Le Quotidien du 27 décembre 2021

Le Quotidien

Terrorisme

[Brèves] Terrorisme : constitutionnalité du maintien de la compétence des juridictions spécialisées en cas de requalification des faits

Réf. : Cons. const., décision n° 2021-958 QPC, du 17 décembre 2021 (N° Lexbase : A52817GP)

Lecture: 2 min

N9843BY9

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par Adélaïde Léon

Le 23 Décembre 2021

► Le maintien de la compétence des juridictions spécialisées en matière de terrorisme en cas de requalification ne méconnait pas le principe d’égalité devant la Justice ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit et est déclaré conforme à la Constitution.

Rappel de la procédure. Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité de la première phrase de l’article 706-19 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5581LZQ) dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1672, du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée (N° Lexbase : L2698LZX).

Les dispositions contestées prévoient que les juridictions de poursuite, d’instruction et de jugement parisiennes compétentes en matière d’actes de terrorisme et des infractions en lien avec de tels actes, conservent cette compétence pour connaitre des faits de nature délictuelle dont elles ont été saisies sous une qualification terroriste, et ce quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l’affaire.

Motifs de la QPC.

Méconnaissance du principe d’égalité devant la loi. Il est fait grief aux dispositions en cause de maintenir la compétence des juridictions parisiennes pour connaitre des infractions terroristes alors même que la qualification terroriste des faits a été écartée en cours de procédure.

Selon le requérant, il résulterait de ce maintient une différence de traitement injustifiée entre les personnes mises en cause, selon que les faits pour lesquels elles sont poursuivies ont ou non initialement reçu la qualification terroriste.

Atteinte au droit à un procès équitable et aux droits de la défense. Il est également reproché à l’article en question de faire peser une contrainte sur l’organisation de la défense en raison de la distance qui peut exister entre les juridictions parisiennes et le domicile du prévenu.

Décision. Le Conseil constitutionnel déclare la première phrase de l’article 706-19 du Code de procédure pénale conforme à la Constitution.

Les sages soulignent que les dispositions contestées ont pour objectif d’éviter que l’abandon de la qualification terroriste en cours de procédure entraine le dessaisissement de la juridiction initialement saisie et le renvoi de l’affaire vers une autre juridiction.

Par ailleurs, la phrase en cause se borne à prévoir une règle spéciale de compétence territoriale. Il demeure que les juridictions parisiennes sont formées et composées dans les conditions de droit commun et font application des mêmes règles de procédure et de fond que celles en vigueur devant les autres juridictions. Dès lors, les justiciables dont l’affaire est maintenue devant les juridictions parisiennes après l’abandon de la qualification terroriste bénéficient des mêmes garanties que devant la juridiction de droit commun qui aurait été territorialement compétente en l’absence de cette qualification initiale.

newsid:479843

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Création du tableau de maladie professionnelle relatif au cancer de la prostate en lien avec l’exposition professionnelle aux pesticides

Réf. : Décret n° 2021-1724, du 20 décembre 2021, révisant et complétant les tableaux de maladies professionnelles annexés au livre VII du code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L0558MAW)

Lecture: 1 min

N9855BYN

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par Laïla Bedja

Le 24 Décembre 2021

► Par décret en date du 22 décembre 2021, publié au Journal officiel du 23 décembre, un tableau de maladie professionnelle relatif au cancer de la prostate en lien avec l’exposition aux pesticides a été créé au régime agricole. Il va permettre de compléter et de faciliter les possibilités d’accompagnement au bénéfice des travailleurs agricoles qui ont été exposés aux pesticides.

Cette reconnaissance vise notamment la population antillaise qui utilisait massivement le chlordécone, pesticide toxique, pour la culture de la banane, jusqu’en 1993. La mesure va ainsi faciliter l’indemnisation des travailleurs agricoles touchés par le cancer de la prostate.

Les conditions de prise en charge sont les suivantes :

  • avoir été exposé durant dix ans ;
  • avoir effectué des travaux exposant habituellement aux pesticides, à savoir :

- lors de manipulation ou l’emploi de ces produits, par contact ou par inhalation ;

- par contact avec les cultures, les surfaces, les animaux traités ou lors de l’entretien des machines destinées à l’application des pesticides.

newsid:479855

Baux commerciaux

[Brèves] Droit de préférence du locataire : précision sur l’application à des locaux de bureaux « affectés à un usage commercial »

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 1er décembre 2021, n° 20/00194 (N° Lexbase : A83177DE)

Lecture: 4 min

N9811BYZ

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par Vincent Téchené

Le 23 Décembre 2021

► Les locaux loués étant destinés à l'usage exclusif de bureaux, pour l'activité d'administrateur de biens, syndic de copropriété, location, qui est une activité commerciale par application des dispositions de l'article L. 110-1 du Code commerce (N° Lexbase : L1282IWE), le locataire bénéficie du droit de préemption en application de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L0104I7Y).

Faits et procédure. Aux termes d'une promesse de vente synallagmatique sous seing privé du 6 juin 2016, deux époux ont fait l’acquisition d’un local exploité par une société au titre d'un bail commercial. La promesse contenait trois conditions suspensives et devait être réitérée par acte authentique au plus tard le 8 octobre 2016. La société locataire a notifié son intention d'user d'un droit de préemption aux termes de l'article L. 145-46-1 du Code de commerce.

La vente à son profit s'est réalisée le 29 septembre 2016. Le 21 octobre 2016, la locataire a revendu le local commercial à une SCPI.  La réitération de la vente par acte authentique auprès des époux bénéficiaires de la promesse ne s'est donc pas réalisée. Ils ont alors fait assigner la locataire et la SCPI aux fins d'obtenir la nullité des ventes successives, la régularisation de la vente du local commercial et l'indemnisation de leur préjudice.

Les parties s'opposaient alors sur l'applicabilité de l'article L. 145-46-1 du Code de commerce, les bénéficiaires de la promesse faisant valoir principalement que cet article ne s'applique que lors de la vente de locaux à usage commercial ou artisanal. Ils soutenaient que les locaux à usage de bureaux ont été expressément exclus du champ d'application de ce texte par le législateur ainsi qu'il résulte du rejet de l'amendement n° 148 et les locaux loués étant à usage exclusif de bureaux, la locataire ne bénéficiait pas d'un droit de préemption. En outre, ils arguaient que le droit de préemption instauré au profit du locataire constituant une atteinte au droit de propriété du bailleur, les intimés ne peuvent se livrer à une interprétation extensive de l'article L. 145-46-1 contraire à l'esprit même du texte.

Décision. La cour d’appel de Paris rappelle, que contrairement à ce qu’avance les bénéficiaires de la promesse, les locaux à usage de bureaux ne sont ni inclus expressément ni exclus expressément du champ d'application de ce texte et il est inopérant de se prévaloir du rejet de l'amendement n° 148 visant à étendre ces dispositions aux locaux à usage de bureaux dès lors que cet amendement ne visait que les bureaux de professionnels non commerçants pratiquant une activité libérale et que tel n'est pas le cas en l'espèce, le litige portant sur les locaux donnés à une société inscrite au RCS, locataire en vertu d'un bail conclu et soumis aux dispositions des articles L. 145-1 (N° Lexbase : L2327IBS) et suivants du Code de commerce. Selon la clause de destination du bail, les locaux sont destinés à l'usage exclusif de bureaux, pour l'activité d'administrateur de biens, syndic de copropriété, location, transaction. Cette activité est une activité commerciale par application des dispositions de l'article L. 110-1 du Code commerce. Il s'ensuit que les locaux loués sont, en l’espèce, affectés à un usage commercial. Dès lors la locataire bénéficiait bien d'un droit de préemption.

Il est intéressant de noter que les bénéficiaires de la promesse invoquaient également un concert frauduleux entre la société locataire et la SCPI sous-acquéreuse consistant en un détournement de la loi afin de les spolier dans leurs droits. Cet argument est également rejeté par la cour d’appel. En effet, pour les juges parisiens, aucune fraude n'est caractérisée : aucun élément ne permet de démontrer que la venderesse était informée que la société locataire envisageait une revente après exercice de son droit de préemption ; aucun texte ne restreint le droit pour l'acquéreur d'un bien par l'exercice de son droit de préemption d'en disposer librement, même dans un délai rapproché ; cette revente à une société juridiquement distincte procède d'un choix de gestion et non d'une quelconque intention de nuire, la société locataire ayant fait le choix de préserver ses intérêts en acquérant les locaux en cause pour les revendre à une société de gestion.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les obligations du bailleur du bail commercial, Le champ d'application du droit de préférence du locataire en cas de vente d'un local commercial, in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase (N° Lexbase : E4282E7Q).

 

newsid:479811

Fiscalité locale

[Brèves] Taxe d’aménagement et interruption de la prescription

Réf. : CE, 9° et 10° ch.-r., 6 décembre 2021, n° 438975, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A30007ET)

Lecture: 4 min

N9760BY7

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par Marie-Claire Sgarra

Le 23 Décembre 2021

Eu égard à l'objet de l'article L. 331-21 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3911KWR), et en l'absence de toute autre disposition applicable, le délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise est interrompu, notamment, à la date à laquelle le pli contenant un titre de perception émis sur le fondement de l'article L. 331-24 du même Code (N° Lexbase : L7420LZT) en vue du recouvrement de la taxe d'aménagement a été présenté à l'adresse du contribuable.

Les faits :

  • le maire de la commune de Bouc-Bel-Air a délivré à une SAS Sam Immobilier un permis de construire qui a été transféré par arrêté du 16 septembre 2013 à la SNC Résidence Seniors ;
  • les 5 et 6 décembre 2016, le Directeur de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) des Bouches-du-Rhône a émis à l'encontre de la société Résidence Seniors deux titres de perception au titre de la taxe d'aménagement ;
  • en l'absence de règlement, la direction régionale des finances publiques Provence-Alpes-Côte D'azur (DRFIP PACA) a émis le 16 février 2017 des mises en demeure de payer relatives aux première et deuxième échéances de la taxe d'aménagement ;
  • par un courrier du 9 mars 2017, la société Résidence Seniors a formé un recours auprès de la direction régionale des finances publiques afin d'obtenir la décharge de ces impositions ;
  • par un jugement du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé les titres de perception émis les 5 et 6 décembre 2016, les mises en demeure de payer du 16 février 2017 ainsi que la décision implicite rejetant la réclamation préalable formée par la société le 9 mars 2017 et a déchargé cette dernière, notamment, de l'obligation de payer la somme de 265 079 euros mise à sa charge au titre de la taxe d'aménagement ;
  • la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales se pourvoit en cassation, dans cette mesure, contre ce jugement.

⚖️ Solution du CE. En jugeant que la SNC Résidence Seniors était fondée à invoquer le bénéfice de la prescription du délai de reprise prévu par l'article L. 331-21 du Code de l'urbanisme qui s'est achevé en l'espèce le 31 décembre 2016, au motif qu'elle n'avait reçu les titres de perception émis les 5 et 6 décembre 2016 que le 12 janvier 2017, alors qu'il ne ressortait d'aucune pièce versée au dossier de première instance que la date de cette réception du pli contenant ces titres n'aurait pas été celle de sa première présentation à l'adresse de la société, le tribunal administratif de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit.

💡 S'agissant des causes d'interruption d'une prescription d'assiette, le CE a jugé, dans un arrêt du 31 mars 2017 (CE, 2° et 7° ch.-r., 31 mars 2017, n° 405797, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5997UWZ) que :

  • sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 (N° Lexbase : L0420AIE) sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales ;
  • en l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du Code civil ;
  • il en résulte que tant la lettre par laquelle l'administration informe un agent public de son intention de répéter une somme versée indûment qu'un ordre de reversement ou un titre exécutoire interrompent la prescription à la date de leur notification. La preuve de celle-ci incombe à l'administration.

Le CE a également jugé que « sauf texte contraire, s’applique, aux actions en recouvrement d’une créance publique ainsi qu’à la prescription d’assiette, la prescription quinquennale de droit commun » (CE, 3° et 8° ch.-r., 4 octobre 2019, n° 418224, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5091ZQM).

 

newsid:479760

Procédure administrative

[Brèves] Délibération de la CRE interprétant la portée de la clause de suspension pour cause de force majeure des accords-cadres conclus avec EDF pour l'ARENH : droit souple donc possibilité de REP !

Réf. : CE, 9° et 10° ch.-r., 10 décembre 2021, n° 439944, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A83267E4)

Lecture: 3 min

N9835BYW

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par Yann Le Foll

Le 23 Décembre 2021

► La délibération de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) interprétant la portée de la clause de suspension pour cause de force majeure des accords-cadres conclus avec EDF pour l'ARENH est un acte susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

Cadre juridique. L'article 10 du modèle d'accord-cadre annexé à l'arrêté du 12 mars 2019 portant modification de l'arrêté du 28 avril 2011, pris en application du II de l'article 4-1 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 (N° Lexbase : L5973LPW), définit l'évènement de force majeure dont la survenance, en vertu de l'article 13 du même modèle, permet la suspension de l'exécution de l'accord-cadre que le fournisseur souhaitant exercer les droits qui découlent du mécanisme d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) prévu à l'article L. 336-1 du Code de l'énergie (N° Lexbase : L2615IQW) doit conclure avec la société EDF en vertu de l'article L. 336-5 du même code (N° Lexbase : L5514LTE).

Faits. Par une délibération portant communication sur les mesures en faveur des fournisseurs prenant en compte des effets de la crise sanitaire sur les marchés d'électricité et de gaz naturel, la CRE, dans la partie intitulée « Évolution du cadre de l'ARENH », a donné son interprétation de l'article 10 du modèle d'accord-cadre en estimant que la « force majeure ne trouverait à s'appliquer que si l'acheteur parvenait à démontrer que sa situation économique rendait totalement impossible l'exécution de l'obligation de paiement de l'ARENH ».

Cette interprétation, alors même qu'elle ne saurait avoir pour effet de lier l'appréciation des juridictions qui ont été saisies des différends entre les fournisseurs d'électricité et la société EDF, a eu pour objet d'influer de manière significative sur le comportement des intéressés.

Rappel. À l'occasion de deux arrêts rendus le 21 mars 2016 (CE, Ass., 21 mars 2016, deux arrêts publiés au recueil Lebon, n°s 368082, 368083, 368084 N° Lexbase : A4320Q8I et 390023 N° Lexbase : A4296Q8M), le Conseil d'État a accepté pour la première fois de connaître de recours pour excès de pouvoir dirigés contre des actes de droit souple (communiqués de presse publiés par l'Autorité des marchés financiers et prise de position de l'Autorité de la concurrence), notamment lorsque l'acte contesté est de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou lorsqu'il a pour objet d'influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles il s'adresse.

Solution. Un fournisseur d'électricité justifie donc d'un intérêt direct et certain à l'annulation de cette prise de position, qui a été adoptée par la CRE dans le cadre de sa mission de régulation.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les décisions pouvant faire l’objet d’un recours, La recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir contre une mesure de droit souple, in Procédure administrative, (dir. C. De Bernardinis), Lexbase (N° Lexbase : E4884XPL).

newsid:479835

Procédure pénale

[Brèves] Confiance dans l'institution judiciaire : la loi est publiée

Réf. : Loi n° 2021-1729, du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l’institution judiciaire N° Lexbase : Z459921T

Lecture: 5 min

N9856BYP

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par Adélaïde Léon

Le 26 Janvier 2022

► La loi n° 2021-1729, du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l’institution judiciaire a été publiée au Journal officiel du 23 décembre 2021. Selon les mots de l’étude d’impact du projet de loi, ce texte devait restaurer la confiance des citoyens en la justice en renforçant leurs droits, en améliorant la connaissance et la compréhension du fonctionnement de la justice et en s’assurant de la qualité de la relation que les citoyens entretiennent avec les protagonistes qui les accompagnent dans leurs démarches judiciaires.

Le texte s’articule autour des axes suivants :

- enregistrement et diffusion des audiences

- amélioration du déroulement des procédures

- simplifications procédurales

- renforcement de la confiance dans le service public pénitentiaire

- renforcement de la confiance du public dans l’action des professionnels du droit

Au sein de ces axes, se trouvent notamment les mesures phares suivantes :

Enregistrement et diffusion des audiences. Le premier article de la loi prévoit les conditions dans lesquelles il sera possible de procéder à l’enregistrement sonore ou audiovisuel d’une audience pour un motif d’intérêt public d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique en vue de sa diffusion. Cette diffusion ne pourra intervenir que lorsque l’affaire aura été définitivement jugée. Cette possibilité est également ouverte aux audiences intervenant au cours d'une enquête ou d'une instruction ainsi qu'aux auditions, interrogatoires et confrontations réalisés par le juge d'instruction.

Enquêtes préliminaires. La durée des enquêtes préliminaires est limitée à deux ans à compter du premier acte d’enquête. Cette durée pourra être prolongée une fois pour une durée maximale d’un an. Pour certains crimes et crimes et délits commis en bande organisée, ces délais sont respectivement portés à trois et deux ans.

L’accès à tout ou partie du dossier est ouvert aux parties au cours de l’enquête préliminaire lorsque cela ne risque pas de porter atteinte à l’efficacité des investigations. Le mis en cause, la victime et leurs avocats auront alors la possibilité de formuler des observations.

Secret professionnel de la défense et du conseil. Le texte consacre le respect du secret professionnel des avocats tant dans leurs activités de défense que de conseil. Toutefois, il prévoit que le secret professionnel du conseil ne pourra être opposé aux mesures d’enquête ou d’instruction pour les infractions suivantes : fraude fiscale, de corruption ou de blanchiment de ces délits et de financement du terrorisme.

Les modalités de perquisitions et saisies réalisées dans les cabinets ou domiciles d’avocats sont également modifiées.

Violation du secret de l’enquête et de l’instruction. Les peines en matière de violation du secret de l’enquête et de l’instruction sont alourdies.

Limitation du recours à la détention provisoire. Les décisions prolongeant la détention provisoire au-delà de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberté concernant une détention de plus de huit mois devront comporter l’énoncé des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l’assignation à résidence avec surveillance électronique mobile ou du bracelet anti-rapprochement.

Jugement des crimes. Le recours aux cours criminelles départementales est généralisé pour les crimes punis de quinze ans ou vingt ans de réclusion criminelle présumément commis hors récidive.

Au sein d’un ou plusieurs tribunaux judiciaires désignés par décret seront créés des pôles chargés de connaître des crimes sériels ou non élucidés.

Le texte prévoit la possibilité de saisir la cour de révision en cas d’aveux recueillis à la suite de violences exercées par les enquêteurs.

Exécution des peines. Les crédits automatiques de réduction de peine sont supprimés. Le texte prévoit toutefois qu’une réduction de peine pourra être accordée par le juge de l’application des peines aux condamnés donnant des preuves suffisantes de bonne conduite et qui auront manifesté des efforts sérieux de réinsertion. Par ailleurs, une réduction de peine exceptionnelle pourra être accordée aux condamnés ayant permis, au cours de leur détention, d’éviter ou de mettre fin à toute action de nature à perturber gravement le maintien du bon ordre et la sécurité de l'établissement ou à porter atteinte à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique des membres du personnel pénitentiaire ou des détenus de l'établissement.

La libération sous contrainte s’appliquera de plein droit, sauf impossibilité matérielle résultant de l’absence d’hébergement, lorsqu’il restera au condamné exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d'une durée totale inférieure ou égale à deux ans un reliquat de peine à exécuter qui est inférieur ou égal à trois mois.

Un contrat d’emploi pénitentiaire est créé.

Droit de se taire. Il est prévu qu’en matière de crime ou délit, le droit de se taire sur les faits reprochés doit être notifié à toute personne suspectée ou poursuivie avant tout recueil de ses observations et avant tout interrogatoire, y compris pour obtenir des renseignements sur sa personnalité ou pour prononcer une mesure de sûreté lors de sa première présentation devant un service d'enquête, un magistrat, une juridiction ou toute personne ou tout service mandatés par l'autorité judiciaire.

Le rappel à la loi est remplacé par l’avertissement pénal probatoire.

Le délit de prise illégale d’intérêts est modifié et est notamment désormais applicable aux magistrats.

Pour aller plus loin :

  • v. M. Cléry-Melin et J.-B. Boué-Diacquenod, Prise illégale d’intérêts : une nouvelle définition du délit mais toujours autant d'incertitudes sur son champ d’application, Lexbase Pénal, novembre 2021 N° Lexbase : N9439BYA.
  • v. M. Le Guerroué, Loi « Confiance dans l’institution judicaire » : les Sages valident l’article 3 relatif au secret professionnel de l’avocat, Quotidien, Lexbase, 21 décembre 2021 N° Lexbase : N9841BY7.

newsid:479856

Responsabilité médicale

[Jurisprudence] Vaccination obligatoire et absence de certitude scientifique : une nouvelle avancée en faveur des victimes

Réf. : CE, 5° et 6° ch.-r., 29 septembre 2021, n° 435323, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A028448Z)

Lecture: 16 min

N9301BY7

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par Caroline Hussar, Avocate spécialiste en droit de la santé et en droit du dommage corporel

Le 23 Décembre 2021

 


Mots-clés : vaccination obligatoire • hépatite B • juge administratif • conséquences dommageables • lien de causalité • méthodologie

Dans le cas d’un litige individuel portant sur les conséquences dommageables d’une vaccination obligatoire, le Conseil d’État retient qu’il appartient au juge administratif de s’assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant lui, qu’il n’y a aucune probabilité qu’un lien existe entre l’administration du vaccin et les différents symptômes attribués à l’affection dont souffre l’intéressé.

Ce faisant, il procède à un renversement de la charge de la preuve, favorisant les victimes, pour lesquelles il reste difficile d’établir le lien de causalité juridique entre la vaccination et leur dommage, en l’absence de certitude quant au lien de causalité scientifique.

Le Conseil d’État, proposant une méthodologie à l’usage du juge administratif dans l’étude de ce type de dossier, indique qu’il lui appartient ensuite d’apprécier si, au regard des circonstances de l’espèce, un lien de causalité existe entre la vaccination obligatoire et les symptômes présentés par le requérant.


 

Le juge administratif, tout comme le législateur, ont consacré un certain nombre de régimes de responsabilité sans faute. C’est le cas, notamment, en matière de dommages liés à des vaccinations obligatoires, pour lesquels la victime devra néanmoins démontrer le lien de causalité entre la vaccination et l’apparition des premiers symptômes de sa pathologie. La question a été abordée par le Conseil d’État le 29 septembre 2021, dans le cadre d’un contentieux relatif au lien de causalité entre une vaccination obligatoire et l’apparition d’une myofasciite à macrophages.

En l’espèce, M. D. avait fait l’objet d’une vaccination obligatoire contre l’hépatite B pendant son service militaire, en 1994 et 1995. En 1997, il devait se voir diagnostiquer une myofasciite à macrophages, présentant divers troubles qu’il imputait à sa vaccination contre l’hépatite B. À partir de 2001, il a bénéficié d’une pension militaire d’invalidité, pour ce motif. Toutefois, le ministre de la Défense a rejeté sa demande tendant à l’indemnisation des préjudices non indemnisés au titre de la pension qu’il percevait.

Par jugement en date du 30 mai 2017 (n° 1500510), le tribunal administratif d’Orléans a confirmé cette décision, et rejeté la demande de M. D. tendant à la condamnation de l’État à indemniser ses préjudices propres, ainsi que celui de ses deux enfants mineurs.

L’appel formé par M. D. à l’encontre de ce jugement a été rejeté par la cour administrative d’appel de Nantes le 5 juillet 2019 (CAA Nantes, 5 juillet 2019, n° 17NT03250 N° Lexbase : A1562ZSN). Pour rejeter l’appel, la cour s’était fondée sur l’absence de certitude scientifique quant au lien de causalité entre l’administration de vaccins comprenant des adjuvants aluminiques et le développement des symptômes de myofasciite à macrophages (lésions histologiques, fatigue chronique, douleurs articulaires et musculaires, troubles cognitifs).

M. D. s’est pourvu en cassation contre cette décision.

Pour réformer la décision entreprise, le Conseil d’État a indiqué que « pour écarter toute responsabilité de la puissance publique, il appartenait à la cour, non pas de rechercher si le lien de causalité entre l’administration d’adjuvants aluminiques et les différents symptômes attribués à la myofasciite à macrophages était ou non établi, mais de s’assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant elle, qu’il n’y avait aucune probabilité qu’un tel lien existe ».

Il est reproché à la cour d’avoir commis une erreur de droit, en ne tenant pas compte du fait qu’elle était saisie d’un litige individuel portant sur les conséquences, pour la personne concernée, d’une vaccination présentant un caractère obligatoire.

Saisi de la question de la preuve du lien de causalité entre la vaccination obligatoire et l’apparition des symptômes d’une affection démyélinisante, en l’espèce la myofasciite à macrophages, le Conseil d’État affirme que la cour aurait dû procéder à une analyse in concreto de la situation de M. D.. Le Conseil d’État propose ensuite une méthodologie à appliquer systématiquement lorsque le juge est amené à se prononcer sur le lien de causalité entre une vaccination obligatoire et l’apparition ultérieure de symptômes d’une pathologie démyélinisante.

Surtout, dans la logique de l’évolution de la jurisprudence sur la question, et dans un souci affiché de protection des victimes, la Haute juridiction va jusqu’à inverser la charge de la preuve, imposant à l’ONIAM de démontrer l’absence de probabilité du lien de causalité, au regard des données acquises de la science, avant même de procéder à l’analyse du cas d’espèce.

En la matière, il n’exige plus la preuve de l’imputabilité probable des troubles à la vaccination, et s’oriente vers une présomption d’imputabilité : il faudra dorénavant, pour l’État, démontrer l’absence de probabilité qu’un tel lien existe.

I. La confirmation des critères d’appréciation du lien de causalité juridique entre une vaccination obligatoire et la myofasciite à macrophages

Le Conseil d’État a posé des critères permettant de retenir l’existence d’un lien de causalité entre des vaccinations obligatoires contre l’hépatite B et des pathologies telles que la myofasciite à macrophages, en l’absence de consensus scientifique. Il s’agit donc pour la Haute juridiction de retenir l’existence d’un lien de causalité juridique, à défaut de certitude relative au lien de causalité scientifique.

En effet, en la matière, s’il n’existe pas de consensus médical et scientifique en faveur d’un lien de causalité, tout lien ne peut pas non plus être exclu, notamment compte tenu des incertitudes liées à l’étiologie de ces affections.

Le Conseil d’État a toujours fait preuve d’une certaine souplesse en ce qui concerne la preuve du lien de causalité entre les troubles dont se plaint le requérant et la vaccination dont il a fait l'objet. Il a consacré des critères permettant de regarder comme établi le lien de causalité. À partir de 2007, il a affirmé que dans le cas d’affections scientifiquement constatées (sclérose en plaques ou polyarthrite rhumatoïde), où les rapports d’expertise n’avaient pas exclu la possibilité d’un lien, un lien direct et certain devait être considéré comme établi si la maladie était apparue dans un bref délai après la vaccination, si le patient était en bonne santé avant l’injection et ne présentait pas d’antécédents à cette pathologie [1]. L’imputabilité doit être appréciée au regard des circonstances de l’espèce, et, en présence d’un doute scientifique, elle peut résulter d’un faisceau d’indices, notamment de la proximité temporelle entre la vaccination et l’apparition des symptômes.

En 2012, le Conseil d’État assouplit encore sa position considérant que, dans le cas des vaccins comprenant plusieurs valences, « dès lors que ce vaccin comporte au moins une valence correspondant à une vaccination obligatoire et qu'il n'était pas démontré que les troubles seraient exclusivement imputables à l'une de ses valences facultatives, la cour n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant que le dommage entrait dans les prévisions de l'article L. 3111-9 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8875LH8) » [2]. Le Conseil d’État retient que la responsabilité de l’État ne peut être écartée que s’il est démontré que les troubles étaient exclusivement imputables à une valence facultative. Le seul moyen pour l’ONIAM de s’exonérer de la réparation du dommage est d’établir qu’est seule en cause la valence facultative du vaccin, et que son administration, associée à une valence obligatoire, relevait d’un choix de la personne et ne lui avait pas été imposée.

Le Conseil d’État exige toutefois que la pathologie soit clairement identifiée. Concernant le cas de la myofasciite à macrophages, il a longuement hésité à reconnaître le lien de causalité entre la vaccination et l’apparition d’un syndrome de fatigue chronique, de troubles neuromusculaires, de troubles du sommeil et mnésiques associés à une lésion histologique dite myofasciite à macrophages, avant de le retenir en 2012 : « Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier qui était soumis à la cour, d'une part, que des études scientifiques récentes n'ont ni exclu, ni estimé comme très faiblement probable l'existence d'un lien entre les injections d'un vaccin contenant de l'aluminium, la présence de lésions musculaires caractéristiques à l'emplacement des injections et la combinaison de fatigue chronique, douleurs articulaires et musculaires, troubles du sommeil et troubles cognitifs, symptômes de la myofasciite à macrophages, et, d'autre part, que les symptômes présentés par M. A. étaient apparus dans un délai pouvant être regardé comme normal eu égard au délai d'apparition des premiers signes de la maladie ; que par ailleurs, la date du diagnostic final de myofasciite à macrophages est sans incidence sur la date à laquelle cette maladie est apparue ; 

Considérant, dès lors, que M. A. est fondé à soutenir qu'en jugeant qu'il n'existait pas de lien de causalité direct et certain entre sa maladie et les injections vaccinales qu'il avait subies, la cour a qualifié de façon erronée les faits de l'espèce ; que son arrêt doit, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé » [3].

Reste à démontrer l’imputabilité de la pathologie à la vaccination obligatoire.

Jusqu’alors, la Haute juridiction validait la preuve de l’imputabilité par faisceau d’indices, notamment par le biais d’une expertise médicale. La difficulté tenait à ce que l’état des connaissances médicales et scientifiques ne permet pas toujours de déterminer avec certitude l’origine de la pathologie apparue à la suite de la vaccination. C’est le cas de la myofasciite à macrophages. C’est afin de pallier cette difficulté, et de faciliter la tâche des victimes devant rapporter la preuve de l’imputabilité de leur préjudice à une vaccination obligatoire, que différentes décisions de la jurisprudence administrative comme judiciaire sont venues poser des présomptions de causalité, dans le cas de vaccins associant des valences obligatoires et facultatives, ou dans le cas des vaccins contre l’hépatite B. La question est celle du faisceau d’indices qui est de nature à établir ou faire présumer l’origine vaccinale du dommage.

Dans le cas de la myofasciite à macrophages, la toxicité du vaccin, et notamment de ses adjuvants aluminiques, ne fait pas l’objet d’un consensus scientifique. Néanmoins, le Conseil d’État a admis, dans l’arrêt précité du 21 novembre 2012, que la présomption de causalité pouvait être retenue si certains critères étaient remplis. Tout d’abord, la victime devait démontrer qu’à l’emplacement de l’injection, elle présentait des lésions musculaires de myofasciite à macrophage. Ensuite, elle devait prouver qu’elle était atteinte de symptômes de type fatigue chronique, douleurs articulaires et musculaires, troubles cognitifs. Ces derniers devaient être apparus postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d’infections – ce qui pouvait être apprécié par l’expert, au regard des données acquises de la science, et des recommandations de bonnes pratiques de la Haute autorité de santé – ou devaient s’être aggravés à un rythme et avec une ampleur non prévisibles au regard de l’état de santé antérieur de la victime. Il devait enfin ressortir de l’expertise, ou du dossier médical du patient, que les symptômes ne pouvaient résulter d’une autre cause que la vaccination.

Une fois ces trois critères réunis, le juge administratif a retenu l’existence d’une présomption de causalité. Pour autant, dans le cas de M. B., la cour d’appel avait adopté une analyse rendant très difficile pour la victime de rapporter la preuve du lien de causalité, en retenant, in abstracto, que l’état des données scientifiques ne permettait pas de retenir l’existence d’un tel lien entre la vaccination et l’apparition des symptômes. C’est en cela que le Conseil d’État a réformé la décision qui lui était soumise, considérant que la Cour avait commis une erreur de droit. Il réaffirme ainsi sa position relative à la présomption de causalité. Mais il va plus loin. En effet, afin de permettre l’application par les cours d’appel des critères d’appréciation qu’il a consacrés, il propose une méthodologie applicable aux dossiers de dommages liés à des vaccinations obligatoires, à usage du juge administratif. Or, en inversant la charge de la preuve, et en instaurant une présomption d’imputabilité, il adopte une position favorisant les victimes de dommages liés à des vaccinations obligatoires.

II. La consécration d’une présomption d’imputabilité du dommage à la vaccination obligatoire

Dans son arrêt du 29 septembre 2021, le Conseil d’État détaille la méthodologie que doit appliquer le juge administratif, lui permettant de déterminer le lien de causalité entre la vaccination obligatoire et le dommage allégué.

Il reproche aux juges de la cour d’appel d’avoir limité leur analyse au constat de l’absence de certitude quant au lien de causalité scientifique entre les troubles présentés et l’administration de vaccins contenant des adjuvants aluminiques : « En statuant ainsi, alors qu’elle était saisie d’un litige individuel portant sur les conséquences pour la personne concernée d’une vaccination présentant un caractère obligatoire, la cour a commis une erreur de droit ».

Le Conseil d’État précise ensuite que la cour devait plutôt s’assurer, « au vu des dernières connaissances scientifiques en débat devant elle, qu’il n’y avait aucune probabilité qu’un tel lien existe ».

Ainsi, le juge doit procéder à une analyse en deux temps. Dans un premier temps, il doit vérifier si la puissance publique rapporte la preuve de l’absence de lien probable entre le dommage allégué et la vaccination obligatoire, au vu des données acquises de la science. Il s’agit là d’une analyse in abstracto.

S’il ne lui est pas possible de rapporter une telle preuve, le juge administratif doit ensuite, dans un second temps, procéder à l’analyse des critères préalablement consacrés dans la jurisprudence de la Haute juridiction, en examinant les circonstances de l’espèce. Il vérifie ainsi, en premier lieu, que les symptômes sont bien apparus postérieurement à la vaccination. En second lieu, il lui appartient d’examiner le délai dans lequel sont apparus lesdits symptômes. Il doit s’agir d’un délai « normal » de survenu des symptômes pour de telles affections. Le cas échéant, ils doivent s’être aggravés « à un rythme et une ampleur qui n’étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur, ou de ses antécédents ». Enfin, en dernier lieu, le juge doit s’assurer qu’il n’existe pas de cause étrangère à la vaccination mise en cause. Il s’agit alors de faire une étude in concreto des faits de l’espèce.

Dans cet arrêt, le Conseil d’État s’inscrit dans la droite ligne de l’évolution générale de la responsabilité médicale dans le sens d’une meilleure protection des victimes, en procédant au renversement de la charge de la preuve de l’imputabilité du dommage à la vaccination obligatoire. En effet, en l’absence de consensus scientifique, il sera extrêmement difficile, pour la puissance publique, de prouver l’absence de lien probable entre le dommage et la vaccination. Le Conseil d’État consacre ainsi une présomption d’imputabilité assimilable à un régime de responsabilité sans faute de l’État dans le cas des vaccinations obligatoires, en l’absence de certitude scientifique.

Cette solution tend bien à favoriser l’indemnisation des victimes, surtout dans les hypothèses dans lesquelles il leur est d’autant plus difficile de rapporter la preuve du lien de causalité que la preuve scientifique irréfutable fait elle-même défaut. Cette logique imprègne le droit de la responsabilité médicale dans son ensemble. Pour s’en convaincre, il suffit de se référer à la construction légale et prétorienne de l’indemnisation des dommages consécutifs à une infection nosocomiale. En la matière, le juge applique un mécanisme présomptif. La loi du 4 mars 2002 (N° Lexbase : L1457AXA) a instauré une responsabilité de plein droit des établissements de santé, publics et privés, s’agissant des infections nosocomiales [4]. L’établissement ne peut être exonéré de responsabilité que s’il rapporte la preuve d’une cause étrangère. Dans un premier temps, il lui était possible de s’affranchir de sa responsabilité en rapportant la preuve du caractère exogène du germe à l’origine de l’infection. Le Conseil d’État a finalement abandonné la distinction du caractère exogène ou endogène du germe dans la reconnaissance du caractère nosocomial de l’infection, qui n’est plus exonératoire de responsabilité depuis un arrêt du Conseil d’État du 10 octobre 2011 [5]. La Haute juridiction a retenu que l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L1910IEH) fait peser sur l’établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu’elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d’une cause étrangère ne soit apportée. Désormais, seul le caractère pré-infectieux du germe semble pouvoir valablement constituer une cause étrangère. Pour ces dommages, le juge administratif a estimé qu’il s’agissait d’un régime de responsabilité de plein droit, qui devait être soulevé d’office [6].

Les similitudes entre l’élargissement du droit à indemnisation des victimes d’infection nosocomiales et celles des victimes de dommages liés à des vaccinations obligatoires sont notables. Il en va de même concernant le renversement de la charge de la preuve.

Cette évolution n’est pas sans rappeler celle, plus ancienne, qui avait été retenue concernant le devoir d’information des soignants. Le Conseil d’État, suivant en cela la position de la Cour de cassation [7], avait affirmé, dès les années 2000, qu’il appartenait à l’établissement de santé public d’établir que le patient avait été informé des risques de décès et d’invalidité liés à l’acte médical [8]. Cette solution conjointe des deux juridictions avait ensuite été consacrée par la loi du 4 mars 2002, et introduite dans le Code de la santé publique [9].

Ainsi, la solution adoptée par le Conseil d’État dans le cas des dommages liés à des vaccinations obligatoires, dans le sens d’une présomption d’imputabilité assimilable à un régime de responsabilité sans faute, s’explique au regard de l’évolution du domaine de la responsabilité médicale dans son ensemble. Elle se conçoit d’autant plus que le domaine de la preuve, dans ce domaine, est intrinsèquement lié à celui de l’évolution des données acquises de la science, ce qui complexifie le travail des patients profanes, et justifie la volonté du juge de leur permettre un accès plus aisé à l’indemnisation, et, par là même, à se voir reconnaître la qualité de victimes.

Bien entendu, une telle solution ne peut qu’amener à s’interroger sur une application possible de cette méthodologie, à l’avenir, à la vaccination contre la Covid-19, devenue obligatoire pour certaines professions, notamment les professionnels de santé, et pour laquelle les études scientifiques sont toujours en cours…

 

[1] CE, 4° et 5° s-s-r., 9 mars 2007, n° 267635, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5805DUK).

[2] CE, 4° et 5° s-s-r., 24 avril 2012, n° 327915, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4154IK3).

[3] CE, 3° et 8° s-s-r., 21 novembre 2012, n° 344561, Ville de Paris c/ M. Landry, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2637IXX).

[4] CSP, Article L.1142-1, II.

[5] CE, 4° et 5° s-s-r., 10 octobre 2011, n° 328500, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7422HYK).

[6] CE, 4° et 5° s-s-r., 6 mars 2015, n° 368520, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9160NCA).

[7] Cass. civ. 1, 25 février 1997, n° 94-19.685 (N° Lexbase : A0061ACA).

[8] CE, 8° et 9° s-s., 25 juillet 1980, n° 18189 (N° Lexbase : A9334AIK).

[9] CSP, art. L. 1111-2 (N° Lexbase : L4848LWH).

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