Le Quotidien du 17 septembre 2021

Le Quotidien

Arbitrage

[Brèves] Fin des arbitrages d'investissement intra-UE fondés sur le traité sur la charte de l'énergie

Réf. : CJUE, 2 septembre 2021, aff. C-741/19, République de Moldavie c/ Komstroy LLC (N° Lexbase : A233443T)

Lecture: 3 min

N8725BYS

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par Lalaina Chuk Hen Shun

Le 16 Septembre 2021

► Le mécanisme d’arbitrage, prévu par le traité sur la charte de l’énergie, n’est pas applicable aux différends opposant un État membre à un investisseur d’un autre État membre au sujet d’un investissement réalisé dans le premier État.

Faits et procédures. Dans le cadre de l’exécution d’une série de contrats relatifs à la production et la vente d’électricité à destination de la Moldavie, une entreprise publique moldave ne s’est acquittée que partiellement de ses obligations financières à l’égard d’un distributeur ukrainien. Ce dernier a successivement saisi, en vain, les juridictions moldaves puis ukrainiennes afin d’obtenir le paiement de sa créance. Reprochant à la République de Moldavie d’avoir eu, dans ce contexte, des comportements contraires à ses obligations découlant du traité sur la charte de l'énergie (TCE), le distributeur ukrainien a engagé une procédure d’arbitrage devant un tribunal arbitral qui a condamné l’État moldave par une sentence rendue à Paris le 25 octobre 2013. La cour d’appel de Paris a par la suite, au motif que le tribunal s’était déclaré à tort compétent, annulé la sentence par un arrêt du 12 avril 2016 (CA Paris, 1, 1, 12 avril 2016, n° 13/22531 N° Lexbase : A5214RC4), lui-même cassé par la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 28 mars 2018, n° 16-16.568, F-D N° Lexbase : A8680XIC) sur pourvoi formé par la société Komstroy, venant aux droits du distributeur ukrainien.

Questions préjudicielles. C’est dans ce contexte que la cour d’appel de renvoi saisit la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de questions préjudicielles relatives, notamment, à la qualité d’investisseur ou non de Komstroy au sens de l’article 1er, point 6, du TCE (en ligne).

Réponse de la CJUE. Le juge européen décide qu’un simple contrat de fourniture d’électricité constitue une opération commerciale qui ne saurait, en tant que telle, constituer un investissement au sens du TCE, et cela indépendamment de la question de savoir si un apport est nécessaire afin qu’une opération donnée constitue un investissement.

Par ailleurs et surtout, l’arrêt du 2 septembre 2021 s’inscrit dans le prolongement de l’arrêt Achmea (CJUE, 6 mars 2018, aff. C-284/16, Achmea BV N° Lexbase : A0668XGT) et de l’accord du 29 mai 2020 ayant éteint les clauses d’arbitrage incluses dans les traités bilatéraux d’investissements (TBI) entre États membres de l’Union Européenne (JOUE L169, en ligne). De la même manière que la CJUE avait considéré que de telles clauses étaient contraires au droit de l’Union en ce qu’elles portent atteinte à l’autonomie de ce droit, le juge européen considère également que le TCE doit être interprété en ce sens que son article 26 (para. 2, (c)), prévoyant une procédure d’arbitrage, « n’est pas applicable aux différends opposant un État membre à un investisseur d’un autre État membre au sujet d’un investissement réalisé par ce dernier dans le premier État membre ».

Solution. Ainsi, outre qu'elle précise la notion d'« investisseur » au sens du TCE, la CJUE étend logiquement la solution retenue dans l'affaire Achmea aux arbitrages intra-UE fondés sur ce traité.

Pour aller plus loin : v. L. Chuk Hen Shun, ÉTUDE : L’arbitrage, Autres modes d'expression du consentement, in Procédure civile, (dir. E. Vergès), Lexbase (N° Lexbase : E30144YB).

newsid:478725

Baux commerciaux

[Brèves] Loyer du bail renouvelé : déplafonnement en raison d’une modification notable des caractéristiques des lieux loués et intérêts dus sur la différence avec le loyer payé

Réf. : Cass. civ. 3, 9 septembre 2021, n° 19-19.285, FS-B (N° Lexbase : A2573443)

Lecture: 4 min

N8740BYD

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par Vincent Téchené

Le 16 Septembre 2021

► Justifie à elle seule le déplafonnement du loyer du bail renouvelé la modification notable des caractéristiques des lieux loués résultant des travaux qui ont été décidés et réalisés par la locataire du bail expiré ;

Les intérêts dus sur la différence entre le loyer du bail renouvelé et le loyer payé depuis le renouvellement courent, en l'absence de convention contraire, à compter de la délivrance de l'assignation en fixation du prix lorsque celle-ci émane du bailleur.

Faits et procédure. Une société (la bailleresse) a donné à bail des locaux à usage commercial. Après avoir proposé le renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2011 dans un congé délivré le 28 décembre 2010, la bailleresse a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé.

La locataire a alors formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel (CA Caen, 2 mai 2019, n° 17/01792 N° Lexbase : A2779ZA8) reprochant à celui-ci d’avoir fixé le loyer du bail renouvelé à une certaine somme et de l'avoir condamnée à payer les intérêts au taux légal sur l'arriéré résultant du loyer déplafonné depuis la date à laquelle le bail commercial a été renouvelé.

  • Sur le déplafonnement du loyer

En premier lieu, la locataire soutenait qu’une modification des caractéristiques des locaux loués intervenue au cours du bail expiré ne peut constituer un motif de déplafonnement du nouveau loyer qu’autant qu’elle a eu une incidence favorable sur l’activité exercée par le preneur. Ainsi, la cour d’appel aurait retenu à tort qu’une modification notable des caractéristiques des locaux loués suffisait à justifier le déplafonnement du loyer du bail renouvelé.

Sur ce point, la Cour de cassation approuve la cour d’appel. Elle retient ainsi que, dès lors qu’elle avait constaté que les travaux, dont il n’était pas soutenu qu’ils fussent d’amélioration et qui avaient été décidés et réalisés par la locataire, avaient, au cours du bail expiré, modifié notablement les caractéristiques des locaux loués, la cour d'appel a exactement retenu que cette modification notable des caractéristiques des locaux loués justifiait, à elle seule, le déplafonnement du loyer du bail renouvelé.

Précisions. On rappellera que s’agissant d’une modification notable des facteurs locaux de commercialité, la Cour de cassation a au contraire retenu que cette dernière ne peut constituer un motif de déplafonnement du nouveau loyer qu'autant qu'elle est de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur (Cass. civ. 3, 14 septembre 2011, n° 10-30.825, FS-P+B+R N° Lexbase : A7545HXQ). En revanche, la modification notable de la destination des lieux loués survenue au cours du bail à renouveler justifie le déplafonnement du loyer du bail renouvelé, sans rechercher si cette modification a eu une incidence favorable sur l'activité exercée par le preneur (Cass. civ. 3, 18 janvier 2012, n° 11-10.072, FS-P+B N° Lexbase : A1329IBT ; J. Prigent, Lexbase Affaires, février 2012, n° 282 N° Lexbase : N0034BTG).

  • Sur les intérêts dus sur la différence entre le loyer du bail renouvelé et le loyer payé depuis le renouvellement

La Cour de cassation va toutefois censurer l’arrêt d’appel s’agissant de la condamnation de la locataire à payer les intérêts au taux légal sur l'arriéré résultant du loyer déplafonné depuis le 1er juillet 2011, date à laquelle le bail commercial a été renouvelé.

Elle rappelle qu’il résulte de l’article 1155 du Code civil (N° Lexbase : L0858KZS), dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4857KYK), que les revenus échus, tels que fermages, loyers, arrérages de rentes perpétuelles ou viagères, produisent intérêt du jour de la demande ou de la convention.

Ainsi en fixant le point de départ des intérêts au taux légal sur l’arriéré de loyer à la date à laquelle le bail commercial a été renouvelé, alors que les intérêts dus sur la différence entre le loyer du bail renouvelé et le loyer payé depuis le renouvellement courent, en l'absence de convention contraire, à compter de la délivrance de l'assignation en fixation du prix lorsque celle-ci émane du bailleur, la cour d'appel a violé l’article 1155 précité.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les exceptions au plafonnement du loyer commercial renouvelé, L'exigence d'une modification notable ayant eu une incidence favorable sur l'activité du preneur ?, in Baux commerciaux (dir. J. Prigent), Lexbase (N° Lexbase : E3538ERH).

 

newsid:478740

Éducation

[Brèves] École privée hors contrat : des manquements persistants dans les méthodes éducatives impliquent la non-inscription des enfants dans l'établissement

Réf. : TA Grenoble, 6 septembre 2021, n° 2105510 (N° Lexbase : A314944E)

Lecture: 2 min

N8757BYY

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par Yann Le Foll

Le 17 Septembre 2021

► Dès lors que le rectorat a à bon droit considéré qu’un établissement scolaire qui s’inscrit dans la philosophie des écoles démocratiques n’avait pas remédié aux manquements relevés par les inspecteurs ni mis en œuvre les recommandations des rapports d’inspection de l’Éducation nationale, le juge des référés refuse de suspendre les mises en demeure adressées aux parents d’élèves d’inscrire leurs enfants dans un autre établissement scolaire.

Principe. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 122-1-1 (N° Lexbase : L3267IXB), L. 131-1 (N° Lexbase : L6784LRP), L. 131-1-1 (N° Lexbase : L3269IXD) et L. 442-2 (N° Lexbase : L7523L7R) du Code de l’éducation que, lorsque le contrôle pédagogique des classes hors contrat révèle que l’enseignement dispensé n’est pas conforme à l’objet de l’instruction obligatoire, l’autorité de l’État compétente fait connaître les résultats de ce contrôle au directeur de l’établissement et le met en demeure de fournir des explications ou d’améliorer la situation.

Cette mise en demeure doit indiquer le délai dans lequel ces explications ou l’amélioration de la situation doivent être apportées, exposer de manière précise et circonstanciée les mesures nécessaires pour que l’enseignement dispensé soit mis en conformité avec l’objet de l’instruction obligatoire et mentionner les sanctions applicables en cas d’inexécution.

En cas de refus d’améliorer la situation, l'autorité académique avise le procureur de la République des faits susceptibles de constituer une infraction pénale et, dans cette hypothèse, est en situation de compétence liée pour mettre en demeure les parents des élèves concernés d'inscrire leur enfant dans un autre établissement, lesquels s’exposent à être condamnés pénalement s’ils ne défèrent pas à cette mise en demeure.

Il en résulte la solution précitée (voir pour une décision analogue, les méthodes pédagogiques ne permettant pas de satisfaire à l’objet et au contenu de l’enseignement obligatoire, prévu par le Code de l’éducation, visant à l’acquisition d’un socle commun de connaissances à chaque fin de cycle d’enseignement, TA Pau, 3 septembre 2021, n° 2102161 N° Lexbase : A726543H).

Rappelons que, pour examiner une demande d'octroi d'un contrat simple présentée par un établissement privé d'enseignement, l'administration peut prendre en considération la capacité de l'établissement à respecter le principe du droit à l'éducation et des normes minimales de connaissances et tenir compte de l'existence d'une mise en demeure adressée par l'État au directeur de cet établissement (CE 3° et 8° ch.-r., 3 septembre 2021, n° 439008, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A338343P).

newsid:478757

Entreprises en difficulté

[Brèves] Publication de l’ordonnance de réforme du droit des entreprises en difficulté

Réf. : Ordonnance n° 2021-1193, du 15 septembre 2021, portant modification du livre VI du Code de commerce (N° Lexbase : L8998L7E)

Lecture: 11 min

N8784BYY

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par Vincent Téchené

Le 24 Septembre 2021

► L’ordonnance de réforme du livre VI du Code de commerce relatif au droit des entreprises en difficulté a été publiée au Journal officiel du 16 septembre 2021.

Ce texte pris en application de deux habilitations contenues dans la loi « PACTE » modifie, d’une part, les dispositions du livre VI du Code de commerce relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés et, d'autre part, adopte les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour transposer la Directive « restructuration et insolvabilité » (Directive n° 2019/1023 du 20 juin 2019 N° Lexbase : L6745LQU).

  • Articulation du droit des sûretés et du droit des entreprises en difficulté

La réforme du droit des sûretés, dans son volet relatif à l'articulation avec le droit des entreprises en difficulté, s'inscrit d'abord dans un triple objectif, de simplification du droit des sûretés, de renforcement de son efficacité et de préservation de l'équilibre entre les intérêts en présence.

Il convient de noter que, le même jour, l’ordonnance de réforme du droit des sûretés a été publiée au Journal officiel (ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 N° Lexbase : L8997L7D ; V. Téchené, Le Quotidien Lexbase, 17 septembre 2021 N° Lexbase : N8782BYW)

La modification des règles relatives aux sûretés dans le livre VI du Code de commerce concerne leur traitement avant l'ouverture de la procédure collective comme après l'ouverture de la procédure collective.

Dans le cadre de la procédure de conciliation, les garants pourront bénéficier plus largement des délais de grâce octroyés par le juge au débiteur. En outre, les parties à l'accord de conciliation pourront y préciser notamment le sort des garanties prises dans ce cadre, en cas de caducité ou de résolution.

Le régime des nullités de plein droit est modernisé afin d'améliorer la protection du gage commun des créanciers en soumettant, d’une part, à ces nullités l'ensemble des sûretés réelles conventionnelles et tout droit de rétention et, d'autre part, en consacrant la jurisprudence de la Cour de cassation qui autorise, en période suspecte, la substitution de sûretés.  

Désormais, le juge-commissaire pourra autoriser la constitution de toute sûreté réelle conventionnelle. L’ordonnance étend, en outre, à tous les biens grevés d'une sûreté réelle spéciale ou d'une hypothèque légale, la règle de la consignation de la quote-part du prix correspondant aux créances garanties en cas de vente du bien grevé. On relèvera également que la règle de l'arrêt et de l'interdiction des procédures d'exécution est étendue : le bénéficiaire d'une sûreté réelle constituée par ce débiteur en garantie de la dette d'autrui est désormais concerné par cette règle. L'interdiction, résultant du jugement d'ouverture, de tout accroissement de l'assiette d'une sûreté réelle conventionnelle ou d'un droit de rétention conventionnel, est consacrée. Des exceptions strictes à cette règle de non-accroissement de l'assiette sont limitativement prévues.

Les conditions de la déclaration des sûretés sont modifiées : elle doit dorénavant porter sur l'assiette de la sûreté et non plus seulement sur sa nature et une obligation de déclaration s'impose au bénéficiaire d'une sûreté réelle conventionnelle constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d'un tiers. En outre, le bénéficiaire de cette garantie sera désormais soumis à l'obligation de solliciter un relevé de forclusion, à défaut de déclaration régulière dans les délais. La sanction de l'inopposabilité au débiteur en cas de défaut de déclaration est, par ailleurs, étendue. La protection dont bénéficient les garants personnes physiques du débiteur est étendue au-delà de l’exécution du plan.

D'autres mesures permettent encore de préserver les droits des garants pour autrui comme la possibilité de procéder, même avant paiement, à la déclaration de leur créance pour la sauvegarde de leur recours personnel ou encore l’impossibilité de leur opposer l'état des créances lorsque la décision d'admission ne leur a pas été notifiée.

L’ordonnance pérennise, en outre, le privilège de sauvegarde et de redressement judiciaire (dit privilège de « post money ») introduit dans le cadre de la crise sanitaire par l’ordonnance du 20 mai 2020 (ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 N° Lexbase : L1695LX3), dans le but de faciliter le financement des entreprises faisant l’objet d’une procédure ou d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire (v. P.-M. Le Corre, Le privilège de la sauvegarde et du redressement, Lexbase Affaires, juin 2020, n° 638 N° Lexbase : N3635BYB). Également, les règles de classement des créances en liquidation judiciaire sont clarifiées.

  • Transposition de la Directive « restructuration et insolvabilité »

Le livre VI du Code de commerce répond déjà à de nombreuses exigences posées par la Directive. S'agissant des cadres de restructuration préventive, l’ordonnance fait de la procédure de sauvegarde accélérée, organisée par le chapitre VIII du titre II du livre VI, le cadre de restructuration préventif au sens de la Directive et ne dissocie plus la sauvegarde accélérée et la sauvegarde financière accélérée. La réforme préserve toutefois la possibilité de circonscrire les effets de la procédure aux seuls créanciers financiers lorsque la nature de l'endettement le justifie (article 38). La durée de cette procédure est limitée à quatre mois. Elle est accessible à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, comme l'avait déjà prévu de manière temporaire l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 prise pour prévenir les difficultés économiques des entreprises consécutives à la crise sanitaire.

Dans toutes les procédures où ils existent (sauvegarde, sauvegarde accélérée et redressement judiciaire), les comités de créanciers sont remplacés par le système de classes de créanciers et, plus généralement, de parties affectées. Dès lors, l'organisation des classes de parties affectées est prévue dans le cadre de la section 3 du chapitre VI du titre II du livre VI, relative à la sauvegarde (article 37) et il est procédé par renvois et adaptations pour les autres procédures, conformément à l'organisation du livre VI telle que voulue par le législateur en 2005. Les procédures collectives (de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire) dans lesquelles il n'y a pas à mettre en place des classes de parties affectées sont peu modifiées par l'ordonnance.

On relèvera que l’article L. 626-29 modifié renvoie à un décret en Conseil d'État pour la définition des seuils à partir desquels la constitution de classes est obligatoire – hors la sauvegarde accélérée – tout en permettant aux entreprises qui n'atteignent pas ces seuils de demander au juge-commissaire d'autoriser leur constitution. Seules les parties affectées, réparties en classes, se prononcent sur le projet de plan. Constituent des parties affectées celles dont les droits – créances ou intérêts – sont directement affectés, c'est-à-dire susceptibles d'être modifiés d'une manière quelconque par le plan de restructuration. En dehors de ces classes prédéterminées, l'administrateur judiciaire peut constituer d'autres classes, dans le respect des critères généraux énoncés.

Il convient de noter que les créances résultant du contrat de travail sont exclues du plan de restructuration soumis au vote des classes afin de préserver au mieux les droits des travailleurs. Outre ces créances, sont également exclus du plan les droits à pension acquis au titre d'un régime de retraite professionnelle et les créances alimentaires, afin d'en protéger les bénéficiaires. L’ordonnance fixe ensuite les règles relatives au vote des classes de parties affectées et à la modification du plan voté.

L'article 38 de l'ordonnance constitue, avec son article 37, le socle de transposition du titre II de la Directive. L'article 38 porte sur un nouveau chapitre VIII « de la sauvegarde accélérée », composé de deux sections nouvelles : d'une part, la section 1 « de l'ouverture de la procédure » (C. com., art. L. 628-1 à L. 628-5) et, d'autre part, la section 2 « des effets de la sauvegarde accélérée » (C. com., art. L. 628-6 à L. 628-8). Les dispositions relatives aux classes de parties affectées doivent, dans cette procédure, nécessairement être constituées quelle que soit la taille de l'entreprise. La nouvelle procédure de sauvegarde accélérée conserve plusieurs caractéristiques de la procédure jusqu'ici en vigueur. Il convient de relever que la procédure ne produit d'effets qu'à l'égard des parties affectées par le projet de plan, ce qui correspondra en pratique aux créanciers appelés à la procédure de conciliation antérieure et, le cas échéant, aux détenteurs de capital. En outre, la durée de la procédure de sauvegarde accélérée est désormais de deux mois, prorogeables par le tribunal pour une durée totale de quatre mois maximum.

Afin de tirer les conséquences des modifications rendues nécessaires par la transposition de la Directive, la procédure de sauvegarde, la procédure de redressement judiciaire et, de façon plus limitée, la procédure de conciliation, sont modifiées.

En sauvegarde (classique), la durée de la période d'observation est raccourcie à douze mois maximum et le procureur de la République ne peut plus, dans cette procédure, demander une prolongation exceptionnelle. En outre, on relèvera qu’est conservée la mesure temporaire introduite par l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 selon laquelle le défaut de réponse des créanciers intéressés vaut acceptation des mesures proposées, sauf s'il s'agit de remises de dettes ou de conversions en titres donnant ou pouvant donner accès au capital.

Deux autres procédures sont modifiées afin de prendre en compte l'introduction en droit français de ce nouveau cadre de restructuration préventive : la procédure de redressement judiciaire et la procédure de conciliation.

L’ordonnance applique à la procédure de redressement judiciaire le système des classes de parties affectées si les seuils prévus sont atteints.

Afin de prendre en compte la nécessité pour des petites et moyennes entreprises de bénéficier d'une durée suffisamment longue de période d'observation pour leur permettre de préparer un plan de redressement, lorsque leur situation est particulièrement dégradée, la possibilité pour le procureur de la République de demander la prolongation de la durée de la période d'observation pour une durée maximale de six mois est maintenue.

En procédure de conciliation, une modification porte sur la suspension temporaire du droit d'un créancier d'exiger le paiement d'une créance, serait-elle garantie par une sûreté (mesure introduite dans l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020).

Les dispositifs d’alerte sont retouchés, en permettant notamment l'accélération du dispositif d'alerte des commissaires aux comptes et l'information plus précoce du président du tribunal

La procédure de rétablissement professionnel est également modifiée afin d'élargir le champ d'application de cette procédure.

Entrée en vigueur. L'article 73 prévoit que l'ordonnance entre en vigueur le 1er octobre 2021 mais que ses dispositions ne sont pas applicables aux procédures en cours au jour de son entrée en vigueur. L’article 27, relatif aux créances antérieures dues aux producteurs agricoles, entrera en vigueur, pour sa part, le 1er janvier 2022 afin de prendre en compte la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés.

Pour aller plus loin : Un numéro spécial de Lexbase Affaires (n° 693 du jeudi 28 octobre 2021), sous la direction de Pierre-Michel Le Corre, sera consacré au commentaire de cette ordonnance de réforme du livre VI de Code de commerce.

 

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Harcèlement

[Brèves] Les actions en justice du syndicat et du salarié peuvent se cumuler en matière d’harcèlement

Réf. : Cass. soc., 8 septembre 2021, n° 20-14.011, FS-B (N° Lexbase : A894543P)

Lecture: 2 min

N8737BYA

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par Charlotte Moronval

Le 16 Septembre 2021

► Ni le principe de l’autorité de la chose jugée, ni celui de l’unicité de l’instance ne font obstacle à ce que, à la suite d’un jugement par la juridiction prud’homale sur le fondement de l'article L. 2313-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8477LG3), dont l’objet est de faire ordonner les mesures propres à faire cesser une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles, le salarié intéressé engage ultérieurement une sanction au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Faits et procédure. Un syndicat saisit le conseil de prud’hommes d’une action en substitution d’une salariée, tendant à voir désigner un conseiller rapporteur aux fins d’enquêter sur des faits de harcèlement dont la salariée aurait été victime. Le conseil de prud’hommes a rejeté la demande d’enquête du syndicat et la cour d’appel a jugé irrecevable l’appel de la victime formé à l’encontre de ce jugement, au motif qu’elle n’était pas partie à l’instance.

Par ailleurs, la salariée saisit également le conseil de prud’hommes en vue de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Pour déclarer sa demande irrecevable, la cour d’appel (CA Paris, 6, 3ème ch., 2 octobre 2019, n° 14/13460 N° Lexbase : A2542ZQ9) énonce que l'action en substitution permet à une organisation syndicale d'intervenir en lieu et place d'un salarié, que celui-ci ne peut intenter une action à son tour mais seulement intervenir à l'instance. Une fois le jugement devenu définitif et en vertu du principe de l'unicité d'instance, le salarié n'est plus recevable à introduire une action sur la base du même contrat de travail, et l'achèvement d'une procédure engagée par le syndicat en faveur du salarié lui fait perdre la faculté d'engager une action ultérieure.

La cour d’appel retient également que la saisine du conseil des prud'hommes par la salariée est fondée sur les mêmes motifs et a le même objet que l’action engagée par le syndicat, et que le jugement du conseil de prud'hommes est une décision au fond ayant autorité de la chose jugée, qui est devenue définitive en l'absence d'appel du syndicat et en raison de l'irrecevabilité de l'appel de la salariée.

Elle ajoute enfin, après avoir rappelé les dispositions de l’article R. 1452-6 du Code du travail (N° Lexbase : L6679LE4), que le fondement des prétentions de la salariée est né ou a été révélé avant la décision du conseil de prud’hommes.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale casse et annule l’arrêt de la cour d’appel.

newsid:478737

Procédure pénale

[Brèves] Lutte contre les conditions indignes de détention : modalités d’application du nouveau recours judiciaire

Réf. : Décret n° 2021-1194, du 15 septembre 2021, relatif au recours prévu à l'article 803-8 du Code de procédure pénale et visant à garantir le droit au respect de la dignité en détention (N° Lexbase : L8943L7D)

Lecture: 9 min

N8783BYX

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par Adélaïde Léon

Le 22 Septembre 2021

► La loi n° 2021-403 du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention avait créé un article 803-8 du Code de procédure pénale instituant une procédure visant à faire reconnaître et cesser l’existence de conditions indignes de détention affectant tant les détenus provisoires que les personnes condamnées. Les modalités d’application de ce nouvel article devaient être précisées par décret en Conseil d’État. C’est désormais chose faite avec le décret n° 2021-1194, du 15 septembre 2021, relatif au recours prévu à l'article 803-8 du Code de procédure pénale et visant à garantir le droit au respect de la dignité en détention.

On notera notamment les précisions suivantes :

Magistrats compétents pour connaître du recours formé sur le fondement de l’article 803-8.

  • s’agissant d’une personne placée en détention provisoire ou sous écrou extraditionnel : le juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal judiciaire compétent pour connaître de la procédure concernant cette personne ou du tribunal judiciaire situé au siège de la cour d'appel compétente pour connaître de cette procédure ;
  • s’agissant d’une personne condamnée : le juge de l’application des peines (JAP) du tribunal judiciaire dans le ressort duquel est situé l'établissement pénitentiaire où cette personne est incarcérée ou, en matière de terrorisme, du tribunal judiciaire de Paris.

Modalités de saisine.

La requête devra faire l’objet d’une déclaration par le requérant ou par son avocat. Le texte précise les mentions et signatures devant y figurer.

Selon la situation du requérant la déclaration, devra être faite :

  • s’il est placé en détention provisoire :

- auprès du greffe du juge d’instruction si une information est en cours ;

- auprès du secrétariat du procureur de la République si le tribunal correctionnel est saisi ;

- auprès du secrétariat du procureur général si la chambre des appels correctionnels ou la cour d’assises est saisie ou si un pourvoi est en cours ;

  • s’il est placé sous écrou extraditionnel : auprès du secrétariat du procureur général ;

Dans ces deux configurations, le destinataire de la requête la transmet par tout moyen, le jour même ou le premier jour ouvrable suivant, avec ses éventuelles observations portant notamment sur la recevabilité de la requête, au juge des libertés et de la détention ;

  • si le requérant est condamné : la déclaration devra être réalisée auprès du greffe du juge de l’application des peines.

La déclaration peut également être faite au moyen d’une LRAR ou auprès du chef de l’établissement pénitentiaire par le biais d’un formulaire.

Recevabilité de la requête.

Le juge devra statuer dans un délai de dix jours à compter de la réception de la requête par ordonnance motivée conformément à l’article 803-8, alinéas 2 et 3 du I du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0665L4E).

  • requête jugée irrecevable : l’ordonnance est notifiée sans délai au requérant ;
  • requête jugée recevable : l’ordonnance de recevabilité est communiquée sans délai au chef d’établissement pénitentiaire qui devra, dans un délai d’au moins trois jours ouvrables et d’au plus dix jours, transmettre au juge ses observations écrites et toute pièce permettant d’apprécier les conditions de détention du requérant. L’ordonnance et une copie de ces observations sont également adressées au requérant ou à son avocat qui est invité à produire sans délai ses éventuelles observations.

Vérifications des conditions de détention.

Pour vérifier si les conditions de détention portent ou non atteinte à la dignité du requérant, le juge peut :

  • se déplacer sur les lieux de détention ;
  • ordonner une expertise ;
  • requérir un huissier de justice de procéder à toute constatation utile, à des photographies, des prises de vue et de son au sein de l’établissement pénitentiaire ;
  • procéder à l’audition de codétenus du requérant, de personnels pénitentiaires ou du chef de l'établissement pénitentiaire ;
  • procéder à l’audition du requérant ;
  • consulter tout rapport décrivant les conditions de détention mises en cause et issu de la visite d'un organisme national ou international indépendant.

Décision sur le bien-fondé de la requête.

L’ordonnance motivée sur le bien-fondé de la requête doit être rendue dans un délai de dix jours à compter de la date à laquelle l’ordonnance de recevabilité de la requête a été rendue.

Le juge se prononce au vu de la requête, des observations de l’intéressé ou de son avocat, de l’administration pénitentiaire et de l’avis écrit du juge d’instruction, du procureur de la République ou du procureur général.

Si la requête est jugée fondée, le juge :

  • précise les conditions de détentions contraires à la dignité ;
  • fixe un délai compris entre dix jours et un mois pour permettre à l’administration pénitentiaire d’y mettre fin par tout moyen.

Mise en œuvre par l’administration pénitentiaire.

L’administration pénitentiaire prend toute mesure qui lui paraît appropriée pour mettre fin aux conditions de détention en cause.

Elle peut notamment proposer à l’intéresser un transfèrement dans un autre établissement pénitentiaire. Le décret apporte deux précisions importantes à cet égard :

  • lorsque la personne est incarcérée en exécution d’une peine privative de liberté, le transfert proposé ne doit pas porter une atteinte excessive au droit au respect de sa vie familiale, eu égard au lieu de résidence de la famille ;
  • lorsque la personne est placée en détention provisoire, le transfèrement ne peut être décidé qu’avec l’accord du magistrat saisi du dossier de la procédure.

Issue du délai imparti à l’administration.

Avant l’expiration du délai d’un mois donné à l’administration pénitentiaire, celle-ci adresse un rapport d’information au juge sur les mesures prises ou proposées au détenu. Copie de ce rapport est adressée par tout moyen à l’avocat du requérant ou à ce dernier s’il n’est pas assisté.

À la réception du rapport, le juge peut procéder à des vérifications afin de constater qu’il a été mis fin aux conditions de détention en cause. Par ailleurs, dix jours au plus tard après l’expiration du délai imparti à l’administration pour agir, le juge, après avoir recueilli les observations et avis de l’article R. 249-25, prend l’une des décisions suivantes :

  • il n’y a plus lieu à statuer sur le fond de la requête car il a été mis fin aux conditions de détention ;
  • ordonne l’une des décisions des 1° à 3° du II de l'article 803-8 :

- 1° transfèrement ;

- 2° mise en liberté immédiate, le cas échéant sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique ;

- 3° mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de détention à domicile sous surveillance électronique, de libération conditionnelle ou d'une libération sous contrainte). L’article R. 249-34 définit les conditions dans lesquelles le JAP peut faire application de ce point y compris si l’octroi des mesures concernées relève normalement de la compétence du tribunal de l’application de peines.

Toutefois, le juge peut refuser de rendre l'une de ces décisions au motif que la personne s'est opposée à un transfèrement qui lui a été proposé sauf s'il s'agit d'un condamné et si ce transfèrement aurait causé, eu égard au lieu de résidence de sa famille, une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et de sa vie familiale.

S’il envisage d’ordonner le transfèrement, le juge ne peut le faire que dans l’un des établissements proposés par l’administration pénitentiaire.

Audition du requérant.

Lorsque le requérant a demandé à être entendu et que sa requête a été déclarée recevable, le juge informe l’intéressé et son avocat, par tout moyen, de la date et du lieu de l’audition. Cette audition doit intervenir avant le prononcé sur le bien-fondé ou, si la requête a été jugée fondée mais que l’administration n’a pas mis fin aux conditions en cause à l’issue du délai qui lui était imparti, avant que le juge ne prenne une des décisions du II de l’article 803-8 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0665L4E).

Voies de recours.

Le présent décret prévoit qu’il peut être fait appel des décisions précitées dans un délai de dix jours à compter de leur notification. L’appel peut être formé par le détenu, son avocat ou le procureur de la République soit par déclaration au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée soit par déclaration auprès du chef d'établissement.

  • si le juge n’a pas statué dans les délais impartis, les juridictions d’appel compétentes peuvent également être directement saisies par le détenu ou son avocat ;
  • si une personne condamnée estime que la mesure de transfert dont elle fait l’objet porte une atteinte excessive au droit au respect de sa vie familiale, l’intéressée peut faire un appel lequel présente un caractère suspensif.

Les décisions des juridictions d’appels devront être motivées.

Autres dispositions.

Le décret précise par ailleurs les règles applicables :

  • aux personnes faisant l’objet de plusieurs titres de détention et notamment :

- la répartition des compétences entre le JLD et le JAP dans le cas d’un individu incarcéré à la fois placé en détention provisoire et en exécution d’une peine ;

- le JLD compétent lorsque la personne placée en détention provisoire fait l’objet de plusieurs mandats de dépôt délivrés par des JLD de tribunaux judiciaires différents ;

  • aux mineurs ;
  • dans le cas de l’existence d’une procédure administrative parallèle.

Pour aller plus loin :

  • v. N. Catelan, ÉTUDE : Les mesures de contrainte au cours de l’instruction : contrôle judiciaire, assignation à résidence et détention provisoire, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E5051Z3H) ;
  • v. A. Léon, Conditions indignes de détention : la loi du 8 avril 2021 crée un recours devant le juge judiciaire, Lexbase Pénal, avril 2021 (N° Lexbase : N7158BYR).

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Responsabilité médicale

[Brèves] Responsabilité pour faute du médecin : dénaturation du rapport d’expertise et absence de lien de causalité entre la faute et le dommage

Réf. : Cass. civ. 1, 8 septembre 2021, n° 20-13.773, F-D (N° Lexbase : A262644Z)

Lecture: 3 min

N8735BY8

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par Laïla Bedja

Le 16 Septembre 2021

► Au regard de l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui soumis, une cour d’appel ne saurait déduire d’un rapport d’expertise une faute de la part du gynécologue-obstétricien, dès lors que dans ce rapport, l’expert indiquait, que la patiente avait un score de Bishop égal ou supérieur à 7 (NDLR : le score de Bishop est un score clinique permettant d'évaluer l'état du col utérin en tout début de travail ou avant un déclenchement du travail ; ainsi, plus le score est élevé, plus les chances de succès d'un déclenchement du travail sont importantes) et qu’un déclenchement était donc possible et concluait que les soins prodigués par le gynécologue-obstétricien étaient conformes aux règles de l’art (premier moyen) ;

Par ailleurs, au visa de l’article L. 1142-1, I, alinéa 1er du Code de la santé publique (N° Lexbase : L1910IEH), la responsabilité d’un professionnel de santé n’est engagée qu’en cas de faute en lien causal avec le dommage subi par le patient et la preuve d’un tel lien peut être apportée par tout moyen et notamment par des présomptions, sous réserve qu’elles soient graves, précises et concordantes ; ainsi, une cour d’appel ne saurait admettre un lien de causalité entre le déclenchement de l’accouchement et le collapsus cardio-vasculaire en se bornant à retenir que la patiente était suivie par le praticien et que le collapsus s’est produit au cours de la succession des soins et que chacun des actes médicaux a eu pour cause exclusive et directe l'acte antérieur, alors que le rapport d’expertise concluait à un aléa thérapeutique (deuxième moyen).

Les faits et procédure. Une patiente a été admise dans une clinique en vue de son accouchement. Elle a été déclenchée le 2 décembre 2009 au soir par le gynécologue-obstétricien ayant suivi la grossesse. Du fait de la stagnation du travail jusqu’au 3 décembre après-midi, le praticien a pratiqué avec l’assistance d’un médecin-anesthésiste, une césarienne à l’issue de laquelle la patiente a présenté un collapsus cardio-respiratoire à l’origine de séquelles neurologiques majeures.

Après avoir sollicité une expertise en référé, le père de la patiente agissant en son nom personnel et en qualité de tuteur de cette dernière a assigné les deux médecins, la clinique et l’ONIAM en réparation de leurs préjudices.

La cour d’appel (CA Agen, 27 novembre 2019, n° 17/00283 N° Lexbase : A7520Z3W) a conclu à la faute du praticien en retenant qu’il peut être accordé crédit à l’analyse de l’expert, ce dernier n’ayant pas cherché à évaluer le score de Bishop, alors que les informations dont il disposait tendaient à affaiblir ce score et à mettre en lumière des conditions locales défavorables. La cour en a déduit que ce déclenchement a été décidé sans évaluation préalable de l'état du col de la patiente qui présentait des signes défavorables.

Pour encore condamner le praticien, la cour d’appel avait retenu un lien de causalité en se basant sur la seule concomitance entre le déclenchement et les actes qui l’ont suivi et la survenue du collapsus.

Cassation. Énonçant les solutions précitées, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel.

Pour en savoir plus : C. Hussar, ÉTUDE : La responsabilité civile des professionnels de santé, La responsabilité pour faute des professionnels de santé, in Droit médical, Lexbase (N° Lexbase : E12983RI).

newsid:478735

[Brèves] Publication de l’ordonnance de réforme du droit des sûretés

Réf. : Ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2021, portant réforme du droit des sûretés (N° Lexbase : L8997L7D)

Lecture: 7 min

N8782BYW

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par Vincent Téchené

Le 22 Septembre 2021

► La très attendue ordonnance de réforme du droit des sûretés a enfin été publiée au Journal officiel du 16 septembre 2021.

Pour rappel, cette ordonnance est prise en application de l'article 60 de la loi « PACTE » (loi n° 2019-486, du 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises N° Lexbase : L3415LQK) et devait paraître au plus tard le 23 mai 2021. En raison de la crise sanitaire, le délai a été repoussé de quatre mois (au 23 septembre) ; c’est donc une semaine avant la date butoir que le texte est publié.

Les 25 pages de l’ordonnance réforment en profondeur la matière.

En matière de cautionnement, les dispositions relatives à l'obligation d'information, à la mention manuscrite et à la proportionnalité mais également au devoir de mise en garde, aujourd'hui éparpillées dans le Code de la consommation, le Code monétaire et financier ou des lois non codifiées, sont abrogées pour intégrer le Code civil et permettre ainsi une unification des règles.

La réforme contredit en outre certaines solutions jurisprudentielles vues comme sources d'insécurité juridique : l'ordonnance consacre ainsi la possibilité pour la caution d'opposer toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, qu'elles soient inhérentes à la dette ou personnelles au débiteur. De même, la caution ne pourra plus reprocher au créancier le choix du mode de réalisation d'une sûreté.

La sanction du cautionnement disproportionné est modifiée : la réduction du cautionnement remplace la déchéance totale. Quant aux règles relatives à la mention manuscrite, elles sont grandement assouplies, mais cette dernière reste exigée pour la validité du cautionnement. En outre, elle bénéficiera désormais à toutes les cautions personnes physiques, quelle que soit la qualité du créancier. La sous-caution bénéficiera également de l'information annuelle et de l'information sur la défaillance du débiteur principal. Le constituant d'une sûreté réelle pour autrui bénéficiera, pour sa part, des protections essentielles offertes à la caution, en rupture avec la jurisprudence actuelle.

Les règles du Code civil relatives aux privilèges mobiliers sont également « toilettées » et modernisées afin de clarifier et préciser leur régime, en particulier par l'inscription dans le Code civil de l'affirmation de l'existence d'un droit de préférence et de l'absence de droit de suite.

Le classement du droit de préférence du créancier gagiste ou l'absence de droit de rétention en matière de nantissement de bien incorporel sont également intégrés dans le Code civil. Dans le nantissement de créance, le régime de l'opposabilité des exceptions est, dans un souci de cohérence, fixé en s'inspirant des règles retenues pour la cession de créance par la réforme du droit des contrats du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4857KYK).

On relèvera également la transformation des privilèges spéciaux immobiliers en hypothèques légales, qui a pour effet de supprimer la rétroactivité de leur inscription. Il en va de même de la consécration dans le Code civil de la cession de somme d'argent à titre de garantie : cette sûreté est aujourd'hui massivement utilisée en pratique mais, faute de régime légal, une incertitude préjudiciable aux opérateurs économiques existait toujours quant à sa validité et son efficacité.

Des précisions sont apportées dans l'articulation des règles entre le Code civil et les procédures civiles d'exécution.

Le gage portant sur des immeubles par destination est désormais admis : ces biens, qui ne pouvaient jusque-là être engagés pour garantir un financement, peuvent désormais être grevés de sûretés.

L'efficacité de l'hypothèque est également renforcée :

  • sa constitution par les personnes morales autres que les sociétés est simplifiée ;
  • la prohibition des hypothèques portant sur biens futurs est levée ;
  • le champ des accessoires couverts par l'hypothèque en cas de subrogation personnelle est étendu ;
  • un mécanisme de purge des gages portant sur les immeubles par destination est mis en place.

Les règles relatives à la fiducie-sûreté sont modernisées. Son formalisme est assoupli, l'exigence d'une estimation de la valeur des biens transmis n'apparaissant pas nécessaire. Il en va de même de ses modalités de réalisation : le fiduciaire pourra désormais vendre les biens donnés en fiducie à un prix différent de celui fixé par l'expert si une vente à ce prix n'est pas possible. L'exigence d'expertise est toutefois maintenue afin d'assurer la protection du constituant.

Certaines règles relatives à la publicité du nantissement du fonds de commerce, sûreté très utilisée en pratique, complexifiaient inutilement les formalités d'inscription et fragilisaient sa sécurité. En particulier, le défaut d'inscription du nantissement dans le délai préfix n'est plus sanctionné par la nullité, mais par l'inopposabilité de l'acte.

En complément, l'ordonnance autorise la dématérialisation de l'ensemble des sûretés, alors qu'elle n'est aujourd'hui possible que pour les sûretés constituées par une personne pour les besoins de sa profession.

Certaines sûretés mobilières spéciales tombées en désuétude ou inutiles par rapport aux règles de droit commun sont abrogées : certains privilèges mobiliers ou immobiliers, le gage commercial, le nantissement de l'outillage et du matériel d'équipement, les warrants pétroliers, hôteliers, des stocks de guerre et industriel, le gage de stocks.

L’ordonnance consacre, par ailleurs, la cession de créance de droit commun à titre de garantie.

Les dispositions relatives à la publicité des sûretés mobilières, aujourd'hui inscrites dans différents codes (Code de commerce, Code des douanes, Code des transports, Code général des impôts, Code de la Sécurité sociale et Code de la construction et de l'habitation) et à différents niveaux de normes, sont enfin harmonisées.

Entrée en vigueur. L’ordonnance prévoit une entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Toutefois, la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives au registre des sûretés mobilières et au gage automobile, lesquelles requièrent à la fois des mesures réglementaires d'application et des développements informatiques, sera fixée par décret, sans pouvoir être postérieure au 1er janvier 2023. Les cautionnements conclus antérieurement à cette date demeureront intégralement soumis à la loi en vigueur au jour de leur conclusion. Il est également prévu une exception pour les obligations d'information (information annuelle, information sur la défaillance du débiteur principal, information de la sous-caution) qui s'appliqueront immédiatement le 1er janvier 2022 aux cautionnements et sûretés réelles pour autrui constituées avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance.

Ordonnance de réforme du droit des entreprises en difficulté. Cette réforme est complétée par l'ordonnance de réforme du livre VI du Code de commerce (ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 N° Lexbase : L8998L7E) portant notamment réforme de l'articulation entre le droit des entreprises en difficulté et le droit des sûretés (lire V. Téchené, Lexbase Affaires, septembre 2021, n° 689 N° Lexbase : N8784BYY)

Pour aller plus loin :

La réforme de droit des sûretés fera l’objet :

  • D'un numéro spécial de la revue Lexbase Affaires, élaboré sous la direction de Gaël Piette, Professeur à l'Université de Bordeaux ;
  • D'un webinaire, le 7 octobre 2021, avec les interventions de :
    - Gaël Piette, Professeur à l'Université de Bordeaux ;
    - Jean-Denis Pellier, Professeur à l’Université de Rouen ;
    - Dimitri Nemtechenko, Maître de conférences à l’Université de Rouen.

Pour vous inscrire au webinaire, cliquez ici.

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