Le Quotidien du 26 mai 2021 : Procédure pénale

[Brèves] Pièces versées tardivement en cours de délibéré, date des actes de procédure, exploitation des données de géolocalisation et de sonorisation : la Chambre criminelle précise les règles régissant l’instruction

Réf. : Cass. crim., 11 mai 2021, n° 20-86.182 et 20-82.415, F-P (N° Lexbase : A85564RC)

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[Brèves] Pièces versées tardivement en cours de délibéré, date des actes de procédure, exploitation des données de géolocalisation et de sonorisation : la Chambre criminelle précise les règles régissant l’instruction. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/68219805-breves-pieces-versees-tardivement-en-cours-de-delibere-date-des-actes-de-procedure-exploitation-des
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par Adélaïde Léon

le 23 Juin 2021

Peut valablement renvoyer l’affaire à une audience ultérieure la chambre de l’instruction qui considère que des pièces versées au dossier en cours de délibéré sont indispensables à l’examen d’une requête en nullité de procédure ; la juridiction ne peut se prononcer au vu de ses pièces à la condition qu’elles aient été soumises au débat contradictoire ;

L’invitation faite par la chambre de l’instruction, saisie d’une requête en nullité, au juge d’instruction de verser en procédure les pièces qui seraient en sa possession ne constitue pas un acte d’information complémentaire ; la note versée au dossier par le juge d’instruction pour expliquer le caractère tardif du versement de pièces ne constitue pas un acte juridictionnel par lequel il statuerait lui-même sur la régularité de la procédure ;

La date apposée par un magistrat sur un acte de procédure et authentifiée par sa signature fait foi jusqu’à inscription de faux ; le fait que les pièces n’aient pas été cotées au fur et à mesure de leur rédaction ou leur réception n’est pas, en soi, une cause de nullité de la procédure ;

La mise en place d’un dispositif de géolocalisation qui n’a pas lieu en urgence, au sens de l’article 230-35 du Code de procédure pénale ni dans un lieu privé, au sens de l’article 230-34 dudit code ne nécessite pas une décision écrite du magistrat dans un délai de 24 heures pour la poursuite des opérations ni une autorisation écrite du juge d’instruction ou du JLD, selon l’heure de pose ;

Aucune disposition conventionnelle ou légale n’interdit au juge d’instruction, agissant en application de l’article 81 du Code de procédure pénale, d’exploiter dans le cadre d’une procédure pénale une mesure de sonorisation ordonnée dans le cadre d’une autre procédure ;

L’absence de mise à la disposition des parties et de leurs conseils d’une partie déterminante de la procédure avant l’interrogatoire de première comparution et le défaut de mention de ces pièces dans les procès-verbaux desdits interrogatoires des personnes mises en examen font nécessairement grief aux droits de la défense ;

Aucune disposition conventionnelle ou légale n’interdit au juge d’instruction, agissant en application de l’article 81 du Code de procédure pénale, d’exploiter dans le cadre d’une procédure pénale une mesure de sonorisation ordonnée dans le cadre d’une autre procédure ;

Les enregistrements sonores ou audiovisuels résultant de l’exploitation d’un dispositif de sonorisation ou de fixation d’images doivent être placés sous scellés ; les OPJ chargés de les exploiter ne peuvent donc détenir une copie de ces enregistrements que pour les besoins et dans le temps de l’exécution de la mission confiée par le juge d’instruction.

Rappel des faits. Le 8 février 2018, une enquête préliminaire est ouverte sur des faits d’association de malfaiteurs en vue de commettre une tentative d’extorsion. Le 4 mai 2018, une information est ouverte, par réquisitoire introductif, contre personne non dénommée des chefs de tentatives d’extorsion en bande organisée, non-justification de ressources, association de malfaiteurs en vue de commettre notamment les crimes de tentatives d’extorsion de fonds en bande organisée. Le 13 septembre 2018, un individu susceptible d’être mis en cause dans le cadre de ladite information judiciaire a été l’objet d’une tentative d’assassinat.

Le 25 octobre 2018 par réquisitoire supplétif, la saisine du juge d’instruction a été étendue à des faits commis courant 2018 et jusqu’au 19 octobre 2018 de non-justification de ressources aggravée, recel en bande organisée, infractions à la législation sur les armes, association de malfaiteurs en vue de la préparation et la commission de crimes et de délits, en particulier d’homicide volontaire avec préméditation en bande organisée en récidive. Le même jour, l’individu précité est mis en examen de ces chefs.

Le 19 avril 2019, l’intéressé déposait une requête en nullité d’actes de la procédure au motif que depuis sa tentative d’assassinat, des investigations avaient été réalisées hors saisine, sur la préparation d’une action criminelle en représailles de ladite tentative, faits sans lien avec ceux visés au réquisitoire introductif.

Après une première audience du 6 janvier 2020, l’affaire a été mise en délibéré. Au cours du délibéré, la chambre de l’instruction a constaté qu’avaient été versés en procédure un réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018, mentionnant des faits nouveaux à savoir une enquête préliminaire diligentée par la DRPJ Ajaccio, et des procès-verbaux de ladite enquête datés du 10 au 16 octobre 2018.

Le 3 février 2020, les observations des parties ont été recueillies et l’affaire a de nouveau été mise en délibéré.

Par un arrêt avant dire droit du 2 mars 2020, la chambre de l’instruction, a invité le juge d’instruction à verser en procédure toutes les pièces qui seraient de nature à confirmer ou à infirmer la date d’établissement du réquisitoire supplétif et de l’enquête préliminaire précités et à exposer par une note les circonstances et motifs de leur versement et de leur cotation tardifs. Le juge d’instruction versait ladite note le 3 avril 2020.

Décision de la chambre de l’instruction. Par un arrêt du 19 octobre 2020, la chambre de l’instruction a refusé de constater la nullité du réquisitoire du 17 octobre 2018 et les pièces qui y auraient été annexées et de prononcer la nullité des actes d’enquête effectués sur commission rogatoire à partir du 11 octobre 2018. Elle a également écarté la nullité des opérations de géolocalisation du véhicule de l’individu auparavant mentionné, ainsi que la nullité de l’exploitation par les enquêteurs d’une copie réalisée par un expert du scellé de la sonorisation de la cellule d’un détenu à la prison des Baumettes.

La chambre de l’instruction a en revanche prononcé l’annulation de l’interrogatoire de première comparution de l’intéressé et de sa mise en examen et a fait droit à la demande d’annulation de l’exploitation de la copie de travail des enregistrements effectués dans le cadre d’une procédure distincte.

L’intéressé a formé un pourvoi contre les arrêts du 2 mars et du 19 octobre 2020. Ce dernier arrêt a également été visé par un pourvoi du procureur général.

Moyens des pourvois. Il était reproché à la chambre de l’instruction d’avoir, dans son arrêt du 2 mars 2020, invité le magistrat instructeur à compléter le dossier sans se prononcer sur les nullités dont elle était saisie. Il lui était également fait grief de n’avoir, dans son arrêt du 19 octobre 2020, que partiellement annulé les actes de la procédure et d’avoir rejeté les demandes présentées dans l’intérêt de l’intéressé.

Le procureur général faisait quant à lui grief à la chambre de l’instruction d’avoir annulé les interrogatoires de première comparution des différents mis en examen.

Décision. La Chambre criminelle a rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt du 2 mars 2020 ainsi que le pourvoi du procureur général formé contre l’arrêt du 19 octobre 2020. Elle a en revanche partiellement fait droit au pourvoi formé par l’intéressé contre l’arrêt du 19 octobre 2020 en censurant cette décision en ses seules dispositions ayant prononcé sur la nullité de pièces résultant de l’exploitation, par les enquêteurs, d’une copie de travail d’enregistrement, effectuée dans le cadre d’une procédure distincte, en dehors de la mission que leur avait confiée le juge d’instruction.

Sur l’arrêt du 2 mars 2020. Pour rejeter le pourvoi, la Cour affirme qu’aucune disposition légale ou conventionnelle n’interdit à la chambre de l’instruction, à l’occasion d’une requête en nullité, de se prononcer au vu des pièces versées au dossier en cours de délibéré à la condition que celles-ci aient été soumises au débat contradictoire. Dès lors, la chambre de l’instruction, qui estimait que les pièces ainsi versées étaient indispensables à l’examen de la requête et que le dossier mis à disposition des parties lors de l’audience du 6 janvier 2020 était incomplet, pouvait valablement renvoyer l’affaire à une audience ultérieure.

S’agissant de l’invitation adressée au juge d’instruction de préciser dans une note les circonstances du versement tardif du réquisitoire supplétif et des pièces de l’enquête préliminaire sur lesquelles il repose, la Chambre criminelle précise qu’une telle note ne constitue pas un acte juridiction du juge d’instruction par lequel il statuerait lui-même sur la régularité de la procédure. Enfin, l’invitation faite par la chambre de l’instruction au juge d’instruction de verser en procédure les pièces qui seraient en sa possession ne constitue pas un acte d’information complémentaire au sens de l’article 201 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0926DYX).

Sur l’arrêt du 19 mars 2020.

La Cour écarte le moyen concernant la nullité du réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 et des pièces annexées, tiré du caractère incertain de sa date. La date apposée par un magistrat sur un acte de procédure et authentifié par sa signature fait foi jusqu’à inscription de faux. À défaut de procédure en ce sens, il ne peut être contesté que le procureur de la République a bien établi le réquisitoire supplétif à la date indiquée sur l’acte. Il en est de même pour la commission rogatoire du lendemain.

La Cour ajoute le fait que les pièces n’aient pas été cotées au fur et à mesure de leur rédaction ou leur réception n’est pas, en soi, une cause de nullité de la procédure.

La Chambre criminelle rejette le moyen tiré de la nullité des opérations de géolocalisation du véhicule du demandeur. La mise en place du dispositif de géolocalisation qui n’a pas lieu en urgence, au sens de l’article 230-35 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8965IZ3) ni dans un lieu privé, au sens de l’article 230-34 dudit code (N° Lexbase : L7400LPR) ne nécessite pas une décision écrite du magistrat dans un délai de 24 heures pour la poursuite des opérations ni une autorisation écrite du juge d’instruction ou du JLD, selon l’heure de pose. La Cour constate que les données exploitées en procédure l’ont été durant la période d’enregistrement mentionnée au procès-verbal et que, conformément aux prescriptions de l’article 230-36 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8966IZ4) la mention du service auquel appartient l’agent qui a procédé à la mise en place du dispositif figure en procédure. Dès lors, le demandeur ne pouvait dénoncer l’absence de mention de l’heure d’installation effective du dispositif ni celle du début d’enregistrement, mais seule celle à laquelle l’OPJ a été informé de la mise en place.

La Cour rejette le moyen concernant la nullité de l’exploitation par les enquêteurs d’une copie du scellé de la sonorisation de la cellule d’un détenu à la prison des Baumettes ordonnée dans une procédure distincte. Selon la Haute juridiction, aucune disposition conventionnelle ou légale n’interdit au juge d’instruction, agissant en application de l’article 81 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9490LP8), d’exploiter dans le cadre d’une procédure pénale une mesure de sonorisation ordonnée dans le cadre d’une autre procédure.

La Chambre criminelle rejette le pourvoi formé par le procureur général lequel fait grief à la chambre de l’instruction d’avoir ordonné l’annulation de l’interrogatoire de première comparution et la mise en examen suscités. En effet, l’absence de mise à la disposition des parties et de leurs conseils d’une partie déterminante de la procédure avant l’interrogatoire de première comparution et le défaut de mention de ces pièces dans les procès-verbaux desdits interrogatoires des personnes mises en examen font nécessairement grief aux droits de la défense.

S’agissant de l’exploitation de la copie de travail des enregistrements réalisés alors que les enquêteurs avaient achevé la mission que leur avait confié le juge d’instruction et sans lien avec les faits dont le magistrat était saisi, la Chambre criminelle censure l’arrêt de la chambre de l’instruction au visa de l’article 706-100 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4856K8D), lequel prévoit que les enregistrements sonores ou audiovisuels résultant de l’exploitation d’un dispositif de sonorisation ou de fixation d’images doivent être placés sous scellés. Les OPJ chargés de les exploiter ne peuvent donc détenir une copie de ces enregistrements que pour les besoins et dans le temps de l’exécution de la mission confiée par le juge d’instruction. En conservant et en exploitant cette copie après la retranscription des seules conversations utiles pour l’exécution du mandat judiciaire, après l’achèvement de la mission qui leur avant été confiée par le magistrat instructeur, les OPJ ont méconnu les dispositions du Code de procédure pénale.

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