Le Quotidien du 26 mai 2021

Le Quotidien

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Exclusion d’imputation au compte employeur : application de la notion d’arme par destination à un sac à dos rempli de bouteilles d’alcool

Réf. : Cass. civ. 2, 12 mai 2021, n° 20-12.827, F-P (N° Lexbase : A52714RN)

Lecture: 2 min

N7543BYZ

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par Laïla Bedja

Le 25 Mai 2021

► L'accident du travail résultant d'une agression perpétrée au moyen d'armes ou d'explosifs n'est pas imputé au compte de l'employeur lorsque celle-ci est attribuable à un tiers qui n'a pu être identifié.

Les faits et procédure. Un salarié, conducteur de bus, a été agressé par un homme qui lui a porté à la tête un coup de sac qui contenait des bouteilles d’alcool. La caisse régionale d’assurance maladie ayant rejeté sa contestation de l’imputation sur son compte employeur des dépenses afférentes à l’accident du travail, la société de transport a saisi d’un recours la juridiction de la tarification.

Le pourvoi. La cour d’appel, relevant que l’agression avait été commise au moyen d’une arme par destination, au sens de l’article 132-75, alinéa 2, du Code pénal (N° Lexbase : L0429DZW), par un tiers qui n’a pas pu être identifié, a décidé que les dépenses afférentes à cet accident du travail ne devaient pas être inscrites au compte de l’employeur. La caisse a alors formé un pourvoi en cassation selon le moyen, notamment, que la notion d’arme doit être ici entendue en son sens littéral et que la notion spécifique « d’arme par destination » telle que définie par le Code pénal, n’est pas applicable. Elle rappelle aussi que « constitue une arme par destination au sens du droit pénal tout objet susceptible de présenter un danger pour les personnes, dès lors qu'il est utilisé pour tuer, blesser ou menacer ou qu'il est destiné, par celui qui en est porteur, à tuer, blesser ou menacer ».

Rejet. Rappelant les dispositions de l’article D. 242-6-7, alinéa 5, du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L2750LWR), la Haute juridiction valide l’interprétation de la cour d’appel d’Amiens.

Pour en savoir plus : v. S. Trevet, ÉTUDE : La tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles, Les règles de principe de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles, in Droit de la protection sociale, Lexbase (N° Lexbase : E2151388), spéc. D. Les exclusions de la valeur du risque.

newsid:477543

Covid-19

[Brèves] Fermeture des discothèques : le Conseil d’État juge qu’elle est justifiée !

Réf. : CE référé, 21 mai 2021, n° 452294 (N° Lexbase : A83304SC)

Lecture: 2 min

N7625BY3

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par Vincent Téchené

Le 25 Mai 2021

► Le maintien de la fermeture des établissements de nuit pour l’ensemble de leurs activités, et l’existence d’une interdiction de circuler entre 21h et 6h à compter du 19 mai 2021, n’apparaissent pas disproportionnés.

Faits et procédure. Plusieurs organisations représentant les professionnels des discothèques ont saisi le juge des référés du Conseil d'État pour qu’il ordonne la suspension de l’exécution de l’article 1er du décret n° 2021-541 du 1er mai 2021 (N° Lexbase : Z673261G) en ce qu’il maintient fermés les discothèques et établissements de nuit (établissements de type « P, salles de danse ») sur l’ensemble du territoire national et prévoit une interdiction de circulation la nuit et d’enjoindre à l’État d’autoriser sans délai, ou à compter du 30 juin 2021, l’ouverture au public de ces mêmes établissements sur l’ensemble du territoire national.

Décision. Pour le Conseil d’État, eu égard au risque inhérent à l’activité qui est pratiquée dans les établissements de nuit, qui sont des espaces clos, incluant des contacts physiques rapprochés, ainsi qu’à la difficulté de garantir le port du masque ou le respect des règles de distanciation dans un contexte festif, le maintien de la fermeture de ces établissements participe de la politique de lutte contre la propagation de l’épidémie, qui vise notamment à restreindre les déplacements de personnes hors de leur domicile et à limiter les interactions sociales à l’occasion desquelles la propagation du virus est facilitée.

En outre, il relève que s’il est soutenu qu’une discrimination résulterait de l’autorisation, annoncée à brève échéance, des concerts accueillant plus de 5 000 personnes, des rassemblements de plus de 1 000 personnes, des fêtes de mariage ou encore des bars à ambiance musicale, ces annonces n’ont pas d’effets juridiques à la date de la décision du Conseil. Dans le cas où ces autorisations seraient données, le juge rappelle qu’il reviendra d’ailleurs au Gouvernement d’assurer que les différentes restrictions sont cohérentes entre elles, au regard des données sanitaires et des possibilités de réduire le risque de contamination.

Enfin, la situation des discothèques ne peut en outre être comparée à celles des autres établissements rouverts depuis le 19 mai, comme les bars qui ne peuvent d’ailleurs, à ce jour, ouvrir qu’en extérieur.

Dans ces conditions, et alors que le Gouvernement a pris l’engagement d’une réévaluation de sa position au regard de la situation sanitaire à la mi-juin 2021, le maintien de la fermeture des établissements de nuit n’est pas disproportionné, compte tenu de l’impératif de protection de la santé publique.

 

newsid:477625

Éducation

[Brèves] Loi relative aux langues régionales : l'« enseignement immersif » et l'utilisation de signes diacritiques dans les actes de l'état civil censurés par les Sages

Réf. : Cons. const., décision n° 2021-818 DC du 21 mai 2021, Loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion (N° Lexbase : A44904S4)

Lecture: 3 min

N7623BYY

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par Yann Le Foll

Le 25 Mai 2021

► Le Conseil constitutionnel valide des dispositions relatives à la prise en charge financière par les communes de la scolarisation d'enfants suivant des enseignements de langue régionale, mais censure celles relatives à l'« enseignement immersif » de ces langues et à l'utilisation de signes diacritiques dans les actes de l'état civil.

Après avoir validé la modification des dispositions de l'article L. 442-5-1 du Code de l'éducation (N° Lexbase : L8883IEQ) relatives aux modalités de participation financière d'une commune à la scolarisation d'un enfant résidant sur son territoire dans un établissement privé du premier degré situé sur le territoire d'une autre commune et dispensant un enseignement de langue régionale, le Conseil constitutionnel s'est par ailleurs saisi d'office de deux autres dispositions de la loi déférée.

1. D'une part, il a statué sur son article 4, qui étend les formes dans lesquelles peut être proposé, dans le cadre des programmes de l'enseignement public, un enseignement facultatif de langue régionale. Il prévoit que cet enseignement peut être proposé sous la forme d'un enseignement immersif en langue régionale, sans préjudice d'une bonne connaissance de la langue française.

Le Conseil constitutionnel a rappelé que, en vertu des dispositions de l'article 2 de la Constitution (N° Lexbase : L1278A99), l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public. Les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage.

Il a également rappelé que, aux termes de l'article 75-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5164IBU), « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Il en résulte que si, pour concourir à la protection et à la promotion des langues régionales, leur enseignement peut être prévu dans les établissements qui assurent le service public de l'enseignement ou sont associés à celui-ci, c'est à la condition de respecter les exigences précitées de l'article 2 de la Constitution (voir déjà pour le rejet d’une QPC relative à l’enseignement de langues et cultures régionales tout au long de la scolarité, Cons. const., décision n° 2011-130 QPC, du 20 mai 2011 N° Lexbase : A6757HRP).

Les Sages relèvent qu'il résulte notamment des travaux préparatoires de la loi déférée que l'enseignement immersif d'une langue régionale est une méthode qui ne se borne pas à enseigner cette langue, mais consiste à l'utiliser comme langue principale d'enseignement et comme langue de communication au sein de l'établissement.

Ils en déduisent que, en prévoyant que l'enseignement d'une langue régionale peut prendre la forme d'un enseignement immersif, l'article 4 de la loi déférée méconnaît l'article 2 de la Constitution (voir sur le principe « le français est la langue de l'enseignement », CE Contentieux, 15 juillet 2002, n° 248203, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1478AZR).

2. D'autre part, le Conseil constitutionnel a statué sur l'article 9 de la loi déférée, qui autorise les signes diacritiques des langues régionales dans les actes de l'état civil.

Il juge que, en prévoyant que des mentions des actes de l'état civil peuvent être rédigées avec des signes diacritiques autres que ceux employés pour l'écriture de la langue française (comme d’orthographier le prénom Fañch avec un tilde sur le « n » validé par CA Rennes, 19 novembre 2018, n° 17/07569 N° Lexbase : A0703YMY), ces dispositions reconnaissent aux particuliers un droit à l'usage d'une langue autre que le français dans leurs relations avec les administrations et les services publics. Dès lors, elles méconnaissent les exigences précitées de l'article 2 de la Constitution.

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Majeurs protégés

[Brèves] Poursuites et perquisitions à l’égard d’un majeur protégé : quand et comment informer le tuteur ou le curateur ?

Réf. : Cass. crim., 11 mai 2021, n° 20-82.267, FS-P (N° Lexbase : A84824RL)

Lecture: 6 min

N7616BYQ

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par Adélaïde Léon

Le 25 Mai 2021

► L’avis au tuteur ou au curateur d’un majeur protégé est seulement exigé au moment où le réquisitoire introductif est porté à la connaissance de l’intéressé, par la mise en examen de celui-ci pour tout ou partie des faits visés à cet acte ;

Cet avis permet au tuteur ou curateur d’être mis en mesure d’assister le majeur protégé dans les choix qu’il devra exercer en application des articles 80-2 et 116 du Code de procédure pénale ;

N’agissent pas de façon déloyale les enquêteurs qui procèdent à une perquisition chez un majeur protégé sans en avertir son curateur dès lors qu’ils ignoraient la mesure de protection et qu’aucun élément recueilli ne permettait de faire naître un doute sur l’existence de celle-ci.

Rappel des faits. Le 9 juillet 2019, à 10 heures 15, dans le cadre d’une enquête préliminaire du chef de viol, un individu, placé sous la curatelle renforcée de sa mère, a fait l’objet d’un placement en garde à vue et a, dès notification de ses droits, demandé à être examiné par un médecin.

De 10 heures 15 à 13 heures 55, après avoir recueilli l’accord écrit de l’intéressé, les enquêteurs ont procédé, en sa présence, à la perquisition de son casier professionnel et de son domicile ainsi qu’à la fouille de son véhicule.

Le même jour de 14 heures 55 à 16 heures 25, le médecin requis a établi un certificat médical aux termes duquel l’état de santé du gardé à vue était jugé « non compatible » avec la mesure « sans traitement » et « avant examen par un médecin psychiatre ». À 17 heures 30, une fois ordonnance dudit traitement transmise aux enquêteurs, le même médecin a établi un nouveau certificat mentionnant que l’état de santé de l’intéressé était compatible avec la mesure privative de liberté tant que le traitement était délivré.

À 17 heures 45, le gardé à vue était entendu pour la première fois par les enquêteurs.

Le 11 juillet, une information judiciaire était ouverte contre l’intéressé et celui-ci était mis en examen des chefs de viol sur mineur de 15 ans, agression sexuelle sur mineur de 15 ans et pédopornographie.

Par la suite, le mis en examen a saisi la chambre de l’instruction d’une requête en nullité du réquisitoire introductif et de son interrogatoire de première comparution. Il a également sollicité la nullité de sa garde à vue, des perquisitions et fouilles réalisées par les enquêteurs.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a rejeté les différents moyens de nullité.

L’intéressé a formé un pourvoi contre cette décision.

Moyens du pourvoi. Il était fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté les demandes de nullité.

Selon le pourvoi, le réquisitoire introductif aurait dû être frappé de nullité du fait de la connaissance de la curatelle renforcée du gardé à vue avant le réquisitoire introductif et l’absence d’avis fait à la curatrice. La garde à vue était quant à elle visée au motif qu’elle s’était poursuivie après la constatation de l’incompatibilité de cette mesure avec l’état de santé de l’intéressé. Enfin, la validité des perquisitions était remise en cause au motif que la curatrice n’avait pas été informée au préalable de ces actes.

Décision. La Chambre criminelle a rejeté le pourvoi.

Sur la validité du réquisitoire introductif. La Cour rappelle qu’au terme de l’article 706-113 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7435LP3), le curateur ou le tuteur d’un majeur protégé doit être avisé des poursuites dont ce dernier fait l’objet.

Quand cet avis doit-il être donné ? La Cour répond ici à cette question en précisant que c’est seulement au moment où le réquisitoire introductif est porté à la connaissance du majeur protégé, par sa mise en examen pour tout ou partie des faits visés à cet acte, que le curateur ou le tuteur de l’intéressé doit être avisé par le juge d’instruction, afin de pouvoir assister le majeur protégé dans les choix qu’il devra exercer en application des articles 80-2 (N° Lexbase : L7146A4G) et 116 (N° Lexbase : L7479LPP) du Code de procédure pénale.

En l’espèce, la délivrance du réquisitoire introductif, qui ne nécessitait pas en elle-même d’aviser le curateur, n’est pas entachée de nullité et saisissait régulièrement le juge d’instruction.

Sur la validité de la garde à vue et de l’examen médical. La Cour de cassation valide l’analyse de la chambre de l’instruction laquelle a considéré que l’incertitude sur l’heure à laquelle le médecin avait été requis ne peut entacher d’irrégularité la mesure de garde à vue qu’à la condition que celui ait porté une atteinte aux droits de l’intéressé. Or en l’espèce, celui-ci n’a été entendu pour la première fois qu’après que le médecin requis eut constaté que son état de santé était compatible avec la mesure de garde à vue. Par ailleurs, la Cour constate que si le médecin a dans un premier temps subordonné la poursuite de la garde à vue à l’examen de l’intéressé par un psychiatre, il a, dans un second temps et après avoir pris connaissance du traitement du gardé à vue, déclaré son état de santé compatible avec la gare à vue sous la seule réserve du respect du traitement.

Sur la validité des perquisitions. La Cour de cassation rejette le moyen de nullité tiré de l’absence d’information de la curatrice préalablement aux perquisitions au motif qu’aucune atteinte n’a été portée au droit à un procès équitable de l’intéressé. Les policiers s’étaient bornés à présenter à l’intéressé les objets saisis aux fins de reconnaissance, aucun interrogatoire n’a eu lieu lors des mesures visées de sorte que les droits de la défense ont été respectés, l’intéressé n’a pas contesté l’authenticité des biens saisis.

Enfin, les enquêteurs n’ont pas agi de façon déloyale dès lors qu’ils ignoraient, lors des perquisitions, l’existence de la mesure de protection et qu’aucun élément recueilli lors de l’enquête ne permettait de faire naître un doute sur l’existence de celle-ci.

Il est ici utile de rappeler qu’a été déclarée inconstitutionnelle l’absence d’avis au tuteur ou au curateur d’un majeur protégé lorsqu’une perquisition de domicile est envisagée chez une personne dont les éléments de l’enquête préliminaire font apparaître qu’elle fait l’objet d’une mesure de protection juridiction révélant qu’elle n’est pas en mesure d’exercer seule son droit d’opposition (Cons. const., décision n° 2020-873 QPC, du 15 janvier 2021 N° Lexbase : A47584C9).

 

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Marchés publics

[Brèves] Méthode d’évaluation du préjudice subi au titre du surcoût lié à des pratiques anticoncurrentielles

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 27 avril 2021, n° 440348, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A41254QT)

Lecture: 3 min

N7578BYC

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par Yann Le Foll

Le 25 Mai 2021

► Pour évaluer l'ampleur du préjudice subi par une personne publique au titre du surcoût lié à une entente, il est loisible de se fonder sur la comparaison des taux de marge de la société pendant la durée de l'entente et après la fin de celle-ci pour en déduire le surcoût supporté par la personne publique sur les marchés litigieux.

Faits. Le département de la Loire-Atlantique a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la société Lacroix Signalisation à lui verser une indemnité de 5 millions d'euros en réparation du préjudice résultant des pratiques anticoncurrentielles de cette société lors de la passation, entre 1998 et 2005, de cinq marchés publics de signalisation routière verticale, ainsi que la somme de 28 573 euros correspondant aux frais d'expertise judiciaire. Celui-ci a condamné la société Lacroix Signalisation à verser au département de la Loire-Atlantique une somme de 3 746 476 euros, mis à la charge de cette société la somme de 28 573 euros au titre des frais d'expertise et rejeté le surplus des conclusions des parties. La cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Lacroix Signalisation contre ce jugement

Position de la CAA. La cour administrative d'appel de Nantes (CAA Nantes, 6 mars 2020, n° 19NT02444 N° Lexbase : A41304QZ) s'est fondée, pour calculer le préjudice subi par le département, sur la méthode préconisée par l'expert consistant à comparer les taux de marge de la requérante pendant la durée de l'entente et après la fin de celle-ci pour en déduire le surcoût supporté par le département de la Loire-Atlantique sur les marchés litigieux. Il ressort également des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a retenu, pour calculer ce préjudice, une part de 40 % du chiffre d'affaires total de la requérante dédiée à l'activité de signalisation routière verticale.

Position du CE. En se fondant sur ce taux, qui avait été établi par l'Autorité de la concurrence au point 43 de sa décision du 22 décembre 2010 (N° Lexbase : X9268AHQ) et qui concernait spécifiquement l'activité de la société Lacroix Signalisation en 2009, et en excluant en conséquence le taux de 78 % proposé par la requérante au motif que celle-ci ne justifiait pas la différence entre les deux taux, la cour administrative d'appel de Nantes a souverainement apprécié les faits de l'espèce, sans les dénaturer, et n'a pas commis d'erreur de droit, alors même que le paiement des marchés litigieux s'est étalé entre 1999 et 2010. 

Autre méthode possible d'évaluation. Il a aussi été jugé que, pour évaluer l'ampleur du préjudice subi, il convient de se fonder sur la comparaison entre les marchés passés pendant l'entente et une estimation des prix qui auraient dû être pratiqués sans cette entente, en prenant, notamment, en compte la chute des prix postérieure à son démantèlement, ainsi que les facteurs exogènes susceptibles d'avoir eu une incidence sur celle-ci (CE 2° et 7° ch-r., 27 mars 2020, deux arrêts, publiés au recueil Lebon, n° 421758 N° Lexbase : A42513KN et n° 420491 N° Lexbase : A42493KL).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les marchés publics : définitions et champ d'applicationLes grands principes de la commande publique, in Droit de la commande publique, (dir. N. Lafay et E. Grelczyk), Lexbase (N° Lexbase : E9082ZMC).

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Marchés publics

[Jurisprudence] Recevabilité de l’appel en garantie contre le maître d’ouvrage par-delà l’intangibilité du décompte

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 27 avril 2021, n° 436820, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A41204QN)

Lecture: 8 min

N7598BY3

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par Elisabeth Fernandez Begault, Avocat associé, spécialiste en droit public et Romain Denilauler, Avocat à la Cour, cabinet Seban Occitanie

Le 26 Mai 2021

 


Mots clés : marchés et contrats administratifs • appel en garantie • décompte général

Le Conseil d’État ouvre ici l’appel en garantie d’un constructeur, poursuivi par un tiers victime de dommages de travaux publics, à l’encontre du maître de l’ouvrage, nonobstant l’intangibilité du décompte général et définitif du marché.


 

Dans le cadre de l’extension du réseau de chauffage urbain, l’Eurométropole de Strasbourg a attribué les travaux relatifs au réseau de chaleur à un groupement d’entreprises solidaires. En raison de la hauteur exceptionnelle des eaux de la nappe phréatique, des pompes ont été installées et surveillées durant toute la durée des travaux. Lors des opérations d'évacuation d'une importante quantité d'eau constatée en fond de fouille d'une tranchée réalisée dans le cadre des travaux, une artère bétonnée enterrée en sous-sol, abritant une liaison haute tension exploitée par la société Electricité de Strasbourg, s'est effondrée.

La société Strasbourg Electricité Réseaux, venant aux droits de la société Electricité de Strasbourg, a introduit un référé provision tendant à la condamnation solidaire du mandataire du groupement d’entreprises en charge de la réalisation des travaux et de l’Eurométropole de Strasbourg. Le tribunal administratif de Strasbourg a condamné le constructeur à verser une provision de 430 547,66 euros, et l’Eurométropole de Strasbourg a garanti intégralement le constructeur des provisions mises à sa charge. Il rejette en outre les appels en garantie formés par l’Eurométropole contre le constructeur, la société en charge du déploiement et de la surveillance des pompes, et les membres du groupement de maîtrise d’œuvre.

Par un arrêt en date du 3 décembre 2019 [1], la cour administrative d’appel de Nancy a porté le montant de la provision à 497 801,82 euros, et a condamné l’Eurométropole à garantir intégralement le constructeur à hauteur de cette somme.

Saisi sur pourvoi du maître de l’ouvrage et de son assureur, le Conseil d’État confirme l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel.

1. La question de la responsabilité à l’égard de la victime des dommages ne posait guère de difficulté : lorsque les dommages causés à des tiers par l’exécution de travaux publics revêtent un caractère accidentel, la victime est dispensée de faire la preuve d’un préjudice grave et spécial [2]. Cette dernière peut ainsi aisément se prévaloir d’une obligation non sérieusement contestable pour obtenir une provision dans le cadre d’un recours en référé introduit sur le fondement de l’article R. 541-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L2548AQG), sauf pour le maître de l’ouvrage ou le constructeur d’établir, avec un degré suffisant de certitude que les dommages sont imputables à un cas de force majeure ou une faute de la victime.

En l’espèce, l’imputabilité des dommages aux travaux publics ne semblait guère contestable, et le maître de l’ouvrage « n'établissait pas avec un degré suffisant de certitude l'existence d'une faute de la société Strasbourg Electricité Réseaux d'une gravité telle qu'elle serait la cause exclusive des dommages ». Le principe de la responsabilité et de la créance indemnitaire fondant la demande de provision ont donc été admis par les différents degrés de juridiction.

Tout l’intérêt de la décision rendue par le Conseil d’État réside, d’une part, dans l’admission de l’appel en garantie formé par le constructeur à l’encontre du maître de l’ouvrage et, d’autre part, dans le rejet de l’appel en garantie du maître de l’ouvrage à l’encontre des intervenants aux opérations de construction ; c’est-à-dire, dans l’articulation entre les effets de la réception des travaux, et ceux du décompte du marché de travaux, devenu décompte général et définitif et supposé, donc, intangible.

2. Cette articulation des effets de la réception et de ceux du décompte général et définitif découle des principes énoncés dans la décision « Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer », rendue par la section du contentieux du Conseil d’État [3] : « Considérant que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et qu'elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; que si elle interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation, elle ne met fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure ; qu'ainsi la réception demeure, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif ; que seule l'intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d'interdire au maître de l'ouvrage toute réclamation à cet égard ».

En ce qui concerne les dommages causés à des tiers, c’est la réception qui détermine la recevabilité des appels en garantie, et non pas l’établissement du décompte entre les parties.

Appliqués au cas d’espèce, le juge considère : « lorsque sa responsabilité est mise en cause par la victime d'un dommage dû à l'exécution de travaux publics, le constructeur est fondé, sauf clause contractuelle contraire et sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'aucune réserve de sa part, même non chiffrée, concernant ce litige ne figure au décompte général du marché devenu définitif, à demander à être garanti en totalité par le maître d'ouvrage, dès lors que la réception des travaux à l'origine des dommages a été prononcée sans réserve et que ce constructeur ne peut pas être poursuivi au titre de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise au constructeur qu'à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ».

Le constructeur dont la responsabilité est recherchée par un tiers victime de dommages de travaux publics est ainsi fondé à appeler le maître de l’ouvrage en garantie, sous trois conditions : l’absence de clause contractuelle contraire, la réception des travaux sans réserve et l’absence d’engagement de la responsabilité du constructeur sur le fondement de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale. Et ce, quand bien même le décompte du marché de travaux n’intégrerait aucune réserve relative à l’indemnisation due au tiers victime, et serait devenu le décompte général et définitif.

Cette solution avait déjà été explicitée par le Conseil d’État [4], sans toutefois intégrer la question du décompte général et définitif. En d’autres termes, et c’est là l’apport de la décision commentée, l’intangibilité du décompte ne fait pas obstacle à l’appel en garantie formé à l’encontre du maître de l’ouvrage par le constructeur dont la responsabilité est recherchée par un tiers victime de dommages imputables aux travaux, dès lors que la réception a été prononcée sans réserve.

En miroir, la réception sans réserve prononcée par le maître de l’ouvrage rend irrecevable l’appel en garantie formé par ce dernier à l’encontre du constructeur, suivant la veine jurisprudentielle initiée par la décision « Forrer » [5].

Quel impact dans ma pratique ?

Pour tout dommage aux tiers, seule la réception est essentielle et non le décompte devenu définitif. Le maître de l’ouvrage doit être particulièrement attentif dans le cadre des opérations de réception : seul un ouvrage achevé ou « en état d’être reçu » doit être réceptionné. Pour engager la responsabilité du constructeur, le maître d’ouvrage doit se situer sur le terrain de la garantie décennale ou la garantie de parfait achèvement, pour tout désordre intervenu après la réception et non prévu en réserves.

 

[1] CAA Nancy, 3 décembre 2019, n° 18NC02291 (N° Lexbase : A85873AB).

[2] CE 2° et 7° ch.-r., 10 avril 2019, n° 411961, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8877Y8B).

[3] CE, Sect., 6 avril 2007, n° 264490, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9305DU8).

[4] CE 2° et 7° ch.-r., 6 février 2019, n° 414064, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4992YWS).

[5] CE, Sect., 4 juillet 1980, n° 03433, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2981B7K).

newsid:477598

Procédure civile

[Brèves] Absence d’acquittement du timbre fiscal en appel : la cour à l’obligation d’inviter les parties à s’en expliquer

Réf. : Cass. civ. 2, 20 mai 2021, n° 19-25.949, F-P (N° Lexbase : A25314SK)

Lecture: 2 min

N7610BYI

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 26 Mai 2021

► La deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 20 mai 2021, précise que la fin de non-recevoir tirée du défaut de justification du paiement du droit prévu par l’article 1635 bis P du Code général des impôts (N° Lexbase : L3170LCE) ne peut être retenue sans que la partie concernée ait été invitée à s’en expliquer ou, qu’à tout le moins, un avis d’avoir à justifier de ce paiement lui ait été préalablement adressé par le greffe ; l’intimé formant opposition à l’arrêt rendu par défaut dans une procédure avec représentation obligatoire doit, à peine de l’irrecevabilité de sa défense, s’acquitter du droit précité, qui n’est pas dû par la partie bénéficiaire de l’aide juridictionnelle.

Faits et procédure. Dans cette affaire, un appel a été interjeté à l’encontre d’un jugement rendu par un tribunal de grande instance. La cour d’appel par un arrêt rendu par défaut, a confirmé partiellement le jugement et prononcé des condamnations à l’encontre de l’intimé. Ce dernier a formé opposition, qui a été déclarée irrecevable pour défaut de paiement des droits de timbres fiscaux. L’opposant a demandé à la cour de rapporter sa décision.

Le pourvoi. Le demandeur fait grief à l’arrêt rendu le 29 juin 2017 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, d’avoir déclaré irrecevable son opposition, pour défaut de paiement des droits de timbres fiscaux. Dans un premier temps, l’intéressé énonce que le droit n’est pas dû par la partie bénéficiaire de l’aide juridictionnelle. Dans un second temps, le demandeur rappelle que le juge a le devoir de faire observer et d’observer lui-même le principe de la contradiction. Enfin, l’intéressé fait grief à l’arrêt rendu le 23 mai 2019 de l’avoir débouté de sa demande de rapport.

En l’espèce, la cour d’appel pour retenir la fin de non-recevoir issue du défaut d’acquittement de droits de timbres fiscaux retient que l’intimé ne s’est pas acquitté de ce paiement.

Solution. Énonçant les solutions précitées la Cour de cassation censure le raisonnement des juges d’appel, énonçant qu’il ne résulte pas des productions, que le greffe de la cour d’appel ait invité l’intimé à se justifier sur le défaut de justification du paiement du timbre fiscal, ou, à tout le moins, à présenter ses observations.

Pour aller plus loin : lire J. Serapionian, Caractère régularisable de la fin de non-recevoir tirée de l'absence de paiement du timbre en appel, Lexbase Droit privé, juin 2019, n° 786 (N° Lexbase : N9337BX4).

 

newsid:477610

Procédure pénale

[Brèves] Pièces versées tardivement en cours de délibéré, date des actes de procédure, exploitation des données de géolocalisation et de sonorisation : la Chambre criminelle précise les règles régissant l’instruction

Réf. : Cass. crim., 11 mai 2021, n° 20-86.182 et 20-82.415, F-P (N° Lexbase : A85564RC)

Lecture: 12 min

N7626BY4

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par Adélaïde Léon

Le 23 Juin 2021

Peut valablement renvoyer l’affaire à une audience ultérieure la chambre de l’instruction qui considère que des pièces versées au dossier en cours de délibéré sont indispensables à l’examen d’une requête en nullité de procédure ; la juridiction ne peut se prononcer au vu de ses pièces à la condition qu’elles aient été soumises au débat contradictoire ;

L’invitation faite par la chambre de l’instruction, saisie d’une requête en nullité, au juge d’instruction de verser en procédure les pièces qui seraient en sa possession ne constitue pas un acte d’information complémentaire ; la note versée au dossier par le juge d’instruction pour expliquer le caractère tardif du versement de pièces ne constitue pas un acte juridictionnel par lequel il statuerait lui-même sur la régularité de la procédure ;

La date apposée par un magistrat sur un acte de procédure et authentifiée par sa signature fait foi jusqu’à inscription de faux ; le fait que les pièces n’aient pas été cotées au fur et à mesure de leur rédaction ou leur réception n’est pas, en soi, une cause de nullité de la procédure ;

La mise en place d’un dispositif de géolocalisation qui n’a pas lieu en urgence, au sens de l’article 230-35 du Code de procédure pénale ni dans un lieu privé, au sens de l’article 230-34 dudit code ne nécessite pas une décision écrite du magistrat dans un délai de 24 heures pour la poursuite des opérations ni une autorisation écrite du juge d’instruction ou du JLD, selon l’heure de pose ;

Aucune disposition conventionnelle ou légale n’interdit au juge d’instruction, agissant en application de l’article 81 du Code de procédure pénale, d’exploiter dans le cadre d’une procédure pénale une mesure de sonorisation ordonnée dans le cadre d’une autre procédure ;

L’absence de mise à la disposition des parties et de leurs conseils d’une partie déterminante de la procédure avant l’interrogatoire de première comparution et le défaut de mention de ces pièces dans les procès-verbaux desdits interrogatoires des personnes mises en examen font nécessairement grief aux droits de la défense ;

Aucune disposition conventionnelle ou légale n’interdit au juge d’instruction, agissant en application de l’article 81 du Code de procédure pénale, d’exploiter dans le cadre d’une procédure pénale une mesure de sonorisation ordonnée dans le cadre d’une autre procédure ;

Les enregistrements sonores ou audiovisuels résultant de l’exploitation d’un dispositif de sonorisation ou de fixation d’images doivent être placés sous scellés ; les OPJ chargés de les exploiter ne peuvent donc détenir une copie de ces enregistrements que pour les besoins et dans le temps de l’exécution de la mission confiée par le juge d’instruction.

Rappel des faits. Le 8 février 2018, une enquête préliminaire est ouverte sur des faits d’association de malfaiteurs en vue de commettre une tentative d’extorsion. Le 4 mai 2018, une information est ouverte, par réquisitoire introductif, contre personne non dénommée des chefs de tentatives d’extorsion en bande organisée, non-justification de ressources, association de malfaiteurs en vue de commettre notamment les crimes de tentatives d’extorsion de fonds en bande organisée. Le 13 septembre 2018, un individu susceptible d’être mis en cause dans le cadre de ladite information judiciaire a été l’objet d’une tentative d’assassinat.

Le 25 octobre 2018 par réquisitoire supplétif, la saisine du juge d’instruction a été étendue à des faits commis courant 2018 et jusqu’au 19 octobre 2018 de non-justification de ressources aggravée, recel en bande organisée, infractions à la législation sur les armes, association de malfaiteurs en vue de la préparation et la commission de crimes et de délits, en particulier d’homicide volontaire avec préméditation en bande organisée en récidive. Le même jour, l’individu précité est mis en examen de ces chefs.

Le 19 avril 2019, l’intéressé déposait une requête en nullité d’actes de la procédure au motif que depuis sa tentative d’assassinat, des investigations avaient été réalisées hors saisine, sur la préparation d’une action criminelle en représailles de ladite tentative, faits sans lien avec ceux visés au réquisitoire introductif.

Après une première audience du 6 janvier 2020, l’affaire a été mise en délibéré. Au cours du délibéré, la chambre de l’instruction a constaté qu’avaient été versés en procédure un réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018, mentionnant des faits nouveaux à savoir une enquête préliminaire diligentée par la DRPJ Ajaccio, et des procès-verbaux de ladite enquête datés du 10 au 16 octobre 2018.

Le 3 février 2020, les observations des parties ont été recueillies et l’affaire a de nouveau été mise en délibéré.

Par un arrêt avant dire droit du 2 mars 2020, la chambre de l’instruction, a invité le juge d’instruction à verser en procédure toutes les pièces qui seraient de nature à confirmer ou à infirmer la date d’établissement du réquisitoire supplétif et de l’enquête préliminaire précités et à exposer par une note les circonstances et motifs de leur versement et de leur cotation tardifs. Le juge d’instruction versait ladite note le 3 avril 2020.

Décision de la chambre de l’instruction. Par un arrêt du 19 octobre 2020, la chambre de l’instruction a refusé de constater la nullité du réquisitoire du 17 octobre 2018 et les pièces qui y auraient été annexées et de prononcer la nullité des actes d’enquête effectués sur commission rogatoire à partir du 11 octobre 2018. Elle a également écarté la nullité des opérations de géolocalisation du véhicule de l’individu auparavant mentionné, ainsi que la nullité de l’exploitation par les enquêteurs d’une copie réalisée par un expert du scellé de la sonorisation de la cellule d’un détenu à la prison des Baumettes.

La chambre de l’instruction a en revanche prononcé l’annulation de l’interrogatoire de première comparution de l’intéressé et de sa mise en examen et a fait droit à la demande d’annulation de l’exploitation de la copie de travail des enregistrements effectués dans le cadre d’une procédure distincte.

L’intéressé a formé un pourvoi contre les arrêts du 2 mars et du 19 octobre 2020. Ce dernier arrêt a également été visé par un pourvoi du procureur général.

Moyens des pourvois. Il était reproché à la chambre de l’instruction d’avoir, dans son arrêt du 2 mars 2020, invité le magistrat instructeur à compléter le dossier sans se prononcer sur les nullités dont elle était saisie. Il lui était également fait grief de n’avoir, dans son arrêt du 19 octobre 2020, que partiellement annulé les actes de la procédure et d’avoir rejeté les demandes présentées dans l’intérêt de l’intéressé.

Le procureur général faisait quant à lui grief à la chambre de l’instruction d’avoir annulé les interrogatoires de première comparution des différents mis en examen.

Décision. La Chambre criminelle a rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt du 2 mars 2020 ainsi que le pourvoi du procureur général formé contre l’arrêt du 19 octobre 2020. Elle a en revanche partiellement fait droit au pourvoi formé par l’intéressé contre l’arrêt du 19 octobre 2020 en censurant cette décision en ses seules dispositions ayant prononcé sur la nullité de pièces résultant de l’exploitation, par les enquêteurs, d’une copie de travail d’enregistrement, effectuée dans le cadre d’une procédure distincte, en dehors de la mission que leur avait confiée le juge d’instruction.

Sur l’arrêt du 2 mars 2020. Pour rejeter le pourvoi, la Cour affirme qu’aucune disposition légale ou conventionnelle n’interdit à la chambre de l’instruction, à l’occasion d’une requête en nullité, de se prononcer au vu des pièces versées au dossier en cours de délibéré à la condition que celles-ci aient été soumises au débat contradictoire. Dès lors, la chambre de l’instruction, qui estimait que les pièces ainsi versées étaient indispensables à l’examen de la requête et que le dossier mis à disposition des parties lors de l’audience du 6 janvier 2020 était incomplet, pouvait valablement renvoyer l’affaire à une audience ultérieure.

S’agissant de l’invitation adressée au juge d’instruction de préciser dans une note les circonstances du versement tardif du réquisitoire supplétif et des pièces de l’enquête préliminaire sur lesquelles il repose, la Chambre criminelle précise qu’une telle note ne constitue pas un acte juridiction du juge d’instruction par lequel il statuerait lui-même sur la régularité de la procédure. Enfin, l’invitation faite par la chambre de l’instruction au juge d’instruction de verser en procédure les pièces qui seraient en sa possession ne constitue pas un acte d’information complémentaire au sens de l’article 201 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0926DYX).

Sur l’arrêt du 19 mars 2020.

La Cour écarte le moyen concernant la nullité du réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 et des pièces annexées, tiré du caractère incertain de sa date. La date apposée par un magistrat sur un acte de procédure et authentifié par sa signature fait foi jusqu’à inscription de faux. À défaut de procédure en ce sens, il ne peut être contesté que le procureur de la République a bien établi le réquisitoire supplétif à la date indiquée sur l’acte. Il en est de même pour la commission rogatoire du lendemain.

La Cour ajoute le fait que les pièces n’aient pas été cotées au fur et à mesure de leur rédaction ou leur réception n’est pas, en soi, une cause de nullité de la procédure.

La Chambre criminelle rejette le moyen tiré de la nullité des opérations de géolocalisation du véhicule du demandeur. La mise en place du dispositif de géolocalisation qui n’a pas lieu en urgence, au sens de l’article 230-35 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8965IZ3) ni dans un lieu privé, au sens de l’article 230-34 dudit code (N° Lexbase : L7400LPR) ne nécessite pas une décision écrite du magistrat dans un délai de 24 heures pour la poursuite des opérations ni une autorisation écrite du juge d’instruction ou du JLD, selon l’heure de pose. La Cour constate que les données exploitées en procédure l’ont été durant la période d’enregistrement mentionnée au procès-verbal et que, conformément aux prescriptions de l’article 230-36 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8966IZ4) la mention du service auquel appartient l’agent qui a procédé à la mise en place du dispositif figure en procédure. Dès lors, le demandeur ne pouvait dénoncer l’absence de mention de l’heure d’installation effective du dispositif ni celle du début d’enregistrement, mais seule celle à laquelle l’OPJ a été informé de la mise en place.

La Cour rejette le moyen concernant la nullité de l’exploitation par les enquêteurs d’une copie du scellé de la sonorisation de la cellule d’un détenu à la prison des Baumettes ordonnée dans une procédure distincte. Selon la Haute juridiction, aucune disposition conventionnelle ou légale n’interdit au juge d’instruction, agissant en application de l’article 81 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9490LP8), d’exploiter dans le cadre d’une procédure pénale une mesure de sonorisation ordonnée dans le cadre d’une autre procédure.

La Chambre criminelle rejette le pourvoi formé par le procureur général lequel fait grief à la chambre de l’instruction d’avoir ordonné l’annulation de l’interrogatoire de première comparution et la mise en examen suscités. En effet, l’absence de mise à la disposition des parties et de leurs conseils d’une partie déterminante de la procédure avant l’interrogatoire de première comparution et le défaut de mention de ces pièces dans les procès-verbaux desdits interrogatoires des personnes mises en examen font nécessairement grief aux droits de la défense.

S’agissant de l’exploitation de la copie de travail des enregistrements réalisés alors que les enquêteurs avaient achevé la mission que leur avait confié le juge d’instruction et sans lien avec les faits dont le magistrat était saisi, la Chambre criminelle censure l’arrêt de la chambre de l’instruction au visa de l’article 706-100 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4856K8D), lequel prévoit que les enregistrements sonores ou audiovisuels résultant de l’exploitation d’un dispositif de sonorisation ou de fixation d’images doivent être placés sous scellés. Les OPJ chargés de les exploiter ne peuvent donc détenir une copie de ces enregistrements que pour les besoins et dans le temps de l’exécution de la mission confiée par le juge d’instruction. En conservant et en exploitant cette copie après la retranscription des seules conversations utiles pour l’exécution du mandat judiciaire, après l’achèvement de la mission qui leur avant été confiée par le magistrat instructeur, les OPJ ont méconnu les dispositions du Code de procédure pénale.

newsid:477626

Sociétés

[Brèves] Action individuelle de l’associé : précision sur la notion de préjudice personnel en présence d’un redressement fiscal

Réf. : Cass. civ. 3, 12 mai 2021, n° 19-13.942, FS-P (N° Lexbase : A85064RH)

Lecture: 3 min

N7566BYU

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par Vincent Téchené

Le 25 Mai 2021

► Constitue un préjudice personnel de l’associé qui ne se confond pas avec celui de la société et que le gérant doit réparer, la proposition de rectification des impôts de cet associé qui fait suite au redressement de la société civile, lequel trouve son origine dans des fautes commises par le gérant.  

Faits et procédure. Deux associés ont créé une société civile de construction-vente (la SCCV), dont l’un d’eux a été désigné gérant, puis liquidateur amiable. L'administration fiscale a notifié à la SCCV une proposition de rectification. En sa qualité d'associé à hauteur de 40 % des parts, l’associé non-gérant a été destinataire d'une proposition de rectification portant sur ses revenus imposables pour les années 2007 et 2008. Considérant que ce redressement était la conséquence des manquements du gérant dans la gestion de la SCCV, il l'a assigné en réparation de son préjudice.

Condamné à payer des dommages et intérêts, en réparation d’un préjudice financier et d’un préjudice moral (CA Saint-Denis de la Réunion, 29 juin 2018, n° 17/00024 N° Lexbase : A3108XYR), l’associé gérant a formé un pourvoi en cassation. Il soutenait en substance que le préjudice de l’associé ne se distinguait pas de celui de la société, de sorte qu’il ne pouvait exercer l'action individuelle en responsabilité contre le gérant.

Décision. La Cour de cassation approuve en tous points l’arrêt d’appel et rejette, en conséquence, le pourvoi.

Elle constate que la cour d’appel a relevé que le redressement fiscal appliqué à la SCCV résultait de l'incurie du gérant qui n'avait pas exécuté les résolutions d’une AGE prévoyant la dissolution amiable de la société et avait poursuivi l'activité de celle-ci tout en effectuant des déclarations fiscales non sincères et incomplètes. Elle a ajouté que la vérification de la comptabilité de la SCCV avait eu pour conséquence une rectification du bénéfice industriel et commercial imposable de l’associé à hauteur de sa participation dans la société et qu’une majoration de 40 % avait été retenue par l'administration fiscale pour « manquement délibéré », au motif que la comptabilité de la SCCV donnait « l'apparence d'une opération achevée et occultait l'existence d'un stock immobilier », la mention « néant » étant qualifiée de « consciente et intentionnelle ».

Ainsi, pour la Haute juridiction, la cour d’appel a pu en déduire que l’associé avait subi un préjudice personnel, constitué par l’application des pénalités et intérêts de retard et la nécessité de trouver rapidement une solution de financement, lequel, sans se confondre avec celui de la société, était en lien direct avec les fautes du gérant.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La responsabilité civile des dirigeants de sociétés, L'action individuelle, in Droit des sociétés, (dir. B. Saintourens), Lexbase (N° Lexbase : E1662CTQ).

 

newsid:477566

Vente d'immeubles

[Brèves] L’amiante, même confinée, peut caractériser un vice caché affectant la vente d’une maison

Réf. : Cass. civ. 3, 15 avril 2021, n° 20-16.320, FS-D (N° Lexbase : A80514PU)

Lecture: 4 min

N7592BYT

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 25 Mai 2021

► La maison, qui contient de l’amiante même confinée par l’isolation, est affectée d’un vice caché lors de la vente, dès lors qu’elle en diminue l’usage de manière importante, et dans la mesure où aucun travaux affectant l’isolation des combles ou portant sur la toiture ne peuvent être entrepris sans traiter cette problématique, ce qui génère des travaux supplémentaires.

L’amiante tient encore d’un paradoxe. Alors que de nombreuses constructions en contiennent toujours, sous une forme non nocive parce que confinée, et que les travaux de désamiantage restent coûteux et complexes, les juges semblent de plus en plus sévères à l’égard des constructeurs, diagnostiqueurs et même vendeurs de biens contenant de l’amiante. L’arrêt rapporté en est une nouvelle illustration.

En l’espèce, des particuliers vendent leur maison à d’autres particuliers. Constatant, après expertise, la présence d’amiante dans les plaques de fibrociment constituant la couverture de l’immeuble, les acquéreurs assignent les vendeurs en dommages et intérêts sur le fondement de la garantie des vices cachés.

La cour d’appel de Chambéry, dans un arrêt rendu le 2 avril 2020, a retenu la responsabilité des vendeurs sur le fondement des vices cachés, au motif qu’ils avaient connaissance de la présence d’amiante au moment de la vente. En conséquence, la clause exonératoire de responsabilité contenue dans l’acte de vente leur est inopposable. Les vendeurs forment un pourvoi en cassation. Ils articulent que la présence d’amiante ne constitue pas, à elle seule, un vice caché dès lors qu’elle n’empêche pas l’usage de la chose et ne présente pas un danger. L’amiante est un matériau dont la dangerosité est liée à l’inhalation des fibres qui la composent.

Le pourvoi est rejeté. Si le vice ne rend pas la maison impropre à son usage dans la mesure où l’amiante est confinée par l’isolation, il en diminue l’usage de manière importante dès lors que des travaux affectant l’isolation intérieure des combles ou portant sur la toiture ne pourraient être entrepris sans qu’une procédure de travaux sur produits ou matériaux amiantés ne soit engagée. La maison est affectée d’un vice caché lors de la vente diminuant tellement son usage que, s’ils l’avaient connu, les acquéreurs n’en auraient donné qu’un moindre prix.

Il s’agit là d’un durcissement de la jurisprudence.

Pour exemple, la cour d’appel de Paris a pu considérer, dans un arrêt rendu le 12 novembre 2015 (CA Paris, 12 novembre 2015, n° 11/12332 N° Lexbase : A6998NW4), que la présence d’amiante dans les matériaux de construction de l’immeuble ne constituant pas un danger et ne rendant pas l’immeuble impropre à sa destination, ne caractérise pas un vice caché.

Autrement dit, l’acheteur ne pouvait rechercher la responsabilité du vendeur au titre de la garantie des vices cachés en raison de la découverte d’amiante que pour autant que le vendeur n’ait pas respecté les obligations mises à sa charge, par exemple en matière de diagnostics (pour exemple encore Cass. civ. 3, 7 octobre 2009, n° 08-12.920, FS-P+B N° Lexbase : A0833EMS ; Cass. civ. 3, 23 septembre 2009, n° 08-13.373, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2422ELB, Constr. Urb. 2009, comm. 148) au regard, notamment, des articles 2 et 10 du décret du 7 février 1996 (N° Lexbase : L6473ASK), dont les obligations ne peuvent être transférées à l’acquéreur (Cass. civ. 3, 4 avril 2001, n° 99-11.522 N° Lexbase : A1867ATC).

Ce n’est plus le cas. L’impropriété n’est, en l’espèce, pas rapportée mais il y aura une diminution de l’usage du bien, sauf à réaliser des travaux pour enlever l’amiante, si les acquéreurs veulent eux-mêmes faire des travaux aux endroits qui contiennent de l’amiante.

Cela fait beaucoup de « si ».

L’arrêt rapporté est, également, l’occasion de rappeler les trois conditions cumulatives pour que la clause contractuelle de non-garantie des vices cachés puisse s’appliquer :

  • l’existence d’un vendeur non-professionnel ;
  • la mauvaise foi du vendeur ;
  • le respect de son obligation d’information par le vendeur.

newsid:477592

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