Le Quotidien du 1 décembre 2021

Le Quotidien

Actes administratifs

[Brèves] Abrogation des instructions et circulaires non publiées : les circulaires comportant des dispositions à caractère réglementaire ne sont pas concernées !

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 25 novembre 2021, n° 450258, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A13137DY)

Lecture: 2 min

N9593BYX

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/74740106-edition-du-01-12-2021#article-479593
Copier

par Yann Le Foll

Le 30 Novembre 2021

► Les articles L. 312-2 (N° Lexbase : Z13045Q3), R. 312-7 (N° Lexbase : Z76536Q8) et R. 312-8 (N° Lexbase : Z76543Q8) du Code des relations entre le public et l'administration, qui prévoient que les instructions et circulaires comportant une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, ne sont pas applicables aux circulaires comportant des dispositions à caractère réglementaire.

Faits. Par lettre reçue le 21 décembre 2020, un gendarme de carrière affecté au sein d'un escadron de gendarmerie mobile a demandé au ministre de l'Intérieur l'abrogation des circulaires n° 57500 du 27 juillet 2015 et n° 17253 du 24 mars 2020. Eu égard à la teneur de ses écritures, il doit être regardé comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet de sa demande en tant qu'elle porte sur les dispositions des circulaires litigieuses relatives au changement de subdivision d'arme dit « tardif ».

S’il résulte de l'article 3 du décret n° 2008-952 du 12 septembre 2008, portant statut particulier du corps des sous-officiers de gendarmerie (N° Lexbase : L4738IB4), que les sous-officiers de gendarmerie sont répartis entre plusieurs subdivisions d'arme et qu’il appartient au ministre de l'Intérieur de décider des changements de subdivision d'arme dans l'intérêt du service, ces dispositions ne définissent pas les modalités de gestion de ces mouvements de personnel au sein de la gendarmerie.

C'est en sa qualité de chef de service que le ministre de l'Intérieur a précisé ces modalités dans les circulaires contestées, qui revêtent ainsi un caractère réglementaire, en imposant notamment à certaines catégories de gendarmes d'établir une fiche de vœux pour un changement de subdivision d'arme (voir sur la non-abrogation d’une instruction d'un ministre en sa qualité de chef de service à destination de ses seuls agents en raison de son absence de publication CE 9° et 10° ch.-r., 24 juillet 2019, n° 427638, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4222ZLX).

Solution CE. Les circulaires contestées n'entrent donc pas dans le champ d'application des articles L. 312-1 (N° Lexbase : L4913LA9) et R. 312-8 du Code des relations entre le public et l'administration (voir pour l’abrogation d'une circulaire non mise en ligne sur le site « circulaires.gouv.fr », CE 1° et 6° s-s-r., 23 février 2011, n° 334022, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7006GZI). 

Dès lors, le requérant n’est pas fondé à soutenir que, faute d'avoir été publiées dans les conditions définies par le Code des relations entre le public et l'administration, elles seraient réputées abrogées en application de ces dispositions et que le refus de les abroger, en ce qu'il conduirait à les maintenir en vigueur, serait illégal.

newsid:479593

Cotisations sociales

[Brèves] Irrecevabilité de l’action en responsabilité fondée sur l’illégalité d’une interprétation de l’ACOSS devant le juge administratif

Réf. : CE 1° et 4° ch.-r., 19 novembre 2021, n° 440237, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A48097C4)

Lecture: 2 min

N9533BYQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/74740106-edition-du-01-12-2021#article-479533
Copier

par Laïla Bedja

Le 30 Novembre 2021

► Les actes par lesquels l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS) indique l'interprétation qu'il convient de retenir des dispositions législatives et réglementaires relatives aux cotisations et contributions dont les unions de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d'allocations familiales et les caisses générales de Sécurité sociale assurent le recouvrement ont la nature d'actes administratifs ; une action en responsabilité fondée sur l'illégalité d'un tel acte relève par nature de la juridiction administrative, alors même que les contentieux individuels auxquels donne lieu le recouvrement des cotisations et contributions mentionnés à l'article L. 142-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1769LZK) relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire en application de l'article L. 142-8 du même code (N° Lexbase : L7772LPK) ;

Une demande de condamnation de l’ACOSS à verser à une société une indemnité correspondant au montant des cotisations de Sécurité sociale contributions au régime d'assurance chômage et cotisations à l'assurance de garantie des salaires qu'elle a indûment acquittées en conséquence de l'illégalité de l'interprétation que l'agence a donnée de l'arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de Sécurité sociale (N° Lexbase : O1942A9S) a le même objet qu’une demande tendant à la contestation du montant des cotisations ;

Par suite, l'existence d'une voie de recours devant les juridictions de l'ordre judiciaire, en application de l'article L. 142-8 du Code de la Sécurité sociale, en vue du règlement d'un tel litige s'oppose à ce qu'elle engage une action mettant en cause la responsabilité de l’ACOSS en raison de l'illégalité de son interprétation.

Les faits et procédure. Une société a demandé au tribunal administratif de condamner l’ACOSS à lui verser une certaine somme, majorée des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de l’illégalité de l’interprétation que cette dernière a donnée, notamment dans sa lettre collective n° 2004-46 du 2 mars 2004, de l’arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de Sécurité sociale.

Le tribunal administratif ainsi que la cour administrative d’appel ont rejeté cette demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Un pourvoi en cassation a alors été déposé auprès du Conseil d’État.

Rejet. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette le pourvoi.

newsid:479533

Divorce

[Point de vue...] Résidence alternée, handicap et AEEH : rien ne change…

Réf. : Cass. civ. 2, 25 novembre 2021, n° 19-25.456, FS-B+R (N° Lexbase : A96637CU)

Lecture: 11 min

N9575BYB

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/74740106-edition-du-01-12-2021#article-479575
Copier

par Jérôme Casey, Avocat au barreau de Paris, Maître de conférences à l’Université de Bordeaux

Le 30 Novembre 2021


Mots-clés : divorce • parents séparés • résidence alternéeallocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) • allocations familiales

En cas de résidence alternée, pour l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), il n’est pas possible de reconnaître la qualité d’allocataire à chacun des parents de l’enfant handicapé. C’est donc celui qui perçoit les allocations familiales qui sera considéré comme l’allocataire de l’AEEH.


 

Vu les articles L. 513-1, L. 521-2, L. 541-1, L. 541-3, R. 513-1 et R. 521-2 du Code de la Sécurité sociale
Selon le premier de ces textes, les prestations familiales sont, sous réserve des règles particulières à chaque prestation, dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l'enfant.
Le cinquième précise que la personne physique à qui est reconnu le droit aux prestations familiales a la qualité d'allocataire et que sous réserve des dispositions des deuxième et sixième, relatifs aux allocations familiales, ce droit n'est reconnu qu'à une seule personne au titre d'un même enfant.
Cependant, lorsqu'à la suite du divorce, de la séparation de droit ou de fait des époux ou de la cessation de la vie commune des concubins, les parents exercent conjointement l'autorité parentale et bénéficient d'un droit de résidence alternée sur leur enfant mis en œuvre de manière effective et équivalente, l'un et l'autre de ces parents sont considérés comme assumant la charge effective et permanente de leur enfant au sens du premier de ces textes.
Il en résulte que l'attribution d'une prestation familiale ne peut être refusée à l'un des deux parents au seul motif que l'autre parent en bénéficie, sauf à ce que les règles particulières à cette prestation fixée par la loi y fassent obstacle ou à ce que l'attribution de cette prestation à chacun d'entre eux implique la modification ou l'adoption de dispositions relevant du domaine de la loi.
Selon les deux premiers alinéas du troisième, toute personne qui assume la charge d'un enfant handicapé a droit à une allocation d'éducation de l'enfant handicapé si l'incapacité permanente de l'enfant est au moins égale à un taux déterminé. Un complément d'allocation est accordé pour l'enfant atteint d'un handicap dont la nature ou la gravité exige des dépenses particulièrement coûteuses ou nécessite le recours fréquent à l'aide d'une tierce personne. Son montant varie suivant l'importance des dépenses supplémentaires engagées ou la permanence de l'aide nécessaire.
Le deuxième alinéa de l'article L. 521-2, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, prévoit qu'en cas de résidence alternée de l'enfant au domicile de chacun des parents, telle que prévue à l'article 373-2-9 du Code civil, mise en œuvre de manière effective, les parents désignent l'allocataire. Cependant, la charge de l'enfant pour le calcul des allocations familiales est partagée par moitié entre les deux parents soit sur demande conjointe des parents, soit si les parents sont en désaccord sur la désignation de l'allocataire.
Il résulte de la combinaison de ces textes que la règle de l'unicité de l'allocataire pour le droit aux prestations familiales n'est écartée que dans le cas des parents dont les enfants sont en résidence alternée et pour les allocations familiales et que si l'article L. 541-3, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-02 du 11 février 2005, prévoit que les dispositions de l'article L. 521-2 sont applicables à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, ce renvoi n'inclut pas les dispositions du deuxième alinéa de ce texte, édictées postérieurement.
En outre, les règles particulières à l'AEEH et ses compléments, qui font dépendre leur attribution non seulement de la gravité du handicap de l'enfant mais également des charges supplémentaires et sujétions professionnelles que le handicap a générées pour le parent, ne permettent pas leur attribution à chacun des parents de l'enfant en résidence alternée sans la modification ou l'adoption de dispositions relevant du domaine de la loi ou du règlement.
Pour dire que les caisses en cause devront mettre en œuvre le partage de l'AEEH et de ses compléments entre les parents de l'enfant, l'arrêt relève que les dispositions relatives à l'AEEH figurent aux articles L. 541-1 à L. 541-4 et R. 541-1 à R. 541-10 du Code de la Sécurité sociale, que l'article L. 541-3 prévoit que les dispositions de l'article L. 521-2 sont applicables à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et qu'en application du deuxième alinéa de ce dernier texte, les allocations familiales peuvent être partagées. Il en déduit que l'article R. 521-2, pris pour l'application de l'article L. 521-2, qui dispose qu'à défaut d'accord sur la désignation d'un allocataire unique, chacun des deux parents peut se voir reconnaître la qualité d'allocataire s'ils en ont fait la demande conjointe ou lorsque les deux parents n'ont ni désigné un allocataire unique, ni fait une demande conjointe de partage, trouve donc à s'appliquer. Constatant que malgré la résidence alternée de l'enfant au domicile de chacun des parents, ceux-ci n'ont ni désigné un allocataire unique, ni fait une demande conjointe de partage manifestant ainsi leur désaccord, il retient que chacun des deux parents peut se voir reconnaître la qualité d'allocataire.
En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Observations. On laissera aux spécialistes du droit de la Sécurité sociale le soin de décortiquer l’arrêt rendu le 25 novembre 2021 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (cet arrêt a été précédé d’une QPC, laquelle a été rejetée : Cass. QPC, 8 octobre 2020, n° 19-25.456, F-D N° Lexbase : A33753XB). Mais les praticiens du droit de la famille en retiendront l’essentiel : en cas de résidence alternée, pour l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), il n’est pas possible de reconnaître la qualité d’allocataire à chacun des parents de l’enfant handicapé. C’est donc celui qui perçoit les allocations familiales qui sera considéré comme l’allocataire de l’AEEH. L’autre parent n’aura aucune aide, alors même qu’il a la charge effective de l’enfant la moitié du temps, car même pour demander le partage, il faudra que les parents s’entendent assez pour présenter une demande conjointe de partage. Or, en cas de séparation conflictuelle, cela n’arrive que très rarement. De plus, c’est à l’allocataire de l’AEEH qu’est versée la prestation de compensation du handicap (PCH), ce qui fait que l’un des parents cumule toutes les aides, tandis que l’autre n’a rien. Quant à opter entre la PCH et un complément d’allocation au titre de l’AEEH, la pratique révèle que seul le parent allocataire est consulté. L’autre parent n’a pas voix au chapitre, alors pourtant qu’il a aussi la charge de l’enfant.

On peut le dire clairement : ces règles rendent illusoire la mise en place d’une résidence alternée en cas d’enfant handicapé, sauf à ce que le parent qui n’a pas la qualité d’allocataire ait les moyens d’assumer seul et sans aide son enfant. Ce à quoi on répondra que le plus souvent ce sont les mères qui se retrouvent seules avec l’enfant, et qu’alors la règle de l’unicité d’allocataire les aide vraiment. Mais l’argument est réversible : comment dire aux pères de s’investir dans une résidence alternée s’ils savent qu’ils ne seront pas aidés ? Sauf à ce qu’ils soient assez riches pour s’en moquer, il est évident que cette considération ne les poussera pas à aller vers une résidence alternée. Ce à quoi on peut ajouter que s’ils sont assez riches pour se moquer du partage de l’AEEH, il est fort probable que le JAF les aura déjà bien assaisonnés côté pension alimentaire. En effet, nul ne sait dire dans quelles proportions les allocations compensatrices du handicap sont prises en compte par les juges pour fixer les pensions alimentaires dues par celui qui n’a pas la charge effective. C’est au petit bonheur la chance. En outre, on gardera en mémoire que même en cas de résidence alternée, une pension alimentaire peut être due… De sorte qu’en matière de résidence alternée et d’AEEH, le bilan est sans appel : l’un des parents n’aura aucune aide, et, s’il est le plus riche des deux, nul ne peut garantir que cette règle influera de façon importante sur une éventuelle pension alimentaire, le tout, alors que les charges et les sacrifices du parent non-aidé pour vivre la résidence alternée de façon effective seront importants.

Nous savons parfaitement qu’en matière de prise en charge du handicap, les pères sont souvent plus démissionnaires encore qu’ils ne le sont dans le droit commun de l’autorité parentale, et que, considérée sous cet angle, la présente décision renforcera et stabilisera la situation de nombre de mères. Mais nul ne peut nier qu’il existe aussi des pères investis, et que l’intérêt de l’enfant handicapé est d’avoir deux parents pleinement engagés à ses côtés. Or, ce sont ces bonnes volontés que la situation actuelle décourage, et il n’est pas normal que le droit ne soit pas souple et adaptable à la réalité de chacun. Après tout, les CAF ont bien été chargées du recouvrement de certaines pensions alimentaires… Pourquoi ne pas faire du partage de l’AEEH la norme (avec deux allocataires désignés) en cas de résidence alternée, quitte à ce que la CAF puisse déchoir un parent de sa qualité d’allocataire s’il se révèle peu investi dans cette résidence alternée ? De plus, il serait sans doute bon que les JAF aient une claire conscience de ces questions, ce qui est loin d’être toujours le cas lorsqu’ils fixent la résidence de l’enfant handicapé, et tranchent le montant de la pension alimentaire. Le plus souvent, on a le sentiment qu’ils jugent en droit civil pur, et que l’aspect « aide sociale » n’est pas, ou peu, pris en compte, un peu à l’image du « monde du handicap », qui est trop souvent un monde parallèle pour par rapport au « monde des valides ».

Enfin, on notera la lâcheté politique sur le sujet… La question ici tranchée a fait l’objet d’une question écrite au Gouvernement, fort pertinente (Question orale n° 1449S de M. Serge Babary, JO Sénat du 14 janvier 2021, p. 114). Il lui fut répondu le 10 mars 2021 (JO Sénat 10 mars 2021, p. 1548), par le Secrétariat d’État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées, notamment ceci : « Les questions de partage de l'AEEH pour les parents séparés nécessitent ainsi de réaliser des choix peu évidents, notamment entre simplicité pour l'allocataire, gestion et équité. Ce chantier nécessite donc une analyse approfondie, incluant les autres prestations familiales, afin d'assurer une cohérence d'ensemble des modalités de partage qui seront définies. Un tel partage constituera également un chantier informatique majeur pour les caisses d'allocations familiales et de mutualité sociale agricole. Des travaux sont engagés afin de dégager une solution lisible et équitable entre toutes les familles, quels que soient leur situation matrimoniale ou le mode de résidence choisi pour l'enfant après la séparation, pour la bonne mise en œuvre d'une telle extension ». Force est de constater que près d’un an plus tard, c’est la Cour de cassation qui a dû faire des choix, avec des textes non révisés car rien n’a changé depuis mars 2021. Nul ne sait où en sont les « travaux » engagés par le ministère (et qu’il vise dans sa réponse), et on a bien compris aussi que c’est compliqué côté informatique, un obstacle pire encore que la législation apparemment… Mieux vaut en rire ! Bref, le discours officiel cache mal la réalité : rien ne changera dans un avenir proche, et la Cour de cassation a donc été laissée seule à trancher la difficulté, en l’état de textes qui ne lui donnaient pas beaucoup d’autres possibilités que de juger comme elle l’a fait. Mais sur un tel sujet, c’est au politique de faire bouger les choses, pas à nos Hauts-magistrats, nul reproche ne peut donc être adressé à ces derniers. Mais l'arrêt commenté est promis au Rapport annuel de la Cour, preuve qu'en l'état des textes actuels, la situation est tranchée pour un bon moment. Si cela doit changer (et il faut l'espérer), ce sera au pouvoir politique de prendre ses responsabilités.

En attendant, la résidence alternée d’un enfant handicapé demeurera une rareté, et les parents qui voudraient s’y investir devront se montrer compréhensifs, puisque leurs sacrifices personnels, ceux de leur enfant, pèsent manifestement moins lourd, aux yeux du Ministère, que les contraintes informatiques à vaincre pour que cela change... Triste, mais pas surprenant. Courteline, au secours !

newsid:479575

Entreprises en difficulté

[Brèves] Dispositions spéciales « covid-19 » : demande de prolongement du plan et consultation des créanciers

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 2 novembre 2021, n° 21/07639 (N° Lexbase : A59337AY)

Lecture: 6 min

N9531BYN

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/74740106-edition-du-01-12-2021#article-479531
Copier

par Vincent Téchené

Le 30 Novembre 2021

► Lorsque le commissaire à l'exécution du plan sollicite en application de l'article 5, I, de l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 (N° Lexbase : L1695LX3), un allongement de la durée du plan de deux ans, accompagné d'un réaménagement du pourcentage du passif à payer chaque année, la consultation des créanciers n'est pas requise ;

Au demeurant, à supposer même qu'il y ait lieu d'appliquer le régime prévu en cas de demande de modification substantielle du plan et donc que la consultation des créanciers soit nécessaire, les créanciers n'ayant pas répondu à la consultation sont réputés avoir accepté la proposition de réaménagement des délais d'apurement du passif.

Faits et procédure. Une SARL a été mise en sauvegarde, un plan de sauvegarde prévoyant l'apurement du passif sur dix ans (2020 à 2029) ayant été arrêté le 29 juillet 2019. L'échéance du 29 juillet 2020, reportée au 29 octobre suivant en application de l'ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 (N° Lexbase : L5884LWT), n'a pas été honorée. Le commissaire à l'exécution du plan a alors déposé une requête datée du 5 février 2021 fondée sur les dispositions des ordonnances n° 2020-341 du 27 mars 2020 et n° 2020-596 du 20 mai 2020 tendant à voir prolonger la durée du plan de deux ans et réaménager les annuités.

Les créanciers concernés, au nombre de vingt, ont été consultés sur la modification proposée, cinq ayant répondu et accepté celle-ci. Le tribunal de commerce d'Évry a alors limité l'application de la modification du plan aux créanciers ayant accepté celle-ci, au motif qu’aucune information claire et précise n'avait été donnée aux créanciers consultés quant aux conséquences d'un défaut d'acceptation ou de réponse.

Le commissaire au plan a donc relevé appel du jugement.

Décision. La cour d’appel infirme le jugement en ce qu’il a limité la modification du plan aux cinq créanciers ayant accepté celle-ci.

Elle rappelle qu’en raison du contexte sanitaire, des mesures ont été prises en vue d'adapter les modalités d'apurement du passif fixées par des plans de continuation en cours.

Ainsi, l'ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 a prévu, pendant certaines périodes, l'allongement de droit ou sur décision judiciaire de la durée du plan.

Est ensuite intervenue l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 qui prévoit, dans son article 5, la possibilité, sur requête du ministère public ou du commissaire à l'exécution du plan, pour le tribunal de prolonger la durée du plan arrêté pour une durée maximale de deux ans, s'ajoutant, le cas échéant à la ou aux prolongations prévues par l'ordonnance du 27 mars 2020.

Selon la cour, il résulte de la combinaison de l'ensemble des dispositions spéciales « covid-19 » qu'un allongement de la durée du plan et un réaménagement des délais d'apurement du passif défavorable aux créanciers peuvent être obtenus :

- soit sur présentation d'une demande de modification substantielle du plan par le débiteur en application de l'article L. 626-26 du Code de commerce (N° Lexbase : L9144L7S), cas dans lequel les créanciers doivent être consultés selon les modalités prévues par l'article R. 626-45 du même code (N° Lexbase : L0677L8L) et, s'ils ne répondent pas, sont considérés comme ayant accepté la proposition ;

- soit sur requête du commissaire à l'exécution du plan ou du ministère public en application du I de l'article 5 de l'ordonnance du 20 mai 2020, cas dans lequel aucune consultation des créanciers n'est prévue.

Or, en l'espèce, le commissaire à l'exécution du plan ne sollicite pas, dans sa requête, une modification substantielle du plan relevant des articles L. 626-26 et R. 626-45 du Code de commerce, demande que seul le débiteur aurait d'ailleurs pu présenter, mais, en application de l'article 5 de l'ordonnance du 20 mai 2020, un allongement de la durée du plan de deux ans, accompagné d'un réaménagement du pourcentage du passif à payer chaque année.

Il s'ensuit, selon la cour, que la consultation des créanciers n'était pas requise.

Au surplus, les juges parisiens ajoutent qu’il résulte de la combinaison de l'article R. 626-45 du Code de commerce et du III de l'article 5 de l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 qu'en cas de demande de modification substantielle du plan portant sur un réaménagement des délais d'apurement du passif, il suffit, pour que les créanciers soient réputés avoir accepté la modification proposée, qu'ils se soient abstenus de répondre dans le délai de 15 jours à la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par le greffe leur faisant part de la proposition.

Or, en l’espèce, il est bien justifié de l'envoi, par le greffe, de lettres recommandées avec demande d'avis de réception transmettant aux créanciers la requête du commissaire à l'exécution du plan – qui expose la teneur et les raisons des modifications proposées – et les invitant à faire valoir leurs observations sur ces propositions dans un délai de 15 jours.

Ainsi, pour les juges de la cour d’appel, à supposer même qu'il y ait lieu d'appliquer le régime prévu en cas de demande de modification substantielle du plan, les quinze créanciers n'ayant pas répondu à la consultation sont réputés avoir accepté la proposition de réaménagement des délais d'apurement du passif.

Dès lors, la cour d’appel infirme le jugement en ce qu'il a autorisé cette modification d'apurement du passif uniquement pour les créanciers ayant accepté la proposition.

Précisions. Dans un autre arrêt rendu le 28 octobre 2021 (CA Paris, Pôle 5, 9ème ch., 28 octobre 2021, n° 21/06450 N° Lexbase : A45907AA), la cour d’appel de Paris a retenu, dans le cadre d’une demande de modification du plan afin qu'il soit prolongé de deux ans, en application des dispositions des ordonnances n° 2020-341 du 27 mars 2020 et n° 2020-596 du 10 mai 2020, que la lettre recommandée adressée aux créanciers leur demandant uniquement s'ils acceptaient une prolongation du plan d'une durée supplémentaire de deux ans constitue une information claire et suffisante. Elle censure identiquement le jugement qui a limité la modification du plan aux seuls créanciers ayant répondu favorablement au motif qu'aucune information claire et précise n'a été donnée aux créanciers.

newsid:479531

Environnement

[Brèves] Convention d'Aarhus/participation du public à l'élaboration des projets ayant une incidence importante sur l'environnement : application directe dans l’ordre juridique

Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 15 novembre 2021, n° 434742, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A82407BS)

Lecture: 2 min

N9524BYE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/74740106-edition-du-01-12-2021#article-479524
Copier

par Yann Le Foll

Le 30 Novembre 2021

► Le paragraphe 4 de l'article 6 de la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998 (relatif à la participation du public à l'élaboration des projets ayant une incidence importante sur l'environnement) doit être regardé comme produisant des effets directs dans l'ordre juridique interne.

Rappel. Une stipulation doit être reconnue d’effet direct par le juge administratif lorsque, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale du traité, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, elle n’a pas pour objet exclusif de régir les relations entre États et ne requiert l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers (CE, Ass., 11 avril 2012, n° 322326, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4127IIP).

Solution. Le paragraphe 4 de l'article 6 de la Convention d'Aarhus énonce que « Chaque Partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c'est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence ». La Haute juridiction énonce le principe précité selon lequel ces stipulations doivent être regardées comme produisant des effets directs dans l'ordre juridique interne. Elle abandonne ainsi sa jurisprudence « Commune de Groslay » (CE 1° et 6° s-s-r., 6 juin 2007, n°s 292942, 293109, 293158, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5700DWZ). En l’espèce, le projet en cause (exploitation d’une centrale de production d'électricité de type cycle combiné à gaz dans le Finistère) a une incidence suffisante sur l’environnement pour tomber dans le champ de l’article 6.

Rappel bis. Le Conseil d’État a récemment énoncé que le a) du paragraphe 1er de l'article 6 de ce même texte, combiné à l'annexe I à la convention, est lui aussi d'effet direct (CE 2° et 7° ch.-r., 6 octobre 2021, n° 446302, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A343648R).

newsid:479524

Fiscalité immobilière

[Brèves] Réduction d’impôt pour investissements outre-mer : appréciation du seuil d’investissement

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 15 novembre 2021, n° 452952, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A82557BD)

Lecture: 4 min

N9483BYU

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/74740106-edition-du-01-12-2021#article-479483
Copier

par Marie-Claire Sgarra

Le 30 Novembre 2021

Les bâtiments collectifs ou les ensembles de logements individuels faisant l'objet d'une même demande de permis de construire constituent un programme immobilier, à concurrence de ceux donnant lieu à réduction d'impôt sur le revenu au sens et pour l'application de l'article 199 undecies C du CGI.

Les faits :

  • le requérant a bénéficié de la réduction d'impôt sur le revenu prévue par l'article 199 undecies C du CGI (N° Lexbase : L7460LXL) à raison d'un investissement consistant en la réalisation de logements sociaux en Martinique par une société civile immobilière (SCI), dont il était associé à hauteur de 15 % ;
  • à l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause cette réduction d'impôt ;
  • après rejet de sa réclamation préalable, le requérant a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d’IR ;
  • la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif, a accordé cette décharge (CAA Versailles, 30 mars 2021, n° 19VE00390).

En l’espèce, la société, titulaire d'un permis de construire pour huit logements à usage d'habitation sur une même parcelle, ayant fait l'objet d'une modification valant division, a cédé les différents lots de ce programme à huit sociétés civiles immobilières, dont la SCI en cause au litige, à qui le permis de construire modificatif a été transféré par un arrêté du 20 mars 2015.

⚖️ Solution du Conseil d’État.

✔ La cour a relevé que, si les huit maisons à bâtir avaient fait l'objet d'un unique permis de construire et si le coût total du projet s'élevait à 2 606 400 euros, il n'était pas contesté que deux de ces maisons n'étaient pas éligibles à la réduction d'impôt, de sorte que le montant global du programme d'investissement immobilier placé sous ce régime ne s'élevait qu'à 1 954 800 euros, soit un montant inférieur au seuil de deux millions d'euros au-delà duquel le CGI subordonne son bénéfice à la délivrance d'un agrément préalable du ministre chargé du Budget.

👉 En en déduisant que le bénéfice de la réduction d'impôt n'était pas, en l'espèce, conditionné par l'obtention d'un tel agrément, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

✔ Le ministre soutient que la CAA aurait donné aux faits une inexacte qualification juridique et commis une erreur de droit en jugeant que les requérants pouvaient prétendre au bénéfice de la réduction d'impôt qu'ils sollicitaient alors même que, ainsi qu'elle l'avait relevé, la SCI n'était pas titulaire d'un permis de construire à la date du fait générateur de cette réduction.

👉 Il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que le bénéfice de la réduction d'impôt à raison des investissements réalisés par voie de souscription au capital de sociétés serait subordonné à une telle condition, les dispositions de l'article 199 undecies C du CGI imposant seulement, à cet égard, que la souscription soit consacrée, pour au moins 95 % de son montant, au financement d'un investissement éligible et que son produit soit intégralement investi dans les dix-huit mois qui suivent la clôture de celle-ci.

💡 Pour l'appréciation du seuil d'investissements, il est tenu compte du coût total du programme immobilier. Ce principe a été posé par un arrêt du CE en date 13 avril 2018 (CE 9° et 10° ch.-r., 13 avril 2018, n° 416360, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8874XLA) qui juge que « le seuil de deux millions d'euros doit être apprécié, non pas au regard des souscriptions au capital des sociétés, mais au regard du coût total du programme immobilier en vue duquel les souscriptions de parts ou d'actions de sociétés ont été réalisées. Pour l'application de ces dispositions, les bâtiments collectifs ou les ensembles de logements individuels faisant l'objet d'une même demande de permis de construire constituent un programme immobilier ».

Cf. le BOFiP annoté, BOI-SJ-AGR-40 (N° Lexbase : X3830ALG).

 

 

newsid:479483

Majeurs protégés

[Brèves] Renouvellement de tutelle : indispensable constatation de la persistance d'une altération des facultés mentales, au jour où le juge statue !

Réf. : Cass. civ. 1, 17 novembre 2021, n° 19-14.872, F-D (N° Lexbase : A47807CZ)

Lecture: 2 min

N9529BYL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/74740106-edition-du-01-12-2021#article-479529
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 30 Novembre 2021

► Le juge ne peut renouveler une mesure de tutelle, en se fondant sur un certificat médical qui, bien qu’établi en vue de la révision de la mesure, est ancien de trois ans, sans constater, au jour où il statue, la persistance d'une altération des facultés mentales de la personne visée, et, partant, la nécessité pour celle-ci d'être assistée ou contrôlée d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile.

En l’espèce, une femme avait été placée sous tutelle par jugement du 10 décembre 2012 pour une durée de cinq ans.

Pour renouveler la mesure de tutelle, la cour d’appel avait retenu que, si les constatations du certificat médical établi en vue de la révision de la mesure de protection ne valent que pour l'état de santé de l’intéressée à la date de son établissement, soit le 2 décembre 2016, celle-ci n'apportait aucun élément récent venant les contredire, ce certificat faisant état de la persistance de sa pathologie psychiatrique, de sorte qu'était suffisamment caractérisé un état d’altération mentale nécessitant que l’intéressée soit représentée dans tous les actes de la vie civile.

L’intéressée a alors formé un pourvoi, soutenant que le juge ne peut maintenir un majeur sous tutelle que si, au jour où il statue, il constate la permanence de l'altération des facultés mentales de l'intéressée et la nécessité pour celle-ci d'être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile. Elle faisait ainsi notamment grief à l’arrêt de s’être référé à des pièces médicales déjà anciennes, motif pris de ce que « Mme Ab n’avait pas elle-même produit un certificat médical plus récent venant contredire [I|es constatations » des médecins, sans constater la permanence de l'altération des facultés mentales de l'intéressé et la nécessité pour celle-ci d'être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile.

L’argument est accueilli par la Cour suprême qui censure la décision au visa des articles 425, alinéa 1er (N° Lexbase : L8407HWB), 440, alinéa 3 (N° Lexbase : L8423HWU), et 442, alinéas 1er et 3 (N° Lexbase : L9481I7B), du Code civil, reprochant en effet aux conseillers d’appel de s’être déterminés ainsi, sans constater la persistance d'une altération des facultés mentales de l’intéressée, et, partant, la nécessité pour celle-ci d'être assistée ou contrôlée d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile.

newsid:479529

Marchés publics

[Brèves] Situation de conflit d'intérêts au cours de la procédure d'attribution du marché : annulation de la procédure même sans intention de favoriser un candidat

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 25 novembre 2021, n° 454466, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A13147DZ)

Lecture: 3 min

N9578BYE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/74740106-edition-du-01-12-2021#article-479578
Copier

par Yann Le Foll

Le 01 Décembre 2021

► Une situation de conflit d'intérêts au cours de la procédure d'attribution du marché est de nature à justifier l’annulation de la procédure, même sans intention de favoriser un candidat.

Principe. Au nombre des principes généraux du droit qui s'imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d'impartialité. Ce principe implique l'absence de situation de conflit d'intérêts au cours de la procédure de sélection du titulaire du contrat. L'existence d'une situation de conflit d'intérêts au cours de la procédure d'attribution du marché, telle que définie à l'article L. 2141-10 du Code de la commande publique (N° Lexbase : L4493LRT), est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible d'entacher la validité du contrat (CE 2° et 7° s-s-r., 14 octobre 2015, n° 390968, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3734NTH).

Eu égard à sa nature, la méconnaissance du principe d'impartialité est, par elle-même, constitutive d'un vice d'une particulière gravité justifiant l'annulation du contrat à l'exclusion de toute autre mesure, sans qu'il soit besoin de relever une intention de la part du pouvoir adjudicateur de favoriser un candidat (voir pour la même solution quand cette fois-ci la volonté de la personne publique de favoriser un candidat est avérée, CE 2° et 7° ch.-r., 15 mars 2019, n° 413584, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0761Y4X).

Application. En l’espèce, la personne désignée par le règlement de consultation du marché comme le « technicien en charge du dossier », chargée notamment de fournir des renseignements techniques aux candidats, a exercé des fonctions d'ingénieur-chef de projet en matière de nouvelles technologies de l'information et de la communication au sein de l'une des sociétés candidates, fonctions de haut niveau au sein de la représentation locale de la société et ayant trait à un objet en relation directe avec le contenu du marché.

Elle a occupé cet emploi immédiatement avant son recrutement par la collectivité adjudicatrice et trois mois avant l'attribution du marché et le procès-verbal d'ouverture des plis mentionnait que cette personne s'est vue remettre les plis « en vue de leur analyse au regard des critères de sélection des candidatures et des offres ».

Ainsi, eu égard au niveau et à la nature des responsabilités confiées à cette personne au sein de la société candidate puis des services de la collectivité adjudicatrice et au caractère très récent de son appartenance à cette société et alors même qu'il n'a pas signé le rapport d'analyse des offres, sa participation à la procédure de sélection des candidatures et des offres pouvait légitimement faire naître un doute sur la persistance d'intérêts le liant à la société candidate et par voie de conséquence sur l'impartialité de la procédure suivie par la collectivité adjudicatrice.

En outre, la cour administrative d'appel (CAA Marseille, 14 juin 2021, n° 20MA02773 N° Lexbase : A68284WS) n'a ni inexactement qualifié les faits, ni commis d'erreur de droit en jugeant, sans relever une intention de sa part de favoriser un candidat, qu'eu égard à sa nature, la méconnaissance de ce principe d'impartialité était par elle-même constitutive d'un vice d'une particulière gravité justifiant l'annulation du contrat à l'exclusion de toute autre mesure.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La passation du marché public, La phase de sélection des candidatures : les motifs d'exclusion de la procédure de passation, in Droit de la commande publique, (dir. N. Lafay, E. Grzelczyk), Lexbase (N° Lexbase : E2507ZLG).

newsid:479578

Retraite

[Brèves] Les dispositions relatives au régime d’assurance vieillesse complémentaire des médecins portent une atteinte à la substance des droits à pension des assurés

Réf. : Cass. civ. 2, 25 novembre 2021, n° 20-17.234, FS-B+R (N° Lexbase : A96597CQ)

Lecture: 5 min

N9587BYQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/74740106-edition-du-01-12-2021#article-479587
Copier

par Laïla Bedja

Le 30 Novembre 2021

► Le droit individuel à pension constitue un intérêt patrimonial substantiel entrant dans le champ d'application de l'article 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 

Les articles relatifs au régime d'assurance vieillesse complémentaire des médecins, d’une part, les articles tendant à rendre obligatoire le régime des prestations supplémentaires de vieillesse des médecins conventionnés, d’autre part, qui prévoient qu’en-dehors des cas qu’ils visent, seul le paiement intégral de la cotisation annuelle due au titre de chacun de ces régimes ouvre droit à l’attribution de points de retraite, constituent une ingérence dans le droit de propriété des assurés affiliés à ces régimes, en ce qu’ils portent une atteinte à la substance de leurs droits à pension, en les privant de la totalité des points afférents aux années pour lesquelles ils ne se sont pas acquittés du montant intégral de leur cotisation.

Les faits et procédure. Un assuré a été affilié à la Caisse autonome de retraite des médecins de France (la Caisse) du 1er avril 1975 au 31 décembre 1997, puis à compter du 1er avril 2003. Par jugement du 28 juin 2010, le tribunal de grande instance de Pau a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de l’assuré, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 6 juillet 2011 et clôturée pour insuffisance d’actif le 22 avril 2013.

Lors de la liquidation de ses droits à retraite à effet du 1er janvier 2021, au titre du régime d'assurance vieillesse complémentaire des médecins d’une part, du régime des prestations supplémentaires de vieillesse des médecins conventionnés d’autre part, la Caisse a exclu les années durant lesquelles les cotisations n’avaient pas été intégralement payées par l’assuré.

L’assuré a alors saisi d’un recours une juridiction de Sécurité sociale.

La cour d’appel. L’arrêt de la cour d’appel énonce que si le jugement de clôture pour insuffisance d'actif n'entraîne pas l'extinction des dettes, il interdit aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, de sorte que l'absence de règlement intégral des cotisations antérieures ne prive pas l'assuré ou ses ayants droit de tout droit aux prestations, mais a seulement pour effet d'exclure la période durant laquelle des cotisations n'ont pas été payées du calcul du montant des prestations.

Cassation. Relevant d’office le moyen, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel.

C’est au visa des articles 1er du Protocole additionnel n° 1 à la CESDH (N° Lexbase : L1625AZ9), L. 644-1 (N° Lexbase : L8822LKX) et L. 645-2 (N° Lexbase : L5071I39) du Code de la Sécurité sociale, 2 du décret n° 49-579 du 22 avril 1949, relatif au régime d’assurance vieillesse complémentaire des médecins (N° Lexbase : Z85080L8), et 2 du décret n° 72-968 du 27 octobre 1972 (N° Lexbase : Z71109LG), tendant à rendre obligatoire le régime des prestations supplémentaire de vieillesse des médecins conventionnés, et au cours d’un long attendu de principe (neuf paragraphes) que la Cour de cassation a décidé de réexaminer les dispositions législatives et réglementaires composées de l’article L. 644-1 du Code de la Sécurité sociale et 2 du décret du 22 avril 1949 modifié relatif au régime d'assurance vieillesse complémentaire des médecins, d’une part, les articles L. 645-2 du Code de la Sécurité sociale et 2 du décret du 27 octobre 1972 modifié tendant à rendre obligatoire le régime des prestations supplémentaires de vieillesse des médecins conventionnés, d’autre part, à la lumière de l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la CESDH.

En effet, dans une décision du 12 mai 2021 (Cass. civ. 2, 12 mai 2021, n° 19-20.938, FS-P N° Lexbase : A52734RQ, v. not. les commentaires de J.-Ph. Tricoit, Chronique de droit social international et européen d’avril à juin 2021 : instruments internationaux de protection des droits et libertés sociales fondamentales et mobilité transnationale des travailleurs, in Lexbase Social, septembre 2021, n° 876 N° Lexbase : N8676BYY, pt. 6 et Ch. Willmann, Assurance vieillesse des avocats : inconventionnalité de la « clause de stage », in Lexbase Avocat, juin 2021, n° 315 N° Lexbase : N7686BYC), la Cour de cassation a jugé que l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la CESDH implique, lorsqu'une personne est assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif, un rapport raisonnable de proportionnalité exprimant un juste équilibre entre les exigences de financement du régime de retraite considéré et les droits individuels à pension des cotisants. Elle ajoute que le droit individuel à pension constitue un intérêt patrimonial substantiel entrant dans le champ d'application de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la CESDH. Elle énonce que si l’ingérence dans le droit de propriété des assurés affiliés à ces régimes repose sur des dispositions légales et réglementaires de droit interne accessibles, précises et prévisibles, et poursuit un motif d’intérêt général en tant qu’elle contribue à l’équilibre financier des régimes de retraite concernés, l’exclusion des années durant lesquelles des cotisations n’ont pas été intégralement payées, sans aucune prise en compte des paiements partiels, si elle contribue à l’équilibre financier de ces régimes, porte une atteinte excessive au droit fondamental garanti en considération du but qu’elle poursuit, et ne ménage pas un juste équilibre entre les intérêts en présence.

newsid:479587

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.