La lettre juridique n°846 du 3 décembre 2020

La lettre juridique - Édition n°846

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Recours contre l’offre du FIVA : recevabilité des pièces remises postérieurement au délai d’un mois imparti, un revirement de la Cour de cassation

Réf. : Cass. civ. 2, 26 novembre 2020, n° 18-22.069, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A166838B)

Lecture: 3 min

N5525BYB

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par Laïla Bedja

Le 02 Décembre 2020

► Les articles 27, 28 et 29 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 (N° Lexbase : L9812ATL), qui déterminent les modalités de la déclaration écrite du demandeur exerçant devant la cour d’appel une action contre le FIVA, n’imposent pas à la cour d’appel d’écarter des débats les pièces produites à l’expiration des délais prévus par ces articles, lorsqu’il est établi que la partie destinataire de la communication a été mise, en temps utile, en mesure de les examiner, de les discuter et d’y répondre ;

La jurisprudence initiée par l’arrêt du 13 septembre 2007 (Cass. civ. 2, 13 septembre 2007, n° 06-20.337, FS-P+B N° Lexbase : A4342DYH) ne peut être maintenue sans méconnaître les principes de l’égalité des armes et de contradiction inhérents au droit à un procès équitable garanti par l’article 6, § 1, de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR) ; en effet, en imposant à l’auteur du recours de déposer, à peine d’irrecevabilité, ses pièces et justificatifs dans un délai d’un mois alors que le délai imposé au FIVA n’est assorti d’aucune sanction, cette jurisprudence aboutit à placer l’auteur du recours dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire en matière d’administration de la preuve ; en outre, elle ne lui permet pas de produire de nouvelles pièces en réponse à l’argumentation et aux pièces du FIVA.

Les faits et procédure. À la suite du décès de la victime d’un cancer du péritoine, ses ayants droit ont saisi le FIVA d’une demande de réparation de leurs préjudices personnels. Contestant l’offre d’indemnisation du FIVA, elles ont formé un recours devant une cour d’appel.

La cour d’appel. Pour fixer l’indemnisation des préjudices personnels des ayants droit à une certaine somme, la cour d’appel (CA Montpellier, 3 juillet 2018, n° 17/05829 N° Lexbase : A6826XUD) énonce que sont irrecevables les pièces et documents justificatifs produits par le demandeur qui n'ont pas été déposés au greffe en même temps que la déclaration ou l'exposé des motifs ou qui ont été déposés postérieurement au délai d'un mois prescrit. Elle ajoute qu’en l’espèce, il n'est pas contesté que la cour d'appel a été saisie du recours des demandeurs le 9 novembre 2017, que ces derniers devaient au plus tard déposer leurs pièces le 9 décembre 2017 et que les pièces 57 à 63, 67 à 75, 76 à 85 et 86 à 89, dont l'irrecevabilité est invoquée, ont été déposées postérieurement au délai d'un mois imparti.

Cassation. Énonçant la solution précitée, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel rendu en violation des articles 27, 28 et 29 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001.

Pour en savoir plus : v. M. Sanchez, ÉTUDE : Les dispositions spécifiques à l’amiante, Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, in Droit de la protection sociale, Lexbase (N° Lexbase : E3188ETA), spéc. 5. Les conséquences du refus de l’offre d’indemnisation.

 

newsid:475525

Avocats/Procédure pénale

[Questions à...] Visio-conférence en cour d'assises : « Jusqu'à la fin, il faut laisser à l'accusé la possibilité de regarder ses juges » - Questions à Maître Christian Saint-Palais, Avocat et Président de l'ADAP

Lecture: 8 min

N5522BY8

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par Lexradio x Lexbase Avocats

Le 02 Décembre 2020

Le 18 novembre 2020, le Gouvernement a adopté une ordonnance d’adaptation des règles de procédure pénale tendant à permettre la continuité de l’activité des juridictions pénales. Le texte prévoyait, notamment, qu’il pourra être recouru à la visio-conférence sans qu’il soit nécessaire de recueillir l’accord des parties et ce, devant l’ensemble des juridictions pénales et pour les présentations devant le procureur de la République ou devant le procureur général. Cette possibilité était également ouverte devant les juridictions criminelles, mais uniquement l’instruction à l’audience terminée, pour l’intervention des parties et de leurs avocats ainsi que pour les réquisitions du ministère public. L'ordonnance pouvait notamment permettre la reprise du procès des attentats de janvier 2015 interrompu en raison de l'état de santé du principal accusé atteint de la Covid-19.

Nombreux sont les avocats et les magistrats qui se sont indignés de l’adoption d’une telle mesure. Associations et syndicats ont d'ailleurs demandé au juge des référés du Conseil d’État de suspendre en urgence certaines dispositions, en particulier l’extension des possibilités de recours à la visio-conférence (article 2).

Dans une décision rendue le vendredi 27 novembre 2020, le juge administratif les a entendu et a suspendu la possibilité de recourir à la visio-conférence après la fin de l’instruction à l’audience devant les juridictions criminelles (v. A. Léon, Ordonnance n° 2020-1401 : le Conseil d’État suspend la possibilité d’utiliser la visio-conférence devant les juridictions criminelles, Lexbase Pénal, décembre 2020 N° Lexbase : N5484BYR).

Christian Saint-Palais, Avocat et Président de l’ADAP, a accepté de revenir, pour Lexradio et Lexbase Avocats, sur les raisons de cette indignation et de nous expliquer le raisonnement des juges de la Haute juridiction administrative dans cette décision.

⇒ Cette interview est également à retrouver en podcast sur Lexradio.


 

Lexbase Avocats : L’ordonnance du 18 novembre dernier autorisait donc exceptionnellement, en temps de crise sanitaire, le recours à la visio-conférence et ce, y compris devant les juridictions criminelles ; pourquoi, selon vous, la Chancellerie avait-elle estimé qu’une telle mesure était nécessaire ?

Christian Saint-Palais : La Chancellerie prétend qu'il faut empêcher la paralysie de la Justice et prétend que la visio-conférence serait le moyen indispensable, et le seul, pour que la Justice passe pendant la crise sanitaire. En réalité, contrairement au premier confinement, il faut bien constater que les tribunaux sont ouverts ce qui n'était pas le cas la première fois, le public a le droit d'y rentrer et les juridictions fonctionnent. Donc, pour moi, c'est déjà un argument qui est tout à fait spécieux. Il n'est pas exact que la visio-conférence est absolument indispensable. Je considère que c'est vraiment une manœuvre opportuniste pour tenter de généraliser le recours à la visio-conférence qui, comme vous le savez, est déjà, à mon sens, excessivement admis en procédure pénale.

Lexbase Avocats : Doit-on voir dans les recours répétés à la visio-conférence en matière pénale mais aussi dans les autres domaines du droit, une « politique des petits pas » de la part du législateur ?

Christian Saint-Palais : Oui, je crois qu'on avance, je dirais « prudemment » parce que l’on sait que l'on va choquer et presque « subrepticement ». Il s’agit de quelque chose que l’on a toujours vu lorsqu'il s'agit d'attenter aux libertés et aux garanties fondamentales. Le pouvoir essaie toujours d'imposer des mesures dérogatoires, souvent dans des domaines où il pense que la réaction ne sera pas vive. Par exemple, en matière de terrorisme, il introduit des mesures dérogatoires en pensant que les protecteurs des libertés ne vont pas être soutenus dans leur démarche de contestation. Et si cela n'est pas dans le domaine du terrorisme, c'est dans une période de crise comme actuellement où l’on nous dit : «  la crise est telle qu’il faudrait que vous acceptiez des atteintes aux libertés et garanties fondamentales auxquelles nous n'avions jamais pensé précédemment ».

Le risque est donc de banaliser des mesures qui sont pourtant très dérogatoires et qui portent atteinte aux principes fondamentaux. En les banalisant, l'objectif qui n'est pas avoué, c'est de les généraliser. Mais c'était sans compter sur la vigilance du barreau !

Lexbase Avocats : Est-ce que vous pouvez nous expliquer en quoi le recours à la visio-conférence est attentatoire aux droits des citoyens et quels sont les droits qui sont menacés ?

Christian Saint-Palais : Je crois que le Conseil d'État, dans la décision qu'il vient de rendre, rappelle comment le recours à la visio-conférence porte atteinte à ce qu’il appelle « les principes fondateurs du procès » et, dans les principes fondateurs du procès, qui ont déjà été rappelés chaque fois que nous avons débattu du recours à la visio-conférence devant le Conseil constitutionnel et devant la Cour de cassation, il existe le droit de comparaître physiquement devant ses juges. Il s’agit d’un droit qui a été reconnu. Cela s’appelle les droits de la défense et cela s’appelle, dans la Convention européenne des droits de l'Homme, la garantie du procès équitable. Le Conseil d'État a rappelé combien il était important notamment en matière criminelle, mais également dans tous les procès, de comparaître devant ses juges et jusqu'au dernier mot. Un des arguments de la Chancellerie était de dire « il y a une phase dans la procédure criminelle où l'on peut admettre l'atteinte à ce droit de comparaître devant des juges, tellement l'accusé finalement serait passif ». Le Conseil d'État rappelle que jusqu'à la fin, il faut laisser à l'accusé la possibilité de regarder ses juges, d'être face à eux pour leur parler et donc pour se défendre. La visio-conférence, c’est, par une dégradation des conditions du procès, une atteinte aux droits de la défense.

Lexbase Avocats : Est-ce le raisonnement qui a été repris par le Conseil d’État dans sa décision ?

Christian Saint-Palais : Oui, absolument. Le Conseil d'État rappelle qu'il faut mettre en balance plusieurs principes qui doivent régir l'organisation des procès et, notamment, le droit à être jugé dans un délai raisonnable. Pour le Conseil d’État, il est possible de porter atteinte au droit de comparaître devant ses juges pour être jugé dans un délai raisonnable à condition que le juge vérifie à chaque fois : la qualité technique de l'enregistrement prévu et le caractère indispensable de la visio-conférence. Il ne faut donc pas le faire de manière automatique. Il faut que le juge exerce un contrôle à chaque fois.

Le Conseil d'État ajoute, ensuite, une autre limite. Lorsque l'enjeu est tellement lourd, comme au procès d'assises, on ne peut pas admettre d’imposer la visio-conférence à l'accusé quel que soit le moment du procès. Le raisonnement du juge est donc le suivant : oui à la visio-conférence à titre tout à fait interrogatoire pendant la crise devant les juridictions correctionnelles mais, à condition, que le juge exerce un contrôle sur la nécessité absolue d’y recourir.

Lexbase Avocats : Est-ce qu’il est tout de même possible d’évoquer une décision en demi-teinte par rapport aux autres demandes formulées par les requérants, notamment sur la publicité des débats ?

Christian Saint-Palais : Oui, bien sûr, c'est une décision qui ne nous donne pas entièrement satisfaction mais le Conseil d'État avait déjà admis des dérogations aux principes fondateurs du procès lors du premier confinement. Nous sommes toujours avec l'espoir d'obtenir satisfaction en renouvelant les recours et nos arguments, notamment, parce que les conditions de ce second confinement ne sont pas tout à fait les mêmes. Donc, bien sûr, c'est une victoire en demi-teinte car il s’agit de l’admission de la visio-conférence de manière générale et de la possibilité de déroger, y compris jusqu'à un mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire. C'est toujours un risque d’admettre ce qui devrait être exceptionnel ou même parfois ce qui ne devrait jamais exister.

J’attire l'attention sur un autre problème. C'est symbolique, mais c'est tout à fait essentiel car il s’agit d’un nouveau laisser-aller dans la conduite du procès. En visio-conférence, un témoin par exemple - c'est une pratique qui s'est beaucoup généralisée - ne prête plus serment debout. Le mis en cause, ou le témoin, a un champ de vision de l’audience extrêmement réduit car il n’y pas de réalisateurs pour tourner les caméras sans arrêt. Il entend souvent mal, on l'entend souvent mal. Il reste assis. Plus personne ne se lève lorsque le tribunal rentre dans la salle d'audience puisque on s'est habitué à rester assis de l'autre côté de l'écran. Il s’agit pour moi d’un laisser-aller qui n’est pas compatible avec les exigences du procès pénal.

Lexbase Avocats : Le fait que le texte ait été signé de la main d’un ancien avocat pénaliste semble ajouter de la déception à l’indignation ; peut-on aussi parler, de façon plus générale, d’espoir déçu pour la profession ?

Christian Saint-Palais : Pour être déçu, je crois qu’il aurait fallu avoir beaucoup d'espoir. J'ai déjà dit mon enthousiasme au moment où Eric Dupond-Moretti a été nommé au poste de garde des Sceaux. C'est vrai que c'est une fierté pour moi qu’un pénaliste soit à la tête de la Chancellerie mais je sais aussi qu'il est intégré à une équipe et je connais le poids des administrations et, notamment, celle de la place Vendôme.

Ce que nous avons espéré, c'est que Dupond-Moretti mette l'énergie qu'on lui connaît pour convaincre de la nécessité d'installer en France un État de droit et une Justice telle que nous la voulons et telle que nous savons qu'elle doit être, une Justice humaine avec des principes fondateurs. Il faut lui laisser du temps. Pour l'instant, je constate qu'il n'a pas mis son énergie au service de la Justice que nous aimons. Je sais être patient mais que nous n'allons pas être patients trop longtemps. C'est vrai qu'il y avait de la colère et de la déception chez beaucoup de confrères. Nous sommes toujours, quel que soit notre garde des Sceaux, en état de vigilance, en état d’alerte pour la défense de l’État de droit et, quelles que soient les sympathies que l'on puisse avoir pour notre garde des Sceaux, cela ne va pas atténuer la force de notre engagement.

newsid:475522

Baux commerciaux

[Brèves] Crise sanitaire et exigibilité des loyers du bail commercial : rejet de l'exception d'inexécution et de la force majeure

Réf. : T. com. Lyon, 17 novembre 2020, aff. n° 2020J00420 (N° Lexbase : A7075378)

Lecture: 1 min

N5575BY7

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par Julien Prigent

Le 02 Décembre 2020

► La demande de suspension totale ou partielle des loyers n’est pas fondée et les loyers sont dus en totalité, malgré la fermeture administrative du commerce, dès lors que l’exception d’inexécution n’est pas opposable au bailleur et que les conditions de la force majeure ne sont pas remplies, le locataire devant prendre l’initiative de négocier. 

Plus précisément, le tribunal de commerce a précisé que :

- l’exception d’inexécution n’est pas opposable au bailleur, la fermeture administrative n’étant pas en lien avec un manquement du bailleur qui aurait rendu le local inexploitable au regard de l’activité prévue au bail ;

- aucune des deux parties ne peut se prévaloir de la force majeure, les trois conditions cumulatives nécessaires n’étant pas réunies. Le locataire ne démontre pas, en effet, une insuffisance de trésorerie qui l’empêcherait d’exécuter son obligation de débiteur, à savoir le paiement du loyer. En outre, la mise en place d’un fonds de solidarité et de mesures pour reporter ou étaler le paiement des loyers pour une catégorie d’entreprises exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences de la propagation du covid-19, démontre que le législateur ne reconnait pas le caractère de force majeure à la pandémie ;

- les entreprises ne relevant pas de ce fond doivent donc, de leur propre initiative, négocier avec leur bailleur un aménagement pour le règlement des loyers.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'obligation du locataire de payer le loyer du bail commercialL'exigibilité du loyer du bail commercial en période de crise sanitaire (Covid-19), in Baux commerciaux, Lexbase (N° Lexbase : E504834Q).

newsid:475575

Construction

[Brèves] La performance insuffisante d’un élément d’équipement dissociable peut engager la responsabilité décennale du constructeur s’il rend l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination

Réf. : Cass. civ. 3, 26 novembre 2020, n° 19-17.824, FS-P+B+I (N° Lexbase : A654537K)

Lecture: 4 min

N5587BYL

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 03 Décembre 2020

► Peu importe que l’élément d’équipement soit dissociable ou non s’il rend l’ouvrage impropre dans son ensemble ;
► la responsabilité décennale peut s’appliquer en cas de performance insuffisante d’une pompe à chaleur.

Le régime de responsabilité des constructeurs est spécifique lorsque les travaux sont constitutifs d’un élément d’équipement. Le Législateur a eu la juste ambition de circonscrire - en théorie - l’application de la responsabilité décennale des constructeurs aux dommages les plus graves, les autres relevant, si les conditions sont remplies, de la garantie de bon fonctionnement, de la garantie de parfait achèvement ou du droit commun de la responsabilité. Le Législateur a, plus précisément, distingué selon que l’élément d’équipement entraîne un dommage de gravité décennale à l’ouvrage ou non. Lorsque l’élément d’équipement entraîne un dommage de gravité décennale à l’ouvrage lui-même – il s’agit du cas le plus grave – le caractère dissociable ou non de l’élément d’équipement importe peu. La responsabilité décennale des constructeurs est susceptible d’être engagée sur le fondement de l’article 1792 du Code civil (N° Lexbase : L1920ABQ). Mais, comme l’a bien précisé la jurisprudence, c’est l’ouvrage dans son entier qui doit être rendu impropre à sa destination et non l’élément d’équipement (V. pour exemple Cass. civ. 3, 9 janvier 1991, n° 89-15.446 N° Lexbase : A4568AC8). En revanche, lorsque l’élément d’équipement n’entraîne pas d’impropriété à destination à l’ouvrage, les conditions de la responsabilité décennale des constructeurs sont plus sévères. Il ressort, en effet, des dispositions de l’article 1792-2 du Code civil (N° Lexbase : L6349G9Z) que l’élément d’équipement doit non seulement être affecté dans sa solidité mais qu’il doit être indissociable de l’ouvrage.

Le critère de l’indissociabilité est – une fois n’est pas coutume – définie dans l’article 1792-2 précité : « un élément d’équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l’un des ouvrages mentionnés à l’alinéa précédent lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage ». Tel est, par exemple, le cas d’un carrelage qui présente une fissuration dont l’expert a déclaré qu’elle était évolutive et qu’elle entraînerait à terme des ruptures (CA Paris, 16 mars 2001, RDI 2001, p. 253). Nul besoin alors de démontrer que la défaillance de l’élément d’équipement est de nature à entraîner une impropriété à la destination de l’ouvrage. Ce serait mélanger les conditions de l’article 1792 avec celles de l’article 1792-2.

Mais cela revient, tout de même, à autoriser une extension notable du champ d’application de la responsabilité décennale des constructeurs à des éléments d’équipement dissociables qui portent, notamment atteinte à l’habitabilité de l’ouvrage comme c’est le cas en l’espèce.

Des particuliers commandent à une entreprise la fourniture et l’installation dans leur maison d’une pompe à chaleur et d’un ballon thermodynamique. Se plaignant de pannes survenues durant l’hiver, ils assignent l’entreprise et son assureur. La cour d’appel de Bastia, dans un arrêt rendu le 27 mars 2019 (CA Bastia, 27 mars 2019, n° 15/00558 N° Lexbase : A2192Y7C), considère que la prestation commandée est impropre à l’usage auquel elle est destinée et condamne l’entreprise et son assureur sur le fondement de la responsabilité décennale. Un pourvoi est formé au motif principal que la défaillance de l’installation ne rendait pas l’ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination.

La Haute juridiction considère que la cour d’appel a pu souverainement déduire que les désordres affectant la pompe à chaleur rendaient l’ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination. Le système de chauffage était incompatible avec les radiateurs équipant l’immeuble et il était inévitable que la pompe connût des problèmes durant les périodes de grand froid.

newsid:475587

Divorce

[Textes] Nouvelle procédure de divorce : encore un décret…

Réf. : Décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 portant diverses dispositions relatives notamment à la procédure civile et à la procédure d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (N° Lexbase : Z7419194)

Lecture: 16 min

N5513BYT

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par Jérôme Casey, Avocat au barreau de Paris, Maître de conférences à l’Université de Bordeaux, Directeur scientifique de l’Ouvrage « Droit du divorce »

Le 02 Décembre 2020

 


Mots-clés : divorce • contentieux • procédure • 1107 CPC • 1108 CPC • audience d’orientation et sur les mesures provisoires (AOMP) • enrôlement • constitution du défendeur

Le décret du 27 novembre 2020 portant diverses dispositions relatives, notamment, à la procédure civile et à la procédure d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (JORF du 28 novembre 2020) n’est pas spécifique à la procédure de divorce. Il inclut dans son domaine des questions aussi diverses que des précisions sur le « circuit court » en matière d’appel, la généralisation de la possibilité de demander la disparition des plaidoiries dans les procédures orales… Pour ce qui nous intéresse (la future procédure des divorce contentieux, applicable à compter du 1er janvier 2021), le décret retouche les articles 1107 (N° Lexbase : L1614H4K) et 1108 (N° Lexbase : L8972K3P) du Code de procédure civile, tels qu’ils résultaient du décret du 17 décembre 2019 (décret n° 2019-1380 N° Lexbase : L0938LUB ; sur lequel, v., not., J. Casey, Réforme de la procédure civile 2020 - La réforme de la procédure des divorces contentieux, Lexbase, Droit privé, janvier 2020, n° 810 N° Lexbase : N1937BYE).


 

Deux aspects de la réforme sont donc revus par la Chancellerie : la question de l’ordre des écritures lorsque le demandeur ne révèle pas le fondement de sa demande en divorce dans son assignation (art. 1107), et la question fort sensible de la saisine du juge par l’enrôlement, avec des délais qui ne conditionnent rien moins que la validité de la procédure en divorce (art. 1108).

I. La modification de l’article 1108 du Code de procédure civile

Le texte issu du décret du 17 décembre 2019 (jamais entré en vigueur), prévoyait un système très compliqué, sans donner de garantie qu’il y ait un temps suffisant entre l’enrôlement de l’assignation et l’audience de mesures provisoires (dite « AOMP » pour audience d’orientation et sur mesures provisoires).

De plus, il faut garder à l’esprit que l’article 1108 calcule tous les délais d’enrôlement de l’assignation à partir de ce que nous nommons la « date de la date », c’est-à-dire la date à laquelle la juridiction communique au demandeur la date de l’AOMP. En outre, ce même article 1108 se montre très sévère relativement à ces questions, car la sanction de ces délais n’est rien moins que la caducité de l’assignation en divorce.

Par conséquent, il est impératif que les praticiens s’y retrouvent et soient parfaitement éclairés quant aux délais applicables.

Le texte nouveau est ainsi rédigé (décret du 17 novembre 2020, art. 1, 30° ; nous soulignons les modifications) :

« Le juge aux affaires familiales est saisi, à la diligence de l'une ou l'autre partie, par la remise au greffe d'une copie de l'acte introductif d'instance.
Sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date.
En outre, lorsque la date de l’audience est communiquée par voie électronique, la remise doit être faite dans le délai de deux mois à compter de cette communication.

La remise doit avoir lieu dans les délais prévus aux alinéas précédents sous peine de caducité de l'acte introductif d'instance constatée d'office par ordonnance du juge aux affaires familiales, ou, à défaut, à la requête d'une partie.
Le défendeur est tenu de constituer avocat dans le délai de quinze jours à compter de l'assignation. Toutefois, si l’assignation lui est délivrée dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l’audience, il peut constituer avocat jusqu’à l’audience.
Dès le dépôt de la requête formée conjointement par les parties, de la constitution du défendeur ou, à défaut, à l'expiration du délai qui lui est imparti pour constituer avocat, le juge aux affaires familiales exerce les fonctions de juge de la mise en état ».

Deux questions d’importance inégales apparaissent alors. D’une part, la question des délais d’enrôlement, et donc de saisine du juge (A). D’autre part, la question de la constitution du défendeur (B).

A. Les délais d’enrôlement de la demande en divorce

Le texte nouveau n’est pas réellement plus simple que l’ancien. Il est différent, voilà tout.

On peut le synthétiser ainsi : un principe est posé, lequel reçoit deux applications, selon que la date de l’AOMP a été communiquée de façon électronique ou non.

1) Le principe

Par principe, la date d’audience aura été communiquée plus de quinze jours avant l’AOMP. Dans ce cas, la remise de l’assignation doit être faite au greffe quinze jours avant la date de l’AOMP (CPC, art. 1108, al. 2).

2) Application avec communication d’une date d’AOMP par voie électronique

Si la juridiction a communiqué la date d’AOMP par voie électronique, la remise de l’assignation doit être faite dans le délai de deux mois à compter de la « date de la date » (CPC, art. 1108, al. 3). Pour autant, l’alinéa 2 (et les quinze jours d’écart qu’il prévoit) reste applicable.

Par conséquent, il conviendra de procéder à l’enrôlement dans les deux mois de la « date de la date », tout en s’assurant que l’assignation soit remise au minimum quinze jours avant la date de l’AOMP, puisque les deux délais sont cumulatifs.

Si d’aventure la date de l’AOMP est fixée dans les semaines 9 ou 10 (donc entre deux mois et deux mois et demi), le délai de quinze jours primera toujours le délai de deux mois pour enrôler. En effet, si l’on ne raisonne pas ainsi et que l’on ne se fie qu’au délai de deux mois, on risque (potentiellement) de ne pas respecter le délai de quinze jours d’écart obligatoire, ce qui rendrait caduque l’assignation en divorce. Les avocats devront particulièrement vigilants sur ce cas particulier.

Exemple : AOMP le jeudi de la semaine 9 et enrôlement le mardi de la semaine 8 : l’enrôlement est bien dans les deux mois de la « date de la date » (al. 2), mais ne respecte pas les quinze jours de l’alinéa 1er de l’article 1108. La caducité de l’assignation est encourue.

Au contraire, si la date d’AOMP est au-delà de deux mois et demi par rapport à la « date de la date »), le délai de deux mois primera toujours le délai de quinze jours. Dans ce cas, il suffira de respecter un enrôlement dans les deux mois de la « date de la date » pour être certain de respecter les textes.

3) Application avec communication d’une date d’AOMP par voie non électronique

Lorsque la date d’AOMP sera fixée autrement que par voie électronique, le système se complique sérieusement. En effet, l’alinéa 2 de l’article 1108 commence par cette formulation un peu curieuse : « sous réserve que la date d’audience soit communiquée quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date ». Cette formulation peu claire (qui est identique à celle du droit commun de la procédure devant le tribunal judiciaire, v., l’article 754 du Code de procédure civile, également modifié par le présent décret dans un but évident d’harmonisation), nous paraît contenir deux faces, à l’endroit et à l’envers.

Le texte lu à l’endroit. S’il y a quinze jours au minimum entre la « date de la date » et l’AOMP, alors l’assignation devra être enrôlée dans les quinze jours précédant l’AOMP. On remarquera que si l’on est à quinze jours pile, ce sera presque mission impossible : le temps de faire signifier l’assignation, d’avoir le retour du second original, d’aller le faire enrôler, il sera matériellement impossible de fixer une AOMP à quinze jours de la « date de la date ». Il est donc à espérer que les greffes donnent toujours des dates d’AOMP à trois semaines minimum (gardons à l’esprit que si le demandeur ne respecte pas ce délai de quinze jours, son assignation sera déclarée caduque).

Le texte lu à l’envers. L’article 1108, alinéa 2, nous paraît accepter que l’AOMP soit fixée à moins de quinze jours de la « date de la date », puisque l’expression « sous réserve » laisse entendre qu’il peut en aller différemment. Il est donc admissible que le greffe donne une date d’AOMP qui soit à moins de quinze jours du jour où cette date est communiquée au demandeur. Pour preuve, la deuxième phrase de l’alinéa 5, qui a été ajoutée par le décret du 27 novembre 2020, prévoit que le défendeur peut se constituer jusqu’à l’AOMP s’il a été touché par l’assignation moins de quinze jours avant l’AOMP (v., infra). Cette disposition n’aurait aucun sens s’il était interdit de fixer des AOMP à moins de quinze jours de la « date de la date ». Donc, il nous paraît acquis que le greffe peut donner une date d’AOMP à moins de quinze jours… Hélas, le texte ne dit rien du délai dans lequel le demandeur doit faire enrôler son assignation en pareil cas. On suppose que ce sera au jour de l’AOMP au plus tard, puisque c’est le jour où le défendeur peut aussi se constituer.

Cependant, même si une date d’AOMP donnée à moins de quinze jours de la « date de la date » semble bien licite, il est peu probable que cette configuration soit fréquente, car elle conduira presque toujours à un renvoi, puisque le défendeur qui s’est constitué le jour de l’AOMP aura beau jeu de dire qu’il n’a pas eu le temps matériel de préparer sa défense.

Par conséquent, le nouveau système mis en place par le décret exigera des juridictions qu’elles fassent très attention aux dates d’AOMP qu’elles fixeront. En effet, si l’AOMP est fixée par voie électronique, il faudra que la juridiction veille à toujours donner une date d’AOMP à plus de deux mois de la « date de la date », sinon l’alinéa 2 de l’article 1108 sera impossible à appliquer. Au contraire, en l’absence de date d’AOMP fixée par voie électronique, la juridiction devra veiller à fixer une date d’AOMP à plus de trois semaines (et dans tous les cas sûrement pas à moins de quinze jours, même si cela semble possible), au risque sinon de s’exposer à des demandes de renvois systématiques.

Il faut, enfin, se souvenir que les juridictions du fond doivent se préparer à l’entrée en vigueur de cette réforme. Deux procédures de divorce vont cohabiter pendant des années (les greffes vont apprécier), ce qui va sensiblement augmenter les difficultés d’organisation. En outre, nombre de magistrats veulent éviter un « juge shopping » (choisir son juge en allant chercher sa date d’AOMP), ce qui est une préoccupation plus que légitime. A cette fin, certaines cours d’appel veulent imposer une audience d’orientation avant l’AOMP (ce qui est rationnel, mais contraire aux textes), d’autres veulent créer un « cabinet fantôme » (mais cela engendrera deux dates, ce qui faussera le calcul des délais), d’autres envisagent de faire donner les dates d’AOMP par le greffe central… Tout ceci montre que les dates d’AOMP seront sans doute plutôt fixées de façon lointaine que ultra proche. C’est dire le décalage qui existe entre la réalité de terrain et la formulation difficile de l’article 1108 « nouveau ». Certes, elle est harmonisée avec le droit commun procédural, mais était-ce à ce point nécessaire ? A quoi sert cette symétrie d’architecte ? Le pragmatisme ne commande-t-il pas, au contraire, de reconnaître que la procédure de divorce possède ses spécificités et qu’il vaut mieux créer un système lisible, aisé à comprendre ? Gageons que les pratiques judiciaires sauront imposer une simplicité que la Chancellerie, une fois de plus, n’a pas voulu décider, même en réformant un décret qui n’était pas encore entré en vigueur… 

B. La constitution du défendeur

L’article 1108 a conservé la règle posée par le décret du 17 décembre 2019 : le défendeur est tenu de constituer avocat dans le délai de quinze jours à compter de l'assignation, sans sanction spécifique (sauf le fait qu’il encourt alors le risque que l’AOMP se déroule sans lui). La nouveauté est dans la phrase suivante : « Toutefois, si l’assignation lui est délivrée dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l’audience, il peut constituer avocat jusqu’à l’audience ».

Cette formulation, on l’a vu ci-dessus, répond à celle de l’alinéa 2 et l’incroyable « sous réserve » qui est aussi utilisé dans le droit commun processuel. D’ailleurs, dans ce droit commun processuel, l’article 763 nouveau (N° Lexbase : L9304LTR) reprend la même règle que celle ajoutée à l’article 1108 en matière de divorce, permettant une constitution du défendeur jusqu’au jour de l’audience s’il y a moins de quinze jours entre l’assignation et celle-ci.

Pour autant, le résultat, dans la procédure de divorce, est plus que brouillon. Il est en outre peu réaliste en termes d’organisation pratique des juridictions, ainsi que nous l’avons vu. L’on peut être à peu près sûr que si le défendeur se constitue le jour de l’AOMP (ou la veille, ou trois jours avant peu importe), il demandera systématiquement un renvoi que le juge ne pourra refuser, sauf à violer ouvertement l’article 16 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1133H4Q)…

On laissera donc au lecteur le soin de conclure lui-même sur la portée pratique de la modification apportée par le décret du 27 novembre 2020 à l’article 1108 CPC…

II. La modification de l’article 1107 du Code de procédure civile

Le décret du 27 novembre 2020 ajoute à l’article 1107 l’alinéa suivant, qui devient l’alinéa final du texte :

« Lorsque le demandeur n’a pas indiqué le fondement de la demande en divorce dans l’acte introductif d’instance, le défendeur ne peut lui-même indiquer le fondement de la demande en divorce avant les premières conclusions au fond du demandeur ».

Il faut rappeler que l’assignation devra impérativement être muette sur le fondement de la demande en divorce lorsque le demandeur aura en tête d’utiliser le divorce pour faute (v., CPC, art. 1107, alinéa 3). Mais il en ira de même lorsque le demandeur, volontairement cette fois, ne dit rien de son intention de divorcer pour altération du lien.

Le nouveau décret étend, donc, l’obligation de devenir muet… En effet, dans les deux cas (divorce pour faute ou divorce pour altération), dès lors que l’assignation est muette sur le fondement de la demande, les conclusions en réponse devront être muettes aussi ! Le mutisme du demandeur va donc commander le mutisme du défendeur, ce qui est tout de même plus que curieux.

Nous peinons à voir comment le défendeur va pouvoir conclure réellement sérieusement sans savoir sur quoi le demandeur fonde sa demande en divorce. A ce stade, personne ne sait si la demande en divorce est véritablement bien fondée, mais il faudrait conclure quand même ?! C’est plus qu’un concept, c’est une absurdité. Cela se vérifie encore plus dans les cas où il existe un contexte de violences. Il faudra conclure sur les enfants mais sans évoquer la question ni pouvoir former une demande reconventionnelle en divorce pour faute… Pire encore, lorsqu’une ordonnance de protection aura été rendue, il faudra feindre une stricte neutralité dans les conclusions en réponse à l’assignation. C’est tout simplement grotesque.

Chacun devine ce qui va donc se passer. Les premières conclusions du défendeur seront de pure forme, et n’auront d’autre but que de provoquer (enfin) l’apparition des conclusions du demandeur, dans lesquelles ce dernier dévoilera enfin le fondement de sa demande. Alors, et alors seulement le débat sur le fond sera lancé. Que de temps perdu, que d’hypocrisie….

On gardera donc à l’idée que le nouveau décret ne simplifie rien que cette question, et obligera les défendeurs au divorce à un silence prolongé que rien ne justifie. Pire encore, tout ce fatras va retarder l’examen d’éventuelles fins de non-recevoir, ou des exceptions de procédure mettant fin à l’instance, lesquelles risquent d’être examinée par le juge après que l’AOMP ne se soit tenue. Or, s’il est fait droit à ces exceptions ou fins de non-recevoir, que deviendront les mesures provisoires de l’AOMP ?

Là encore, il n’est pas très difficile de conclure sur l’utilité de la modification apportée par le décret à l’article 1107…

III. Droit transitoire

Enfin, on terminera cette rapide présentation en disant deux mots du droit transitoire du décret du 27 novembre 2020 pour ce qui est du divorce.

La question est réglée par l’article 12 du décret, qui dispose :

« Les articles 7 à 9 entrent en vigueur le lendemain du jour de la publication du présent décret au Journal officiel.

Les autres articles entrent en vigueur le 1er janvier 2021. Ils s’appliquent aux instances en cours à cette date, à l’exception des 19° et 25° de l’article 1er et de l’article 10, qui s’appliquent aux instances introduites à compter du 1er janvier 2021 ».

Or, la réécriture partielle des articles 1107 et 1108 résulte de l’article 1er du décret (art. 1, 29° et 30° très précisément). Ainsi, la lecture de l’article 12 du décret nous apprend que les 19° et 25° de l’article 1er du décret ne s’appliqueront qu’à compter du 1er janvier 2021, et uniquement aux instances introduites à compter de cette date. Au contraire, les autres dispositions (et donc celles de l’art. 1er, 29° et 30° relatives au divorce) entreront certes en vigueur le 1er janvier 2021 (ouf…), sauf que ces dispositions seront applicables… aux procédures en cours à cette date ! C’est alors que l’on est pris de vertige : les seules procédures de divorce en cours à cette date seront les « vieilles » procédures ! Faudra-t-il donc appliquer ces textes à l’ancienne procédure de divorce ? Ce serait non seulement absurde, mais tout simplement impossible ! Il est donc prouvé que les présentes dispositions de droit transitoire ont été conçues par la Chancellerie avec le même soin que celles qui furent prises à l’article 15 du décret n° 2019-1380 du 17 décembre 2019, qui fut corrigé (vu la bourde) par le décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 en son article 22. Visiblement, la Place Vendôme a du mal avec le droit transitoire…

En dépit de ces erreurs de débutant, il faut donc récapituler clairement : toutes les procédures engagées avant le 1er janvier 2021 relèveront du droit « ancien » de la procédure de divorce (en ce compris, l’appel, la cassation et un éventuel renvoi après cassation), et ceci y compris pour les assignations qui seront délivrées post 1er janvier 2021 en l’état d’une requête déposée avant cette date.

Au contraire, toute assignation en divorce signifiée à compter du 1er janvier 2021 (en pratique à compter du lundi 4 janvier 2021) fera que le divorce relèvera de la loi nouvelle et de ses merveilleux décrets d’application…

Nul doute que nous aurons à reparler sous peu de cette belle réforme…

newsid:475513

Droit pénal des affaires

[Brèves] Revirement sur la fusion-absorption : la société absorbante peut désormais voir sa responsabilité pénale engagée pour des faits commis par la société absorbée avant la fusion

Réf. : Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 18-86.955, FS-P+B+I (N° Lexbase : A551437D)

Lecture: 5 min

N5461BYW

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par Adélaïde Léon

Le 16 Décembre 2020

► En cas de fusion-absorption, la société absorbante peut être condamnée pénalement, à une peine d’amende ou de confiscation, pour une infraction commise par la société absorbée avant l’opération ;

Le champ d’application de cette solution diffère lorsque l’opération de fusion-absorption a eu pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale.

Rappel des faits. À l’issue d’une information judiciaire ouverte après l’incendie d’entrepôts de stockage d’archives, la société Intradis a été convoquée à comparaître le 23 novembre 2017 devant le tribunal correctionnel du chef de destruction involontaire de bien appartenant à autrui par l’effet d’un incendie provoqué par manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi.

En mars 2017, la société Recall France et sa filiale Intradis (ci-après la société absorbée) ont été absorbées par la société Iron Moutain (ci-après la société absorbante) dans le cadre d’une opération de fusion-absorption.

Les parties civiles ont fait citer la société absorbante à comparaître à l’audience du 23 novembre 2017. Cette dernière est, par ailleurs, intervenue volontairement à la procédure ouverte après information judiciaire.

Le tribunal correctionnel a fixé le montant des consignations à verser par les parties civiles et ordonné un supplément d’information afin de déterminer les circonstances de l’opération de fusion-absorption, et de rechercher tout élément relatif à la procédure en cours, notamment s’agissant de l’infraction de destruction involontaire initialement poursuivie à l’encontre de la société absorbée.

La société absorbante a relevé appel de cette décision.

En cause d’appel. La cour d’appel a confirmé le supplément d’information ordonné par les premiers juges ainsi que les dispositions désignant le commandant d’une compagnie de gendarmerie pour y procéder.

Moyens du pourvoi. La société absorbante a formé un pourvoi contre l’arrêt d’appel. Elle reprochait à la juridiction de l’avoir déboutée de sa demande de nullité du supplément d’information et d’avoir ordonné un supplément d’information dans le but de rechercher si l’opération de fusion-absorption n’était pas entachée de fraude.

Décision de la Cour. Selon la Chambre criminelle, les moyens exposés posent notamment la question suivante : dans quelles conditions, en cas de fusion-absorption, la société absorbante peut-elle être condamnée pénalement pour des faits commis, avant la fusion, par la société absorbée ?

Pour répondre à cette interrogation, la Cour s’attache à déterminer :

  • s’il existe un principe général de transfert de la responsabilité pénale en cas de fusion-absorption ;
  • si, le cas échéant, ce principe s’applique immédiatement.

En cas de réponse négative à l’une de ces sous-questions, la Cour entendait également déterminer si la solution devait être différente en cas de fraude lors de l’opération de fusion-absorption.

Jusqu’alors, la Cour de cassation refusait de retenir la responsabilité pénale de la société absorbante. Par une approche anthropomorphique assimilant la personne morale absorbée à une personne décédée, la Haute juridiction considérait que la perte de la personnalité juridique de la société absorbée, induite par la fusion, entrainait l’extinction de l’action publique.

Sur la responsabilité de la société absorbante. Opérant un revirement de jurisprudence et prenant, pour ce faire, appui sur une décision récente de la Cour européenne des droits de l’Homme dans le domaine du droit de la concurrence (CEDH, 1er octobre 2019, Req. 37858/14, Carrefour France c/ France N° Lexbase : A8015ZSN : v. F. Stasiak, Transmission d’une amende civile à la société absorbante : la fusion n’est qu’un changement d’état, Lexbase Pénal, novembre 2019 N° Lexbase : N1180BYD), la Cour juge ici qu’en cas de fusion-absorption, la société absorbante peut être condamnée pénalement, à une peine d’amende ou de confiscation, pour une infraction commise par la société absorbée avant l’opération.

Ce transfert de responsabilité ne pourra conduire qu’au prononcé de peines d’amende ou de confiscation à l’encontre de la société absorbante.

Sur le champ d’application du revirement. La Cour précise que ce transfert de responsabilité pénale ne s’applique qu’aux fusions-absorptions entrant dans le champ de la Directive n° 78/855/CEE du Conseil, du 9 octobre 1978, relative à la fusion des sociétés anonymes (N° Lexbase : L9347AUQ). S’agissant de l’application dans le temps, seules les opérations postérieures au 25 novembre 2020 seront concernées.

Toutefois, la Haute juridiction précise que lorsque la fusion-absorption aura eu pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale (fraude à la loi), la responsabilité pénale pleine et entière de la société absorbante pourra être engagée, quelle que soit la forme de la société concernée et quelle que soit la date de l’opération de fusion.

À venir : cette décision fera l'objet d'un commentaire par le Professeur Marc Segonds dans le numéro du mois de janvier de la revue Lexbase Pénal.

 

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Entreprises en difficulté

[Textes] Les apports de l’ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020

Réf. : Ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020, portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises aux conséquences de l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L7764LY9)

Lecture: 8 min

N5470BYA

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université Côte d'Azur, Directeur du Master 2 Administration et liquidation des entreprises en difficulté de la Faculté de droit de Nice, Membre CERDP (EA 1201)

Le 02 Décembre 2020


Mots-clés : covid-19 • adaptation du droit des entreprises en difficulté • conciliation • relevé de créances salariales • communication entre le greffe, les organes juridictionnels et les mandataires de justice

L’ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020 adapte certaines règles du droit des entreprises en diificulté aux conséquences de l'épidémie de covid-19. Elle contient trois séries de mesures concernant (i) la conciliation, (ii) l’établissement et la transmission des relevés de créances salariales et (iii) les règles de communication entre le greffe, les organes juridictionnels et les mandataires de justice.


La loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 (N° Lexbase : L6696LYN) a autorisé la prorogation de l'état d'urgence sanitaire. Le 1° du I de son article 10 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances, jusqu'au 16 février 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi en vue de prolonger ou de rétablir l'application des dispositions prises, le cas échéant modifiées, par voie d'ordonnance et à procéder aux modifications nécessaires à leur prolongation, à leur rétablissement ou à leur adaptation. Il n’est pas question avec cette loi de porter des textes totalement nouveaux.

L’ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020, publiée au Journal officiel du 26 novembre 2020, vient apporter une nouvelle adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises aux conséquences de l'épidémie de covid-19. Il ne s’agit effectivement que d’adaptation et non de nouveautés.

Cette ordonnance est applicable à Wallis-et-Futuna (art. 5).

L’ordonnance contient trois séries de mesures. Les premières concernent la conciliation (I), les deuxièmes l’établissement et la transmission des relevés de créances salariales (II), les dernières les règles de communication entre le greffe, les organes juridictionnels et les mandataires de justice (III).

I. Mesures intéressant la conciliation

La mesure phare de l’ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020 est incontestablement celle posée par son article 1er, qui permet la prorogation, une ou plusieurs fois, de la durée de la procédure de conciliation. Cette mesure est plus souple que celle qu’avait posée l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 (N° Lexbase : L5884LWT) [1]. Cette dernière avait rendu possible la prorogation de cinq mois de la procédure de conciliation et avait en outre permis l’enchainement de deux conciliations sans le délai de carence de trois mois entre deux conciliations prévues par l’article L. 611-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L1071KZP).

La durée totale de la procédure de conciliation ne peut dépasser dix mois. Un buttoir est donc posé. Pour autant, la mesure posée par l’ordonnance du 25 novembre 2020 est doublement plus souple que celle posée par l’ordonnance du 27 mars 2020. D’une part, il est possible de proroger plusieurs fois la durée de la conciliation, contrairement à la lettre de l’ordonnance du 27 mars 2020. D’autre part, cette prorogation peut permettre d’atteindre dix mois, alors que, sous l’empire de l’ordonnance du 27 mars 2020, si la première conciliation était d’une durée de quatre mois, la prorogation de cinq mois aboutissait à un maximum de neuf mois.

Il n’est pas prévu par le nouveau texte la possibilité d’enchaîner deux conciliations sans observer le délai de carence de trois mois entre les deux conciliations, résultant de l’article L. 611-7 du Code de commerce. Mais il faut bien reconnaître qu’une conciliation de dix mois rend inutile la possibilité d’enchainer deux conciliations, puisque cela aboutit de facto à un enchainement sans discontinuité de deux conciliations.

Observons aussi que les mesures empruntant aux règles de la discipline collective – arrêt des poursuites individuelles et des voies d’exécution –, posées par l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 (N° Lexbase : L1695LX3) [2] et applicables jusqu’au 31 décembre 2020, n’ont pas été reconduites.

Le législateur a pris le plus grand soin de préciser comment le texte devait s’appliquer dans le temps. D’une part, l'article 1er s'applique aux procédures en cours qui ont été ouvertes à compter du 24 août 2020 ainsi qu'à celles qui sont ouvertes à compter de l'entrée en vigueur de la présente ordonnance (art. 4, II). Il s’est agi d’éviter que cette possibilité de prolongation ne se cumule avec les prolongations résultant de l'ordonnance n° 2020-341, qui s'appliquaient aux procédures ouvertes au plus tard le 23 août 2020 [3]. D’autre part, le texte a vocation à s'appliquer jusqu'au 31 décembre 2021 inclus (art. 4, I). Jusqu’à cette date, le conciliateur pourra donc solliciter la prorogation de la durée de la conciliation.

On comprend de l’ordonnance du 25 novembre 2020 le souhait du législateur de voir utiliser la procédure de conciliation. Lorsque les prêts garantis par l’État auront cessé d’anesthésier les esprits et que le constat sera fait que la trésorerie de l’entreprise ne permettra pas de rembourser la première échéance de ces prêts, alors les chefs d’entreprises responsables retrouveront le bon sens, c’est-à-dire le chemin des tribunaux pour traiter les difficultés de leur entreprise ainsi que le prévoit le livre VI du Code de commerce.

II. Les mesures intéressant l’établissement et la transmission des relevés de créances salariales

L’ordonnance du 25 novembre 2020 revient également sur la question de la transmission des relevés de créances salariales.

L’ordonnance n° 2020-341 (art. 1, I, 2°, réd. ord. no 2020-596 du 20 mai 2020) avait en effet prévu que, jusqu’au 23 août 2020, « les relevés des créances résultant d'un contrat de travail sont transmis sans délai par le mandataire aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du Code du travail (N° Lexbase : L8479LQ4) ». Un alinéa distinct ajoute que « les dispositions du premier alinéa de l'article L. 625-1 (N° Lexbase : L3315ICR) et de l'article L. 625-2 (N° Lexbase : L3383ICB) du Code de commerce s'appliquent sans avoir pour effet l'allongement du délai de cette transmission ».

Cette disposition visait à assouplir les modalités de vérification du passif social avant transmission des relevés de créances à l’AGS, afin que les salariés n’aient pas à subir les ralentissements naturellement induits par la situation sanitaire. L’obtention du visa du juge-commissaire et la signature du représentant des salariés s'avère en effet compliquée pendant la période de crise sanitaire. Si l’ordonnance du 27 mars 2020 n’écarte ni la signature du représentant des salariés, ni le visa du juge commissaire, elle permet, sans attendre leur intervention, une transmission des relevés à l’AGS par le mandataire judiciaire. Ainsi, la garantie de l’AGS peut-elle être actionnée nonobstant l’absence de signature du représentant des salariés et du visa du juge-commissaire sur les relevés [4].

Il avait été annoncé par la doctrine que les relevés de créances qui seraient transmis à l’AGS sans ces signatures devront être régularisés ultérieurement [5].

L’article 2 de l’ordonnance du 25 novembre vient à nouveau indiquer que, dès que le mandataire judiciaire a établi le relevé mentionné à la première phrase de l'article L. 625-1 du Code de commerce, il en transmet un exemplaire, sous sa seule signature, à l’AGS. Le texte précise ensuite que, lorsque cet exemplaire n'est pas conforme au relevé sur lequel est apposé le visa du juge-commissaire, le mandataire judiciaire transmet sans délai ce dernier à l’AGS. Il est donc bien prévu par le nouveau texte une régularisation des relevés comme cela avait été annoncé.

Précisons que, pour l'application de cette disposition à Wallis et Futuna, la référence au Code du travail est remplacée par la référence aux dispositions applicables localement (art. 5).

III. Les mesures intéressant les règles de communication entre le greffe, les organes juridictionnels et les mandataires de justice

Les règles de communication simplifiée entre le greffe et les organes juridictionnels, d’une part, et les mandataires de justice, d’autre part, qui avaient été posées par l’article 2, I, 3° de l’ordonnance no 2020-341 du 27 mars 2020, modifié par l’article 9 de l’ordonnance no 2020-596 du 20 mai 2020, et applicables jusqu’au 23 juin 2020, sont reconduites par l’ordonnance du 25 novembre 2020.

L’article 3 de cette ordonnance prévoit que « les communications effectuées dans le cadre des procédures du livre VI du Code de commerce, entre, d'une part, l'administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire, le liquidateur, le commissaire à l'exécution du plan, le mandataire ad hoc désigné en application de l'article L. 611-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L0356LTD) ou le conciliateur désigné en application de l'article L. 611-6 du même code (N° Lexbase : L8621LQD), et, d'autre part, le greffe du tribunal ainsi que les organes juridictionnels de la procédure se font par tout moyen ».

Le texte nouveau prend le soin de préciser, ce que n’avait pas fait le texte ancien, que ces dispositions relatives à la communication simplifiée ne s'appliquent pas aux documents pour lesquels le livre VI du Code de commerce prévoit la faculté d'en prendre connaissance au greffe du tribunal. Tel sera, par exemple, le cas pour le dépôt, par l'administrateur ou le mandataire judiciaire du dépôt du compte-rendu de fin de mission dont tout intéressé peut prendre connaissance [6].

Les dispositions de l’article 3 s'appliquent aux communications effectuées à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente ordonnance, et cela jusqu'au 31 décembre 2021 inclus (art. 4, I).

 

[1] P.-M. Le Corre, Retour sur les principales mesures de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020, à la lumière de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020, portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l'urgence sanitaire, Lexbase Affaires, mai 2020, n° 636 (N° Lexbase : N3372BYK).

[2] P.-M. Le Corre, Publication d’une seconde ordonnance portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l'épidémie de covid-19, Lexbase Affaires, juin 2020, n° 637 (N° Lexbase : N3543BYU).

[3] Rapport au Président de la République, relatif à l'ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020, portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises aux conséquences de l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : Z6499394).

[4] L. Vecchioni Ben Cheikh, Extension de la garantie de l’AGS dans le cadre de la crise sanitaire liée au Covid-19, Gaz. Pal., 13 juillet 2020, n° 26, p. 87.

[5] L. Vecchioni Ben-Cheikh, art. préc., spéc. p. 88.

[6] Rapport au Président de la République, préc..

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Fiscalité du patrimoine

[Brèves] Une convention d’animation est insuffisante pour rapporter à elle seule la preuve du rôle d'animation effective joué d’une holding

Réf. : CA Lyon, 24 novembre 2020, n° 19/03679 (N° Lexbase : A486637D)

Lecture: 3 min

N5527BYD

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par Marie-Claire Sgarra

Le 02 Décembre 2020

La cour d’appel de Lyon est venue apporter de nouvelles précisions sur la notion de holding animatrice.

Les faits. Les requérants ont souscrit dans les délais leurs déclarations d’ISF des années 2013 et 2014, ains qu’au titre des années 2008 à 2012. Ces dernières indiquaient toutes un patrimoine inférieur au seuil d’imposition. Une proposition de rectification a été adressée pour l’ensemble des déclarations des années 2008 à 2014. Les rappels d’ISF et l’intérêt de retard ont été mis en recouvrement. Une première réclamation a donné lieu à une décision d’acceptation partielle. Une seconde réclamation, dans laquelle le redevable sollicitait le bénéfice de l’exonération partielles des actions détenues dans une société au titre de l’ISF des années 2013 et 2014, a donné lieu à une décision de rejet. Le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a accueilli la demande des requérants.

Pour rappel, les versements effectués au capital de sociétés holding animatrices peuvent, sous certaines conditions, ouvrir droit à l’avantage prévu à l’article 885 I quater du Code général des impôts (N° Lexbase : L3203LCM), dispositions dont se prévalent les requérants. À l’inverse des sociétés holding passives qui sont exclues du bénéfice de la réduction d’impôt en tant que simples gestionnaires d’un portefeuille mobilier.

  • 1. C'est le critère d'animation effective du groupe qui permet de reconnaître à ces sociétés holding une activité autre que la simple gestion d'un portefeuille ;
  • 2. Ce rôle d'animation doit être établi par le redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune qui s'en prévaut ;
  • 3. Une convention d’animation est insuffisante pour rapporter à elle seule la preuve du rôle d’animation effective joué par la société.
  • 4. Si le rapport de gestion pour l’exercice clos le 31 décembre 2013 et celui pour l’année suivante mentionne que « l’activité des filiales a été exercée conformément aux orientations stratégiques de la société S » au cas particulier les contribuables n’apportent aucune précision concernant ces orientations.

« Cette mention, figurant dans les rapports de gestion, s'apparente dès lors plus à une clause de style à des fins d'exonération fiscale, les mails produits pour justifier d'un rôle effectif d'animation joué par la société ne concernant pas les années 2013 et 2014 mais les seules années 2015, 2016 et 2017 ».

Il n’est dès lors pas rapporté la preuve que la société a participé activement à la conduite de la politique du groupe ainsi qu’au contrôle des filiales, aux périodes litigieuses, condition pour bénéficier de l’exonération fiscale.

 

 

newsid:475527

Procédure civile

[Brèves] Réforme de la procédure civile : publication d’un nouveau décret !

Réf. : Décret n° 2020-1452, du 27 novembre 2020, portant diverses dispositions relatives notamment à la procédure civile et à la procédure d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (N° Lexbase : Z7419194)

Lecture: 3 min

N5511BYR

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 02 Décembre 2020

► Le décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 portant diverses dispositions relatives notamment à la procédure civile et à la procédure d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, publié au Journal officiel du 28 novembre 2020, vient notamment ajuster diverses dispositions à la suite de l'entrée en vigueur du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile (N° Lexbase : L8421LT3).

Les praticiens vont une nouvelle fois être ravis de ce nouveau texte qui vient ajouter un mot, ou encore retrancher certaines dispositions, et modifier des précédents renvois.

De manière sommaire, le décret n° 2020-1452 :

  • modifie les exigences tenant à l’acte introductif d’instance, en supprimant diverses mentions dans l’assignation et la requête ;
  • crée une nouvelle obligation devant le tribunal judiciaire : celle de communiquer le projet d’assignation pour l’obtention d’une date d’audience ;
  • étend la possibilité de statuer sans audience et les procédures dans lesquelles le juge peut dispenser une partie à se présenter à une audience ultérieure ;
  • ajoute des dispositions relatives aux matières et aux procédures dans lesquelles l’exécution pourra être ordonnée ;
  • supprime l’obligation d’indiquer dans la déclaration d’appel les pièces sur lesquelles la demande est fondée, avec une modification dans le même sens portant sur la déclaration de pourvoi en matière d’élection professionnelle ;
  • comprend des dispositions sur la procédure d’appel d’un jugement statuant en cours de mise en état sur une question de fond et une fin de non-recevoir ;
  • clarifie les modes de saisie du juge des contentieux de la protection dans le cadre de la procédure de surendettement ;
  • donne une compétence exclusive au juge des contentieux de la protection, pour constater la résiliation du bail et ordonner la reprise des lieux lorsque le bien a été abandonné par ses occupants ;
  • enfin, insère des nouvelles dispositions dans le décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004, relatif aux experts judiciaires.

L’entrée en vigueur de ce décret est fixée au 1er janvier 2021, et s’appliquera aux instances en cours à cette date, sauf en ce qui concerne les dispositions de 7 à 10, ainsi que celles des 19° et 25° de l'article 1er qui rentreront en vigueur à la même date mais seront applicables aux instances introduites à compter de cette dernière. Enfin les dispositions relatives à la formation des experts judiciaires de l’article 9 sont entrées en vigueur le lendemain de la publication du décret.

Pour bien saisir toutes les spécificités et les apports de ce décret relatif à la procédure civile, deux commentaires seront prochainement publiés dans la revue Lexbase Droit privé, le premier rédigé par Farid Seba, ancien avoué à la cour, avocat spécialiste en procédure d’appel, formateur en procédure civile, portant sur les spécificités à la procédure d’appel, et le second rédigé par Charles Simon, avocat au barreau de Paris, portant sur les autres dispositions relatives à la procédure civile.

 

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Procédure civile

[Jurisprudence] Conformité des procédures sans audience à la Constitution : quand le Conseil constitutionnel valide l’adaptation du droit à un procès équitable à l’état d’urgence sanitaire

Réf. : Cons. const., décision n° 2020-866 QPC du 19 novembre 2020 (N° Lexbase : A944634M)

Lecture: 28 min

N5505BYK

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par Yannick Ratineau, Maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes - Directeur adjoint de l’Institut d’Études Judiciaires de Grenoble en charge de la prépa ENM - Membre du Centre de Recherches Juridiques - EA 1960

Le 06 Novembre 2023


Mots-clés : procédure civile • procédures sans audience • Covid-19 • conformité à la Constitution (oui) • droit au juge • débat contradictoire • reconnaissance d’un principe de présence (non)


Dans sa décision n° 2020-866 QPC du 19 novembre 2020 (N° Lexbase : A944634M), le Conseil constitutionnel donne, pour la première fois, à la tenue d’une audience en matière civile le caractère d’une garantie légale des droits processuels constitutionnels dont les parties disposent. Il admet cependant, dans un contexte particulier qui est celui de l’état d’urgence sanitaire, que le juge puisse imposer une procédure sans audience sans que celles-ci ne disposent de la faculté de s’y opposer, dès lors que l’on se trouve dans l’hypothèse d’une procédure en référé, d’une procédure accélérée au fond, ou une procédure dans laquelle le juge doit statuer dans un délai déterminé.

L’audience constitue le temps fort d’un procès, qu’il soit civil ou pénal. L’audience est un lieu et un temps redouté ou attendu par le justiciable qui va se préparer, des semaines durant, voire des mois parfois, à cet instant durant lequel il va rencontrer son juge. Mais l’audience fait aujourd’hui l’objet de nombreuses critiques, notamment de la part de nos gouvernants qui, dans un contexte de rigueur budgétaire, et maintenant de crise sanitaire, la juge trop lourde, trop chère, et conteste l’importance de sa plus-value dans la construction de la décision judiciaire, notamment dans les contentieux de masse où, confrontés au fil des audiences à une répétition des situations, les juges sont conduits à élaborer, de manière plus ou moins intuitive, des barèmes leur permettant de gagner un temps précieux tout en augmentant leur efficacité dans la prise de décision ; augmentation d’efficacité non négligeable dans un contexte de recherche constante d’accroissement de la productivité dans l’activité juridictionnelle [1].

L’idée d’un procès sans audience s’est donc progressivement développée. Le pas a été sauté en matière pénale dès la fin des années 1990, et plusieurs réformes plus tard, un constat peut être dressé : la majorité des délits de faible ou moyenne gravité sont aujourd’hui jugés par le biais de procédures pénales qui contournent l’audience correctionnelle. En matière civile, cette possibilité est apparue avec la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 (N° Lexbase : L6740LPC) qui a introduit au sein du Code de l’organisation judiciaire un article L. 212-5-1 (N° Lexbase : L0598LTC) en vertu duquel « devant le tribunal de grande instance [devenu tribunal judiciaire à la suite de l’entrée en vigueur des dispositions de l’ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019 N° Lexbase : L4046LSN], la procédure peut, à l'initiative des parties lorsqu'elles en sont expressément d'accord, se dérouler sans audience. En ce cas, elle est exclusivement écrite. Toutefois, le tribunal peut décider de tenir une audience s'il estime qu'il n'est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l'une des parties en fait la demande. ».

Si le principe fondamental qui sous-tend la mise en œuvre de cette procédure est celui du consentement préalablement exprimé par les parties, l’adaptation de notre justice à la menace du coronavirus, et au confinement généralisé qui en est la conséquence juridique, a conduit nos gouvernants à changer de paradigme en prévoyant au sein de l’article 8  de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : L5722LWT) que « Lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut décider que la procédure se déroule selon la procédure sans audience. Elle en informe les parties par tout moyen. A l'exception des procédures en référé, des procédures accélérées au fond et des procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé, les parties disposent d'un délai de quinze jours pour s'opposer à la procédure sans audience. A défaut d'opposition, la procédure est exclusivement écrite. La communication entre les parties est faite par notification entre avocats. Il en est justifié dans les délais impartis par le juge » ( E. Vergès, La justice civile à l’heure du confinement : une procédure dérogatoire du 21ème siècle, Lexbase, Droit privé, 2020, n° 820 N° Lexbase : N2899BYZ).

Ce texte, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 (N° Lexbase : L1697LX7), a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité rédigée de la manière suivante : « L’article 8, alinéa 1, de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 est-il conforme à la Constitution au regard du préambule de la Constitution et particulièrement de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D), de l’article 55 de la Constitution (N° Lexbase : L1320A9R) éclairé par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L7558AIR) ?  ». Jugée sérieuse par la Cour de cassation, la question a été renvoyée au Conseil constitutionnel (Cass. civ. 2, 24 septembre 2020, n°20-40.056, FS-D (N° Lexbase : A85243UA).

Les différentes observations présentées par la requérante, l’ordre des avocats au barreau de Paris, le syndicat des avocats de France et le syndicat de la magistrature, postulaient que l’article 8 dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2020-304 (N° Lexbase : L5722LWT), méconnaîtrait le droit à un procès équitable garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D), notamment les droits de la défense, le droit à un recours effectif, le principe contradictoire – parce que la décision de tenir une procédure sans audience, qui peut être imposée à tout moment, n’est ni motivée ni susceptible de recours – ou encore le principe d’égalité devant la justice dans la mesure où le juge serait entièrement libre de décider d’une dispense d’audience, et où une partie pourrait demander une telle dispense dans son seul intérêt, sans possibilité pour son adversaire de s’y opposer, rompant ainsi l’équilibre des droits des parties. La méconnaissance de l’article 55 de la Constitution était également évoqué car cette procédure sans audience serait contraire aux principes consacrés par l’article 6 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR).

Enfin, de manière plus originale, le syndicat des avocats de France faisait valoir que les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 seraient contraires à un « principe de présence » qu’il demandait au Conseil constitutionnel de reconnaître afin de garantir la présence physique du justiciable devant le juge.

Dans sa décision n° 2020-866 QPC du 19 novembre 2020 (N° Lexbase : A944634M), le Conseil constitutionnel a écarté l’ensemble de ces arguments en jugeant conforme à la Constitution l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304. Pour cela, il rappelle tout d’abord que « les dispositions contestées visent à favoriser le maintien de l’activité des juridictions civiles, sociales et commerciales malgré les mesures d’urgence sanitaire prises pour lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19 », de sorte qu’elles poursuivent « l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et contribuent à la mise en œuvre du principe constitutionnel de continuité du fonctionnement de la justice ».

Le Conseil observe ensuite que « la procédure sans audience ne s’applique qu’aux affaires pour lesquelles la mise en délibéré a été annoncée durant l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020 ou pendant le mois suivant sa cessation » de sorte que les dispositions contestées « visent à éviter que l’opposition d’une partie à l’absence de tenue d’une audience conduise au report du jugement de l’affaire à une date éloignée, dans l’attente de meilleures conditions sanitaires […] ce qui permet donc aux juridictions de statuer dans des délais compatibles avec la célérité qu’exigent les procédures d’urgence en cause ». Enfin, il rappelle que les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 « ne sont applicables que lorsque les parties doivent être représentées par un avocat ou lorsqu’elles ont choisi d’être représentées ou assistées par un avocat ». Or, comme le souligne le Conseil, « la présence de l’avocat garantit aux justiciables la possibilité de défendre utilement leur cause dans le cadre d’une procédure écrite ». Par ailleurs, ce texte prévoit que la communication entre les parties « est faite par notification entre avocats » et qu’il « en est justifié dans les délais impartis par le juge », ce qui « impose donc de respecter une procédure écrite contradictoire ». Le Conseil constitutionnel ajoute in fine que « les dispositions contestées se bornent à offrir une faculté au juge, à qui il appartient, en fonction des circonstances propres à chaque espèce, de s’assurer qu’une audience n’est pas nécessaire pour garantir le caractère équitable de la procédure et les droits de la défense ». Naturellement, le grief tiré de la violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme est écarté, le Conseil constitutionnel rappelant qu’il ne lui appartient pas, lorsqu’il est saisi en application de l’article 61-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5160IBQ), d’examiner la conformité d’une disposition législative aux stipulations d’un traité ou d’un accord international.

La décision du 19 novembre 2020 rendue par le Conseil constitutionnel est riche d’enseignements et ouvre des pistes de réflexion intéressantes dans le contexte de crise sanitaire que notre pays traverse du fait de la présence du Covid-19 sur notre territoire. Il doit être retenu que le respect du droit à un procès équitable n’impose pas au législateur de garantir la rencontre du juge et des parties dans le cadre d’une audience, quand bien même cette absence de rencontre serait imposée aux parties sans possibilité pour elles de contester cette décision (I) ; que le droit à un procès équitable n’est pas davantage méconnu en cas d’absence de débats oraux entre les parties devant le juge pour que soit garanti le principe contradictoire, dès lors que des débats écrits ont pu se dérouler dans le cadre d’une procédure écrite contradictoire (II). Reste que des questions se posent quant à l’articulation de cette décision avec les récentes dispositions de l’article 6 de l’ordonnance n° 2020-1400 du 18 novembre 2020 (N° Lexbase : L7048LYP) qui réaffirme, en l’aménageant toutefois, le mécanisme de la procédure sans audience (III).

I. La procédure sans audience imposée par le juge aux parties ne porte pas atteinte au droit à un procès équitable

Le droit à un procès équitable impose-t-il nécessairement la tenue d’une audience juridictionnelle ? Si le Conseil constitutionnel a déjà été amené à se prononcer sur la constitutionnalité de dispositions excluant la tenue d’une audience juridictionnelle ou en aménageant les modalités (Cons. const., n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, N° Lexbase : A3770DBA – Cons. const., n° 2017-645 QPC du 21 juillet 2017 N° Lexbase : A3324WNG– Cons. const., n° 2019-778 DC du 21 mars 2019 N° Lexbase : A5079Y4U - Cons. const., n° 2019-802 QPC du 20 septembre 2019 N° Lexbase : A8596ZNP), l’analyse des décisions rendues met en évidence que, si le Conseil constitutionnel a consacré un principe de publicité des audiences en matière civile, il n’en a pas pour autant déduit un principe de la tenue même d’une audience. Or, l’un des apports de la décision commentée réside assurément dans le fait que le Conseil reconnaît pour la première fois à l’organisation d’une audience juridictionnelle en matière civile le caractère de « garantie légale » des différents droits processuels structurant le modèle de procès équitable que l’absence d’audience juridictionnelle met en cause. Pour autant, le Conseil constitutionnel reconnaît au législateur la compétence pour apporter des limitations à ce principe, et s’attache à vérifier que la mise en œuvre de procédures juridictionnelles civiles sans audience, dans les conditions prévues par les dispositions contestées, ne conduit pas à priver de garanties légales l’exercice des droits de la défense et du droit à un procès équitable. Bien évidemment, les éléments de contexte liés à la crise sanitaire exceptionnelle résultant de l’épidémie de Covid-19 ont été déterminants.

Sur la méconnaissance du principe d’égalité devant la justice tiré de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789, le Conseil constitutionnel souligne que les dispositions contestées n’instituent pas de différence de traitement entre les parties à une même procédure, le demandeur et le défendeur étant tous deux placés dans l’impossibilité de décider de la procédure sans audience ou de s’y opposer. Il souligne également que les dispositions contestées ne confèrent nullement un pouvoir discrétionnaire au juge pour décider de la tenue ou non d’une audience. Elles ne lui permettent de recourir à la procédure sans audience que dans les instances civiles urgentes dans lesquelles le caractère équitable de la procédure et le respect des droits de la défense peuvent être assuré, notamment par des échanges exclusivement écrits entre les avocats.

Par ailleurs, même s’il est tout à fait possible d’envisager qu’une partie demande le recours à une procédure sans audience dans son seul intérêt, la décision relève dans tous les cas du juge à qui il revient de trancher cette demande comme n’importe quelle autre demande dont il peut être saisi à l’occasion de tout procès. L’absence de possibilité pour les parties de s’opposer à la décision du juge tient précisément au fait que les dispositions contestées tendent à éviter que l’opposition d’une partie à l’absence de tenue d’une audience ne conduise au report du jugement de l’affaire à une date trop éloignée, dans l’attente de meilleures conditions sanitaires. Elles permettent donc aux juridictions de statuer dans des délais compatibles avec la célérité qu’exigent justement les procédures d’urgence en cause.

Sur la méconnaissance du droit à un recours effectif, le Conseil constitutionnel souligne que la suppression de l’audience à l’initiative d’une partie ou du juge ne prive pas, en soi, les parties d’un recours juridictionnel effectif, ce d’autant que les dispositions contestées visent précisément à favoriser le maintien de l’activité des juridictions civiles, sociales et commerciales malgré les mesures d’urgence sanitaire prises pour lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19, lesquelles ont « en particulier pour objet de limiter les contacts entre les justiciables et les personnels judiciaires, tout en assurant la continuité du service public de la justice ». Or, l’effectivité du droit à un recours juridictionnel effectif suppose que le principe constitutionnel de continuité du fonctionnement de la justice soit assuré. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel rappelle que l’exclusion pour les parties de la possibilité de s’opposer à la mise en œuvre d’une procédure sans audience vise à permettre aux juridictions de statuer dans des délais compatibles avec la célérité qu’exigent les procédures d’urgence en cause en évitant que l’opposition d’une partie à l’absence de tenue d’une audience ne conduise au report du jugement de l’affaire à une date éloignée, dans l’attente de meilleures conditions sanitaires, et ce faisant, que l’opposition ne soit utilisée par certains plaideurs indélicats à des fins dilatoires. Toutefois, le Conseil a également pris en compte les garanties prévues pour assurer le respect des droits des parties en relevant, tout d’abord, que « les dispositions contestées ne sont applicables que lorsque les parties doivent être représentées par un avocat ou lorsqu’elles ont choisi d’être représentées ou assistées par un avocat », de sorte que cette condition garantit aux justiciables la possibilité de défendre utilement leur cause dans le cadre d’une procédure écrite ; ensuite que les dispositions contestées se bornent à offrir une faculté au juge, à qui il appartient, en fonction des circonstances propres à chaque espèce, de s’assurer qu’une audience n’est pas nécessaire pour garantir le caractère équitable de la procédure et les droits de la défense.

Sur la méconnaissance des droits de la défense et du principe contradictoire, le Conseil souligne que la communication entre les parties est faite par notification entre avocats, d’une part, et qu’il en est justifié dans les délais impartis par le juge, d’autre part, ce qui impose donc le respect d’une procédure écrite contradictoire. Il ajoute que la possibilité de formuler des observations orales au cours d’une audience ne constitue qu’une modalité d’exercice du principe du contradictoire, dont le respect peut être assuré par des échanges écrits. Or, ce point mérite, selon nous, de faire l’objet de développements spécifiques. 

II. L’absence de débats oraux résultant de la mise en œuvre d’une procédure sans audience n’implique pas une absence de débats contradictoires

Pour le Conseil constitutionnel, la possibilité de formuler des observations orales au cours d’une audience ne constitue qu’une modalité d’exercice du principe du contradictoire, dont le respect peut être assuré par des échanges écrits. Principe directeur du procès civil (CPC, art. 14 N° Lexbase : L1131H4N), dont le juge est garant à toutes les phases de la procédure (CPC, art. 16 N° Lexbase : L1131H4Q), composante du procès équitable au sens de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, le principe contradictoire (ou de la contradiction) implique que chaque plaideur puisse avoir accès à tout élément du débat afin d'en prendre connaissance et d'en discuter. Il constitue donc un aspect essentiel des droits de la défense, et commande, pour une bonne administration de la justice, qu’il soit imposé aux parties et respecté par le juge. Si toute l’instance civile tend au jugement, c’est bien le débat contradictoire qui prépare et nourrit la décision de justice. Or, la notion de « débat » est très difficile à cerner en procédure civile. La première sous-section du chapitre 1er du titre XIV du livre I du Code de procédure civile qui s’intitule « Les débats » ne concernent pratiquement que l’audience, soit les débats oraux qui n’en sont qu’une partie accessoire dans une procédure écrite, ce qui est le cas des procédures visées à l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304. Or, lorsque l’article 445 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1119INR), vise la clôture des débats, il désigne en réalité la fin de l’audience des plaidoiries, tout comme l’article 781 du même code (N° Lexbase : L9319LTC) lorsqu’il prévoit, devant le tribunal judiciaire, que l’ordonnance de clôture de la mise en état précède les débats oraux qui seront eux-mêmes clôturés à la fin des plaidoiries.

Ainsi, à suivre le raisonnement proposé par le Code de procédure civile, il y a des débats écrits qui précèdent des débats oraux, ce qui est consubstantiel à la procédure écrite suivie devant le tribunal judiciaire. Or, ces débats ne sont rien d’autre que des échanges des parties entre elles ou entre les parties et le juge, de sorte qu’ils sont soumis au principe contradictoire. Toute la question de savoir si le principe contradictoire est respecté malgré l’exclusion des débats oraux résultant de la suppression de l’audience juridictionnelle ? Si le droit à un procès équitable impose une procédure respectueuse du principe contradictoire, ce dernier est nécessairement respecté dans l’hypothèse de procédures qui, fussent-elles sans audience, permettent un débat contradictoire. Tel est le cas des procédures sans audience prévues à l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 reposent sur une procédure écrite contradictoire dès lors, d’une part, que la communication entre les parties est faite par notification entre avocats, et d’autre part, qu’il en est justifié dans les délais impartis par le juge.

Le respect du principe contradictoire impose-t-il que la procédure repose sur des débats contradictoires écrits et oraux ?

À cette question, le Conseil constitutionnel répond par la négative, considérant que la possibilité de formuler des observations orales au cours d’une audience ne constitue qu’une modalité d’exercice du principe du contradictoire, et que le respect de ce principe peut être assuré uniquement par des échanges écrits. Certains pourront regretter que le Conseil ne retienne pas une conception plus généreuse du principe contradictoire qui aurait consisté à imposer un débat contradictoire comportant à la fois des débats écrits et des débats oraux. Même s’il avait retenu une telle conception, il nous semble que cet élément n’aurait pas emporté la non-conformité à la Constitution des procédures sans audience de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 pour autant. En effet, la procédure civile et la procédure pénale comportent des procédures qui semblent évincer le principe contradictoire, qu’il s’agisse, pour le champ civil, de la procédure d’injonction de payer (CPC, art. 1405 N° Lexbase : L6337H7T) ou de la procédure sur requête (CPC, art. 493 N° Lexbase : L6608H7U) ; pour le champ pénal, de la procédure d’ordonnance pénale (C. proc. pén. art. 495 N° Lexbase : L7516LP3). Toutefois, ces procédures sont conformes à la Constitution ou aux dispositions de la CEDH car les parties bénéficient d’un recours approprié contre la décision qui leur fait grief. Le principe contradictoire n’est donc pas évincé, mais différé dans le temps selon la volonté des parties qui peuvent, soit accepter la décision, et donc renoncer au droit de bénéficier d’une procédure contradictoire, soit former un recours contre la décision et obtenir un nouvel examen du dossier à l’occasion d’une procédure contradictoire.

Tel est également le cas dans le cadre des procédures visées à l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 puisque les parties disposent de la possibilité de frapper la décision rendue d’appel ou de faire opposition dans un délai de quinze jours selon les distinctions opérées aux articles 481-1 (N° Lexbase : L6604H7Q) pour les décisions rendues dans la procédure accélérée au fond et 490 (N° Lexbase : L2319LUG) pour l’ordonnance de référé du Code de procédure civile, par exemple. Or, comme le rappelle la Cour européenne des droits de l’Homme, l'examen formel du respect de chacune des garanties énumérées par l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme ne garantit pas un brevet d'équité, c’est l'examen de l'ensemble de la procédure qui doit être pris en compte [2]. Cette méthode permet à la cour de déclarer conformes à la garantie d'un procès équitable des procédures qui recèlent pourtant des vices à un stade du déroulement du procès, mais qui sont compensés - effacés - par les autres étapes du procès. Reste que la décision commentée, en ce qu’elle fait reposer le caractère contradictoire de la procédure sur les seuls débats écrits, doit rendre les professionnels du droit particulièrement vigilant dans le choix de leur moyen de communication.

L’article 6 de l’ordonnance n° 2020-304, reprenant la formule de l’article 4 du décret n° 2020-1405 du 18 novembre 2020 (N° Lexbase : L6932LYE), a aboli le formalisme qui prévalait jusqu’à présent en prévoyant que « les parties peuvent échanger leurs écritures et leurs pièces par tout moyen dès lors que le juge peut s’assurer du respect du contradictoire ». De fait, les parties ou leurs avocats peuvent recourir aux échanges d’écritures et de pièces, soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, soit par lettre simple, voire par courriel. Si le bordereau de pièces n’est donc plus formellement exigé, le juge doit cependant pouvoir s’assurer du respect du contradictoire grâce à une trace écrite permettant de prouver la transmission. Comme l’indique la circulaire d’application du 26 mars 2020 (N° Lexbase : L6210LWW), le choix du moyen de communication entre les parties doit être effectué en fonction de son aptitude à prouver que la communication a bien eu lieu. De ce point de vue, si un courriel assorti d’un avis de réception ou un courrier recommandé avec demande d’accusé de réception peuvent aisément permettre de prouver que la communication a bien eu lieu, tel ne sera pas le cas d’un courrier simple par exemple. En toute logique, les avocats continuent également d’utiliser le réseau privé virtuel des avocats (RPVA), notamment parce qu’il reste en vigueur pour la transmission des actes de procédure au tribunal judiciaire en matière de procédure écrite ordinaire, de procédure à jour fixe, et à la cour d’appel.  

III. L’articulation de la décision du Conseil constitutionnel avec les dispositions de l’ordonnance n° 2020-1400 du 18 novembre 2020

Si la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 (N° Lexbase : L6740LPC), le décret n° 2020-1405 du 18 novembre 2020 (N° Lexbase : L6932LYE) et l’ordonnance n° 2020-1400 du 18 novembre 2020 (N° Lexbase : L7048LYP) viennent allonger la longue liste des textes de procédure civile qui ont vu le jour ces deux dernières années, seule l’ordonnance n° 2020-1400 nous intéresser ici. Nous renvoyons donc le lecteur à la présentation de l’ensemble des dispositions nouvelles - ou renouvelées - qui a été réalisée dans les colonnes de cette revue ( R. Laher et C. Simon. La justice civile face au reconfinement : un air de déjà-vu Lexbase, Droit privé, 2020, n° 845 N° Lexbase : N5454BYN). Sans surprise, l’ordonnance n° 2020-1400 renouvelle la possibilité prévue à l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304, mais avec une modification de taille puisque l’article 6 de l’ordonnance n° 2020-1400 ne comporte plus la disposition litigieuse qui a donné lieu à la saisine du Conseil constitutionnel.

Ce texte prévoit désormais que, « lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut, à tout moment de la procédure, décider que la procédure se déroule selon la procédure sans audience. Il en informe les parties par tout moyen. Les parties disposent d'un délai de quinze jours pour s'opposer à la procédure sans audience. En cas d'urgence, le juge ou le président de la formation de jugement peut réduire ce délai. A défaut d'opposition, la procédure est exclusivement écrite. La communication entre les parties est faite par notification entre avocats. Il en est justifié dans les délais impartis par le juge. Toutefois, le juge ou le président de la formation de jugement peut décider de tenir une audience s'il estime qu'il n'est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l'une des parties en fait la demande. »

A priori, la disparition de la disposition litigieuse implique que les parties à une procédure en référé, à une procédure accélérée au fond ou une procédure dans laquelle le juge doit statuer dans un délai déterminé, peuvent désormais contester dans un délai de quinze jours la décision du juge de recourir à une procédure sans audience. Cette disparition a-t-elle été motivée à la crainte d’une censure de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 par le Conseil constitutionnel ? Il est possible de le penser, mais l’explication nous semble davantage résulter du caractère allégé du second confinement. La lecture du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 (N° Lexbase : L5637LYG), en vigueur depuis le 30 octobre 2020, met en évidence que le second confinement est nettement moins strict que le premier. Il n’est plus question de fermer les tribunaux, l’activité juridictionnelle n’est plus limitée aux seuls contentieux essentiels, ce qui avait eu pour conséquence, lors du premier confinement,d’exclure la majeure partie des litiges civils ; les déplacements des justiciables pour répondre à une convocation judiciaire ou administrative, se rendre dans un service public ou chez un professionnel du droit, sont autorisés, et les salles d’audience peuvent à nouveau accueillir du public. Le caractère allégé de ce second confinement ne semble donc plus légitimer, pour l’Exécutif, la distinction qu’il avait opéré à l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304. Toutefois plusieurs questions se posent à la lecture de l’article 6 de l’ordonnance n° 2020-1400.

Tout d’abord, l’on peut s’étonner de la disparition de l’interdiction de s’opposer à la décision du juge de recourir à une procédure sans audience pour les procédures urgentes dès lors qu’elle était fondée sur un motif parfaitement légitime que le Conseil constitutionnel a par ailleurs validé : le souhait d’éviter « que l’opposition d’une partie à l’absence de tenue d’une audience conduise au report du jugement de l’affaire à une date éloignée, dans l’attente de meilleures conditions sanitaires […] » afin de permettre aux juridictions, non seulement de statuer dans des délais compatibles avec la célérité qu’exigent les procédures d’urgence en cause, mais également d’épargner aux juridictions un certain nombre de recours dilatoires susceptibles de venir grossir des flux qui sont déjà difficilement maîtrisés. Le but poursuivi par cette disposition nous semblait légitime dans des procédures marquées par l’urgence, compte-tenu de l’état d’engorgement chronique de nos juridictions qui a été aggravé par le premier confinement.

Ensuite, il sera remarqué que l’article 6 de l’ordonnance n° 2020-1400, mais c’était déjà le cas dans l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304, ne donne aucune information relative à la computation du délai de recours dont dispose désormais l’ensemble des justiciables pour s’opposer à la décision du juge de recourir à une procédure sans audience. Ce délai de recours commence-t-il à courir à compter de l’envoi de l’information aux parties ? À compter de la réception de cette information par les parties ? Si tel est bien la solution retenue, un problème de preuve risque de se poser. Enfin, si l’ensemble des plaideurs vont pouvoir s’opposer à la décision du juge de recourir à une procédure sans audience dans un délai de quinze jours, une lecture attentive de l’article 6 de l’ordonnance n° 2020-1400 montre que, pour les procédures initialement visées à l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304, le juge, en cas d’urgence, peut réduire ce délai. La condition liée à l’urgence sera nécessairement remplie dès lors que l’on est en présence d’une procédure en référé, d’une procédure accélérée au fond ou d’une procédure dans laquelle le juge doit statuer dans un délai déterminé. Donc, non seulement des délais très disparates risquent de voir le jour en pratique, selon le degré d’engorgement des juridictions, la disponibilité des magistrats, l’importance des flux, etc., mais il n’est pas impossible qu’une pratique consistant à imposer des délais de recours extrêmement réduits pour dissuader les parties de former opposition apparaissent dans les juridictions les plus engorgées. Il est regrettable, de ce point de vue, qu’un délai minimum qui s’imposerait au juge ne soit pas prévu par l’article 6 de l’ordonnance n° 2020-1400.

En conclusion, si la décision n° 2020-866 QPC du 19 novembre 2020 a le mérite d’affirmer, pour la première fois, que la tenue d’une audience en matière civile constitue une garantie légale des droits processuels constitutionnels dont les parties au procès disposent, il ne s’agit pas pour autant d’une garantie absolue, et il est donc loisible au législateur, dans le domaine qui lui est réservé par l’article 34 de la Constitution, d’offrir aux parties ou au juge la possibilité de supprimer ou de contourner l’audience dans certaines circonstances exceptionnelles, ce qui est le cas en présence d’un état d’urgence sanitaire, ou pour simplement accroître l’efficacité de certaines procédures, dès lors que les dispositions qui seraient prises en ce sens n’ont pas pour effet d’aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel.

 

[1] S. Gerry-Vernières (dir.) La barémisation de la justice, rapport de recherche, Mission de recherche Droit et Justice, 2020.

[2] CEDH, 2 mars 1987 : Monnet et Morris c./ Royaume-Uni. - CEDH, 6 décembre 1988 : Barbéra, Mességué et Jabardo c/ Espagne (N° Lexbase : A6469AWI)- CEDH, 28 mars 1990 : Granger c/ Royaume-Uni (N° Lexbase : A6320AWY).

newsid:475505

Procédure prud'homale

[Brèves] Recevabilité de la preuve obtenue au moyen d’un traitement de données non déclaré à la CNIL

Réf. : Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 17-19.523, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A5510379)

Lecture: 4 min

N5528BYE

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par Charlotte Moronval

Le 07 Décembre 2020

► L’illicéité d’un moyen de preuve, au regard des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 (N° Lexbase : L8794AGS) modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 (N° Lexbase : L0722GTW), dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du « RGPD » (N° Lexbase : L0189K8I), n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Faits et procédure. Un salarié de l’AFP, également correspondant informatique et liberté au sein de l’agence, est licencié pour faute grave pour avoir adressé des courriels en usurpant l'identité de sociétés clientes de son employeur. L’AFP établit les faits reprochés au moyen d’un constat d’huissier et d’un expert informatique qui identifient, grâce à l’exploitation des fichiers de journalisation conservés sur ses serveurs, l’adresse IP à partir de laquelle les messages litigieux ont été envoyés, comme étant celle de ce salarié.

Estimant qu’une déclaration préalable de l’utilisation des fichiers de journalisation et adresses IP n’était pas nécessaire, la cour d’appel a jugé le licenciement justifié. Le salarié forme un pourvoi en cassation, estimant que ce mode de preuve était illicite car l'utilisation des adresses IP aurait dû faire l'objet d'une déclaration auprès de la CNIL en tant que données à caractère personnel.

La solution. La Chambre sociale casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel, en ce qu’il énonce que les fichiers de journalisation et adresses IP ne sont pas soumis à une déclaration à la CNIL.

Evolution de la jurisprudence. La Cour de cassation décide, par ailleurs, qu'en application des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l'Homme et des libertés fondamentales, l'illicéité d'un moyen de preuve, au regard des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur du « RGPD », n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié. Cette production doit être indispensable à l'exercice de ce droit et l'atteinte strictement proportionnée au but poursuivi.

A retenir. La Cour de cassation :

  • confirme l'illicéité de la preuve obtenue au moyen de données qui auraient dû faire l'objet d'une déclaration auprès de la CNIL ;
  • considère néanmoins que l'illicéité d'un moyen de preuve n'entraîne pas nécessairement son rejet, le juge devant apprécier si l’atteinte portée à la vie personnelle du salarié par une telle production est justifiée au regard du droit à la preuve de l’employeur. Elle précise par ailleurs que cette production doit être indispensable à l’exercice de ce droit (et non plus nécessaire comme la Cour l'avait jugée auparavant : Cass. soc., 9 novembre 2016, n° 15-10.203, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2511SG4, lire N° Lexbase : N5288BWR).

Pour en savoir plus. Lire la notice explicative, attachée à l’arrêt. V. également ÉTUDE : L’instance prud’homale, L'administration de la preuve lors d'un procès prud'homal, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E6441ZKR).

 

newsid:475528

Responsabilité

[Brèves] Le respect par le transporteur de ses obligations de mise aux normes progressive exclut l’atteinte à la dignité de la personne

Réf. : Cass. civ. 1, 25 novembre 2020, n° 19-18.786, FS-P+I (N° Lexbase : A551637G)

Lecture: 3 min

N5588BYM

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 02 Décembre 2020

► La SNCF ne peut être considérée comme ayant porté atteinte à la dignité d’une personne handicapée n’ayant pu accéder aux toilettes, dès lors que le transporteur respecte ses obligations légales quant à la mise aux normes progressives des voitures.  

Faits et procédure. Les faits remontent à l’année 2016, année au cours de laquelle une personne, atteinte d’un handicap l’obligeant à se déplacer en fauteuil roulant, avait été contrainte de voyager dans l’allée centrale du train et avait été dans l’impossibilité d’accéder aux toilettes ainsi qu’au bar. Demandant à la SNCF réparation de son préjudice, le voyageur avait vu sa demande accueillie par la cour d’appel (Toulouse, 27 juin 2019, n° 18/03838 N° Lexbase : A8247ZGK). Les juges du fond avaient considéré que la SNCF n’avait pas manqué ses obligations légales en matière d’accessibilité aux personnes en situation de handicap de ses équipements de transport, considérant que les articles 22 à 24 du Règlement n° 1371/2007 du 23 octobre 2007 (N° Lexbase : L4837H3K), imposant une obligation d’assistance dans les gares et à bord des trains, étaient inopposables au transporteur. En revanche, les juges du fond avaient retenu que ce dernier était tenu, à l’égard des voyageurs, d’une « obligation générale de soins et doit leur assurer un transport dans des conditions normales d’hygiène, de sécurité et de confort ». Ils en avaient déduit que l’inconfort résultant de l’impossibilité pour le voyageur d’accéder aux toilettes constituait une atteinte à la dignité.

Moyens. Le pourvoi incident, formé par le voyageur, contestait l’éviction de l’application des articles 22 à 24 du Règlement, considérant que la dérogation prévue par l’article L. 2151-2 du Code des transports (N° Lexbase : L7756INL), permettant de déroger temporairement à leur application, n’avait plus lieu d’être. Le pourvoi principal, formé par la SNCF, contestait, quant à lui l’existence d’une atteinte à la dignité du voyageur. Pour cela, elle considérait que « si le contrat oblige non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi, le juge ne peut rattacher une obligation à un contrat à titre accessoire, qu’à la condition que cette obligation n’ait pas été déjà édictée par l’usage ou le législateur ». Or, le législateur ayant défini les obligations incombant aux transporteurs ferroviaires, obligations impliquant un calendrier quant à l’accessibilité des transports, le transporteur, qui les respectaient, ne pouvait être condamné.

Solution. La Cour de cassation procède à une cassation de l’arrêt d’appel. Cette cassation intervient d’abord au visa des articles 2 paragraphes 4 et 5, et 22 à 24 du Règlement du 23 octobre 2007 ainsi que des articles L. 2151-2 et L. 1112-2-1 (N° Lexbase : L2402KG3) à L. 1112-3 du Code des transports. Elle considère que les articles 22 à 24 du Règlement étaient applicables. La première chambre civile considère, ensuite, au visa de l’ancien article 1135 du Code civil (N° Lexbase : L0856KZQ) ainsi que des dispositions du Code des transports (v. supra) que la SNCF respectait « ses obligations légales quant à la mise aux normes progressive des voitures destinées à assurer l’accessibilité des couloirs et des toilettes dans les trains aux personnes handicapées ou à mobilité réduite », en conséquence, elle casse l’arrêt d’appel qui avait retenu une atteinte à la dignité du voyageur. Ainsi, la Cour de cassation exclut l’atteinte à la dignité lorsque le transporteur se conforme à ses obligations légales en matière de mise en conformité du matériel aux normes permettant d’assurer aux personnes handicapées ou à mobilité réduite l’accès.

newsid:475588

Sociétés

[Brèves] Fusion : l’assurance de responsabilité de l’absorbante souscrite avant la fusion ne couvre pas la dette de responsabilité de l’absorbée !

Réf. : Cass. civ. 3, 26 novembre 2020, n° 19-17.824, FS-P+B+I (N° Lexbase : A654537K)

Lecture: 3 min

N5487BYU

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par Vincent Téchené

Le 03 Décembre 2020

► Si, en cas de fusion entre deux sociétés par absorption de l’une par l’autre, la dette de responsabilité de la société absorbée est transmise de plein droit à la société absorbante, l’assurance de responsabilité de la société absorbante, souscrite avant la fusion, n’a pas vocation à garantir le paiement d’une telle dette, dès lors que le contrat d’assurance couvre, sauf stipulation contraire, la responsabilité de la seule société assurée, unique bénéficiaire, à l’exclusion de toute autre, même absorbée ensuite par l’assurée, de la garantie accordée par l‘assureur en fonction de son appréciation du risque.

Faits et procédure. Deux personnes ont commandé à une société, absorbée depuis par une autre société, la fourniture et l’installation dans leur maison d’une pompe à chaleur et d’un ballon thermodynamique. Pour financer ces opérations, ils ont souscrit un emprunt. Se plaignant de pannes survenues durant les mois de février et mars 2012, ils ont assigné la société absorbée, le liquidateur de la société absorbante, l’assureur de cette dernière et le prêteur en indemnisation des préjudices ou en remboursement du prix payé et du coût du financement.

Pourvoi. L’assureur de la société absorbante a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel (CA Bastia, 27 mars 2019, n° 15/00558 N° Lexbase : A2192Y7C) ayant retenu qu’il se substituera à la société absorbée pour le paiement des sommes dues. Il soutenait que si la fusion-absorption transmet à la société absorbante l’actif et le passif de la société absorbée, elle ne saurait étendre le bénéfice de l’assurance de responsabilité souscrite par la société absorbante aux faits commis par la société absorbée avant la fusion et modifier ainsi le risque garanti.

Décision. Énonçant la solution précitée, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et L. 236-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L2401LRD).

En effet, pour retenir que l’assureur se substituera à la société absorbée pour le paiement des sommes dues aux maîtres de l’ouvrage, l’arrêt retient que ceux-ci ont produit une attestation d’assurance concernant la société absorbante à effet du 1er janvier 2012, que les désordres sont survenus en février et mars 2012, à une période normalement couverte par le contrat d’assurance, et que, même si l’assureur entend se prévaloir de la clause de la police selon laquelle le contrat a pour objet de garantir la société absorbante en dehors de toutes autres sociétés filiales ou concessionnaires, le contrat d’assurance trouve à s’appliquer, du fait de l’absorption. Dès lors, en statuant de la sorte, la cour d’appel a violé les textes visés.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les opérations de fusion de sociétés, La transmission du passif social dans les opérations de fusion, in Droit des sociétés, Lexbase (N° Lexbase : E2401GA8).

 

newsid:475487

Voies d'exécution

[Brèves] Absence de dérogation au principe général de l'ouverture de l'appel à l’encontre d’un jugement d’adjudication statuant sur une contestation

Réf. : Cass. civ. 2, 19 novembre 2020, n° 19-18.800, n° 19-18.801, F-P+B+I (N° Lexbase : A945634Y)

Lecture: 3 min

N5521BY7

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 02 Décembre 2020

► De nombreuses règles régissant la procédure de saisie immobilière et, par renvoi de textes, sont également applicables à la procédure de vente judiciaire d’immeubles après partage ; cependant les dispositions des articles 1377 (N° Lexbase : L1631IUX) et 1271 (N° Lexbase : L2150H4E) à 1281 (N° Lexbase : L2177H4E) du Code de procédure civile, ne rendent pas applicables celles de l’article R. 322-60 du Code des procédures civiles d’exécution (N° Lexbase : L2479ITY) ; la Cour de cassation relève qu’il ne peut être déduit que les acteurs de la réforme du droit des successions ont entendu déroger au principe général de l’ouverture de l’appel, du fait qu’aucun motif portant sur la nature propre de la procédure de licitation ne permet de justifier de l’absence d’ouverture d’une voie de recours dans le cas où le jugement d’adjudication a statué sur une contestation ; ce dernier est susceptible d’appel dans le délai de quinze jours à compter de sa notification.

Faits et procédure. Dans cette affaire, un partage judiciaire d’une indivision portant sur plusieurs biens immobiliers et la licitation de ces derniers en deux lots ont été ordonnés par jugement, à la demande du comptable public de Seine-et-Marne. Les deux lots ont été adjugés lors de l’audience d’adjudication du 18 janvier 2018. Une déclaration de surenchère a été formée pour chacune de ces ventes. Deux jugements rendus en dernier ressort, le 5 avril 2018, ont rejeté les contestations formées par la débitrice, notamment, sa demande d’annulation rétroactive de la procédure de surenchère, et chacun des lots a été adjugé à une SCI. Les débiteurs ont interjeté appel à l’encontre de ces deux décisions, et la cour d’appel a déclaré irrecevables leurs appels.

Ils ont donc formé deux pourvois en cassation, qui ont été joints en raison de leur connexité.

Sur la recevabilité des pourvois. Le comptable public, partie défenderesse, a fait valoir que les demandeurs étaient dépourvus d’intérêt à former un pourvoi, du fait que leur conseil avait accepté le projet de distribution, à la suite des ventes d’adjudication, et également qu’il a sollicité des sommes pour l’un de ses clients.

Réponse de la Cour sur la recevabilité. Les Hauts magistrats déclarent les pourvois recevables, relevant que les demandeurs ont un intérêt à former un pourvoi, du fait de leur contestation tendant à l’anéantissement rétroactif de la procédure de surenchère, de laquelle découlerait l’anéantissement de la répartition du produit de la vente.

Le pourvoi. Les demandeurs au pourvoi font grief aux arrêts rendus le 4 avril 2019, par la cour d'appel de Paris, ayant déclaré irrecevables leurs appels. Ils énoncent la violation de l’article R. 322-60 du Code des procédures civiles d’exécution, et l’absence de disposition spéciale les privant du bénéfice du principe du double degré de juridiction.

Réponse de la Cour. Après avoir énoncé la solution précitée, aux visas des articles 543 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6694H73) et R. 322-60 du Code des procédures civiles d’exécution, les Hauts magistrats relèvent la violation de ces textes par la cour d’appel. En l’espèce, l’arrêt avait retenu que le second texte précité, n’était pas applicable en matière de licitation.

Solution. La Cour suprême casse et annule en toutes leurs dispositions les arrêts d’appel.

newsid:475521

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