Le Quotidien du 28 décembre 2021

Le Quotidien

Peines

[Brèves] Information du tiers en matière de confiscation : le décret est publié

Réf. : Décret n° 2021-1794, du 23 décembre 2021, modifiant le Code de procédure pénale (troisième partie : décrets) et relatif notamment à la peine de confiscation (N° Lexbase : L1008MAL)

Lecture: 2 min

N9857BYQ

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par June Perot

Le 01 Février 2022

► Le décret n° 2021-1794, publié au Journal officiel du 23 décembre 2021, précise les modalités d’application de la peine de confiscation et l’information donnée au curateur d’un majeur protégé en cas d’audition libre. Il permet également des échanges dématérialisés entre les avocats et la Chambre criminelle.

Le texte précise les modalités d’application de l’article 131-21 du Code pénal (N° Lexbase : L9506IYQ) relatif à la peine de confiscation qui, pour tenir compte de plusieurs décisions QPC rendues par le Conseil constitutionnel (Cons. const., décisions n° 2021-932 QPC, du 23 septembre 2021 N° Lexbase : A141347H, n° 2021-899 QPC, du 23 avril 2021 N° Lexbase : A10534Q3 n° 2021-949/950 QPC, du 24 novembre 2021 N° Lexbase : A74927CH) a été complété par la loi n° 2021-1729, du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l’institution judiciaire (N° Lexbase : Z459921T).

Cette loi a ajouté à l’article 131-21 du Code pénal un alinéa rédigé comme suit : « Lorsque la peine de confiscation porte sur des biens sur lesquels un tiers autre que le condamné dispose d'un droit de propriété, elle ne peut être prononcée si ce tiers dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu'il revendique et sa bonne foi ».

Les articles 2 à 5 du décret précisent dans le Code de procédure pénale (art. D. 45-2-1 bis nouveau) que le ministère public avise la personne par tout moyen de la date d’audience, au moins dix jours avant celle-ci. Ce délai de dix jours n’est pas applicable si le tribunal est saisi selon la procédure de comparution immédiate. Cet avis informe la personne que la confiscation de ce bien peut être ordonnée et qu'elle a le droit de présenter elle-même ou par un avocat ses observations à l'audience.

Le décret entre en vigueur le 31 décembre 2021.

Pour aller plus loin :
M. Hy, Inconstitutionnalité du statut du tiers propriétaire lors de la phase de jugement, Lexbase Pénal, mai 2021 (N° Lexbase : N7502BYI)
N. Catelan, Panorama de droit pénal des affaires (2021), § 6, Lexbase Pénal, décembre 2021 (N° Lexbase : N9509BYT)

newsid:479857

Élections professionnelles

[Brèves] Désignation d’un délégué syndical supplémentaire : appréciation à la date des dernières élections

Réf. : Cass. soc., 8 décembre 2021, n° 20-17.688, FS-B (N° Lexbase : A46197ES)

Lecture: 2 min

N9799BYL

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par Laïla Bedja

Le 23 Décembre 2021

► Dès lors que la désignation d'un délégué syndical supplémentaire est subordonnée, d'une part, au caractère représentatif du syndicat, d'autre part, à l'obtention d'élus dans au moins deux collèges, l'effectif d'au moins 500 salariés, au sens de ce texte, doit s'apprécier, dans l'établissement, à la date des dernières élections au CSE, lesquelles, au regard du score électoral et du nombre d'élus obtenus par le syndicat, ouvrent le droit pour ce dernier de désigner un délégué syndical supplémentaire pour toute la durée du cycle électoral.

Les faits et procédure. Postérieurement au premier tour des élections professionnelles au CSE d’un établissement de la société M. du 13 novembre 2019, un syndicat a désigné M. A, en remplacement de Mme Z, en qualité de délégué syndical supplémentaire par lettre datée du 25 avril 2020, reçue par l’employeur le 12 mai 2020.

Par requête déposée au greffe le 25 mai 2020, la société a saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annuler cette désignation, en soutenant que la condition légale d'effectif d'au moins cinq cents salariés n'était plus remplie au cours des douze mois consécutifs précédant la désignation contestée.

Rejet. Énonçant la solution précitée et rappelant les règles en matière de désignation prévue à l'article L. 2143-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8581LGW), la Haute juridiction rejette le pourvoi.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : Le délégué syndical, Un délégué syndical, candidat aux élections professionnelles, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E1853ETS).

newsid:479799

Fonction publique

[Brèves] Décision faisant obstacle à l'accès d'un responsable syndical au local syndical : un recours est possible !

Réf. : CE, 9° et 10° ch.-r., 10 décembre 2021, n° 440458, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A83277E7)

Lecture: 2 min

N9836BYX

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par Yann Le Foll

Le 05 Janvier 2022

► La décision faisant obstacle à l'accès d'un responsable syndical aux locaux professionnels, au local syndical et au panneau syndical constitue un acte susceptible de recours.

Principe. La décision par laquelle l'autorité hiérarchique interdit à un responsable syndical d'accéder aux locaux professionnels et lui demande de remettre la clef du local syndical et celle du panneau d'affichage syndical porte atteinte à l'exercice de la liberté syndicale qui est au nombre des droits et libertés fondamentaux de l'intéressé.

Par suite, et alors même que ce dernier est en congé au mois d'août et n'a ainsi pas vocation à accéder aux locaux, elle ne présente pas le caractère d'une mesure d'ordre intérieur mais constitue un acte susceptible de recours.

En revanche, une mesure de changement d'affectation ou des tâches d'un agent public constitue une simple mesure d'ordre intérieur et est donc insusceptible de recours, alors même que la mesure aurait été prise pour des motifs tenant au comportement de l'agent public concerné (CE, Sect., 25 septembre 2015, n° 372624, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8495NPC).

Application. L’intéressée avait la qualité de responsable syndicale au sein de la direction spécialisée des finances publiques (DSFP) et accédait à ce titre au local syndical ainsi qu'au panneau d'affichage syndical.

La décision par laquelle le directeur spécialisé des finances publiques lui a interdit d'accéder aux locaux de la DSFP à compter du 2 août 2017 et lui a demandé de remettre la clef du local syndical et celle du panneau d'affichage syndical porte ainsi atteinte à l'exercice de la liberté syndicale qui est au nombre des droits et libertés fondamentaux.

Par suite, elle ne présente pas le caractère d'une mesure d'ordre intérieur mais constitue un acte susceptible de recours. Dès lors, en jugeant que cette décision ne pouvait être regardée comme faisant grief à la requérante au motif qu'elle était en congé au mois d'août et n'avait ainsi plus vocation à accéder à ces locaux, la cour administrative d'appel de Paris (CAA Paris, 5 février 2020, n° 19PA01222 N° Lexbase : A95453DU) a commis une erreur de droit.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les libertés et protections des fonctionnaires dans la fonction publique d'État, La liberté de groupement dans la fonction publique d'État, in Droit de la fonction publique, (dir. P. Tifine), Lexbase (N° Lexbase : E07443L7).

newsid:479836

Procédure administrative

[Questions à...] Quelle actualité pour la médiation administrative - Questions à Rhita Bousta, Maître de conférences – HDR en droit public, Université de Lille

Lecture: 13 min

N9399BYR

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Le 14 Décembre 2021

 


Mots clés : médiation • administration • contentieux administratif

La médiation connaît un succès grandissant dans la sphère publique ces dernières années depuis son apparition dans le Code de justice administrative en 2016. Destinée à solutionner les litiges juridiques et donc à apporter une réponse à des réclamations tendant à la mise en œuvre d’une règle de droit sans pour autant contribuer à l'encombrement des juridictions, sa mise en œuvre entraîne néanmoins plusieurs questions relatives à ses principes directeurs, aux aspects à maîtriser par les praticiens, ou encore à l'égalité des médiés lorsque l'un d'entre eux est une administration publique. Pour tenter de répondre à ces enjeux, Lexbase Public a rencontré Rhita Bousta, Maître de conférences – HDR en droit public, Université de Lille, Laboratoire CRDP – ERDP, auteure d’un récent ouvrage sur la notion de médiation administrative (éd. L’Harmattan, 2021)*.


 

Lexbase : Quels sont les principes directeurs de la médiation administrative ?

Rhita Bousta : Les principes directeurs de la médiation administrative ne diffèrent pas substantiellement des médiations menées dans les autres domaines.

Certains principes concernent le médiateur : impartialité, indépendance, neutralité et compétence (au sens d’aptitude). D’autres visent les médiés : égalité, consentement (et, plus largement, liberté), bonne foi lors des échanges. Enfin, le processus est aussi dicté par les principes de confidentialité, de clarté et de transparence.

Les principes d’impartialité, de neutralité, de confidentialité et de compétence du médiateur semblent former le « noyau dur » de ce régime, mais il convient de ne pas oublier les autres principes précités, qui confortent tout autant l’essence de la médiation.

Les fondements juridiques de ces principes sont multiples. Certains textes adoptent une optique généraliste et sont donc applicables ici [1].

Par ailleurs, de nombreux codes et chartes sectoriels ont été rédigés par des médiateurs institutionnels afin d’encadrer leur activité [2].

En dehors de ces hypothèses, le réflexe a d’abord été d’appliquer, à la matière administrative, des textes visant pourtant expressément d’autres secteurs [3].

Un pas a récemment été franchi par le groupe de travail sur la médiation de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice du Conseil de l’Europe. En effet, son récent Code de conduite relatif aux prescripteurs de médiation vise expressément les différends en matière administrative au même titre que ceux survenus dans les domaines civil, commercial, familial et pénal [4].

Plus encore, des initiatives récentes tentent d’encadrer spécifiquement la médiation administrative.

Ainsi, à l’occasion de l’instauration de la médiation administrative « dans le cadre » juridictionnel par la loi dite « J21 » [5], le Conseil d’État a rédigé, en 2017, une Charte éthique des médiateurs dans les litiges administratifs, qui prévoit, en outre, que « le médiateur est indépendant, loyal, neutre et impartial », mais aussi « diligent » et « désintéressé ». Peu employé dans les textes étrangers et européens, ce dernier adjectif est, en réalité, une déclinaison du principe d’impartialité. Il s’agit de veiller à ce que le médiateur n’ait ni de conflit d’intérêts ni d’intérêt financier au résultat de la médiation : l’accord doit être envisagé dans le seul intérêt des parties et aucun pourcentage de rémunération ne peut être indexé au résultat.

Ces textes sont à saluer car ils confirment l’ampleur du phénomène tout en nourrissant l’idée que la médiation administrative pourrait comporter certaines spécificités. Les principes d’indépendance (médiateur institutionnel) et de confidentialité (principe de transparence de l’action publique), sans être remis en cause, peuvent en effet se décliner différemment ici [6].

Lexbase : Quels aspects essentiels de cette pratique les praticiens doivent-ils maîtriser ?

Rhita Bousta : Au-delà des conditions d’accès à cette activité - particulièrement souples en France -, les praticiens doivent maîtriser certains aspects essentiels du processus.

Lors des entretiens que j’ai menés avec des médiateurs et des experts de terrain à l’occasion de mon récent ouvrage, une compétence était toujours évoquée en priorité : la capacité d’écoute. Celle-ci est loin d’être passive. Elle permet, par l’observation attentive et neutre, de faire émerger des émotions souvent à la base de conflits dans des secteurs sensibles, tels que celui de la santé.

La présence de l’administration publique ne doit en effet pas faire oublier que celle-ci se personnifie à travers ses agents : la dimension humaine et psychologique est donc primordiale et renvoie à une série de techniques mises en œuvre dans tout type de médiation (reformulation, pause, entretien individuel avec chacun des médiés, synthèse, message positif axé sur le futur, etc.).

Cette écoute active nécessite du temps, la médiation s’opposant d’ailleurs ontologiquement à l’immédiat. Même si l’on s’accorde sur un délai moyen de trois mois, les praticiens doivent avoir en tête cette donnée afin de ne pas convertir la médiation en une « procédure expresse », centrée sur les résultats et dont l’unique but serait d’éviter les tribunaux. En prenant le temps de l’écoute et de la compréhension profonde de situations complexes, les résultats sont souvent plus durables.

Afin de garantir une telle écoute, la pratique de co-médiation est très répandue en Espagne. Loin d’établir une hiérarchie entre un médiateur et un « superviseur », il s’agit ici d’une médiation menée, de manière horizontale, par deux médiateurs en même temps. La tâche d’observation et d’écoute des médiés peut ainsi être divisée afin d’améliorer sa qualité. Dans cette lignée, le protocole de la communauté autonome des Canaries datant de 2013 établit la co-médiation comme règle générale pour toute médiation administrative entreprise « dans le cadre » juridictionnel [7]. Il me semble que cette pratique pourrait inspirer les praticiens français.

Le médiateur doit également faire preuve d’une extrême clarté. D’ailleurs, la session d’information visant, en amont, à expliciter la procédure de médiation suffit parfois à mettre fin à un conflit. Cet aspect est d’autant plus important en matière administrative car la médiation dite « pédagogique », qui consiste à expliciter une décision administrative individuelle à un usager, un « citoyen-administré » ou un agent public, est très fréquente et est partie intégrante de la notion de médiation administrative.

Enfin, les praticiens devraient aussi connaître les « rouages » de la médiation avec une administration publique : nécessité d’intégrer, en amont, le supérieur hiérarchique et le comptable public afin d’éviter tout blocage lors de l’exécution de l’accord, conditions de validité de la transaction en droit administratif - si la médiation prend cette forme -, conscience que la demande d’homologation peut être fréquemment demandée par les élus locaux afin de ne pas endosser la responsabilité de l’accord, etc.

Cette dernière remarque soulève la question de l’offre de formation des médiateurs en matière administrative : les médiateurs institutionnels ont certes des occasions d’échanger sur leurs pratiques, mais il serait judicieux de multiplier les offres de formation spécifiques à cette matière sans pour autant l’« isoler » des médiations menées dans les autres domaines. Cela commence à être le cas en Espagne [8].

Lexbase : Quid de l'égalité des médiés lorsque l'un d'entre eux est une administration publique ?

Rhita Bousta : « Pot de terre contre pot de fer ». Cette image tirée d’une célèbre fable de La Fontaine est souvent évoquée à ce sujet. Il n’est en effet pas évident d’obtenir des concessions de la part d’une administration publique. Pour beaucoup d’entre elles, le fait d’abandonner une prétention – même en partie – reviendrait à reconnaître une faute [9]. Il ne s’agit donc pas de nier l’évidence. Mais la question est de savoir si cette « inégalité de fait » se vérifie systématiquement en pratique.

Or, la réalité est contrastée.

D’une part, l’inégalité des médiés n’est pas le propre du droit public. Une enquête de terrain sur la médiation dans le secteur privé montre ainsi que l’inégalité est en réalité à l’origine du déclenchement de toute médiation [10]. Un consommateur face à une grande entreprise n’est pas dans une situation particulièrement égalitaire… D’ailleurs, les médiateurs interrogés dans le cadre de mon ouvrage et possédant, par ailleurs, une solide expérience de médiation en droit privé affirmaient, pour la plupart, ne pas noter de différences substantielles dans les rapports de force entre les médiés lorsque l’un d’entre eux est une administration publique.

D’autre part, l’inégalité présumée est en réalité extrêmement variable d’une situation à une autre. 

La confidentialité des échanges amène parfois la puissance publique à accepter de revoir rapidement sa décision. De surcroît, en pratique, c’est parfois le « citoyen-administré » ou l’agent public qui semble adopter une « attitude supérieure » vis-à-vis de l’administration [11]. En matière de fonction publique, plus que contenir l’éventuel pouvoir de l’administration sur son agent, les médiateurs doivent souvent veiller à ce que le représentant du personnel ne se substitue pas à ce dernier.

Dans d’autres cas, on constate des comportements de supériorité de la part de l’administration publique : silence à la suite de la demande de médiation, assistance aux sessions dans le seul but de refléter une image d’ouverture, etc.

En bref, on ne saurait apporter une réponse radicale et figée : comme dans toute médiation, le positionnement de l’administration dépend du comportement de la personne physique qui la représente.

La certitude réside en revanche dans le rôle du médiateur : il est le garant de l’égalité des médiés.

En matière administrative, il peut ainsi mettre fin à la médiation s’il « existe manifestement un rapport de force pouvant conduire à un accord anormalement déséquilibré » [12] ou si le manque de connaissances juridiques d’un médié est sciemment utilisé par l’autre.

Le principe de neutralité trouverait même ses limites dans l’inégalité manifeste. Une médiatrice interrogée dans le cadre de mon ouvrage s’exprimait en des termes, sinon ironiques, du moins imagés : « si un éléphant écrase un rat, et que vous ne faites rien, le rat ne pensera jamais que vous êtes neutre » [13] !

Dans des cas moins extrêmes, le recours à un autre tiers neutre est souvent efficace. Si une décision administrative est d’emblée perçue comme un signe de supériorité malveillante, le point de vue d’un expert (médecin du travail par exemple, s’agissant des conflits entre l’administration et ses agents) permet d’envisager le rapport de manière plus horizontale [14].

Lexbase : De quelle manière le juge administratif se positionne-t-il en la matière ?

Rhita Bousta : En France, le juge administratif – et en particulier le Conseil d’État sous la présidence de Jean-Marc Sauvé – a joué un rôle fondamental dans l’instauration de la médiation « dans le cadre » juridictionnel par la loi « J21 ». À l’origine de nombreux rapports en la matière, de la création du comité « Justice administrative et médiation » (« JAM »), ou encore de l’organisation des premières assises nationales de la médiation administrative, le Conseil d’État a également rédigé la Charte éthique précitée et le récent rapport relatif à l’expérimentation de médiation préalable obligatoire (MPO) dans certains départements pour les domaines touchant aux droits sociaux et à la fonction publique.

Cet activisme s’explique en grande partie par la volonté de désengorger les tribunaux, qui fut nettement exprimée par le groupe de travail présidé par Odile Piérart [15] et, récemment, dans l’étude d’impact et l’exposé des motifs du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire pérennisant, en outre, l’expérimentation de MPO dans son article 17 [16]. Toutefois, la procédure est encore trop jeune pour valider avec assurance la corrélation entre médiation obligatoire et baisse des saisines juridictionnelles, même si le rapport d’expérimentation précité contient, en annexes, quelques chiffres en la matière. De surcroît, j’ai déjà eu l’occasion de relativiser cette vision réduisant la médiation à une simple « alternative » [17].

Par ailleurs, le juge administratif détient un rôle fondamental dans le transfert du litige, puisque la majorité des médiations administratives « dans le cadre » juridictionnel se font à son initiative. Or, les dispositions juridiques laissent à chaque juge une marge de manœuvre significative [18].

Contrairement aux médiateurs compétents en droit privé, les médiateurs menant des médiations administratives « dans le cadre » juridictionnel ne font pas l’objet de listes officielles produites par les cours administratives d’appel ou les tribunaux administratifs. Notre pays ne prévoit pas non plus de système d’accréditation semblable au droit espagnol (inscription des médiateurs dans un registre du ministère de la Justice).

Même si l’on gagnerait, à l’avenir, à homogénéiser cette situation, il ne faut pas oublier que cette procédure est encore nouvelle et qu’un cadre trop strict aurait certainement empêché des initiatives bienvenues. De plus, le travail de coordination du référent national médiation auprès du Conseil d’État et celui du comité « JAM » permet d’entrevoir des améliorations. La désignation d’un magistrat référent ou l’instauration d’« unités de médiation » au sein de chaque juridiction (comme celle créée au sein du Tribunal supérieur de Madrid) pourraient aussi permettre une homogénéisation des pratiques.

En tous les cas, en l’état actuel, et compte tenu de cette diversité, il paraît impossible de décrire un seul et unique « positionnement du juge administratif français » en la matière.

Enfin, signalons qu’une véritable jurisprudence administrative relative à la médiation est en train de naître. Ainsi, le tribunal administratif de Strasbourg a affirmé la possibilité de médiations dans le cadre de l’urgence contentieuse [19]. Dans un arrêt du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Poitiers qualifie l’accord de médiation de « contrat administratif à part entière » [20]. Confirmée par la majeure partie des tribunaux [21], cette jurisprudence dégage des conditions d’homologation propres à ces accords (absence de vice de consentement et conformité du contenu de l’accord aux règles d’ordre public). Contrairement à la transaction, nul besoin ici de concessions réciproques. Tout aussi logiquement, la cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé la possibilité de médiations dans des domaines ne pouvant faire l’objet de transaction : en l’absence de qualification ou de soumission au régime du Code civil expressément manifestée par les médiés, l’accord obtenu n’est pas transactionnel [22].

C’est donc dans une optique de complémentarité – et non de délégation – que l’on doit envisager les rapports entre juge et médiateur. Loin d’être une simple « alternative » au contentieux, la médiation est un processus dont les caractéristiques propres méritent d’être mises en lumière et sorties de « l’ombre » des juridictions.

* Propos recueillis par Yann Le Foll, rédacteur en chef de Lexbase Public.


[1] Pour ex. : Code national de déontologie des médiateurs, Les Annonces de la Seine, 11 mai 2009, n° 30, p. 12-14.

[2] Pour ex. : Arrêté du 30 août 2019, portant approbation de la charte de la médiation pour les personnels des établissements publics de santé, sociaux et médico-sociaux (N° Lexbase : Z37178RP) ; charte du Médiateur national de Pôle emploi ; charte du Club des médiateurs de services au public.

[3] Pour ex. : Directive n° 2008/52/CE, du 21 mai 2008, sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale (N° Lexbase : L8976H3T), art. 3 et 4 ; Code de conduite européen pour les médiateurs, 6 avril 2004.

[4] C.E.P.E.J., 31ème Réunion plénière, Strasbourg, 3 et 4 décembre 2018, CEPEJ (2018) 24, p. 2.

[5] Loi n° 2016-1547, du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIème siècle (N° Lexbase : L1605LB3) (CJA, art. L. 213-1 N° Lexbase : L1805LBH et s.) ; décret n° 2017-566, du 18 avril 2017, relatif à la médiation dans les litiges relevant de la compétence du juge administratif (N° Lexbase : L8347LDI).

[6] R. Bousta, La notion de médiation administrative, L'Harmattan, Paris, 2021, p. 101-110.

[7] Protocolo para la implantación de un plan piloto de mediación en la jurisdicción contencioso  administrativa en la Comunidad Autónoma de Canarias, 14 juin 2013, pt. 24.

[8] Pour ex. : cours de médiation administrative organisé par le barreau de Madrid, ou encore cours dispensé par María Avilés Navarro à l’Université Carlos III de Madrid.

[10] G. Lesoeurs, F. Ben Mrad, M. Guillaume-Hofnung, Le médiateur vu par lui-même : résultats d’une enquête qualitative auprès des médiateurs, Humanisme et entreprise, 2009, vol. 4, n° 294, spéc. p.53.

[11] Pour des exemples tirés de mes entretiens, v. R. Bousta, op. cit., p. 175-176.

[12] Conseil d'État, Charte éthique des médiateurs dans les litiges administratifs, 2017, art. II, 3, d).

[13] Entretien avec Amparo Quintana García, médiatrice libérale exerçant à Madrid, 21 octobre 2020 (source : R. Bousta, op. cit., p. 197).

[14] Entretien avec Marc Philippon, médiateur et directeur du CGFPT de Haute-Loire, 19 octobre 2020 (source : R. Bousta, ibidem).

[15] Conseil d'État, Réflexions pour la justice administrative de demain, novembre 2015, p. 15 et s.

[16] Projet de loi n° 4091, déposé le 14 avril 2021 (le Sénat examinera les conclusions de la commission mixte paritaire le 18 novembre 2021).

[17] R. Bousta, op. cit., Paris, L’Harmattan, 2021, p. 71-90.

[18] En effet, selon l’article R. 213-3 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L9577LD3), toute personne ou entité peut être désignée médiatrice à condition, s’il s’agit d’une personne physique, de « posséder, par l’exercice présent ou passé d’une activité, la qualification requise eu égard à la nature du litige. [La personne] doit en outre justifier, selon le cas, d’une formation ou d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation ». Cette disposition assez large reprend mot pour mot le contenu de l’article 131-5 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1464I8Q) gouvernant les médiations menées dans ce domaine. La Charte éthique du Conseil d’État apporte toutefois quelques précisions : probité, honorabilité, engagement à actualiser ses connaissances théoriques et pratiques, expérience professionnelle de cinq années dans le domaine du litige, et qualification dans les techniques de médiation acquise par une formation ou par une « expérience significative » dont l’appréciation revient entièrement au juge.

[19] TA Strasbourg, 6 mars 2018, n° 1800945 (N° Lexbase : A3802XHB), AJDA, p. 1253.

[20] TA Poitiers, 12 juillet 2018, n° 1701757C (N° Lexbase : A2350XYP), concl. S. Ellie, JCP éd. A, 2018, p. 2254. En l’espèce, à la demande des parties, le juge désigna un médiateur tout en suspendant la décision de préemption communale d’une forêt pendant six mois.

[21] V. toutefois : TA Strasbourg, 1er décembre 2017, n° 1704860 (N° Lexbase : A1871XAK) ; TA Strasbourg, 31 août 2018, n° 1700831 : en contrôlant l’existence de concessions réciproques, le juge semble ici assimiler transaction et accord de médiation.

[22] CAA Bordeaux, 30 décembre 2019, n° 19BX03235 (N° Lexbase : A4469Z9E), concl. N. Normand,Transaction ou accord, attention au terme choisi, AJDA, 2020, p. 632. En l’espèce, la qualification de transaction découle de la volonté des médiés de soumettre leur accord au régime du Code civil et à la dénomination figurant dans l’avenant au contrat de marché public de travaux. Dans le même sens : concl. sous TA Lyon, 27 mars 2019, n° 1704535 (N° Lexbase : A7683Z4C), AJDA, 2019, p. 1296 ; TA Lille, 23 juillet 2019, n° 1901341 (N° Lexbase : A2405ZYQ).

newsid:479399

Procédures fiscales

[Brèves] Taxe foncière sur les propriétés non bâties : REP contre le refus du classement d’une parcelle cadastrale déterminant sa valeur locative

Réf. : CE, 9° et 10° ch.-r., 6 décembre 2021, n° 438209, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A29987ER)

Lecture: 3 min

N9762BY9

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par Marie-Claire Sgarra

Le 23 Décembre 2021

Lorsque des effets notables autres que fiscaux sont susceptibles de résulter du refus opposé par l'administration à une demande de révision du classement de parcelles cadastrales, cette décision peut être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir, nonobstant la possibilité pour le contribuable de former un recours de plein contentieux devant le juge de l'impôt en vue d'obtenir, le cas échéant, les restitutions d'impôt résultant de la révision du classement de ces parcelles.

Les faits :

  • le requérant a demandé le déclassement de parcelles cadastrées, dont il est propriétaire sur la commune de Maen Roch, classées dans la deuxième catégorie correspondant aux « prés et prairies naturels, herbages et pâturages », dans la sixième catégorie correspondant aux  « landes, pâtis, bruyères, marais, terres vaines et vagues » ;
  • sa demande ayant été rejetée, le requérant a porté le litige devant le tribunal administratif de Rennes ; il demandait, d'une part, l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 12 janvier 2017 par laquelle le Directeur régional des Finances publiques de Bretagne et du département d'Ille-et-Vilaine avait rejeté sa demande de révision du classement des parcelles ci-dessus mentionnées, d'autre part, la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés non bâties correspondant à ces parcelles auxquelles il avait été assujetti au titre des années 2014 et 2016 et, enfin, le paiement de sommes d'argent ;
  • le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 12 janvier 2017 en tant qu'elle a refusé le classement de la parcelle cadastrée ZY 136 dans la sixième catégorie et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

⚖️ Solution du CE :

  • il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande tendant à l'annulation du refus de révision du classement de ses parcelles qui lui a été opposé, le requérant faisait état des conséquences de ce refus au regard de ses droits à retraite et des aides européennes susceptibles de lui être accordées ;
  • eu égard aux effets notables autres que fiscaux susceptibles de résulter de la décision de refus du 12 janvier 2017 sur la situation du requérant, ce refus constitue un acte détachable de la procédure d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, qui peut être contesté par la voie du recours pour excès de pouvoir ;
  • par suite, il y a lieu d'attribuer à la cour administrative d'appel de Nantes le jugement des conclusions, qui présentent le caractère d'un appel, tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions du requérant à fin d'annulation de la décision du 12 janvier 2017.

💡 Sur l’ouverture du recours pour excès de pouvoir contre les rescrits fiscaux, le CE a, dans un arrêt du 2 décembre 2016 (CE Section, 2 décembre 2016, n° 387613, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9075SNG) :

  • d'une part, reconnu au rescrit une nature de décision et ;
  • d'autre part, validé le fait que le recours pour excès de pouvoir sur un rescrit, régi par les dispositions de l'article L. 80 B (N° Lexbase : L7200LZP) ou L. 80 C (N° Lexbase : L7607HEH) du LPF, est possible sous couvert que toutes les voies de recours administratifs aient été préalablement épuisées et que la décision ait produit, pour le contribuable, des effets économiques significatifs autres que fiscaux.

Lire en ce sens, O. Ramond, De l'irrésistible extension du contrôle du juge administratif sur la légalité des rescrits, Lexbase Fiscal, janvier 2017, n° 687 (N° Lexbase : N6399BWW).

 

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Rémunération

[Brèves] Rémunération variable : l’employeur doit justifier du caractère réalisable des objectifs

Réf. : Cass. soc., 15 décembre 2021, n° 19-20.978, FS-B (N° Lexbase : A17507GW)

Lecture: 2 min

N9852BYK

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Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/75564164-edition-du-28122021#article-479852
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par Charlotte Moronval

Le 05 Janvier 2022

► Il revient à l’employeur de prouver que les objectifs assignés au salarié sont réalisables.  

Faits et procédure. Un salarié travaille comme responsable régional des ventes au sein d’une société. Son contrat de travail prévoit que sa rémunération comprend une partie fixe et une partie variable (un intéressement sur les ventes réalisées, suivant des modalités énumérées en annexe).

N’ayant bénéficié d’aucune rémunération variable pendant plusieurs années, le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et saisit la juridiction prud’homale afin qu’elle en tire les conséquences indemnitaires et condamne l’employeur à un rappel de salaire relatif à la part variable pour les années litigieuses.

La cour d’appel (CA Douai, 29 mai 2019, n° 17/00862 N° Lexbase : A9816ZCK) accède à ses demandes, constatant que l'employeur ne produisait aucun élément de nature à établir que les objectifs qu'il avait fixés au salarié étaient réalisables. Elle relève que l’absence de paiement de la rémunération variable de 2013 à 2015 était due au caractère irréaliste des objectifs définis pour 2013. Elle condamne donc l'employeur à payer au salarié une somme à titre de rappel de salaire sur la rémunération variable pour les exercices 2013 à 2015.

L’employeur forme un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale rejette le pourvoi.

Elle rappelle, au visa de l’article 1353 du Code civil (N° Lexbase : L1013KZK), que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

La cour d’appel, qui a constaté que l'employeur ne produisait aucun élément de nature à établir que les objectifs qu'il avait fixés au salarié pour l'année 2013 étaient réalisables a, sans inverser la charge de la preuve, décidé à bon droit que la rémunération variable au titre de cet exercice était due.

Par ailleurs, la Chambre sociale considère que les manquements de l’employeur, pendant plusieurs années, ont privé le salarié de sa rémunération variable contractuelle, de sorte que ces manquements avaient empêché la poursuite du contrat de travail. Elle valide ainsi la prise d’acte du salarié.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : La prise d’acte de la rupture du contrat de travail, Prise d'acte et rémunération, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E2823GAS).

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