Le Quotidien du 5 octobre 2022

Le Quotidien

Bancaire

[Brèves] Précision sur la responsabilité de la banque en cas de virements opérés par le client s’étant révélés comme étant le résultat d’une escroquerie

Réf. : Cass. com., 21 septembre 2022, n° 21-12.335, F-B N° Lexbase : A25258KQ

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par Jérôme Lasserre-Capdeville

Le 05 Octobre 2022

► Un établissement de crédit ayant fait preuve, à un moment donné, d’une vigilance dépassant le cadre légal de ses obligations en effectuant des recherches sur l’identité des organismes bénéficiant des virements ordonnés par son client, ne saurait se voir reprocher ces vérifications supplémentaires ;  au contraire, cela démontrait que, même informé de certaines anomalies découvertes par la banque aux termes de recherches auxquelles elle n’était pas tenue, le client avait persisté dans sa volonté de poursuivre ce type d’opérations en signant une décharge de responsabilité circonstanciée au bénéfice de la banque ;

Par ailleurs, les obligations de vigilance et de déclaration imposées aux organismes financiers en application des articles L. 561-5 à L. 561-22 du Code monétaire et financier ont pour seule finalité la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ; il s’en déduit que la victime d’agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l'inobservation de ces obligations pour réclamer des dommages-intérêts à l’organisme financier.

Le devoir de non-ingérence, dit aussi devoir de non-immixtion, impose aux établissements de crédit de ne pas intervenir dans les affaires de leurs clients, soit en s’informant sur ces mêmes affaires, soit en réalisant de leur propre chef des opérations pour le compte des clients. Le banquier n’a donc pas à effectuer de recherches pour s’assurer que les opérations qu’un client souhaite effectuer sont régulières, non dangereuses pour lui et insusceptibles de nuire injustement à un tiers. Le devoir place ainsi l’établissement bancaire dans une position de neutralité, quelle que soit l'opération passée : encaissement de chèques, retraits de fonds, opération de crédit, etc. Cette règle, dégagée par un arrêt de principe de 1930 (Cass. civ., 28 janvier 1930, RTD civ., 1930, p. 369, obs. Demogue), est régulièrement rappelée par les juges.

Si le principe de non-ingérence a vocation à s’appliquer à l’ensemble des activités du banquier, ce dernier se voit également imposer, dans un certain nombre de cas, un devoir contraire à la non-ingérence. En effet, l’exercice de l'activité bancaire présente des risques importants, dans la mesure où les opérations de banque peuvent permettre la réalisation de fraudes au détriment d'un client, de l’établissement de crédit lui-même ou encore de tiers. Il en va ainsi avec le devoir de vigilance, également appelé devoir de surveillance ou devoir général de prudence, qui désigne l'obligation pour le banquier de s’immiscer, dans certaines circonstances bien précises, dans les affaires de ses clients pour opérer diverses vérifications. Ce devoir de vigilance est, selon les cas, imposé par la loi, le contrat, ou la jurisprudence.

Ce dernier cas retiendra ici notre attention. Il est ainsi établi depuis longtemps que le principe de non-ingérence laisse subsister la responsabilité du banquier qui accepte d'enregistrer une opération dont l'illicéité ressort d'une « anomalie apparente » (v., par ex., Cass. com., 25 avril 1967, n° 63-13.318, publié au bulletin N° Lexbase : A3155ATZ, JCP, 1967, II, 15306, obs. Ch. Gavalda ; Cass. com., 3 janvier 1977, n° 75-11.853, publié au bulletin N° Lexbase : A7157AG8 ; Cass. com., 15 novembre 2016, n° 15-14.133, F-D N° Lexbase : A2397SIM). Le devoir de « neutralité » tombe ainsi devant l’apparence d’une opération illicite.

Ces rappels utiles étant faits, on peut observer la décision sélectionnée.

Faits et procédure. En l’espèce, M. K. avait investi, en 2015, auprès de plusieurs sociétés financières européennes des fonds transférés par quinze virements effectués à partir du compte joint qu’il détenait avec son épouse, ouvert dans les livres d’une banque.

Faisant valoir qu’ils avaient été victimes d’une escroquerie et n’avaient pu obtenir la restitution de leurs avoirs, le couple avait assigné la banque en indemnisation, lui reprochant d’avoir contribué à la réalisation de leur dommage du fait de manquements à ses obligations d'information et de vigilance. M. K. étant décédé en cours d'instance, son action avait été reprise par ses trois ayants droit.

Or, la cour d’appel de Nancy ne leur ayant pas donné raison, Mme K. et les ayants droit de M. K. ont formé un pourvoi en cassation.

Décision. Deux moyens étaient à observer.

En premier lieu, Mme K. et les héritiers faisaient grief à l’arrêt d’avoir rejeté leurs demandes de dommages-intérêts, considérant qu’il y avait ici des faits constituant des manquements de la banque à son obligation de vigilance.

La Cour de cassation ne partage pas les différentes allégations figurant dans ce moyen.

Il est ainsi noté qu’après avoir constaté qu’aucune des opérations de virement n’était affectée d'une anomalie matérielle, l’arrêt de la cour d’appel avait retenu que les montants des virements effectués n’étaient pas en eux-mêmes constitutifs d’anomalies, dès lors que le compte de M. K. et de son épouse était toujours resté créditeur et que ces montants devaient être mis en rapport avec l'importance du patrimoine des époux K. Il retenait également que le libellé des virements litigieux ne faisait nullement apparaître qu'ils étaient destinés au financement d'opérations spéculatives sur le Forex (marché des changes) et que, selon les documents dont la banque avait connaissance, M. K. et son épouse vendaient des titres boursiers pour procéder à l’achat de valeurs mobilières via des sociétés financières européennes ayant leurs comptes domiciliés en Bulgarie, à Malte, en Roumanie, en Pologne, en République tchèque ou en Géorgie. Il retenait encore qu’il n’était pas établi que la TBI Bank, où l’un des comptes à créditer était domicilié, aurait déjà été mise en cause dans des escroqueries aux investissements sur le Forex.

L’arrêt ajoutait surtout que le fait que la banque ait fait preuve, à compter de septembre 2015, d’une vigilance dépassant le cadre légal de ses obligations en effectuant des recherches sur l’identité des organismes bénéficiant des derniers virements ordonnés par M. K. ne saurait être retenu contre elle et relevait que, même informé de certaines anomalies découvertes par la banque aux termes de recherches auxquelles elle n’était pas tenue, M. K. avait persisté dans sa volonté de poursuivre ce type d’opérations en signant une décharge de responsabilité circonstanciée au bénéfice de la banque.

Dès lors, en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel avait pu retenir que la banque n'avait commis aucun manquement à son obligation de vigilance.

Cette solution est convaincante. On ne saurait reprocher à une banque à l’origine d’un « excès de zèle » de ne pas l’avoir mis en œuvre plus tôt, et ce d’autant plus lorsque le client averti des soupçons de l’établissement persiste à opérer des virements au bénéfice de la structure étrangère.

En second lieu, Mme K. et les héritiers K. faisaient grief à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir rejeté leurs demandes en paiement de dommages-intérêts, et qu’en retenant que la sanction de la méconnaissance de l’obligation de l'examen particulier des opérations est exclusivement sanctionnée disciplinairement ou administrativement par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, elle aurait méconnu l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause (aujourd’hui : C. civ., art. 1240 N° Lexbase : L0950KZ9).

Ce moyen est également jugé non fondé.

L’arrêt commence par rappeler que les obligations de vigilance et de déclaration imposées aux organismes financiers en application des articles L. 561-5 à L. 561-22 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L5147LBA ont pour seule finalité la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Il résulte alors, pour les magistrats nancéens, de l’article L. 561-19 N° Lexbase : L0675LWW du Code monétaire et financier que la déclaration de soupçon mentionnée à l’article L. 561-15 N° Lexbase : L5153LBH est confidentielle et qu’il est interdit de divulguer l’existence et le contenu d’une déclaration faite auprès de Tracfin ainsi que les suites qui lui ont été réservées, au propriétaire des sommes ou à l'auteur de l'une des opérations mentionnées à l'article L. 561-15 ou à des tiers, autres que les autorités de contrôle, ordres professionnels et instances représentatives nationales visés à l'article L. 561-36 N° Lexbase : L7301LBZ. De plus, aux termes de ce dernier article, ces autorités sont seules chargées d’assurer le contrôle des obligations de vigilance et de déclaration et de sanctionner leur méconnaissance sur le fondement des règlements professionnels ou administratifs. Enfin, selon l’article L. 561-29, I, du même Code N° Lexbase : L0682LW8, sous réserve de l’application de l’article 40 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L5531DYI, les informations détenues par Tracfin ne peuvent être utilisées à d’autres fins que la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes.

Il s’en déduit alors que la victime d'agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l'inobservation des obligations de vigilance et de déclaration précitées pour réclamer des dommages-intérêts à l'organisme financier.

Cette solution ne surprendra pas le lecteur. Par un arrêt du 28 avril 2004, la Chambre commerciale a déjà eu l’occasion de dire que la victime d’agissements frauduleux, prenant la forme de chèques falsifiés, ne peut se prévaloir de l’inobservation des textes relatifs à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme pour réclamer des dommages-intérêts à l’établissement financier (Cass. com., 28 avril 2004, n° 02-15.054, FS-P+B+I N° Lexbase : A9943DBU).

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Filiation

[Brèves] Action en contestation de paternité : le légataire universel du titulaire de l’action ne peut poursuivre l’action engagée par lui

Réf. : Cass. civ. 1, 21 septembre 2022, n° 20-21.035, F-B N° Lexbase : A25498KM

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N2749BZT

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par Laure Florent

Le 04 Octobre 2022

► Le légataire universel du titulaire de l'action en contestation de paternité, n'étant pas un héritier de celui-ci au sens de l'article 322 du même Code sur l’action relative à la filiation, n'a pas qualité pour exercer cette action ni pour la poursuivre.

Faits et procédure. En l’espèce, un homme a engagé une action en contestation de paternité. Après son décès, ses deux nièces sont intervenues volontairement à l’instance en leur qualité de légataires universelles pour reprendre l’instance.

La cour d’appel de Papeete a déclaré irrecevable l’intervention volontaire des légataires universelles, considérant que le légataire universel du titulaire d'une action relative à la filiation n'est pas un héritier au sens de l'article 322 du Code civil N° Lexbase : L8824G9P et qu'il n'a qualité ni pour exercer cette action ni pour poursuivre une telle action déjà engagée.

Pour rappel, l’article 322 du Code civil dispose que « l'action peut être exercée par les héritiers d'une personne décédée avant l'expiration du délai qui était imparti à celle-ci pour agir. Les héritiers peuvent également poursuivre l'action déjà engagée, à moins qu'il n'y ait eu désistement ou péremption d'instance ».

Les légataires universelles considéraient pourtant que « si le légataire universel du titulaire de l'action en contestation de paternité n'a pas qualité pour intenter ladite action, il en dispose pour poursuivre l'action engagée par ce titulaire de son vivant ».

Rejet. La Cour de cassation approuve le raisonnement de la cour d’appel qui a énoncé à bon droit que le légataire universel du titulaire de l'action prévue par l'article 333 du Code civil N° Lexbase : L5803ICW, n'étant pas un héritier de celui-ci au sens de l'article 322 du même Code, n'a pas qualité pour exercer cette action ni pour la poursuivre (la solution n’est pas nouvelle : déjà en ce sens,  Cass. civ. 1, 2 avril 2014, n° 13-12.480, FS-P+B+I N° Lexbase : A3545MI7). Dès lors, les légataires universelles étaient irrecevables à poursuivre l’action en contestation de paternité engagée par le défunt.

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Fiscalité immobilière

[Brèves] La taxe pour la création de locaux à usage de bureaux renvoyée devant le Conseil constitutionnel

Réf. : CE, 9°-10° ch. réunies, 23 septembre 2022, n° 452256, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A58358KC

Lecture: 3 min

N2694BZS

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par Marie-Claire Sgarra

Le 04 Octobre 2022

La question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions combinées de l'article L. 520-1 du Code de l'urbanisme et de l'article L. 520-6 du même Code en tant qu'elles soumettent à la taxe pour la création de locaux à usage de bureaux, commerce et stockage en Île-de-France, les locaux utilisés par les associations non reconnues d'utilité publiques pour l'exercice d'activités à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Que prévoient les dispositions au litige ?

Aux termes de l’article L. 520-1 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L3906KWL, en région d'Île-de-France, une taxe est perçue à l'occasion de la construction, de la reconstruction ou de l'agrandissement des locaux à usage de bureaux, des locaux commerciaux et des locaux de stockage.

Aux termes de l'article L. 520-6 du Code de l'urbanisme N° Lexbase : L3901KWE applicable à partir du 1er janvier 2016, sont exonérés de la taxe prévue à l'article L. 520-1 :

  • les locaux affectés au service public et appartenant ou destinés à appartenir à l'État, à des collectivités territoriales ou à des établissements publics ne présentant pas un caractère industriel et commercial ;
  • les bureaux utilisés par les membres des professions libérales et les officiers ministériels ;
  • les locaux affectés aux associations constituées dans les formes prévues à l'article 10 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.

Il résulte de ces dispositions que, s'agissant de la taxe pour la création de locaux à usage de bureaux, commerce et stockage en Île-de-France, les associations qui sont assujetties à raison de la construction des locaux professionnels qu'elles détiennent et utilisent pour l'exercice de leurs activités à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel, tel un service de crèche ne bénéficient ni, lorsqu'elles ne sont pas reconnues d'utilité publique en application de l'article 10 de la loi du 1er juillet 1901, des exonérations prévues en faveur des locaux, notamment de même type, affectés au service public et appartenant ou destinés à appartenir à l'État, à des collectivités territoriales ou à des établissements publics ne présentant pas un caractère industriel et commercial, ni de l'exemption de taxe prévue en faveur des locaux de caractère social ou sanitaire qui sont mis à la disposition du personnel travaillant dans les immeubles soumis à la taxe, ni encore, si leur activité est réalisée à titre non lucratif, des tarifs réduits applicables aux locaux commerciaux, alors que ceux-ci peuvent être destinés à l'exercice de prestations de services de même type.

Solution du CE. Par suite, et eu égard à l'objet de la taxe en litige qui a été instaurée par la loi du 2 août 1960, tendant à limiter l'extension des locaux à usage de bureaux et à usage industriel dans la région parisienne, le grief tiré de ce que les dispositions de l'article L. 520-1 du Code de l'urbanisme combinées à celles de l'article L. 520-6 du même Code en tant qu'elles y soumettent les locaux utilisés par les associations pour l'exercice de leurs activités à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel, qui sont applicables au litige et n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, soulève une question présentant un caractère sérieux.

Il y a dès lors lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

newsid:482694

Procédure

[Brèves] Caractère obligatoire de la clause contractuelle d’un contrat de collaboration libérale instituant une procédure de conciliation préalable à la saisine du juge

Réf. : Cass. soc., 21 septembre 2022, n° 21-14.171, FS-B N° Lexbase : A25328KY

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N2721BZS

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par Charlotte Moronval

Le 05 Octobre 2022

► La clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu’à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent.

Faits et procédure. Mme X conclut un contrat de chirurgien-dentiste collaborateur libéral avec M. Y, chirurgien-dentiste, rompu par celui-ci quelques années plus tard.

Estimant que le contrat de collaborateur libéral devait être requalifié en contrat de travail, Mme X saisit la juridiction prud'homale.

La cour d’appel (CA Rennes, 28 janvier 2021, n° 17/09219 N° Lexbase : A81904DP) juge les demandes de Mme X irrecevables en l'état et précise que les parties pourront éventuellement ressaisir le juge après la décision de la commission de conciliation du conseil départemental de l'ordre des médecins-dentistes.

Mme X forme un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi.

La cour d'appel qui a relevé que le contrat de collaboration libérale prévoyait le recours à une procédure de conciliation préalable à toute instance judiciaire pour les contestations relatives à la validité, l'interprétation, l'exécution ou la résolution de la convention, en déduit exactement l'irrecevabilité de l'action en requalification de ce contrat en contrat de travail avant que la procédure de conciliation ait été mise en œuvre.

Pour aller plus loin :

  • pour rappel, en raison de l’existence en matière prud’homale d’une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de médiation préalable en cas de litige survenant à l’occasion de ce contrat n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend (Cass. soc., 5 décembre 2012, n° 11-20.004, FP-P+B+R N° Lexbase : A5778IYN et Cass. avis, 14 juin 2022, n° 22-70.004, FS-B N° Lexbase : A090977S) ;
  • v. ÉTUDE : La résolution amiable des différents en droit du travail, Les dispositifs à la libre appréciation du salarié, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E45163LT.

 

newsid:482721

Procédure civile

[Jurisprudence] Signification : à l’impossible, le commissaire de justice est-il tenu ?

Réf. : Cass. civ. 2, 8 septembre 2022, n° 21-12.352, F-B N° Lexbase : A24578HH

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par Arnaud Leon, Commissaire de Justice associé (Selarl Bonnamy-Vizoso & Leon), Chargé d’enseignement à l’INCJ (Institut National des Commissaires de Justice), IJA (Institut Juridique d’Aquitaine), intervenant EDA (École des Avocats de Bordeaux)

Le 05 Octobre 2022

Mots-clés : commissaire de justice • signification • diligences • vérifications • boîte aux lettres • nullité

L’arrêt rendu le 8 septembre 2022 par la Cour de cassation réaffirme sans nul détour la rigueur dont doit faire preuve l’officier public et ministériel qu’est le commissaire de justice (anciennement huissier de justice) lors de la signification de ses actes. Il s’assurera d’avoir accompli vérifications et diligences suffisantes afin de satisfaire aux dispositions de l’article 656 du Code de procédure civile.


 

À ce titre volontairement provocateur, la réponse ne peut être que positive : à l’impossible, le commissaire de justice est tenu.

En effet, la lecture de cet arrêt nous enseigne à nouveau que les difficultés que peut rencontrer le commissaire de justice sur le terrain ne le soustrait pas à ses obligations de diligences. L’arrêt de la Cour de cassation retient que :

« La seule mention dans l’acte d’huissier de justice que le nom du destinataire de l’acte figure sur la boîte aux lettres n’est pas de nature à établir, en l’absence de mention d’autres diligences, la réalité du domicile du destinataire de l’acte et, partant, ne satisfait pas aux exigences de l’article 656 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6825H7W. ».

Les faits de l’espèce sont les suivants : deux prêts immobiliers, garantis par un cautionnement, sont consentis par une banque à des époux. Une assignation en paiement est délivrée à l’un des époux codébiteur du prêt par l’huissier de justice [1] selon les modalités de l’article 656 du Code de procédure civile ; lequel considère la réalité du domicile par le nom du destinataire figurant sur la boîte aux lettres. Mais cette réalité est tout autre, les époux sont séparés et l’épouse, destinataire de l’acte, n’habite plus à l’adresse indiquée. Dès lors, un jugement réputé contradictoire est rendu à son encontre pour lequel appel est interjeté invoquant la nullité de l’assignation. Condamnée en appel (les juges retiennent la régularité de la délivrance de l’acte dès lors que l’huissier s’est rendu à l’adresse, a vérifié que le nom du destinataire figurait bien sur la boîte aux lettres et qu’il était peu important que son prénom y soit précisé), elle se pourvoit en cassation… dont nous connaissons la solution sus-évoquée. Et elle n’est pas nouvelle. La Haute juridiction avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur les diligences nécessaires afin de s’assurer de la réalité du domicile [2].

Outre une solution fondée sur une lecture stricte de l’article 656 du Code de procédure civile, les circonstances factuelles invoquées en appel n’ont pas suffi à sauver l’acte : le domicile était le seul connu du créancier, aucun changement d’adresse n’avait été signalé au créancier, les plis recommandés avaient été retournés à l’expéditeur avec la mention « avisé et non réclamé » et le créancier n’avait pas été informé de la séparation de fait des époux… Il en résulte que l’huissier de justice est toujours tenu de signifier avec rigueur quelque soit les difficultés matérielles rencontrées. Néanmoins, si la décision peut paraître sévère pour le praticien de prime abord, elle n’est qu’une application rigoureuse des textes relatifs à la signification (I)… obligeant le professionnel à surmonter bien souvent de nombreux obstacles (II).

I. De l’exigence des textes relatifs à la signification civile…

A. Une hiérarchie textuelle « en escalier »

Rappelons que le commissaire de justice exerce un office dans le cadre de ses activités monopolistiques dont la signification fait partie. Il doit s’obliger à être rigoureux et diligent lors de la délivrance de ses actes. La lecture des textes est manifeste à cet égard puisque l’article 654 du Code de procédure civile dispose que « la signification doit être faite à personne ». L’emploi de l’impératif n’est pas étranger et montre à quel point le législateur a souhaité que le destinataire de l’acte soit informé de la procédure en cours. Et ce n’est seulement, qu’à défaut et lorsque l'huissier de justice aura relaté dans l'acte les diligences accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification, (CPC, art. 655 N° Lexbase : L6822H7S) qu’il pourra être procédé à un mode subsidiaire de signification.

Il est important de noter que les articles 655 et suivants du Code de procédure civile sont rédigés au pluriel. S’agissant de l’article 655 du Code de procédure civile, il est bien fait état de « diligences accomplies »  ainsi que des « circonstances rendant impossible une telle signification ». En effet, lors de son retour à l’étude et de la régularisation de l’acte au répertoire, le commissaire de justice rédige informatiquement le procès-verbal de signification qui est « l’histoire » détaillée des démarches accomplies. À sa lecture, le Juge doit être en capacité d’identifier clairement les circonstances de la délivrance de l’acte. Et l’article 656 du Code de procédure civile n’en est que la suite logique, il s’agit bien aussi de « vérifications faites »… au pluriel ! Une fois seulement celles-ci accomplies, la signification à domicile est possible accompagnée d’un avis de passage et d’une lettre simple (CPC, art. 658 N° Lexbase : L6829H73). Rien de surprenant dès lors que la jurisprudence rejette la validité de l’acte lorsqu’elle ne repose que sur la seule vérification du nom inscrit sur la boîte aux lettres… et sans prénom de surcroît. Il s’agit d’une application littérale du texte.

Quid alors de la négligence ou de la passivité du débiteur de ne pas avoir procédé à son changement d’adresse ; ou même encore, pourrait-on y voir une forme d’inertie stratégique afin de faire tomber une procédure ultérieurement ?

Que nenni selon la Cour de cassation ; elle rejette toutes argumentations relatives à ces considérations. Le commissaire de justice doit effectuer plusieurs vérifications. Un point c’est tout. D’ailleurs, ces jurisprudences sont largement relayées dans les tribunaux judiciaires. Pour exemple, le président du tribunal judiciaire de Bordeaux a adressé il y a quelques mois déjà une note informant les commissaires de justice du ressort que les assignations seraient rejetées si le procès-verbal de signification ne mentionnait qu’une seule vérification du domicile. Dont acte.

B. Une hiérarchie garantissant le droit des parties

Si le commissaire de justice dispose d’un monopole en la matière, c’est notamment pour assurer la sécurité juridique des parties. Son déplacement ne doit pas être comparé à celui de La Poste ou d’un livreur de colis lambda. Combien de fois, chacun de nous, avons eu à râler à constater la présence d’un avis de passage postal dans sa boîte aux lettres alors que nous étions chez nous ? Le commissaire de justice attend, longtemps souvent, afin d’être sûr que le destinataire ne tarde tout simplement pas à ouvrir la porte, par crainte, méconnaissance ou parce qu’il n’a pas entendu frapper à la porte. Le commissaire de justice essaie de ne pas précipiter la signification dont peut dépendre la qualification de la décision à venir ou encore l’exercice de voies de recours. Par exemple, nous connaissons tous le texte relatif au délai d’opposition en matière d’injonction de payer qui ne court qu’à compter de la signification à personne du destinataire (moyen visant à saisir le juge initial de sa demande).

En outre, la signification à personne permet au justiciable d’avoir une lecture plus intelligible de l’acte quand les textes des procédures civiles d’exécution ne prévoient tout simplement pas des rappels verbaux. Tel est le cas par exemple en matière de saisie-vente, où au visa de l’article R. 221-17 Code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L2262ITX, est rappelé la faculté ouverte au débiteur de procéder à la vente amiable des biens saisis. Cette rencontre permet aussi de négocier, expliquer, solutionner.

Cette pluralité de vérifications assure également la sécurité juridique des parties dans le déroulé des procédures civiles d’exécution. Nous avons évoqué plus haut la procédure de saisie-vente laquelle permet la pénétration au domicile du débiteur en son absence lorsque le commissaire de justice est assisté des personnes visées par l’article L. 142-1 du Code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L5822IR3. Quelles seraient les conséquences d’une saisie-vente dans la décision commentée alors même qu’une seule vérification du domicile a été opérée (et que le débiteur n’habite plus à l’adresse indiquée…) ?

Comme nous venons de le voir, la décision commentée est louable compte tenu notamment de la nature des dispositions textuelles et de la sécurité juridique des parties attachée, mais ce n’est pas sans soulever des difficultés matérielles pratiques pour le commissaire de justice.

II. Aux difficultés pratiques rencontrées par le commissaire de justice

A. Les obstacles matériels

La réalité du terrain auquel est confronté le commissaire de justice rend bien souvent difficile le strict respect des exigences textuelles et jurisprudentielles.

En effet, l’emploi du pluriel comme sus-évoqué peut générer des difficultés pratiques considérables. Plusieurs réalités sont à évoquer :

- il est bien rare, qu’en plus du nom sur la boîte aux lettres, figure le nom sur une sonnette ou un interphone. Et ceci s’observe tant pour les maisons individuelles que pour les appartements. Et si le nom figure toujours sur la boîte aux lettres, rien ne permet de garantir que les occupants des lieux sont encore ceux de l’acte à délivrer (voir pour preuve l’arrêt commenté).

- souvent l’accès est difficile, voire impossible, dans les résidences, s’assimilant alors à un vrai parcours du combattant : portillon codé, puis porte codée de la résidence, interphone identifié uniquement avec le numéro d’appartement. Alors le commissaire de justice attend le temps nécessaire afin qu’une personne ouvre la porte. Il vérifie sur les boîtes aux lettres le nom du requis (et il n’y a bien souvent que le nom… quand il y est…). Arrivé enfin à la porte de l’appartement, il ne peut constater que seul figure le numéro d’appartement sur la porte sans autres identifications supplémentaires… Et comme notre société est emprunte d’une communication entre voisins quasi inexistante en ville, si la jurisprudence l’y autorise [3] pourtant, le commissaire de justice aura du mal à obtenir la confirmation du domicile par ledit voisinage.

B. Aux solutions proposées

Compte tenu de nos développements précédents, il est aisé de comprendre que le commissaire de justice ne peut pas faire l’économie de plusieurs vérifications lors de la signification de ses actes. Alors, compte tenu des difficultés rencontrées, quelles pistes peuvent être envisagées afin de parfaire la signification civile ?

Comme l’a proposé un confrère et auteur [4], « la signification électronique peut contribuer à apporter une solution, mais recevoir un courriel d’un commissaire de justice est moins marquant que de l’entendre toquer à la porte ». Effectivement, et au-delà d’être certain que le mail ait bien été reçu et lu (à moins d’imaginer une adresse mail administrative conférée à son titulaire à vie et dès la naissance),  l’une des plus-values de l’acte de commissaire de justice est la rencontre physique avec le débiteur pour les raisons évoquées plus haut. Cet échange lui permet de réaliser et d’acter qu’une procédure existe et qu’elle n’est pas virtuelle.

Afin de répondre aux exigences jurisprudentielles, peut-on imaginer que la confirmation du domicile soit possible par tous moyens ? Et envisager une confirmation lato sensu ? Confirmation par le bailleur (lorsqu’il existe un bail à l’origine du litige) ?  Investigations via les réseaux sociaux (Instagram, TikTok, LinkedIn) pour ne citer qu’eux ?

Aussi, il était naguère possible de signifier un acte par remise au voisin ou au gardien de l’immeuble. Cette possibilité a disparu sans raisons apparentes. S’il est vrai, comme nous l’avons écrit plus haut, que les voisins sont souvent anonymes, il n’en est pas de même dans les villages ou zones plus rurales. En effet, comment justifier de la possibilité pour le commissaire de justice  d’interroger un voisin sur la réalité du domicile de son propre voisin sans lui laisser le choix de lui remettre l’acte ? Et le raisonnement peut s’étendre au gardien ! Certains y verront sans doute une violation du secret professionnel, car le commissaire de justice doit décliner son identité avant de signifier l’acte. Mais c’est oublier que l’acte est remis sous pli fermé, ne comportant d’un côté que le nom et adresse du destinataire de l’acte et de l’autre le cachet apposé sur la fermeture du pli. Rien n’oblige le commissaire de justice à en dire davantage.

Et somme toute, si toutes les recherches possibles demeurent vaines, que le commissaire de justice n’a finalement que le nom sur la boîte aux lettres, comment doit-il signifier son acte ? Dans pareille hypothèse, l’unique possibilité selon nous est de régulariser l’acte selon les modalités de l’article 659 du Code de procédure civile en visant notamment dans la rédaction de ses diligences l’ arrêt de la Cour de cassation ici commenté.

In fine, cet arrêt appelle les praticiens à la plus grande prudence et dont les conséquences peuvent amener à l’anéantissement de la procédure [5] avec toute la responsabilité qui en découle… S’il est vrai que le « terrain » est bien souvent complexe, il ne faut pas oublier l'office du commissaire de justice et ses obligations attachées.


[1] Terme maintenu puisque l’institution de la nouvelle profession des commissaires de justice n’est officiellement instituée que depuis le 1er juillet 2022 et « tant qu’ils ne remplissent pas les conditions de formation à la profession de commissaire de justice, les professionnels en exercice au 1er juillet 2022 conservent leur titre d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire (ordonnance n° 2016-728, du 2 juin 2016, art.25, V N° Lexbase : L4070K8A).

[2] Cass. civ. 2, 4 mars 2021, n° 19-25.291, F-P N° Lexbase : A02114KZ, T. Goujon-Bethan, Office de l’huissier significateur et négligence du destinataire, Dalloz actualité 19 mars 2021.

[3] Cass. civ. 2, 4 juin 2020, n° 19-12.727, F-P+B+I N° Lexbase : A05863NZ

[4] S. Dorol, JCP G, 26 septembre 2022.

[5] T. Goujon-Bethan, L’office de l’huissier de justice significateur à l’épreuve des boîtes aux lettres, Dalloz actualité, 26 septembre 2022.

newsid:482808

Procédure civile

[Brèves] Procédure sans représentation obligatoire : quid des mentions de la déclaration d’appel ?

Réf. : Cass. civ. 2, 29 septembre 2022, n° 21-23.456, FS-B N° Lexbase : A34268LH

Lecture: 2 min

N2794BZI

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 04 Octobre 2022

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 29 septembre 2022, énonce qu’en matière de procédure sans représentation obligatoire, y compris lorsque les parties ont choisi d'être assistées ou représentées par un avocat, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement ; la Haute juridiction précise également qu’il doit en être de même lorsque l’acte d’appel, qui omet de mentionner les chefs de dispositif critiqués, ne précise pas si l'appel tend à l'annulation ou à la réformation du jugement.

Faits et procédure. Dans cette affaire, par déclaration établie et transmise par un avocat, une mère a interjeté appel à l’encontre d’un jugement rendu par un juge des enfants ayant renouvelé une mesure éducative avec placement de sa fille au domicile du père.

Le pourvoi. La demanderesse fait grief à l’arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la cour d’appel de Besançon d’avoir constaté que la cour d’appel n’était saisie d’aucune demande en l’absence d’effet dévolutif de son appel. L’intéressée énonce la violation par les juges du fond des articles 562 N° Lexbase : L7233LEM et 933 N° Lexbase : L8616LYR et 1192 N° Lexbase : L8891IW9 du Code de procédure civile, ainsi que les stipulations de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR. En l’espèce, la cour d’appel pour dire qu’elle n’était saisie d’aucune demande a retenu que la déclaration d’appel établie par l’avocat de l’appelante ne précisait pas les chefs du jugement qu’elle entendait critiquer.

Solution. Énonçant la solution précitée au visa des articles 562 et 933 du Code de procédure civile, la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel et casse et annule l’arrêt rendu en toutes ses dispositions.

newsid:482794

Social général

[Brèves] Lanceur d’alerte : précisions sur les procédures de recueil et de traitement des signalements émis

Réf. : Décret n° 2022-1284, du 3 octobre 2022, relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d'alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401, du 21 mars 2022, visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte N° Lexbase : L4661MED

Lecture: 5 min

N2810BZ4

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par Lisa Poinsot

Le 19 Octobre 2022

► Pour bénéficier de la protection attachée au statut de lanceur d’alerte, une personne doit répondre à la nouvelle définition légale et respecter la procédure de signalement (interne/externe) précisée par le décret n° 2022-1284, publié au Journal officiel du 4 octobre 2022.

Contexte juridique. Dans un objectif de protection des lanceurs d’alerte, la loi n° 2016-1691, du 9 décembre 2016 N° Lexbase : L6482LBP, est venue unifier leur régime juridique. Récemment, la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 N° Lexbase : L0484MCW est venue :

  • modifier la définition du lanceur d’alerte ;
  • étendre les protections accordées au lanceur d’alerte à des tiers liés à celui-ci ;
  • préciser le fonctionnement des canaux internes et externes de signalement ;
  • énoncer les modalités de recours à la divulgation publique, et les garanties de confidentialité qui s’attachent au statut ;
  • renforcer la protection des lanceurs d’alerte.

👉 Entrée en vigueur du décret : 5 octobre 2022.

Procédure interne de recueil et de traitement des signalements

  • employeurs concernés : personnes morales de droit privé employant au moins cinquante salariés ;
  • mise en place : l’employeur établit une procédure interne après consultation des instances de dialogue social. La procédure est diffusée ensuite par l’entité concernée par tout moyen en assurant une publicité suffisante, notamment par voie de notification, affichage ou publication, sur son site internet ou par voie électronique ;
  • signalement possible : anonyme ou non, par écrit ou par oral (par téléphone ou par tout autre système de messagerie vocale, lors d’une visioconférence ou d’une rencontre physique organisée au plus tard vingt jours ouvrés après réception de la demande). En cas de signalement oral, celui-ci est consigné soit en enregistrant sur un support durable et récupérable soit en le transcrivant intégralement soit en établissant un procès-verbal précis de la conversation ;
  • traitement : par une entité qui apprécie les allégations en vérifiant leur exactitude et en demandant tout complément d’information à l’auteur du signalement ;
  • effets du traitement : cette entité informe par écrit à l’auteur du signalement dans un délai inférieur à trois mois à compter de l’accusé de réception du signalement ou, à défaut, à compter de l’expiration d’une période de sept jours ouvrés suivant le signalement, des mesures envisagées ou prises pour évaluer l’exactitude des allégations voire d’y remédier. En cas d’allégations inexactes ou infondées, ou lorsque le signalement est devenu sans objet, l’entité procède à la clôture du signalement et en informe l’auteur ;
  • garanties : intégrité et confidentialité des informations recueillies dans un signalement, notamment l’identité de l’auteur et des personnes visées par celui-ci ou de tout tiers mentionné ; accès interdit à ces informations aux membres du personnel non autorisés.

Procédure externe de recueil et de traitement des signalements

  • mise en place : par les autorités externes compétentes (liste en annexe) qui désignent les membres du personnel compétents pour recueillir et traiter les signalements. Ces membres doivent recevoir une formation spécifique, assurée ou financée par l’autorité, afin d’assurer pleinement leurs missions. L’autorité publie, sur son site internet, notamment des informations concernant les procédures internes de recueil et de traitement des signalements, des conditions et des modalités pratiques pour bénéficier de la protection des lanceurs d’alerte, le régime de confidentialité ;
  • signalement possible : par écrit ou par oral (par téléphone ou par tout autre système de messagerie vocale, lors d’une visioconférence ou d’une rencontre physique organisée au plus tard vingt jours ouvrés après réception de la demande). En cas de signalement oral, celui-ci est consigné soit en enregistrant sur un support durable et récupérable soit en le transcrivant intégralement soit en établissant un procès-verbal précis de la conversation. L’auteur du signalement doit préciser s’il a ou non transmis son signalement également par voie interne. Il est informé par écrit de la réception de son signalement dans un délai de sept jours ouvrés à compter de cette réception ;
  • traitement : l’autorité vérifie si le signalement relève de sa compétence et le transmet le cas échéant à l’autorité compétente. Elle apprécie les allégations en vérifiant leur exactitude et en demandant tout complément d’information à l’auteur du signalement. En cas d’afflux important de signalement, l’autorité compétente peut traiter en priorité les signalements les plus graves ;
  • effets du traitement : cette entité informe par écrit à l’auteur du signalement dans un délai inférieur à trois mois à compter de l’accusé de réception du signalement ou, à défaut, à compter de l’expiration d’une période de sept jours ouvrés suivant le signalement, des mesures envisagées ou prises pour évaluer l’exactitude des allégations voire d’y remédier. En cas d’allégations inexactes, infondées, manifestement mineures, ou lorsque le signalement est devenu sans objet, l’entité procède à la clôture du signalement et en informe l’auteur ;
  • garanties : intégrité et confidentialité des informations recueillies dans un signalement, notamment l’identité de l’auteur et des personnes visées par celui-ci ou de tout tiers mentionné ; accès interdit à ces informations aux membres du personnel non autorisés ;
  • contrôle de la procédure : chaque autorité adresse au Défenseur des droits avant le 31 décembre de chaque année un rapport sur le fonctionnement de sa procédure de recueil et de traitement des signalements. Ce rapport doit contenir le nombre de signalements recueillis, les suites données à ces signalements (clôtures, enquêtes, saisines d’une autorité tierces, poursuites judiciaires), les résultats obtenus, les délais de traitement des signalements, et les moyens mis en œuvre pour gérer la procédure et d’éventuelles difficultés. Chaque autorité réexamine tous les trois ans sa procédure afin de l’améliorer et de l’adapter en tant que de besoin.

Pour aller plus loin :

  • lire J. Colonna et V. Renaux-Personnic, Loi « Waserman » : un nouveau statut pour le lanceur d’alerte, Lexbase social, mai 2022, n° 904 N° Lexbase : N1323BZZ ;
  • INFO535, Lanceurs d'alerte : procédure de recueil et de traitement des signalements, Droit social N° Lexbase : X5910CN9.

 

newsid:482810

Urbanisme

[Brèves] Installation d’éoliennes versus sauvegarde de l'environnement naturel : nécessaire prise en compte de la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables

Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 22 septembre 2022, n° 455658, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A46838KN

Lecture: 3 min

N2737BZE

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par Yann Le Foll

Le 04 Octobre 2022

► Pour délivrer l’autorisation d’exploiter un parc éolien, l’administration doit prendre en compte la qualité du site puis de l'impact de la construction et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables.

Faits. Par un arrêté du 28 octobre 2016, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de délivrer à la société Ferme éolienne de Seigny l'autorisation d'exploiter un parc de cinq éoliennes sur le territoire de la commune de Seigny. 

Rappel. Aux termes de l'article R. 111-27 du Code de l'urbanisme N° Lexbase : L0544KW3 : « Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des [...] ouvrages à édifier [...], sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ».

Depuis un arrêt « Association Engoulevent et autres » du 13 juillet 2012 (CE., 13 juillet 2012, n° 345970, mentionné aux tables du recueil Lebon  N° Lexbase : A8403IQB), le Conseil d’État livre une méthode d’analyse en deux temps permettant aux services instructeurs de veiller à la régularité d’une décision de refus ou assortie de prescriptions édictée au visa de ces dispositions : (i) apprécier la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée, puis (ii) évaluer l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site – dans la seule limite des intérêts en présence listés à cet article.

En cause d’appel. La cour administrative d’appel (CAA Lyon, 17 juin 2021, n° 18LY03943 N° Lexbase : A30214YK ayant annulé TA Dijon, 28 août 2018, n° 1603509  N° Lexbase : A37714ZP) a jugé que le critère de covisibilité avec des monuments historiques ne pouvait être utilement invoqué pour caractériser une atteinte contraire à l'article R. 111-27 du Code de l'urbanisme en raison de l'implantation du projet en dehors du périmètre de protection résultant des articles L. 621-30 N° Lexbase : L2559K9N et L. 621-31 N° Lexbase : L9991LMY du Code du patrimoine.

Décision. Elle a ainsi commis une erreur de droit et voit son arrêt annulé. Comme le précise dans ses conclusions le rapporteur public Nicolas Agnoux, « l’application de l’article R. 111-27 n’a pas pour effet de prolonger hors du périmètre de protection les servitudes instituées par le Code du patrimoine. Cette règlementation ne vise pas à protéger le monument historique à travers un contrôle confié à une autorité de l’État spécifiquement missionnée, mais à préserver une "perspective monumentale" si le monument s’inscrit dans un tel cadre, ou plus largement à prévenir les atteintes portées à un site à la qualité ou à l’intérêt duquel le monument contribuerait particulièrement par son apparence extérieure ».

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les contraintes applicables à l'opération de construction, L'aspect des constructions traditionnelles, in Droit de l’urbanisme, (dir. A. Le Gall), Lexbase N° Lexbase : E1717E7Q.

newsid:482737

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