et j'insiste sur le terme "supplémentaire"- au regard des droits accordés aux couples hétérosexuels.

Comme vous le savez, les couples de même sexe n'ont, en l'état actuel du droit et de la jurisprudence de la Cour de cassation (TGI Bordeaux, 27 juillet 2004, n° 6427/2004 N° Lexbase : A4937DD9, D., 2004, 2392, note Agostini ; Cass. civ. 1, 13 mars 2007, n° 05-16.627, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A6575DU3, Bull. civ. 1, n° 113), sous réserve d'une décision contraire -et particulièrement improbable- du Conseil constitutionnel, pas le droit de se marier et ne peuvent donc pas, en tout état de cause, bénéficier de plein droit de pensions de réversions de leurs partenaires décédés, des congés pour événements familiaux, etc., sauf en cas d'accord des partenaires sociaux, c'est-à-dire au cas par cas.

Il faut souligner que, dans certaines hypothèses, cette inégalité de traitement créée des situations humainement difficiles, un certain nombre de témoignages ayant révélé la mesure du rejet porté au partenaire survivant par la "famille officielle" du partenaire décédé.

Il va de soi que cette inégalité de traitement manifeste devrait conduire idéalement le Parlement à étendre le mariage aux couples de même sexe ; je ne vois toutefois pas de projet pérenne en ce sens, et ce d'autant plus dans le contexte actuel de pré-campagne électorale et de frilosité que cela sous-entend !

Enfin, je considère que la situation inégalitaire dans laquelle se trouvent, aujourd'hui, les couples homosexuels renforce d'autant la nécessité de réformer le PACS dans le sens d'une égalité de traitement social entre les partenaires pacsés et les couples mariés.

En effet, compte tenu des obligations de vie commune, d'aide matérielle, d'assistance réciproque, et le cas échéant, de solidarité imposées aux partenaires pacsés, je ne vois pas pourquoi l'égalité de traitement social ne leur serait pas accordée... alors même que la majorité parlementaire actuelle leur a accordé l'égalité fiscale dans le cadre de la loi de finances pour 2005 (loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 N° Lexbase : L5203GUA)...

Il existe, donc, une discrimination initiale entre les partenaires pacsés et les couples mariés, abstraction faite de la situation discriminatoire propre aux couples homosexuels, qui n'ont pas le droit au mariage, ce qui vient également renforcer la discrimination initiale, propre au seul PACS et la nécessité d'y mettre fin.

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