La lettre juridique n°824 du 14 mai 2020

La lettre juridique - Édition n°824

Comptabilité publique

[Brèves] Le cumul de poursuites et de sanctions en cas de gestion de fait conforme à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2020-838/839 QPC du 7 mai 2020 (N° Lexbase : A27643LX)

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N3283BYA

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par Marie-Claire Sgarra

Le 13 Mai 2020

Les dispositions de l’article L. 133-11 du Code des juridictions financières (N° Lexbase : L1111LEU), en ce qu'elles excluent le prononcé d'une amende uniquement en cas de poursuite sur le fondement de l'article 433-12 du Code pénal (N° Lexbase : L1916AMW), sont conformes à la Constitution.

Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision du 7 mai 2020 (Cons. const., décision n° 2020-838/839 QPC du 7 mai 2020 N° Lexbase : A27643LX).

Pour rappel, par deux décisions, le Conseil d’Etat a admis les QPC relatives à la constitutionnalité de ces dispositions (CE 6° ch., 7 février 2020, n° 436066 N° Lexbase : A93933DA et 436124 N° Lexbase : A93943DB, inédits au recueil Lebon).

Aux termes de l’article L. 133-11 du Code des juridictions financières : « Les comptables de fait peuvent, dans le cas où ils n’ont pas fait l’objet pour les mêmes opérations des poursuites prévues à l’article 433-12 du Code pénal (délit d'immixion), être condamnés à l’amende par la Cour des comptes en raison de leur immixtion dans les fonctions de comptable public. Le montant de l’amende tient compte de l’importance et de la durée de la détention ou du maniement des deniers, des circonstances dans lesquelles l’immixtion dans les fonctions de comptable public s’est produite, ainsi que du comportement et de la situation matérielle du comptable de fait. Son montant ne pourra dépasser le total des sommes indûment détenues ou maniées ».

Les requérants soutiennent que les dispositions de l’article L. 131-11 du Code des juridictions financières « excluent le prononcé d’une amende uniquement en cas de poursuite sur le fondement de l’article 433-12 du Code pénal et sont contraires au principe de nécessité des délits et des peines et porteraient ainsi atteintes aux droits et libertés garantis par la Constitution et notamment au principe de la nécessité des délits et des peines résultant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ».

Le Conseil constitutionnel rappelle dans un premier temps certaines dispositions du Code pénal. Ainsi :

- aux termes de l'article 314-1 du Code pénal (N° Lexbase : L7136ALU), l'abus de confiance sanctionne le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé,

- la concussion est définie selon l’article 432-10 du même Code (N° Lexbase : L9472IYH) comme le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu'elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû,

- la corruption passive est quant à elle le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public, de solliciter ou d'agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui … pour accomplir ou avoir accompli, pour s'abstenir ou s'être abstenue d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat (C. pén., art. 432-11 [LXB=]),

- le détournement de fonds publics est le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, un comptable public, un dépositaire public ou l'un de ses subordonnés, de détruire, détourner ou soustraire un acte ou un titre, ou des fonds publics ou privés, ou effets, pièces ou titres en tenant lieu, ou tout autre objet qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission (C. pén., art. 432-15 N° Lexbase : L4114LS8),

- enfin, l'abus de biens sociaux réprime le fait, pour les gérants d'une société à responsabilité limitée ou pour le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d'une société anonyme, de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement (C. com., art. L. 241-3 N° Lexbase : L9516IY4 et art. L. 242-6 N° Lexbase : L9515IY3).

La seule circonstance que plusieurs incriminations soient susceptibles de réprimer un même comportement ne peut caractériser une identité de faits. Si les incriminations mentionnées précédemment sont susceptibles de réprimer des faits par lesquels une personne s'est rendue coupable de gestion de fait, elles ne se limitent pas, contrairement au délit d'immixion, à cette seule circonstance. Ces infractions ne tendent pas à réprimer de mêmes faits, qualifiés de manière identique. En autorisant de tels cumuls de poursuites, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe de nécessité des délits et des peines.

Le Conseil constitutionnel émet cependant une réserve : « si les dispositions contestées rendent possibles d'autres cumuls, entre les poursuites pour gestion de fait et d'autres poursuites à des fins de sanction ayant le caractère de punition, ces cumuls éventuels doivent, en tout état de cause, respecter le principe de nécessité des délits et des peines, qui implique qu'une même personne ne puisse faire l'objet de plusieurs poursuites susceptibles de conduire à des sanctions de même nature pour les mêmes faits, en application de corps de règles protégeant les mêmes intérêts sociaux ».

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Covid-19

[Le point sur...] Le télétravail à l’heure du déconfinement

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N3311BYB

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par Sibylle Gustin, Avocat, Cabinet Fromont-Briens

Le 20 Mai 2020

Depuis le 17 mars, le Gouvernement a formellement demandé aux employeurs de privilégier systématiquement le télétravail lorsqu’il était possible.

Cette demande a été réitérée dans le cadre de la levée des mesures de confinement au 11 mai dernier, le Gouvernement ayant appelé « au sens de la responsabilité des français » afin d’éviter un rebond de l’épidémie.

Dans ce contexte, le question-réponse spécifique au télétravail publié sur le site du ministère du Travail précise et remet en question un certain nombre des positions prises par le Gouvernement au cours des dernières semaines.

Ci-après un tour d’horizon des réponses pratiques apportées.

La mise en place du télétravail

Le télétravail peut être mis en place par la signature d’un accord collectif ou de manière unilatérale, il peut être encadré par une charte rédigée par l’employeur.

A défaut de charte ou d’accord fixant collectivement les règles encadrant ce dispositif, le télétravail peut également être mis en œuvre par simple accord entre l’employeur et le salarié.

La signature d’un avenant n’est pas nécessaire pour mettre en place le télétravail.

Pour autant, il est préférable de fixer les principales modalités par écrit (mail ou courrier...) avec le salarié pour éviter les contestations ultérieures. Notamment, pourront être utilement précisées les équipements mis à dispositions du télétravailleur, les plages horaires pendant lesquelles le salarié doit être disponibles, les modalités de contrôle du temps de travail...

L’activité partielle et le télétravail

Il est possible d’alterner des périodes d’activité partielle (réduction d’activité) et des périodes de télétravail.

Pour autant, le Q/R rappelle que ces périodes ne peuvent pas se cumuler de sorte que le salarié en période d’activité partielle ne peut télétravailler en même temps. Dans ces conditions, l’employeur qui demande à ses salariés de travailler alors qu’ils sont en même temps en activité partielle s’expose à des sanctions, y compris pénales.

Le refus ou l’accord de l’employeur sur le télétravail

Le Q/R précise que l’employeur peut refuser le télétravail, s’il estime que :

  • les conditions de reprise d’activité sont conformes aux consignes sanitaires sur le lieu de travail et,
  • qu’il est en mesure de démontrer que la présence sur le lieu de travail est indispensable au fonctionnement de l’activité.

Dans tous les cas, il doit motiver le refus.

Il est également précisé que le classement en zone rouge ou orange du département où s’exerce le travail n’a pas d’incidence ni de priorité pour le télétravail dès lors que le poste n’est pas compatible avec ces modalités d’exécution à distance.

Au contraire, le Q/R rappelle que les difficultés d’accès au transport en commun ou encore la configuration du lieu où le télétravail est exercé peuvent être appréciées par l’employeur au cas par cas pour organiser tout ou partie de l’activité en télétravail.

👉 En pratique : quid des salariés pouvant exercer leurs fonctions en télétravail mais qui souhaitent revenir sur site ?

Au regard des strictes conditions du Q/R, le maintien en télétravail des salariés qui le peuvent est fortement recommandé si leur présence n’est pas indispensable sur site.

Néanmoins, une charte signée le 6 mai 2020 par la Région Ile de France et ses partenaires [1]  portant sur les modalités d’organisation en Ile-de-France pour le recours aux transports en commun en période de confinement, pourrait ouvrir la voie à un assouplissement.

En effet, cette dernière précise que « les salariés pour lesquels le télétravail pendant le confinement a engendré une souffrance peuvent se rendre sur leur lieu de travail (appréciation au cas par cas par la médecine du travail) ».

Sur cette base et sous réserve des éventuelles précisions du Gouvernement, la question se pose donc de savoir si, au cas par cas, le retour sur site des salariés volontaires exprimant un besoin du fait de conditions dégradées de télétravail est possible.


Les horaires de travail en télétravail

Les plages horaires pendant lesquelles le salarié est disponible et opérationnel doivent être précisément déterminées par l’employeur et respectées par le salarié.

La distinction entre temps de travail et temps de repos doit être claire et garantir le droit à la déconnexion des salariés.

Attention : Les modalités de suivi et de contrôle du temps de travail à distance ne pourront en aucun cas conduire à une surveillance systématique du poste de travail du salarié.

Les outils du télétravail

L’employeur doit fournir au salarié l’équipement nécessaire lui permettant d’exercer ses fonctions à distance.

A cet égard, le Q/R précise que si l’employeur n’est pas en mesure de fournir les solutions techniques (accès VPN permettant accès aux mails et données professionnelles) pour exercer les fonctions à distance, le poste n’est pas compatible avec le télétravail, ce qui constitue un motif légitime de refus de sa part.

S’agissant des équipements personnels, qui faisaient déjà l’objet d’une tolérance dans le cadre de l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005, le Q/R rappelle que l’employeur doit fournir un ordinateur si le salarié n’en a pas ou s’il ne souhaite pas utiliser son ordinateur personnel. En aucun cas, l’utilisation de l’ordinateur personnel ne peut être imposée au salarié.

Point sur le régime fiscal et social de l’indemnité de télétravail :

S’agissant du régime social de l’indemnité, il convient de noter que :

  • L’indemnité versée sera exonérée de charges sociales dans les limites prévue par l’Acoss. L’employeur peut verser une somme inférieure.
  • En revanche, lorsque le montant dépasse ces limites, l’exonération de charges sociales est admise à condition de justifier de la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié.
  • Le fait de verser l’indemnité en fin d’année en une seule fois, et non mensuellement ne fait pas obstacle au bénéfice de la franchise de cotisation.

S’agissant du régime fiscal, comme pour les frais professionnels, l’article 81, 1° du Code général des impôts (N° Lexbase : L7431HM8) vise de manière exhaustive les diverses indemnités qui ne sont pas soumises à imposition et notamment « les allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi et effectivement utilisées conformément à leur objet ».

Ainsi, sous réserve du respect des conditions dudit article et de la position de l’Administration, les indemnités de télétravail versées pourraient également être exonérées d’impôt sur le revenu.

L’indemnisation du télétravail

Pour mémoire, la prise en charge par l'employeur de tous les coûts découlant directement de l'exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci, prévue par l’ex-article L. 1222-10 du Code du travail (N° Lexbase : L8105LGB) a été supprimée par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 (N° Lexbase : L7629LGN).

Toutefois, le rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 précisait que l'accord collectif ou la charte, permettant la mise en place du télétravail, devait comporter les modalités de prise en charge des coûts découlant directement de l'exercice régulier du télétravail à la demande de l'employeur.

C’est cette position qui était reprise et étendue par l’une des questions-réponses de la FAQ générale du ministère du Travail (supprimée le 3 mai 2020) sur les conditions d’emploi pendant l’épidémie qui prévoyait que l’employeur devait verser à l’ensemble des salariés placés en télétravail une indemnité de télétravail, destinée à rembourser au salarié les frais découlant du télétravail, compte tenu de l’obligation de prise en charge des frais professionnels incombant à l’employeur.

Il était à ce titre recommandé de verser une somme forfaitaire exonérée de charges sociales par journée de télétravail sur la semaine, conformément aux tolérances fixées par l’Acoss et l’Urssaf, à hauteur de 10 € par mois, pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine, 20 € par mois pour un salarié effectuant deux jours de télétravail par semaine, etc.

Pour autant, le dernier Q/R précise désormais que l’employeur n’est pas tenu de verser à son salarié une indemnité de télétravail destinée à lui rembourser les frais découlant du télétravail, sauf si l’entreprise est dotée d’un accord ou d’une charte qui la prévoit.

Il semblerait donc que le Gouvernement revienne sur la position générale initialement prise.

Le télétravail et les tickets restaurants

Le principe d’égalité de traitement entre les salariés placés en situation de télétravail et les salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise est issu des dispositions de l’article L. 1222-9 du Code du travail (N° Lexbase : L0292LMR) qui prévoit que « le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise ».

Les salariés en télétravail doivent donc bénéficier des mêmes conditions de travail que ceux présents physiquement dans les locaux de l’entreprise, ce qui inclut les tickets restaurant, sans distinction pour les salariés effectuant leur fonction en télétravail depuis leur domicile.

En effet, la règle d’attribution des titres restaurant, à savoir, la fourniture d’un ticket pour toute journée de travail organisée en deux vacations entrecoupées d’une pause réservée à la prise d’un repas, ne permet pas de justifier une différence de traitement sur la situation, ou non, de télétravail du salarié [2].

Ce point est d’ailleurs confirmé en dernier lieu par le Q/R du Gouvernement qui précise que les droits habituels en matière de restauration sont maintenus (tickets restaurant, primes de repas…).

Le télétravail et le Pass Navigo/abonnement de transport

S’agissant du maintien du remboursement du Pass Navigo/abonnement de transport aux salariés en télétravail, il n’existe pas de position tranchée de l’administration sur cette question alors que cette dernière s’est clairement prononcée en faveur du maintien des tickets restaurant pour les salariés en télétravail.

Pour autant, ces salariés n’étant pas amenés à se déplacer compte tenu de l’exercice de leur fonction depuis leur domicile, la différence de traitement entre les salariés présents sur site amenés à se déplacer est justifiable ce qui permettrait aux employeurs le souhaitant de stopper le remboursement du Pass Navigo/abonnements de transports.

Dans cette hypothèse, il sera nécessaire d’en informer les salariés concernés dès que possible, pour que ces derniers puissent le cas échéant suspendre le prélèvement annuel ou ne pas prendre d’abonnement mensuel pour le mois de mai/juin.

La sécurisation des réseaux et protection des données personnelles

En outre, la CNIL a mis à jour au 1er avril 2020 ses recommandations concernant la mise en place du télétravail [3].

Ainsi, afin de sécuriser le système d’information de l’entreprise et protéger ses données ainsi que celles du salarié, elle recommande désormais les actions suivantes :

  • Éditer une charte de sécurité dans le cadre du télétravail ou, dans le contexte actuel, au moins un socle de règles minimales à respecter, et communiquer ce document aux salariés suivant le règlement intérieur.
  • En cas de modification des règles de gestion du système d’information pour permettre le télétravail, mesurer les risques encourus et, au besoin, prendre les mesures nécessaires.
  • Équiper tous les postes de travail des salariés au minimum d'un pare-feu, d'un antivirus et d'un outil de blocage de l'accès aux sites malveillants.
  • Mettre en place un VPN pour éviter l'exposition directe des services sur internet, dès que cela est possible. Activer l'authentification du VPN à deux facteurs si c'est possible.

Des recommandations spécifiques sont prévues en cas d’utilisation de services sur Internet, à savoir :

  • Utiliser des protocoles garantissant la confidentialité et l’authentification du serveur destinataire, par exemple HTTPS pour les sites web et SFTP pour le transfert de fichiers, en utilisant les versions les plus récentes de ces protocoles.
  • Appliquer les derniers correctifs de sécurité aux équipements et logiciels utilisés (VPN, solution de bureau distant, messagerie, vidéoconférence etc.).
  • Mettre en œuvre des mécanismes d’authentification à double facteur sur les services accessibles à distance pour limiter les risques d'intrusions.
  • Consulter régulièrement les journaux d’accès aux services accessibles à distance pour détecter des comportements suspects.
  • Ne pas rendre directement accessibles les interfaces de serveurs non sécurisées.

Le télétravail, une expérience à grande échelle dont l’entreprise doit tirer les enseignements

Le temps du déconfinement est aussi le temps du bilan.

Involontairement, la crise sanitaire liée au covid-19 a créé des espaces de test et d’expérimentation autour de nouveaux modes de management et d’organisation à distance.

Il serait dommage de ne pas en tirer des retours d’expérience et des leçons pour l’avenir, à l’heure ou plus de 70 % des français déclarent souhaiter, à l’avenir, continuer à télétravailler pour partie depuis leur domicile [4].

Cette aspiration est-elle compatible avec la notion même d’entreprise ?


[1] Les signataires de la charte sont les suivants MEDEF IDF, CFDT, CFTC, Préfecture IDF, région IDF, IDF Mobilité, l’AMIF, la Mairie de Paris, le MEDEF Île-de-France, la CPME Île-de-France, U2P, la CCI Paris Île-de-France, la Chambre de Métiers et de l’Artisanat Île-de-France, la CFDT, la CFTC, la RATP et Transilien SNCF.

[2] Sur ce point, l’article 4 de l’Accord National Interprofessionnel du 19 juillet 2005 sur le télétravail disposait d’ores et déjà que : « les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise. Cependant, pour tenir compte des particularités du télétravail, des accords spécifiques complémentaires collectifs et/ou individuels peuvent être conclus ».

[4] Enquête Malakoff Humanis réalisée en avril 2020.

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Covid-19

[Brèves] Publication de la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire : dispositions concernant la sphère publique

Réf. : Loi n° 2020-546 du 11 mai 2020, prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions (N° Lexbase : L8351LW9)

Lecture: 5 min

N3309BY9

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par Yann Le Foll

Le 13 Mai 2020

► La loi n° 2020-546 du 11 mai 2020, prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions (N° Lexbase : L8351LW9), a été publiée au Journal officiel du 12 mai 2020 et proroge l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020 inclus.

- Responsabilité pénale des maires. Un nouvel article L. 3136-2 du Code de la santé publique est ainsi rédigé : « L'article 121-3 du Code pénal (N° Lexbase : L2053AMY) est applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l'auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l'état d'urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu'autorité locale ou employeur ». Malgré une formulation que plusieurs parlementaires ont jugé trop vague et un soupçon de vouloir « amnistier » de manière trop générale les élus locaux dans leur lutte contre l’épidémie de covid-19, les Sages ont validé cette disposition, estimant qu’elle ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la loi pénale et n’est pas non plus entachée d’incompétence négative (Cons. const., décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020 N° Lexbase : A32573L9) (à suivre bientôt un entretien avec Antony Taillefait, Professeur à l'Université d'Angers, sur ce point).

- Nouvelles compétences réglementaires du Premier ministre. Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut dorénavant réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules et réglementer l'accès aux moyens de transport et les conditions de leur usage et ordonner la fermeture provisoire et réglementer l'ouverture, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité 

- Mise en quarantaine, placement et maintien en isolement. Les mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, le placement et le maintien en isolement ne peuvent viser que les personnes qui, ayant séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l'infection, entrent sur le territoire national, arrivent en Corse ou dans l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution (N° Lexbase : L8825HBH). Ces mesures peuvent se dérouler, au choix des personnes qui en font l'objet, à leur domicile ou dans les lieux d'hébergement adapté. Leur durée initiale ne peut excéder quatorze jours. Les mesures peuvent être renouvelées dans la limite d'une durée maximale d'un mois. Il est mis fin aux mesures de placement et de maintien en isolement avant leur terme lorsque l'état de santé de l'intéressé le permet.

Dans le cadre de ces mesures, il peut être fait obligation à la personne qui en fait l'objet de : ne pas sortir de son domicile ou du lieu d'hébergement où elle exécute la mesure, sous réserve des déplacements qui lui sont spécifiquement autorisés par l'autorité administrative ; et de ne pas fréquenter certains lieux ou catégories de lieux.

- Contrôle des mesures de mise en quarantaine, placement et maintien en isolement (après censure de l’absence de garanties quant aux obligations pouvant être imposées aux personnes y étant soumises, à leur durée maximale et au contrôle de ces mesures par le juge judiciaire dans l'hypothèse où elles seraient privatives de liberté, toujours Cons. const., décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020, précitée). Ces mesures sont prononcées par décision individuelle motivée du représentant de l'Etat dans le département sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé. Cette décision mentionne les voies et délais de recours ainsi que les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention.

Le placement et le maintien en isolement sont subordonnés à la constatation médicale de l'infection de la personne concernée. Ils sont prononcés par le représentant de l'Etat dans le département au vu d'un certificat médical.

Ces mesures peuvent à tout moment faire l'objet d'un recours par la personne qui en fait l'objet devant le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe le lieu de sa quarantaine ou de son isolement, en vue de la mainlevée de la mesure. Le juge des libertés et de la détention peut également être saisi par le procureur de la République territorialement compétent ou se saisir d'office à tout moment. Il statue dans un délai de soixante-douze heures par une ordonnance motivée immédiatement exécutoire.

Elles ne peuvent être prolongées au-delà d'un délai de quatorze jours qu'après avis médical établissant la nécessité de cette prolongation.

Lorsque la mesure interdit toute sortie de l'intéressé hors du lieu où la quarantaine ou l'isolement se déroule, elle ne peut se poursuivre au-delà d'un délai de quatorze jours sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l'Etat dans le département, ait autorisé cette prolongation.

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Covid-19

[Brèves] Fonds de solidarité : prolongation en mai et ajustement des paramètres

Réf. : Décret n° 2020-552 du 12 mai 2020, modifiant le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation (N° Lexbase : L8484LW7)

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N3349BYP

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par Vincent Téchené

Le 13 Mai 2020

Un décret, publié au Journal officiel du 13 mai 2020, d’une part, procède à la prolongation, pour le mois de mai, du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et, d’autre part, ajuste certains paramètres du fonds (décret n° 2020-552 du 12 mai 2020 N° Lexbase : L8484LW7). Il modifie en conséquence le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds (N° Lexbase : L6270LW7). 

  • Précisions relatives à l’aide accordée aux associations  

Le décret précise que pour être éligibles à l’aide, les associations doivent être assujetties aux impôts commerciaux ou employer au moins un salarié. Par ailleurs, pour la détermination du chiffre d'affaires ou des recettes nettes, il n'est pas tenu compte des dons et subventions perçus par les associations.  

  • Echanges de données 

Le décret autorise des échanges de données, dans le respect du secret professionnel, entre l'administration fiscale et les organismes et services chargés de la gestion du régime obligatoire du régime de Sécurité sociale auquel sont affiliés les artistes auteurs et les associés des groupements agricoles d'exploitation en commun pour permettre à l'administration fiscale d'instruire leurs demandes et de verser les aides. L'administration fiscale transmet, dans les mêmes conditions, les données relatives au règlement des aides et à leurs bénéficiaires à la direction interministérielle du numérique aux fins de suivi du dispositif. 

  • Date butoir pour demander le versement de l’aide 

Le décret repousse les dates butoirs pour demander le versement de l’aide pour les entreprises situées à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie (collectivités d’outre-mer) et pour les associations, les artistes auteurs et les associés des groupements agricoles d'exploitation en commun. Le tableau ci-après synthétise l’ensemble des dates limites de demandes désormais applicables. 

 

Date butoir « normale »  

 

Date butoir pour les collectivités d’outre-mer  

 

Date butoir pour les associations, artistes, auteurs et associés de GAEC 

Aide pour le mois de mars 

30 avril 

31 mai 

15 juin 

Aide pour les mois d’avril 

31 mai  

15 juin  

15 juin  

Aide pour le mois de mai 

30 juin 

30 juin 

30 juin  

Aide complémentaire de 5 000 euros maximum 

 15 juillet 

15 juillet  

15 juillet  

 

  • Augmentation du plafond d’exclusion des personnes bénéficiant d’une pension de retraite ou des IJSS 

Les personnes physiques ou, pour les personnes morales, leur dirigeant majoritaire ne doivent pas être titulaires, au 1er mars 2020, d'un contrat de travail à temps complet et avoir bénéficié, pour les aides demandées au titre des mois d’avril et de mai, pendant le mois considéré, de pensions de retraites ou d'indemnités journalières de Sécurité sociale pour un montant total supérieur désormais fixé à 1 500 euros, au lieu de 800 euros précédemment. Il est précisé, en outre, que, pour ces personnes, le montant de la subvention est réduit du montant des retraites et indemnités journalières perçues ou à percevoir au titre du mois considéré.   

Par ailleurs les demandes d’aides au titre des mois d’avril et de mai doivent désormais indiquer, le cas échéant, le montant des pensions de retraite ou des indemnités journalières de Sécurité sociale perçues ou à percevoir au titre du mois considéré.  

  • Prolongation de l’aide de 1 500 euros pour le mois de mai  

Le décret du 12 mai ajoute deux article 3-3 et 3-4 au décret du 30 mars 2020 pour étendre l’aide pour la période du 1er mai au 31 mai sous les mêmes conditions que l’aide mise en place pour le mois d’avril.  

  • Ajustements relatifs à l’aide complémentaire de 5 000 euros 

L’article 4 du décret du 30 mars 2020 relatif à l’aide complémentaire de 5 000 euros pour les entreprises les plus en difficulté est modifié. D’abord, l’aide de 1 500 euros ayant été reconduite pour le mois de mai, logiquement, peuvent demander l’aide complémentaire les entreprises qui ont bénéficié de la première aide au titre du mois de mars, d’avril ou de mai. Par ailleurs, il est ajouté une condition d’éligibilité en termes de seuils : alors qu’aucun chiffre d’affaires minimum n’était exigé, il est désormais prévu qu’elles doivent avoir un chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice clos supérieur ou égal à 8 000 euros. Il est précisé que, pour les entreprises n'ayant pas encore clos d'exercice, le chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 doit être supérieur ou égal à 667 euros.  

Enfin le texte dispose expressément qu’une seule aide peut être attribuée par entreprise. 

 

newsid:473349

Covid-19

[Brèves] Déconfinement : précisions sur l’utilisation des transports en commun et sur la sortie du télétravail

Réf. : Charte «Modalités d’organisation en Ile-de-France pour le recours aux transports en commun en période de déconfinement», 6 mai 2020

Lecture: 1 min

N3351BYR

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par Charlotte Moronval

Le 13 Mai 2020

► Une charte visant à encadrer le recours aux transports en commun en Île-de-France a été signée le 6 mai 2020 par plusieurs organisations patronales et syndicales, la région, Ile-de-France Mobilités, la RATP et la SNCF. La poursuite du télétravail y est fortement recommandée afin d’éviter un afflux de voyageurs.

Privilégier le télétravail. Les signataires invitent les entreprises à « maintenir un haut niveau de recours au télétravail » durant cette première phase de déconfinement qui court jusqu’au 2 juin puis à augmenter le taux de présence de leurs salariés de 10 % chaque semaine, lors des 2 semaines suivantes.

Etalement du flux de voyageurs. Les entreprises sont invitées à définir une organisation du travail permettant de répartir de manière homogène sur chaque tranche horaire, les arrivées de leurs salariés entre 5h30 et 10h30 et les départs entre 15h30 et 19h30.

Port du masque obligatoire. Le port du masque sera obligatoire dans tous les transports en commun.

Attestation de l’employeur pour prendre les transports en commun. Une attestation obligatoire de déplacement pendant les heures de pointe est nécessaire pour les salariés, afin de respecter la distanciation sociale voulue par les autorités sanitaires et le gouvernement. Ce document devra être fourni par l'employeur.

Attestation téléchargeable ici.

newsid:473351

Covid-19

[Brèves] Publication de la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire : conditions du partage de données médicales dans le cadre de la création d'un système d'information aux seules fins de lutter contre l'épidémie de covid-19

Réf. : Loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, art. 13 (N° Lexbase : L8351LW9) ; décret n° 2020-551 du 12 mai 2020, relatif aux systèmes d'information mentionnés à l'article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions (N° Lexbase : L8483LW4) et Cons. const., décision n° 2020-800 DC, du 11 mai 2020 (N° Lexbase : A32573L9)

Lecture: 10 min

N3305BY3

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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

Le 13 Mai 2020

La loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions (N° Lexbase : L8351LW9) a été publiée au Journal officiel du 12 mai 2020 et proroge l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020 inclus ;

saisi de cette loi, le Conseil constitutionnel a validé la veille plusieurs de ses dispositions mais, concernant les traitements de données à caractère personnel de nature médicale aux fins de « traçage », le Conseil a décidé deux censures partielles et énoncé trois réserves d’interprétation, cependant que, concernant le régime des mesures de quarantaine et d’isolement, il prononce une réserve d’interprétation et une censure (Cons. constit., décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020 N° Lexbase : A32573L9).

L'article 11 de la loi organise les conditions dans lesquelles les données médicales des personnes atteintes par le covid-19 et de celles ayant été en contact avec ces dernières peuvent être partagées entre certains professionnels chargés de traiter les chaînes de contamination.

Un décret, publié au Journal officiel du 13 mai 2020 complète et précise les dispositions de cet article 11 (décret n° 2020-551 du 12 mai 2020, relatif aux systèmes d'information mentionnés à l'article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions N° Lexbase : L8483LW4). Plus précisément ce décret autorise l'adaptation et la création de traitements de données à caractère personnel destinées à permettre l'identification des chaînes de contamination du virus covid-19 et assurer le suivi et l'accompagnement des personnes. Il définit à ce titre les responsables de traitements, les catégories de données traitées, les accès, les destinataires, ainsi que leur durée de conservation et les modalités d'exercice, par les personnes concernées, des droits prévus par le « RGPD » (Règlement n° 2016/679 du 27 avril 2016 N° Lexbase : L0189K8I).

Une collecte de données à caractère personnel limitée. Les données à caractère personnel collectées par ces systèmes d'information à ces fins ne peuvent être conservées à l'issue d'une durée de trois mois après leur collecte.
Les données à caractère personnel concernant la santé sont strictement limitées au statut virologique ou sérologique de la personne à l'égard du virus ainsi qu'à des éléments probants de diagnostic clinique et d'imagerie médicale, qui sont précisés par décret.

Finalités des systèmes d’information. Ces systèmes d'information ont pour finalités :

  • l'identification des personnes infectées, par la prescription et la réalisation des examens de biologie ou d'imagerie médicale pertinents ainsi que par la collecte de leurs résultats, y compris non positifs, ou par la transmission des éléments probants de diagnostic clinique susceptibles de caractériser l'infection. Ces informations sont renseignées par un médecin ou un biologiste médical ou sous leur responsabilité, dans le respect de leur devoir d'information à l'égard des patients ;
  • l'identification des personnes présentant un risque d'infection, par la collecte des informations relatives aux contacts des personnes infectées et, le cas échéant, par la réalisation d'enquêtes sanitaires, en présence notamment de cas groupés ;
  • l'orientation des personnes infectées, et des personnes susceptibles de l'être, en fonction de leur situation, vers des prescriptions médicales d'isolement prophylactiques, ainsi que l'accompagnement de ces personnes pendant et après la fin de ces mesures ;
  • la surveillance épidémiologique aux niveaux national et local, ainsi que la recherche sur le virus et les moyens de lutter contre sa propagation, sous réserve, en cas de collecte d'informations, de supprimer les nom et prénoms des personnes, leur numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques et leur adresse.

Toutefois, il est précisé que les données d'identification des personnes infectées ne peuvent être communiquées, sauf accord exprès, aux personnes ayant été en contact avec elles.
Sont exclus de ces finalités le développement ou le déploiement d'une application informatique à destination du public et disponible sur équipement mobile permettant d'informer les personnes du fait qu'elles ont été à proximité de personnes diagnostiquées positives au covid-19.

Exclusion des organismes assurant l’accompagnement social des intéressés des personnes susceptibles d’avoir accès à ces données à caractère personnel. Le paragraphe III de l’article 11 liste les personnes susceptibles d’avoir accès à ces données à caractère personnel, sans le consentement de l’intéressé. Dans sa décision du 11 mai 2020, le Conseil constitutionnel estime que, ce champ étendu est rendu nécessaire par la masse des démarches à entreprendre pour organiser la collecte des informations nécessaires à la lutte contre le développement de l’épidémie. Sont également inclus dans ce champ, pour le partage des données, les organismes qui assurent l’accompagnement social des intéressés. Or, selon le Conseil constitutionnel, s’agissant d’un accompagnement social, qui ne relève donc pas directement de la lutte contre l’épidémie, rien ne justifie que la communication des données à caractère personnel traitées dans le système d’information ne soit pas subordonnée au recueil du consentement des intéressés. Dès lors, la deuxième phrase du paragraphe III de l’article 11, qui méconnaît le droit au respect de la vie privée, est contraire à la Constitution. 

Conséquences de l’inscription d’une personne dans le système de suivi des personnes contacts. L'inscription d'une personne dans le système de suivi des personnes contacts emporte prescription pour la réalisation et le remboursement des tests effectués en laboratoires de biologie médicale, par exception à l'article L. 6211-8 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L4040IGQ), ainsi que pour la délivrance de masques en officine.

Modalités d'application. Le paragraphe V de l’article 11 prévoyait que le décret d’application de la loi est pris après avis public conforme de la CNIL. Or, selon le Conseil constitutionnel, en vertu de l’article 21 de la Constitution (N° Lexbase : L0847AHT) et sous réserve de son article 13 (N° Lexbase : L0839AHK), le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire à l’échelon national. Ces dispositions n’autorisent pas le législateur à subordonner à l’avis conforme d’une autre autorité de l’Etat l’exercice, par le Premier ministre, de son pouvoir réglementaire. Dès lors, le mot « conforme » figurant à la première phrase du paragraphe V de l’article 11 est contraire à la Constitution. Comme le précise un communiqué de presse du 13 mai, la CNIL s’est prononcée en urgence le 8 mai, sur le projet de décret encadrant les deux systèmes d’information, « SI-DEP » et « Contact Covid », permettant la mise en place de cette politique sanitaire. La CNIL a estimé le dispositif conforme au « RGPD » si certaines garanties sont respectées. Elle avait appelé à des garanties supplémentaires, ces demandes ayant été prises en compte par le décret. La présidente de la CNIL a annoncé qu’elle diligenterait des contrôles dans les premières semaines suivant la mise en place de ces nouveaux fichiers (cf. CNIL, délibération n° 2020-051 du 8 mai 2020 N° Lexbase : Z705799T).

Transmission obligatoire des données individuelles. Le covid-19 fait l'objet de la transmission obligatoire des données individuelles à l'autorité sanitaire par les médecins et les responsables des services et laboratoires de biologie médicale publics et privés.

Modalités de rémunération des professionnels de santé conventionnés. Selon le paragraphe VII de l’article 11, le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie mentionnée à l'article L. 182-2 du Code de la sécurité sociale (N° Lexbase : L2119LWE) peut, en tant que de besoin, fixer les modalités de rémunération des professionnels de santé conventionnés participant à la collecte des données nécessaires au fonctionnement des systèmes d'information mis en œuvre pour lutter contre l'épidémie. La collecte de ces données ne peut faire l'objet d'une rémunération liée au nombre et à la complétude des données recensées pour chaque personne enregistrée.

Instauration d’un Comité de contrôle et de liaison covid-19. Le paragraphe VIII de l’article 11 dispose que ce comité est chargé d'associer la société civile et le Parlement aux opérations de lutte contre la propagation de l'épidémie par suivi des contacts ainsi qu'au déploiement des systèmes d'information prévus à cet effet. Ce comité est chargé de réaliser des audits réguliers d’évaluation et du respect des garanties entourant le secret médical et la protection des données personnelles.

Méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs. Le paragraphe IX prévoyait que l'Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures mises en œuvre par les autorités compétentes.
Selon le Conseil constitutionnel, en prévoyant une transmission immédiate à l’Assemblée nationale et au Sénat d’une copie de chacun des actes pris en application de cet article 11, le législateur, compte tenu du nombre d’actes en cause et de la nature des données en jeu, a méconnu le principe de séparation des pouvoirs, de sorte que cette disposition est contraire à la Constitution.

Création de deux fichiers par le décret du 13 février 2020. Conformément à l’article 11 de la loi du 11 mai 2020, le décret procède à la création temporaire, pour une durée de six mois à compter de la fin de l'état d'urgence sanitaire, soit le 10 janvier 2021, de deux fichiers nationaux : le fichier « SI-DEP » et le fichier « Contact Covid ». Ils doivent permettre d’identifier les personnes infectées (« patients 0 »), les personnes qu’elles sont susceptibles d’avoir contaminées (« cas contact ») et les chaînes de contamination. Ils visent à assurer la prise en charge sanitaire et l’accompagnement des personnes atteintes du virus ou susceptibles de l’être car ayant été en contact avec elles, ainsi que la surveillance épidémiologique du virus. Ces fichiers comprendront des données de santé et d’autres données personnelles (identité, hébergement, déplacement, participation à des rassemblements, etc.). Elles pourront être consultées par un grand nombre d’acteurs, notamment par les enquêteurs sanitaires, le législateur ayant autorisé la levée du secret médical.

Le fichier « SI-DEP » centralisera notamment les résultats des tests au covid-19, tandis que le fichier « Contact Covid » recueillera des informations sur les cas contact et les chaînes de contamination.
 

newsid:473305

Covid-19

[Brèves] Prêt garanti par l’Etat (PGE) : mise en œuvre de l’aménagement du dispositif

Réf. : Arrêté du 6 mai 2020, portant modification de l'arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l'Etat aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l'article 6 de la loi n° 2020-289 de finances rectificative pour 2020 (N° Lexbase : L8260LWT)

Lecture: 3 min

N3277BYZ

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par Vincent Téchené

Le 13 Mai 2020

► Un arrêté, publié au Journal officiel du 7 mai 2020 (arrêté du 6 mai 2020, portant modification de l'arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l'Etat aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l'article 6 de la loi n° 2020-289 de finances rectificative pour 2020 N° Lexbase : L8260LWT), modifie l’arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l'Etat aux établissements de crédit et sociétés de financement (N° Lexbase : L5530LWQ ; lire N° Lexbase : N2732BYT).

L’article 16 de la seconde loi de finances rectificative pour 2020 (loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 N° Lexbase : L7438LWE ; lire N° Lexbase : N3126BYG) a modifié l’article 6 de la première loi de finances rectificative pour 2020 (loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 N° Lexbase : L5505LWS) qui a mis en place le prêt garanti par l’Etat « PGE ». L’arrêté du 7 mai tire les conséquences de ces modifications.

Ainsi, concernant les prêteurs, l’arrêté étend le champ de la garantie de l'Etat aux prêts intermédiés par des intermédiaires en financement participatif.  

S’agissant ensuite des emprunteurs, alors que l’arrêté 23 mars 2020, excluait du dispositif l’ensemble des SCI, celui du 7 mai 2020 étend la garantie de l’Etat aux prêts consentis aux SCI de construction-vente, aux SCI dont le patrimoine est majoritairement constitué de monuments historiques classés ou inscrits et qui collectent des recettes liées à l'accueil du public, et aux SCI dont le capital est intégralement détenu par des OPCI ou par des SCPI. Les autres SCI restent exclues du dispositif.

L’arrêté du 7 mai limite également l’exclusion des entreprises faisant l’objet d’une procédure collective. L’arrêté du 23 mars 2020 prévoyait que la garantie de l’Etat ne s’appliquait pas aux entreprises faisant l’objet d’une procédure collective. L’arrêté du 7 mai précise que sont éligibles au dispositif les entreprises qui, au 31 décembre 2019 (inclus), ne faisaient pas l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ou de rétablissement professionnel s'agissant de personnes physiques, ou n'étaient pas en période d'observation d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, sauf à ce qu'un plan de sauvegarde ou de redressement ait été arrêté par un tribunal avant la date d'octroi du prêt. Ainsi et conformément à la seconde loi de finances pour 2020, les entreprises dont la procédure collective a été ouverte à partir du 1er janvier 2020 peuvent bénéficier du « PGE ». A contrario celles qui faisaient l'objet d'une procédure collective à cette date restent exclues

Enfin, l’arrêté précise que la garantie reste attachée au prêt en cas de cession de celui-ci à une autre filiale ou entité affiliée au même groupe bancaire, ou en cas de mobilisation de celui-ci, y compris par l'intermédiaire d'un organisme de titrisation dont les titres sont souscrits uniquement par l'établissement prêteur ou par des entités affiliées au même groupe bancaire, dans le cadre des opérations de politique monétaire du Système européen des banques centrales (SEBC) en ce compris les éventuels transferts subséquents au profit de tiers.

newsid:473277

Covid-19

[Brèves] Publication d’une ordonnance en droit des contrats portant sur les secteurs de la culture et du sport : mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19

Réf. : Ordonnance n° 2020-538 du 7 mai 2020, relative aux conditions financières de résolution de certains contrats en cas de force majeure dans les secteurs de la culture et du sport (N° Lexbase : Z573819T)

Lecture: 7 min

N3295BYP

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par Manon Rouanne

Le 13 Mai 2020

► Sur l’habilitation conférée par l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 (N° Lexbase : L5506LWT), le Gouvernement a pris, par l’ordonnance n° 2020-538 du 7 mai 2020, publiée au Journal officiel le 8 mai 2020, relative aux conditions financières de résolution de certains contrats en cas de force majeure dans les secteurs de la culture et du sport (N° Lexbase : Z573819T), des mesures venant aménager les obligations contractuelles de certains entrepreneurs du spectacle vivant, organisateurs ou propriétaires des droits d'exploitation d'une manifestation sportive et exploitants d'établissements d'activités physique et sportives en leur permettant de proposer à leurs clients, pour une période déterminée et limitée dans le temps, une alternative au remboursement prenant la forme d’un avoir consistant en une proposition de prestation identique ou équivalente et valable sur une période adaptée à la nature de la prestation.

Domaine d’application des mesures prises par l’ordonnance

Les mesures dérogatoires posées par l’ordonnance s’appliquent aux résolutions, lorsqu'elles sont notifiées soit par le client soit par le professionnel entre le 12 mars 2020 et le 15 septembre 2020 inclus :

  • des contrats d'accès à une ou plusieurs prestations de spectacles vivants, y compris dans le cadre de festivals et leurs éventuels services associés, conclus entre les entrepreneurs de spectacles vivants (dont la définition est donnée par l'article L. 7122-2 du Code du travail N° Lexbase : L3159H9U), personnes morales de droit privé responsable de la billetterie, et leurs clients, directement ou par l'intermédiaire de distributeurs autorisés ;
  • des contrats de vente de titres d'accès à une ou plusieurs manifestations sportives et leurs éventuels services associés, conclus entre les personnes morales de droit privé exerçant les activités d'organisateurs ou propriétaires des droits d'exploitation de manifestations sportives (dont la définition est donnée par l'article L. 333-1 du Code du sport N° Lexbase : L6523HNW), responsables de la billetterie, et leurs clients, directement ou par l'intermédiaire de distributeurs autorisés par elles ;
  • des contrats de vente d'abonnements donnant accès aux prestations de spectacles vivants susmentionnées ;
  • des contrats d'accès aux établissements dans lesquels sont pratiquées des activités physiques et sportives (mentionnés aux articles L. 322-1 N° Lexbase : L6484HNH et L. 322-2 N° Lexbase : L6485HNI du Code du sport) et leurs éventuels services associés, conclus entre les personnes morales de droit privé exploitant ces établissements, et leurs clients.

En revanche, sont exclus du champ d’application de cette ordonnance les contrats d'accès à une prestation de spectacle vivant ou à une manifestation sportive faisant partie d'un forfait touristique ou d'une prestation de voyage liée relevant du domaine d’application de l’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : L5732LW9) publiée au Journal officiel du 26 mars 2020 par laquelle le Gouvernement a pris des mesures relatives aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure (voir aussi la brève de cette ordonnance N° Lexbase : N2790BYY).

Dérogations aux dispositions consacrées par le Code civil définissant les effets de la résolution d’un contrat notamment en cas de force majeure : droit de substituer un avoir à l’obligation de remboursement intégral des paiements effectués

Par dérogation aux articles 1218 (N° Lexbase : L0930KZH) et 1229 (N° Lexbase : L0934KZM) du Code civil, le premier définissant les conditions et les effets de la force majeure, effets parmi lesquels est consacrée la résolution du contrat et le second organisant les restitutions résultant de la résolution d’un contrat, l’ordonnance permet à l'entrepreneur de spectacle vivant, à l'organisateur ou propriétaire des droits d'exploitation d'une manifestation sportive, directement ou par l'intermédiaire de distributeurs autorisés ou à l’exploitant des établissements d'activités physique et sportives de proposer, à leurs clients, un avoir, à la place du remboursement de toute somme versée et correspondant en tout ou partie au montant des billets d'accès aux prestations de spectacle vivant ou aux manifestations sportives et leurs éventuels services associés.

Montant de l’avoir proposé :

Le montant de l'avoir qui peut être proposé est égal à celui de l'intégralité des paiements effectués au titre des prestations non réalisées du contrat résolu. Lorsque cet avoir est proposé, le client ne peut solliciter le remboursement de ces paiements pendant la période de validité de l'avoir.

Condition de forme : formalité applicable à la proposition d’un avoir

L'entrepreneur de spectacle vivant, l'organisateur ou propriétaire des droits d'exploitation d'une manifestation sportive ou l’exploitant des établissements d'activités physique et sportives, proposant un avoir au client, l'en informe sur support durable (courrier ou courriel) au plus tard trente jours après la résolution du contrat, ou, si le contrat a été résolu avant la date d'entrée en vigueur de la présente ordonnance, au plus tard trente jours après cette date d'entrée en vigueur. Cette information doit préciser le montant de l'avoir, ainsi que les conditions de délai et de durée de validité.

Condition de fond : obligation de proposer une nouvelle prestation devant faire l’objet d’un nouveau contrat mise à la charge du prestataire et conditionnant la validité de l’avoir

Afin que son client puisse utiliser l'avoir, l'entrepreneur de spectacle vivant, l'organisateur ou propriétaire des droits d'exploitation d'une manifestation sportive ou l’exploitant des établissements d'activités physique et sportives est tenu de proposer, directement ou par l'intermédiaire de distributeurs autorisés, une nouvelle prestation devant faire l'objet d'un nouveau contrat et devant répondant aux conditions suivantes :

  • la prestation doit être de même nature et de même catégorie que la prestation prévue par le contrat résolu ;
  • son prix ne doit pas être supérieur à celui de la prestation prévue par ce contrat résolu ;
  • elle ne doit donner lieu à aucune majoration tarifaire autre que celles résultant de l'achat de services associés, que le contrat résolu prévoyait.

Cette proposition doit être formulée au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la notification de la résolution et doit préciser la durée pendant elle peut être acceptée par le client. Cette durée ne peut être supérieure, à compter de la réception de la proposition, à douze mois pour les contrats d'accès à une ou plusieurs prestations de spectacles vivants, à dix-huit mois pour les contrats de vente de titres d'accès donnant l'accès à une ou plusieurs manifestations sportives, et leurs éventuels services associés et à six mois pour les contrats d'accès aux établissements dans lesquels sont pratiquées des activités physiques et sportives.

Lorsque le prix de la nouvelle prestation proposée diffère de la prestation prévue par le contrat résolu, le prix à acquitter au titre de cette nouvelle prestation doit tenir compte de l'avoir. Plus précisément, si la prestation nouvelle est de qualité et de prix supérieurs, le client sera tenu au paiement d’une somme complémentaire. A l’inverse, si la prestation nouvelle est d’un montant inférieur à celui de l’avoir, le client pourra utiliser le solde restant de celui-ci selon les modalités prévues par l’ordonnance jusqu’au terme de sa période de validité.

Conséquences du défaut de conclusion du nouveau contrat relatif à la nouvelle prestation obligatoirement proposée par le prestataire dans les délais fixés

A défaut de conclusion du contrat relatif à la nouvelle prestation (pour laquelle le client dispose d'un avoir) avant le terme de la période de validité, l'entrepreneur de spectacle vivant, l'organisateur ou propriétaire des droits d'exploitation d'une manifestation sportive ou l’exploitant des établissements d'activités physique et sportives devra procéder au remboursement de l'intégralité des paiements effectués au titre des prestations non réalisées du contrat résolu.

 

newsid:473295

Divorce

[Jurisprudence] Nullité d'une convention de divorce sans juge : une occasion ratée ?

Réf. : CA Nîmes, 14 avril 2020, n° 19/00887 (N° Lexbase : A81323KE)

Lecture: 22 min

N3317BYI

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par Jérôme Casey, Avocat associé au Barreau de Paris, Maître de Conférences à l’Université de Bordeaux

Le 13 Mai 2020

(1) Une convention de divorce sans juge peut être une transaction, même si les concessions réciproques ne sont pas formellement énoncées ;
(2) N’est pas une cause de nullité le fait que le convention de divorce sans juge soit signée par deux avocats appartenant à la même structure d’exercice.

Faits. Isabelle et Éric se sont mariés le 26 mai 2011 sous le régime de la séparation de biens. Fin 2016, ils s’adressent à un avocat, Luc Z, associé de la SELARL XYZ, afin de divorcer par consentement mutuel. Un état liquidatif de leur régime matrimonial est établi le 22 mai 2017 par un notaire. Le 19 juin 2017, les époux signent une convention de divorce par consentement mutuel, l’acte précisant qu’Isabelle est assistée par un avocat, Luc, et Éric par Maître Jeanne X, également associée de la SELARL XYZ, une clause de l’acte indiquant que les époux peuvent avoir recours à un avocat extérieur à la SELARL XYZ. Le notaire a procédé au dépôt de la convention le 22 juin 2017. Peu après, par télécopie du 27 juin 2017, Isabelle a exprimé auprès de son avocat (Luc) et du notaire son intention d’arrêter la procédure, s'estimant insatisfaite de la répartition et des conditions prévues par la convention de divorce à l'amiable. Autorisée à assigner à jour fixe, Isabelle assigne Éric, son avocat (Luc), l’avocat d’Éric (Jeanne) et le notaire en annulation de la convention de divorce et en réparation de ses préjudices.

Procédure. Par jugement du 23 juillet 2018, un tribunal la déboute de sa demande d’annulation de la convention de divorce et de sa demande au titre de la lésion, ordonne la publication de l'acte de partage du 22 mai 2017 auprès des services de la publicité foncière, mais condamne Maître Luc Z et la SELARL XYZ à payer à Isabelle la somme de 7 500 euros en réparation de son préjudice. Isabelle relève appel de ce jugement le 26 juillet 2018. Par arrêt du 14 avril 2020, une cour d’appel confirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de nullité de la convention de divorce, mais infirme ledit jugement à propos de la responsabilité de l’avocat Luc Z. (CA Orléans, 14 janvier 2020, n° 19/00807 N° Lexbase : A10513BK).

Observations. On signalera aux lecteurs cet arrêt du 14 avril 2020 rendu par la cour d’appel de Nîmes, sur une question qui a fait frissonner les praticiens du divorce depuis l’avènement du divorce sans juge : quid d’une éventuelle action en nullité, une fois le divorce déposé au rang des minutes du notaire ? Il est vrai que le régime d’une telle nullité est tout sauf aisé à définir (v., not., J. Casey, Le dol ou l’illusion contractualiste dans la remise en cause de la prestation compensatoire, AJ fam.  2018, p. 95). La présente affaire résume à elle seule le faible rendement de l’action en nullité, surtout quand le demandeur affirme que les dispositions financières de l’acte sont indivisibles de la question de la rupture du mariage. Car oui, c’est fou mais c’est ainsi, Isabelle soutenait en l’espèce que la nullité qu’elle voulait voir prononcée pour des raisons financières devait emporter aussi la nullité du divorce, la convention présentant, selon elle, un caractère indivisible… On connaît la détestation des juges pour les nullités « à large spectre », tant elles sont dramatiques en termes de sécurité juridique. Cette prudence les honore, mais elle est difficile à accepter au cas présent, compte tenu de la motivation de la décision qui nous semble encourir plusieurs critiques (I), alors que les motifs relatifs au choix de deux avocats associés de la même structure sont très originaux, mais pas forcément plus sages (II).

I - L’absence de cause de nullité de la convention de divorce

Chacun aura compris qu’Isabelle voulait obtenir la nullité de la convention de divorce, et elle a émis pour cela des prétentions tous azimuts, au risque de disperser sa critique de l’acte, et de mal cibler les questions. C’est ainsi qu’elle soutenait la nullité de l’acte pour plusieurs raisons :

(i) parce que les deux avocats étaient associés de la même structure (v., infra, II) ;
(ii) parce qu’il existerait un vice du consentement, Isabelle étant fragile lors de la formation du contrat et qu’il a été profité de sa faiblesse pour lui faire signer un accord déséquilibré, et son avocat Luc ayant commis une réticence dolosive en ne l’informant pas qu’il ne pouvait mener sa mission à bien ;
(iii) en raison de l’absence de concession réciproques pouvant constituer une transaction et ayant conduit à un partage inégalitaire.

Compétence rationae materiae ? Tout d’abord, il faut observer que l’on ne sait absolument pas quel juge fut saisi par l’assignation et c’est bien dommage. Était-ce le JAF (et donc la chambre de la famille en appel), ou le juge ordinaire des contrats ? Mystère… On sait juste que c’est la première chambre de la cour d’appel de Nîmes qui a statué en cause d’appel, ce qui semble indiquer une compétence « contrat » plus que famille, selon les habitude locales qui nous été rapportées. Il semble donc probable que personne n’ait soulevé la question de la compétence rationae materiae du juge devant statuer, et que l’option « contrat » s’est imposée d’évidence. Avec le succès que l’on sait…

Quel vices du consentement ? Ensuite, on remarquera que la demanderesse fondait ses espoirs, pour l’essentiel, sur le fait que les deux avocats étaient associés du même cabinet. On verra ce que l’on peut en penser plus loin (v., infra II). Cependant, la demanderesse pensait en tirer aussi argument sur le terrain du droit des contrats, puisqu’elle soutenait qu’il y avait une réticence dolosive émanant… de son avocat ! Assurément, c’était assez hasardeux, car le régime du dol est assez clair : le dol doit émaner de l’une des parties au contrats (C. civ., art. 1137 N° Lexbase : L1978LKH), sauf circonstance particulière ou erreur portant sur les qualités essentielles (Cass. civ. 1, 3 juillet 1996, n° 94-15.729 N° Lexbase : A8546AB7, Bull. civ. I, n° 288 ; D. 1996, Somm. 323, obs. Ph. Delebecque  ; RTDCiv., 1996, 895, obs. J. Mestre ; CCC, 1996, Comm. 181, obs. L. Leveneur). En l’espèce, Isabelle n’offrait pas de prouver une erreur de cette ampleur, et moins encore de la relier au comportement de son conseil. L’échec était donc probable et sa matérialisation ne surprendra pas.

D’ailleurs, toute l’argumentation de la demanderesse sur le terrain des vices du consentement était extraordinairement brouillonne. La réticence dolosive (de qui ?) alléguée se mélangeait avec des allégations de fragilité intellectuelle, ce qui posait une question distincte, celle de la nullité des actes à titre onéreux pour insanité d’esprit. C’est donc avec raison que la cour d’appel relève que la demanderesse ne dit pas si elle vise une erreur, un dol ou une violence. On ajoutera que la notion de « déséquilibre manifeste » entre les prestations du contrats alléguée par Isabelle n’était pas plus claire (ni pertinente). En effet, une convention de divorce n’est pas un contrat ordinaire, et lorsque l’une des parties doit payer une prestation compensatoire, que celle-ci s’ajoute au résultat de la liquidation du régime matrimonial, il est bien difficile de voir où serait l’équilibre des « prestations ». La cour d’appel s’en est tirée en affirmant que : « il n'existe aucune méprise sur le contenu comme sur la valeur des prestations mises à la charge de M. YZ, très clairement énoncées par la convention. Il ne peut dès lors, à cet égard, y avoir une erreur au sens des articles 1133 (N° Lexbase : L0830KZR) à 1136 du Code civil ». C’est moyennement convaincant, car un tel motif est un brin tautologique : ce n’est pas déséquilibré parce que c’est clair... Une convention a beau être claire, elle peut être « clairement » déséquilibrée… Mais l’on comprend l’idée : Isabelle savait ce qu’elle allait signer, outre le fait qu’elle ne chiffre en rien le déséquilibre qu’elle allègue, et c’est ainsi que la cour motive son rejet, sur ce chef de demande : « Elle ne démontre aucune manœuvre, mensonge, ou dissimulation intentionnelle d'une information essentielle de la part de M. YZ qui aurait pu l'amener à adopter, en des termes qu'elle critique aujourd'hui, la convention du 19 juin 2017 ». On ne peut qu’approuver pareil motif.

La cour d’appel passe ensuite en revue le dol, la violence, allant jusqu’à réfléchir à l’application de l’article 1143 (N° Lexbase : L1977LKG) tout en relevant que la demanderesse ne vise pas formellement ce texte (on rappellera qu’il sanctionne l’état de dépendance donnant naissance à un avantage manifestement disproportionné). Mais les conseillers nîmois ne retiennent aucun de ces éléments, et, appréciant souverainement les faits, ils estiment que l’état de santé d’Isabelle ne plaçait pas cette dernière dans un état de dépendance, outre l’absence de manœuvres d’Éric, ou d‘avantage manifestement excessif. La cour relève encore des mois de négociation, l’existence d’un délai légal de réflexion de quinze jours, estimant au final qu’Isabelle « a ainsi pu donner son accord sans précipitation et de façon tout à fait avisée ». C’est sans doute faire trop d’honneur au délai de réflexion de l’article 229-4 du Code civil (N° Lexbase : L2606LB7). Mais l’idée est juste. Il n’est pas sérieux de soutenir qu’Isabelle n’a pas signé en toute connaissance de cause, alors qu’elle était assistée d’un avocat, et qu’elle a pris tout le temps nécessaire pour signer. On sent ici une formation de la cour d’appel habituée au droit des contrats, et faisant de son mieux pour retourner chaque pierre s’y trouvant, ce qui ne peut qu’être salué et approuvé. C’est après, selon nous, que les juges du fond se sont égarés.

La question de la transaction… La cour d’appel rejette aussi la prétention d’Isabelle fondée sur l’absence de concessions réciproques dans ce qui serait une « transaction ». Il faut tout de suite préciser qu’il est très dangereux, pour les avocats, de qualifier une convention de divorce sans juge de « transaction » au sens des articles 1044 (N° Lexbase : L0204HPA) et suivants du Code civil. En effet, cette convention se prête bien mal à une telle qualification, même si celle-ci paraît tentante à première vue. On voit mal ce qu’il y a de « transigé » (au sens usuel des transactions) entre les dispositions relatives à la cessation du mariage, l’autorité parentale, la prestation compensatoire (qui est à demi alimentaire…), et la liquidation du régime matrimonial. Transiger sur la liquidation, certes, mais sur la liquidation en contrepartie des enfants, ou du prononcé du divorce, c’est moins sûr… Il vaudrait donc mieux ne jamais employer de tels termes, car ils ouvrent un angle de tir pour la contestation, motif pris de l’absence de concessions réciproques, comme en l’espèce, mais exposent aussi à un terrible retour de bâton, comme en l’espèce aussi ! Pourquoi diable prendre ce risque, alors que cette convention est irréductible à toute autre, et qu’elle ne peut être vue comme une « transaction » de droit commun ? Il est des limites à l’omniprésence des contrats… Mais là encore, personne ne semble s’être emparé de l’argument, et c’est bien dommage, car on va voir qu’il y a un vrai sujet dans la façon dont les juges du fond ont estimé que cette convention de divorce constituait une transaction parfaitement valable.

En effet, Isabelle soutenait qu’il n’y a pas eu de transaction annexée à l’acte liquidatif, ce dont elle déduisait une absence de concessions réciproques. La cour d’appel répond d’abord par un motif de portée générale selon lequel : « la validité de la convention s'apprécie ensuite au regard de son économie générale, englobant tout ce qui en fait l'objet, soit, à l'occasion d'un divorce, l'intégralité des rapports patrimoniaux des époux, mais aussi leur volonté de parvenir à une rupture amiable et rapide du mariage ». On comprend bien que c’est la validité de la convention de divorce qui est visée par la cour, mais cela ne rassure pas beaucoup, car les juges du fond ne semblent pas gênés d’apprécier la validité d’une convention de divorce par acte d’avocats déposée au rang des minutes d’un notaire « au regard de son économie générale, englobant tout ce qui en fait l'objet, soit, à l'occasion d'un divorce, l'intégralité des rapports patrimoniaux des époux, mais aussi leur volonté de parvenir à une rupture amiable et rapide du mariage ». Il y aurait donc, selon les juges, deux grands blocs à prendre en compte : les rapports patrimoniaux et la volonté de parvenir à une rupture amiable. Mais que fait-on de la partie alimentaire de la prestation compensatoire, de l’autorité parentale, de la rupture du mariage ? A ne pas définir les concepts, on s’égare forcément.

Quant à l’existence (certaine) d’une volonté de rompre le mariage amiablement, celle-ci ne saurait tout justifier, sauf à tomber dans l’arbitraire, car une telle volonté ne dit rien par elle-même. La volonté abstraite n’a jamais produit le moindre effet en droit français des contrats (v. C. civ., anc. art. 1131 N° Lexbase : L1231AB9), sauf dans les opérations tripartites (garanties autonomes). Il serait extraordinaire que la théorie de l’acte abstrait se revivifie en droit du divorce, et place celui-ci au même plan que la plus redoutable des garanties personnelles ! C’est évidemment la volonté déclarée qui compte, celle que l’on peut jauger. Ce sont donc les abandons, les concessions, acceptés par les parties qui matérialisent cette volonté amiable, non une volonté abstraitement énoncée. Or, pour la cour, l'existence de concessions réciproques peut être établie « alors même qu'elles n'auraient pas été formellement consignées dans l'acte, une stricte égalité n'étant par ailleurs pas de l'essence de la transaction. Les échanges de mail et textos entre les parties et leurs conseils montrent que, de novembre 2016 à finalisation de la convention qui leur a été adressée le 29 mai 2017, chacune des questions patrimoniales majeures a été discutée sérieusement entre elles pour aboutir à un accord ». Bref, pour la cour d’appel, une convention de divorce peut être une transaction, alors même que ladite convention ne le dit pas… Pourtant, une convention de divorce ne se résume pas aux questions patrimoniales, ce qui ne paraît pas avoir effleuré la cour, qui n’a pas un mot pour cet aspect de la question.

Transaction et erreur de droit… Mais il y a pire encore. Les motifs de la décision se poursuivent, toujours sous l’angle patrimonial : « En particulier, les deux immeubles indivis entre les époux mariés sous le régime de la séparation de biens, l'un situé à M. YZ. La soulte, qui dans un partage pour moitié aurait été de 113 013,40 euros pour Mme Z, a été ramenée à 63 000 euros. Les correspondances entre les parties révèlent que cette somme forfaitaire tient en réalité compte de leurs apports respectifs et surtout du remboursement des échéances des deux prêts par M. YZ seul, de sorte qu'il disposait d'une créance contre son épouse de nature à minorer le montant de la soulte et que sa réduction forfaitaire à 63 000 euros procède bien d'un accord transactionnel entre les époux ; l'acte le dit expressément : 'En conséquence, ledit partage est consenti à titre inégalitaire, forfaitaire et définitif, au sens des articles 2044 du Code civil', et Mme Z n'a pu se méprendre sur le sens de cette formule. M. YZ a par ailleurs pris à sa charge 65 % des frais de partage ».

Cette fois, la cour d’appel s’égare franchement. Elle reconnaît que l’épouse pouvait prétendre à la somme de 113 013 euros, mais qu’elle n’a reçu que 63 000, ce qu’elle justifie par les apports respectifs des époux et le fait que le mari a payé les échéances d’emprunt seul… Sauf qu’en séparation de biens (qui est le régime des époux), une jurisprudence bien connue de la Cour de cassation veut que le paiement de l’emprunt au jour le jour par les revenus d’un époux ne donne pas forcément droit à remboursement, en raison de l’article 214 du Code civil (N° Lexbase : L2382ABT) (pour les apports, la question est différente depuis un arrêt récent, v., Cass. civ. 1, 3 octobre 2019, n° 18-20.828, FS-P+B+I N° Lexbase : N1246BYS, note J. Casey, Séparation de biens, logement & CCM : exclusion des apports en capital, Lexbase, éd. priv., n° 803, 2019 N° Lexbase : N1246BYS). Or, en l’espèce, personne (et moins encore la cour au soutien de son motif) n’a pris le soin de vérifier l’application de cette jurisprudence à la « transaction » sous examen. Il s’agissait quand même de retrancher 50 000 euros à la part d’Isabelle… Pourtant, personne ne semble lui avoir dit que la jurisprudence « CCM & Logement » fait que, par principe, Éric ne pourra rien demander pour le financement du logement, mais peut-être aussi de la résidence secondaire (il y a deux immeubles selon le motif de la cour). Bref, personne n’a vraiment exposé la situation juridique à Isabelle avant de la faire signer. Et la cour d’appel n’a jamais vérifié que cette grande concession avait été faite volontairement et sciemment par Isabelle, alors que cette dernière soutenait la nullité de la transaction… Dans ces conditions, affirmer que le partage contient des concessions alors qu’elles n’ont pas été formellement consignées, c’est aller beaucoup trop loin. Il y a, c’est évident, un défaut dans le devoir de conseil des professionnels ayant participé à cette convention (et aussi du notaire qui a reçu l’acte liquidatif). Mais il est avant tout impossible de trouver trace d’une concession ici, puisque tout le monde semble vouloir raisonner en termes de « transaction ». Pour qu’il y en ait eu une, il eût fallu qu’Isabelle sache quel était le montant exact qu’Éric pouvait réclamer, qu’elle sache encore que tous les paiements d’Éric ne lui ouvraient pas automatiquement droit à remboursement, et que, sachant tout cela, elle accepte « en toute connaissance de cause » (c’est la formule usuelle de la Cour de cassation en matière de renonciation à un droit) de renoncer à ce qu’elle pouvait réclamer. Les juges du fond auraient dû vérifier qu’Isabelle a renoncé en « toute connaissance de cause ». Or, on le voit, leurs motifs sont très éloignés d’une telle recherche. Compte tenu de l’enjeu, de l’erreur de droit entachant le motif de la cour (sur les prétendues « créances » du mari pour le financement des immeubles indivis), et surtout du fait qu’il ne s’agissait rien moins que d’apprécier une convention de divorce (sans juge) à l’aune d’une transaction (une notion bien éloignée du droit de la famille), davantage de rigueur aurait été nécessaire.

Au total, chacun peut voir les ravages que cause l’approche purement « contractualiste » (pour ne pas dire « droit des affaires ») d’une convention de divorce sans juge. L’aspect extra-patrimonial de l’acte n’est pas pris en compte, ni même évoqué, et l’on se contente d’une motivation, sur la transaction, qui est bien lacunaire. Il n’y a plus de droit de la famille dans cette convention de divorce, il n’y a que du sous-droit de la transaction. Pourtant, il s’agit d’une convention de divorce, de la fin d’un mariage. Voilà où mène le « tout contrat ». C’est à méditer, mais c’est bien triste.

II - Deux avocats appartenant à la même structure ?

L’arrêt est original par la question soumise à la cour : une clause de la convention de divorce peut-elle prévoir l’exclusion de la règle imposant aux époux de recourir à deux avocats appartenant à deux structures différentes ?

Oui, répondent les conseillers nîmois, qui relèvent que ladite clause « renferme l'information claire que la présence de deux avocats est imposée par la loi, que Maître X et Maître ... exerçaient au sein de la même structure ce qui induit nécessairement entre eux une proximité  et un projet professionnel commun, et que chacun des époux pouvait, à son libre choix, décider de poursuivre sa démarche avec un tout autre avocat. Les époux ont malgré tout, en pleine de connaissance de cause, préféré le recours à deux avocats de la société PVB, assurant il est vrai une moindre neutralité mais conservant leur indépendance professionnelle, en considération de leur démarche initiale, de l'état d'avancement de leur accord, de leur antagonisme mesuré, et des avantages de rapidité et d'efficacité qu'ils recherchaient. Par ailleurs, seul M. YZ pourrait se plaindre que Maître X soit resté le conseil de Mme Z après avoir été le conseil commun des deux époux, ou que Maître ... n'aurait pas reçu mandat de sa part, ce qui ressort au demeurant sans équivoque de la seule convention. En conséquence, la protection des intérêts des époux, et notamment ceux de Mme Z, ayant été normalement assurée, il n'existe de ce chef aucune cause de nullité, de forme ou substantielle. »

À l’évidence, les deux avocats signataires de la convention n’ont pas éludé la difficulté et ont clairement rappelé la nécessité de recourir à deux avocats indépendants l’un de l’autre. La question était donc de pur principe : peut-on écarter la règle par une clause contraire explicite et claire, comme en l’espèce ? Les avocats rédacteurs ont pris leurs responsabilité, et ont estimé que oui, suivi en cela par la cour d’appel, qui n’a manifestement pas été choquée du procédé.

Nous sommes, pour notre part, beaucoup plus réservés. A décider que l’on peut renoncer à ce qui est une protection contrebalançant l’absence de juge, l’on réduit à presque rien la sécurité de ce genre de divorce. Il suffit de reprendre les travaux préparatoires de la loi pour se rendre compte que la disparition de l’avocat unique a précisément eu comme justification que le juge disparaissant aussi, seule la présence de deux avocats indépendants était de nature à garantir la sécurité des époux. D’ailleurs, à quoi sert-il d’imposer au notaire de vérifier les structures d’exercice des avocats (C. civ., art. 229-1 N° Lexbase : L2609LBA renvoyant à C. civ., art. 229-3, 2° N° Lexbase : L2607LB8), si c’est pour ne pas s’émouvoir de leur structure commune, ou de la présence d’une clause contractuelle rendant une telle situation possible ? Quelle est la finalité d’un tel contrôle, si une clause contraire suffit à le vider d’une partie de son contenu ? Si la position des conseillers nîmois devait être généralisée, la clause deviendrait de style, et les « plateformes » feront signer à tour de bras des consentements mutuels où les deux avocats distincts ne seront que de pure forme. C’est l’opposé de ce que le législateur à voulu.

En outre, l’on peut aussi se demander à quoi sert-il que le CNB ait modifié l’article 7.2 du RIN pour imposer la présence simultanée des deux avocats, si l’heure est à la grande dérégulation contractuelle… Là aussi, une clause contraire sera-t-elle jugée valable, l’obligation ne violant que la déontologie, non le droit civil ? L’on ose espérer que non. Chaque conseil doit être totalement indépendant l’un de l’autre, et ils doivent être tous deux physiquement présents pour la signature. La sécurité est à ce prix.

En l’espèce, on remarquera que le notaire chargé du contrôle des structures d’appartenance de chaque avocat n’a pas bronché. Il est vrai qu’il n’a pas été gêné non plus de rédiger un acte de liquidation du régime matrimonial où il comptait des créances sur le financement du logement au profit du mari, alors que la jurisprudence aurait dû l’inciter, via son devoir de conseil et de neutralité, à signaler ce point à l’épouse… C’est donc peu dire qu’Isabelle n’a pas été aidée par les professionnels du droit mis sur son chemin. Son avocat ne soulève pas la question, le notaire n’en dit mot, et les juges du fond trouvent formidable qu’une clause contractuelle réduise à néant la protection légale. On notera d’ailleurs que la cour d’appel indique que c’est Éric qui aurait pu se plaindre de ce que Luc soit l’avocat d’Isabelle seule après avoir été le sien. C’est vrai en termes de conflits d’intérêt. Mais c’est faux du point de vue d’Isabelle, qui pensera sans doute longtemps (probablement à tort, mais peu importe, là n’est pas la question) que son avocat est resté pour aider Éric (par exemple, en ne signalant pas l’erreur liquidative du notaire). Bref, on retrouve là tous les travers que le législateur a cherché à éviter, tous les soupçons qui empoisonnent l’après-divorce. Aucun avocat ne devrait les favoriser, fût-ce par une clause comme celle ici critiquée.

De sorte que la réponse que donne la cour d’appel à la question, très neuve, de la possibilité d’une clause contraire à l’indépendance structurelle des deux avocats ne nous semble pas être la bonne. Elle fragilise encore un peu plus ce type de divorce, qui n’en a nul besoin.

Conclusion

Au total, la décision est intéressante, même si elle est assez critiquable sur le fond. Sur la nullité de la convention, nous pouvons tout comprendre par le biais du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. Mais nous ne pouvons admettre que l’on voit dans une convention de divorce sans juge une banale transaction, qui plus est une transaction qui ne dit pas son nom, et dans laquelle une épouse renoncerait à des droits abstraits qui ne lui auraient jamais été exposés. Sur la question de la clause contraire à l’indépendance des structures d’exercice des avocats, le débat est ouvert.

Nous ne savons pas si un pourvoi a été formé contre l’arrêt. Égoïstement, nous ne pouvons que le souhaiter. Il faut espérer une censure sur le second point, qui serait aisée à énoncer, tant la question est de pur droit et peut faire l’objet d’une cassation de principe (mais un rejet serait tout aussi normatif, même si nous en regretterions le sens). Il faut aussi espérer une censure sur l’aspect « transaction » de l’arrêt, mais c’est sans doute plus difficile…

Enfin, les avocats garderont à l’esprit que plaider le « tout contractuel » devant des chambres qui ne sont pas de droit de la famille prive manifestement le demandeur à la révision (ou à l’annulation) de l’acte d’un vrai débat de droit de la famille, tant patrimonial qu’extrapatrimonial, car les deux aspects sont toujours intimement liés. Permettre de s’en rendre compte constitue aussi l’un des mérites d’un arrêt qui, pour n’être pas parfait, est parfaitement intéressant !

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Fiscalité internationale

[Focus] DAC 6 : une application pratique plus complexe et incertaine

Réf. : Directive (UE) n° 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018, modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration (N° Lexbase : L6279LKR)

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par Guillaume Massé et Anne-Clémence Piroth, Avocats à la Cour, D’Alverny Avocats

Le 13 Mai 2020

Adoptée le 25 mai 2018, la Directive 2018/822/UE du 25 mai 2018, dite « Dac 6 »[1] (N° Lexbase : L6279LKR),  transposée par l’ordonnance du 21 octobre 2019[2], instaure un nouvel arsenal juridique, puissant, pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, réputée atteindre dans l’UE entre 50 et 70 milliards d’euros par an.

Cette nouvelle obligation déclarative impose la transparence fiscale pour endiguer l’érosion des bases d’imposition des Etats membres. Elle résulte de l’approche OCDE contenue dans son action BEPS (« Base Erosion and Profit Shifting »)[3] n° 12 pour faire échec aux stratégies d’optimisation fiscale mises au point pour tirer partie de l’absence d’harmonisation fiscale à l’échelle internationale, en transférant, de manière artificielle, des profits vers des Etats à taux d’imposition sur les sociétés réduit, voire nul. Son fer de lance : fournir « aux administrations fiscales des informations en temps opportun concernant les montages fiscaux potentiellement agressifs ou abusifs et identifier les fiscalistes et utilisateurs de ces montages »[4].

Ainsi, la Directive DAC 6 impose aux intermédiaires participant aux dispositifs cross border, à caractère potentiellement agressif ou, dans certains cas, au contribuable, de les déclarer à leur administration fiscale. Un échange automatique des informations ainsi déclarées, entre les Etats membres, est prévu pour s’en suivre.

Entrant en vigueur le 1er juillet 2020, cette obligation déclarative vise les dispositifs dont la première étape a été mise en œuvre entre juin 2018 et juin 2020. Elle à faire au plus tard le 31 août 2020, sous peine d’amende.

La communauté juridique étant perplexe face à son champ application incertain, à l’approche de cette 1ère échéance déclarative, l’administration vient de publier ses premiers commentaires, les 9 mars et 29 avril 2020, respectivement sur le champ d’application de l’obligation déclarative, et sur la notion de marqueurs créant cette obligation[5].

Les précisions apportées par ces commentaires, bien qu’insuffisantes pour définir de manière claire les contours de cette nouvelle obligation, aident à répondre clairement aux questions suivantes :

- Qui sont les intermédiaire et/ou les contribuables visés ?

- Qu’est-ce qu’un dispositif potentiellement agressif ?

- Quelles informations quantitatives et/ou qualitatives à déclarer ?

- Quelles sont les modalités attraites à cette déclaration ?

Autant de questions auxquelles il convient d’apporter des réponses. Le temps presse ...!

1 - Qui doit déclarer ?

Les déclarants sont le contribuable, lorsqu’il est utilisateur ou partie au dispositif, mais aussi les intermédiaires, professionnels ou non, ayant un lien territorial avec la France[6].

L’administration distingue deux intermédiaires : (i) l’intermédiaire « concepteur », qui conçoit, commercialise ou organise un dispositif transfrontière et le met à disposition d’un contribuable et (ii) l’intermédiaire « prestataire de service », qui fournit un service, un conseil ou une aide dans le cadre de la conception, de la commercialisation ou de la mise en œuvre d’un dispositif transfrontière[7].

Il y a un « lien territorial »[8] si l’intermédiaire (i) est fiscalement domicilié, résident ou a son siège en France, (ii) possède en France un établissement stable, (iii) est constitué en France ou régit par le droit français ou (iv) est enregistré en France auprès d’un ordre ou d’une association professionnelle en rapport avec des services juridiques, fiscaux ou de conseil. Il est toutefois prévu qu’un intermédiaire soumis au secret professionnel (avocat, notaire, etc.) doit préalablement obtenir l’accord de son client pour devoir faire la déclaration du dispositif. En cas de refus de la levée de confidentialité, l’obligation déclarative passe sur tout autre intermédiaire ou, à défaut, en dernier lieu, au contribuable lui-même[9]. Enfin, dans le cas où un intermédiaire pourrait démontrer que le dispositif transfrontière a déjà fait l’objet d’une déclaration en France ou dans un autre Etat membre, il sera dispensé d’effectuer une seconde déclaration.

La déclaration du dispositif incombe au contribuable lui-même si (i) l’intermédiaire n’a pas de lien territorial en France, (ii) si aucun intermédiaire n’est intervenu dans le dispositif ou (iii) si l’intermédiaire français bénéficie du secret professionnel[10]. Existe également des dispenses de déclaration du dispositif par le contribuable (notamment) lorsque plusieurs contribuables sont concernés par une même obligation déclarative. Ainsi, en conséquence, une société holding qualifierait-elle comme intermédiaire si elle délivre des conseils juridiques et/ou fiscaux à ses filiales.

2 - Quel dispositif doit être déclaré ? L’entrée en scène des « marqueurs » !

La notion de dispositif transfrontalier (cross-border arrangement) est large, car se définissant comme tout accord, montage ou plan ayant ou non une force exécutoire, constitution, acquisition, dissolution d’une personne morale ou encore la souscription d’un instrument financier, ainsi que l’intégralité des étapes et transactions par lesquelles il prend effet. Le dispositif peut être commercialisable ou non[11].

Est « transfrontalier » un dispositif qui concerne la France et un autre Etat (UE ou non), et qui répond à une condition de résidence ou d’activité des participants à ce dispositif dans deux Etats[12].

Toutefois, un dispositif est déclarable uniquement s’il comporte un ou plusieurs des marqueurs[13].

Un marqueur est une « caractéristique » ou « particularité » du dispositif indiquant un risque potentiel d'évasion fiscale[14]. Ces marqueurs, définis par la Directive, ont été transposés en droit interne[15] avec 5 catégories de marqueurs : (i) ceux de nature générale (A), (ii) ceux de nature spécifique (B), (iii) ceux liés aux dispositifs transfrontières (C), (iv) ceux en matière d’échange d’informations et de bénéficiaires effectifs (D) et (v) ceux en matière de prix de transfert (E).

A - Les marqueurs liés à l’avantage principal, des éléments déterminants de la planification fiscale agressive ?

Pour traduire un risque potentiel d’évasion fiscale, les marqueurs des catégories A et B s’apprécient au regard de la notion « d’avantage principal »[16], une notion particulièrement imprécise …

  • Une notion imprécise « d’avantage principal » 

Le dispositif, avec un marqueur A ou B, est à déclarer s’il présente un « avantage principal » fiscal[17]. Cette notion doit être appréciée dans son ensemble.

Un « avantage fiscal » se définit comme un dispositif transfrontière permettant d’obtenir un remboursement d’impôt, un allégement ou une diminution d’impôt, une réduction de dette fiscale, un report d’imposition ou encore une absence d’imposition. La notion de « caractère principal » doit être appréciée de manière objective : le dispositif transfrontière aurait-il été élaboré de la même manière sans l'existence de l’avantage fiscal ?

Toutefois, lorsque l’avantage principal obtenu en France au moyen du dispositif transfrontière résulte de l’utilisation d’un dispositif conforme à l'intention du législateur français, alors cet avantage n’est, a priori, pas considéré comme principal au sens de DAC 6.

Cette notion « d’avantage principal » est floue. Elle semble se rapprocher de celle du « mini » abus de droit (LPF. art L. 64 A N° Lexbase : L9137LNQ). Ainsi, la notion « d’avantage principal » pourrait s’apparenter aux termes « d’essentiel », « fondamental » ou « capital » conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Européenne[18]. Les contours de cette notion et son application en matière de la Directive DAC 6 devront être précisés.

Ces imprécisions sera source d’insécurité juridique pour les contribuables, comme pour les intermédiaires, un avec risque d’interprétation extensive par l’administration française, tant que les juridictions françaises et européennes n’auront pas apporté une réponse homogène et claire.

  • Les marqueurs généraux : la catégorie A[19]

- Les marqueurs généraux « A » englobent 3 marqueurs relatifs aux clauses contractuelles prévues au sein des dispositifs. Ces marqueurs doivent impérativement être appréciés à la lumière de la notion de l’avantage principal pour rendre un dispositif transfrontière déclarable.

- Le marqueur A1 vise les clauses de confidentialité, et plus particulièrement tout « dispositif dans lequel le contribuable concerné ou un participant au dispositif s’engage à respecter une clause de confidentialité … de ne pas divulguer à d’autres intermédiaires ou aux autorités fiscales comment le dispositif pourrait procurer un avantage fiscal »[20].

- Le marqueur A2 se réfère aux honoraires de résultats (success fees) perçus par un intermédiaire lors de la mise en œuvre d’un dispositif. Il vise tout « dispositif dans lequel l’intermédiaire est en droit de percevoir des honoraires, intérêts ou rémunération pour financer les coûts et autres frais, pour le dispositif et ces honoraires, intérêts ou rémunération sont fixés par référence : (i) au montant de l’avantage fiscal découlant du dispositif ou (ii) au fait qu’un avantage fiscal découle effectivement du dispositif. Cela peut inclure une obligation pour l’intermédiaire de rembourser partiellement ou entièrement les honoraires si l’avantage fiscal escompté découlant du dispositif n’a pas été complètement ou partiellement généré »[21].

- Le marqueur A3 se rapporte aux dispositifs « dont la documentation et/ ou la structure sont en grande partie normalisées et qui est à la disposition de plus d’un contribuable concerné sans avoir besoin d’être adapté de façon importante pour être mis en œuvre »[22]. Ainsi, pourraient être concernés l’ensemble des produits bancaires et financiers reposant sur une documentation normalisée, des produits d’épargne réglementée, tels que le Livret A, le LDD ou encore le CEL détenus par un non-résident, ainsi que des investissements réalisés dans des organismes de placement collectif (OPC)

  • Les marqueurs spécifiques : la catégorie B[23]

- La catégorie des marqueurs spécifiques (B) comprend 3 marqueurs, lesquels correspondent plus précisément aux dispositifs transfrontières. Ces marqueurs doivent également être appréciés au regard de la notion de l’avantage principal.

- Le marqueur B1 concerne l’acquisition de sociétés déficitaires et vise plus particulièrement les dispositifs qui prennent « artificiellement des mesures qui consistent à acquérir une société réalisant des pertes, à mettre fin à l’activité principale de cette société et à utiliser les pertes de celle-ci pour réduire sa charge fiscale, y compris par le transfert de ces pertes à une autre juridiction ou par l’accélération de l’utilisation de ces pertes »[24].

- Le marqueur B2 vise « un dispositif qui a pour effet de convertir des revenus en capital, en dons ou en d’autres catégories de recettes qui sont taxées à un niveau inférieur ou ne sont pas taxées »[25].

- Le marqueur B3 vise quant à lui  « un dispositif qui inclut des transactions circulaires ayant pour résultat un « carrousel » de fonds, à savoir au moyen d’entités interposées sans fonction commerciale primaire ou d’opérations qui se compensent ou s’annulent mutuellement ou qui ont d’autres caractéristiques similaires »[26]. Ainsi, tout dispositif avec des transactions entraînant un mouvement circulaire de fonds qui remplissent au moins une des conditions suivantes : (i) la présence d'entités interposées sans fonction commerciale principale dans le dispositif, (ii) la présence de transactions qui se compensent ou s'annulent mutuellement ou (iii) la présence d'autres caractéristiques équivalentes.

B - Les marqueurs « autonomes », c’est-à-dire ceux indépendants du critère de l’avantage retiré

  • Les marqueurs liés aux obligations transfrontières ou catégorie C

- Le marqueur C1 vise « un dispositif qui prévoit la déduction des paiements transfrontières effectués entre deux ou plusieurs entreprises associées »[27] dès lors que l’une des conditions suivantes est remplie : (i) le bénéficiaire ne réside à des fins fiscales dans aucune juridiction fiscale, (ii) même si le bénéficiaire réside à des fins fiscales dans une juridiction, cette juridiction ne lève pas d’impôt sur les sociétés ou lève un impôt sur les sociétés à taux zéro ou presque nul ou figure sur une liste de juridictions de pays tiers comme étant non coopératives, (iii) le paiement bénéficie d’une exonération fiscale totale dans la juridiction où le bénéficiaire réside à des fins fiscales ou (iv) le paiement bénéficie d’un régime fiscal préférentiel dans la juridiction où le bénéficiaire réside à des fins fiscales.  

- La notion de taux de l’impôt sur les sociétés « à taux nul ou presque nul » a été précisée par l’administration fiscale comme un taux effectif d’imposition inférieur à 2 %. La notion de « régime fiscal préférentiel » est particulièrement vague quand bien même l’administration précise dans ses commentaires qu’il « est considéré comme préférentiel dès lors qu’il offre une certaine forme de préférence fiscale comparativement aux principes généraux de la fiscalité du pays concerné ». Le régime, afin de déterminer s’il est préférentiel, devra faire l’objet d’une comparaison avec les principes généraux de la fiscalité de la juridiction concernée et non comparativement aux principes appliqués dans d’autres juridictions et pourra notamment résulter de la législation en vigueur ou d’une décision fiscale anticipée (« ruling »). 

- Le marqueur C2 fait référence à « un dispositif qui prévoit que des déductions pour le même amortissement d’un actif sont demandées dans plus d’une juridiction »[28].

- Le marqueur C3 vise « un allègement au titre de la double imposition pour le même élément de revenu ou de capital est demandé dans plusieurs juridictions », dès lors que l’allègement ne résulte pas de la volonté du législateur, tel que le « treaty shopping ».

  • - Le marqueur C4 vise « un dispositif qui inclut des transferts d’actifs et où il existe dans les juridictions concernées une différence importante dans le montant considéré comme étant payable en contrepartie des actifs », par exemple entre un siège et un établissement stable.
  • Les marqueurs relatifs à l’échange automatique de renseignements et aux bénéficiaires effectifs (Catégorie D)

DAC 6 prévoit également des marqueurs autonomes relatifs à l’échange automatique de renseignements et aux bénéficiaires effectifs. 

Le marqueur D1 (D.1.a à D.1.f) concerne tout dispositif «  susceptible d’avoir pour effet de porter atteinte à l’obligation de déclaration en vertu du droit mettant en œuvre la législation de l’UE ou tout accord équivalent concernant l’échange automatique d’informations sur les comptes financiers, y compris des accords avec des pays tiers, ou qui tire parti de l’absence de telles dispositions ou de tels accords »[29] et inclue notamment l’utilisation d’un compte / d’un produit financier ou le transfert de comptes / d’actifs financiers vers des juridictions qui ne sont pas liées par l’échange automatique d’informations, etc.

Le marqueur D2 vise un dispositif qui fait « intervenir une chaîne de propriété formelle ou effective non transparente par le recours à des personnes, des constructions juridiques ou des structures » qui (i) n’exercent pas une activité économique substantielle s’appuyant sur des moyens suffisants (effectifs, équipements, ressources et locaux), (ii) sont constitués, gérés, contrôlés ou établis ou qui résident dans toute juridiction autre que la juridiction de résidence de l’un ou plusieurs des bénéficiaires effectifs des actifs détenus par ces personnes, constructions juridiques ou structures et (iii) lorsque les bénéficiaires effectifs de ces personnes, constructions juridiques ou structures, sont rendus impossibles à identifier[30].

 

  • Les marqueurs concernant les prix de transfert

Enfin, trois marqueurs propres aux prix de transfert sont institués par la Directive.

  • - Le marqueur E1 concerne un dispositif « qui prévoit l’utilisation de régimes de protection unilatéraux », lequel est une disposition qui s’applique à une catégorie de contribuables ou de transactions définis et qui les exempte de certaines obligations normalement imposées par les règles générales en matière de prix de transfert d’un pays[31].

- Le marqueur E2 se rapporte à tout dispositif « qui prévoit le transfert d’actifs incorporels difficiles à évaluer, qui sont des actifs incorporels ou des droits sur des actifs incorporels pour lesquels, au moment de des entreprises associées »,  il n’existe pas leur transfert entre d’éléments de comparaison fiables et au moment où l’opération a été conclue, les projections concernant les futurs flux de trésorerie, les revenus attendus ou les hypothèses utilisées pour évaluer cet actif incorporel sont hautement incertaines[32].

- Le marqueur E3 vise un dispositif qui met « en jeu un transfert transfrontière de fonctions et/ ou de risques et/ ou d’actifs au sein du groupe, si le bénéfice avant intérêts et impôts annuel prévu, dans les trois ans suivant le transfert, du ou des cédants, est inférieur à 50 % du bénéfice avant intérêts et impôts annuel prévu de ce cédant ou de ces cédants si le transfert n’avait pas été effectué »[33].

3 - Quelles sont les modalités déclaratives ?

A - Délai de déclaration[34]

La déclaration des dispositifs transfrontières doit être effectuée dans le délai de 30 jours dont le point de départ est inhérent à la qualité de son auteur[35].

Pour les intermédiaires concepteurs et pour les contribuables concernés, le délai commence à courir à compter de la première des dates suivantes : 

- du lendemain de la mise à disposition (aux fins de mise en œuvre) du dispositif transfrontière déclarable ; ou

- du lendemain où le dispositif transfrontière déclarable est prêt à être mis en œuvre ; ou

- du jour de la réalisation de la première étape de la mise en œuvre du dispositif transfrontière déclarable.

Pour les intermédiaires prestataires de services, ce délai court à compter du lendemain du jour où ils ont fourni, directement ou par l'intermédiaire d'autres personnes, une aide, une assistance ou des conseils concernant la conception, la commercialisation ou l'organisation du dispositif déclarable.

Il incombe également à l’intermédiaire tenu de souscrire à cette déclaration l’obligation de communiquer, tous les trois mois, une mise à jour des informations[36] déclarées et qui sont relatives aux dispositifs conçus, commercialisés, prêts à être mis en œuvre ou mis à disposition aux fins de mise en œuvre sans avoir besoin d'être adaptés de façon importante.

Enfin, l’application de l’obligation déclarative est indépendante d’une part, de la conformité des dispositifs déclarables aux multiples dispositifs anti-abus existants, et d’autre part, aux déclarations antérieures qui ont pu être faites sous l’égide d’un quelconque autre régime juridique. Ainsi, par exemple, l’obligation déclarative créée par DAC 6 a donc en conséquence vocation à s’ajouter à l’obligation déclarative déjà existante en matière d’opération de fusions transfrontières[37], laquelle impose de renseigner notamment les motifs et buts de l’opération, ainsi que les conséquences économiques et fiscales de l’opération réalisée[38].

B - Contenu de l’obligation déclarative[39]

La déclaration doit être effectuée, sous forme dématérialisée, par principe, sur l’espace particulier ou professionnel impôts.gouv.fr et par exception, lorsque le déclarant n’est pas établi sur le territoire français, auprès de la Direction des Non-résidents. 

Le déclarant doit déclarer les seules informations dont il a connaissance, qui se trouvent en sa possession ou qui sont sous son contrôle à la date du fait générateur de l'obligation déclarative.

La déclaration doit contenir les éléments suivants[40] : (i) l'identification des intermédiaires et des contribuables concernés, y compris leur nom, date et lieu de naissance (pour les personnes physiques), résidence fiscale, le numéro d’identification fiscale (NIF) et le cas échéant, les entreprises associées à ces derniers, (ii) des informations détaillées sur les marqueurs, (iii) un résumé du contenu du dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, y compris la référence à la dénomination par laquelle il est communément appelé et, le cas échéant, une description abstraite des activités commerciales ou dispositifs pertinents, (iv) la date de la première étape de la mise en œuvre du dispositif, (v) le détail des dispositions nationales sur lesquelles se fonde le dispositif, (vi) la valeur de ce dispositif, (vii) l’identification de l’Etat membre du ou des contribuable(s) concerné(s) et tout autre Etat membre susceptible d’être concerné par le dispositif, (vii) l’identification, dans les Etats membres, de toute(s) autre(s) personne(s) susceptible(s) d’être concernée(s) par le dispositif et les Etats membres liés à cette (ces) personne(s).

Certains de ces éléments ne sont pas sans rappeler ceux requis dans le cadre de l’obligation déclarative en matière de fusions transfrontières[41], à savoir : l’identification des personnes concernées par l’opération, la date de réalisation et la nature de l’opération, mais également ses motifs et buts, et enfin, les conséquences de l’opération tant sur le plan économique, que sur le plan fiscal.

Il semble toutefois que l’obligation française prise en application de la Directive DAC 6, aille plus loin que la précédente.

4 - Quelles sanctions en cas d’omission déclaratives ? [42]

L’intermédiaire et/ou le contribuable omettant de respecter l'obligation de déclaration ou de notification de cette obligation qui lui incombe[43] encourt une amende de 10 000 euros par manquement commis au titre de cette obligation.

Lorsqu’il s’agit de la première infraction de l'année civile en cours et des trois années précédentes, celle-ci peut être réduite à la somme de 5 000 euros.

En tout état de cause, le montant de l'amende appliquée à un même intermédiaire ou à un même contribuable concerné ne peut excéder 100 000 euros par année civile.

Conclusion

Nonobstant les commencements d’éclaircissement récemment publiés par l’administration fiscale française sur son champ d’application, la directive DAC 6 demeure malgré tout particulièrement complexe.

En effet, les marqueurs, nombreux, nonobstant les commentaires du BOFIP, restent peu précis, avec une absence d’exhaustivité des schémas susceptibles d’entrer dans le champ d’application de l’obligation déclarative. La question se pose particulièrement s’agissant des dispositifs transfrontières les plus simples.

Il pourrait en découler un important risque d’arbitraire par l’administration fiscale française s’agissant du champ d’application de l’ordonnance[44] qui a transposé la Directive.

Tout d’abord sur la notion « d’avantage principal », notion floue, qui semble se rapprocher de celle du nouveau mini abus de droit de l’article L. 64 A du Livre des procédures fiscales à la sémantique similaire. Ses contours seront à préciser, peut-être à partir de cas types, tant la casuistique est susceptible d’être large au vu de la lettre du texte.[45] En outre, pourrait apparaitre un risque accru d’insécurité juridique en raison de possibles divergences d’interprétation du champ d’application rationae materiae, notamment entre les Etats membres, s’agissant notamment de la définition des marqueurs ou de la notion « d’avantage principal ». Ainsi, par exemple, le fait que le droit interne français considère (comme susmentionné) qu’il n’y a pas d’avantage fiscal principal dans le cas où le dispositif en cause est « conforme à l'intention du législateur français », ce qui constitue un ajout au texte initial de la Directive DAC 6, peut-être non existant dans les autres pays de l’UE où ce motif pourrait ne pas être une cause exonératoire de déclaration. Ces absences de clarté pourraient également entraîner des divergences d’interprétation et une confusion dans la mise en œuvre de l’obligation déclarative entre les intermédiaires présents au sein de différents Etats membres.

On attendra donc avec impatience la finalisation, attendue pour le 31 mai, des commentaires publiés par l’administration suite à la consultation publique ouverte depuis le 9 mars, notamment concernant les différents marqueurs.

Au final, l’obligation déclarative de la Directive DAC 6 présente un champ d’application potentiellement (très) étendu, tant pour les contribuables comme pour les conseils et intermédiaires, source d’insécurité juridique !

 

[1] DAC 6 (Directive on administrative cooperation) étend la Directive n° 2011/16/UE du 25 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (et abrogeant la Directive 77/799/CEE) aux « dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration ».

[2] Ordonnance n° 2019-1068 du 21 octobre 2019, relative à l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration (N° Lexbase : L9809LS4), arts. 1649 AD à 1649 AH (N° Lexbase : L9976LSB) et 1729 C ter (N° Lexbase : L9977LSC) du CGI.

[3] Le projet BEPS a été lancé 2012 puis adopté en 2013 par le G20.

[4] Règles de communication obligatoire d’informations, Action 12, Rapport final 2015, p. 9 et 10.

[5] Seuls les commentaires du 29 avril 2020 font l’objet d’une consultation publique laquelle doit prendre fin le 31 mai 2020 inclus.

[6] CGI, art. 1649 AE (N° Lexbase : L9973LS8).

[7] BOI-CF-CPF-30-40-10-20 n° 40 et 60 (N° Lexbase : X0221CKE).

[8] BOI-CF-CPF-30-40-10-20 n° 100.

[9] BOI-CF-CPF-30-40-10-20 n° 120.

[10] BOI-CF-CPF-30-40-10-20 n° 220 et suivants.

[11] BOI-CF-CPF-30-40-10-10 n° 10 et suivants.

[12] BOI-CF-CPF-30-40-10-10 n° 50 et suivants.

[13] Les marqueurs prévus sont limitativement listés à l’article 1648 AH du CGI.

[14] Article 3 de la Directive.

[15] CGI art. 1649 AH.

[16] CGI, art. 1649 AH.

[17] BOI-CF-CPF-30-40-10-10 n° 120 et suivants (N° Lexbase : X0286CKS).

[18] CJUE, 26 février 2019, aff. C-115/16, C-118/16, C-119/16 et C-299/16 (N° Lexbase : A0975YZ7) et CJCE, 21 février 2006, aff. C-255/02 (N° Lexbase : A0045DNY).

[19] CGI, art. 1649 AH, II, A.

[20] BOI-CF-CPF-30-40-30-10 n° 10 à 40.

[21] BOI-CF-CPF-30-40-30-10 n° 50 à 70.

[22] BOI-CF-CPF-30-40-30-10 n° 80 à 130.

[23] CGI, art. 1649 AH, II, B.

[24] BOI-CF-CPF-30-40-30-10 n° 150.

[25] BOI-CF-CPF-30-40-30-10 n° 170 à 180.

[26] BOI-CF-CPF-30-40-30-10 n° 190 à 220.

[27] BOI-CF-CPF-30-40-30-20 n° 1 à 20 (N° Lexbase : X0264CKY).

[28] BOI-CF-CPF-30-40-30-10 n° 30 à 40 (N° Lexbase : X0227CKM).

[29] BOI-CF-CPF-30-40-30-20 n° 150 à 320.

[30] BOI-CF-CPF-30-40-30-20 n° 330 à 350.

[31] BOI-CF-CPF-30-40-30-20 n° 360 à 410.

[32] BOI-CF-CPF-30-40-30-20 n° 420 à 440.

[33] BOI-CF-CPF-30-40-30-20 n° 450 à 480.

[34] CGI, art. 1649 AG.

[35] BOI-CF-CPF-30-40-20 n° 1 à 100 (N° Lexbase : X0320CK3).

[36] Les modalités de cette mise à jour seront précisées par décret.

[37] CGI, art. 210-0 A IV (N° Lexbase : L6234LUG).

[38] CGI, art. 46 quater O ZS ter annexe III (N° Lexbase : L5350LKD).

[39] CGI, art. 344 G octies A, annexe III (N° Lexbase : L5338LWM).

[40] BOI-CF-CPF-30-40-20 n° 220 à 320.

[41] CGI, art. 46 quater O ZS ter.

[42] CGI, art. 1729 C ter.

[43] L’amende prévue par l’article 1729 C ter du Code général des impôts n’a cependant pas vocation à s’appliquer aux manquements à l'obligation incombant au contribuable de déclarer annuellement l'utilisation qu'il a faite d'un dispositif au titre de l'année précédente.

[44] Ordonnance n° 2019-1068 du 21 octobre 2019 précitée.

[45] Tant par l’administration fiscale française, que par les juridictions françaises et européennes (CE, CJUE, CC)

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Procédure civile

[Brèves] Cour d'appel de Paris : ordonnance de roulement modificative portant sur la levée du plan de continuité et l’organisation des services de la juridiction en matière civile

Réf. : Ordonnance de roulement modificative du 7 mai 2020 du premier président de la cour d’appel de Paris (N° Lexbase : A34043LN)

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N3313BYD

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 13 Mai 2020

Monsieur Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d’appel de paris, a rendu une ordonnance de roulement modificative le 7 mai 2020 (N° Lexbase : A34043LN)  portant sur la levée du plan de continuité et sur l’organisation des services de la cour d’appel, à compter du 11 mai 2020, aux visas de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L5506LWT), l’ordonnance n°643/2019 du 31 décembre 2019 portant organisation des services, les ordonnances n° 105/2020 du 16 mars 2020 et n° 107/2020, prises en exécution du plan de continuité d’activité de la cour d’appel, l’ordonnance n° 124/2020 du 23 avril 2020 fixant l’organisation du service civil de la cour d’appel, la note de la Direction des services judiciaires du 24 avril 2020,

L’ordonnance ordonne la levée du plan de continuité de la cour d’appel à compter du 11 mai 2020.

  • Elle fixe l’organisation des services de la cour d’appel de Paris à compter de cette même date, de la manière suivante :

- les audiences des chambres 2-11 et 2-12 demeurent inchangées ;

- les urgences en matière civile et commerciale (hors pôle 3 et 6) seront assurées à une audience hebdomadaire le jeudi à 9h30. Les dossiers portant sur les requêtes urgentes, les référés urgents du premier président et les référés urgents y compris ceux des chambres 5-8, 5-9 et 5-15, seront traités durant cette audience ;

- les urgences des pôles 3 et 6, seront assurées à une audience hebdomadaire le jeudi à 9h30, distincte de la précédente, l’ordonnance précise en tant que de besoin, cette audience pourra être collégiale ;

- les dossiers fixés aux audiences de plaidoiries des chambres non pénales des pôles 1 à 6, jusqu’au 24 juin 2020, seront traités selon la procédure sans audience, dans les termes de l’ordonnance n° 124/2020 du 23 avril 2020, les autres dossiers étant renvoyés à la première audience utile.

Pour ces audiences il conviendra de se référer aux tableaux des services.

L’ordonnance du président aborde également l’organisation en pénal, qui ne sera pas décrite dans cette brève.

 

newsid:473313

Propriété intellectuelle

[Focus] Un système d’Intelligence artificielle ne peut pas être « inventeur » selon l’Office européen des brevets

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N3308BY8

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par Clément Monnet, Avocat au Barreau de Paris, Counsel, Norton Rose Fulbright

Le 13 Mai 2020

L’intelligence artificielle (IA) est une science dont le but est de faire faire par une machine des tâches que l’homme accomplit avec son intelligence. L’IA se développe dans tous les domaines de la vie sociale et économique : logiciels de traduction en ligne, assistant intelligent Google Home, véhicules autonomes… Preuve de la place de plus en plus prépondérante de l’IA dans l’économie, entre 1950 et 2016, près de 340 000 demandes de brevet ont été déposées dans ce domaine (source : rapport 2019 de l’OMPI « Tendances technologies - Intelligence artificielle »).

Si à ce jour il n’est plus discuté qu’une technologie d’IA ou une invention résultant d’une telle technologie peut faire l’objet d’une demande de brevet, une question brulante demeurerait encore à trancher au niveau européen et nécessitera – peut-être – une évolution prochaine du droit civil et du droit des brevets : une technologie d’IA peut-elle être désignée comme inventeur d’une demande de brevet ?

L’Office européen des brevets (OEB) a récemment répondu par la négative s’agissant de deux demandes de brevet européen [1].

1. Quelles étaient les circonstances factuelles de cette affaire ?

Une technologie d’IA, connue sous le nom de DABUS, est à l’origine de deux inventions (à savoir un « récipient pour boisson basé sur la géométrie fractale » et un « dispositif de lumière vacillante pour attirer l’attention durant des opérations de recherche et de sauvetage ») qui ont chacune fait l’objet d’une demande de brevet en Europe et dans d’autres pays.

Si la technologie DABUS a été développée et même brevetée par un être humain, Monsieur X, les deux inventions ci-dessus ont quant à elles été entièrement générées par la machine, sans implication humaine.

L’inventeur visé dans une demande de brevet n’étant pas nécessairement la même personne que le déposant, Monsieur X a décidé de désigner sa technologie DABUS comme inventeur et non lui-même lorsqu’il a complété les formulaires de dépôt de l’OEB, en octobre 2018, pour l’invention portant sur un « récipient pour boisson basé sur la géométrie fractale [2] » et, en novembre 2018, pour l’invention portant sur un « dispositif de lumière vacillante pour attirer l’attention durant des opérations de recherche et de sauvetage » [3].

Lors de l’examen des demandes de brevets par l’OEB, la question de la qualification juridique de DABUS a rapidement soulevé un débat.

Ainsi, en novembre 2019, une procédure orale s’est déroulée devant l’OEB, en présence de Monsieur X. A la suite de cette procédure orale, les demandes de brevet ont été rejetées au motif qu'elles ne remplissaient pas l'exigence juridique, établie par la Convention sur le brevet européen (CBE), selon laquelle un inventeur désigné dans une demande doit être un être humain et non une machine.

Les motifs des décisions de refus de l’OEB ont été publiés le 27 janvier 2020.

2. Quels étaient les arguments du déposant pour justifier qu’une technologie d’IA puisse être désignée comme inventeur dans une demande de brevet ?

A la suite d’une demande de précisions de l’OEB, le demandeur a soutenu que rien ne justifiait que la qualité de l’inventeur se limite aux personnes physiques et que la possibilité de déposer un brevet au nom d’une IA serait de nature à encourager le développement de systèmes innovants en offrant une protection aux développeurs.

En outre, Monsieur X observait que l’enregistrement du brevet au nom d’une personne physique, alors que l’invention était uniquement le fruit d’une machine, était de nature à induire les individus en erreur sur la paternité de l’invention.

3. Quels sont les motifs de rejet de l’OEB ?

L’OEB a publié la motivation de ses décisions de rejet le 27 janvier 2020. L’OEB a refusé l’enregistrement de ces deux demandes au motif qu’elles ne satisfaisaient pas les conditions de l’article 81 de la CBE ni celles de la Règle 19(1) de son règlement d’exécution, selon lesquelles la demande doit contenir la désignation de l’inventeur et comporter le nom, les prénoms et l’adresse complète de ce dernier. A cet égard, l’OEB précise, en outre, que la compréhension du terme « inventeur » comme faisant référence à une personne physique serait une norme applicable au niveau international.

Par ailleurs, l’OEB précise qu’une machine ne peut être qualifiée d’inventeur dans la mesure où elle ne dispose pas de la personnalité juridique et ne peut donc bénéficier des droits attachés à cette qualité.

4. Quelle analyse retenir de cette décision ?

A ce stade, on retiendra que l’OEB a refusé de breveter une invention dont l’inventeur – désigné dans la demande – n’était pas un humain. Rien de plus. Si Monsieur X s’était désigné comme inventeur dans ses demandes, on peut penser que les brevets auraient été enregistrés, sous réserve bien entendu du respect des autres conditions de brevetabilité, à savoir : nouveauté, activité inventive et application industrielle de l’invention.

Ainsi, contrairement à ce que pourrait conduire une conclusion trop hâtive de cette affaire, l’OEB ne considère absolument pas, en l’espèce, qu’une invention créée par une technologie d’IA n’est pas brevetable en elle-même.

Que penser de cette position de l’OEB ? Il s’agit d’une interprétation classique de textes adoptés à une époque où l’IA n’existait pas (ou peu). Une interprétation plus novatrice n’aurait-elle pas pu permettre de faire coïncider le statut juridique de l’inventeur à la réalité factuelle ?

Aujourd’hui, il y a eu une véritable révolution technologique. Selon les tout derniers modèles d’IA, le programme informatique utilisé ne sert plus uniquement d’outil : en réalité, il prend une grande partie des décisions liées au processus inventif, sans aucune intervention humaine. A titre illustratif, un algorithme, nourri de données, est capable de produire de façon autonome et même d’apprendre de nouvelle chose tout seul, à l’image d’un « cerveau artificiel » capable de raisonner et de prendre des décisions. On parle alors de machine learning (apprentissage automatique).

De ce fait, si la technologie d’IA a fait du machine learning depuis sa conception et que les résultats sont les fruits de ce processus autonome, sans entrées de données, enseignements ou prises de décision humaines, comment pouvons-nous conclure qu’une personne physique a contribué à l’étape d’invention ? Dans ce cas, devons-nous réellement attribuer le statut d’inventeur à une personne physique si la technologie d’IA a produit les résultats, analysé ceux-ci et est arrivée à la conclusion qu’ils ont une valeur technique et utilitaire, sans apport matériel provenant d’une personne physique, que ce soit le programmeur d’origine, le propriétaire de la machine d’IA, son utilisateur ou autre ?

On le voit, la question que l’OEB devait trancher n’était pas évidente et une réponse plus en phase avec la réalité technologique aurait pu être intéressante, contribuant ainsi à faire évoluer le droit positif.

Il n’empêche que l’appréciation de l’OEB n’est pas isolée. En effet, par une décision du 27 avril dernier, le United States Patent & Trademark Office (USPTO) a tranché dans le même sens pour les demandes américaines concernant ces mêmes inventions de DABUS.

Il n’en demeure pas moins que la question de la désignation des systèmes d'IA comme inventeurs reste en tout état de cause ouverte. A cet égard, il sera particulièrement intéressant de voir les conclusions de la consultation publique sur l'IA et la politique en matière de propriété intellectuelle lancée par l’OMPI qui répondra notamment à la question suivante : « La loi doit-elle permettre ou exiger que l’application d’intelligence artificielle soit mentionnée comme inventeur ou doit-elle exiger que l’inventeur cité soit un être humain ? ». Le document de synthèse de l'OMPI devrait être publié d'ici mi-mai 2020. A suivre donc…


[1] Motifs de la décision de l’OEB du 27 janvier 2020 relative à la demande EP 18 275 163 ; motifs de la décision de l’OEB du 27 janvier 2020 relative à la demande EP 18 275 174.

[2] EP 18 275 163

[3] EP 18 275 174

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Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Des prestations par téléphone fournies par des infirmiers et des assistants médicaux peuvent être exonérées de TVA

Réf. : CJUE, 5 mars 2020, aff. C-48/19 (N° Lexbase : A04363HM)

Lecture: 5 min

N3291BYK

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par Marie-Claire Sgarra

Le 13 Mai 2020

Des prestations fournies par téléphone, consistant à donner des conseils relatifs à la santé et aux maladies, sont susceptibles de relever de l’exonération prévue par l’article 136 de la Directive TVA, à condition qu’elles poursuivent une finalité thérapeutique, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier ;

►Ces dispositions n’imposent pas que, en raison du fait que des prestations de soins à la personne sont fournies par téléphone, les infirmiers et les assistants médicaux qui fournissent ces prestations soient soumis à des exigences de qualification professionnelle supplémentaires, pour que lesdites prestations puissent bénéficier de l’exonération prévue, à condition qu’elles puissent être considérées comme étant d’un niveau de qualité équivalent à celui des prestations effectuées par d’autres prestataires utilisant le même moyen de communication, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Telle est la solution retenue par la CJUE dans un arrêt du 5 mars 2020 (CJUE, 5 mars 2020, aff. C-48/19 N° Lexbase : A04363HM).

En l’espèce, une SARL de droit allemand a effectué pour le compte des caisses publiques de maladie des consultations téléphoniques sur différents sujets concernant la santé et a conduit des programmes d’accompagnement, par téléphone, de patients souffrant de maladies chroniques ou de longue durée. Ces prestations étaient assurées par des infirmiers et des assistants médicaux. Dans un tiers des cas, il a été fait appel à un médecin. Dans le cadre des programmes d’accompagnement, les participants étaient sélectionnés, par les caisses de maladie, sur la base de données issues de leurs décomptes et de leurs pathologies, puis ils étaient contactés par ces caisses et inscrits dans un programme s’ils le souhaitaient. Ces programmes permettaient aux participants d’être contactés par téléphone, pendant une période de trois à douze mois, par les collaborateurs de X et d’appeler ces derniers, à tout moment, afin d’obtenir des informations en rapport avec leur pathologie. La juridiction de renvoi indique que ces programmes avaient principalement pour objet d’améliorer, pour le participant et ses proches, la compréhension de la maladie, le respect du traitement médicamenteux suivi ou le recours à d’autres traitements, d’éviter les erreurs de médication et de contribuer à apporter une réponse adéquate à l’aggravation éventuelle des symptômes et à l’isolement social.

La société de droit allemand demande à bénéficier d’une exonération de la taxe sur le chiffre d’affaires. Le bureau des impôts estime que les opérations concernées sont imposables. Le recours en première instance de la société est rejeté. Elle forme alors un recours devant la Cour fédéral des finances.

La juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si elle peut considérer que des consultations de nature médicale effectuées par téléphone, qui ne sont pas liées à un traitement médical concret ou n’interviennent que comme préalable à un tel traitement doivent être soumises à la TVA. Elle cherche à savoir si les caractéristiques des qualifications des professions médicales et paramédicales, au sens de l’article 132 de la Directive TVA, définies par l’Etat membre concerné pour les prestations de soins « classiques » sont également valables pour les prestations de soins effectuées sans contact physique ou bien si des exigences supplémentaires sont requises à cet égard.

Une prestation doit être exonérée si elle satisfait à deux conditions, à savoir, d’une part, constituer une prestation de soins à la personne et, d’autre part, être effectuée dans le cadre de l’exercice des professions médicales et paramédicales telles qu’elles sont définies par l’Etat membre concerné (CJUE, 27 juin 2019, aff. C-597/17 N° Lexbase : A5726ZG8).

Si les dispositions de la Directive TVA concerne des prestations accomplies dans le milieu hospitalier, elle vise aussi des prestations fournies en dehors d’un tel cadre, tant au domicile privé du prestataire qu’au domicile du patient (CJUE, 18 septembre 2019, aff. C-700/17 N° Lexbase : A6983ZNX).

S’agissant d’analyses médicales prescrites par des médecins généralistes, le principe de neutralité fiscale n’est pas respecté si de telles prestations étaient soumises à un régime de TVA différent selon le lieu où elles sont effectuées, alors que leur qualité est équivalente compte tenu de la formation des prestataires concernés.

Pour la Cour, des prestations fournies par téléphone, consistant à donner des conseils relatifs à la santé et aux maladies, sont susceptibles de relever de l’exonération prévue à cette disposition, à condition qu’elles poursuivent une finalité thérapeutique, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Dans un second temps, la Cour relève que la Directive TVA ne définit pas la notion de « professions médicales et paramédicales », mais renvoie, sur ce point, à la définition qui est retenue par le droit interne des Etats membres, qui disposent d’un pouvoir d’appréciation pour définir les professions dans le cadre desquelles l’exercice des soins à la personne est exonéré de la TVA et, en particulier, pour déterminer quelles qualifications sont requises pour exercer ces professions. Les Etats membres doivent tenir compte, d’une part, de l’objectif poursuivi par cette disposition, qui est de garantir que l’exonération s’applique uniquement aux prestations de soins à la personne qui sont fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises, et, d’autre part, du principe de neutralité fiscale. Les Etats membres doivent s’assurer que l’exonération prévue à ladite disposition s’applique uniquement à des prestations de soins à la personne présentant un niveau de qualité suffisant.

Ainsi la Directive TVA n’impose pas que, en raison du fait que des prestations de soins à la personne sont effectuées par téléphone, les infirmiers et les assistants médicaux qui fournissent ces prestations soient soumis à des exigences de qualification professionnelle supplémentaires, pour que lesdites prestations puissent bénéficier de l’exonération prévue à cette disposition, à condition qu’elles puissent être considérées comme étant d’un niveau de qualité équivalent à celui des prestations effectuées par d’autres prestataires utilisant le même moyen de communication, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 

 

 

 

newsid:473291

Urbanisme

[Le point sur...] Le point sur l’application du règlement national d’urbanisme (seconde partie)

Lecture: 23 min

N3286BYD

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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences en droit public à l’Université de Caen-Normandie, Centre Maurice Hauriou (Université Paris V- Descartes) et directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de l'urbanisme"

Le 13 Mai 2020

Lire Le point sur l’application du règlement national d’urbanisme (première partie) (N° Lexbase : N3171BY4).

II - La sécurité et la salubrité : l’article R. 111-2

A - Le champ d’application

Crée par l’article 2 du décret n° 61-1298 du 30 novembre 1961, la règle reprise par l’actuel article R. 111-2 (N° Lexbase : L0569KWY) prévoit, dans sa rédaction actuelle :

« Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ».

Cette règle a connu plusieurs rédactions mais l’idée maîtresse demeure identique : l’autorité peut valablement invoquer un motif tiré de l’atteinte à la sécurité ou à la salubrité publique pour refuser l’autorisation sollicitée, indépendamment du respect des règles du document local d’urbanisme. Notons qu’elle figure souvent, parfois dans des termes différents, dans beaucoup de PLU. Mais, en tout état de cause, elle peut être valablement opposée à une demande de permis, quand bien même le projet serait compatible avec les dispositions du PLU (CE, 1er mars 2004, n° 209942 (N° Lexbase : A4243DBR). En outre, lorsqu’un grief tiré de l’existence d’un risque pour la sécurité est invoqué devant lui, le juge doit statuer sur le moyen en lui redonnant son exacte qualification et en plaçant, pour y répondre, dans le cadre de l’article R. 111-2 (CE, 27 juillet 2009, n° 317060 N° Lexbase : A1350EK9).

Selon la jurisprudence la plus récente :

« En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect » (CE, 26 juin 2019, n° 412429 N° Lexbase : A7035ZGN).

La violation des exigences de sécurité ou de salubrité publique est, à elle seule, suffisante pour justifier légalement le refus de délivrer une autorisation d’urbanisme (CE, 18 juin 1980, n° 02861 N° Lexbase : A2416B8Y) et pour annuler une autorisation, le juge n’ayant alors pas l’obligation d’examiner les autres moyens soulevés par le requérant (CE, 16 octobre 1992, n° 86494 N° Lexbase : A8039AR8).

Il faut également souligner que les risques d'atteinte à la sécurité publique visés par l’article R. 111-2 sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers (CE 1er mars 2004, n° 209942 N° Lexbase : A4243DBR).

L’application de cette règle impose donc une appréciation au cas par cas qui tient compte des caractéristiques du projet et de ses conséquences sur son environnement immédiat : l’administration dispose ainsi du pouvoir d’apprécier, pour chaque cas particulier, si en raison de la gravité de l’atteinte à la sécurité ou à la salubrité, il convient de refuser le permis ou d’édicter telle ou telle prescription spéciale (CE Ass., 22 février 1970, n° 76380 N° Lexbase : A4721AQW ; CE, 9 février 1977, n° 00037 N° Lexbase : A6288B7Z). On notera que ces prescriptions ne peuvent apporter de modifications substantielles au projet, lesquelles imposeraient au pétitionnaire de présenter une nouvelle demande (CE, 26 juin 2019, n° 412429 N° Lexbase : A7035ZGN).

L’exercice de ce contrôle est une obligation qui s’impose à l’autorité compétente pour statuer sur la demande d’autorisation et en l’absence d’un refus ou d’une prescription explicite l’administration est réputée avoir exercer ce contrôle (CE Ass., 22 février 1970, n° 76380, précité).

Le contrôle de l’administration et du juge ne porte pas sur la destination intrinsèque de l’immeuble dont la construction est demandée mais sur ses éventuelles conséquences sur le voisinage : le critère de décision repose donc essentiellement sur la situation du projet et sur les risques qu’il fait supporter à ses occupants, au voisinage et aux tiers (CE, 18 juin 1980, n° 02861, précité ; CE, 1er mars 2004, n° 209942 N° Lexbase : A4243DBR). L’autorité peut ainsi prendre en considération la situation la dimension, l’orientation et l’espacement d’un groupe d’immeuble pour apprécier une éventuelle atteinte à la salubrité et à la sécurité (CE, 25 juin 1980, n° 98945 et n° 05861 N° Lexbase : A7690AIN). Le juge doit donc exercer un contrôle concret en vérifiant, par exemple, si la réalisation du projet est de nature à accroître les risques d’incendie pour les tiers (CE, 1er mars 2004, n° 209942, précité).

B - Les liens avec les autres exigences de sécurité

Ces exigences sont énoncées par d’autres articles du code de l’urbanisme mais également par d’autres législations.

L’article R. 111-2 fait parfois l’objet de combinaison avec d’autres dispositions du Code de l’urbanisme. C’est le cas de l’actuel article R. 111-6 (N° Lexbase : L0565KWT) qui prévoit que le permis peut être refusé si la largeur des voies est insuffisante pour la circulation et la manœuvre des engins de lutte contre l’incendie.

Le respect des exigences de sécurité s’apprécie alors au regard de la largeur de la voie et des caractéristiques du projet (CE, 14 avril 1995, n° 129479 N° Lexbase : A3366ANY). De même, le projet de construction de quatre bâtiments réservés au stockage de produits commercialisés sur le marché  de Rungis est-il apprécié au regard des articles R. 111-2, R. 111-3 (N° Lexbase : L0568KWX) et R. 111-4 (N° Lexbase : L0567KWW) : dès lors que les nuisances potentielles du projet ont été étudiées et que les analyses réalisées ne font pas apparaître d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, compte tenu notamment des mesures envisagées pour limiter les inconvénients de l'installation, tant en ce qui concerne la pollution des eaux et de l'atmosphère que la pollution sonore, le traitement des déchets et l'accroissement de la circulation, le projet ne peut être légalement interdit sur le fondement de ces trois articles (CE, 29 juin 2005, n° 262328 N° Lexbase : A9985DIN).

Le lien de l’article R. 111-2 avec les autres législations mérite également des observations spécifiques.

Initialement, la jurisprudence considérait que l’autorité compétente en matière d’urbanisme devait se prononcer indépendamment de la législation sur les installations classées (CE, 9 février 1977, n° 00037 N° Lexbase : A6288B7Z ; CE, 30 octobre 1987, n° 61098 N° Lexbase : A3928AP8), ce qui ne lui interdisait pas de prendre en considération les caractéristiques du projet telles qu’elles découlent des exigences d’une législation particulière : le préfet pouvait ainsi écarter l’existence d’une violation de l’article R. 111-2 en tenant compte des prescriptions sévères imposées aux constructeurs par la législation et la réglementation spécifique aux installations nucléaires de base (CE, 20 juin 1984, n° 35552 N° Lexbase : A3910ALE ; voir aussi CE, 20 mars 2000, n° 191418 N° Lexbase : A0681AUR).

La connexion entre la législation de l’urbanisme et celle des ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement), résultant des articles L. 110-1 (N° Lexbase : L6662C8A) et L. 110-2 (N° Lexbase : L6659C87) du Code de l’urbanisme, limite désormais le champ d’application de l’article R. 111-2 lorsque des ICPE sont en cause dès lors que les prescriptions émises dans le cadre de la législation sur les ICPE sont prises en compte dans l’application de R. 111-2 : dès lors que ces prescriptions sont suffisantes au titre des ICPE,  l’autorité n’a pas lieu d’imposer des prescriptions supplémentaires au titre de la législation relative à l’urbanisme (CE, 13 juillet 2006, n° 269720 N° Lexbase : A6477DQX). Il appartient donc à l’administration, à l'occasion de chaque demande d'autorisation de construire ou d'implanter une activité, d'appliquer les règles notamment de sécurité, découlant de chacune des législations pertinentes (CE, 29 avril 2009, n° 293896 N° Lexbase : A6396EGY).

Le champ d’application de l’article R. 111-2 ne se trouve cependant pas limité par les autres dispositions spécifiques relatives à la sécurité ou à la salubrité. Il incombe en effet à l'autorité compétente, si les particularités de la situation qu'il lui appartient d'apprécier l'exigent, de préciser dans l'autorisation, le cas échéant, les conditions d'application d'une prescription générale contenue d’un plan de prévention des risques naturels ou de subordonner, en application de l'article R. 111-2, la délivrance du permis de construire sollicité à d'autres prescriptions spéciales, si elles lui apparaissent nécessaires, que celles du plan (CE, 4 mai 2001, n° 321357 N° Lexbase : A0938HQS). Par conséquent, la circonstance qu'un plan de prévention du risque inondation ait précédemment classé une partie du terrain d'assiette d'un projet de construction en zone constructible n'est pas de nature, par elle-même, à faire obstacle à ce qu'un refus de permis soit opposé sur le fondement de l'article R. 111-2 (CE, 15 février 2016, n° 389103 N° Lexbase : A1032PLS).

C - Le contrôle du juge

Si le Conseil d’Etat ne se reconnaît pas le droit de contrôler l’opportunité de la mesure décidée par l’autorité compétente, en revanche, cette décision est contrôlée au titre de l’erreur de fait, de l’erreur de droit, de l’erreur manifeste d’appréciation ou du détournement de pouvoir (CE Ass. 29 mars 1968, n° 59004 N° Lexbase : A9653B8Z ; CE, 13 juillet 1968, n° 66310 N° Lexbase : A8165AQH).

L’administration commet une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle autorise, sans imposer de prescriptions spéciales relatives au dispositif d’assainissement et en se limitant à prévoir que ce dispositif serait soumis à la direction des affaires sanitaires et sociales, la construction d’un immeuble à usage d’habitation situé dans le périmètre de captage d’eau d’une agglomération importante et à la limite du périmètre de protection immédiate à un endroit où la nappe est à une faible profondeur (CE, 25 septembre 1987, n° 66734 N° Lexbase : A3887APN).

Même solution pour un permis de construire délivré pour la construction d’un bâtiment à usage de dépôt, d'atelier de conditionnement et de bureaux situé à trente mètres d'un silo à grains d'une capacité de 20 000 tonnes, compte tenu notamment des dangers pouvant résulter de l'incendie d'un silo (CE, 16 octobre 1992, n° 86494 N° Lexbase : A8039AR8).

Le juge ne peut annuler un permis au motif qu’il ne prévoit pas de prescriptions spéciales à l’égard sans préciser de quelles prescriptions il s’agit et sans dire en quoi elles sont différentes de celles imposées par la législation sur les installations classées (CE, 20 mars 2000, n° 191418 N° Lexbase : A0681AUR).

C’est dire qu’il doit apprécier de manière très concrète le dossier qui lui est soumis en prenant en compte les caractéristiques intrinsèques du projet, et notamment les mesures destinées à pallier ou à limiter les effets nuisibles du projet, pour les replacer dans l’environnement (CE, 16 juin 2004, n° 254172 N° Lexbase : A7615DCZ). Le risque d’incendie auquel est exposé un projet de hangar agricole du fait de sa destination mais aussi de la configuration des lieux justifie ainsi un refus de permis (CE, 22 avril 2005, n° 257743 N° Lexbase : A9340DHE).

Le juge doit donc préciser les atteintes et les risques qui pèsent sur la sécurité et la salubrité du fait de la réalisation du projet et qui justifient des prescriptions ou des précisions complémentaires, sous peine d’entacher sa décision d’un défaut de motivation et d’une erreur de droit (CE, 4 mai 2011, n° 321357 N° Lexbase : A0938HQS).

Cette exigence le conduit ainsi, en cas d’absence de repères préétablis à fixer lui-même les critères d’appréciation de la dangerosité d’une installation. Ces critères relèvent de l’appréciation souveraine des juges du fond et échappent donc au contrôle du juge de cassation. Au sujet du danger constitué par les ruptures de pales et de mâts des éoliennes, le Conseil d’Etat relève que :

« les juges du fond ont relevé qu'il était établi que des ruptures de pales ou, dans une moindre mesure, de mâts étaient survenues dans un rayon de 300 m et qu'un tel risque existait dans un rayon de 500 m ; qu'ils ont ensuite appliqué ce critère aux projets d'implantation d'éoliennes en tenant compte de la topographie des lieux, ce qui les a conduit à annuler les autorisations relatives à des projets situés à l'intérieur d'un périmètre regardé comme définissant la zone de risque, dans le cas où l'environnement était peu marqué par le relief, et à estimer que les autres projets situés dans le même périmètre, correspondant aux éoliennes C3 et C5, avaient pu, sans erreur manifeste, être autorisés compte tenu de la topographie des lieux ; qu'en statuant de la sorte, les juges du fond, qui n'ont pas commis d'erreur de droit en appliquant de façon différente aux situations qui leur étaient soumises le critère de distance qu'ils ont eux-mêmes dégagé, se sont livrés à une appréciation souveraine qu'il n'appartient pas au juge de cassation de contrôler » (CE, 6 novembre 2006, n° 281072 N° Lexbase : A2892DSW ; CE, 27 juillet 2009, n° 317060 N° Lexbase : A1350EK9 ; CE, 1er mars 2013, n° 350306 N° Lexbase : A9297I8T).

Il en va de même pour des installations de télécommunications : le juge apprécie souverainement leur caractère dangereux au regard de l’article R. 111-2 en fonction de l’état actuel des connaissances scientifiques (CE, 13 décembre 2006, n° 284237 N° Lexbase : A8895DSA).

D - Concrétisations

Les solutions qui suivent ne constituent pas des cas d’école transposables automatiquement à des situations dans lesquelles une construction similaire serait en cause dès lors que le juge ne se fonde pas sur la nature intrinsèque du projet mais sur son interaction avec le voisinage immédiat : tout est donc affaire de circonstances particulières…

Bien entendu, la situation particulière des lieux et leur environnement sont pris en compte dans l’application de l’article R. 111-2. L’appréciation des risques sera moins stricte pour un projet de type industriel situé dans une zone industrielle et portuaire qui, par principe, regroupe des exploitations à risque. C’est le cas pour la construction d’un ouvrage permettant le transfert du ciment entreposé dans le hangar dans les citernes des camions : compte tenu des précautions prises pour éviter les émissions de poussière de ciment dans l'atmosphère et des mesures de sécurité prévues, cette nouvelle installation n'est pas de nature, par elle-même ou en raison de sa situation dans le voisinage d'un dépôt d'anhydride sulfureux, à accroître sensiblement les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques dans une zone industrielle et portuaire (CE, 8 janvier 1997, n° 163035 N° Lexbase : A8072ADC).

Ont été reconnues comme étant de nature à porter atteinte à la salubrité :

- l’absence de certains travaux d’assainissement dans le cadre de la réalisation d’un lotissement (CE, 13 juillet 1968, n° 66310 N° Lexbase : A8165AQH) ;

- les inconvénients résultant, pour le voisinage, de l’installation d’une entreprise polluante et/ ou bruyante (un atelier de réparation automobile, CE 12 décembre 1969, n° 76912 N° Lexbase : A9267AQB ; une porcherie, CE, 25 juillet 1975, n° 87988 N° Lexbase : A7340B8D, CE Sect.  21 mars 1980, n° 12888 N° Lexbase : A9025AI4 ; une entreprise traitant le bois par des produits nocifs, CE, 18 juin 1980, n° 02861 N° Lexbase : A2416B8Y ; un élevage important de volailles contiguë à une maison d’habitation, CE, 24 juillet 1987, n° 56230 et n° 56899 N° Lexbase : A3827APG ; des unités de vapocraquage et d'hydrodésulfuration, des sphères de stockage de gaz combustible liquéfié et une canalisation de transfert d'éthylène, CE, 20 mai 1994, n° 107878 N° Lexbase : A1143AS7) ;

Le risque joue, bien entendu, dans les deux sens : si les exemples précédents concernent l’implantation d’une activité litigieuse, en sens inverse, l’existence préalable d’un établissement susceptible de porter atteinte à la salubrité interdit l’implantation d’une maison d’habitation à proximité (pour une porcherie, voir CE, 12 février 1990, n° 82057 N° Lexbase : A5864AQA).

Du côté de la sécurité, les motifs suivants permettent de justifier légalement un refus d’autorisation :

- un risque pour la sécurité routière (CE, 10 avril 1974, n° 92821 N° Lexbase : A7175B7U) ;

- l’existence d’un silo à grains d’une capacité de 20 000 tonnes : compte tenu des risques existant en cas d’incendie, la présence de cet établissement interdit l’édification d’un atelier de conditionnement et de bureaux à proximité (CE, 16 octobre 1992, n° 86494 N° Lexbase : A8039AR8) ;

- la circonstance que le secteur dans lequel se situe l’immeuble dont l’extension est demandée est très sensible aux feux de forêt et que le passage d’une surface de 45 à 119 m² augmentent le risque de départ de feux (CE, 1er mars 2004, n° 209942 N° Lexbase : A4243DBR) ;

- le risque de perturbation importante de la détection des phénomènes météorologiques dangereux qu'elles entraînent, sans réelle possibilité de neutralisation de leurs effets (CE, 30 décembre 2013, n° 352693 N° Lexbase : A9244KS8).

 En revanche, les projets suivants ne portent pas atteinte aux exigences de sécurité ou de salubrité :

- une étable dont la porte de sortie des bovins donne directement sur la place d’un village, solution surprenante aujourd’hui et qui témoigne d’une France rurale disparue (CE Ass., 22 février 1970, n° 76380 N° Lexbase : A4721AQW) ;

- un poulailler industriel (CE 9 février 1977, n° 00037 N° Lexbase : A6288B7Z) ;

- une installation de traitement des eaux usées (CE, 30 octobre 1987, n° 61098 N° Lexbase : A3928AP8) ;

- trois immeubles destinés à l’exploitation d’un aéroport existant (CE, 14 juin 1989, n° 82067 N° Lexbase : A2051AQZ) ;

- l’implantation selon un axe Nord-Sud d’un bâtiment d’une porcherie, qui devait initialement être implantée selon un axe est-ouest, dès lorsqu'il n'est pas établi que cette nouvelle implantation était, par elle-même, de nature à accroître les désagréments résultant, pour le voisinage, des émanations nauséabondes de cette porcherie (CE, 16 octobre 1992, n° 130367 N° Lexbase : A8047ARH) ;

- la présence à 500 mètres d’une fabrique de gaz de pétrole liquéfié, dès lors que le terrain d’assiette est situé au milieu d’une agglomération, signe d’un certain fatalisme (CE, 29 juillet 1994, n° 115625 N° Lexbase : A1962ASH) ;

- le seul fait que l'édification d’un immeuble d’habitation nécessite l'exécution de travaux d'affouillement du sol à proximité de la nappe phréatique (CE, 5 décembre 1994, n° 137353 N° Lexbase : A4236ASP) ;

- la création d’une fourrière malgré les nuisances sonores qu’elle peut provoquer (CE, 1er octobre n° 88842 N° Lexbase : A1012ANS) ;

- la réalisation d’un ensemble de cinq habitations dès lors que le système d’assainissement, dont il n’est pas établi qu’il serait insuffisant, ne présente pas de risque pour la santé du seul fait qu’il n’est pas implanté sur la partie du terrain d’assiette préconisée par le bureau d’études (CE, 3 juin 2013, n° 342673 N° Lexbase : A3356KGE) ;

Les exigences de l’article R. 111-2 sont également respectées lorsque le permis est assorti de prescriptions destinées à garantir la sécurité ou la salubrité. On peut citer les cas suivants :

-  le permis peut être légalement accordé sous la condition qu'une étude géotechnique soit effectuée afin d'assurer la stabilité des fondations des bâtiments et de "déterminer les conditions d'assainissement des habitations (CE, 10 mai 1995, n° 124959 N° Lexbase : A3833ANB) ;

- le risque de rupture des pales ou du mât d’une éolienne dans un rayon de 500 mètres (CE, 27 juillet 2009, n° 317060 N° Lexbase : A1350EK9) ;

E - Les considérations indifférentes

Pour l’application de l’article R. 111-2, le juge écarte comme indifférentes plusieurs types de considérations.

Il s’agit tout d’abord, du fait que d’autres immeubles sont déjà présents autour d’une installation qui présente des dangers pour la salubrité et la sécurité. Il s’agit ainsi de priver de conséquences de droit des circonstances factuelles, certes contraires au but poursuivi par l’article R. 111-2, mais qui n’ont pas à être appréciées dans le cadre d’une nouvelle construction. Peu importe que la présence de ces ouvrages s’explique par des considérations historiques, la négligence des autorités, voire l’évolution de la réglementation (CE, 20 mai 1994, n° 107878 N° Lexbase : A1143AS7).

La protection de la propriété privée doit également céder devant les exigences de l’intérêt général qui impose de limiter les risques d’incendie (CE, 26 juin 2019, n° 412429 N° Lexbase : A7035ZGN).

La faible probabilité d’un risque est également une considération qui ne doit pas entrer en ligne de compte pour l’autorité administrative : elle ne le dispense pas de prendre en considération l’existence du danger, d’autant qu’il s’agit d’un risque mortel pour le voisinage en cas de rejet accidentel ou d’explosion (CE, 20 mai 1994, n° 107878 N° Lexbase : A1143AS7).

Toutefois, l’application du dogme politico-médiatique de la nécessaire transition écologique a conduit le Conseil d’Etat à assouplir sa position sur ce point et à se mettre ainsi dans le sens du vent : l’existence du risque de rupture de mât et de pales d’éoliennes doit justifier un refus de permis sur le fondement de R. 111-2, dès lors qu’il apparaît que ce risque n’est pas négligeable. A contrario, on doit comprendre qu’il suffit que les données scientifiques concluent au caractère négligeable du risque pour qu’il soit écarté (CE, 27 juillet 2009, n° 317060 N° Lexbase : A1350EK9).

Cette analyse est confirmée de manière explicite par un arrêt du 13 juillet 2012 qui énonce qu’un « risque minime, qui n'est pas de nature à porter atteinte à la sécurité publique, ne peut fonder ni un refus de permis de construire ni l'observation de prescriptions spéciales accompagnant la délivrance du permis ».  Dès lors qu’elle estime que les risques potentiels pour les randonneurs circulant sur un chemin de grande randonnée situé à proximité d’une l'éolienne sont minimes, une cour peut donc souverainement décider que le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 (CE, 13 juillet 2012, n° 345970 N° Lexbase : A8403IQB).

F - La responsabilité

Enfin, la question de la responsabilité mérite quelques observations finales.

Dès lors qu’une décision illégale est nécessairement fautive, la méconnaissance de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme est susceptible de fonder une mise en cause de la responsabilité de la personne publique qui a délivré l’autorisation litigieuse.

La décision par laquelle l’autorité administrative a accordé un permis de construire n’est pas fautive dès lors qu’aucune circonstance ne permettait de refuser le permis sur le fondement de l’article R. 111-2 et que la délivrance du permis n’accordait au constructeur aucune garantie au sujet de la résistance du sol (CE, 13 mars 1989, n° 78030 N° Lexbase : A1629AQE).

De même, le juge peut constater, qu’alors même qu'aucune des études de sous-sol disponibles à la date de délivrance du permis de construire en cause ne permettait d'établir avec certitude la présence de la cavité à l'origine du sinistre, et, que, si aucun risque ne pouvait être précisément identifié mettant en cause la sécurité publique, le certificat d'urbanisme positif, auquel le permis de construire délivré un mois plus tard renvoyait expressément, était cependant assorti de prescriptions particulières enjoignant au pétitionnaire de prendre toutes les dispositions nécessaires pour s'assurer de la stabilité des sols, notamment en procédant à des sondages et à des travaux confortatifs, compte tenu de la situation connue de l'état général des sous-sol dans le canton. Dans ces conditions, la délivrance du permis n’est pas fautive (CE, 16 juin 2010, n° 312331 N° Lexbase : A9802EZ3).

En revanche, l’Etat commet une faute de nature à engager sa responsabilité lorsqu’il délivre, sans l’assortir de prescriptions pouvant être prises sur le fondement de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme, un permis de construire portant sur la réalisation d’un lotissement alors qu’il est établi qu’ à la date de la délivrance du permis, l’administration avait connaissance de l'existence d'une ancienne galerie souterraine sous le terrain d'assise du projet et qu’un rapport des Mines avait recommandé que fussent réalisés par le promoteur des sondages devant permettre d'apprécier l'importance du vide, son état actuel, de décider des remblaiements de terrain nécessaires ainsi que de la création, en tant que de besoin, d'une zone non aedificandi protégeant du risque d'éboulement. En s’abstenant de faire application du pouvoir qu’il détient en application de l’article R. 111-2, le préfet engage la responsabilité de l’Etat (CE, 3 novembre 1989, n° 80974 N° Lexbase : A2207AQS).

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