Le Quotidien du 7 janvier 2022

Le Quotidien

Assurances

[Focus] La loi du 28 décembre 2021 portant réforme de l'indemnisation des catastrophes naturelles : beaucoup de bruit pour rien ?

Réf. : Loi n° 2021-1837, du 28 décembre 2021, relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles (N° Lexbase : L1734MAH)

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 12 Janvier 2022

La multiplication passée, présente et à venir des évènements météorologiques consécutive au réchauffement climatique, susceptibles d’être qualifiés de catastrophes naturelles a rendu nécessaire l’évolution du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, créé par la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles (N° Lexbase : L7772AIP). Les assureurs la réclamaient et l’espéraient depuis longtemps, lassés de devoir faire face à une hausse toujours plus significative du montant des sinistres [1]. À quelques jours de la fin de l’année, alternative à la période estivale tout aussi tranquille, la loi a été adoptée.

La prise en charge des évènements climatiques majeurs se fait, en partie, par l’assurance privée en France notamment par le biais de l’assurance dite « CatNat ». Il s’agit d’une garantie obligatoire comme le précise l’article L. 125-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L2082MAD). Tout souscripteur bénéficie de cette garantie dans son contrat d’assurance de biens, qu’il s’agisse d’un contrat d’assurance incendie, multirisque habitation, dommages aux bâtiments professionnels ou encore véhicules terrestres à moteur. Si la garantie obligatoire est délivrée par l’assurance privée, elle est réassurée pour partie par la Caisse Centrale de Réassurance.

Il reste que le coût supplémentaire des dommages occasionnés par les dommages matériels causés par le climat d’ici 2040 est évalué à 44 milliards d’euros, soit une hausse de 90 % par rapport au montant des dégâts cumulés des 25 années précédentes [2]. L’objectif était donc nécessairement de contenir cette hausse. En amont, d’une part, aux termes d’une amélioration de l’efficacité des mécanismes de prévention et d’alerte. En aval, d’autre part, en rénovant le régime actuel. L’ambition était à la hauteur des enjeux financiers.

Sans pour autant anticiper sur l’effectivité des changements apportés, la loi s’articule autour de deux grands axes :

  • améliorer la transparence de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ;
  • sécuriser et simplifier les procédures pour les usagers et préparer l’avenir.

Il n’est donc vraiment pas certain que cette loi aboutisse à réduire le périmètre d’intervention et de garantie des assureurs, loin de là.

I. In comuni

Personne ne pouvait vraiment savoir si l’évènement allait, ou non, être qualifié de catastrophe naturelle.

L’article L. 125-1 du Code des assurances se borne, en effet, à préciser que cette garantie prend en charge les « dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises ».

L’assuré était indemnisé des dégâts causés par une catastrophe naturelle dans les cas suivants :

  • si le maire a fait une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ;
  • si, à la suite de cette demande, un arrêté interministériel de catastrophe naturelle était publié au Journal officiel ;
  • si les biens de l’assuré étaient garantis en assurance de dommage.

La loi améliore la transparence du processus décisionnel à l’égard des maires et des préfets. L’arrêté interministériel de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle devra être motivé et mentionner les voies et délais de tous les recours possibles et de communication des documents administratifs, notamment des rapports d’expertise ayant fondé l’arrêté.

La commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle devra établir un rapport annuel présentant ses avis et référentiels utilisés pour apprécier l’intensité anormale des phénomènes naturels. Elle doit, également, rendre annuellement un avis sur la pertinence des critères retenus pour déterminer la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, lequel dresse aussi un bilan des modalités et conditions dans lesquelles les experts qui interviennent sur l’évaluation des dommages occasionnés par des catastrophes naturelles.

Après le référent Covid sur les chantiers, un référent CatNat est nommé dans chaque préfecture pour accompagner les communes. Il est chargé :

  • d’informer les communes des démarches requises pour déposer une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ;
  • de les conseiller au cours de l’instruction ;
  • et, plus généralement, de promouvoir une meilleure information des communes.

Le délai de dépôt des dossiers de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle par les communes est allongé de 18 à 24 mois.

Un délai d’un mois est laissé à l’assureur entre la réception de la déclaration de sinistre et l’information de l’assuré sur la mise en jeu des garanties. Il disposera d’un autre petit mois pour proposer une indemnisation et, dès l’accord de l’assuré, 21 jours pour verser les fonds.

Dans la limite du montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre, les indemnisations dues à l’assuré liées aux mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols couvrent les travaux permettant un arrêt des désordres existants consécutifs à l’évènement lorsque l’expertise constate une atteinte à la solidité des bâtiments ou un état du bien le rendant impropre à sa destination.

La FFA proposait de sanctionner les assurés qui auraient érigé des constructions en violation des règles d’urbanisme par une déchéance de garantie, il n’en reste rien.

La loi vient ainsi consacrer la zone grise existante entre le dommage de nature décennale, dont sont responsables les constructeurs sur le fondement de l’article 1792 du Code civil (N° Lexbase : L1920ABQ) en cas de dommage qui porte atteinte à la solidité de l’ouvrage ou le rend impropre à sa destination, et le dommage consécutif à un épisode de CatNat. Il reste à espérer que la distinction entre la malfaçon ou la non-façon puisse se distinguer de l’évènement CatNat ou ne soit pas aggravant…

Les frais de relogements d’urgence des sinistrés sont désormais intégrés à l’indemnisation.

Sur amendement du Gouvernement, il a été voté que toute personne qui se voit refuser une assurance sur son bien pourra contester la décision de l’assureur devant le BCT.

Sur amendement du Sénat, le délai de prescription au cours duquel l’assuré peut exiger de l’assureur le règlement de l’indemnité qui lui est due en cas de dommages causés par le risque sécheresse-réhydratation des sols est porté de deux à cinq ans.

II. In particulari

L’impensable avait été pensé. L’intouchable article L. 114-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L2081MAC) a été retouché. Il a été allongé pour être précis. Le Code des assurances déroge, en effet, au délai de prescription de droit commun de cinq ans prévu par l’article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC) pour retenir que toutes les actions dérivant du contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’évènement qui y donne naissance. L’assureur peut donc se libérer envers l’assuré resté inactif pendant deux ans sous certaines conditions posées par la jurisprudence [3]. Il s’agit là d’un mode d’extinction de l’obligation. Rapporté au régime CatNat, l’assuré devait saisir son assureur et/ou interrompre la prescription dans ce délai biennal, même si une expertise, amiable ou judiciaire, est en cours. Lorsque les polices sont suffisamment bien rédigées pour être validées par la jurisprudence, la prescription biennale est une véritable chausse-trappe.

Le premier alinéa de l’article L. 114-1 du Code des assurances est complété par la phrase suivante : « Par exception [ndrl à la prescription biennale], les actions dérivant d’un contrat d’assurance relatives à des dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols, reconnus comme une catastrophe naturelle dans les conditions de l’article L. 125-1, sont prescrites par cinq ans à compter de l’évènement qui y donne naissance ». La prescription biennale passe donc à cinq ans mais seulement pour les dommages relatifs au risque sécheresse-réhydratation. Tous les évènements susceptibles d’être qualifiés de catastrophes naturelles ne sont donc pas éligibles à la prescription quinquennale. C’est compliqué. D’autant que nombreux sont ceux – y compris la Cour de cassation - qui plaident pour une réforme de cette prescription biennale, contestée par beaucoup et assez compliquée à mettre en œuvre, donc source d’un contentieux important [4]. Le législateur aurait pu saisir l’opportunité. D’autant que la DACS est également favorable à cette réforme, dans la mesure où le délai de deux ans n’est pas suspendu par les pourparlers entre l’assureur et l’assuré, même en cas d’expertise en cours. Il faudrait au moins suspendre les délais dans certaines circonstances.

*             *

Au total, la nouvelle loi rallonge les délais de procédure et renforce la prise en charge des sinistrés. Il est assez douteux que cela conduise à une baisse du nombre de sinistres.

La loi ne prévoyait pas les modalités et l’information des communes et des habitants sur le dispositif de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, c’est chose faite.

La loi ne prévoyait pas de délai de prescription particulier pour faciliter l’action de la victime, c’est chose faite.

Il reste à espérer que, prises ensemble, les mesures environnementales permettent une re-régulation climatique.

 

[1] Un rapport du Sénat estime que « d’ici 2050, le montant des sinistres liés aux catastrophes naturelles va augmenter de 50 %, à cause du climat et de la concentration de la population dans les zones à risques », Rapport cité in J. Raynal, Assurance : le régime CAT NAT sera-t-il réformé avant 2022 ?, La Tribune.fr, 28 novembre 2019, [en ligne].

[2] A. Astegiano-La Rizza, La réforme de la garantie catastrophes naturelles enfin en perspective !, BJDA 2018, n° 58.

[3] Propositions de réforme en matière civile proposée par la Cour de cassation, Rapport annuel 2020, p. 37, [en ligne].

[4] V. not. C. Croix J. Heraut, La prescription biennale en matière d’assurance : vers une refonte complète ?, JCP G 2012, 980. Mais également G. Leguay, La prescription biennale du Code des assurances : chronique d’une mort annoncée, RDI 2000, p.77. G. Leguay, Prescription biennale et assurance : le malaise subsiste, RDI 2008, p. 396.

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Avocats/Honoraires

[Brèves] Quand il faut prouver l'honoraire de résultat...

Réf. : Cass. civ. 2, 16 décembre 2021, n° 20-15.875, F-B (N° Lexbase : A30167GS)

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par Marie Le Guerroué

Le 06 Janvier 2022

► La plainte pénale déposée pour fausse attestation contre la seule pièce permettant de retenir l'existence d'un accord sur le principe d'un honoraire de résultat ne prive pas cette attestation de sa valeur probante.

Faits et procédure. Des clients avaient confié la défense de leurs intérêts à un avocat à l'occasion d'une procédure contentieuse qui les opposait à une société de promotion immobilière et à un syndicat de copropriétaires. Ces derniers ayant refusé de lui régler l’honoraire de résultat qu'il indiquait avoir été convenu, l'avocat avait saisi le Bâtonnier de son Ordre afin de les voir condamnés à lui payer cet honoraire complémentaire.

En cause d’appel. Le premier président, pour débouter l'avocat de sa demande en paiement d'un honoraire de résultat, énonce d'abord que l'accord du client sur le principe de cet honoraire, s'il peut n'être que tacite, doit toutefois être certain ou à tout le moins, résulter d'actes dont il est raisonnable de déduire une telle acceptation. Il retient ensuite qu'en l'occurrence les clients justifient avoir déposé plainte pour fausse attestation contre l'auteur de la seule pièce permettant de retenir l'existence d'un accord sur le principe d'un honoraire de résultat.

Réponse de la Cour. La Haute juridiction rend sa décision au visa de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) et l'article 202 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1645H4P). Elle énonce qu’il résulte du premier de ces textes que le défaut de signature d'une convention ne prive pas l'avocat du droit de percevoir un honoraire de résultat convenu en son principe, après service rendu. Et qu’il résulte du second que, notamment, l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés. Elle indique en outre qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales. Dès lors, pour la Cour, en statuant ainsi, en déniant toute valeur probante à une attestation, au seul motif qu'elle faisait l'objet d'une plainte pénale déposée par ses clients, le premier président a violé les textes susvisés.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les honoraires, émoluments, débours et modes de paiement des honoraires, Le caractère non équivoque de l'honoraire de résultat, in La profession d’avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase (N° Lexbase : E37543RH).

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Bancaire/Sûretés

[Brèves] Disproportion du cautionnement et responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde : précisions importantes sur la prescription

Réf. : Cass. civ. 1, 5 janvier 2022, n° 20-17.325, FS-B (N° Lexbase : A42127HH)

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N9989BYM

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par Vincent Téchené

Le 14 Janvier 2022

► L'action en responsabilité de la caution à l'encontre du prêteur fondée sur une disproportion de son engagement se prescrit par cinq ans à compter du jour de la mise en demeure de payer les sommes dues par l'emprunteur en raison de sa défaillance, permettant à la caution d'appréhender l'existence éventuelle d'une telle disproportion ;

L'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement.

Faits et procédure. Suivant offre acceptée du 2 août 2006, une banque a consenti à une société (l'emprunteur) un prêt, garanti par la société Crédit logement (la caution professionnelle), puis par des cautions personnes physiques les 24 juillet et 8 août 2006. À la suite d'échéances impayées à compter du 15 août 2013, la banque a prononcé la déchéance du terme le 8 février 2015. Après avoir réglé le solde du prêt à la banque, la caution professionnelle a assigné, le 11 août 2015, l'emprunteur et les autres cautions en paiement, lesquelles ont, le 22 mars 2017, appelé la banque en intervention forcée et garantie, en invoquant une disproportion des engagements de caution et un manquement de celle-ci à son devoir de mise en garde, ainsi qu'un défaut d'information annuelle des cautions.

Les cautions et l’emprunteur ont formé un pourvoi en cassation reprochant à l’arrêt d’appel (CA Versailles, 19 mars 2020, n° 18/08155 N° Lexbase : A99943IY) d’avoir jugé que leurs demandes étaient prescrites et de les avoir condamnées à payer certaines sommes à la caution professionnelle.

Décision. Plusieurs moyens étaient invoqués par la caution et l’emprunteur, qu’il convient d’examiner.

  • Sur le manquement à l’obligation d'information annuelle du créancier

Moyen. L'emprunteur et les cautions reprochaient d’abord à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes formées par celles-ci à l'encontre de la banque, au titre d'un manquement à son obligation d'information annuelle. Ils soutenaient alors que la prétention de la caution fondée sur le défaut d'information annuelle de la caution, lorsqu'elle tend seulement au rejet de la demande en paiement des intérêts au taux contractuel formée par la banque à son encontre constitue un moyen de défense au fond sur lequel la prescription est sans incidence.

Réponse de la Cour de cassation. La Cour de cassation rejette ce moyen. Elle énonce que dès lors qu'elle a retenu que les cautions poursuivaient la banque en garantie et ne s'opposaient pas à une demande formée par celle-ci à leur encontre et que leurs prétentions, fondées sur le non-respect par la banque de son obligation d'information annuelle, constituaient une demande soumise à la prescription et non un moyen de défense, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

  • Sur la sanction du cautionnement disproportionné

Moyen. L'emprunteur et les cautions reprochaient à l’arrêt d’appel de les avoir condamnées à payer certaines sommes au créancier en ayant considéré qu'étrangère au contrat de prêt, la caution professionnelle, qui exerçait son recours personnel ne pouvait se voir opposer par les cautions les exceptions et moyens opposables au créancier principal comme la disproportion de leur engagement de caution. Ils soutenaient au contraire que la sanction de la disproportion du cautionnement prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire.

Réponse de la Cour de cassation. La Cour de cassation censure sur ce point l’arrêt d’appel au visa des articles L. 332-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1162K78), 2305 (N° Lexbase : L1203HIE) et 2310 (N° Lexbase : L1209HIM) du Code civil. Elle rappelle ainsi que la sanction prévue en matière de disproportion du cautionnement (c’est-à-dire l’impossibilité pour le créancier de se prévaloir du cautionnement) prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire.

Observations. Cette solution a été posée en termes identiques par un arrêt de Chambre mixte du 27 février 2015 (Cass. mixte, 27 février 2015, n° 13-13.709, P+B+R+I N° Lexbase : A3426NCU ; G. Piette, Lexbase Affaires, mars 2015, n° 417 N° Lexbase : N6558BUG) et a été depuis lors rappelée (v. not. Cass. civ. 1, 26 septembre 2018, n° 17-17.903, FS-P+B N° Lexbase : A2007X8T – Cass. civ. 1, 8 septembre 2021, n° 19-24.129, F-D N° Lexbase : A245844S). Certains auteurs défendaient cette solution remarquant notamment que « la disproportion est une exception personnelle à la caution, opposable erga omnes ». Cette solution peut paraître sévère pour la caution solvens.

La réforme du droit des sûretés, publiée au Journal officiel du 16 septembre 2021 (ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2021, portant réforme du droit des sûretés N° Lexbase : L8997L7D ; sur cette réforme, v. Dossier spécial « La réforme du droit des sûretés par l'ordonnance du 15 septembre 2021 », Lexbase Affaires, octobre 2021, n° 691 N° Lexbase : N8992BYP), en plus d’intégrer le principe de proportionnalité dans le Code civil (C. civ., art. 2300 N° Lexbase : L0174L8X), modifie la sanction : « Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager à cette date » (G. Piette, Réforme du droit des sûretés par l’ordonnance du 15 septembre 2021 : formation et étendue du cautionnement, Lexbase Affaires, octobre 2021, n° 691 N° Lexbase : N8978BY8).

  • Sur la prescription de l'action en responsabilité de la caution à l'encontre du prêteur fondée sur la disproportion

Réponse de la Cour de cassation. Il résulte de l’article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC) que l'action en responsabilité de la caution à l'encontre du prêteur fondée sur une disproportion de son engagement se prescrit par cinq ans à compter du jour de la mise en demeure de payer les sommes dues par l'emprunteur en raison de sa défaillance, permettant à la caution d'appréhender l'existence éventuelle d'une telle disproportion.

Or, la Haute juridiction relève que pour déclarer les demandes formées par les cautions à l'encontre de la banque irrecevables comme prescrites, l'arrêt d’appel a retenu, d'une part, que la disproportion s'apprécie au jour de la conclusion des engagements et qu'ils ont été signés les 24 juillet et 8 août 2006, d'autre part, que l'assignation de la banque en intervention forcée date du 22 mars 2017.
Dès lors, les Hauts magistrats en concluent qu’en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l’article 2224 du Code civil.

  • Sur la prescription de l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde

Réponse de la Cour de cassation. La Cour de cassation énonce qu’il résulte de l’article 2224 du Code civil que l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement.

Or, la Haute juridiction relève que pour déclarer les demandes formées par l'emprunteur à l'encontre de la banque irrecevables comme prescrites, l'arrêt d’appel a retenu, d'une part, que le dommage résultant d'un manquement au devoir de mise en garde se manifeste dès l'octroi du crédit et que l'offre de prêt a été acceptée le 2 août 2006, d'autre part, que l'assignation de la banque en intervention forcée date du 22 mars 2017.

Dès lors, les Hauts magistrats en concluent qu’en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l’article 2224 du Code civil.

Observations. La première chambre civile tranche, ici, un point sur lequel il existait une réelle incertitude (v. not.,Cass. civ. 1., 12 décembre 2018, n° 17-21.232, F-D N° Lexbase : A7038YQQ). En dernier lieu, la Chambre commerciale avait retenu que le délai de prescription de l’action en indemnisation du dommage résultant d’un manquement au devoir de mise en garde débute, non pas à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à la date d’exigibilité des sommes au paiement desquelles l’emprunteur n’est pas en mesure de faire face (Cass. com., 22 janvier 2020, n° 17-20.819, F-D N° Lexbase : A59293CL).

La première chambre civile retient la même solution dans un autre arrêt rendu également le 5 janvier 2022 (Cass. civ. 1, 5 janvier 2022, n° 20-18.893, FS-B N° Lexbase : A42197HQ ; J. Lasserre Capdeville, Lexbase Affaires, 13 janvier 2022, n° 701 N° Lexbase : N0004BZ8).

Pour aller plus loin :

  • v. ÉTUDE : Proportionnalité et cautionnement, Le cautionnement des personnes physiques envers les créanciers professionnels, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase (N° Lexbase : E8923BXR) ;
  • v. ÉTUDE : Droit de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit, Contenu du devoir de mise en garde, in Droit bancaire, (dir. J. Lasserre-Capdeville), Lexbase (N° Lexbase : E14203PB). 

 

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Consommation

[Brèves] Renforcement de la protection des consommateurs : transposition de la Directive n° 2019/2161 du 27 novembre 2019

Réf. : Ordonnance n° 2021-1734, du 22 décembre 2021, transposant la Directive 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 et relative à une meilleure application et une modernisation des règles de l'Union en matière de protection des consommateurs (N° Lexbase : L3352MAE)

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N9907BYL

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par Vincent Téchené

Le 06 Janvier 2022

► Prise sur le fondement de la loi « DDADUE » (loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 N° Lexbase : L8685LYC), une ordonnance, publiée au Journal officiel du 23 décembre 2021, procède à la transposition de la Directive n° 2019/2161 du 27 novembre 2019 ([LXB=L0929LUX]) concernant une meilleure application et une modernisation des règles de l'Union en matière de protection des consommateurs ;

L’ordonnance comporte également plusieurs dispositions en termes d'information des consommateurs, d'interdiction des pratiques commerciales déloyales et plus globalement de droits des consommateurs garantissant la nécessaire articulation avec les dispositions de l'ordonnance n° 2021-1247, du 29 septembre 2021, relative à la garantie légale de conformité des biens, des contenus numériques et des services numériques (N° Lexbase : L1766L8W).

L'article 1er vient compléter la liste des définitions figurant à l'article liminaire du Code de la consommation (N° Lexbase : Z42433TL) : les nouvelles définitions introduites à cet article concernent les places de marché en ligne, les opérateurs de places de marché en ligne et les pratiques commerciales.

L'article 2 définit les conditions dans lesquelles les professionnels peuvent avoir recours à des annonces de réductions de prix et assimile le non-respect de ces règles à une pratique commerciale trompeuse.

L'article 3 adapte les dispositions du Code de la consommation relatives aux pratiques commerciales trompeuses à l'économie numérique.
Ainsi, cet article qualifie de substantielles les informations portant sur :

  • la qualité du cocontractant (professionnel ou non) du consommateur sur une place de marché en ligne ;
  • les principaux paramètres qui déterminent le classement des produits présentés au consommateur sur une interface en ligne ;
  • les éléments permettant d'établir si et comment le professionnel garantit que les avis publiés émanent de consommateurs ayant effectivement utilisé ou acheté le produit.

L'absence de ces informations permet de caractériser une pratique commerciale trompeuse par omission.
Par ailleurs, cet article élargit la liste des pratiques commerciales trompeuses en toutes circonstances :

  • au référencement ou au classement en ligne d'un produit sans indiquer l'existence d'un lien capitalistique entre l'offreur et l'opérateur de place de marché ;
  • à la revente à des consommateurs de billets pour des manifestations par l'utilisation d'un moyen automatisé permettant de contourner la limitation ou l'interdiction de revente de ces billets ;
  • à l'affirmation attestant que des avis sur un produit sont diffusés par des consommateurs qui ont effectivement utilisé ou acheté le produit alors que les mesures nécessaires pour le vérifier n'ont pas été prises ;
  • à la diffusion de faux avis de consommateurs ou à la modification d'avis de consommateurs.

L'article 4 renforce les sanctions administratives en cas de manquement du professionnel à son obligation légale d'information sur l'existence et les modalités des garanties légales de conformité, des éventuelles garanties commerciales et le cas échéant du service après-vente.
Le quantum de l'amende passe de 3 000 euros à 15 000 euros pour une personne physique et de 15 000 euros à 75 000 euros pour une personne morale.

L'article 5 prévoit, dans le cadre de la coopération administrative entre les autorités nationales de contrôle compétentes en matière de protection des consommateurs au sein de l'Union européenne, une amende civile d'un montant de 300 000 euros qui peut être porté à 4 % du chiffre d'affaires, compte tenu du profit illicite réalisé, à l'encontre d'un professionnel qui a recours, de manière continue, à une pratique commerciale déloyale.

L'article 6 étend l'application des dispositions du Code de la consommation encadrant les contrats conclus à distance et hors établissement à la fourniture d'un contenu numérique sans support matériel ou d'un service numérique en contrepartie duquel le consommateur ne paie pas un prix mais fournit des données à caractère personnel. Un certain nombre d'obligations qui s'imposent au professionnel lors de l'exécution d'un contrat ayant pour objet la fourniture d'un contenu numérique ou d'un service numérique ainsi que lors de l'exercice par le consommateur de son droit de rétractation sont notamment précisées. Sont également introduits des aménagements aux exceptions à l'exercice du droit de rétractation pour ces contrats dont l'exécution a commencé avant la fin du délai de rétractation. Dans ce cas, l'obligation d'obtenir le consentement préalable exprès du consommateur et la reconnaissance par ce dernier de la perte de son droit de rétractation n'est pertinente que pour les contenus numériques fournis moyennant le paiement d'un prix.

L'article 8 prévoit une amende civile d'un montant de 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale, à l'encontre d'un professionnel qui a recours, de manière continue, dans des contrats identiques proposés ou conclus avec des consommateurs ou des non-professionnels, à une clause reconnue abusive. Par ailleurs, cet article renforce les sanctions administratives à l'encontre du professionnel dont les offres de contrats ou les contrats conclus avec des consommateurs ou des non-professionnels comportent des clauses « noires ». Le quantum de l'amende passe de 3 000 euros à 15 000 euros pour une personne physique et de 15 000 euros à 75 000 euros pour une personne morale. Concernant les clauses abusives et les clauses « noires », dans le cadre de la coopération administrative entre les autorités nationales de contrôle compétentes en matière de protection des consommateurs au sein de l'Union européenne, le montant de cette amende peut être porté à 4 % du chiffre d'affaires, si la pratique est constitutive d'une infraction de grande ampleur ou de grande ampleur à l'échelle de l'Union européenne.

L'article 9 aménage le régime des sanctions applicables aux manquements et infractions aux dispositions encadrant l'information précontractuelle et contractuelle du consommateur dans le cadre de contrats conclus à distance ou hors établissement. Il prévoit la nullité d'un contrat conclu hors établissement lorsque le professionnel aura enfreint les règles relatives à l'interdiction de recevoir un paiement ou une contrepartie, sous quelque forme que ce soit, de la part du consommateur, avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat hors établissement. Il punit également d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 150 000 euros la violation de l'interdiction, pour un professionnel, de se livrer à toute visite non sollicitée lorsque le consommateur a manifesté de manière claire et non ambiguë ne pas vouloir faire l'objet d'une telle visite.

Par ailleurs, il prévoit de renforcer les sanctions administratives en cas de manquement du professionnel aux règles de formation et d'exécution des contrats conclus à distance et hors établissement. Le quantum de l'amende passe de 3 000 euros à 15 000 euros pour une personne physique et de 15 000 euros à 75 000 euros pour une personne morale.

En outre, dans le cadre de la coopération administrative entre les autorités nationales de contrôle compétentes en matière de protection des consommateurs au sein de l'Union européenne, en cas de violation des règles de protection des consommateurs pour la formation et l'exécution des contrats conclus à distance et hors établissement, le montant de l'amende peut être porté à 4 % du chiffre d'affaires, si la pratique est constitutive d'une infraction de grande ampleur ou de grande ampleur à l'échelle de l'Union européenne.

Enfin, il procède aux modifications nécessaires relatives à l'application de peines complémentaires en cas de manquements à certaines obligations précontractuelles et contractuelles du professionnel lors de la conclusion de contrats hors établissements.

Entrée en vigueur. Les dispositions de l’ordonnance entreront en vigueur le 28 mai 2022.

newsid:479907

Données personnelles

[Brèves] Sanction de 300 000 euros à l’encontre de la société Free Mobile

Réf. : CNIL, 28 décembre 2021, délibération n° SAN 2021-021 (N° Lexbase : X1448CNX)

Lecture: 2 min

N9988BYL

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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

Le 12 Janvier 2022

► La CNIL a prononcé une sanction de 300 000 euros à l’encontre de la société Free Mobile, notamment pour ne pas avoir respecté les droits des personnes et la sécurité des données de ses utilisateurs.

Contexte. La CNIL a reçu plusieurs plaintes concernant les difficultés rencontrées par des personnes dans la prise en compte, par l’opérateur de téléphonie mobile français, Free Mobile, de leurs demandes d’accès et d’opposition à recevoir des messages de prospection commerciale.

Les manquements retenus. A la suite d'un contrôle sur place et d'un contrôle sur pièces, la CNIL a retenu quatre manquements au « RGPD » (Règlement n° 2016/679 du 27 avril 2016 N° Lexbase : L0189K8I) à l’encontre de la société Free Mobile :

  • un manquement à l’obligation de respecter le droit d’accès des personnes aux données les concernant (« RGPD », art. 12 et 15), puisque la société n’a pas donné suite aux demandes formulées par les plaignants dans les délais ;
  • un manquement à l’obligation de respecter le droit d’opposition des personnes concernées (« RGPD », art. 12 et 21), puisque la société n’a pas pris en compte les demandes des plaignants visant à ce que plus aucun message de prospection commerciale ne leur soit adressé ;
  • un manquement à l’obligation de protéger les données dès la conception (« RGPD », art. 25), puisque la société a continué d’envoyer à des plaignants des factures concernant des lignes téléphoniques dont l’abonnement avait pourtant été résilié ;
  • un manquement à l’obligation d’assurer la sécurité des données personnelles (« RGPD », art. 32), puisque la société transmettait par courriel, en clair, les mots de passe des utilisateurs lors de leur souscription à une offre auprès de la société Free Mobile, sans que ces mots de passe soient temporaires et que la société impose d’en changer.

Sanction. En conséquence aux manquements précités, la formation restreinte de la CNIL a prononcé à l’encontre de la société Free Mobile une amende de 300 000 euros.

Cette sanction prend en compte la taille et la situation financière de la société. Sa publicité se justifie par la nécessité de rappeler l’importance de traiter les demandes de droit des personnes et la sécurité des données des utilisateurs.

newsid:479988

Marchés publics

[Brèves] Pérennisation du dispositif « achats innovants »

Réf. : Décret n° 2021-1634, du 13 décembre 2021, relatif aux achats innovants et portant diverses autres dispositions en matière de commande publique (N° Lexbase : L9620L98)

Lecture: 1 min

N9967BYS

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par Yann Le Foll

Le 06 Janvier 2022

► Le décret n° 2021-1634 du 13 décembre 2021, relatif aux achats innovants et portant diverses autres dispositions en matière de commande publique, pérennise l'expérimentation prévue par le décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018, portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique (N° Lexbase : L5590LND).

Le texte pérennise ainsi, au nouvel article R. 2122-9-1 du Code de la commande publique (N° Lexbase : L9886L9Z), le dispositif mis en place à titre expérimental et pour une durée de trois ans par le décret n° 2018-1225, permettant aux acheteurs de passer, sans publicité ni mise en concurrence préalables, des marchés de travaux, fournitures ou services innovants de moins de 100 000 euros HT.

Cette dispense de procédure est en outre étendue aux lots dont le montant est inférieur à 80 000 euros HT pour des fournitures ou des services innovants ou à 100 000 euros HT pour des travaux innovants, à condition que la valeur de l’ensemble des lots concernés n’excède pas 20 % du montant total du marché.

En second lieu, le décret met à jour les références au Code de la construction et de l'habitation et au Code de la santé publique figurant à l'article R. 2122-1 du Code de la commande publique (N° Lexbase : L9885L9Y) pour tenir compte des modifications introduites par l'ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020, relative à l'harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations (N° Lexbase : L2019LYG).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La passation du marché public, L'expérimentation en matière d'achats innovants, in Droit de la commande publique, (dir. N. Lafay, E. Grzeclczyk), Lexbase (N° Lexbase : E3993ZLH).

newsid:479967

Procédure pénale

[Brèves] Effets de la cassation : annulation de tout ce qui a été la suite ou l'exécution des dispositions censurées

Réf. : Cass. crim., 4 janvier 2022, n° 21-81.279, FS-B N° Lexbase : A36717HG

Lecture: 4 min

N9980BYB

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par Adélaïde Léon

Le 26 Janvier 2022

La cassation remet la cause et les parties au même état où elles étaient avant la décision annulée ; elle postule l'annulation de tout ce qui a été la suite ou l'exécution des dispositions censurées ; la cassation d’un arrêt de chambre d’instruction infirmant une ordonnance et disant y avoir lieu à des mesures d’instruction complémentaires entraîne l’annulation des convocations, interrogatoires et mises en examen supplétives.

Rappel de la procédure. Au cours d’une instruction, sont intervenues, le 13 mai 2016, les mises en examen de la présidente du directoire et du directeur financier du groupe Areva. Une troisième personne, le directeur du pôle d’activité « business groupes » Mines a été placé sous le statut de témoin assisté.

À la suite de la délivrance d’un réquisitoire supplétif pour solliciter de nouvelles mises en examen, les juges d’instruction ont, par ordonnance du 19 mai 2017, dit n’y avoir lieu de faire droit à ces réquisitions supplétives.

Par arrêt du 29 octobre 2018, la chambre de l’instruction, saisie de l’appel du ministère public, a infirmé l’ordonnance précitée et dit y avoir lieu aux mesures d’instruction complémentaires.

De nouvelles mises en examen sont intervenues par la suite. Le 4 avril 2019, le directeur du pôle d’activité a été mis en examen. Le 6 juin 2019 et le 14 octobre 2019, la présidente du directoire et le directeur financier du groupe ont été mis en examen de nouveaux chefs.

Entre les mois de mai 2019 et janvier 2020, les trois intéressés ont saisi la chambre de l’instruction d’une requête en nullité de leur mise en examen.

La Chambre criminelle a cassé l’arrêt du 29 octobre 2018 ayant infirmé l’ordonnance de refus de mesure d’instruction complémentaire rendue par les juges d’instruction et enjoint à ces derniers de procéder aux mises en examen sollicitées.

En cause d’appel. Par un arrêt du 11 février 2021, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a écarté le moyen de nullité invoquant l’irrégularité des mises en examen supplétives en ce qu’elles sont consécutives à l’injonction irrégulière donnée par la chambre de l’instruction aux magistrats instructeurs dans son arrêt du 29 octobre 2018.

Selon la chambre de l’instruction, la procédure de mise en examen avait été respectée et les indices graves ou concordants énoncés justifiaient la mise en examen de chacun des trois requérants.

Les trois intéressés ont formé des pourvois contre cet arrêt, lui reprochant d’avoir rejeté les demandes d’annulation des convocations, interrogatoires et mises en examen supplétives.

Décision. La Chambre criminelle annule en toutes ses dispositions l’arrêt du 11 février 2021 au visa des articles 593 N° Lexbase : L3977AZC et 609 N° Lexbase : L4438AZE du Code de procédure pénale relatifs à l’annulation des arrêts de la chambre de l’instruction et au renvoi après cassation.

La Haute juridiction rappelle que la cassation remet la cause et les parties au même état où elles étaient avant la décision annulée. Elle postule l’annulation de tout ce qui a été la suite ou l’exécution des dispositions censurées.

L’arrêt du 29 octobre 2018 avait ordonné la mise en examen supplétive des intéressés.

Selon la Cour, la cassation de cet arrêt doit entraîner l’annulation de tout ce qui en a été la suite ou l’exécution, c’est-à-dire les convocations, interrogatoires et mises en examen supplétives.

La Cour souligne que les juges d’instruction conservaient la liberté, en application de l’article 116 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7479LPP, de ne pas mettre les intéressés en examen.

La Haute juridiction précise que les actes annulés seront retirés du dossier d’information et classés au greffe de la chambre de l’instruction et qu’il sera interdit d’y puiser aucun renseignement contre les parties aux débats.

newsid:479980

Responsabilité médicale

[Brèves] Secret professionnel : l’absence d’anonymisation des documents produits dans une instance judiciaire doit être strictement nécessaire

Réf. : CE, 5° et 6° ch.-r., 27 décembre 2021, n° 433620, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A44517HC)

Lecture: 2 min

N9958BYH

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par Laïla Bedja

Le 06 Janvier 2022

► La circonstance que des documents soient produits dans le cadre d'une instance judiciaire, à l'égard de personnes elles-mêmes soumises au secret professionnel, n'a pas, par elle-même, pour effet de soustraire la partie qui les divulgue au respect du secret médical ; dès lors, la production par un pharmacien, devant le conseil de prud'hommes à l'occasion d'un litige l'opposant à son employeur, de documents nominatifs couverts par le secret médical méconnaît l'obligation de secret rappelée par l'article R. 4235-5 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9603GTT), sauf si l'absence d'anonymisation de ces pièces est, dans le cadre de l'instance en cause, strictement nécessaire à la défense de ses droits par l'intéressé.

Les faits et procédure. Une pharmacienne salariée a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation de son contrat de travail, à l’appui de laquelle elle a produit des copies d'ordonnances et de feuilles de soins de certains clients de l'officine. La pharmacienne, employeur de la salariée, se pourvoit en cassation contre la décision du 19 juin 2019 par laquelle la chambre de discipline du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens a annulé, sur appel de la pharmacienne salariée, la décision du 25 septembre 2017 par laquelle la chambre de discipline du conseil central de la section D de cet ordre avait, à la suite d'une plainte de sa part, infligé à la pharmacienne salariée la sanction d'interdiction temporaire d'exercer la pharmacie pour une durée de trois semaines.

La chambre de discipline du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens a en effet jugé que la production par la pharmacienne salariée, devant le conseil de prud'hommes, de documents nominatifs couverts par le secret médical ne méconnaissait pas l'obligation de secret rappelée par les dispositions de l'article R. 4235-5 du Code de la santé publique, dès lors que ces documents avaient été anonymisés en cours d'instance devant le conseil de prud'hommes et que leur divulgation s'était opérée dans le cadre d'une instance judiciaire, à l'égard de personnes elles-mêmes soumises au secret professionnel.

Annulation. Énonçant la solution précitée, le Conseil d’État juge que la chambre disciplinaire a commis une erreur de droit. Il lui appartenait de rechercher si cette absence d'anonymisation de pièces couvertes par le secret médical était, dans le cadre de l'instance en cause devant le conseil de prud'hommes, strictement nécessaire à la défense de ses droits par l'intéressée.

Pour en savoir plus : lire notamment sur le secret professionnel applicable aux médecins, C. Lantero, ÉTUDE : La responsabilité ordinale, Le secret professionnel, in Droit médical, Lexbase (N° Lexbase : E12973RH).

newsid:479958

Santé et sécurité au travail

[Brèves] Amiante : définition du préjudice d’anxiété et point de départ du délai de prescription

Réf. : Cass. soc., 15 décembre 2021, n° 20-11.046, FS-B (N° Lexbase : A17437GN)

Lecture: 3 min

N9971BYX

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Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/76659035-edition-du-07012022#article-479971
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par Charlotte Moronval

Le 06 Janvier 2022

► La publication au Journal officiel de l'arrêté inscrivant l'établissement sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA constitue le point de départ du délai de prescription de l'action en réparation du préjudice d'anxiété, peu importe la remise en cause de cet arrêté par la juridiction administrative ;

Le préjudice d’anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition au risque créé par une substance nocive ou toxique, est constitué par les troubles psychologiques qu’engendre la connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave par les salariés.

Faits et procédure. En exécution d’un jugement rendu le 26 juin 2007 par le tribunal administratif de Besançon, l’établissement dans lequel travaille un salarié est, selon un arrêté ministériel du 30 octobre 2007, inscrit sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) pour la période de 1965 à 1985. Ce jugement est annulé par un arrêt prononcé le 22 juin 2009 par la cour administrative d'appel de Nancy.

Le 17 juin 2013, le salarié saisit la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice d'anxiété.

Après avoir rejeté la demande en réparation d'un préjudice d'anxiété formée sur le fondement de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 (N° Lexbase : L5411AS9) modifiée, la cour d'appel écarte la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande du salarié au titre de la violation de l'obligation de sécurité et condamne la société au paiement de dommages-intérêts de ce chef.

La solution. Énonçant les solutions susvisées, la Chambre sociale approuve les juges du fond.

D’une part, appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté que seule l'inscription publiée au Journal officiel du 6 novembre 2007 de l'établissement concerné sur la liste permettant la mise en oeuvre du régime ACAATA avait, peu important la remise en cause de cet arrêté par la juridiction administrative, donné au salarié une connaissance des faits lui permettant d'exercer son action. La cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision.

D’autre part, après avoir rappelé que, compte tenu de son exposition avérée à l'amiante et des délais de latence propres aux maladies liées à l'exposition de ce matériau, le salarié devait faire face au risque élevé de développer une pathologie grave, la cour d'appel a constaté qu'il produisait des attestations de proches faisant état de crises d'angoisse régulières, de peur de se soumettre aux examens médicaux, d'insomnies et d'un état anxio-dépressif, et en a déduit que l'existence d'un préjudice personnellement subi était avérée. La cour d’appel a là encore légalement justifié sa décision.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : Le préjudice d’anxiété, La prescription en matière de préjudice d’anxiété (N° Lexbase : E54834YQ) et La preuve du préjudice d’anxiété (N° Lexbase : E54844YR), in Droit du travail, Lexbase.

newsid:479971

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