Le Quotidien du 29 septembre 2021

Le Quotidien

Droit pénal spécial

[Jurisprudence] Décrochage d’un portrait présidentiel : par quoi justifier ce vol ?

Réf. : Cass. crim., 22 septembre 2021, n° 20-80.489 (N° Lexbase : A134647Y) et n° 20-85.434 (N° Lexbase : A134747Z), FS-B

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par Emmanuel Dreyer, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne - Université Paris I

Le 27 Octobre 2021


Mots-clés : justification • état de nécessité • liberté d’expression • vol • relevé d’empreintes • prélèvements biologiques • atteinte à la vie privée • Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme

Par deux arrêts du 22 septembre 2021 (n° 20-80.489 et n° 20-85.434), la Cour de cassation confirme que l’état de nécessité ne peut être invoqué pour justifier le décrochage de portraits présidentiels poursuivi sous la qualification de vol. Mais elle laisse la porte ouverte à la justification de tels faits sur le fondement de la liberté d’expression garantie par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH). Par ailleurs, elle admet que le délit consistant à se soustraire à la prise d’empreintes ou aux prélèvements biologiques prévus par la loi peut échapper à toute sanction, lorsqu’il est caractérisé à l’occasion de la poursuite de vols sans gravité, compte tenu de l’atteinte excessive qui en résulterait au droit au respect de la vie privée garanti lui aussi par la CESDH.


COP ? La COP (pour Conference of parties) est une conférence internationale sur le climat qui réunit chaque année les pays signataires de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (N° Lexbase : L6785BHR). En 2015, elle fut organisée par la France et baptisée COP 21 parce qu’il s’agissait de la 21e conférence du même nom. La tenue de cette conférence fit naître de nombreux espoirs et suscita quelques inquiétudes.

Pour souligner l’importance de cette conférence et obtenir une réelle mobilisation des pouvoirs publics, différents activistes ont imaginé une action symbolique et non violente devant frapper l’opinion. Il s’est agi de pénétrer dans des mairies afin de substituer au portrait du président de la République une banderole ou une affiche dénonçant le manque d’implication du président Macron dans la lutte contre le réchauffement de la planète. L’opération se voulait pédagogique. Il s’agissait de sensibiliser chacun à l’urgence de la situation afin de faire pression sur le gouvernement pour que des engagements sérieux soient pris.

Comment saisir pénalement de tels faits ? D’assez nombreuses poursuites ont été engagées pour vol du portrait présidentiel contre des activistes ayant agi à visage découvert et, accessoirement, pour refus de se soumettre aux relevés et prélèvements prévus par les articles 55-1, alinéa 3 (N° Lexbase : L0956DY3) et 706-56, II (N° Lexbase : L7691LPK) du Code de procédure pénale. Ces infractions ayant été constatées, plusieurs pourvois ont été formés contre différents arrêts de condamnation. Statuant sur deux de ces pourvois, la Chambre criminelle les rejette par deux arrêts en date du 22 septembre 2021. Ces décisions interpellent en ce qui concerne tant le délit de vol (I) que le délit d’opposition aux relevés d’empreintes ou prélèvements biologiques (II).

I. Sur la punissabilité du vol

Décrocher un tableau équivaut à le soustraire. Le décrocher contre la volonté de son propriétaire revient à agir frauduleusement. Il n’y avait donc guère de doute, en l’espèce, que des vols avaient bien été commis. Ces faits et leur imputation aux prévenus n’ayant pas été contestés, les juges du fond n’ont eu à statuer que sur les moyens de défense développés devant eux : l’état de nécessité dans tous les cas (A), la liberté de communication dans un cas sur deux (B). Sur ces deux points, la réponse de la Cour de cassation mérite d’être scrutée avec attention.

A. L’exclusion de l’état de nécessité

Est-il besoin de rappeler que l’article 122-7 du Code pénal (N° Lexbase : L2248AM9) dispose : « n'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace » ? Cette cause d’irresponsabilité pénale correspond à l’état de nécessité auquel il est traditionnellement attribué une vertu justificative. Celle-ci est néanmoins conditionnée à l’existence d’un danger actuel ou imminent, c’est-à-dire d’une menace réelle qui appelle une réaction immédiate afin de protéger soit la personne visée, soit ses proches ou ses biens. De surcroît, elle ne produit l’effet justificatif attendu qu’à partir du moment où la réponse apportée s’avère adéquate. En d’autres termes, les faits accomplis en défense n’échappent à la qualification pénale qu’ils méritent qu’à partir du moment où ils se révèlent nécessaires, c’est-à-dire utiles, sans être excessifs par rapport à ce qui s’impose pour écarter le danger, donc sans disproportion manifeste [1].

Il s’agit d’une soupape de sécurité destinée à éviter l’échauffement du système pénal, introduite par la jurisprudence à une époque où la peine semblait être la conséquence inévitable du constat d’une infraction. Toutefois, les magistrats ont toujours fait un usage très limité de cette cause de justification et leur pratique n’a pas changé avec sa consécration dans le code actuel. Ce moyen de défense aboutit rarement. On ne sera donc guère étonné de son échec ici. Cependant, le raisonnement tenu par la Cour de cassation à la suite des juges du fond semble témoigner d’une évolution dans la perception du phénomène militant.

En effet, sur le pourvoi n° 20-80.489 (N° Lexbase : A134647Y), la Cour de cassation relève que, d’après l’arrêt attaqué, « si l’impact négatif sur l’environnement mondial du réchauffement climatique planétaire, dont la communauté scientifique s’accorde à reconnaître l’origine anthropique, peut être considéré comme un danger actuel ou en tout cas un péril imminent pour la communauté humaine et pour les biens de cette dernière, au sens de l’article 122-7 du Code pénal, il n’est pas démontré en quoi le vol du portrait du président de la République commis par eux le 2 mars 2019 au préjudice de la commune de Jassans-Riottier, constituerait un acte nécessaire à la sauvegarde des personnes et des biens au sens de ce même article ». Un tel motif s’explique par le fait que, dans cette affaire, la cour d’appel a estimé que « les prévenus ne démontrent pas que ce vol constituerait un moyen, non seulement adéquat, mais encore indispensable, ou le seul à mettre en œuvre pour éviter la réalisation du péril invoqué et se bornent à alléguer qu’ils n’avaient pas eu d’autre choix ». Ainsi, la cour d’appel a-t-elle dénié tout sérieux à la démarche entreprise. Elle a observé que « rien ne contraignait les prévenus, dont l’action s’inscrivait en réalité dans un mouvement politique et militant ayant pour objet de contester la politique du chef de l’État, d’informer et de sensibiliser le public et le gouvernement sur l’urgence à agir en matière de changement climatique, et de dénoncer ce qu’ils qualifiaient d’inaction, à commettre cette voie de fait, constitutive du délit litigieux, pour parvenir au but affiché », ce qu’approuve la Cour de cassation : d’après notre Haute juridiction, en statuant de la sorte, la cour d’appel a souverainement estimé « qu’il n’était pas démontré que la commission d’une infraction était le seul moyen d’éviter un péril actuel ou imminent ».

Elle juge de même en réponse au pourvoi n° 20-85.434 (N° Lexbase : A134747Z) dans son second arrêt. Or, on le constate, les magistrats n’ont ainsi statué que sur le défaut d’adéquation des faits au péril en question. Ils ont donc admis que l’urgence climatique constitue un état de nécessité qui pourrait éventuellement justifier des faits constitutifs d’infractions si ces faits étaient un moyen utile pour retarder le réchauffement de la planète. Ce qui nous semble être une évolution par rapport à la jurisprudence antérieure. En effet, le même type de questions a pu se poser au sujet de la destruction symbolique de plants de maïs transgénique par des militants voulant dénoncer le risque en résultant pour l’environnement et la santé. Or, dans ce type d’affaires, au lieu de discuter de la légitimité du mode d’action choisi (destruction), les magistrats ont préféré mettre en doute la réalité du péril : ce péril à venir n’a pas été perçu comme actuel ou même imminent [2]. Ce qui évita toute concession à l’activisme écologique : dans ces conditions, l’article 122-7 du Code pénal n’avait pas vocation à s’appliquer. Il a été jugé de même, récemment encore, s’agissant du risque que présentait une centrale nucléaire investie par des militants voulant dénoncer des failles de sécurité. Pour la Cour de cassation, « un danger futur qu'aucune mesure actuelle ne permettrait de prévenir ne peut être assimilé à un danger actuel ou imminent au sens de l'article 122-7 du Code pénal. » [3]. Mais on observera aussi que, dans cette affaire, l’évolution signalée ici était déjà en germe, car notre Haute juridiction relève également que « l'infraction poursuivie n'était pas, par elle-même, de nature à remédier au danger dénoncé ».

Elle a donc procédé en deux temps, comme l’exige le mécanisme de la justification. Elle ne s’est pas contentée d’observer que les faits ont été commis hors du champ d’application de l’article 122-7. Toutefois, dans les arrêts commentés ici, ce raisonnement en deux temps est escamoté. Les magistrats concèdent qu’il peut y avoir danger, ce qui concentre toute l’attention sur l’autre exigence d’une réponse à la fois nécessaire et non disproportionnée.

L’inconvénient d’une telle solution n’en ressort que mieux. Comment réagir face au réchauffement climatique ? Puisque l’article 122-7 du Code pénal est potentiellement applicable, quelles infractions peuvent être commises pour l’éviter, car on ne conçoit pas que, dans une situation aussi exceptionnelle, chacun doive se contenter d’exprimer son indignation face aux retards pris par les États dans le développement d’énergies alternatives ? Il est dommage que les juges du fond ne soient pas allés au bout de leur raisonnement dont la Cour de cassation ne semble pas percevoir le travers. Elle se réfugie derrière le pouvoir souverain d’appréciation des juridictions inférieures qui ont, à l’unisson, déclaré que le moyen choisi était inadéquat. Ce qui constitue une réponse a minima.

Car la censure demandée par les pourvois n’impliquait pas nécessairement une appréciation factuelle. Il ne s’agissait pas de revenir sur l’appréciation des premiers et seconds juges selon lesquels un vol de tableau ne peut avoir aucune conséquence sur le réchauffement climatique, de sorte qu’il n’est pas approprié au danger dénoncé. Il s’agissait d’élever le débat et de se demander si une action symbolique peut être prise en compte lorsqu’aucune action matérielle ne peut être engagée pour répondre au danger. Il y avait là une question de principe qui dépassait les faits de l’espèce et qui, abstraitement posée, relevait d’un contrôle de qualification appartenant au Juge du droit. En se réfugiant derrière le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, la Cour de cassation a refusé d’aborder ce problème de front. Elle n’a pas accepté l’argumentation du pourvoi qui consistait à rappeler que « l’action » avait été menée pour sensibiliser l’opinion publique afin qu’elle fasse pression sur le Gouvernement pour prendre des engagements sérieux dans la lutte contre le réchauffement de la planète. Parce qu’il ne s’agissait là que d’un moyen indirect d’action, les juges du fond n’en ont pas tenu compte et la Cour de cassation refuse de leur en faire grief.

Néanmoins, la question se posait et elle commandait une prise de position de sa part dès lors que les prévenus établissaient qu’ils n’ont pas cherché à abuser de la situation en commettant des violences ou en s’enrichissant, qu’ils n’ont donc pas dépassé les limites de leurs revendications et qu’ils n’avaient pas d’autres moyens pour alerter l’opinion publique que de mener cette opération de communication. Notre Haute juridiction n’a pas voulu envisager le problème ainsi et, pourtant, il se pose désormais en ces termes. Si on admet qu’une cause est juste à l’échelle collective, on ne peut se contenter d’envisager la réponse qui lui est apportée à l’échelle individuelle. C’est à l’échelle collective qu’une réponse doit être apportée. Or, à cette échelle, la réponse en cause parce qu’elle était essentiellement symbolique, n’apparaissait pas nécessairement excessive. Au cas d’espèce, la Cour de cassation ne pouvait certes pas le dire elle-même, mais elle aurait pu demander à une cour de renvoi de le vérifier. À défaut, quelle différence faire entre les décrocheurs poursuivis et des black-blocs qui, dans leur radicalité extrême, pensent que seule la violence permet de faire bouger les lignes ? Dès lors qu’ils ont admis les prémices du raisonnement développé par les prévenus, les magistrats ont adopté une conception restrictive de l’état de nécessité qu’ils ne peuvent plus défendre de façon cohérente. De surcroît, c’est un combat d’arrière-garde. La justification de tels faits paraît inévitable, mais… elle se profile sur un autre terrain.

B. L’exclusion de la CESDH

La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) adopte une conception large du droit à la liberté d’expression consacré par l’article 10 de la CESDH (N° Lexbase : L4743AQQ). Ce droit n’est pas réservé à la presse ou aux médias. Il appartient à chacun et légitime particulièrement les actions militantes lorsqu’elles s’inscrivent dans le cadre d’un débat d’intérêt général [4]. Par ailleurs, « lorsqu’une ONG appelle l’attention de l’opinion sur des sujets d’intérêt public, elle exerce un rôle de chien de garde public semblable par son importance à celui de la presse » [5]. Ce qui vaut pour la publication de propos dans la presse doit donc valoir également pour d’autres modes d’action plus radicaux : apposition de banderoles favorables à la cause homosexuelle [6] ou appel au boycott de produits venant d’un pays déterminé [7]. La seule limite que la Cour européenne semble mettre à cette forme d’activisme concerne les appels à la violence, à la haine ou à l’intolérance [8]. Ce qui a d’ores et déjà conduit la Cour de cassation à juger, par exemple, qu’une exhibition sexuelle peut être justifiée sur le fondement de l’article 10 de la CESDH [9]. Idem pour des faits d’escroquerie par dissimulation d’identité [10] ou de harcèlement moral [11]. Dans toutes ces hypothèses, l’illicéité de l’acte semblait acquise, mais les magistrats français ont préféré y voir un acte légitime compte tenu de l’objectif poursuivi qui pouvait être rattaché aux fins mêmes de la Convention, primant toute disposition interne en sens contraire.

Or, ce moyen a été rejeté abruptement dans l’une des deux affaires étudiées ici et il n’a même pas été présenté dans l’autre, ce qui conduit à des réactions différentes de la Cour de cassation en réponse aux pourvois qui l’invoque pourtant dans les mêmes termes.

Dans l’affaire ayant donné lieu au pourvoi n° 20-85.434, la cour d’appel avait écarté l’exception d’inconventionnalité au motif « que tous les prévenus ont eu l’intention d’appréhender ou d’aider à appréhender les portraits du président de la République, se comportant à leur égard, durant le temps de cette appropriation, comme leur véritable propriétaire » et que « la liberté d’expression, garantie par notre droit positif, ne peut être invoquée en l’espèce, car elle ne peut jamais justifier la commission d’un délit pénal » [12]. L’extrême généralité d’un tel motif étonne. Cette cour d’appel ne semble pas avoir été informée de la jurisprudence précitée qui fait pourtant beaucoup de bruit dans les Gazettes depuis quelques années… Logiquement, son refus de prendre en compte la CESDH entraîne la cassation de son arrêt. Au visa des articles 10 de la CESDH et 593 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3977AZC), la Cour de cassation lui rappelle que toute personne a droit à la liberté d’expression et qu’elle a déjà jugé que « l’incrimination d’un comportement constitutif d’une infraction pénale peut, dans certaines circonstances, constituer une ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression, compte tenu de la nature et du contexte de l’agissement en cause ». Elle cite à l’appui les arrêts évoqués ci-dessus rendus en matière d’escroquerie et d’exhibition sexuelle.

En conséquence, elle reproche à la cour d’appel de ne pas avoir recherché « ainsi qu’il le lui était demandé, si l’incrimination pénale des comportements poursuivis ne constituait pas, en l’espèce, une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression des prévenus ». Ce qui ne prend pas position sur le fond, mais laisse ouverte une possibilité de relaxe sur le fondement du texte conventionnel. La même cassation n’intervient pas dans l’affaire rendue sur le pourvoi n° 20-80.489, car la CESDH n’avait pas même été invoquée devant les juges du fond. Le pourvoi qui s’en prévaut finalement est donc rejeté au motif que ce « grief, nouveau et mélangé de fait est, comme tel, irrecevable, en ce qu’il invoque pour la première fois devant la Cour de cassation le caractère disproportionné de l’atteinte spécifique portée au droit des intéressés à leur liberté d’expression par les poursuites engagées pour vol aggravé, en violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme ». Ce qui constitue un motif habituel dans la jurisprudence de la Cour de cassation, mais nullement satisfaisant.

En effet, la CESDH est un texte d’ordre public. Son observation ne dépend pas du fait qu’une partie s’en prévaut : le respect des droits fondamentaux qu’il contient s’impose en toute hypothèse au juge répressif. Imaginerait-on que celui-ci puisse statuer au mépris du droit au procès équitable ou de l’exigence de légalité sous prétexte qu’aucun prévenu ne s’en plaint ? Cela reviendrait à admettre qu’il est possible de renoncer à la protection que ce texte prévoit, ce qui semble fort douteux, surtout de manière implicite. Les juges du fond ne peuvent statuer au mépris des précautions que ce texte leur impose de prendre. D’ailleurs, dans un arrêt au moins, la Cour de cassation l’a admis : elle a accepté à cette occasion de statuer sur un moyen tiré de la violation de l’article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR) soulevé pour la première fois devant elle [13]. Elle gagnerait à généraliser cette solution et à faire reproche aux juridictions inférieures de n’avoir pas mis en œuvre le contrôle de proportionnalité qu’elle prévoit lorsqu’elles statuent dans le périmètre de la liberté d’expression, car, à défaut, la juridiction de Strasbourg finira par lui en faire le reproche : elle ne peut accepter que des magistrats statuent dans l’ignorance d’un texte international, d’application directe, qui s’impose à eux. Il ne s’agit pas, pour la Cour de cassation de trancher elle-même une difficulté (impliquant nécessairement une appréciation des faits), mais d’exiger des juges du fond qu’ils s’en saisissent.

Au cas particulier, dans l’une des deux affaires, une cour de renvoi devra donc examiner la « conventionnalité » du comportement des décrocheurs. Elle pourra bien sûr apprécier librement les faits. Mais un précédent existe d’ores et déjà puisque, dans une autre poursuite engagée pour des faits équivalents, un tribunal correctionnel a relaxé les prévenus en relevant que « le fait justificatif résultant de la liberté d'expression peut prévaloir et justifier une relaxe en matière de délit vol en réunion des portraits du Président de la République au sein de Mairies, dans l'hypothèse où l'action en premier lieu, révélant une protestation politique/militante poursuivie pénalement s'inscrit dans un débat d'intérêt général, en deuxième lieu qu'elle soit nécessaire au travers d'une action contextualisée non violente et très limitée dans le temps, en troisième lieu qu'elle soit strictement proportionnée et enfin que les sanctions pénales encourues ne puissent être considérées comme disproportionnées » [14]. Il y a là matière à réflexion quant à l’emprise de la Convention sur notre droit pénal. Une réflexion qui interdit de la considérer comme étrangère à la répression du vol…

II. La punissabilité de l’opposition aux relevés d’empreintes ou prélèvements biologiques

Par ailleurs, l’enquête de police ouverte à l’encontre des décrocheurs aurait dû être l’occasion de procéder aux opérations de relevés signalétiques et prélèvements biologiques prévues aux articles 55-1, alinéa 3 et 706-56, II du Code de procédure pénale, sous la menace d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Ils ont toutefois refusé de s’y soumettre et ont été, en conséquence, supplémentairement poursuivis à ce titre. Néanmoins, dans l’affaire ayant donné lieu au pourvoi n° 20-85.434, une cassation est prononcée pour absence de motivation de la déclaration de culpabilité. La constance des faits ne pouvait dispenser les juges du fond de s’expliquer. Cette cassation ne présenterait pas beaucoup d’intérêt si elle n’intervenait pas en même temps que le rejet du pourvoi formé dans l’autre affaire conclue par une relaxe sur ce point.

En effet, dans la procédure ouverte sur le pourvoi n° 20-80.489, les prévenus avaient invoqué l’article 8 de la CESDH pour se défendre de cette nouvelle accusation. Or, la cour d’appel les a relaxés de ce chef. Certes, elle n’a pas condamné le principe d’une telle incrimination. Au contraire, elle a relevé « que les dispositions des articles 706-54 (N° Lexbase : L7692LPL) à 706-56, R. 53-9 (N° Lexbase : L8138LZG) et suivants du Code de procédure pénale, dans leur rédaction en vigueur à la date des faits, leur réservaient [aux prévenus], y compris pendant les poursuites concernant l’infraction dont ils étaient soupçonnés, la possibilité concrète, effective et certaine de solliciter, y compris devant un juge judiciaire, l’effacement des données enregistrées, dont, par ailleurs, la durée de conservation n’était ni infinie ni excessive au regard des infractions considérées et de l’objectif poursuivi par l’autorité publique de prévenir les infractions les plus graves ».

Mais, envisageant ensuite l’application de ces textes, la cour d’appel a estimé qu’elle risquait d’apparaître excessive au regard de la garantie découlant de l’article 8 de la CESDH. Elle a ainsi relevé « que l’infraction a été commise dans un contexte non crapuleux, mais dans celui d’une action politique et militante, entreprise dans un but d’intérêt général » ; elle a par ailleurs retenu « une disproportion entre, d’une part, la faible gravité objective et relative du délit dont les intéressés étaient soupçonnés au moment de leur refus de se soumettre au prélèvement litigieux et, d’autre part, l’atteinte au respect de la vie privée consécutive à l’enregistrement au FNAEG, même sous les garanties relevées plus haut, des résultats des analyses des échantillons biologiques prélevés ».

En conséquence, la cour d’appel a estimé devoir écarter la prévention dans le cadre du contrôle de proportionnalité qu’elle a exercé à titre subsidiaire. Or, la Cour de cassation l’approuve. Elle juge que : « en prononçant ainsi, la cour d’appel a pu, sans se contredire, énoncer, d’une part, que les articles 706-54 à 706-56, R.53-9 et suivants du Code de procédure pénale, dans leur rédaction en vigueur à la date des faits, n’étaient pas contraires en eux-mêmes à l’article 8 de  la Convention européenne des droits de l’Homme, et retenir, d’autre part, dans le cadre de l’exercice de son contrôle de proportionnalité, une disproportion entre les faits reprochés aux prévenus et l’atteinte au respect de leur vie privée résultant de l’enregistrement de leur empreinte génétique au FNAEG ». Ce motif rachète quelque peu l’impression d’hostilité au droit européen découlant des motifs précédents. Il semble par ailleurs témoigner d’une prise en compte, tardive, mais réelle, de la spécificité de l’action militante.

Il appelle cependant quelques observations, car le pourvoi du procureur général sur ce point paraissait fondé à dénoncer une contradiction de motifs. En effet, la cour d’appel semble avoir exercé deux fois un contrôle de proportionnalité là où il lui appartenait d’apprécier d’abord la légalité de l’ingérence dans la vie privée des prévenus puis la proportionnalité de celle-ci.

Au cas particulier, il était acquis que les prélèvements étaient de nature à porter atteinte à la vie privée des intéressés. La Cour européenne l’a déjà jugé [15]. Seule comptait donc la mise en œuvre du test des trois étapes découlant de l’article 8, § 2, de la CESDH : une restriction dans la vie privée d’autrui n’est légitime que si elle repose sur une base légale, poursuit un but légitime et n’apparaît pas excessive par rapport au but ainsi recherché.

Le premier temps de ce contrôle portait donc sur la base textuelle de l’ingérence. C’est ici que l’arrêt d’appel a posé problème. Il s’agissait seulement de vérifier qu’un texte existait et que, au regard de la conception matérielle de la légalité prévalant à Strasbourg, son application était raisonnablement prévisible. Mais la cour d’appel ne s’est pas contentée de cette appréciation. Elle a cru bon d’insister sur le fait que la base légale existante était équilibrée puisqu’elle limitait dans le temps la conservation des données issues du contrôle et offrait une possibilité d’effacement aux suspects [16]. Or, ces motifs s’avèrent inopérants. À ce stade, il ne s’agissait pas d’apprécier abstraitement la proportionnalité d’un tel dispositif, mais uniquement sa légalité.

Ensuite, il convenait de s’assurer qu’une telle ingérence poursuivait un but légitime (ce qui ne saurait être contesté compte tenu de la façon très large dont ce but est envisagé à Strasbourg).

Enfin, il appartenait aux juges du fond de vérifier si, concrètement, au regard des faits de l’espèce, les relevés et prélèvements ne portaient pas une atteinte excessive à la vie privée des intéressés. C’est ici, et ici seulement, qu’aurait dû apparaître le contrôle de proportionnalité. La cour d’appel ayant, au contraire, dit abstraitement que le texte prévoyant l’obligation de relevé et prélèvement ne réalisait pas une ingérence disproportionnée dans la vie privée d’autrui puis ayant dit concrètement qu’il réalisait une telle ingérence, une contradiction semblait bien affecter son arrêt. Cependant, cette contradiction ne lui est pas reprochée dans la mesure où elle repose sur un premier motif sans intérêt. La légitimation abstraite d’une ingérence au regard de l’article 8 de la CESDH n’interdit pas de considérer que la mise en œuvre effective de cette ingérence serait excessive. Sans doute, l’arrêt d’appel aurait-il pu être mieux rédigé, mais sa maladresse initiale n’appelait pas une censure. On ne saurait donc voir là un renforcement ou une autonomisation du contrôle de proportionnalité par rapport à ce qu’exige le droit européen.

Tout au plus, au cas particulier, relèvera-t-on une nouvelle extension de l’effet justificatif de la Convention [17]. Elle doit être lue dans la perspective de l’arrêt Aycaguer c/ France à l’occasion duquel la Cour européenne avait déjà dénoncé le fait – mais, il est vrai, sous un aspect différent – qu’aucune distinction n’était faite entre les crimes les plus graves et les infractions minimes justifiant la prise d’empreintes et la conservation de telles données [18]. Le contrôle exercé ici semble d’autant plus légitime qu’il était déjà suggéré par le Conseil constitutionnel. En effet, dans sa décision n° 2003-467 DC, du 13 mars 2003 [19], l’organe de la rue de Montpensier a émis une réserve d’interprétation sur l’actuel article 55-1 du Code de procédure pénale : « il appartiendra toutefois à la juridiction répressive, lors du prononcé de la peine sanctionnant ce refus, de proportionner cette dernière à celle qui pourrait être infligée pour le crime ou le délit à l'occasion duquel le prélèvement a été demandé » (§ 57). En statuant de la sorte, le Conseil a donc invité les juges du fond à proportionner la sanction d’un refus de prélèvement à la gravité de l’infraction poursuivie à titre principal… À l’aune de la CESDH, des juges du fond finissent par admettre, avec l’aval de la Cour de cassation, qu’aucune sanction n’apparaît légitime lorsque ce refus de prélèvement intervient en marge de la poursuite d’infractions sans gravité !

 

[1] V., E. Dreyer, Droit pénal général, LexisNexis, 6e éd., 2021, p. 973 et s.

[2] Cass. crim., 3 mai 2011, n° 10-81.529, FS-D (N° Lexbase : A2474HQP) : S. Detraz, obs., Gaz. Pal., 27‑28 juillet 2011, p. 20 – Cass. crim., 7 février 2007, n° 06-80.108, F-D (N° Lexbase : A3018D9N) : A. Darsonville, obs., D., 2007, p. 573 – Cass. crim., 19 novembre 2002, n° 02-80.788 (N° Lexbase : A2434CXG) : D. Mayer, note, D., 2003, p. 1315.

[3] Cass. crim. 15 juin 2021, n° 20-83.749, F-B (N° Lexbase : A00954WG) : A. Dejean de la Bâtie, note, D., 2021, p. 1661 ; J.-Ch. Saint-Pau, note, JCP G, 2021, 840 ; E. Dreyer, note, Légipresse, 2021, p. 429.

[4] CEDH, 15 février 2005, Req. 68416/01, Steel et Morris c/ RU, § 90 (N° Lexbase : A7030DGH).

[5] CEDH Gde ch., 22 avril 2013, Req. 48876/08, Animal Defenders International c/ RU, § 103 (N° Lexbase : A4226KCI).

[6] CEDH, 20 juin 2017, Req. 67667/09, Bayev et a. c/ Russie, § 83 (N° Lexbase : A516847K).

[7] CEDH, 11 juin 2020, Req. 15271/16, Baldassi et a. c/ France, § 63 (N° Lexbase : A28003NZ).

[8] CEDH, 15 octobre 2015, Req. 27510/08, Perinçek c/ Suisse, § 231 (N° Lexbase : A2687NTP).

[9] Cass. crim., 26 février 2020, n° 19‑81.827, FS-P+B+I (N° Lexbase : A39993G9) : P. Conte, obs., Dr. pén., 2020, comm. 69 ; D. Roets, note, Gaz. Pal., 17 mars 2020, n° 11, p. 16 ; Y. Mayaud, obs., RSC, 2020, p. 307.

[10] Cass. crim., 26 octobre 2016, n° 15-83.774, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3210SCU) : G. Beaussonie et B. de Lamy, note, JCP G, 2016, 1314 ; Dr. pén., 2017, comm. 2 ; H. Matsopoulou, obs., RSC 2016, p. 767.

[11] Cass. crim., 13 octobre 2020, n° 19-85.632, FS-D (N° Lexbase : A95723XS) : P. Conte, obs., Dr. pén. 2021, comm. 4 ; E. Dreyer, obs., RSC, 2021, p. 105.

[12] CA Bordeaux, 16 septembre 2020 : J. Gazelix, note, Gaz. Pal., 10 novembre 2020, p. 17.

[13] V., prétendant que ce moyen avait tout au plus été invoqué en substance devant les juges du fond : Cass. crim., 12 avril 2016, n° 16-82.175, FS-P+B (N° Lexbase : A7059RIB).

[14] TJ Auch, 27 octobre 2020, n° 19346000005 (N° Lexbase : A996633I) : E. Dreyer, obs., Légipresse, 2020, p. 680.

[15] CEDH, 18 avril 2003, Req. 19522/09, K. c/ France, § 29 (N° Lexbase : A4225KCH).

[16] De tels motifs semblent repris d’une décision du Conseil constitutionnel déclarant conforme à la Constitution les articles 706-54 (N° Lexbase : L7692LPL), 705-55 (N° Lexbase : L4900K8Y) et 706-56 (N° Lexbase : L7691LPK) du Code de procédure pénale (Cons. const., décision n° 2010-25 QPC, du 16 septembre 2010 N° Lexbase : A4757E93) : J. Danet, obs., AJ pénal, 2010, p. 545). Toutefois, ces motifs généraux allaient bien au-delà de ce qui était nécessaire ici (V. aussi Cass. crim., 15 janvier 2019, n° 17-87.185, FS-P+B N° Lexbase : A6746YTZ) : P. Reviron, obs., AJ pénal, 2019, p. 163).

[17] V., contestant au contraire le principe d’une ingérence dans la vie privée d’un suspect à cette occasion, Cass. crim., 28 octobre 2020, n° 19-85.812, F-P+B+I (N° Lexbase : A49423Z3) : A. Maron et M. Haas, obs., Dr. pén., 2020, comm. 214 ; F. Fourment, obs., Gaz. Pal., 16 février 2021, n° 7, p. 63. – V., aussi, refusant d’admettre le caractère excessif de telles opérations, Cass. crim., 3 mars 2021, n° 19-86.847, F-D (N° Lexbase : A01404KE) : S. Detraz, obs., Gaz. Pal., 11 mai 2021, n° 18, p. 49.

[18] CEDH, 22 juin 2017, Req. 8806/12, Aycaguer c/ France, § 43 (N° Lexbase : A4479WK4).

[19] Cons. const., décision n° 2003-467, du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure (N° Lexbase : A4715A7R).

newsid:478892

Bancaire

[Brèves] Précisions sur le droit applicable à l’action exercée en raison du défaut de communication du taux et/ou de la durée de la période

Réf. : Cass. civ. 1, 22 septembre 2021, n° 19-25.316, FS-B (N° Lexbase : A134447W)

Lecture: 8 min

N8883BYN

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par Jérôme Lasserre Capdeville

Le 29 Septembre 2021

► Pour la Cour de cassation, dans la suite de son arrêt remarqué du 10 juin 2020 (Cass. civ. 1, 10 juin 2020, n° 18-24.287, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A54113NQ), il convient de poursuivre l’uniformisation des sanctions en matière de taux effectif global erroné et de juger que le défaut de communication du taux et/ou de la durée de la période est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, sous réserve que l’écart entre le TEG mentionné et le taux réel soit supérieur à la décimale prescrite par l’annexe à l’ancien article R. 313-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L3654IPZ).

Selon l’article R. 314-2, alinéa 2, du Code de la consommation (N° Lexbase : L1402K9S), le taux de période est un taux « calculé actuariellement, à partir d’une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l’emprunteur ». Ce taux de période est donc une sorte de taux « tout compris » calculé à partir d’une période unitaire, généralement mensuelle, correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur.

Depuis quelques années, la jurisprudence cherche à encadrer le droit applicable à l’absence de mention de ce taux de période (v. not., Cass. civ. 1, 5 février 2020, n° 19-11.939, FS-P+B+I N° Lexbase : A37993D3 ; G. Biardeaud, Lexbase Affaires, mars 2020, n° 626 N° Lexbase : N2400BYK – Cass. civ. 1, 5 février 2020, n° 18-26.769, F-P+B+I N° Lexbase : A37973DY ; J. Lasserre Capdeville, Lexbase Affaires, février 2020, n° 624 N° Lexbase : N2196BYY – Cass. civ. 1, 6 janvier 2021, n° 18-25.865, F-P N° Lexbase : A88624BT ; J. Lasserre Capdeville, Lexbase Affaires, janvier 2021, n° 661 N° Lexbase : N6038BYB). Nous en avons ici une nouvelle illustration.

Faits et procédure. En l’espèce, la banque X. avait consenti à M. et Mme H. deux offres de prêts immobiliers, formalisés par actes authentiques les 17 et 23 octobre 2008. Or, arguant notamment d’un défaut de communication du taux de période du taux effectif global (TEG) de chacun des contrats, les emprunteurs avaient sollicité la nullité des stipulations d’intérêts. La cour d’appel de Douai avait alors été amenée à se prononcer par une décision du 19 septembre 2019, rendue sur renvoi après cassation (Cass. civ. 1, 11 janvier 2017, n° 15-24.914, F-D N° Lexbase : A0849S8X).

Arrêt d’appel. La cour d’appel avait, en l’occurrence, prononcé la nullité des stipulations d’intérêts mentionnées dans les contrats de prêts immobiliers et substitué le taux d’intérêt légal aux taux conventionnels, après avoir constaté que les taux de période des TEG des prêts incluant la période d’anticipation n’avaient été ni mentionnés ni communiqués aux emprunteurs.

Décision. Cette solution n’est cependant pas partagée par la Cour de cassation. Sa décision se veut très motivée.

Elle commence par indiquer qu’il ressort des anciens articles L. 313-1 (N° Lexbase : L6649IM9) et L. 313-2 (N° Lexbase : L1518HI3) du Code de la consommation, et de l’article R. 313-1 du même code, que le TEG doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt, mais aussi qu’il est, pour les opérations de crédit immobilier, un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires, et que le taux de période ainsi que la durée de la période doivent être expressément communiqués à l’emprunteur (§ 4).

Elle rappelle ensuite que s’agissant de l’offre de crédit immobilier, en application des textes précités et des articles L. 312-8, 3° (N° Lexbase : L7512IZA), et L. 312-33 (N° Lexbase : L7965IZZ) du Code de la consommation, le défaut de mention du TEG ou son caractère erroné est sanctionné par la déchéance, totale ou partielle, du droit aux intérêts. Cette sanction, qui s’applique au défaut de communication du taux et/ou de la durée de la période, ne saurait cependant être prononcée lorsque l’écart entre le taux effectif global mentionné et le taux réel est inférieur à la décimale prescrite par l’annexe à l’article R. 313-1 mentionné précédemment (§ 5).

En outre, s’agissant de l’écrit qui constate le contrat de crédit immobilier, la Cour de cassation indique qu’il a été jugé que l’inexactitude de la mention du TEG, comme l’omission de la mention de ce taux, qui privent l’emprunteur d’une information sur son coût, emportent l’annulation de la clause stipulant l’intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l’intérêt légal, lorsque l’écart entre le taux mentionné dans le contrat de crédit et le taux réel est supérieur à la décimale prescrite par l’annexe à l’article R. 313-1 susvisé. Elle complète ces rappels en visant un certain nombre de décisions remarquées de sa première chambre civile (§ 6).

Un cas particulier est, ensuite, abordé : le cas des contrats souscrits postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 (N° Lexbase : L1483LRD), en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un contrat de prêt. Dans cette hypothèse, en effet, le prêteur n’encourt pas l’annulation de la stipulation de l’intérêt conventionnel, mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l’emprunteur (§ 7).

Mais qu’en est-il pour les contrats souscrits antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée ? La Cour de cassation indique que le régime des sanctions a été uniformisé et qu’il a ainsi été jugé qu’en cas d’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge (Cass. civ. 1, 10 juin 2020, n° 18-24.287, préc. ; G. Biardeaud, Lexbase Affaires, juin 2020, n° 640 N° Lexbase : N3804BYK) (§ 8).

Après ces rappels intéressant avant tout le TEG/TAEG, la Haute juridiction s’intéresse au taux de période. Elle déclare qu’il était jugé, par le passé, que le défaut de communication du taux et/ou de la durée de la période dans le contrat de prêt ou un document relatif à celui-ci était sanctionné par la nullité de la clause stipulant l’intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l’intérêt légal (en ce sens, Cass. civ. 1, 1er juin 2016, n° 15-15.813, F-D N° Lexbase : A8710RRZ – Cass. civ. 1, 7 mars 2019, n° 18-11.617, F-D N° Lexbase : A7329Y7L – Cass. civ. 1, 27 mars 2019, n° 18-11.448, F-D N° Lexbase : A7221Y7L) (§ 9).

Elle en profite alors pour rappeler des évolutions jurisprudentielles auxquelles elle tient. En effet, « pour les motifs exposés au point 8 et dans la suite de l’arrêt précité du 10 juin 2020, il convient de poursuivre l’uniformisation des sanctions et de juger que le défaut de communication du taux et/ou de la durée de la période est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, sous réserve que l’écart entre le TEG mentionné et le taux réel soit supérieur à la décimale prescrite par l’annexe à l’article R. 313-1 susvisé ». Nous retrouvons là, en substance, les évolutions figurant dans ses deux décisions remarquées du 5 février 2020 (Cass. civ. 1, 5 février 2020, deux arrêtés, n° 19-11.939, préc., et n° 18-26.769, préc.).

Elle en conclut alors que la cour d’appel Douai ne pouvait pas, comme elle l’avait fait, prononcer la nullité des stipulations d’intérêts mentionnées dans les contrats de prêts immobiliers et les substituer par le taux d’intérêt légal. En effet, en statuant ainsi, alors que « n’était nullement allégué un écart entre le TEG mentionné et le TEG réel supérieur ou égal à la décimale et qu’est seule encourue la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts », la cour d’appel avait violé les textes précités.

Cette décision témoigne de la volonté de la première chambre civile de mettre un terme, ou du moins de limiter à l’extrême, le contentieux lié au taux de période non mentionné par écrit. Elle reprend ainsi ses jurisprudences déjà développées en matière de recours indu à « l’année lombarde » et de TEG/TAEG erroné : d’une part, elle exige une erreur ayant suffisamment d’impact sur le TEG et, d’autre part, elle se prononce en faveur d’une sanction offrant un pouvoir de modulation au juge (qui pourra ainsi ramener la déchéance à un pourcentage symbolique des intérêts).

newsid:478883

Congés

[Brèves] Arrêt maladie longue durée : un règlement intérieur ne peut avoir pour effet de priver le salarié du report de l’intégralité des congés payés à la date de reprise du travail

Réf. : Cass. soc., 15 septembre 2021, n° 20-16.010, FS-B (N° Lexbase : A912844T)

Lecture: 3 min

N8858BYQ

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par Laïla Bedja

Le 27 Septembre 2021

► Eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés annuels la Directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 (N° Lexbase : L5806DLM), concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l’année prévue par le Code du travail ou une convention collective, en raison d’absences liées à une maladie, à un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de la reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés au titre de l’article L. 3141-26 du Code du travail (N° Lexbase : L6923K9B), dans sa rédaction alors applicable.

Les faits et procédure. Une salariée a été engagée le 30 novembre 2006 par un service de médecine préventive. Elle a été mise en arrêt de travail du 27 décembre 2013 au 24 janvier 2016. Elle soutient avoir acquis des congés au cours de cette période et a donc saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement d’une indemnité pour congé annuel et de dommages-intérêts pour discrimination indirecte.

Deux pourvois étaient formés. Le pourvoi principal est celui de l’employeur qui conteste l’attribution d’un droit aux congés annuels pour la salariée alors que l’article XIV du règlement intérieur type annexé à la convention collective nationale des organismes de Sécurité sociale du 8 février 1957 énonce, selon son interprétation, que, si l’arrêt-maladie a, en tout, duré douze mois ou plus, aucun droit à congés annuels ne saurait, alors, être acquis par le salarié.

Le second pourvoi émane de la salariée qui conteste la limite d’indemnisation donnée par la cour d’appel. Selon elle, elle devrait bénéficier de l’intégralité du report, peu importe la durée de son arrêt de travail.

Rejet du pourvoi de l’employeur et cassation sur le pourvoi incident de la salariée. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette le pourvoi de l’employeur et accède à celui de la salariée. En effet, le paragraphe XIV du règlement intérieur type annexé à la Convention collective a pour objet de limiter à douze mois la période pendant laquelle un salarié, absent pour l’une des causes qu’il prévoit, peut acquérir des droits à congés payés et non d'organiser la perte de droits acquis qui n'auraient pas été exercés au terme d'un délai de report substantiellement supérieur à la période de référence.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : L'incidence de la maladie non professionnelle sur le contrat de travail, Les effets de la suspension du contrat pour maladie sur les congés, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E3213ET8).

newsid:478858

Élections professionnelles

[Brèves] Non-respect des règles de parité des listes : pas de remplacement du titulaire par un suppléant

Réf. : Cass. soc., 22 septembre 2021, n° 20-16.859, F-B (N° Lexbase : A135747E)

Lecture: 2 min

N8891BYX

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par Charlotte Moronval

Le 28 Septembre 2021

► Le remplacement par un suppléant du titulaire d’un mandat momentanément empêché de l’exercer ou du titulaire d’un mandat qui vient à cesser ses fonctions pour l’un des événements limitativement énumérés par la loi n’est pas possible lorsque les élections ont été annulées pour non-respect des règles de représentation équilibrée.

En l’espèce. Dans le cadre d’un contentieux en annulation d’un candidat élu pour non-respect de la représentation équilibrée, un employeur a formulé une demande visant, en cas d’annulation de l’élu, à ce que soit désigné comme titulaire l’élu suppléant de la liste présentée par le même syndicat.

La procédure. Le tribunal judiciaire dit n’y avoir lieu à désigner un remplaçant pour occuper le siège de membre titulaire laissé vacant, à la suite de l’annulation de l’élection du candidat élu. L’employeur forme un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale rejette le pourvoi. Après avoir constaté l’irrégularité de la liste de candidats présentée par le syndicat et annulé en conséquence l’élection d’un élu surnuméraire du sexe surreprésenté, le tribunal, qui a retenu que l’annulation de l’élection ne figure pas au nombre des causes de cessation des fonctions pour l’un des événements limitativement énumérés par la loi et qu’aucun renvoi n’est envisagé par le législateur aux dispositions relatives au remplacement d’un délégué titulaire qui cesse ses fonctions, a, à bon droit, écarté l’application des dispositions de l’article L. 2314-37 du Code du travail (N° Lexbase : L8323LGD) et dit qu’il n’y avait pas lieu à désigner un remplaçant pour occuper le siège de membre titulaire ainsi laissé vacant.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : Le déroulement des élections des membres de la délégation du personnel au comité social et économique, La représentation équilibrée des femmes et des hommes, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E1916GA9).

newsid:478891

Environnement

[Brèves] Projet de regroupement d’exploitation d’un élevage autorisé au titre des ICPE (« ferme des mille vaches ») : silence du préfet vaut rejet

Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 23 septembre 2021, n° 437748, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A520447U)

Lecture: 2 min

N8884BYP

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par Yann Le Foll

Le 28 Septembre 2021

Le silence du préfet après qu’un projet de regroupement d’exploitation d’un élevage autorisé au titre des ICPE ait été porté à sa connaissance vaut rejet de la demande, dès lors qu’elle est susceptible de rendre nécessaire le dépôt d’une nouvelle demande d’autorisation devant faire l’objet de l’étude d’impact préalable prévue à l’article L. 122-1 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L5478LT3).

Faits. La société requérante demandait notamment l’annulation de l'arrêté du 1er juillet 2015 par lequel le préfet de la Somme l'a mise en demeure, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cet arrêté, de mettre ses effectifs de vaches laitières en conformité avec les dispositions de l'article I-I-I de l'arrêté préfectoral du 1er février 2013 l'autorisant à exploiter un élevage de 500 vaches laitières et une unité de méthanisation, sur le territoire des communes de Buigny-Saint-Maclou et Drucat.

Application. Dès lors, en jugeant que la procédure prévue à l'article R. 515-53 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7496IWK) relevait des dispositions spéciales de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement et n'entrait pas, en conséquence, dans le champ du principe résultant de l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000,  relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (N° Lexbase : L0420AIE), désormais repris aux articles L. 231-1 (N° Lexbase : L1842KNK) et suivants du Code des relations entre le public et l'administration, de sorte que le silence gardé pendant deux mois par le préfet sur la demande de la SCEA Côte de la Justice tendant à la délivrance de l'autorisation de regroupement, enregistrée le 16 mars 2015, n'avait pas fait naître une décision implicite d'acceptation, la cour administrative d'appel de Douai (CAA Douai, 1ère ch., 19 novembre 2019, n° 17DA01732 N° Lexbase : A86123A9) n'a pas commis d'erreur de droit (voir, dans le sens contraire, TA Amiens, 29 juin 2017, n° 1502616 N° Lexbase : A1727WLK, admettant dans la même affaire un avis implicite d’acceptation).

newsid:478884

Fiscalité du patrimoine

[Brèves] Calcul du gain taxable d’une plus-value mobilière et taux de change

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 13 septembre 2021, n° 443914, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9245448)

Lecture: 5 min

N8803BYP

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par Marie-Claire Sgarra

Le 27 Septembre 2021

Le Conseil d’État est revenu dans un arrêt du 13 septembre 2021 sur le traitement fiscal d’une plus-value mobilière d’un particulier et la conséquence de la conversion en euros des prix effectifs d’acquisition et de cession aux dates de l’acquisition et de la cession.

Les faits :

  • les requérants ont cédé des actions d’une société américaine ; ils ont déclaré à l'administration fiscale, au titre de cette opération, un gain net dans l'annexe n° 2074 jointe à leur déclaration de revenu global déposée au titre de l'année 2015 ;
  • à la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause le calcul de ce gain net, estimant que son montant devait être établi à hauteur de la différence entre les prix de cession et d'acquisition mentionnés ci-dessus, après conversion de chacun d'entre eux sur la base des cours du dollar américain respectivement au moment de la cession et de l'acquisition ;
  • la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par les requérants contre le jugement du tribunal administratif de Paris ayant rejeté leur demande tendant à la réduction, sur les mêmes bases que celles exposées dans leur réclamation, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes (CAA Paris, 31 juillet 2020, n° 19PA02095 N° Lexbase : A18823SI).

🔎 Principes :

  • la plus ou moins-value de cession de valeurs mobilières est constituée par la différence entre le prix effectif de cession des titres et leur prix d’acquisition (CGI art. 150-0 D N° Lexbase : L2206LYD) ;
  • le prix de cession et le prix d’acquisition comprennent toutes les charges et indemnités stipulées au profit du cédant ou d’un tiers, à quelque titre que ce soit, en rémunération de l’opération (CGI, art. 74-0 B, annexe II N° Lexbase : L5396I4M) ;
  • en cas de transaction sur un marché situé hors de France, ce cours doit être converti en euros par application du taux de change applicable à la date de l’opération (BOI-RPPM-PVBMI-20-10-10-10 N° Lexbase : X5822AL9).

    ⚖️ En appel, la cour administrative d’appel de Paris a jugé que lors d’une opération de cession de titres en devises, il convient d’appliquer respectivement le taux de change en vigueur à la date d’acquisition et celui à la date de cession.

    💡 À noter :

    • dans une affaire précédente, la cour administrative d’appel de Nancy avait pris la position inverse (CAA Nancy, 16 mai 2007, n° 05NC01153 N° Lexbase : A8427DWZ) ;
    • dans son arrêt, la cour administrative d’appel de Paris a appliqué la solution retenue par la cour administrative de Marseille en matière de plus-value immobilière privée (CAA Marseille, 4 février 2020, n° 18MA04333 N° Lexbase : A26663GT).

    ⚖️ Solution du Conseil d’État. Il y a lieu de déterminer les prix effectifs d'acquisition et de cession en euros, le cas échéant en convertissant en euros, sur la base des taux de change applicables respectivement à la date d'acquisition ou de cession, les prix qui ont été réglés au moment de ces opérations en devises.

    👉 Il en résulte que les gains ou pertes de change pouvant être constatés lors de cessions de valeurs mobilières, droits sociaux et titres assimilés ainsi définis constituent une composante des gains nets ou moins-values réalisés et sont pris en compte pour la détermination des sommes imposables en application de l'article 150-0 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L0732L7A).

    👉 « En jugeant que le gain net tiré de l'opération en litige devait être établi globalement à hauteur de la différence entre le prix de cession des titres détenus par les requérants, converti en euros sur la base du taux de change du dollar américain à la date de cette cession, et le prix d'acquisition de ces mêmes titres, converti en euros sur la base du taux de change du dollar américain à la date de cette acquisition, la cour administrative d'appel de Paris n'a ni commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits ».

    💡 S'agissant des plus-values mobilières relevant des BIC, le Conseil d’État a jugé que le lieu d’imposition d’un gain de change provenant de la vente d’un immeuble situé à Tokyo est imposable dans l’État de situation de l’immeuble (CE 9° et 10 ssr., 12 mars 2014, n° 352212, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9161MGE).

    Lire sur cet arrêt, F. Llinas, Traitement des gains ou perte de change afférents à des immeubles localisés à l'étranger et détenus directement par une société française, Lexbase Fiscal, mai 2014, n° 569 (N° Lexbase : N1949BUQ).

    💡 S’agissant du lieu d’imposition des gains d’un swap immobilier, le Conseil d’État avait jugé que le lieu d’imposition des gains d’un swap sur un emprunt immobilier était celui de la réalisation de ce gain mobilier et non celui de la situation de l’immeuble (CE 3° et 8° ssr., 1er octobre 2013, n° 351982, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3386KMD). En l'espèce, une société, qui a pour activité la location d'immeubles aux sociétés filiales d'un groupe bancaire, auquel elle appartient, a acquis, auprès d'une société française, un immeuble situé à Londres. Cette acquisition a été financée, d'une part, par une augmentation de capital accompagnée d'un contrat d'échange de devises (ou swap), souscrit avec la société mère, lequel s'est dénoué par un gain de change et des produits financiers techniques, d'autre part, par un emprunt à long terme contracté auprès de la succursale londonienne de la banque, au titre duquel la société a bénéficié d'écarts de conversion positifs ainsi que d'un gain de change.

     

     

     

     

    newsid:478803

    Fonction publique

    [Brèves] Possibilité d’imposer l’obligation vaccinale contre la covid-19 aux agents territoriaux des crèches municipales

    Réf. : TA Cergy-Pontoise, 17 septembre 2021, n° 2111434 (N° Lexbase : A925044D)

    Lecture: 2 min

    N8854BYL

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    par Yann Le Foll

    Le 23 Septembre 2021

    ► L’obligation vaccinale contre la covid-19 imposée aux agents territoriaux des crèches municipales ne constitue pas une atteinte manifestement illégale à leur droit au travail et à leur vie privée.

    Requête. Est ici demandée la suspension de l’exécution des décisions des 20 et 25 août 2021 par lesquelles la commune de Nanterre impose la vaccination obligatoire contre la covid-19 aux agents territoriaux affectés dans les établissements de la petite enfance de la commune.

    Position TA. Il résulte du I de l’article 12 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021, relative à la gestion de la crise sanitaire (N° Lexbase : L4664L7U), et de l’article 49-2 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021, prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire (N° Lexbase : L7002L44), que le législateur a entendu définir le champ d’application de l’obligation vaccinale dans les secteurs de la santé et médico-social, soit selon un critère géographique fondé sur le lieu d’exercice de la profession, soit selon un critère exclusivement fondé sur l’appartenance des personnes concernées à l’une des professions de santé reconnues par le Code de la santé publique, quel que soit le lieu d’exercice de leur profession, indépendamment du lieu de leur activité professionnelle ou du statut d’emploi dans lequel ils l’exercent.

    L’obligation vaccinale n’est donc pas conditionnée au fait que les professionnels de santé concernés par l’obligation vaccinale contre la covid-19 définie au 2° du I de l’article 12 précité de la loi du 5 août 2021 et les personnels non médicaux doivent effectivement exercer leur activité dans un lieu ou un service principalement dédié aux activités de soin, comme l’affirme le syndicat requérant.

    Enfin, les prises de position de la direction générale de la cohésion sociale de la direction générale des collectivités territoriales ne sauraient, en tout état de cause, avoir pour objet ou pour effet de restreindre la liste des personnes assujetties à l’obligation vaccinale définie par le législateur.

    La requête est donc rejetée (voir dans le même sens pour les personnels de la protection maternelle et infantile, TA Pau, 16 septembre 2021, n° 2102411 N° Lexbase : A086747A).

    Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le contenu des obligations des fonctionnaires, L'obligation d’obéissance et l'obligation de désobéissance, in Droit de la fonction publique, (dir. P. Tifine) (N° Lexbase : E56493M8).

    newsid:478854

    Soins psychiatriques sans consentement

    [Brèves] Mainlevée d’une décision de soins psychiatriques sans consentement : l’atteinte aux droits du patient résultant du non-respect de la condition d’examen mensuel doit être caractérisée

    Réf. : Cass. civ. 1, 15 septembre 2021, n° 20-15.610, F-B (N° Lexbase : A564444S)

    Lecture: 2 min

    N8826BYK

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    par Laïla Bedja

    Le 27 Septembre 2021

    ► L'irrégularité affectant une décision administrative de soins psychiatriques sans consentement n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en fait l'objet (CSP, art. L. 3216-1 N° Lexbase : L0678LTB) ; pour ordonner cette mainlevée, l’atteinte doit être caractérisée.

    Les faits et procédure. Une personne a été admise en soins psychiatriques sans consentement le 17 juin 2019, sur décision du représentant de l’État, en application de l’article L. 3213-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L3005IYX). Le 20 novembre 2019, le patient a saisi le juge des libertés et de la détention d’une demande de mainlevée de la mesure.

    Pour ordonner la mainlevée de la mesure, le premier président de la cour d’appel a énoncé que le non-respect de l’article L. 3213-3 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L3006IYY) qui conditionne le maintien de l’hospitalisation à la réalisation d’un examen mensuel du patient, porte irrémédiablement atteinte aux droits de la personne et doit entraîner la mainlevée de la mesure. Dans les faits, il a pu constater ce manquement, le certificat médical du 13 janvier 2020, réalisé plus d’un mois après le précédent, daté du 11 décembre 2019 étant tardif. Selon le juge, il est indifférent qu’aucun grief ne soit développé. Il prolonge son raisonnement en ajoutant que « toute autre solution aurait pour conséquence de permettre de maintenir une personne sous la contrainte des soins ordonnés par le représentant de l'État sans examen pendant une période pouvant durer jusqu'à soixante jours, sans que sa situation ne la mette en mesure d'articuler des griefs, de sorte que la capacité de contester la décision deviendrait purement théorique. »

    Cassation. Rappelant la nécessité d’une caractérisation de l’atteinte au droit du patient dont certaines conditions du maintien de l’hospitalisation, la Haute juridiction casse et annule l’ordonnance rendue par le premier président de la cour d’appel.

    Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : Les soins psychiatriques sans consentement, Le déroulement de la mesure de soins psychiatriques, in Droit médical, Lexbase (N° Lexbase : E7542E99).

    newsid:478826

    [Brèves] Rappel : l’engagement de caution manifestement disproportionné prive le cautionnement d'effet à l'égard des cofidéjusseurs ayant acquitté la dette

    Réf. : Cass. civ. 1, 8 septembre 2021, n° 19-24.129, F-D (N° Lexbase : A245844S)

    Lecture: 4 min

    N8842BY7

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    par Vincent Téchené

    Le 27 Septembre 2021

    ► L’impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir d’un engagement de caution manifestement disproportionné prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire.

    Faits et procédure. Par offres préalables des 13 février et 21 mai 2008, une banque a consenti à une SCI deux prêts immobiliers garantis par des engagements de caution, d'une part, de la société Crédit logement, d'autre part, dans la limite de certains montants de Mme X, Mme Y et M. Z pour le premier prêt, et de Mme X et Mme Y, pour le second.

    Après avoir acquitté les dettes de la SCI, la société Crédit logement a exercé son recours à l'encontre de cette dernière et des cautions.

    Deux d’entre elles, Mme X et M. Z, ont opposé le moyen tiré de la disproportion manifeste de leur engagement.

    La cour d’appel ayant condamné ces deux cautions au paiement, elles ont formé un pourvoi en cassation.

    Décision. La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article L. 341-4 (N° Lexbase : L1602LRR), devenu L. 332-1 (N° Lexbase : L1162K78), du Code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

    Elle énonce qu’il en résulte que la sanction prévue prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire.

    Or, la Haute juridiction relève que pour condamner les cautions à payer certaines sommes à la société Crédit logement, l'arrêt retient que la caution qui exerce son recours personnel ne peut se voir opposer quelque faute qui aurait pu l'être à l'égard de l'établissement prêteur.

    Dès lors, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel : en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l’article L. 341-4, devenu L. 332-1, du Code de la consommation.

    Précisions. Cette solution a été posée en termes identiques par un arrêt de Chambre mixte du 27 février 2015 (Cass. mixte, 27 février 2015, n° 13-13.709, P+B+R+I N° Lexbase : A3426NCU ; G. Piette, Lexbase Affaires, mars 2015, n° 417 N° Lexbase : N6558BUG) et a été depuis lors rappelée (v. not. Cass. civ. 1, 26 septembre 2018, n° 17-17.903, FS-P+B N° Lexbase : A2007X8T). Certains auteurs défendaient cette solution remarquant notamment que « la disproportion est une exception personnelle à la caution, opposable erga omnes ». Cette solution peut paraître sévère pour la caution solvens.

    Comme Gaël Piette le faisait remarquer dans son commentaire de l’arrêt de Chambre mixte du 27 février 2015, « une sanction bien plus opportune serait certainement la réduction du cautionnement disproportionné » (G. Piette, Lexbase Affaires, préc.). C’est en ce sens qu’œuvre la réforme du droit des sûretés, publiée au Journal officiel du 16 septembre 2021 (ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2021, portant réforme du droit des sûretés N° Lexbase : L8997L7D). En plus d’intégrer le principe de proportionnalité dans le Code civil (art. 2300), le nouveau texte en modifie la sanction : « Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager à cette date ». Précisons, pour terminer, que cette réforme entrera en vigueur le 1er janvier 2022 et ne sera applicable qu’aux cautionnements conclus à compter de cette date.  

    Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Proportionnalité et cautionnement, Le champ d'application des dispositions relatives à la proportionnalité du cautionnement des personnes physiques envers les créanciers professionnels, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase (N° Lexbase : E7179E9R).

     

    newsid:478842

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