La simple possibilité d'une dégradation des conditions de travail suffit à consommer le délit de harcèlement moral. Par ailleurs, le fait que la personne poursuivie soit le subordonné de la victime est indifférent à la caractérisation de l'infraction. Telle sont les solutions d'un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 6 décembre 2011 (Cass. crim., 6 décembre 2011, n° 10-82.266, F-P+B
N° Lexbase : A0348H9R).
Dans cette affaire, à la suite du suicide de M. B., M. C., éducateur au sein du service de M. B, a été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel, sur le fondement de l'article 222-33-2 du Code pénal (
N° Lexbase : L1594AZ3), pour avoir harcelé M. B. en dévalorisant de façon réitérée son action, en diffusant à son propos une image d'incompétence dans son milieu professionnel et en adoptant à son égard un comportement irrévérencieux et méprisant. Le tribunal correctionnel a dit la prévention établie, en retenant notamment que le dénigrement auquel s'était livré le prévenu pendant plusieurs années avait contribué à dégrader les conditions de travail de M. B., au point d'altérer sa santé physique ou mentale et de compromettre son avenir professionnel. Pour infirmer le jugement et débouter les parties civiles de leur demandes, la cour d'appel énonce que, pour constituer le délit de harcèlement moral, les agissements commis doivent avoir nécessairement porté atteinte aux droits, à la dignité de la victime, ou altéré sa santé physique ou mentale, ou encore compromis son avenir professionnel. Pour la cour d'appel, "
le prévenu, subordonné de la victime, n'avait ni les qualités ni les moyens de compromettre l'avenir professionnel de celle-ci", et aucun élément de la procédure ne permettait d'établir que les faits en cause aient été à l'origine d'une dégradation physique ou mentale du défunt. La Haute juridiction infirme l'arrêt, la cour d'appel, ayant ajouté à la loi des conditions qu'elle ne comporte pas, en retenant, notamment, que les conséquences de la dégradation des conditions de travail devaient être avérées, alors que la simple possibilité de cette dégradation suffit à consommer le délit de harcèlement moral .
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable