Le Quotidien du 17 août 2022

Le Quotidien

Construction

[Brèves] Le préjudice économique de jouissance consécutif au dommage décennal doit être réparé sur le fondement décennal

Réf. : Cass. civ. 3, 13 juillet 2022, n° 21-13.567, F-D N° Lexbase : A55838BE

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N2427BZW

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 14 Septembre 2022

► La réparation intégrale du préjudice implique la réparation des dommages matériels et immatériels consécutifs aux dommages de nature décennale ;
► le constructeur est tenu à garantie en application de l’article 1792 du Code civil ;
► le préjudice de jouissance n’y fait pas exception.

L’application du principe de réparation intégrale du préjudice est fréquemment rappelée en cas de mise en œuvre de la responsabilité des constructeurs (pour exemple Cass. civ. 3, 9 juillet 2020, n° 19-18.954, F-D N° Lexbase : A11173RS ; Cass. civ. 3, 30 janvier 2020, n° 19-10.038, F-D N° Lexbase : A89733CC). En application de ce principe, la présomption de responsabilité du constructeur prévue à l’article 1792 du Code civil N° Lexbase : L1920ABQ implique de réparer les dommages matériels et immatériels consécutifs au désordre décennal qui affecte l’ouvrage. Un préjudice immatériel de jouissance n’y fait pas obstacle, comme en témoigne l’arrêt rapporté.

En l’espèce, un maître d’ouvrage confie à un entrepreneur des travaux de gros œuvre et de toiture sur un immeuble lui appartenant. Se plaignant de l’abandon du chantier, le maître d’ouvrage assigne, après expertise, l’entrepreneur et son assureur en indemnisation.

Après avoir retenu la réception tacite de l’ouvrage, la Cour d’appel de Basse-Terre (CA Basse-Terre, 18 décembre 2020, n° 18/01583 N° Lexbase : A13744BI) ne retient pas, sur le fondement des dispositions de l’article 1792 du Code civil, la réparation d’un préjudice économique résultant du défaut de perception de loyer en raison de l’abandon du chantier.

Le maître d’ouvrage forme un pourvoi en cassation, notamment sur ce point. Il expose que le préjudice immatériel, résultant de l’impossibilité d’utiliser l’ouvrage du fait des désordres entrant dans le champ de la garantie décennale, entre lui-même dans le champ de cette garantie.

La Haute juridiction suit ce moyen et casse l’arrêt d’appel. Tous dommages, matériels et immatériels, consécutifs aux désordres de l’ouvrage, doivent être réparés par le constructeur tenu à garantie en application de l’article 1792 du Code civil.

Attention toutefois, cette réparation par le constructeur n’implique pas pour autant la mobilisation de l’assurance RCD obligatoire. La jurisprudence rappelle, en effet, régulièrement, que le dommage immatériel ne relève pas de l’assurance décennale obligatoire (pour exemple, Cass. civ. 3, 5 mars 2020, n° 18-15.164, F-D N° Lexbase : A54243IQ). Autrement dit, la garantie obligatoire ne s’étend pas aux dommages immatériels à la réparation desquels est tenu le constructeur lorsqu’ils sont consécutifs aux dommages matériels relevant de la garantie décennale.

La prise en charge de ces dommages par l’assureur peut, néanmoins, intervenir dans le cadre de la police RC facultative qu’il aura souscrite. Il est, en effet, fréquent que les constructeurs s’assurent pour les préjudices immatériels consécutifs aux dommages de nature décennale.

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Eoliennes

[Questions à...] Pas d’éoliennes au pays de la « recherche du temps perdu » – Questions à Antoine Bourrel, Maître de conférences HDR en droit public, Université de Pau

Réf. : CAA Versailles, 2e ch., 11 avril 2022, n° 20VE03265 N° Lexbase : A98217TW

Lecture: 13 min

N1483BZX

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Le 05 Août 2022

Mots clés : éoliennes - paysage - patrimoine - Proust - ICPE

La préservation d’un paysage présentant une composante immatérielle liée à son évocation au sein d’une œuvre littéraire reconnue, à savoir À la recherche du temps perdu écrit par Marcel Proust entre 1906 et 1922 justifie que soit déclaré légal l’arrêté préfectoral refusant d’autoriser l’implantation d’éoliennes au sud-ouest de la commune d’Illiers-Combray (Eure-et-Loir), lieu où se déroule en partie cette saga romanesque qui a marqué l’imaginaire mondial et qui valut à son auteur le prix Goncourt en 1919 pour le deuxième tome de la série (intitulé À l'ombre des jeunes filles en fleurs). Pour faire le point sur cet arrêt, Lexbase Public a interrogé Antoine Bourrel, Maître de conférences HDR en droit public, Université de Pau*.


 

Lexbase : Quels sont les cas dans lesquels le Code de l’environnement s’oppose à l’implantation d’éoliennes ?

Antoine Bourrel : Le Code de l’environnement ne comporte pas, pour ainsi dire, de dispositions qui auraient pour objet d’interdire, à proprement parler, l’implantation de parcs éoliens terrestres. De manière anecdotique, on peut certainement citer l’article L. 341-1 du Code de l’environnement N° Lexbase : L7993K9W aux termes duquel l'inscription des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général entraîne sur les terrains concernés une interdiction générale de construire.

Il est vrai en revanche que le Code de l’environnement comporte des dispositions relatives aux parcs éoliens qui peuvent avoir pour objet de réglementer spécifiquement leur implantation. C’est le cas en particulier de l’article L. 515-44 du Code de l’environnement N° Lexbase : L6392LCQ qui vient poser une interdiction connue du grand public : l’obligation de respecter une distance minimale de 500 mètres entre l’installation et les constructions à usage d'habitation, les immeubles habités et les zones destinées à l'habitation telles que définies dans les documents d’urbanisme. C’est également le cas des arrêtés ministériels de prescriptions générales pris en application du code qui encadrent, notamment pour des raisons de sécurité publique, l’implantation des éoliennes en imposant le respect de distances minimales par rapport aux installations nucléaires de base ou, encore, par exemple, aux radars météorologiques.

Plus généralement, les parcs éoliens constituant des ICPE, ils relèvent du régime de l’autorisation environnementale et sont soumis, à ce titre, aux règles du code de l’environnement applicables à ces installations dont certaines peuvent avoir pour effet de fonder un refus d’autorisation ou, le cas échéant (et sous réserve des possibilités de régularisation), l’annulation de l’autorisation. Ainsi que le rappelle la cour de Versailles dans son arrêt, l’article L. 181-3 du Code de l’environnement N° Lexbase : L4927MB4 permet en particulier au préfet de s’opposer à l’implantation d’un parc (ou de certaines éoliennes) s’il estime que l’autorisation ne peut être délivrée faute d’assurer la prévention des dangers et inconvénients pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du même code N° Lexbase : L6525L7S parmi lesquels figure, outre la commodité du voisinage, la santé, la sécurité et la salubrité publiques, la protection de la nature, de l’environnement et des paysages ou encore, la conservation des sites et des monuments.

Les dispositions de l’article L. 181-3 N° Lexbase : L4927MB4 et de l’article L. 511-1 N° Lexbase : L6525L7S du Code de l’environnement permettent ainsi, plus sûrement, d’encadrer l’implantation des parcs éoliens, même si leur application se révèle en pratique délicate dès lors qu’elles exigent de la part de l’administration, puis du juge en cas de recours, une appréciation concrète de la situation et des impacts du projet nécessairement empreinte de subjectivité ainsi que l’illustre l’arrêt de la Cour de Versailles.

Il convient également de souligner, sans prétendre ici à l’exhaustivité, que, d’autres réglementations peuvent s’opposer à l’implantation de parcs éoliens. On sait par exemple que les PLU peuvent interdire les constructions ou les soumettre à des conditions particulières. À cet égard, la récente loi « 3DS » du 21 février 2022 (loi n° 2022-217 du 21 février 2022, relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique N° Lexbase : L4151MBD) vient créer un nouvel article L. 151-42-1 dans le Code de l’urbanisme N° Lexbase : L4846MB4 qui prévoit que le règlement du PLU peut délimiter les secteurs dans lesquels l'implantation d'installations de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent est soumise à conditions, dès lors qu'elles sont incompatibles avec le voisinage habité ou avec l'usage des terrains situés à proximité ou qu'elles portent atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l'insertion des installations dans le milieu environnant.

Le Code du patrimoine peut également constituer un frein puissant. L’article R. 181-32 du Code de l’environnement N° Lexbase : L0910LNZ prévoit en effet que lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme l'architecte des Bâtiments de France si l'autorisation environnementale tient lieu des autorisations prévues par les articles L. 621-32 N° Lexbase : L9992LMZ et L. 632-1 N° Lexbase : L2459K9X du Code du patrimoine. Ainsi, lorsque les travaux situés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable (SPR) sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur de ce site, ou, lorsque des travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords, l'architecte des Bâtiments de France peut refuser une demande d'autorisation ou l'autoriser avec des prescriptions.

Enfin, il a encore été récemment jugé par le Conseil d’Etat que lorsque l'autorité administrative est saisie d'une demande d'autorisation d'implanter ou d'exploiter une ICPE tel qu’un parc éolien au sein d'un parc naturel régional, elle doit s'assurer de la cohérence de la décision ainsi sollicitée avec les orientations et mesures fixées dans la charte de ce parc et dans les documents qui y sont annexés, eu égard notamment à l'implantation et à la nature des ouvrages pour lesquels l'autorisation est demandée, et aux nuisances associées à leur exploitation [1].

Lexbase : Est en l’espèce invoquée la notion de paysage présentant une composante immatérielle. Est-ce une première à votre connaissance ?

Antoine Bourrel : Cette décision se singularise en effet sur ce point. Jusqu’ici, les dispositions de l’article L. 511-1 du Code de l’environnement N° Lexbase : L6525L7S étaient interprétées comme ne visant à protéger que les paysages, sites et monuments dans leur dimension matérielle. En l’espèce, alors que la société pétitionnaire estimait que l’exigence de protection des paysages au sens de l’article L. 511-1 ne s’applique pas au patrimoine immatériel, c’est-à-dire à des paysages simplement évoqués par des écrivains, la Cour juge au contraire que cette exigence de protection des paysages « qui est définie de façon très large peut conduire à refuser une autorisation d'implantation d'éoliennes afin de préserver un paysage présentant une composante immatérielle liée à son évocation au sein d'une œuvre littéraire reconnue ».

La décision de la cour administrative d’appel de Versailles traduit sans aucun doute une approche extensive du champ d’application de l’article L. 511-1 N° Lexbase : L6525L7S. Elle ne paraît pas toutefois constituer véritablement une première. En effet, sans faire référence au concept de « paysage présentant une composante immatérielle », la cour administrative d’appel de Douai avait eu l’occasion, quelques mois auparavant, de juger que le refus d’autorisation unique opposé par les préfets du Pas-de-Calais et de la Somme à l’implantation d’éoliennes pouvait être valablement justifié par le motif tiré de l’atteinte à « l’esprit » de lieux de mémoire de la Première Guerre mondiale. Elle soulignait ainsi que « l'esprit de ces lieux de mémoire des combats de la première guerre mondiale est une composante des atteintes aux intérêts protégés par les dispositions ci-dessus reproduites de l'article L. 511-1 du Code de l'environnement et de l'article R. 111-27 du Code de l'urbanisme, et notamment au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants et à la conservation des sites » [2].

Lexbase : Au final, cette décision vous paraît-elle justifiée ?

Antoine Bourrel : La réponse à cette question nécessite de bien comprendre le raisonnement suivi par la cour administrative d’appel et la façon dont il s’insère dans la mise en œuvre de l’article L. 511-1 N° Lexbase : L6525L7S selon les principes consacrés par le Conseil d’État.

En somme, ce que nous dit la cour, c’est que l’exigence de protection d’un paysage, un site ou monument contre des atteintes doit être appréciée en intégrant dans la grille d’analyse l’éventuelle composante immatérielle qui peut résulter de leur évocation par un auteur qui fait lui-même partie du patrimoine culturel national. En d’autres termes, la valeur des paysages, appréciée pour ce qu’elle est matériellement par l’administration sous le contrôle du juge, est, en quelque sorte, renforcée par l’hommage qu’un écrivain reconnu lui rend dans ses œuvres. D’une certaine façon, le paysage concerné et l’œuvre de l’écrivain font corps si bien que la violation de l’article L. 511-1 qui résulte de l’atteinte au paysage matérielle par l’implantation d’éoliennes (ou toute autre ICPE) est doublée d’une atteinte à l’œuvre de l’auteur au travers de l’évocation de ce paysage.

Ainsi comprise, la décision des juges versaillais paraît justifiée en ce qu’elle ne fait pas litière de la grille de lecture que le juge administratif met en œuvre pour l’application de l’article L. 511-1 N° Lexbase : L6525L7S. En effet, après avoir donné son interprétation de ces dispositions, la cour administrative d’appel rappelle (considérant n° 5) que le refus d’autorisation fondé sur l’atteinte au paysage ou à la conservation des sites et des monuments suppose de la part de l’administration, sous le contrôle du juge, une appréciation en deux temps au terme de laquelle l’autorité administrative doit d’abord apprécier la qualité du site naturel ou du paysage sur lequel la construction est projetée avant d’évaluer l’impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

En l’espèce, elle prend en compte le fait que bien que le projet en litige, comme l’affirme la société pétitionnaire, s'intègre dans un paysage de plateaux agricoles sans intérêt paysager particulier, avec un léger relief, des écrans végétaux, qui est partiellement artificialisé en raison de la présence d'infrastructures ferroviaires et routières et de silos à céréales, la partie du village d'Illiers-Combray située à l'ouest en direction de la zone d'implantation projetée, a été classée comme un site patrimonial remarquable en application de l'article L. 631-1 du Code du patrimoine N° Lexbase : L2454K9R. Elle souligne à cet égard que ce classement qui a le caractère de servitude d’utilité publique affectant l’utilisation des sols a pour objet de protéger, conserver et mettre en valeur le patrimoine culturel constitué, en l’espèce, de l’esthétique du bourg et de son clocher, du parcours pédestre de découverte de plusieurs sites liés à la vie ou à l’œuvre de Marcel Proust. Enfin, elle relève que le clocher de l'église d'Illiers-Combray et le jardin romantique à l'anglaise du Pré Catelan situé à proximité du Loir, dessiné par Jules Amiot, oncle de Marcel Proust, font l'objet d'un classement au titre des monuments historiques. En résumé, la Cour se livre, après le préfet, à une appréciation de la qualité des sites et paysages selon une approche matérielle tout à fait classique.

L’analyse que fait ensuite la cour administrative d’appel (considérants n°s 7 et 8) de la gravité des impacts en termes de visibilité et covisibilité du parc éolien sur le site patrimonial remarquable et sur les monuments historiques s’inscrit également dans une approche conforme au second temps de la grille de lecture.

Elle s’achève, en revanche, de façon plus remarquable, par la prise en compte de la dimension immatérielle des paysages, en soulignant que Marcel Proust a décrit la plupart des lieux concernés par les impacts dans la première partie de son roman Du côté de chez Swann, intitulé « Combray » en relevant que le « lien qui existe entre ce paysage et l’œuvre de Marcel Proust est à l’origine des avis négatifs de l’architecte des bâtiments de France, des maires d’Illiers-Combray et de Méréglise et du commissaire enquêteur. En définitive, ainsi que cela résulte du considérant 8, le refus d’autoriser le parc éolien est fondé sur le caractère significatif des atteintes portées au paysage protégé dans sa dimension matérielle (les monuments historiques, le SPR, l’intérêt paysager et patrimonial du village d’Illiers-Combray). Il est par ailleurs conforté par les atteintes au paysage pris dans sa dimension immatérielle ce dont témoigne la référence aux actions culturelles autour de l’œuvre de Marcel Proust menées par des acteurs publics et privées et le fait, souligné par la cour administrative d’appel, que les évocations littéraires de Marcel Proust « sont encore pour partie matériellement inscrites dans ces lieux ».

Lexbase : Si elle faisait école, cette décision pourrait-elle enclencher un processus de blocage de ces installations ?

Antoine Bourrel : Il est délicat de répondre de façon tranchée à cette question. Tout d’abord, il est évident qu’un arrêt de cassation du Conseil d’État serait bienvenu : il permettrait de confirmer ou d’infirmer le raisonnement de la cour administrative d’appel qui intègre une composante immatérielle dans la notion de paysage au sens de l’article L. 511-1 du Code de l’environnement N° Lexbase : L6525L7S.

Cela étant, à supposer que le Conseil d’État valide une telle approche, il faut bien avouer que l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles réunit des circonstances particulièrement exceptionnelles qui ne devraient pas se reproduire souvent. Il convient également d’insister sur un point qui ressort de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles (on le retrouve également dans l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai, préc.) : la dimension immatérielle du paysage ne se suffit pas à elle-même et le juge doit, en tout état de cause, apprécier la qualité intrinsèque des paysages.

De fait, en pratique, on observe que le processus de blocage des parcs éoliens terrestres résulte le plus souvent des atteintes au paysage entendu au sens strictement matériel et de phénomènes de saturation des zones d’implantation, sans compter les parcs (nombreux) dont le développement est stoppé net faute pour le pétitionnaire d’être en mesure d’obtenir une dérogation pour destruction d’espèces protégées sur le fondement de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement N° Lexbase : L5047L8G.

*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public.


[1] CE, 21 avril 2022, n° 442953 N° Lexbase : A35527U4.

[2] CAA Douai, 15 juillet 2020, n° 19DA00047 N° Lexbase : A61043RI.

newsid:481483

Responsabilité médicale

[Brèves] Responsabilité du médecin : ce dernier doit s’assurer qu’il dispose du matériel requis pour l’intervention, y compris celui de rechange

Réf. : Cass. civ. 1, 6 juillet 2022, n° 21-12.138, F-D N° Lexbase : A49358AZ

Lecture: 3 min

N2302BZB

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par Laïla Bedja

Le 05 Août 2022

► Selon l'article L. 1142-1, alinéa 1er, du Code de la santé publique, les professionnels de santé sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins en cas de faute ; lorsqu'une faute a été constatée dans l'accomplissement de tels actes et qu'il ne peut être tenu pour certain qu'en son absence le dommage ne serait pas survenu ou que sa survenance n'est pas la conséquence de cette faute, le préjudice s'analyse en une perte de chance de ne pas subir ce dommage, laquelle présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable ; il appartenait au chirurgien, et non à la clinique, de vérifier qu’il disposait du matériel requis pour l’intervention et donc de prévoir en salle d’opération du matériel de rechange.

Les faits et procédure. Après avoir subi, pour remédier à un kératocône, opération d’un œil comprenant la pose d’un anneau intracornéen, pratiquée par le chirurgien, M. X a présenté une infection nosocomiale dont le traitement a notamment nécessité une greffe de la cornée.

Le patient a assigné le médecin et la clinique en responsabilité de plein droit en matière d’infections nosocomiales, sur le fondement de l’article L. 1142-1, I, alinéa 2 du Code de la santé publique N° Lexbase : L0696H9N.

Le pourvoi. La cour d’appel ayant déclaré le médecin responsable d’une perte de chance subie par le patient de ne pas contracter une infection nosocomiale, et en conséquence, de le condamner, in solidum avec la clinique, à indemnise celui-ci de ses préjudices en lien avec l’infection nosocomiale, dans la limite de 50 % du montant des sommes dues, puis de le condamner à garantir la clinique, dans la limite de 50 %, de sa condamnation, ce dernier a formé un pourvoi en cassation. Selon lui, si le chirurgien doit vérifier qu'il dispose du matériel requis pour l'intervention qu'il s'apprête à réaliser, il incombe cependant au seul établissement de santé de s'assurer qu'il tient à sa disposition du matériel de remplacement lorsque cela est nécessaire.

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette le pourvoi. La cour d’appel ayant relevé que l’insertion de l’anneau, effectuée manuellement, était un geste délicat, qu’il pouvait se casser lors des manœuvres d’introduction, a pu retenir qu’il incombait au médecin et non à la clinique de prévoir en salle d’opération un anneau de rechange. Ainsi, en ne prévoyant pas un autre anneau, le médecin a commis une faute qui a fait perdre au patient une chance de ne pas contracter l’infection qu’elle a souverainement évaluée à 50 % et qu’il devait en conséquence garantir la clinique à hauteur de 50 % de l’indemnité allouée au patient.

Pour aller plus loin : C. Hussar, ÉTUDE : La responsabilité civile des professionnels de santé, La responsabilité pour faute des professionnels de santé, in Droit médical, Lexbase N° Lexbase : E12983RI

newsid:482302

Rupture du contrat de travail

[Pratique professionnelle] L’enjeu déterminant des droits au chômage dans la négociation d’une transaction

Lecture: 15 min

N1744BZM

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par Anne Leleu-Eté, Avocate associée, fondatrice du cabinet Axel Avocats

Le 05 Août 2022

Le présent article est issu d’un dossier spécial intitulé « Rédiger une transaction en droit du travail » et publié dans l’édition n° 909 du 9 juin 2022 de la revue Lexbase Social. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N1748BZR.


Mots-clés : attestation Pôle emploi • documents de fin de contrat • indemnisation chômage • allocations chômage • différé spécifique d’indemnisation • délai de carence • transaction • négociation • demandeur d’emploi

La conclusion d’une transaction avec un salarié ou un ancien salarié n’est pas neutre sur ses droits aux allocations chômage. En effet, les modalités de son indemnisation sont susceptibles de varier selon la date de conclusion de l’accord ou le montant de l’indemnité transactionnelle négociée. Dans le cadre du processus de négociations, l’employeur, qui n’est pas directement concerné, sera inévitablement sollicité sur ce sujet, et devra lui aussi informer et être informé des droits de son salarié ou ancien salarié à cet égard. Face à ce sujet récurrent, il est de l’intérêt des deux parties d’avoir connaissance de leurs droits et de leurs devoirs en la matière, ainsi que des enjeux et des subtilités de cette question.


Lorsqu’un employeur et un salarié ou ancien salarié (ou leurs conseils respectifs) négocient une transaction, un certain nombre de sujets doivent être évoqués.

Le montant de l’indemnité transactionnelle, les concessions réciproques des parties, ainsi que, par exemple, le régime d’exonération sociale et fiscale de la somme versée aux salariés, sont autant de points qui, par essence, vont être discutés dans le cadre des négociations (I.).

L’impact de la transaction sur la situation du salarié vis-à-vis de Pôle emploi, qu’il soit déjà affilié en tant que demandeur d’emploi ou encore dans l’effectif de l’entreprise, fait partie des thèmes à ne pas négliger, tant en raison des obligations découlant de la conclusion d’un accord transactionnel (II.), que des impacts sur les modalités d’indemnisation chômage (III.).

I. De l’intérêt pour les deux parties de maîtriser ce point de discussion

Face à l’employeur, la majorité des salariés qui négocient une transaction sont déjà demandeurs d'emploi, vont l'être (du fait de la rupture de leur contrat de travail), ou l’ont été pendant une certaine période (s’ils ont déjà retrouvé un emploi).

Il est aisé de comprendre pourquoi le salarié a tout intérêt à analyser les conséquences d’une transaction sur ses droits aux allocations chômage, dans la mesure où sa situation financière peut être impactée par le versement d’une indemnité transactionnelle.

La nécessité pour l’employeur de s’intéresser à cet aspect peut paraître moins évidente, dès lors qu’il n’est pas directement concerné par la situation du salarié lorsque celui-ci a quitté les effectifs de l’entreprise.

Il s’agit pourtant d’un sujet essentiel pour les deux parties, pour trois raisons majeures.

La première raison qui doit conduire les parties à s’intéresser à ce sujet résulte du principe de loyauté applicable à la négociation et à la conclusion de tous les contrats et ainsi, au protocole transactionnel [1].

Ce principe impose à l’employeur de s’assurer que le salarié a eu accès, au moment où il signe la transaction, aux informations utiles lui permettant de donner son consentement de manière éclairée : le salarié doit être mis en mesure de comprendre les impacts du versement d’une indemnité transactionnelle et de la signature d’un accord sur sa situation personnelle, tant au niveau contractuel qu’au niveau financier.

Pour s’assurer de la validité du consentement du salarié, l’ensemble des conséquences d’une transaction doivent donc être évoquées dans le cadre des négociations, en ce inclus les implications liées à l’éventuelle situation de demandeur d’emploi du salarié ou ancien salarié.

La deuxième raison qui doit conduire l'employeur à s’intéresser aux impacts de la transaction sur les droits à chômage du salarié résulte des exigences de la Chambre sociale de la Cour de cassation en matière rédactionnelle.

En effet, si, de manière générale, la jurisprudence est relativement claire sur le fait qu’une transaction rédigée en termes généraux vaut renonciation par le salarié à ses droits dès lors que ces termes sont sans ambiguïté à ce sujet [2], il n’en reste pas moins que lorsque la transaction ne couvre que certains éléments (sans emporter renonciation par le salarié à l’ensemble de ses droits nés ou à naître), alors le salarié est considéré comme étant en droit de réaliser des demandes au titre d’un point non couvert par l’accord [3].

Cette jurisprudence doit conduire l’employeur à la plus grande prudence rédactionnelle, afin de limiter les risques de remise en cause de l’accord ou de nouvelle demande née de l’absence de référence aux conséquences dudit accord sur la prise en charge par le régime d’indemnisation chômage.

Enfin, la troisième raison, qui doit emporter la conviction des parties, est l’obligation qui leur est faite de déclarer le versement de toute somme inhérente à la rupture du contrat de travail auprès de Pôle emploi.

Le protocole transactionnel qui prévoit d’indemniser le salarié au titre de la rupture de son contrat de travail va générer une obligation pour l’employeur de déclarer ces sommes à Pôle emploi. Cette obligation résulte des textes réglementaires et notamment des dispositions du Règlement général du 14 avril 2017 annexé à la Convention d’assurance chômage N° Lexbase : L1949LEW qui dispose, en son article 21, § 2, que l’employeur a l’obligation de déclarer l’ensemble des sommes versées au salarié dans le cadre de la rupture de son contrat de travail, y compris si ces sommes sont versées postérieurement à ladite rupture [4].

Dès lors, selon les cas, l’employeur devra intégrer le montant de l’indemnité transactionnelle dans l’attestation Pôle emploi éditée au moment de l’établissement des documents de fin de contrat ou bien, si le versement est postérieur à ces formalités, dans une seconde attestation Pôle emploi rectificative.

En pratique, il doit être relevé que l’attestation Pôle emploi contient bien une case dédiée à l’information quant au versement d’une indemnité transactionnelle. Au cadre 6.3 du formulaire en vigueur à la date de rédaction du présent article, intitulé « sommes versées à l’occasion de la rupture » et positionné en page 6, une case intitulée « montant correspondant aux indemnités transactionnelles (transaction) » a notamment vocation à être complétée. Le formulaire précise d’ailleurs expressément que « si d’autres sommes sont versées après l’établissement de l’attestation en question, l’employeur doit les déclarer à Pôle emploi ».

Le doute n’est donc pas permis, même si, en pratique, il peut encore arriver d’entendre dans telle ou telle situation que l’attestation n’a pas été établie (dans les faits, il sera en outre peu astucieux de tenter de s’exonérer de cette obligation puisque Pôle emploi, dès lors qu’un bulletin de paie est émis, sera informé via la DSN du versement d’une indemnité transactionnelle).

À première vue, il pourrait être considéré que cette obligation n’emporte de conséquences que pour l’employeur, qui serait en quelque sorte le seul responsable de l’établissement d’une telle attestation.

En pratique, cela n’est pas aussi simple.

Il convient en effet d’ores et déjà de relever que Pôle emploi ne manquera pas de régulariser le dossier du salarié devenu demandeur d’emploi et de lui réclamer, s’il y a lieu, le remboursement des allocations indument versées à son profit (comme le prévoient expressément les dispositions du Règlement général susvisé).

En outre, tant l’employeur que le salarié peuvent être sanctionnés en l’absence de déclaration de l’indemnité transactionnelle auprès de Pôle emploi :

  • en l’absence de remise de l’attestation Pôle emploi, l’article R. 1238-7 du Code du travail N° Lexbase : L2253IAP prévoit que l’employeur risque une amende prévue pour les contraventions de cinquième classe (soit une amende pénale d’un montant de 1 500 euros maximum) [5] ;
  • l’article L. 5429-1 du Code du travail N° Lexbase : L3084LC9 institue, par ailleurs, un délit spécifique de fraude ou de fausse déclaration au régime d’indemnisation des salariés privés d’emploi, assorti de sanctions pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, à l’encontre de toute personne ayant obtenu, tenté d’obtenir, ou fait en sorte de permettre l’obtention, d’allocations chômage indues [6]. Selon les éléments du dossier, le juge pourra alternativement faire application des dispositions de l’article 313-1 N° Lexbase : L2012AMH ou l’article 313-3 N° Lexbase : L1902AME du Code pénal qui répriment l’escroquerie ou la tentative d’escroquerie.
  • les parties pourront également écoper d’une pénalité administrative dont le montant, déterminé par Pôle emploi, ne peut aller au-delà de 3 000 euros, lorsque les déclarations ou l'absence de déclaration délibérées ont entraîné le versement d’allocations indues [7].

Le lecteur aura compris qu’il est de l’intérêt de l’ensemble des parties de s’intéresser au sujet de l’impact de la signature d’une transaction vis-à-vis des droits à chômage et des droits et obligations de chacun en la matière.

II. Les conséquences de la transaction sur la situation du salarié au regard de Pôle emploi

Le versement d’une indemnité transactionnelle, au contraire de dommages et intérêts perçus dans le cadre d’un contentieux prud’homal, va être pris en compte par Pôle emploi pour définir ou redéfinir la date de début de prise en charge.

En cela, indemnité transactionnelle (A.) et allocations chômage (B.) sont deux sujets inévitablement liés.

A. Les impacts du versement d’une indemnité transactionnelle sur l’indemnisation chômage

Il convient, tout d’abord, de souligner que la transaction n’étant pas un mode de rupture du contrat de travail, elle n’a, en théorie, aucun impact sur le droit du salarié à obtenir une indemnisation chômage.

Ainsi, le salarié pourra être admis au bénéfice des allocations chômage s’il en a le droit en raison du mode de rupture de son contrat, notamment en cas de licenciement ou de rupture conventionnelle, et ce, quel que soit le montant de l’indemnité transactionnelle qui lui est versée par la suite.

En revanche, la date de départ de l’indemnisation peut subir des modifications du fait du versement d’une indemnité transactionnelle.

Concrètement, une indemnité transactionnelle est susceptible de générer « un différé d'indemnisation », communément appelé « délai de carence », qui consiste dans le décalage du début d’indemnisation compte tenu du versement de sommes supralégales au salarié.

Les modalités de calcul de la durée de ce différé répondent à des considérations strictes qui sont prévues par le Règlement général annexé à la Convention d’assurance chômage susvisée, et qui peuvent être résumées comme suit :

  • le différé est plafonné à 150 jours (ou 75 jours en cas de rupture de contrat pour motif économique) ;
  • il se calcule en tenant compte des indemnités versées au salarié qui excèdent le minimum prévu par la loi [8] ;
  • pour ce faire, il convient de diviser le total des sommes inhérentes à la rupture versées au salarié, minoré des montants résultant de l’application des dispositions légales, par un coefficient qui évolue chaque année en fonction du PASS (pour 2022, ce coefficient est égal à 95,8).

À titre d’illustration :

  • un salarié, qui aurait perçu 2 000 euros à titre d’indemnité légale de licenciement (hors motif économique) puis 10 000 euros à titre d’indemnité transactionnelle compensant des préjudices inhérents à la rupture, subirait un différé spécifique d’indemnisation de 10 000 / 95,8 = 104 jours.
  • un salarié, qui aurait perçu 15 000 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement (hors motif économique) (dont 10 000 euros correspondrait au montant de l’indemnité légale normalement due), puis une indemnité transactionnelle compensant des préjudices inhérents à la rupture à hauteur de 50 000 euros, subirait un différé spécifique d’indemnisation de (15 000 + 50 000 - 10 000) / 95,8 = 574 jours plafonnés à 150 jours.
  • un salarié, qui aurait perçu 5 000 euros à titre d’indemnité légale de licenciement pour motif économique puis 10 000 euros à titre d’indemnité transactionnelle compensant des préjudices inhérents à la rupture, subirait un différé spécifique d’indemnisation de 10 000 / 95,8 = 104 jours plafonnés à 75 jours.

Ce nouvel examen par Pôle emploi du dossier du salarié aura pour effet, selon les cas, de :

  • retarder le versement des allocations chômage si la prise en charge n’a pas encore démarré,
  • suspendre les allocations pour une durée de différé complémentaire si le versement a déjà commencé,
  • ou encore, déclencher une demande de remboursement par Pôle emploi des allocations indues si la prise en charge du salarié est terminée, notamment à la suite de la conclusion d’un nouveau contrat de travail.

Comme cela a été évoqué auparavant, ce nouveau calcul n’est pas toujours réalisé en une fois et peut avoir lieu bien après la rupture du contrat, voire même bien après la fin de l’indemnisation.

C’est pour cette raison qu’il ne faut pas négliger l’impact que peut avoir une transaction sur les droits du salarié, y compris lorsque celui-ci a retrouvé un emploi et n’est plus demandeur d’emploi bénéficiaire des allocations chômage à l’ouverture des négociations.

En revanche, si le plafond du différé spécifique d’indemnisation de 150 ou de 75 jours, selon les cas, a déjà été épuisé du fait du versement des sommes dues au titre du solde de tout compte (hypothèse d’une indemnité conventionnelle élevée par exemple) alors le montant versé en complément par le biais d’une indemnité transactionnelle n’aura aucune incidence sur les modalités de versement des allocations chômage.

En matière de calcul des allocations chômage, il doit être enfin noté que le versement d’une indemnité transactionnelle n’a, en théorie, aucun impact.

À une exception près : il peut être logiquement admis que le versement d’une indemnité transactionnelle aurait un impact sur le montant des allocations si l’indemnité en question était reconnue comme constitutive d’un salaire dû au titre de la période de référence ayant servi de base au calcul des allocations chômage.

Le salarié devrait pouvoir bénéficier d’une modification de son salaire journalier de référence de ce fait.

B. Le cas particulier d’une transaction conclue en parallèle d’un contentieux prud'homal

La conclusion d’une transaction peut avoir d’autres conséquences vis-à-vis de Pôle emploi lorsque celle-ci est conclue en cours de procédure contentieuse.

En théorie, en cas de contentieux initié par un salarié et lorsque le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse ou nul, le conseil de prud’hommes ordonne le remboursement par l’employeur à Pôle emploi des allocations qui ont été versées. Ces dispositions sont applicables aux entreprises d’au moins 11 salariés et aux salariés d’au moins 2 ans d’ancienneté, et le montant du remboursement est limité à 6 mois d’indemnisation chômage [9].

La conclusion d’une transaction en cours de procédure contentieuse peut venir perturber l’application de cette règle.

En effet, lorsque les parties concluent une transaction en cours de procédure, trois situations peuvent se présenter pour Pôle emploi :

  • si, à la suite d’une transaction conclue avec l’employeur, le salarié s’est désisté d’instance et d’action et si aucun jugement n’a été rendu dans le cadre de son affaire, alors Pôle emploi ne pourra plus solliciter le remboursement des allocations déjà versées dans la mesure où l’application du texte exige la condamnation de l’employeur dans le cadre d’une décision en bonne et due forme [10] ;
  • si en revanche, un jugement a déjà ordonné le remboursement des sommes, alors la transaction postérieure ne peut pas avoir d’effet vis-à-vis de Pôle emploi qui reste légitime à les réclamer (tant que le jugement n’est pas infirmé) ;
  • dans ce contexte, en cause d’appel et même si une transaction a été conclue entre le salarié et l’employeur, il a été jugé que Pôle emploi, qui est partie à l’instance, reste en droit de maintenir une demande de remboursement des allocations sur laquelle la cour d’appel doit statuer. La transaction entre le salarié et l’employeur n’éteint pas l’instance entre Pôle emploi et l’employeur [11].

Par souci d’exhaustivité, il sera rappelé que les conséquences exposées supra en matière de différé d’indemnisation (visant cette fois la relation Pôle emploi / salarié) ne sont pas remises en cause lorsque la transaction est signée en cours de contentieux, sauf dans un cas bien particulier qui impose le recours à un autre type d’accord entre les parties.

III. L’indemnité forfaitaire de conciliation : la solution ?

Le différé spécifique d’indemnisation applicable en cas de versement d’indemnités transactionnelles au profit du salarié peut être évité dans certaines circonstances.

En effet, lorsque les parties font usage des dispositions de l’article L. 1235-1 du Code du travail N° Lexbase : L8060LGM, et concilient dans le cadre d’une audience du bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes, alors l’indemnité forfaitaire versée au salarié échappe aux dispositions précédemment évoquées et n’engendre pas de différé spécifique d’indemnisation [12].

La négociation d’une indemnité forfaitaire de conciliation dans la limite du barème légal, plutôt qu’une indemnité transactionnelle peut donc, si le salarié est pris en charge par l’assurance chômage, constituer un point stratégique de négociation.

Il est toutefois nécessaire, pour l’application de ce texte, que, d’une part, le salarié ait été licencié, d’autre part, qu’il ait engagé une procédure prud’homale, et que les parties se réfèrent bien au barème prévu par le texte enfin.

Concernant ce dernier point, il conviendra de noter un assouplissement de l’appréciation des conditions pour bénéficier de ces règles par l’Unedic qui désormais semble considérer que le texte est applicable à condition que l’indemnité forfaitaire versée soit inférieure ou égale au barème, là où, précédemment, le barème devait être suivi strictement. Saluons cette évolution en phase avec la pratique judiciaire [13].


[2] Ass. plén., 4 juillet 1987, n° 93-43.375, publié N° Lexbase : A9544AB4.

[3] Cass. soc., 20 février 2019, n° 17-19.676, FS-P+B N° Lexbase : A8992YYP.

[4] Règlement général du 14 avril 2017, annexé à la Convention d’assurance chômage N° Lexbase : L1949LEW, art. 21, § 2.

[5] C. trav., art. R. 1238-7 N° Lexbase : L2253IAP et R. 1234-9 N° Lexbase : L5991LUG.

[6] C. trav., art. L. 5429-1 N° Lexbase : L3084LC9.

[7] C. trav., art. L. 5429-1, préc..

[8] Décret n° 2021-1251 du 29 septembre 2021, fixant la date d’entrée en vigueur de certaines dispositions du régime d’assurance chômage N° Lexbase : L1655L8S et Circulaire Unédic n° 2021-13 du 19 octobre 2021 N° Lexbase : L9610L9S.

[9] C. trav., art. L. 1235-4 N° Lexbase : L0274LM4.

[10] Cass. soc., 14 janvier 1982, n° 79-42.492, publié N° Lexbase : A5663AAY.

[11] Cass. soc., 18 juillet 2001, n° 99-45.534, publié N° Lexbase : A2391AY9.

[12] C. trav., art. L. 1235-1 N° Lexbase : L8060LGM et D. 1235-21 N° Lexbase : L3515LBS.

[13] Circulaires Unédic n° 2021-13 du 19 octobre 2021 N° Lexbase : L9610L9S et n° 2014-26 du 30 septembre 2014 N° Lexbase : L3308I4B.

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