Lexbase Fiscal n°886 du 2 décembre 2021

Lexbase Fiscal - Édition n°886

Contrôle fiscal

[Focus] Vers une fusion des statuts d’aviseur fiscal et de lanceur d’alerte ?

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N9620BYX

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par Thomas Gallice, étudiant du Master 2 Fiscalité de l’entreprise (221), Université Paris Dauphine-PSL et diplômé du Master 2 DJCE/Droit de l’entreprise, Université de Caen Normandie, sous la direction scientifique de Emmanuel Dinh, Co-directeur du Master 2 « Fiscalité de l’entreprise » à Paris Dauphine

Le 01 Décembre 2021


Mots-clés : aviseurs fiscaux • lanceur d'alerte • fraude fiscale 

Alors que les 27 États membres de l’Union européenne ont jusqu’au 17 décembre 2021 pour transposer dans leur droit national la Directive n° 2019/1937/UE, du 23 octobre 2019, sur la protection des lanceurs d’alerte, le contenu de ce statut européen des « whistleblowers » pourrait bien permettre la fusion de deux statuts jusqu’à présent opposés.


 

📌 Qu’est-ce que le statut d’aviseur fiscal ?

Peu connu du grand public mais pérennisé par la loi n° 2018-898, du 23 octobre 2018, relative à la lutte contre la fraude (N° Lexbase : L5827LMR) et étendue chaque année, le statut d’aviseur fiscal permet à toute personne d’être indemnisée pour la fourniture de renseignements permettant de découvrir une fraude.

Aujourd’hui codifié à l’article L. 10-0 AC du LPF (N° Lexbase : L6492LUY), ce statut nécessite la transmission d’informations graves, décrites avec précision et de manière non anonyme.

Selon les montants estimés des impôts éludés, c’est au directeur général des finances publiques qu’incombera la décision d’attribution de l’indemnité ainsi que son montant, sur proposition du directeur de la direction nationale d’enquêtes fiscales.

📌 Qu’est-ce que le statut de lanceur d’alerte ?

Longtemps critiquée comme surabondante par rapport à l’existence d’organismes de contrôle gouvernementaux ou par la crainte de voir une augmentation de la délation et de la suspicion au sein des entreprises, la législation sur les lanceurs d’alerte fut adoptée pour ménager protection de ces derniers et risques d’abus.

Cette loi Sapin II du 9 décembre 2016 exige le respect de plusieurs conditions cumulatives pour se voir appliquer le statut de lanceur d’alerte. Il doit ainsi s’agir d’une personne physique, qui révèle ou signale de bonne foi et de manière désintéressée, des faits constitutifs de crimes ou délits ou de violations graves et manifestes d’un engagement international ou causant une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général et dont il a eu personnellement connaissance.

Mais en plus de ces conditions, une stricte procédure de signalement progressive des faits doit être respectée de manière à favoriser une gestion interne de l’alerte.

Il faut ainsi en premier lieu alerter le supérieur hiérarchique, et c’est seulement si ce dernier ne prend pas les diligences nécessaires dans un délai raisonnable, que le lanceur d’alerte puisse s’adresser aux autorités judiciaires ou administratives. Enfin, si ceux-ci ne traitent pas sa requête dans un délai de trois mois, alors le lanceur d’alerte peut opérer un signalement public.

📌 Pourquoi ces deux statuts sont-ils incompatibles aujourd’hui ?

Ces deux statuts se distinguent sur deux points :

  • les aviseurs fiscaux ont la possibilité d’être rémunérés là où le lanceur d’alerte doit agir de bonne foi et de manière désintéressée ;
  • les aviseurs fiscaux contactent directement l’administration fiscale pour communiquer les renseignements là où les lanceurs d’alerte doivent en premier lieu passer par la procédure d’alerte interne.

📌 Quel est l’intérêt du régime général de protection des lanceurs d’alerte par rapport à celui de l’aviseur fiscal ?

La procédure d’aviseur fiscal assure la confidentialité de l’auteur du signalement là où dans celle du lanceur d’alerte en plus de la confidentialité, une protection est garantie.

En effet, si la loi Sapin II punie toute divulgation de l’identité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement, d’une amende de 30 000 euros et d’un emprisonnement de deux ans, le lanceur d’alerte bénéficie également d’un statut protecteur à deux niveaux :

Au niveau civil, l’article L. 1132-3-3 du Code du travail (N° Lexbase : L7446LBE) interdit à l’employeur de prendre toute mesure discriminatoire ou disciplinaire à l’encontre d’un lanceur d’alerte.

En complément de cela, la Cour de cassation dans un arrêt du 30 juin 2016 (Cass. soc., 30 juin 2016, n° 15-10.557, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0019RWM) pose le principe d’une « nullité du licenciement ou de toute mesure de rétorsion portant atteinte à une liberté fondamentale du salarié ».

Les lanceurs d’alerte bénéficient de surcroît d’une charge de la preuve allégée.

Au niveau pénal, ils sont protégés conformément à l’article 122-9 du Code pénal (N° Lexbase : L7395LBI) à condition que cette divulgation soit nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause et qu'elle intervienne dans le respect des procédures de signalement.

En plus de cette exonération de responsabilité pénale, une sanction spécifique est prévue à l’encontre de « toute personne qui fait obstacle, de quelque façon que ce soit, à la transmission » de l’information (un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende).

📌 Transposition de la Directive européenne : vers un statut de « super informateur fiscal » ?

Seuls dix États membres avaient jusqu’alors mis en place des mesures aptes à protéger les lanceurs d’alerte, cette Directive n° 2019/1937/UE souhaite harmoniser ce statut protecteur sur l’ensemble des États membres.

Cependant, même si elle a été inspirée en partie par la loi Sapin II, des contradictions apparaissent entre les deux textes, obligeant ainsi le droit français à se mettre en conformité.

Ainsi, la Directive supprime la condition d’une connaissance personnelle des faits par le lanceur d’alerte. Des « facilitateurs » pourront donc bénéficier du mécanisme d’alerte.

De même, le délai raisonnable institué par la loi Sapin II est remis en cause, dans un souci de sécurité juridique, au profit d’un délai de 3 mois.

Mais les deux points qui sont susceptibles de rendre compatible le bénéfice du régime d’aviseur fiscal et de celui de lanceur d’alerte sont relatifs au caractère désintéressé et à la fin de la procédure hiérarchisée.

En effet, selon la directive, les motivations et intérêts du lanceur d’alerte seront indifférents. Celui-ci sera protégé quand bien même sa démarche ne serait pas désintéressée, rendant ainsi conciliable l’octroi d’une indemnité à un lanceur d’alerte en échange des informations transmises.

De la même manière, le texte européen précise que la procédure cesse d’être hiérarchisée, permettant au lanceur d’alerte de se tourner « soit en interne à l’entité juridique concernée, soit directement aux autorités nationales compétentes… ». Il pourra alors transmettre directement les informations à l’administration fiscale et cumuler les deux statuts protecteurs.

Cependant, concernant la révélation au public, la hiérarchie dans la procédure de dénonciation est toutefois maintenue, ce qui ne devrait pas occasionner de difficultés au cumul des deux statuts, l’administration fiscale n’étant pas le « public ».

Une inconnue subsiste concernant le point de savoir si la fin de cette procédure strictement progressive et interne lèvera la restriction à l’octroi de ce statut protecteur qu’aux seuls collaborateurs de l’organisme visé par l’alerte comme l’avait énoncée la décision du Conseil constitutionnel du 8 décembre 2016.

Mais si la fin de ces conditions antinomiques donnait le champ libre à l’application cumulative de ces deux statuts permettant ainsi la création de « super informateur fiscal », il convient d’en relativiser les conséquences et de se rappeler des critiques qui avaient été émises lors de la création du statut de lanceur d’alerte et de la réalité de la pratique constatée dans les années qui ont suivi.

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Fiscalité des entreprises

[Brèves] Nouvelle décision du Conseil d’État sur la requalification des gains dans le cadre d’un management package

Réf. : CE 8° ch., 17 novembre 2021, n° 439609, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A03797CZ)

Lecture: 5 min

N9592BYW

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par Marie-Claire Sgarra

Le 03 Décembre 2021

Le Conseil d’État a, dans un arrêt du 17 novembre 2021, requalifié des plus-values d’intéressement réalisées par des cadres en traitement et salaires.

Les faits :

  • le fonds d'investissement britannique LC a acquis en juin 2004, par l'intermédiaire de la société Materne Luxembourg Holdco, société de droit luxembourgeois créée à cet effet, la totalité des parts de la SAS Holding Materne contrôlant la société Materne BOIN Holding France, tête d'un groupe opérationnel ayant pour activité la fabrication et la commercialisation de compotes de fruits, confitures et biscuits ;
  • en amont de la cession de Materne BOIN Holding France au fonds d'investissement Activa Capital survenue en novembre 2006, a été créée une société, la SAS Materne et Cie, en vue de faire bénéficier des cadres du groupe Materne d'un intéressement au capital du groupe ;
  • le directeur d'usine au sein de la SAS Materne a souscrit des actions de la SAS Materne et Cie ; cette société, ayant elle-même acquis 2 030 050 bons de souscription d'action (BSA) émis le 3 octobre 2006 par la SAS Holding Materne pour un prix de 0,10 euro par BSA, a été rachetée dans son intégralité le 19 janvier 2007 par Materne Luxembourg Holdco au prix de 9,667 euros par action ;
  • à la suite d'un contrôle portant sur les revenus de l'année 2007 de l'intéressé, après avoir estimé qu'aucun élément ne mentionnait la cession des titres litigieux, l'administration a regardé les gains résultant de cette opération comme une rémunération supplémentaire occulte imposable entre les mains du requérant au titre des revenus de capitaux mobiliers ;
  • le tribunal administratif de Lyon, après avoir fait droit à la demande de substitution de base légale formulée par l'administration fiscale visant à maintenir les impositions en litige au titre des traitements et salaires, a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré et rejeté le surplus de la demande ;
  • la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l’appel du requérant (CAA Lyon, 19 décembre 2019, n° 18LY04724 N° Lexbase : A72493AQ).

🔎 Principes :

  • les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu (CGI, art. 79 N° Lexbase : L1669IPI) ;
  • pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits (CGI, art. 82 N° Lexbase : L1172ITL) ;
  • sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB (N° Lexbase : L3214LCZ) et 150 UC (N° Lexbase : L3832KWT), les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 20 000 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2007 (CGI, art. 150-0 A N° Lexbase : L0732L7A).

⚖️ Solution du CE. Il en résulte que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, au motif que les cadres du groupe Materne avaient bénéficié, dans des conditions avantageuses trouvant essentiellement leur source dans l'exercice de leurs fonctions de salarié, d'un mécanisme leur garantissant le prix de cession de ces titres, que le gain réalisé par le requérant à l'issue de cette cession constituait un avantage en argent devant être imposé dans la catégorie des traitements et salaires, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance qu'aucun lien de subordination direct n'existait entre celui-ci et la société Materne Luxembourg Holdco, cessionnaire.

💡 Précisions du CE :

  • les gains nets retirés par une personne physique de la cession à titre onéreux de valeurs mobilières sont en principe imposables suivant le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières des particuliers institué par l'article 150-0 A du CGI, y compris lorsque ces titres ont été acquis ou souscrits auprès d'une société dont le contribuable était alors dirigeant ou salarié, ou auprès d'une société du même groupe ;
  • il en va toutefois autrement lorsque, eu égard aux conditions de réalisation du gain de cession, ce gain doit essentiellement être regardé comme acquis, non à raison de la qualité d'investisseur du cédant, mais en contrepartie de ses fonctions de salarié ou de dirigeant et constitue, ainsi, un revenu imposable dans la catégorie des traitements et salaires en application des articles 79 et 82 du CGI, réalisé et disponible l'année de la cession de ces titres.

💡 Cette décision du Conseil d’État confirme sa position adoptée dans trois arrêts en date du 13 juillet 2021 (CE Plénière, 13 juillet 2021 n° 428506, n° 435452 et n° 437498, publiés au recueil Lebon N° Lexbase : A79804Y9).

Lire sur cet arrêt, O. Sube, Précisions sur le traitement fiscal des gains issus des « Management Packages », Lexbase Fiscal, septembre 2021, n° 878 (N° Lexbase : N8830BYP).

 

 

newsid:479592

Fiscalité immobilière

[Brèves] Régime des marchands de biens et perte de la prépondérance immobilière d’une société

Réf. : Cass. com., 24 novembre 2021, n° 19-17.281, FS-D (N° Lexbase : A78247CR)

Lecture: 2 min

N9566BYX

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par Marie-Claire Sgarra

Le 07 Décembre 2021

Le bénéfice du régime de faveur institué par l'article 1115 du CGI suppose la conservation du caractère immobilier du bien concerné entre son acquisition et sa revente ;

► L’administration fiscale n'est pas tenue d'attendre l'expiration du délai de cinq ans pour constater la déchéance de ce régime fondée sur un autre motif que le non-respect du délai imparti pour revendre.

Les faits :

  • une société A a acquis la totalité des parts d’une SARL à prépondérance immobilière, en se plaçant sous le régime de faveur prévu à l'article 1115 du CGI ;
  • la SARL a cédé l'immeuble constituant son seul patrimoine immobilier ;
  • l'administration fiscale, considérant que la SARL avait, en raison de cette cession, perdu sa nature de société à prépondérance immobilière, a notifié à la société A une proposition de rectification prononçant la déchéance du régime de faveur dont elle avait bénéficié ;
  • après mise en recouvrement et rejet de sa réclamation contentieuse, la société A a assigné l'administration fiscale en décharge totale des rappels de droits d'enregistrement réclamés et des pénalités et intérêts de retard afférents.

🔎 Principe. Aux termes de l’article 1115 du CGI (N° Lexbase : L4880IQS), les acquisitions d'immeubles, de fonds de commerce ainsi que d'actions ou parts de sociétés immobilières réalisées par des personnes assujetties au sens de l'article 256 A (N° Lexbase : L3557IAY) sont exonérées des droits et taxes de mutation quand l'acquéreur prend l'engagement de revendre dans un délai de cinq ans.

⚖️ Solution de la Chambre commerciale. C’est à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'en cédant le seul bien immobilier de son patrimoine, la SARL a fait perdre à ses parts sociales leur nature immobilière et que la société A ne pouvait dès lors plus prétendre au bénéfice du régime de faveur institué par l'article 1115 du CGI.

 

newsid:479566

Fiscalité internationale

[Evénement] Compte-rendu « L’impôt mondialisé », Conférence au CEFF de Aix-en-Provence, présentée par Monsieur Philippe Thiria, Ancien directeur fiscal UNILEVER – France ; Ancien représentant du MEDEF

Lecture: 6 min

N9569BY3

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par Laurine Dominici, Doctorante contractuelle chargée de mission d’enseignement – Université d’Aix-Marseille - Centre d’Études fiscales et financières EA 891

Le 29 Novembre 2021


Dans le cadre de son cycle annuel de conférences, le Centre d’Études fiscales et financières a organisé une rencontre le 25 novembre 2021 avec Monsieur Philippe Thiria, ancien directeur fiscal UNILEVER - France ; ancien représentant du MEDEF auprès de l'OCDE. La conférence avait pour thème « l’impôt mondialisé ».


 

Les propos introductifs ont été présentés par le Professeur Lambert, Directeur du CEFF. La question de l’impôt mondial est loin d’être nouvelle a-t-il déclaré. En effet, durant de nombreuses années, il n’était pas possible d’envisager un impôt mondial. C’est avec le changement de présidence aux États-Unis que la question s’est transformée en réforme. Le prédécesseur de Joe Biden, Donald Trump était profondément hostile à cette idée d’impôt mondial. Lors de la mise en place de la taxe sur les géants américains du numérique en France, il avait menacé de rétorsion le vin français, l’un des produits d’exportation français le plus emblématique. Le Président français, Emmanuel Macron, lors d’un entretien avec l’ancien président des États-Unis avait insisté sur le fait que la taxation des GAFAM est « un sujet d’intérêt commun » et pas seulement de la France. Il insistait aussi sur la mise en place d’un accord international à ce sujet. L’OCDE pense depuis de nombreuses années à instaurer un impôt mondial minimum afin de taxer les profits là où ils sont réalisés et indépendamment du lieu où se situe le siège social de l’entreprise. Finalement, en octobre 2021, un accord a été trouvé pour mettre en place une réforme sur l’impôt mondial minimum. Au départ, certains nombres de pays européens étaient contre cette idée de réforme, notamment l’Irlande. Finalement, après des négociations et des modifications du projet initial, un accord a été convenu.

Avant de s’exprimer sur le sujet, l’intervenant, M. Thiria, a exposé son parcours professionnel jusqu’à ses fonctions actuelles.

Dans le cadre de son introduction, M. Thiria a insisté sur la place des pays en développement dans le cadre de la réforme sur l’impôt mondial minimum. Il était important qu’ils fassent entendre leurs voix puisque depuis de nombreuses années, ils sont privés d’une bonne partie de la base imposable.

Un rappel historique a été fait par l’intervenant au sujet de la Société des nations en 1920. Le flambeau a été repris par l’OCDE après la seconde guerre mondiale. Le but est d’éviter les doubles impositions légale et surtout économique en instaurant des instruments contre la double imposition :

  • règle pour partager le droit d’imposer
  • trouver un remède avec un mécanisme de réparation.

Les conventions fiscales internationales, par principe, doivent permettre d’éviter les doubles impositions. Et dorénavant, les doubles non-impositions. Il s’agit d’éviter la double imposition en partageant le droit d’imposer avec cette idée de symétrie et de réciprocité. Afin d’aider les pays en développement, il peut y avoir des conventions dissymétriques lorsque la convention est signée entre pays développé et pays en développement.

La réforme ne sort pas de nulle part, il y a des origines et un certain nombre d’acteurs y a contribué. Il y a l’OCDE (acteur central de la réflexion), Forum pour l’administration de l’impôt, le Forum global pour la transparence et l’échange fiscale, l’ONU, l’UE, le FMI et la banque mondiale.

L’OCDE voyant les pays faire des conventions, elle a proposé un modèle de convention avec un commentaire pour chaque article. Il y a un certain nombre de définition comme celle de l’établissement stable, des prix de transfert etc...

Le projet BEPS a été lancé en 2012 par le G20. Un travail important a été réalisé. Les États-Unis, tout en ayant participé au projet, on finit par ne pas y adhérer. Dans le même temps une réforme nationaliste a été mise en place par Donald TRUMP. Il a mis en œuvre le projet GUILTY afin de permettre aux USA de taxer une filiale étrangère.

En ce qui concerne la taxe sur le numérique, l’OCDE était contre l’idée que chaque état instaure sa propre taxe. La France, comme d’autres États n’ont pas suivi son avis et on fait le choix de mettre en place ce type de taxe. Avec la réforme sur l’impôt mondial minimum, la taxe a vocation à disparaitre. Ajoutons aussi qu’en ce qui concerne le projet de la commission européenne sur la taxe européenne sur le numérique, Joe Biden a demandé sa suspension sous peine de voir échouer l’accord sur l’impôt mondial. L’argument avancé était celui qu’une telle taxe serait discriminatoire pour les entreprises américaines. On peut donc légitimement s’interroger sur les motivations des États-Unis.

Plusieurs éléments on conduit à l’adoption de cette réforme : l’évasion fiscale, la crise de la covid-19, l’opinion publique et les médias, la place grandissante du numérique. Sans oublier la mondialisation qui a joué un rôle moteur puisque désormais il est très difficile de localiser une entreprise. Il y a donc des problèmes de territorialité et de souveraineté.

Avec la réforme l’objectif est double :

  • relever les défis fiscaux liés à la mondialisation et notamment la numérisation de l’économie
  • s’assurer que les multinationales soient imposées à un taux minimum de 15 %.

L’imposition est nouvelle mais pas l’impôt. La question est de savoir comment répartir l’impôt ?

L’intervenant est revenu sur les deux piliers en précisant que le second va être discuté cette année. Le but étant de s’interroger sur sa mise en œuvre.

Cette réforme a pour but de répondre aux défis non résolus par les BEPS. Elle va avoir des effets sur les entreprises multinationales mais aussi sur les pays.

L’un des éléments à retenir de cette réforme c’est que même si le projet est ambitieux, 136 pays ont signé l’accord. Il y a un véritable bouleversement avec des concepts nouveaux.

En conclusion les deux grands traits sont :

  • l’introduction de nouveaux concepts qui s’ajoutent aux anciens,
  • accord mondial massif avec un système mondial coordonnée.

Après la présentation de l’intervenant, j’ai pris la parole en tant que discutant en lui posant des questions relatives à la réforme sur l’impôt mondial minimum :

  • Si la réforme va véritablement poser des limites à la concurrence fiscale ?

Réponse : c’est le but recherché par la réforme sans pour autant faire disparaitre la concurrence fiscale. L’impôt minimum de 15 % a vraiment pour intérêt de limiter l’attrait des paradis fiscaux.

  • Le devenir des paradis fiscaux ? Vont-ils développer une stratégie en réponse à la réforme ? Les entreprises auront-elles toujours un intérêt à s’installer dans ces pays ?

Réponse : Pour les personnes physiques il y aura toujours des paradis fiscaux. Pour les entreprises en revanche, les choses vont devenir de plus en plus compliquées.

  • La mise en œuvre effective de la réforme ?

Réponse : aucune réponse, il faut être optimiste sur la réussite de la réforme. Il est possible qu’il y ait des fuites, il faudra un temps d’adaptation pour trouver des solutions.

D’autres questions ont été posées par les participants notamment sur les deux piliers.

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Fiscalité internationale

[Focus] Les paradis fiscaux

Lecture: 8 min

N9568BYZ

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par Virginie Pradel, Fiscaliste, Docteur en droit, Institut de recherche fiscale

Le 17 Janvier 2022


Mots-clés : paradis fiscal • fraude fiscale • multinationales

Les paradis fiscaux, décriés depuis plusieurs années, ont particulièrement été mis en évidence dans plusieurs affaires récentes parmi lesquelles : les « Offshore Leaks » en 2013, dans le contexte international de la crise financière de Chypre, place offshore prisée des investisseurs attirés par l’opacité, les China Leaks, relative aux « princes rouges » chinois (membres des familles des dirigeants chinois) en 2014, les Luxembourg Leaks (ou LuxLeaks) en 2014, les Panama Papers, les Bahamas Leaks et Football Leaks en 2016, les Money Island, Malta Files et Paradise Papers en 2017, les Dubaï Papers et CumEx Files en 2018, les FinCEN Files en 2020 et les OpenLux et Pandora Papers en 2021.


 

Cet article a vocation à répondre aux questions récurrentes suivantes : Qu’est-ce qu’un paradis fiscal ? Quels enjeux soulèvent les paradis fiscaux ? Comment l’OCDE, l’UE, la France et d’autres organisations appréhendent-ils les paradis fiscaux ?

I. La notion de paradis fiscal

Si tout le monde blâme aujourd’hui l’existence des paradis fiscaux, force est toutefois de constater que personne n’est encore en mesure de les définir précisément. Et pour cause : il n’existe aucune définition juridique précise du paradis fiscal, que ce soit dans la législation ou dans la jurisprudence tant nationale qu’internationale. Le paradis fiscal  est ainsi une notion médiatique et politique et non proprement juridique.

Le paradis fiscal se différencie à la fois des zones offshore et des paradis bancaires ou judiciaires. Dans le langage courant, toutefois, on désigne sous cette appellation tous les « territoires non coopératifs ».

Le paradis fiscal se distingue également des territoires permettant une optimisation fiscale. Il existe en effet, au sein même de l’Europe, des États pratiquant le « dumping » fiscal, c’est-à-dire prévoyant des taux d’imposition particulièrement faibles, parfois seulement au profit des étrangers, de manière à attirer des capitaux et des sièges sociaux dans leur territoire.

Trois types de « paradis fiscaux » peuvent être distingués :

  • ceux à faible imposition sur les personnes physiques ;
  • ceux à faible imposition sur les entreprises ;
  • ceux à faible imposition sur les personnes physiques et les entreprises.

II. L’OCDE et les paradis fiscaux

En 2000, l'OCDE a établi une première liste de paradis fiscaux dans le rapport « Towards Global Tax Co-operation: Progress in Identifying and Eliminating Harmful Tax Practices ». Au cours des deux années suivantes, 31 pays se sont engagés à mettre en place les principes de transparence et d'échange d'informations fiscales. En 2002, une liste des paradis fiscaux non coopératifs a été établie, sur laquelle figurent sept pays n'ayant pris aucun engagement de ce type.

En mars 2009, sous la pression notamment du G20, l’Andorre, le Liechtenstein et Monaco, les trois pays restant sur la liste, ont décidé de s'aligner sur les recommandations de l'OCDE en ce qui concerne la transmission des informations financières entre pays, mais sous certaines conditions.

En l’absence de définition, l’OCDE retient quatre critères permettant de les identifier :

  • des impôts inexistants ou insignifiants ;
  • une absence de transparence sur le régime fiscal ;
  • une législation empêchant l’échange d’informations avec les autres États ;
  • une tolérance envers les sociétés-écrans ayant une activité fictive.

L’OCDE classe depuis 2009 les paradis fiscaux dans trois catégories :

  • noire pour les États fiscalement non coopératifs ;
  • grise pour les États « qui ont promis de se conformer aux nouvelles règles sans les appliquer et ceux qui s’y conforment substantiellement » ;
  • blanche, pour les États ou territoires qui ont fait un effort réel et dont les règles « sont conformes aux standards internationaux de l’OCDE ».

En 2017, la liste noire de l'OCDE n'inclut qu'un seul pays : Trinité-et-Tobago. La liste grise ne comprend quant à elle que les Îles Marshall.

III. L’Union européenne et les paradis fiscaux

En novembre 2016, le Conseil a chargé le groupe « Code de conduite (fiscalité des entreprises) », un groupe de travail du Conseil, d'effectuer les travaux préparatoires nécessaires à l'établissement de la liste.

Le groupe "Code de conduite" a passé en revue 92 pays et territoires, sélectionnés sur la base des éléments suivants :

  • leurs liens économiques avec l'UE ;
  • leur stabilité institutionnelle ;
  • l'importance de leur secteur financier.

Le rapport d'évaluation a permis au Conseil d'adopter la première liste de l'UE le 5 décembre 2017. La liste (annexe I des conclusions du Conseil) comprenait 17 pays ou territoires non membres de l'UE. Ces pays ou territoires n'avaient pas pris d'engagements suffisants en réponse aux préoccupations de l'UE.

Le Conseil a adopté la première liste de l'UE le 5 décembre 2017. Depuis lors, elle a été mise à jour à plusieurs reprises.

Des révisions plus importantes ont eu lieu en mars 2019 et en février 2020. Elles coïncident avec l'expiration des délais de la fin 2018 et de la fin 2019 que les pays et territoires se sont vu fixer pour la mise en œuvre de leurs engagements initiaux.

Depuis 2020, la liste est mise à jour deux fois par an. La liste de l'UE est à présent régulièrement mise à jour et révisée dans le cadre d'un suivi dynamique des mesures mises en œuvre par les pays et territoires pour respecter leurs engagements.

Ce processus continu consiste notamment à :

  • établir des critères conformes aux normes fiscales internationales ;
  • évaluer les pays au regard de ces critères ;
  • engager un dialogue avec les pays qui ne s'y conforment pas ;
  • inscrire des pays sur la liste ou les en désinscrire, dans la mesure où ils entreprennent (ou non) des réformes ;
  • suivre l'évolution de la situation afin de veiller à ce que les pays et territoires ne reviennent pas sur de précédentes réformes ;
  • Le processus de suivi est mené sur la base d'un ensemble de lignes directrices en matière de procédure, arrêtées en février 2018.

La dernière révision en date a eu lieu en octobre 2021. La prochaine révision est prévue pour février 2022.

La nouvelle liste comprend les 9 juridictions suivantes :

  • le Panama,
  • Vanuatu,
  • Fidji,
  • Guam,
  • les Îles Vierges américaines,
  • Samoa américaines,
  • Samoa,
  • Trinité-et-Tobago,
  • Palaos,

IV. La France et les paradis fiscaux ?

La France a, par un arrêté du 26 février 2021, publié sa liste mise à jour des états et territoires non coopératifs (ETNC).

Pour rappel, la définition d’ETNC est codifiée à l’article 238-0 A du CGI. 

La liste des ETNC est fondée :

  • sur des critères exclusivement français d’échange d’informations (CGI, art. 238-0 A 2 N° Lexbase : L6050LMZ) ;
  • intègre (CGI, art. 238-0 A 2 bis) les États ou territoires qui figurent sur la liste européenne des États et territoires non coopératifs (dite « liste noire ») pour l’un des motifs suivants :

- ces États ou territoires sont considérés par le Conseil de l’UE comme facilitant la création de structures ou de dispositifs offshore destinés à attirer des bénéfices sans substance économique réelle

- ces États ou territoires ne respectent pas au moins un des autres critères définis par le conseil de l’UE  relatifs à la transparence fiscale, à l'équité fiscale et à la mise en œuvre des mesures anti-BEPS que les États membres de l'UE s'engagent à promouvoir, et figurant à l’annexe V de la liste de l’UE.

Les opérations réalisées avec ces États ou territoires subissent en conséquence une fiscalité alourdie, illustrée notamment par l’application de retenues à la source ou prélèvements de 75 % sur les dividendes, sur certains revenus non salariaux, ou encore sur les profits immobiliers lorsqu’ils sont réalisés en France par les résidents de ces États…

La dernière liste publiée par la France résultait d’un arrêté du  6 janvier 2020.

La nouvelle liste comprend les 13 juridictions suivantes :

  • Anguilla,
  • les Îles Vierges Britanniques,
  • le Panama,
  • les Seychelles,
  • Vanuatu,
  • Fidji,
  • Guam,
  • les Îles Vierges américaines,
  • Samoa américaines,
  • Samoa,
  • Trinité-et-Tobago,
  • Palaos,
  • Dominique.

Conformément aux dispositions du 2 ter de l’article 238-0 A du CGI, l’arrêté qui modifie la liste indique le motif qui justifie le retrait ou l’ajout d’un État ou territoire.

Ainsi, le nouvel arrêté exclut de la liste les Bahamas qui y avaient été inscrites lors de la dernière mise à jour en 2020.  À l’époque l’inscription sur la liste, effectuée en application des dispositions du b) du 2 de l’article 238-0 A du CGI, se justifiait par le fait que l’échange de renseignements avec ce pays n’était pas considéré comme satisfaisant, alors même qu’une convention d’assistance administrative existe entre la France et les Bahamas. Le retrait de la liste, réalisé en application des dispositions du a) du 2 de l’article 238-0 A du CGI signifie donc que les autorités françaises considèrent désormais que l’échange d’informations est effectif.

Est également exclu de la liste Oman. L’exclusion est effectuée en application des dispositions du 2° du 2 bis de l’article 238-0 A du CGI, ce qui signifie que les critères définis par l’UE sont désormais considérés comme remplis.

Par ailleurs, deux États font leur entrée sur la liste française :

  • la Dominique ;
  • les Palaos dont l’inscription est effectuée en application des dispositions du 2° du 2 bis de l’article 238-0 A du CGI.

Ces deux États sont considérés comme défaillants au regard des critères listés par l’UE.

La liste française des ETNC est aujourd’hui quasi-identique à la liste UE à la seule exception des Îles Vierges britanniques qui demeurent inscrites sur la liste française mais non sur la liste UE.

V. Le réseau Tax Justice Network (TJN) et les paradis fiscaux

Le réseau Tax Justice Network (TJN) se base sur un indice qui cumule le degré d’opacité et le poids des différentes places financières dans l’économie mondiale. Il estime que les 10 principaux paradis fiscaux pour les entreprises en 2021 sont :

  • 1) les Îles Vierges Britanniques
  • 2) les îles Caïmans
  • 3) les Bermudes
  • 4) les Pays-Bas
  • 5) la Suisse
  • 6) le Luxembourg
  • 7) Hong-kong
  • 8) Jersey
  • 9) Singapour
  • 10) Émirats arabes unis.

newsid:479568

Fiscalité internationale

[Brèves] Coopération administrative dans le domaine fiscal et décision d’injonction de communiquer des informations

Réf. : CJUE, 25 novembre 2021, aff. C-437/19, L (N° Lexbase : A92787CM)

Lecture: 7 min

N9583BYL

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par Marie-Claire Sgarra

Le 29 Novembre 2021

Une demande d’informations doit être considérée comme portant sur des informations qui n’apparaissent pas, de manière manifeste, dépourvues de toute pertinence vraisemblable, lorsque les personnes faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête au sens de cette dernière disposition ne sont pas identifiées nominativement et individuellement par cette demande, mais que l’autorité requérante établit, sur la base d’explications claires et suffisantes, qu’elle mène une enquête ciblée concernant un groupe limité de personnes, justifiée par des soupçons fondés de non-respect d’une obligation légale précise.

Les faits. L’administration fiscale française a adressé, sur le fondement notamment de la à l’administration fiscale luxembourgeoise une demande d’informations concernant L, société de droit luxembourgeois.

Celle-ci serait non seulement la société mère indirecte d’une société civile immobilière de droit français détenant un bien immobilier en France, mais détiendrait également directement un autre bien immobilier dans la même commune française. Les personnes physiques détenant directement ou indirectement des biens immobiliers situés en France étant tenues de les déclarer, l’administration fiscale française souhaitait dès lors connaître les actionnaires et les bénéficiaires effectifs de L.

Procédure :

  • l’administration fiscale luxembourgeoise a par conséquent enjoint à la société L de lui fournir certains renseignements 
  • après que le recours hiérarchique formé par L contre cette injonction a été déclaré irrecevable, l’administration fiscale lui a adressé une décision constatant qu’elle n’avait pas donné suite à la décision d’injonction et lui a infligé une amende administrative fiscale
  • cette décision a été annulée par le tribunal administratif (Luxembourg), à la suite du recours introduit par L, au motif qu’il existe un doute quant à l’identité du contribuable visé et que, en conséquence, les informations demandées doivent être considérées comme étant manifestement dépourvues de toute pertinence vraisemblable.

🖊️ Questions préjudicielles. Elle demande notamment à la Cour de se prononcer sur le point de savoir si, et à quelles conditions, au regard de la notion de « pertinence vraisemblable » visée à la Directive n° 2011/16, une demande d’informations peut concerner un groupe de personnes identifiables, mais non désignées de manière nominative et individuelle.

En outre, soulignant que le destinataire ne disposait pas d’un recours direct contre la décision d’injonction de communiquer des informations, elle interroge la Cour sur la compatibilité du droit procédural luxembourgeois avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sur le droit à un recours effectif.

Sur la première question, la Cour rappelle que la pertinence vraisemblable des informations demandées par un État membre à un autre État membre constitue une condition à laquelle toute demande d’informations en matière fiscale doit satisfaire pour déclencher l’obligation de l’État membre requis d’y donner suite.

L’autorité requise doit en principe faire confiance à l’autorité requérante et présumer que la demande d’informations est à la fois conforme au droit national de l’autorité requérante et nécessaire aux besoins de son enquête. L’autorité requise doit, néanmoins, contrôler que la motivation de la demande d’informations est suffisante pour établir que ces informations n’apparaissent pas dépourvues de toute pertinence vraisemblable eu égard à l’identité du contribuable faisant l’objet de l’enquête et à la finalité fiscale des informations demandées, excluant ainsi les « recherches tous azimuts ». L’indication de l’« identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête » constitue donc l’un des éléments que la motivation de la demande d’informations doit nécessairement contenir afin de permettre à l’autorité requise d’exercer ce contrôle.

👉 Selon la Cour, la notion d’« identité » comprend toutefois non seulement le nom et les autres données personnelles, mais aussi un ensemble de qualités ou de caractéristiques distinctives permettant d’identifier la ou les personnes faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête. En effet, une interprétation restrictive de cette notion priverait l’instrument de coopération que constitue la demande d’informations de son effet utile et irait à l’encontre de l’objectif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales que cet instrument vise à atteindre. La Cour estime par conséquent que l’indication de l’« identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête », en tant qu’élément indispensable de la motivation de la demande d’informations, est susceptible de viser non seulement des personnes nominativement et individuellement identifiées, mais aussi un groupe limité de personnes identifiables à partir d’un ensemble commun de qualités ou de caractéristiques qui les distinguent.

👉 Cependant, pour permettre à l’autorité requise d’établir la pertinence vraisemblable des informations requises et afin d’éviter tout risque de « recherche tous azimuts », lorsqu’une demande d’informations porte sur un groupe de contribuables, l’autorité requérante est tenue de fournir une description aussi détaillée et complète que possible du groupe de contribuables faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête, d’expliquer les obligations fiscales spécifiques pesant sur ces personnes et d’exposer les raisons pour lesquelles lesdites personnes sont soupçonnées.

 

 

Sur la seconde question, la Cour rappelle qu’il résulte de sa jurisprudence constante que la protection des personnes, tant physiques que morales, contre des interventions de la puissance publique dans leur sphère d’activité privée, qui seraient arbitraires ou disproportionnées, constitue un principe général du droit de l’Union. Une personne morale à laquelle l’autorité nationale compétente a adressé une décision d’injonction de communiquer des informations ou une décision de sanction pour non-respect de cette injonction doit se voir reconnaître le bénéfice du droit à un recours effectif garanti par l’article 47 de la Charte.

💡 Ce recours doit permettre au juge de vérifier que la décision d’injonction de communiquer des informations se fonde sur une demande suffisamment motivée portant sur des informations qui n’apparaissent pas, de manière manifeste, dépourvues de toute pertinence vraisemblable, eu égard à l’identité de la personne et à la finalité fiscale des informations demandées.

Selon la Cour, la législation nationale en cause au principal, qui exclut la possibilité de former un recours direct contre une décision d’injonction de communiquer des informations fiscales, ne respecte pas le contenu essentiel du droit à un recours effectif garanti par l’article 47 de la Charte.

👉 Dans ces conditions, la Cour considère dès lors que, afin de garantir l’effectivité de ce droit, le destinataire de la décision d’injonction qui n’a pas bénéficié d’un droit de recours direct à l’encontre de celle-ci et qui a dû, partant, se voir infliger une sanction pour non-respect de cette injonction afin de pouvoir contester à titre incident la décision d’injonction doit, à la suite de la reconnaissance définitive de la légalité desdites décisions, se voir accorder la possibilité de se conformer à la décision d’injonction dans le délai initialement prévu à cet effet par le droit national, sans que cela entraîne le maintien de la sanction qu’il a dû encourir pour exercer son droit à un recours effectif. Ce n’est que si ce destinataire ne donne pas suite à la même décision dans ce délai que la sanction infligée deviendrait légitimement exigible.

 

 

newsid:479583

Fiscalité locale

[Brèves] Exonération de TFPB : quid des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels ?

Réf. : CE 3° ch., 22 novembre 2021, n° 436304, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A61887C8)

Lecture: 2 min

N9567BYY

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par Marie-Claire Sgarra

Le 01 Décembre 2021

Pour apprécier la consistance des propriétés qui entrent dans le champ de la taxe foncière sur les propriétés bâties, il est tenu compte, non seulement de tous les éléments d'assiette mais également des biens faisant corps avec eux ;

► Sont toutefois exonérés de cette taxe ceux de ces biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel, c'est-à-dire ceux de ces biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel et qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement.

Les faits :

  • une SA exploite sur le territoire de la commune d'Arnage un établissement dont elle est propriétaire, où sont fabriquées des pièces destinées au secteur de l'industrie automobile ;
  • elle a demandé au TA de Nantes de prononcer la réduction des cotisations de TFPB, de CFE et de taxe additionnelle à la CFE pour frais de chambres de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, toutes assises sur la valeur locative de l'établissement, évaluée selon la méthode comptable.

🔎 Principes :

  • sont soumis à la TFPB les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation et les ouvrages d'art et les voies de communication (CGI, art. 1381 N° Lexbase : L1070IZN) ;
  • sont exonérés de la TFPB les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels (CGI, art. 1382 N° Lexbase : L5623L4Z) ;
  • chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation (CGI, art. 1495 N° Lexbase : L8465LHY) ;
  • pour l'appréciation de la consistance il est tenu compte de tous les travaux, équipements ou éléments d'équipement existant au jour de l'évaluation (CGI, art. 324 B, annexe III N° Lexbase : L9425LKB).

⚖️ Solution du CE. En jugeant que les outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels mentionnés à l’article 1382 du CGI s'entendent de ceux qui participent directement à l'activité industrielle de l'établissement et sont dissociables des immeubles, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

 

newsid:479567

Procédures fiscales

[Brèves] Conséquences d’une annulation contentieuse d’un avis à tiers détenteur

Réf. : CE 9° ch., 15 novembre 2021, n° 430655, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A82377BP)

Lecture: 2 min

N9570BY4

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par Marie-Claire Sgarra

Le 02 Décembre 2021

L'annulation contentieuse d'un avis à tiers détenteur a pour conséquence qu'il est réputé n'avoir jamais existé et fait, dès lors, obstacle à ce que lui soit attaché un effet interruptif de prescription.

Les faits :

  • un permis de construire a été accordé à la requérante pour l'extension d'une véranda et l'aménagement des combles d'un appartement situé dans cette commune 
  • les taxes d'urbanisme correspondantes ont fait l'objet d'un premier avis d'imposition et dont l'échéancier prévoyait deux versements
  • les services fiscaux ont émis un avis rectificatif d'imposition qui a porté la somme totale à payer 
  • la requérante a reçu un avis d'échéance dont elle s'est acquittée ; elle a été rendue destinataire d'un avis à tiers détenteur, majoré d'une somme de 56 euros en pénalités, qui a été annulé par un jugement, devenu définitif, du juge de l'exécution du TGI
  • un second avis à tiers détenteur a été adressé à nouveau pour le même montant ; le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la requérante tendant la décharge de l'obligation de payer les taxes d'urbanisme résultant de l'avis à tiers détenteur émis le 11 mars 2016.

🔎 Principe. Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable (LPF, art. L. 274 N° Lexbase : L9529IYL).

⚖️ Solution du CE :

  • en jugeant que l'action en recouvrement de la somme mise à la charge de la requérante n'était pas prescrite le 11 mars 2016, date d'émission du dernier avis à tiers détenteur adressé à l'intéressée, au motif que le délai de prescription avait été interrompu par la notification de l'avis à tiers détenteur du 15 avril 2013, qui constituait le dernier acte de poursuite précédent celui du 11 mars 2016, alors que cet acte avait été annulé par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Montpellier le 19 janvier 2015, le tribunal administratif de Montpellier a commis une erreur de droit
  • en l'absence de tout acte interruptif dans le délai de quatre ans précédent la notification de l'avis à tiers détenteur du 11 mars 2016, la prescription de l'action en recouvrement était acquise à cette date.

 

La requérante est fondée à demander la décharge de l'obligation de payer les taxes d'urbanisme résultant de cet acte de poursuite.

 

 

newsid:479570

Procédures fiscales

[Brèves] Précisions pour la possibilité pour un contribuable de s’adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur

Réf. : CE 8° ch., 17 novembre 2021, n° 445981, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A03817C4)

Lecture: 2 min

N9574BYA

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par Marie-Claire Sgarra

Le 02 Décembre 2021

La possibilité pour un contribuable de s'adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur puis à l'interlocuteur départemental ou régional constitue une garantie substantielle ouverte à l'intéressé à deux moments distincts de la procédure d'imposition :

  • en premier lieu, au cours de la vérification et avant l'envoi de la proposition de rectification, pour ce qui a trait aux difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle,
  • et, en second lieu, après la réponse faite par l'administration fiscale aux observations du contribuable sur cette proposition, pour ce qui a trait au bien-fondé des rectifications envisagées.

🔎 Principes :

  • avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 (N° Lexbase : L6793HWI) et L. 13 (N° Lexbase : L9781I3N) du LPF, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration (LPF, art. L. 10 N° Lexbase : L3156KWS) ;
  • en cas de difficultés, le contribuable peut adresser à l'inspecteur divisionnaire ou principal et ensuite à l'interlocuteur départemental ou régional ;
  • si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal.
  • si après ces contacts des divergences importantes subsistent, le contribuable peut faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur.

⚖️ Solution du CE. La cour a relevé, par une appréciation souveraine non entachée de dénaturation, que l'administration n'avait pas donné suite, avant l'envoi des propositions de rectification, à la demande de rencontre avec le supérieur hiérarchique du vérificateur que le requérant avait formée dans un courrier, remis le 13 novembre 2012 à ce dernier, qui faisait état de difficultés rencontrées au cours du contrôle entachée d'irrégularité.

Par suite, elle a pu sans erreur de droit juger que cette irrégularité entraînait la décharge de cette amende.

 

newsid:479574

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