La lettre juridique n°816 du 12 mars 2020

La lettre juridique - Édition n°816

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Irrecevabilité de la demande d’indemnisation formée après expiration du délai de prescription, par des demandeurs ayants droit mais non parties aux offres d’indemnisation du FIVA

Réf. : Cass. civ. 2, 5 mars 2020, n° 19-15.406, F-P+B+I (N° Lexbase : A04323HH)

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N2496BY4

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par Laïla Bedja

Le 19 Mars 2020

► L’article 2240 du Code civil (N° Lexbase : L7225IAT) énonce que la reconnaissance, par le débiteur, du droit de celui contre lequel il prescrit, ne bénéficie qu’au créancier concerné par cette reconnaissance ; dès lors, les demandeurs n’ayant pas été « parties » aux demandes d’indemnisation ayant abouti à une offre du FIVA puis aux offres subséquentes, et, le FIVA ne s’étant jamais reconnu débiteur à leur égard, les demandes d’indemnisation formées par ces derniers, après l’expiration du délai de prescription, sont irrecevables car prescrites.

Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 5 mars 2020 (Cass. civ. 2, 5 mars 2020, n° 19-15.406, F-P+B+I N° Lexbase : A04323HH).

Les faits. Après le décès de M. Z, le 14 octobre 2006, des suites d’une pathologie en lien avec une exposition à l’amiante, le FIVA a adressé, par lettres recommandées avec avis de réception du 22 juillet 2010, 6 août 2010, 26 septembre 2013, 18 juin 2014, à sa veuve, ses fils, ses filles et petits enfants, diverses offres d’indemnisation au titre de leurs préjudices personnels, ainsi qu’au titre de l’action successorale, pour le préjudice fonction et les préjudices extrapatrimoniaux du défunt, lesquelles ont été acceptées sans réserve.

Procédure. Par lettre du 30 novembre 2017, deux demanderesses, fille et petite-fille du défunt, ont saisi le FIVA d’une demande d’indemnisation de leur préjudice moral et d’accompagnement. Le FIVA ayant rejeté cette demande, elles ont formé un recours contre cette décision.

La cour d’appel (CA Paris, Pôle 2, 4ème ch., 18 février 2019, n° 18/07753 N° Lexbase : A6137Y43) ayant aussi rejeté leur demande, un pourvoi en cassation a alors été formé par ces dernières. Selon elles, l’effet interruptif du délai de prescription de dix ans attaché à l’offre d’indemnisation du FIVA adressée à certains ayants droit d’une victime décédée des suites d’une maladie causée par l’amiante bénéficie aux autres ayants droit sollicitant l’indemnisation de leur préjudice. En retenant que l’offre du FIVA du 22 juillet 2010 et ses offres subséquentes n’avaient pas interrompu le délai de prescription au profit des demanderesses faute, pour celles-ci, d’avoir été parties aux demandes ayant abouti à ces offres, la cour d’appel a violé les articles 2240 du Code civil.

L’argument ne sera pas retenu par la Cour de cassation. Enonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette le pourvoi (sur Les délais de prescription, cf. l’Ouvrage « Droit de la protection sociale » N° Lexbase : E4382ETH).

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Avocats/Déontologie

[Textes] Quelles fonctions un avocat peut-il exercer dans une société ? Situation après le décret n° 2020-58 du 29 janvier 2020...

Réf. : Décret n° 2020-58 du 29 janvier 2020 modifiant l'article 111 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat (N° Lexbase : L7217LUT)

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N2386BYZ

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par Bruno Dondero, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l’Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris 1), Avocat associé CMS Francis Lefebvre Avocats

Le 12 Mars 2020

Mots-clefs : Commentaire • Texte • Avocats • Incompatibilités • Activités commerciales • Associé

Résumé : Un décret n° 2020-58 en date du 29 janvier 2020 est venu retoucher l’article 111 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat (N° Lexbase : L8168AID) [1]. L’article 111 est relatif aux incompatibilités de la profession d’avocat avec toute une série de situations. L’avocat doit conserver l’indépendance nécessaire à l’exercice de ses fonctions, et cela passe par l’incompatibilité de sa profession avec un certain nombre de positions qu’il pourrait être tenté d’exercer au sein d’une entreprise qui ne serait pas son cabinet.


 

Le texte précité déclare ainsi que la qualité d’avocat est incompatible avec deux séries de situations : les unes sont interdites du fait de la commercialité de l’activité exercée, les autres visent des positions et mandats sociaux dans différentes sociétés. On pourra revenir sur les différentes situations d’incompatibilités, en précisant incidemment l’apport du décret de 2020 (I), avant de s’interroger sur la solution à adopter pour les situations pour lesquelles les textes demeurent muets (II).

I - Les différentes situations d’incompatibilité envisagées par les textes

Interdiction des activités commerciales. Est édictée tout d’abord par l’article 111 du décret de 1991, en son (a), une incompatibilité « avec toutes les activités de caractère commercial, qu'elles soient exercées directement ou par personne interposée ». Au vrai, l’incompatibilité avec l’exercice d’une activité commerciale par personne interposée pourrait déjà, si on l’interprétait largement, interdire l’exercice de tout mandat social dans une société commerciale. On pourrait par exemple considérer que l’administrateur d’une société anonyme (SA), société à objet commercial par la forme [2], exerce une activité commerciale par personne interposée. Mais il faut sans doute comprendre que l’hypothèse visée est plus restreinte. Se trouverait certainement dans la situation visée par l’interdiction l’avocat qui, par exemple, fournirait à une autre personne les moyens d’une activité commerciale, donnerait à cet agent des instructions, et percevrait les bénéfices de cette activité.

S’agissant de l’avocat administrateur, il faut d’ailleurs observer que le législateur autorise expressément ce cumul de qualités, puisque l’article 6 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose que les avocats « peuvent, s'ils justifient de sept années d'exercice d'une profession juridique réglementée, remplir les fonctions de membre du conseil de surveillance d'une société commerciale ou d'administrateur de société », étant précisé que la condition de l’ancienneté peut faire l’objet d’une dispense. Précisément, la même disposition légale prévoit que « Le conseil de l'Ordre peut accorder une dispense d'une partie de cette durée ». On pourra critiquer la rédaction du texte, qui évoque la position de membre du conseil de surveillance « d’une société commerciale » mais est beaucoup plus large lorsqu’il s’agit d’autoriser l’accès à la position d’administrateur, puisque le mandat doit être exercé dans une « société » sans plus de précision. La réponse est, toutefois, claire s’agissant de l’accès au mandat d’administrateur : il est possible.

Interdiction de certaines positions et de certains mandats sociaux. Après l’interdiction de l’exercice, direct ou non, d’une activité commerciale, l’article 111 du décret de 1991 énumère en un (b) une série de positions et une série de mandats sociaux interdits aux avocats.

Les positions interdites sont celles d’associé dans une société en nom collectif (SNC), et celle d’associé commandité dans une commandite simple ou dans une commandite par actions. Pour le coup, on peut douter de l’utilité de la précision dès lors que le (a) a interdit à l’avocat les « activités de caractère commercial ». La qualité d’associé d’une SNC confère automatiquement celle de commerçant [3], et il en va de même pour le commandité, tant dans les commandites simples [4] que dans les commandites par actions [5].

Les mandats sociaux interdits par l’article 111 en son (b) ne concernent expressément que certaines positions au sein de certaines formes sociales.

La position interdite de gérant d’une SARL. Dans les sociétés à responsabilité limitée, il est interdit à un avocat d’exercer la gérance. On peut penser que l’exercice de ce mandat social concentrant de larges pouvoirs, au moins à l’égard des tiers, était déjà interdit par le (a) de l’article 111. Si, « dans les rapports avec les tiers, le gérant [de la SARL] est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés » [6], ces pouvoirs devraient être déjà assimilés à l’exercice indirect d’une activité commerciale, la SARL faisant également partie des sociétés commerciales par la forme.

Positions interdites au sein d’une SA. Avant l’intervention du décret de 2020, trois positions se trouvaient interdites. Deux le demeurent.

La position désormais autorisée de président du conseil d’administration. Antérieurement à l’adoption du décret de 2020, la première position que l’avocat se voyait interdire dans une SA par le décret de 1991 était celle de « président du conseil d’administration ». Le texte ne distinguait pas selon que la SA avait choisi de dissocier ou non la fonction de président du conseil de celle de directeur général (DG). A l’époque où le décret de 1991 a été écrit, le président du conseil exerçait nécessairement, en même temps que la présidence du conseil, la fonction de DG (d’où l’appellation courante de « P-DG »). La loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 (N° Lexbase : L8295ASZ) sur les nouvelles régulations économiques (NRE) a cependant permis aux SA de confier la présidence du conseil et la direction générale de la société à deux personnes distinctes. Avec une vingtaine d’années de décalage, le décret du 29 janvier 2020 tire donc les conséquences de cette évolution du droit des sociétés et autorise l’avocat à présider un conseil d’administration. Trois précisions peuvent être faites. Tout d’abord, la désignation d’un avocat au poste de président du conseil suppose qu’il soit d’abord un administrateur, dès lors que le conseil d’administration élit son président « parmi ses membres » [7]. Ensuite, et même si le décret de 2020 ne le précise pas, il serait logique de considérer que l’avocat administrateur peut également être délégué par le conseil dans les fonctions de président, en cas d’empêchement temporaire ou de décès de ce dernier [8]. Enfin, la désignation d’un avocat à la présidence du conseil d’administration d’une SA suppose dans tous les cas que la société concernée ait choisi, par la voix de son conseil, d’opter pour la dissociation de la présidence et de la direction générale [9].

La position toujours interdite de « directeur général ». Le décret de 2020 n’a pas levé l’interdiction d’exercer la fonction de DG d’une SA. Disons que le seul (a) de l’article 111 du décret de 1991 devait déjà suffire à interdire de détenir ce mandat social, selon le même raisonnement que celui exposé à propos du gérant de la SARL : les très larges pouvoirs exercés dans une société commerciale par la forme par ce mandataire social sont assimilables à l’exercice indirect d’une activité commerciale [10]. Le décret de 1991 avait tout de même pris la peine d’interdire à l’avocat le mandat de DG, mais à l’époque où ce texte était intervenu, le DG qui était visé n’était pas celui d’aujourd’hui. En 1991, le « directeur général » d’une SA correspondait au directeur général délégué d’aujourd’hui. Le président du conseil d’administration était alors nécessairement en charge de la direction générale, et il pouvait se faire assister par des « directeurs généraux » [11]. La loi NRE, en permettant de dissocier la présidence du conseil et la direction générale, a fait apparaître le « DG non président ». Parce qu’il fallait distinguer ce « nouveau DG » des « anciens DG », ces mandataires sociaux chargés d’assister la personne chargée de la direction générale ont été rebaptisés en 2001 « directeur généraux délégués » (DGD). L’interdiction qui demeure à l’article 111 (b) du décret de 1991 vise encore aujourd’hui le « DG ». Parce que le texte avait initialement dans son viseur les « DG » de l’époque, qui avait des pouvoirs moins importants que le DG d’aujourd’hui, il faut penser que cette fonction, au sens actuel, est clairement interdite. La modification apportée au texte par le décret de 2020 peut d’ailleurs être lue comme une « mise à jour » de l’article 111 (b) qui conduit à dire que ce texte doit bien viser le DG au sens actuel.

La position toujours interdite de membre de directoire d’une SA. Le membre du directoire fait partie d’un organe en principe collégial en charge de la direction de la SA. Il n’a pas été considéré que ce caractère collégial établissait une séparation avec l’activité sociale, justifiant que l’avocat puisse accéder à cette fonction.

La position interdite de gérant d’une société civile. Là où l’article 111 du décret va le plus loin, c’est lorsqu’il interdit à l’avocat d’accéder à la position de gérant d’une société civile. Pour le coup, sauf à ce que la société soit à forme civile mais à objet commercial, cette incompatibilité ne peut être rattachée à celles édictées par le (a) de l’article 111. L’avocat ne peut donc pas, par exemple, assumer la gestion d’une société civile immobilière. Heureusement, une double dérogation, commune aux différents mandats sociaux énumérés par l’article 111 (b) est prévue.

Double dérogation. L’article 111 (b) se conclut par une double exception : les fonctions énumérées sont interdites « à moins que celles-ci n'aient pour objet la gestion d'intérêts familiaux ou l'exercice de la profession d'avocat ». La seconde dérogation se comprend fort bien : une société d’exercice prenant la forme d’une SARL ou d’une SELARL doit pouvoir être gérée par un avocat, soit. La première dérogation est moins saisissable : qu’est-ce, en effet, qu’une société ayant pour objet la « gestion d’intérêts familiaux » ? On a sans doute voulu permettre à l’avocat de prendre la direction de la SCI détenant l’immeuble où est logé le professionnel avec sa famille. Mais à la lettre, le texte ne permet-il pas à un avocat de devenir le DG d’une SA gérant les intérêts d’une famille d’actionnaires ? Il nous semble que non, la dérogation ne devant de toute façon pas permettre à l’avocat l’exercice – serait-ce par voie indirecte – d’une activité de nature commerciale [12]. Une autre question que pose le texte sans y répondre est celle de savoir si les intérêts familiaux dont on parle doivent être exclusivement ceux de l’avocat ou non.

II - Les positions non visées par les textes.

Positions non visées dans les SA. On a évoqué précédemment la reconnaissance expresse par le législateur de l’accès de l’avocat aux fonctions d’administrateur et de membre du conseil de surveillance [13]. Entre ces fonctions autorisées et les fonctions clairement interdites, il en est une qui n’est aujourd’hui pas expressément visée par l’article 111 (b) du décret de 1991 : la fonction de DGD. C’était cependant elle que les rédacteurs du décret avaient en tête en 1991, ainsi qu’on l’a vu [14]. En outre, les larges pouvoirs du DGD, au moins à l’égard des tiers, doivent conduire nous semble-t-il à l’assimiler au DG. Il faut rappeler que, aux termes de l’article L. 225-56, II du Code de commerce, « Les directeurs généraux délégués disposent, à l’égard des tiers, des mêmes pouvoirs que le directeur général ». L’argument de rattachement de la situation au (a) de l’article 111 a également vocation à jouer ici [15]. Pour ces différentes raisons, le mandat social de DGD doit être incompatible avec la qualité d’avocat [16]. En revanche, il doit être possible à l’avocat administrateur ou membre du conseil de surveillance d’occuper des fonctions particulières dans les différents comités constitués par le conseil.

Positions non visées dans les SAS. Plus compliquée à gérer, dans le silence des textes, est la question des mandats détenus dans les sociétés par actions simplifiées (SAS). Certes, cette forme sociale n’existait pas en 1991, mais il est curieux qu’il ne soit pas venu à l’idée du pouvoir réglementaire de préciser l’étendue des incompatibilités applicables aux avocats au regard de cette forme sociale, au vu de l’importance prise par la SAS. Il y a tout de même, aujourd’hui, plus de vingt SAS pour une SA ! La thèse consistant à dire que ce qui n’est pas interdit étant permis, il doit être possible à un avocat d’exercer tout mandat social dans une SAS ne nous semble pas promise au succès. L’attitude la plus raisonnable consiste vraisemblablement à rechercher, pour chaque SAS, quels pouvoirs sont reconnus aux mandataires sociaux par les statuts. Dans cette forme sociale, ce sont les statuts qui déterminent les conditions dans lesquelles la société est dirigée [17]. Au vu de ce qui est compatible avec l’activité d’avocat dans les SA (administrateur, président du conseil d’administration, membre du conseil de surveillance, sans doute président du conseil de surveillance) et de ce qui ne l’est pas (DG, DGD, membre du directoire), il conviendra de décider à quelle catégorie se rattache le mandat social proposé à l’avocat pour savoir s’il peut l’exercer ou non.

Positions non visées dans les sociétés de droit étranger. Au-delà des différentes formes sociales visées, les avocats peuvent être tentés d’exercer un mandat social dans une société de droit étranger. Le décret de 1991 ne comporte pas la précision selon laquelle les mandats sociaux visés sont également interdits lorsque la société concernée est une société de droit étranger. Pour autant, il ne semble pas que l’interprétation restrictive du texte soit ici la bonne, et ce quand bien même le texte à interpréter édicte une exception au principe de la liberté d’entreprendre. C’est d’ailleurs en ce sens que la Cour de cassation avait statué dans l’une des rares décisions rendues en ce domaine [18].


[1] Sur le décret de 2020, v., nos premières observations in JCP éd. E, 2020, act., 109.

[2] C. com., art. L. 210-1 (N° Lexbase : L5788AI9).

[3] C. com., art. L. 221-1 (N° Lexbase : L5797AIK).

[4] C. com., art. L. 221-1.

[5] C. com., art. L. 226-1 (N° Lexbase : L7230LQT).

[6] C. com., art. L. 223-18, al. 5 (N° Lexbase : L2030KGB).

[7] C. com., art., L. 225-47, al. 1er (N° Lexbase : L7146LTT).

[8] C. com., art., L. 225-50 (N° Lexbase : L5921AI7).

[9] C. com., art. L. 225-51-1 (N° Lexbase : L2183ATZ). 

[10] V., supra, n° 8.

[11] V., C. com., art. L. 225-53 (N° Lexbase : L7147LTU), avant sa modification par la loi NRE : « Sur la proposition du président, le conseil d'administration peut donner mandat à une personne physique d'assister le président à titre de directeur général. Deux directeurs généraux peuvent être nommés dans les sociétés dont le capital est au moins égal à 500.000 F, et cinq directeurs généraux dans les sociétés dont le capital est au moins égal à 10.000.000 F à condition que trois d'entre eux au moins soient administrateurs. Le conseil détermine leur rémunération ».

[12] Pour un refus d’application de cette dérogation, v., Cass. civ. 1, 14 mai 2009, n° 08-13.422, FS-P+B (N° Lexbase : A9777EG9), Bull. I, n° 91.

[13] V., supra, n° 4.

[14] V., supra, n° 11.

[15] V., supra, n° 11.

[16] En ce sens, v., A. Charvériat, B. Dondero, F. Gilbert, M.-E. Sébire et B. Mercadal, Mémento Lefebvre Sociétés commerciales, 2019, n° 11230.

[17] C. com., art. L. 227-5 (N° Lexbase : L6160AIY).

[18] Cass. civ. 1, 6 décembre 2007, n° 05-18.795, F-P+B ([LXB=A0278D3P), Bull. I, n° 377 ; BJS, 2008, p. 464, note M. Menjucq.

newsid:472386

Bancaire

[Jurisprudence] Clarification de la jurisprudence de l’ACPR

Réf. : ACPR comm. sanction, décision n° 2019-04, 4 février 2020 (N° Lexbase : L0595LWX)

Lecture: 42 min

N2546BYX

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par Jérôme Lasserre Capdeville, Maître de conférences - HDR, Université de Strasbourg

Le 12 Mars 2020

Le droit bancaire peut-il encore se traiter en ignorant le droit de la régulation bancaire ? Nous ne le pensons pas. Or, ce dernier, qui cherche notamment à ce que les différents professionnels intervenant dans le domaine de la banque soient en « conformité » avec les exigences légales et règlementaires, est particulièrement technique. Les décisions du superviseur de la banques et des assurances, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), participe à cette technicité en rendant, par sa commission des sanctions, des décisions souvent longues et au contenu complexe pour les moins avertis.

Sans chercher à les analyser ou à les commenter, nous nous proposons ici de clarifier les décisions rendues par l’ACPR en matière bancaire afin de les rendre plus accessibles au lecteur. Nous nous permettrons d’en souligner les apports notables.

 

 

Sanctions prononcées : blâme et sanction pécuniaire de 70 000 euros. La décision est également publiée au registre de l’ACPR, pendant 5 ans sous une forme nominative puis sous une forme anonyme.

Etablissement concerné : Only Payment Services (OPS) est une société par actions simplifiée (SAS) appartenant au groupe A. Elle a été agréée en qualité d’établissement de paiement le 10 octobre 2012. Elle s’appuyait sur le réseau des boutiques A1 outremer pour y fournir des services de paiement à une clientèle majoritairement non bancarisée et à faible niveau de revenus.
Cet établissement ayant cependant enregistré des pertes importantes, son actionnaire unique a décidé, fin 2018, d’arrêter son activité et de solliciter le retrait de son agrément. Le 3 juin 2019, il lui a été indiqué par l’ACPR que l’examen de sa demande était suspendu jusqu’au terme de la présente procédure. Ses opérations ont été cependant progressivement interrompues entre mars et mai 2019.

Procédure : à la suite du contrôle sur place du dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT) d’OPS, réalisé entre le 11 juin et le 5 septembre 2018, un rapport a été établi le 19 décembre 2018. A la vue de ce dernier, le collège de l’ACPR statuant en sa formation de sous-collège sectoriel de la banque, a décidé, lors de sa séance du 23 avril 2019, d’ouvrir une procédure disciplinaire.

La commission des sanctions de l’ACPR a rendu sa décision le 4 février 2020.

I - Interrogations liées à la procédure

Réglementation applicable

1) Critique du mis en cause

OPS soutenait qu’au moment du contrôle sur place, les dispositions réglementaires d’application de l’ordonnance du 1er décembre 2016 (ordonnance n° 2016-1635 N° Lexbase : L4816LBY) n’avaient pas été publiées et que les dispositions de l’arrêté du 3 novembre 2014 (arrêté relatif au contrôle interne des entreprises du secteur de la banque, des services de paiement et des services d'investissement soumises au contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution N° Lexbase : L7083I44) n’avaient pas été mises à jour pour tenir compte des nouvelles obligations issues de la quatrième Directive anti-blanchiment (Directive 2015/849 du 20 mai 2015 N° Lexbase : L7601I8Z). De même, les lignes directrices conjointes de l’ACPR et de TRACFIN sur les obligations de déclaration et d’information à TRACFIN, qui présentent une analyse des textes législatifs et réglementaires en vigueur au 1er octobre 2018, sont datées du 4 octobre 2018. De plus, les lignes directrices de l’ACPR relatives à l’identification, la vérification de l’identité et la connaissance de la clientèle faisant suite à la transposition de la quatrième Directive anti-blanchiment n’ont été publiées que le 14 décembre 2018. Enfin, celles de l’arrêté du 3 novembre 2014 n’avaient pas été actualisées pour tenir compte des nouvelles dispositions issues de cette transposition.

Ainsi, pour OPS, l’interprétation du dispositif législatif ou réglementaire sur lequel s’appuie la poursuite n’a été diffusée que postérieurement aux faits reprochés et après la fin de la mission de contrôle (§3).

2) Réponse de l’ACPR

L’ACPR se fonde sur sa propre jurisprudence (ACPR comm. sanction, décision n° 2018-03, 2 juillet 2019 N° Lexbase : L1275LRN) pour déclarer qu’il n’y a pas lieu, pour elle, de porter une appréciation générale sur les conditions d’entrée en vigueur et de mise en œuvre des dispositions issues de la transposition de la quatrième Directive anti-blanchiment mais, le cas échéant, de procéder à un examen de chacune des dispositions au visa desquelles les faits sont qualifiés dans la notification des griefs.

Ainsi, plus précisément, la clarté de ces dispositions en l’absence, à la date du contrôle, de mesures réglementaires en précisant la teneur et la portée, de même que les conséquences éventuelles de l’absence de mise à jour de l’arrêté du 3 novembre 2014 feront ainsi l’objet d’une analyse à l’occasion de l’examen de chacun des griefs pour lequel la question peut se poser (§4).

A noter : un mis en cause ne saurait utilement invoquer, d’une façon générale, l’absence des textes réglementaires au moment des faits, précisant les obligations pour lesquelles il lui est reproché des manquements. La commission des sanctions procèdera à une vérification in concreto, et au fur et à mesure, pour chacune des obligations concernées, afin d’observer les éventuelles incidences de cette absence des dispositions réglementaires.

II - Analyse des griefs

Classification des risques

1) Règle applicable

L’article L. 561-4-1, alinéa 2, du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L0747LWL) impose aux organismes assujettis d’élaborer et de mettre à jour « une classification des risques en question en fonction de la nature des produits ou services offerts, des conditions de transaction proposées, des canaux de distribution utilisés, des caractéristiques des clients, ainsi que du pays ou du territoire d’origine ou de destination des fonds ».

Ces dispositions sont précisées par l’article 58 de l’arrêté du 3 novembre 2014 qui mentionne que cette classification prend également en compte les informations et les déclarations diffusées par le GAFI et par le ministre chargé de l’Economie ainsi que les informations reçues du service à compétence nationale TRACFIN.

2) Manquement observé

Il s’agit ici du grief 1.

Au moment du contrôle sur place, la classification des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme (BC-FT) d’OPS était incomplète et insuffisamment adaptée aux risques présentés par les caractéristiques de la clientèle d’OPS et par les opérations réalisées.

En effet, cette classification ne prenait pas assez en compte la nationalité ou le pays de résidence, alors même que 36 % des clients en relation d’affaires étaient de nationalité étrangère.

Plus précisément, OPS avait noué des relations d’affaires avec des clients nationaux ou résidents de pays présentant des risques élevés de BC-FT dont :
- la Syrie, qui figure sur la liste du GAFI et sur celle de la Commission européenne des pays présentant des défaillances en LCB-FT, et qui est également visé par le communiqué sur le dispositif de vigilance à l’encontre de Daech publié par la Direction générale du Trésor en juin 2016 ;
- le Yémen, pays figurant sur la liste du GAFI et sur la liste de la Commission européenne des pays tiers à haut risque présentant des carences stratégiques en matière de LCB-FT dans sa version en vigueur au moment des faits ;
- le Laos, le Guyana, le Sri Lanka et Trinité et Tobago, pays figurant sur la liste de la Commission européenne ;
- le Pakistan, pays figurant sur la liste du GAFI ;

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief est jugé établi par la commission des sanctions (§10).

Sa justification est particulièrement motivée. Elle se fait en trois temps.

- En premier lieu, les dispositions de l’article L. 561-4-1 du Code monétaire et financier prescrivent en termes clairs les obligations des organismes assujettis en matière de classification des risques.

Elles s’imposaient donc dès le lendemain de leur publication, soit le 3 décembre 2016, « indépendamment de toute précision par décret ou de la publication, par l’ACPR, d’un document de nature explicative s’y rapportant ». Ces dispositions sont complétées par celles du dernier alinéa de ce même article selon lesquelles il faut prendre en considération « des facteurs inhérents aux clients, aux produits, services, transactions et canaux de distribution [...] ».

A noter : l’absence des textes réglementaires est sans incidence lorsque les obligations sont prescrites en termes clairs par le texte légal.

Il s’ensuit qu’OPS devait intégrer dans sa classification des risques toutes les caractéristiques de sa clientèle d’où il résulte un risque particulier de BC-FT, « nonobstant l’absence de mention d’un critère relatif à la nationalité ou la résidence dans les lignes directrices conjointes sur les obligations de déclaration et d’information à Tracfin, y compris dans la version actualisée au 1er octobre 2018 ».

Si OPS souligne qu’au moment du contrôle, le rapport de TRACFIN « Tendances et analyse des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme en 2017-2018 » du 28 novembre 2018 n’avait pas encore été publié, la commission des sanctions considère que d’autres informations publiques sur la situation de ces pays dont la Syrie, y compris celles que mentionne la poursuite dans la notification des griefs, auraient dû la conduire à en tenir compte dans sa classification des risques.

A noter : l’absence des textes réglementaires est sans incidence lorsque des informations publiques témoignent des dangers liés à certains Etats.

Plus généralement encore, il aurait dû être tenu compte, dans cette classification, du risque particulier que représentent les clients nationaux ou résidents de pays présentant un risque élevé de BC-FT même si leur part dans la clientèle de l’établissement était relativement faible (203 personnes soit 1 % de la clientèle totale et 2,8 % de la clientèle étrangère d’OPS).

A noter : la rareté des clients relevant de pays présentant un risque particulier ne saurait justifier un manquement lié au recensement des risques de BC-FT découlant de la clientèle.

La commission des sanctions ajoute que ce critère de la nationalité est pertinent pour évaluer des risques, y compris lorsque les clients n’effectuent de transactions qu’au sein de l’espace unique de paiement en euros (§7).

A noter : le critère de nationalité est essentiel pour évaluer les risques.

- En deuxième lieu, OPS rappelait que par les délibérations n° 2006-245 du 6 novembre 2006, n° 2007-372 du 17 décembre 2007 et n° 2010-27 du 1er février 2010 et les décisions n° 2015-108 du 13 mai 2015 et n° 2015-098 du 28 mai 2015, respectivement, la HALDE et le Défenseur des droits ont estimé que la nationalité, l’origine ou la régularité du séjour en France ne pouvaient fonder un refus de la part d’une banque d’ouvrir un compte ou des restrictions dans la fourniture de services. En outre, la discrimination étant pénalement réprimée, la nationalité ne pourrait pas être un critère intégré à une classification des risques.

Or, pour la commission des sanctions, ces délibérations et décisions sont sans incidence sur le grief, qui ne porte pas sur les conditions d’ouverture ni sur le fonctionnement du compte d’un client, non plus que sur les opérations qu’il peut réaliser, mais sur l’obligation pour l’établissement d’identifier et d’évaluer tous les risques résultant des opérations de sa clientèle en fonction des caractéristiques de celle-ci. Elle ajoute, qu’il en est de même de l’ordonnance du 16 mars 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rappelé que la Banque de France ne pouvait pas refuser le droit à l’ouverture d’un compte bancaire aux personnes étrangères en situation irrégulière (§8).

A noter : invoquer ici les règles et la jurisprudence relative à la discrimination n’est pas pertinente pour la commission des sanctions.

- En troisième lieu, la décision indique que l’utilisation des bases de données Y, depuis le 1er juillet 2016, et Z, depuis le 1er mars 2018, qui enregistrent plus de 3 000 000 de profils à risque, de même que le filtrage en temps réel des opérations par la société B, en charge de la gestion des flux monétiques, ne peuvent pallier un manquement à l’obligation à laquelle OPS était soumise, de recenser de manière exhaustive les risques de BC-FT auxquels sa clientèle l’exposait et d’en tirer les conséquences dans sa classification des risques (§9).

A noter : un filtrage par une société gérant les flux monétiques ne compense pas un manquement lié au recensement des risques de BC-FT découlant de la clientèle.

Connaissance de la clientèle en relation d’affaires

1) Règle applicable

Selon l’ancien article L. 561-6 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7191ICC), dont les dispositions ont été maintenues à l’article L. 561-5-1 (N° Lexbase : L4971LBQ) et sont précisées à l’article R. 561-12 du même code (N° Lexbase : L0941LWR), les organismes assujettis doivent, avant d’entrer en relation d’affaires avec un client et pendant toute la durée de celle-ci, recueillir, analyser et mettre à jour les informations relatives à l’objet et à la nature de cette relation ainsi que tout autre élément d’information pertinent sur ce client.

2) Manquement observé

Il s’agit du grief 2.

En l’espèce, au moment du contrôle, les informations relatives à la connaissance de la clientèle en relation d’affaires étaient, lors de l’entrée en relation et pendant toute la durée de celle-ci, insuffisantes ou inexactes.

Plus précisément, les informations relatives à la situation professionnelle du client étaient inexactes dans 24 des 108 dossiers analysés par la mission de contrôle (dossiers 2.1 à 2.24). Ensuite, celles relatives aux revenus ou au patrimoine sont manquantes dans 24 dossiers, dont 7 mentionnés au titre du premier reproche (2.17, 2.19, 2.20, 2.21, 2.22, 2.23 et 2.24) et 17 autres dossiers (dossiers 2.25 à 2.41).

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief 2 est établi (§42).

Trois temps dans les développements sont à distinguer.

- D’abord, les dispositions de l’ancien article L. 561-6 du Code monétaire et financier prévoyaient l’obligation de réunir des informations relatives à l’objet et à la nature de la relation d’affaires et d’exercer, tout au long de celle-ci, une vigilance constante. Il est noté que dans sa version initiale, l’arrêté du 2 septembre 2009 (N° Lexbase : L7076IES), qui précise ces dispositions législatives, prévoyait déjà le recueil d’informations sur les activités professionnelles exercées par le client ainsi que sur ses revenus et son patrimoine. Cette exigence figure toujours dans sa rédaction actuelle (§13).

- Ensuite, pour 17 des 24 dossiers au sujet desquels un défaut de connaissance des revenus et du patrimoine du client est reproché (dossiers 2.25 à 2.41), OPS relève que la lettre de notification des griefs est fondée sur des dispositions légales différentes de celles mentionnées dans le rapport de contrôle.

Toutefois, il n’appartient qu’au collège, ainsi que la commission l’a souligné à plusieurs reprises, de choisir les faits qu’il entend reprocher à un organisme mis en cause et de les qualifier juridiquement (§14).

A noter : le fait que la lettre de notification des griefs soit fondée sur des dispositions légales différentes de celles mentionnées dans le rapport de contrôle ne saurait être reproché à la commission des sanctions.

- Enfin, il est souligné que le grief est relatif aux carences constatées dans 48 dossiers dont 7 sont cités cumulativement au titre du défaut de connaissance de la situation professionnelle, d’une part, des revenus et du patrimoine, d’autre part (dossiers 2.17 et 2.19 à 2.24). Ainsi, le grief porte en tout sur 41 dossiers de clients en relation d’affaires sur les 108 examinés par la mission de contrôle.

Toutefois, s’agissant du défaut de connaissance de la situation professionnelle du client, aucune carence ne peut être retenue dans les 3 dossiers dans lesquels l’intéressé, interrogé par OPS, n’a pas répondu (dossiers 2.14, 2.18 et 2.23). Néanmoins, faute pour OPS d’avoir interrogé le client sur ses revenus et son patrimoine, le dossier 2.23, écarté au titre du défaut de connaissance de la situation professionnelle, demeure néanmoins établi à ce second titre. Ainsi, sur les 41 dossiers, 2 seulement sont écartés, de sorte que les insuffisances reprochées sont établies pour 39 dossiers de clients.

A noter : parmi les informations attendues en la matière nous retrouvons donc celles sur la situation professionnelle des clients mais aussi celles portant sur les revenus et le patrimoine des clients.

Il peut cependant être tenu compte des efforts accomplis par OPS pour compléter postérieurement à l’entrée en relation d’affaires, la connaissance de ses clients par des demandes ou des recherches, à la suite d’opérations répétées de dépôts d’espèces et d’enregistrement de chèques (§15).

A noter : pour la commission des sanctions, les efforts d’un assujetti pour compléter postérieurement des manquements au niveau de la connaissance de ses clients sont en prendre en considération, même s’ils ne font pas disparaître les manquements en question.

En outre, si le nombre de dossiers pour lesquels des insuffisances ont été relevées, soit 39 sur 108 ainsi qu’il a été dit, paraît élevé, la commission des sanctions tient à préciser qu’il convient de tenir compte de ce que l’échantillon étudié par la mission de contrôle a été constitué à partir du fichier tenu par OPS des alertes et des examens renforcés et de celui des clients ayant réalisé de nombreuses opérations en espèces. Les conclusions tirées de l’examen d’un tel fichier ne peuvent donc pas être extrapolées à l’ensemble de la clientèle (§16).

A noter : des manquements relevés dans certains fichiers ne saurait être extrapolés par le superviseur à l’ensemble de la clientèle.

Sur le dispositif de suivi et d’analyse des relations d’affaires

1) Règle applicable

Selon l’article L. 561-32 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L0685LWB), les entreprises assujetties « mettent en place une organisation et des procédures internes pour lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, tenant compte de l’évaluation des risques prévue à l'article L. 561-4-1. En tenant compte du volume et de la nature de leur activité ainsi que des risques présentés par les relations d'affaires qu'elles établissent, elles déterminent un profil de la relation d'affaires permettant d'exercer la vigilance constante prévue à l'article L. 561-6. [...] [Ces entreprises] mettent en place un dispositif de gestion des risques permettant de détecter les personnes mentionnées au 2° et les opérations mentionnées au 4° de l'article L. 561-10 ainsi que celles mentionnées aux articles L. 561-10-2 et L. 561-15 ».

De plus, l’article 46 de l’arrêté du 3 novembre 2014, précise que les entreprises en question « se dotent de dispositifs de suivi et d'analyse de leurs relations d'affaires, fondés sur la connaissance de leur clientèle, permettant notamment de détecter les opérations qui constituent des anomalies au regard du profil des relations d'affaires et qui pourraient faire l'objet d'un examen renforcé mentionné au II de l'article L. 561-10-2 du Code monétaire et financier ou d'une déclaration prévue à l'article L. 561-15 du même code ».

L’article 49 de cet arrêté prévoit que les dispositifs mis en place, qui doivent notamment permettre de détecter toute opération au bénéfice d'une personne ou d'une entité faisant l'objet d'une mesure de gel des fonds, instruments financiers et ressources économiques « sont adaptés aux activités, aux clientèles, aux implantations de l'entreprise assujettie et aux risques identifiés par la classification » (§17).

2) Manquement observé

Il s’agit du grief 3.

Le dispositif de suivi de la relation d’affaires d’OPS reposait, au moment du contrôle, d’une part, sur des seuils unitaires en montant d’opérations dits « seuils en boutique », au-delà desquels le vendeur devait demander une justification et, d’autre part, sur des requêtes mensuelles effectuées a posteriori, à partir de ces seuils, formalisées dans un fichier d’alertes et analysées.

S’agissant des opérations en espèces, au-delà de 1 500 euros pour une opération, le vendeur en agence devait se renseigner sur l’origine des fonds et saisir un commentaire dans une base de données. Au-delà de 3 000 euros, il devait recueillir un justificatif et le scanner dans son logiciel de gestion électronique de documents. Les opérations portant sur plus de 5 000 euros étaient, quant à elles, interdites.

La procédure LCB-FT prévoyait l’analyse, au vu de ces requêtes, de tous les dépôts d’espèces d’un montant cumulé en un mois supérieur à 2 500 euros.

Or, ces seuils ne sont pas adaptés à l’activité d’OPS, notamment au regard du montant moyen des versements d’espèces effectués par ses clients, soit environ 170 euros en 2017. Ainsi, sur les 32 016 dépôts d’espèces effectués par des clients en 2017, 95 seulement étaient d’un montant supérieur ou égal à 1 500 euros et 4 dépassaient 3 000 euros, soit moins de 1 % du total des opérations. En 2017 et 2018, 39 clients seulement ont dépassé le seuil mensuel de 2 500 euros de dépôts d’espèces, déclenchant ainsi une analyse de leurs opérations. Pendant cette même période, 7 clients ont déposé, en cumul sur un mois, plus de 1 500 euros à 9 reprises, sans toutefois franchir ni le seuil en boutique de l 500 euros ni le seuil cumulé sur un mois de 2 500 euros (§18).

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief 3 est établi (§19).

Les dispositions de l’article L. 561-32 du Code monétaire et financier sont claires. Elles imposent aux organismes de mettre en place une organisation et des procédures internes adaptées aux risques de BC-FT qui résultent des opérations de leurs clients en relation d’affaires.

Il est noté que la commission des sanctions a déjà souligné la nécessité, dans une approche par les risques, de tenir compte du montant moyen des transactions et d’apprécier les écarts à ce montant (ACPR comm. sanctions, décision n° 2016-03 du 19 décembre 2016 N° Lexbase : L8417LBD ;. v. également, ACPR comm. sanctions, décision n° 2017-06 du 13 juin 2018 N° Lexbase : L8041LKZ).

A noter : la commission des sanctions s’attache donc, dans une approche par les risques, comme en témoigne sa jurisprudence, à tenir compte du montant moyen des transactions et à apprécier les écarts à ce montant.

Dès lors, à l’aune de cette exigence, il résulte des indications chiffrées mentionnées plus haut, que les seuils utilisés par OPS étaient manifestement inadaptés.

Ni les pratiques locales alléguées d’utilisation plus importante des espèces, ni la possibilité, sous certaines conditions, de régler les salaires sous cette forme, ne permettent pas de justifier le choix de tels seuils par OPS.

A noter : en matière d’approche par les risques, des pratiques locales ne sauraient justifier les manquements relevés.

Ainsi, les 7 dossiers spécifiquement mentionnés par la poursuite ne font qu’illustrer la carence d’OPS en l’espèce, qui porte sur les seuils retenus pour le suivi et l’analyse des relations d’affaires, de sorte qu’est sans incidence, à ce stade, le point de savoir s’ils auraient dû faire ou non l’objet de diligences particulières (§19).

Sur les défauts d’examen renforcé

1) Règle applicable

Selon l’article L. 561-10-2, II, du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5140LBY), les organismes assujettis effectuent un examen renforcé de toute opération particulièrement complexe ou d’un montant inhabituellement élevé ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d’objet licite.

Dans ce cas, ils se renseignent auprès du client sur l’origine des fonds et la destination de ces sommes ainsi que sur l’objet de l’opération et l’identité de la personne qui en bénéficie.

2) Manquement observé

Il s’agit ici du grief 4.

OPS n’a pas effectué d’examen renforcé des opérations de 10 clients (dossiers 4.1 à 4.10) (§21).

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief 4 est établi (§22).

La commission des sanctions constate que les dispositions de l’article L. 561-10-2, relatives à l’obligation d’effectuer un examen renforcé, n’ont pas été substantiellement modifiées par l’ordonnance du 1er décembre 2016. Surtout, leur non-respect a, depuis 2011, été sanctionné à de nombreuses reprises par l’ACPR.

Dans ces dossiers, OPS ne connaissait ni les revenus, ni le patrimoine du client, et ne disposait pas d’informations quant à leur situation professionnelle permettant de comprendre l’objet des opérations effectuées ou d’apprécier la licéité de leur objet, 8 de ces clients étant sans emploi, un étant magasinier (dossier 4.2) et le dernier ouvrier (dossier 4.10).

Si elle indique avoir procédé à un tel examen dans deux cas (dossiers 4.7 et 4.9), cela ne parvient pas à convaincre la commission des sanctions.

Dans le premier cas, les diligences faites dans le premier dossier sont postérieures au début de la mission de contrôle.

A noter : des vérifications opérées après le début du contrôle du superviseur sont trop tardives. Elles ne sauraient être invoquées pour contredire des manquements relevés.

Dans les second cas, OPS a envoyé un courriel à son client qui avait réalisé, en un peu moins d’un mois, 8 opérations au crédit, en espèces, pour un montant total de 7 700 euros et 37 opérations en débit pour un montant total légèrement inférieur. Le client ne répondant pas à sa demande, OPS lui a seulement adressé une relance en mai 2018, ce qui ne peut suffire à assurer le respect des obligations d’examen renforcé.

A noter : l’envoi d’un courriel à un client au profit « suspect » et une relance du fait de son silence ne sauraient être vus comme le respect des obligations d’examen renforcé.

La commission des sanctions précise encore que le défaut d’examen renforcé dans chaque dossier constitue en soi un manquement (§22).

Sur l’organisation du contrôle permanent

1) Règle applicable

Selon l’article 13 de l’arrêté du 3 novembre 2014 : « Le contrôle permanent de la conformité, de la sécurité et de la validation des opérations réalisées et du respect des autres diligences liées aux missions de la fonction de gestion des risques est assuré, avec un ensemble de moyens adéquats, par :
- certains agents, au niveau des services centraux et locaux, exclusivement dédiés à cette fonction ;
- d'autres agents exerçant des activités opérationnelles
 ».

L’article 14 du même arrêté prévoit que : « L'organisation des entreprises assujetties adoptée en application de l'article 13 est conçue de manière à assurer une stricte indépendance entre, d'une part, les unités chargées de l'engagement des opérations et, d'autre part, les unités chargées de leur validation, notamment comptable, de leur règlement ainsi que du suivi des diligences liées aux missions de la fonction de gestion des risques.

Cette indépendance est assurée par un rattachement hiérarchique différent de ces unités jusqu'à un niveau suffisamment élevé ou par une organisation qui garantit une séparation claire des fonctions ou encore par des procédures, éventuellement informatiques, conçues dans ce but et dont l'entreprise est en mesure de justifier l'adéquation ».».

2) Manquement observé

Il s’agit du grief 5.

Il est noté que 25 seulement des 77 contrôles permanents qualifiés de « deuxième niveau » par OPS dans son plan de contrôle permanent sont assurés par son contrôleur interne.

Une part importante des autres contrôles de ce niveau incombe soit à une consultante externe (21 contrôles) placée sous la responsabilité de la directrice de production, soit à cette directrice elle-même (9 contrôles) et au directeur adjoint des opérations (9 contrôles), qui dirigent des services opérationnels et non des services exclusivement dédiés à la fonction de contrôle (§24).

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief 5 est établi (§25).

Les constats de la mission de contrôle quant à l’organisation du dispositif de contrôle interne d’OPS ne sont pas contestés. La nécessaire adaptation du dispositif de contrôle interne d’un organisme assujetti à sa classification des risques, à son activité et à sa taille ne peut le conduire à se dispenser des règles et principes définis par les dispositions de l’arrêté du 3 novembre 2014 mentionné précédemment.

A noter : rien ne permet de justifier le non-respect des règles relative à l’organisation du contrôle permanent figurant dans l’arrêté du 3 novembre 2014, y compris sa taille modeste.

L’organisation en place au sein d’OPS à la date du contrôle ne permettait pas de s’y conformer en ce que son contrôle interne de second niveau n’était pas exercé par des agents dédiés à cette tâche, dont la stricte indépendance vis-à-vis des unités exerçant des fonctions opérationnelles n’était dès lors pas assurée.

Les difficultés rencontrées par OPS, alors que son activité était en croissance, pour recruter rapidement du personnel compétent, si elles peuvent expliquer ces insuffisances, ne sauraient conduire à les excuser.

A noter : le contrôle interne de second niveau doit être impérativement exercé par des agents dédiés à cette tâche. La difficulté à recruter le personnel compétent ne saurait excuser un manquement à cette obligation.

Sur le contrôle permanent du dispositif de suivi et de surveillance des relations d’affaires

1) Règle applicable

Selon l’article 71 de l’arrêté du 3 novembre 2014, le contrôle permanent du dispositif de LCB-FT fait partie du dispositif de la conformité.

De plus, selon l’article 11 du même arrêté : « Le système de contrôle des opérations et des procédures internes a notamment pour objet, dans des conditions optimales de sécurité, de fiabilité et d’exhaustivité, de : a) Vérifier que les opérations réalisées par l’entreprise, ainsi que l’organisation et les procédures internes, sont conformes aux dispositions propres aux activités bancaires et financières, qu’elles soient de nature législative ou réglementaire, nationales ou européennes directement applicables [...] ».

2) Manquement observé

Il s’agit du grief 6.

D’une part, OPS a, à 5 reprises, accepté des opérations que ses procédures internes auraient dû conduire à refuser parce qu’elles étaient supérieures à ses seuils d’opération en boutique de 1 000 euros pour les dépôts d’espèces par des tiers (une opération) et 12 000 euros pour les remises de chèques (4 opérations).

D’autre part, le franchissement du seuil de 3 000 euros pour les dépôts d’espèces par un client n’a pas conduit, dans deux cas, OPS à recueillir un justificatif de l’origine des fonds.

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief 6 est établi (§28)

D’une part, la commission des sanctions indique que, dans les 5 premiers dossiers, l’envoi a posteriori de demandes de justificatifs de l’origine des fonds aux clients ayant réalisé des opérations qui auraient dû, en application des procédures d’OPS, être refusées, n’est pas de nature à répondre au grief précité.

A noter : une simple demande de justificatifs a posteriori ne saurait légitimer la passation d’une opération qui n’aurait pas dû l’être.

D’autre part, si dans un des deux cas de franchissement du seuil de 3 000 euros, OPS indique avoir demandé à la cliente qui a effectué un dépôt d’espèces de 3 500 euros le 6 octobre 2017, de fournir des justificatifs, sa demande est intervenue 3 mois après l’opération et la cliente n’y a pas répondu.

A noter : dans les cas où un justificatif de l’origine des fonds doit être recueilli, une demande réalisée 3 mois après l’opération litigieuse (restée de surcroît sans réponse) ne saurait être admise.

Au sujet du second cas de même nature (dépôt d’espèces de 5 000 euros), OPS admet qu’il s’agit d’une « anomalie isolée ».

La commission des sanctions estime qu’il peut, dans une certaine mesure, être tenu compte de ce que l’unique dépôt d’espèces par une personne tierce reproché, d’un montant de 1 050 euros, dépassait de 50 euros seulement le seuil fixé par la procédure LCB-FT d’OPS, ainsi que du faible nombre de cas pour lesquels le non-respect des procédures internes est établi au regard de l’échantillon de 108 dossiers examiné par la mission de contrôle et, au demeurant, de l’activité totale d’OPS qui, début 2018, traitait 50 000 opérations par an pour le compte de plus de 20 000 clients. Cela ne remet pas en cause, pour autant, le grief (§28).

A noter : les circonstances particulières et le faible nombre des cas dans lesquels les procédures internes n’ont pas été respectées ne sauraient légitimer une exclusion du grief.

Sur l’externalisation

1) Règle applicable

Selon l’article 21 de l’arrêté du 3 novembre 2014, les organismes assujettis peuvent, dans certaines circonstances, confier à des prestataires extérieurs de services les tâches d’exécution des contrôles qui y sont effectués.

L’article 238 de ce même arrêté prévoit que : « L’externalisation d'activité : a) Donne lieu à un contrat écrit entre le prestataire externe et l'entreprise assujettie [...] ».

L’article 239 impose, quant à lui, aux organismes assujettis que, dans leurs relations avec leurs prestataires externes, ces derniers « e) Se conforment aux procédures définies par l'entreprise assujettie concernant l’organisation et la mise en œuvre du contrôle des services qu'ils fournissent ».

2) Manquement observé

Il s’agit du grief 7.

Lorsque le contrôle sur place a démarré, mi-juin 2018, aucun contrat n’avait été signé entre OPS et certains prestataires qui réalisaient des prestations de services ou d’autres tâches opérationnelles essentielles ou importantes ou des tâches d’exécution des contrôles périodiques, notamment les sociétés B, qui gère les flux monétiques, et C, en charge, d’une part, de la sous-traitance dans les domaines informatique, administratif et financier, juridique et ressources humaines, commercial et marketing, et, d’autre part, du contrôle du réseau des boutiques (visites trimestrielles donnant lieu à l’établissement d’un rapport de contrôle).

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief 7 est établi (§31).

Les dispositions de l’article 238 de l’arrêté du 3 novembre 2014 imposant qu’un contrat écrit soit conclu entre le prestataire externe et l’entreprise assujettie, OPS ne peut utilement soutenir que, selon le premier alinéa de l’article 1172 du Code civil (N° Lexbase : L0890KZY) : « Les contrats sont par principe consensuels ».

Il est souligné que la commission a déjà rappelé la teneur de cette obligation (ACPR comm. sanctions, décision n° 2014-10 du 16 octobre 2015 N° Lexbase : L1777KMR).

A noter : les règles du Code civil ne sauraient fonder une dérogation à l’article 238 de l’arrêté du 3 novembre 2014 imposant qu’un contrat écrit soit conclu entre le prestataire externe et l’entreprise assujettie.

En outre, l’exécution par chaque partie des prestations prévues par les projets de contrat ou l’appartenance au même groupe des société OPS et C sont sans conséquence sur le grief, qui est établi (§31).

A noter : l’appartenance des sociétés concernées au même groupe ne saurait fonder une dérogation à l’article 238 de l’arrêté du 3 novembre 2014 imposant qu’un contrat écrit soit conclu entre le prestataire externe et l’entreprise assujettie.

Sur les défauts de communications systématique d’information à TRACFIN

1) Règle applicable

Selon l’article L. 561-15-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5152LBG), dont les dispositions sont précisées par l’article R. 561-31-2 de ce code (N° Lexbase : L1967LK3), les organismes assujettis doivent transmettre systématiquement à TRACFIN toutes les informations relatives aux versements et retraits d’espèces supérieurs à 10 000 euros sur un mois civil.

2) Manquement observé

Il s’agit du grief 8.

OPS n’avait, au moment du contrôle, effectué aucune communication systématique d’informations (COSI) depuis le début de son activité, alors que certains clients avaient réalisé des opérations en espèces supérieures au seuil réglementaire.

La mission a ainsi relevé 4 séries de retraits d’espèces effectuées par 3 clients entre avril 2016 et octobre 2017 qui auraient dû faire l’objet de COSI.

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief 8 est établi (§34).

L’obligation d’informer systématiquement TRACFIN de certaines transactions est définie en termes clairs par les articles L. 561-15-1 et R. 561-31-2 du Code monétaire et financier. Les faits ne sont pas contestés

Il peut toutefois être tenu compte, dans une certaine mesure, de ce que les opérations exécutées par ces clients sont peu nombreuses et qu’en outre, dans un de ces 4 dossiers, le dépassement reproché s’est élevé à 40 euros seulement (§40).

A noter : le faible nombre des opérations exécutées par les clients peut être pris en considération par la commission des sanctions. Il n’excuse cependant pas le manquement du professionnel en matière de COSI.

Sur les défauts de déclaration de soupçon

1) Règle applicable

Selon l’article L. 561-15, I, du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5153LBH), les organismes assujettis doivent déclarer à TRACFIN « les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme ».

Selon le II du même article, ils doivent également, en présence d’au moins un critère défini par décret, déclarer les sommes ou opérations dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d'une fraude fiscale.

Selon le III du même article « à l'issue de l'examen renforcé prescrit à l'article L. 561-10- 2, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 effectuent, le cas échéant, la déclaration prévue au I du présent article ».

Enfin, parmi ces critères précisés par l’article D. 561-32-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L0959LWG) figure « le dépôt par un particulier de fonds sans rapport avec son activité ou sa situation patrimoniale connues » (critère 15).

2) Manquement observé

Il s’agit du grief 9.

Les opérations de 7 clients auraient dû être déclarées à TRACFIN, sur le fondement, successivement, du III (dossiers 9.1à 9.3), du II (9.4 et) et du I (dossiers 9.6 et 9.7) de l’article L. 561-15 du Code monétaire financier.

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief 9 est établi (§38).

Le développement de la commission des sanctions se fait en deux temps.

Tout d’abord, il est rappelé que l’obligation de déclarer à TRACFIN les sommes inscrites dans leurs livres dont les organismes assujettis savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction punie d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme, ou d’une fraude fiscale en présence d’un critère définie par décret ou, le cas échéant à l’issue d’un examen renforcé, a été introduite par l’ordonnance du 30 janvier 2009 (ordonnance n° 2009-104 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme N° Lexbase : L6934ICS).

En matière de soupçon de blanchiment de fraude fiscale, la liste des critères applicables n’a pas été modifiée depuis le 2 septembre 2009.

Ces dispositions, dont le non-respect a été sanctionné à de nombreuses reprises par la commission, sont claires. Au demeurant, elles ont donné lieu à la publication, par l’ACPR et TRACFIN, de lignes directrices conjointes publiées avant la mission de contrôle.

A noter : le droit applicable aux déclarations de soupçons est clair et « stablilisé » de longue date. Il demeure désormais bien délicat d’en contester l’accessibilité.

Ensuite, OPS, qui ne conteste pas le reproche, a, dans ces 7 dossiers, après le début du contrôle sur place, adressé une déclaration de soupçon à Tracfin.

A noter : sans surprise, une déclaration tardive n’a aucune incidence sur le grief.

Les opérations de ces clients ont pour une large part consisté soit en des virements de montants élevés en provenance de donneurs d’ordre différents (dossiers 9.1 et 9.3), soit en des dépôts d’espèces (dossiers 9.4 à 9.7).

Or, ces opérations semblaient incohérentes avec la situation professionnelle connue des intéressés, « sans emploi » ou « sans emploi/retraité » (dossiers 9.1, 9.3, 9.6 et 9.7), « pasteur évangéliste » (dossier 9.2), « fonctionnaire » (dossier 9.4) ou « comptable » (dossier 9.5), dont OPS ignorait les revenus et le patrimoine.

La commission rappelle alors que chaque défaut de déclaration de soupçon constitue un manquement.

A noter : un manquement en matière de déclaration peut résulter d’un seul défaut. Une multiplicité de cas n’est pas nécessaire.

Au demeurant, il est souligné que les 7 défauts de déclaration reprochés représentent 6,5 % des 108 dossiers identifiés par OPS elle-même comme étant atypiques et examinés par la mission de contrôle (§38).

Sur le dispositif de filtrage en matière de gel des avoirs

1) Règle applicable

Selon l’article L. 562-4 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3484LBN) « Toute personne mentionnée à l’article L. 561-2, qui détient ou reçoit des fonds ou des ressources économiques pour le compte d’un client, est tenue d’appliquer sans délai les mesures de gel et les interdictions de mise à disposition ou d’utilisation prévues au présent chapitre et d’en informer immédiatement le ministre chargé de l’Economie ».

L’article 47 de l’arrêté du 3 novembre 2014 impose également aux entreprises assujetties de se doter de dispositifs adaptés à leurs activités leur permettant de « détecter toute opération au bénéfice d’une personne ou d’une entité faisant l’objet d’une mesure de gel des fonds, instruments ou de ressources économiques ».

2) Manquement observé

Il s’agit du grief 10.

Après l’entrée en relation d’affaires, OPS n’effectue un filtrage de sa base clientèle au regard des listes de personnes faisant l’objet d’une mesure de gel des avoirs que selon une fréquence mensuelle, ce qui n’est pas de nature à permettre une mise en œuvre immédiate des mesures de gel des avoirs.

3) Décision et justifications de la commission des sanctions

Le grief 10 est établi (§41).

Les dispositions de l’article L. 562-4 du Code monétaire et financier, qui prévoient une application sans délai des mesures restrictives, sont claires.

A noter : cette clarté de l’article L. 562-4 pour la commission des sanctions est à souligner.

De plus, l’obligation de l’article 47 de l’arrêté du 3 novembre 2014 n’est pas contradictoire avec les dispositions du décret n° 2018-264 du 9 avril 2018, relatif au dispositif de gel des avoirs (N° Lexbase : L9839LIA).

Les dispositions applicables impliquent la mise en place d’un dispositif de filtrage permettant d’empêcher l’exécution de toute opération au bénéfice d’une personne visée par une mesure de gel.

Le filtrage effectué par OPS, selon une périodicité mensuelle, de sa base clientèle, en utilisant les données de Y et de Z, ne permet pas de respecter cette obligation.

Les exigences en matière de gel des avoirs s’appliquent à tous les clients, sans considération de revenu ou de patrimoine, et constituent une obligation de résultat, de sorte qu’OPS ne peut utilement soutenir que le profil de sa clientèle ne correspond pas à celui des personnes pour lesquelles ces règles ont été formulées (§41).

A noter : l’encadrement relatif au gel des avoirs concerne tous les clients. Son respect constitue, en outre, une obligation de résultat.

II - Dispositif final

Il résulte de ce qui précède que tous les griefs sont établis.

Certains sont qualifiés de manquements sérieux aux obligations en matière de LCB-FT. Tel est la cas des carences relevées en matière de classification des risques (grief 1), de connaissance du client, notamment lors de l’entrée en relation d’affaires (grief 2), de mise en place de seuils sur la base desquels les opérations des clients sont suivies et analysées (grief 3), d’organisation (grief 5) et de mise en œuvre (grief 6) du dispositif de contrôle interne ; les conséquences de ces carences ont été constatées dans plusieurs dossiers individuels de défaut d’examen renforcé (grief 4) et de soupçon (grief 9) ; enfin, le dispositif de gel des avoirs d’OPS ne lui permettait pas, au moment du contrôle sur place, de respecter toutes ses obligations dans ce domaine (grief 10) (§42).

Il convient cependant de tenir compte, dans une certaine mesure, de la relativisation de certains reproches.

Ainsi, les constats en matière de connaissance du client, dont le périmètre a été réduit, ont de plus été établis à partir d’un échantillon dont les caractéristiques ne peuvent être étendues à la totalité de la clientèle (grief 2) ; les cas d’absence de réaction appropriée face à des opérations qui dépassaient les seuils définis par les procédures internes d’OPS paraissent peu nombreux au regard du volume d’activité de cet établissement, et les dépassements observés parfois de faible montant (grief 6) ;, de même, s’agissant de ses activités externalisées, OPS a produit des éléments quant aux relances effectuées auprès d’un de ses prestataires, tandis qu’il n’est pas contesté que ses relations avec ses prestataires aient été conformes aux stipulations des projets de convention (grief 7) ; le nombre de défauts de COSI constaté est relativement faible (grief 8) (§43).

Les manquements retenus par la Commission justifient alors pour la commission des sanctions, compte tenu de leur nature et de leur durée, le prononcé d’un blâme.

La circonstance qu’OPS a cessé son activité et sollicité le retrait de son agrément n’est pas de nature à faire obstacle au prononcé d’une sanction pécuniaire.

A noter : la cession d’activité du mis en cause n’a pas d’incidence sur le prononcé de la sanction pécuniaire.

Dès lors, en tenant compte des éléments d’appréciation mentionnés précédemment (c’est-à-dire les §42 et 43), il y a lieu, dans le respect du principe de proportionnalité au regard de l’assise financière d’OPS, de prononcer une sanction pécuniaire de 70 000 euros (§44).

OPS soutient que la publication de la décision ici prononcée lui causerait un préjudice disproportionné : en conséquence, elle demande que celle-ci ne soit pas publiée ou le soit sous une forme non nominative.

Toutefois, au regard de la nature des griefs retenus par la commission des sanctions, dont des insuffisances quant au respect par OPS de ses obligations de déclaration à TRACFIN, la publication de la décision sous forme nominative n’est pas susceptible de lui causer un préjudice disproportionné.

Il y a donc lieu de publier cette dernière sous cette forme au registre de l’ACPR pendant une durée de 5 ans. Elle y sera ensuite maintenue sous une forme ne mentionnant plus le nom de l’organisme sanctionné.

newsid:472546

Bancaire

[Brèves] La qualification juridique des contrats de prêt de Bitcoin est celle de prêt de consommation

Réf. : T. com. Nanterre, 26 février 2020, n° 2018F00466 (N° Lexbase : A04243H8)

Lecture: 5 min

N2498BY8

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par Jérôme Lasserre Capdeville

Le 11 Mars 2020

► Le Bitcoin étant fongible et consomptible, la qualification juridique des trois contrats de prêts de bitcoins signés entre les parties est celle de prêt de consommation. L’ensemble des conséquences liées à cette nature de prêt s’applique alors au prêt de Bitcoin, et notamment l’article 1902 du Code civil (N° Lexbase : L2126ABD) imposant à l’emprunteur de rendre les choses prêtées, en même quantité, et au terme convenu.

Tel est l’enseignement d’un jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 26 février 2020 (T. com. Nanterre, 26 février 2020, n° 2018F00466 N° Lexbase : A04243H8).

Il n’est pas fréquent que le juge judiciaire ait l’occasion de se prononcer en matière de Bitcoin (CA Paris, 26 septembre 2013, n° 12/00161 N° Lexbase : A7474KLE, JCP éd. E, 2014, 1091, note Th. Bonneau ; LEDB, avril 2014, p. 5, nos obs.). Le jugement du tribunal de commerce de Nanterre attire, par conséquent, l’attention.

L’affaire. L’affaire concernait la société B., spécialisée dans le conseil en matière financière et plus particulièrement dans le domaine des crypto-monnaies, et la société P. qui exerçait une activité de plateforme d’échanges de Bitcoins. La société B. avait ouvert sur la plateforme en question un compte, dont le fonctionnement était régi par les conditions générales d’utilisation (CGU) de P.. Surtout, la société P. avait consenti trois contrats de prêt en Bitcoin à la société B. pour un montant total de 1 000 Bitcoins (avec intérêt au taux de 5 %). Le 13 juin 2016, la société P. avait également accordé à la société B. un prêt sans intérêt de 200 000 euros afin de financer des prestations de tenue de marché en Bitcoin sur la plateforme.
Or, à partir de 2017, un contentieux apparaît entre ces deux protagonistes. Le 13 décembre 2017, la société P. décide de clôturer le compte de B.. Le 27 févier 2018, la société B. assigne la société P. devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Le jugement. Le jugement, rendu le 26 février 2020, est long de 23 pages. Il tranche plusieurs difficultés concernant : la résiliation du compte de B. par P., la demande de restitution sous astreinte des 53 Bitcoins figurant au compte de B., la demande d’indemnisation du préjudice allégué par B., la demande reconventionnelle de P. relative aux intérêts au titre des contrats de prêts en Bitcoin, la demande reconventionnelle de P. relative à la restitution de 1 000 Bitcoins, la demande reconventionnelle de P. relative au versement de la somme de 100 000 euros au titre du prêt du 13 juin 2016, la demande reconventionnelle de P. relative au paiement d’une facture relative au projet « blockberry » et enfin sur la demande reconventionnelle de P. de dommages et intérêts pour atteinte à son image et perte de chance de réaliser un gain d’obtenir des financements.

Un passage du jugement attire, plus particulièrement, l’attention (p. 18-19). Il concerne la demande reconventionnelle de P. relative à la restitution de 1 000 Bitcoins.
Le jugement commence par observer que le Bitcoin est « consommé » lors de son utilisation, que ce soit pour payer des biens ou des services, pour l’échanger contre des devises ou pour le prêter, « tout comme la monnaie légale, quand bien même il n’en est pas une ». Le Bitcoin est donc consomptible par son usage.
Ensuite, il est noté que les Bitcoins sont fongibles, dans la mesure où ils sont tous issus du même protocole informatique et font l’objet d’un rapport d’équivalence avec les autres Bitcoins permettant d’effectuer un paiement au sens de l’ancien article 1291 du Code civil (N° Lexbase : L1401ABI), devenu l’article 1347-1 du même Code (N° Lexbase : L0720KZP).

Le jugement en conclu alors que, le Bitcoin étant ainsi fongible et consomptible, « la qualification juridique des 3 contrats de prêts de BTC signés entre les parties […] est donc bien celle du prêt de consommation » et, partant, l’ensemble des conséquences liées à cette nature s’applique au prêt de Bitcoin.
Parmi ces incidences, il y a d’abord l’article 1893 du Code civil (N° Lexbase : L2111ABS) prévoyant un transfert de propriété au profit de l’emprunteur et, corrélativement, un transfert des risques liés à la possession de la chose. En l’espèce, la société B. était donc devenue propriétaire des Bitcoins prêtés, et pouvait en percevoir les « fruits ».
De même, l’article 1902, qui prévoit que « l’emprunteur est tenu de rendre les choses prêtées, en même quantité et qualité, et au terme convenu », est applicable dans notre hypothèse. Or, il était démontré que la société B. avait transféré à P., les 24 et 25 octobre 2017, 1 000 Bitcoins en remboursement intégral des trois prêts concernés. Dit autrement, la société B. s’était bien acquittée, pour les juges, de son obligation de rendre les choses prêtées en même quantité et même qualité.

Finalement, la société B. n’était pas débitrice de la société P. de 1 000 Bitcoins. Le tribunal déboute alors la société P. de sa demande.

⇒ Commentaire à paraître par J. Lasserre-Capdeville, in Lexbase éd. Affaires n° 629 du 26 mars 2020.

newsid:472498

Contrat de travail

[Brèves] Validation de la requalification en contrat de travail du lien entre la société Uber et un ancien chauffeur

Réf. : Cass. soc., 4 mars 2020, n° 19-13.316, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A95123GE)

Lecture: 2 min

N2480BYI

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par Charlotte Moronval

Le 11 Mars 2020

► Est requalifiée en contrat de travail, la relation contractuelle entre la société Uber et un chauffeur ; en effet, lors de la connexion à la plateforme numérique Uber, il existe un lien de subordination entre le chauffeur et la société ; dès lors, le chauffeur ne réalise pas sa prestation en qualité de travailleur indépendant mais en qualité de salarié.

Telle est la solution rendue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 4 mars 2020 (Cass. soc., 4 mars 2020, n° 19-13.316, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A95123GE ; lire la note explicative et le communiqué de presse).

Dans les faits. Un chauffeur, après la clôture définitive de son compte par la société Uber, saisit la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail.

La position de la cour d’appel. La cour d’appel (CA Paris, Pôle 6, 2ème ch., 10 janvier 2019, n° 18/08357 N° Lexbase : A7295YSY, lire P. Adam, Le chauffeur Uber, un salarié comme les autres, Lexbase Social, 2019, n° 770 N° Lexbase : N7400BXD), par un arrêt infirmatif, juge que le contrat de partenariat signé par le chauffeur et la société Uber s’analyse en un contrat de travail. En effet, elle constate notamment :

  • que ce chauffeur a intégré un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par cette société, service qui n’existe que grâce à cette plateforme, à travers l’utilisation duquel il ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport ;
  • que le chauffeur se voit imposer un itinéraire particulier dont il n’a pas le libre choix et pour lequel des corrections tarifaires sont appliquées si le chauffeur ne suit pas cet itinéraire ;
  • que la destination finale de la course n’est parfois pas connue du chauffeur, lequel ne peut réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui lui convient ou non ;
  • que la société a la faculté de déconnecter temporairement le chauffeur de son application à partir de trois refus de courses et que le chauffeur peut perdre l’accès à son compte en cas de dépassement d’un taux d’annulation de commandes ou de signalements de « comportements problématiques ».

La solution. Enonçant la solution susvisée, la Cour de cassation rejette le pourvoi, la cour d’appel ayant déduit de l’ensemble des éléments précédemment exposés que le statut de travailleur indépendant du salarié était fictif et que la société Uber lui avait adressé des directives, en avait contrôlé l’exécution et avait exercé un pouvoir de sanction (sur Les cas dans lesquels le lien de subordination juridique a été retenu, cf. l’Ouvrage « Droit du travail » N° Lexbase : E5000YZ9).

newsid:472480

Marchés publics

[Brèves] Remboursement des avances versées au sous-traitant dans le cadre de la résiliation pour faute d’un marché

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 4 mars 2020, n° 423443, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A03793HI)

Lecture: 3 min

N2526BY9

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par Yann Le Foll

Le 11 Mars 2020

Lorsque le marché est résilié avant que l'avance puisse être remboursée par précompte sur les prestations dues, le maître d'ouvrage peut obtenir le remboursement de l'avance versée au titulaire du marché ou à son sous-traitant sous réserve des dépenses qu'ils ont exposées et qui correspondent à des prestations prévues au marché et effectivement réalisées ; 

► en cas de résiliation pour faute du marché, le remboursement de l'avance par le sous-traitant ne fait pas obstacle à ce que celui-ci engage une action contre le titulaire du marché et lui demande, le cas échéant, réparation du préjudice que cette résiliation lui a causé à raison des dépenses engagées en vue de l'exécution de prestations prévues initialement au marché.

Telle est la solution d’un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 4 mars 2020 (CE 2° et 7° ch.-r., 4 mars 2020, n° 423443, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A03793HI).

Faits. La société X a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler le titre de recettes n° 212477 émis par l'ordonnateur du centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau et rendu exécutoire le 4 décembre 2012, par lequel elle a été faite débitrice de la somme de 446 207,09 euros correspondant au montant de l'avance forfaitaire qui lui avait été versée pour l'exécution en sa qualité de sous-traitante agréée du lot 4-4 du marché de conception-réalisation du nouvel hôpital local. Par un jugement n° 1300102 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 16BX00626 du 21 juin 2018 (N° Lexbase : A0170XUT), la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société Savima contre ce jugement.

Arrêt attaqué. La cour administrative d'appel a, tout d'abord, estimé que le maître d'ouvrage ne pouvait en l'espèce obtenir le remboursement de l'avance qu'il avait versée à la société sous-traitante par précompte sur les sommes dues au sous-traitant, sur le fondement des dispositions des articles 88 et 115 du Code des marchés publics alors applicable et de l'article 6.3 du cahier des clauses administratives particulières, dès lors que cette société n'avait pas exécuté, ne serait-ce que partiellement, les prestations qui lui avaient été confiées.

Elle a ensuite estimé que, dans les circonstances de l'espèce, les conditions de la répétition d'un indu n'étaient pas réunies mais que le centre hospitalier pouvait, pour émettre le titre de recettes en litige, se fonder sur la théorie de l'enrichissement sans cause. 

Solution.  La cour a donc commis une erreur de droit dès lors que le fondement du remboursement des avances par le sous-traitant, à raison d'une absence totale ou partielle de réalisation de ses prestations, repose sur les articles 88 et 115 du Code des marchés publics applicable au litige, alors même que le marché résilié n'aurait pas été exécuté (cf. l'Ouvrage « Marchés publics » N° Lexbase : E4518ZLW).

newsid:472526

Procédure administrative

[Brèves] Perte d’objet du REP dirigé contre le refus d'abroger un acte réglementaire ayant cessé d'être applicable avant que le juge statue sur cette contestation

Réf. : CE 1° et 4° ch.-r., 2 mars 2020, n° 422651, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A93083GT)

Lecture: 1 min

N2495BY3

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par Yann Le Foll

Le 11 Mars 2020

L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L7384LP8), pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique (voir CE, 19 juillet 2019, n° 424216 N° Lexbase : A7275ZKN) ;

► il s'ensuit que, lorsque l'acte réglementaire dont l'abrogation est demandée cesse de recevoir application avant que le juge, saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre le refus de l'abroger, ait statué, ce recours perd son objet.

Ainsi statue le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 2 mars 2020 (CE 1° et 4° ch.-r., 2 mars 2020, n° 422651, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A93083GT).

Solution. Aux termes de l'article 3 de la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018, pour un nouveau pacte ferroviaire (N° Lexbase : L8179LK7) : " La SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités peuvent procéder jusqu'au 31 décembre 2019 à des recrutements de personnels soumis au statut mentionné à l'article L. 2101-2 du Code des transports ".

A compter du 1er janvier 2020, les sociétés SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités, devenue SNCF Voyageurs, ne peuvent donc plus procéder à des recrutements sur le fondement des dispositions dont l'abrogation est demandée. Dans ces conditions, les conclusions tendant à l'annulation des décisions de refus d'abroger les dispositions contestées sont devenues sans objet (cf. l'Ouvrage " Procédure administrative " N° Lexbase : E5174EXW).

newsid:472495

Responsabilité

[Brèves] Accident de la circulation : définition de la notion de « voies propres » permettant d’exclure l’application du régime spécial d’indemnisation à un accident causé par un tramway

Réf. : Cass. civ. 2, 5 mars 2020, n° 19-11.411, F-P+B+I (N° Lexbase : A04293HD)

Lecture: 4 min

N2492BYX

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par Manon Rouanne

Le 11 Mars 2020

► N’entre pas dans le champ d’application du régime spécial d’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation car faisant partie des accidents causés par des véhicules circulant sur des voies qui leur sont propres exclus du domaine de la loi du 5 juillet 1985 (N° Lexbase : L7887AG9), l’accident causé à un piéton par un tramway, pour lequel il est établi qu’il circulait sur des voies propres, dans la mesure où, d’une part, il circulait sur les voies matériellement séparées de la voie normale de circulation et qu’au lieu de l’accident, les voies n'étaient pas ouvertes à la circulation et, d’autre part, le point de choc ne se situait pas sur le passage piétons mais sur la partie de voie propre du tramway après ce passage piétons.

Telles sont les précisions apportées par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 5 mars 2020 (Cass. civ. 2, 5 mars 2020, n° 19-11.411, F-P+B+I N° Lexbase : A04293HD), quant à la notion de « voies propres » permettant d’exclure, les accidents causés par un tramway, du domaine du régime spécial d’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation institué par la loi du 5 juillet 1985.

En l’espèce, un piéton, heurté par un tramway, a engagé une action afin d’obtenir l’indemnisation du préjudice en résultant sur le fondement du régime spécial d’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation.

La cour d’appel n’a pas fait droit à sa demande en excluant l’application de ce régime spécial en retenant que, dans la mesure où l’accident avait eu lieu sur une portion de voie réservée à la circulation du tramway, celui-ci était, en vertu de l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985, exclu de champ d’application de ce régime.

Contestant la position adoptée par les juges du fond, la victime a, alors, formé un pourvoi en cassation alléguant, comme moyen, l’ajout, par ces derniers, à la loi, d’une condition qu’elle ne comporte pas pour exclure de son champ les tramways consistant dans la nécessité que la voie de circulation du tramway soit propre au lieu de l’accident. En outre, pour exclure, en l’occurrence, la notion de « voies propres » déterminante de l’application du régime spécial aux accidents causés par un tramway, le demandeur au pourvoi a soutenu qu’un tramway n’est censé circuler sur une voie qui lui est propre que si l’assiette de son parcours a été rendue inaccessible aux piétons et aux autres véhicules ce qui n’était pas le cas en l’espèce car les rails sur lesquels circulait le tramway étaient traversés par un passage piétons et par un carrefour permettant la circulation des autres véhicules.

La notion de « voies propres », conditionnant l’exclusion des accidents de la circulation causés par un tramway du régime spécial applicable aux accidents de la circulation, n’étant pas définie par le législateur, la Cour de cassation profite de cet arrêt pour apporter des précisions quant à ce qu’il convient d’entendre par cette notion floue. Dans cette perspective, la Haute juridiction a déjà eu l’occasion, d’une part, d’assimiler une voie propre à une voie matériellement séparée de la voie normale de circulation, notamment par des aménagements spécifiques, de sorte qu’elle ne se conçoit que par l’idée d’inaccessibilité à tout autre mode de locomotion (Cass. civ. 2, 18 octobre 1995, n° 93-19.146 N° Lexbase : A6113ABZ ; Cass. civ. 2, 29 mai 1996, n° 94-19.823 N° Lexbase : A0070ACL ; Cass. civ. 2, 6 mai 1987, n° 85-13.912 N° Lexbase : A7490AAN) et, d’autre part, d’affirmer qu’un tramway qui traverse un carrefour ouvert aux autres usagers de la route ne circule pas sur une voie qui lui est propre, de sorte que les dommages causés par les tramways aux usagers traversant des carrefours ou des passages piétons sont soumis à la loi de 1985 (Cass. civ. 2, 16 juin 2011, n° 10-19.491, FS-P+B N° Lexbase : A7415HTS).

Par cet arrêt, le juge du droit a eu à trancher la question de l’application de cette loi à un accident causé par un tramway à un piéton mais survenu en dehors du passage piétons. Confortant la position adoptée par la cour d’appel et rejetant, donc, le pourvoi, la Cour de cassation, en retenant que la voie sur laquelle circulait le tramway était, par des aménagements spécifiques, séparée matériellement de la voie de circulation, qu’au lieu de l’accident les voies n'étaient pas ouvertes à la circulation et que le point de choc ne se situait pas sur le passage piétons mais sur la partie de voie propre du tramway après ce passage piétons, considère que l’accident avait eu lieu sur une portion de voie réservée exclusivement à la circulation et, donc, sur une voie propre, de sorte que l’application du régime spécial d’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation doit être exclue.

newsid:472492

Santé et sécurité au travail

[Questions à...] Coronavirus : activité partielle, droit de retrait, confinement... - Questions à Maître Lionel Vuidard, avocat associé Linklaters

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Le 12 Mars 2020


Droit de retrait, mesures de prévention, télétravail... Afin de s'adapter à l'épidémie de coronavirus, les employeurs et les salariés peuvent s'aider du questions-reponses publié par le ministère du Travail sur son site (lire Coronavirus en entreprise : quelles obligations pour les employeurs et les salariés ?, Lexbase Social, 2020, n° 815 N° Lexbase : N2421BYC). Plus d'explications avec Maître Lionel Vuidard, avocat associé Linklaters, spécialisé en droit du travail.


 

Lexbase Social : Quelles sont les mesures de prévention et de protection à mettre en place, dans le cadre de l’obligation de sécurité de l’employeur, face au coronavirus ?

L. Vuidard : L’obligation de sécurité de l’employeur (C. trav., art. L. 4121-1 N° Lexbase : L8043LGY) face au coronavirus comporte plusieurs aspects.

L’employeur a tout d’abord une obligation d’information des salariés sur la situation (qui comprend notamment la diffusion de consignes de sécurité). Il existe également une obligation de formation renforcée pour les salariés affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé (C. trav., art. L. 4142-2 N° Lexbase : L1494H99).

L'employeur doit aussi mettre à la disposition des salariés les équipements de travail nécessaires, appropriés au travail à réaliser ou convenablement adaptés à cet effet, en vue de préserver leur santé (C. trav., art. R. 4321-1 N° Lexbase : L2295IAA). Ces équipements sont fournis gratuitement (C. trav., art. R. 4323-95 N° Lexbase : L1979IAK). Par exemple, le port de masque est recommandé pour les salariés en contact étroit et régulier avec le public. Une circulaire de 2009, relative à la pandémie grippale précise cependant que l’employeur n’a pas à stocker ni à délivrer des traitements médicaux ou vaccins aux salariés (Circ. DGT 2009/16 du 3 juillet 2009 N° Lexbase : L4592IES).

Si un salarié présente des symptômes inquiétants, l’employeur doit consulter le site du Gouvernement pour suivre les mesures préconisées. Si le risque est identifié et qu’un doute sérieux s’installe, il convient pour l’employeur d’alerte le Samu en appelant le 15. Lorsque la contamination d’un salarié est confirmée, l’employeur doit par ailleurs procéder au nettoyage des locaux. A noter qu’une contamination survenue à l’occasion du travail (sur le lieu de travail ou durant une mission) pourrait potentiellement être reconnu comme accident du travail.

Conformément aux recommandations du ministère des Affaires Etrangères, il est conseillé à l’employeur de faire reporter tout déplacement à l’étranger non indispensable, pour limiter la propagation du virus. Si des salariés sont de retour d’une zone à risque (Chine, Corée du Sud, Italie, Iran, Singapour), ils sont tenus d’en informer l’employeur et de prendre des mesures de surveillance de leur état physique. En effet, il incombe à chaque salarié de prendre soin de sa santé et de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail (C. trav., art. L. 4122-1). L’employeur doit s’assurer que les salariés de retour de zone à risque respectent les consignes sanitaires. Selon le ministère du Travail, il n’y a plus de quatorzaine pour les personnes revenant d’une zone à risque mais des mesures de « réduction de la vie sociale ». La quatorzaine est toutefois maintenue pour les cas de contacts à haut risque.

L’employeur peut, par ailleurs, dans le cadre de son obligation de prévention, modifier l’organisation du travail (télétravail, aménagement d’horaires, restriction de l’accès aux locaux, interdiction des réunions de plus de 15 personnes, etc.). Il convient de consulter le CSE en cas de modifications importantes de l’organisation du travail (cette consultation peut, le cas échéant, avoir lieu par visioconférence).

Le document unique d’évaluation des risques doit être mis à jour pour tenir compte de la situation dans l’entreprise (C. trav., art. R. 4121-1 N° Lexbase : L9062IPC et R. 4121-2 N° Lexbase : L9061IPB). La liste des postes présentant des risques particuliers et impliquant à ce titre, un suivi individuel médical renforcé (C. trav., art. R. 4624-22 N° Lexbase : L2279LCE) pourra être complétée (C. trav., art. R. 4624-23 N° Lexbase : L0858LIM). La situation des entreprises extérieures intervenant au sein de l’établissement doit également être prise en compte (C. trav., art. L. 4511-5 N° Lexbase : L0201IAP et suivants).

Enfin, l’entreprise pourra utilement mette en place ou adapter un plan de continuité d’activité (PCA) listant les mesures de prévention prises tout en assurant le maintien des activités essentielles de l’entreprise.

Lexbase Social : L'employeur peut-il imposer le télétravail, comme mesure de confinement, à ses salariés ? Que se passe-t-il si le travail du salarié n’est pas compatible avec le télétravail ?

L. Vuidard : En principe, la mise en place du télétravail dans l’entreprise nécessite l’accord du salarié (C. trav., art. L.1222-9 N° Lexbase : L0292LMR).

Cependant, en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de risque épidémique, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés (C. trav., art. L. 1222-11 N° Lexbase : L8103LG9). Ainsi, dans ce cas, l’accord du salarié ne sera pas nécessaire.

Si le poste est incompatible avec le télétravail, il convient de suivre toutes les « mesures barrières » pour empêcher toute contamination. Il faut notamment éviter toute réunion non indispensable, tout contact avec les personnes identifiées comme fragiles (femmes enceintes, personnes âgées, malades chroniques) et les contacts proches sur le lieu de travail.

L’employeur peut, par ailleurs, déplacer des congés déjà posés par le salarié sur une autre période à venir, compte tenu des circonstances exceptionnelles (C. trav., art. L. 3141-16 N° Lexbase : L8584LGZ). En revanche, si le salarié n’a pas déjà posé de congés, l’employeur ne peut les imposer.

L’employeur peut aussi mobiliser les jours de RTT qui sont à sa libre disposition. Il devra, le cas échéant, respecter le délai de prévenance prévu par l’accord collectif de réduction du temps de travail.

Si rien de tout cela n’est possible, l’employeur peut demander au salarié de rester à domicile. Le salarié doit se rapprocher d’un médecin de l’Agence régionale de santé pour demander un arrêt de travail spécifique.

Lexbase Social : Quelles sont les incidences en matière de rémunération du salarié en cas de confinement ou de mise en télétravail ?

L. Vuidard : En cas de télétravail, le salarié est rémunéré normalement.

En cas de confinement :

  • si l’arrêt de travail spécifique n’est pas délivré par le médecin de l’Agence Régionale de Santé et que l’employeur demande au salarié de rester chez lui, il doit maintenir sa rémunération et son absence est assimilée à une période normalement travaillée ;
  • si l’arrêt est délivré, le contrat de travail du salarié est suspendu. Le salarié perçoit ses indemnités dès le premier jour, dans une limite de 20 jours, conformément au décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020, portant adoption de conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus (N° Lexbase : L7381LUW). L’employeur devra, le cas échéant, compléter ces indemnités de façon à maintenir au salarié 90 % de sa rémunération (après déduction des IJSS), dès le premier jour de l’arrêt de travail.

Lexbase Social : Qu’est-ce que le droit de retrait et dans quelles conditions le salarié peut-il l’exercer ?

L. Vuidard : Le Code du travail prévoit à l’article L. 4131-1 (N° Lexbase : L1463H93), la possibilité pour le salarié de se retirer d’une situation de travail lorsqu’il existe des motifs raisonnables de penser qu’elle présente pour sa vie ou sa santé un danger grave et imminent. L’article L. 4132-1 (N° Lexbase : L1472H9E) du même code dispose que le droit de retrait est exercé de telle manière qu'elle ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent.

L’appréciation de ce danger se fait au cas par cas. Peut être considéré comme « grave » tout danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée et comme « imminent », tout danger susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché.

L’appréciation du danger est faite par le seul salarié. En cas de contestation, le juge devra apprécier si le salarié a pu raisonnablement penser qu'il se trouvait en danger face au coronavirus. Il est probable que l’attitude de l’employeur sera prise en compte par le juge, de même que la situation particulière de chaque salarié. Si les recommandations gouvernementales sont suivies par l’employeur, il pourrait être considéré que le salarié ne court pas de danger grave et imminent et qu’il ne serait pas fondé à mettre en œuvre le droit de retrait. En revanche, si l’employeur ne respecte pas les recommandations des autorités, le salarié serait sans doute plus légitime à exercer son droit de retrait. De même, le salarié en contact régulier avec le public sera plus légitime à mettre en œuvre le droit de retrait que celui qui travaille sans contact avec le public.

Selon le ministère du Travail, dès lors que sont mises en œuvre, tant par l’employeur que par les salariés, les recommandations du Gouvernement, la seule circonstance qu’un collègue de travail revienne d’un zone à risque, ou qu’un salarié soit affecté à l’accueil du public dans le cadre de contacts brefs, proches ou prolongés, ou encore qu’un salarié ait été contaminé, ne suffit pas, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, à considérer qu’un salarié puisse justifier d’un motif raisonnable pour exercer son droit de retrait.

Si l’exercice du droit de retrait est abusif, une retenue sur salaire pour inexécution du contrat de travail peut être effectuée. L’exercice non fondé du droit de retrait peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Lexbase Social : Quels sont dispositifs à la disposition de l’employeur pour faire face à la baisse de l’activité de l’entreprise ?

L. Vuidard : L’employeur peut recourir à l’activité partielle lorsque l'entreprise est contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité en cas de circonstance de caractère exceptionnel (C. trav., art. R. 5122-1 N° Lexbase : L2435IXH).

Ce dispositif permet aux salariés dont l’activité est réduite en dessous de la durée légale, ou dont l’établissement est fermé, de bénéficier d’une allocation d’activité partielle pour compenser la perte de rémunération.

L’épidémie du coronavirus peut constituer une circonstance exceptionnelle si elle oblige l’entreprise à adapter son activité à la baisse. D’après une déclaration de Muriel Pénicaud en date du 12 mars 2020, déjà 3 600 entreprises ont demandé à passer en activité partielle, ce qui concerne près de 60 000 salariés.

Toutes les demandes d’activité partielle doivent être déposées auprès de l’administration via ce site. Alors que les demandes étaient traitées dans un délai de 15 jours auparavant, le délai est désormais réduit à 48 heures.

Par ailleurs, la ministre a annoncé que l’allocation versée sera portée au niveau du SMIC pour les TPE-PME (entre 0 et 250 salariés), soit 8,03 € net de l’heure contre 7,74 euros auparavant.

En cas de sous-activité prolongée ou d’arrêt d’activité les entreprises peuvent aussi demander à bénéficier du FNE-formation (Fonds national de l’emploi, formation). Ce dispositif est mis en place par convention entre la Direccte et l’entreprise ou l’OPCO (Opérateurs de Compétences). Elle permet aux salariés d’accéder à des formations qualifiantes (ou à la validation des acquis de l’expérience) pour faire face à des mutations économiques et technologiques.

Enfin, l’Urssaf, dans un communiqué de l’Acoss du 28 février 2020, a annoncé la mise en place de délais ou de remise de pénalités pour les entreprises dont l’activité serait touchée par l’épidémie de coronavirus.

A noter l’existence d’un document questions/réponses pour les entreprises et les salariés établi par le Gouvernement et mis à jour le 9 mars 2020.

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Sécurité sociale

[Brèves] Coronavirus et arrêt de travail : quelle indemnisation pour le salarié ?

Réf. : Décrets n° 2020-73 du 31 janvier 2020 (N° Lexbase : L7381LUW) et n° 2020-193 du 4 mars 2020 (N° Lexbase : L3138LW7)

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N2489BYT

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par Laïla Bedja

Le 11 Mars 2020

En raison des règles de santé publique prises par le Gouvernement dans le cadre de l’épidémie mondiale de Covid-19, communément appelée, coronavirus, des salariés peuvent être en arrêt maladie.

Le Gouvernement a prévu un dispositif dérogatoire pour l’indemnisation de ces derniers.

1 – le versement d’indemnités journalières pendant une durée maximale de 20 jours sans application d’un délai de carence (décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 N° Lexbase : L7381LUW)

Pour le versement de cette indemnité, les conditions d’ouverture de droit normales ne sont pas requises, à savoir, avoir travaillé au moins 150 heures au cours des 3 mois civils ou des 90 jours précédant l’arrêt, OU avoir cotisé, au cours des 6 mois civils précédant l’arrêt, sur la base d’une rémunération au moins égale à 1 015 fois le montant du SMIC horaire au début de cette période.

Tout salarié peut donc bénéficier de cette disposition dérogatoire.

Toutefois, cette dérogation est applicable seulement aux personnes disposant d’un arrêt de travail délivré par le médecin de l’agence régional de santé.

Cette disposition est entrée en vigueur le 1er février 2020 pour une durée de deux mois.

2 - la suppression du délai de carence applicable à l’indemnité complémentaire à l’allocation pour les personnes exposées au coronavirus

Par cohérence avec la suppression du délai de carence du bénéfice des indemnités journalières versées par la Sécurité, le délai de carence légal (C. trav., art. D. 1226-3 N° Lexbase : L0403IBK) de sept jours est supprimé (des conventions collectives peuvent prévoir un délai de carence moins élevé).

Cette disposition permet ainsi le versement de l’indemnité complémentaire à l’indemnité journalière par l’employeur dès le premier jour d’arrêt de travail (décret n° 2020-193 du 4 mars 2020 N° Lexbase : L3138LW7, publié au Journal officiel du 5 mars 2020).

Cette nouvelle règle entre en vigueur le 5 mars 2020, dans la limite de la durée de deux mois à compter du 1er février, prévue pour les indemnités journalières.

♦ Procédure spéciale pour les parents d’enfants faisant l’objet d’une mesure de confinement

Une procédure spéciale mise en place pour les parents d’enfants dont l’établissement d’accueil (crèches, établissements scolaires) a été fermé par décision des autorités publiques. Ainsi, les parents qui n’auraient pas d’autre possibilité de garde de leurs enfants que celle d’être placé en arrêt de travail, bénéficient d’une prise en charge exceptionnelle d’indemnités journalières par l’Assurance maladie.

Les employeurs des salariés concernés doivent se rendre sur la plateforme de téléservice suivante : https://declare.ameli.fr/

Le versement d’indemnités journalières n’est possible que sous certaines conditions :

  • seuls les parents d'enfants de moins de 16 ans au jour du début de l'arrêt sont concernés par le dispositif ;
  • les enfants doivent être scolarisés dans un établissement fermé ou être domiciliés dans une des communes concernées. Les listes des communes sont régulièrement mises à jour sur les sites internet des rectorats. L’employeur doit s’y référer pour confirmer à l’Assurance maladie que l'établissement de l'enfant est bien situé sur l'une de ces communes ;
  • un seul parent (ou détenteur de l'autorité parentale) peut se voir délivrer un arrêt de travail. À cet égard, le salarié doit fournir à son employeur une attestation sur l'honneur certifiant qu'il est le seul à demander un arrêt de travail dans ce cadre ;
  • l’entreprise ne doit pas être en situation de mettre, sur cette période, l'employé concerné en télétravail : l'arrêt de travail doit être la seule solution possible.

L’arrêt de travail est délivré pour une durée de 14 jours calendaires à compter de la date de début de l’arrêt déclarée.

A noter : les déclarations faites par ce téléservice n'engendrent pas une indemnisation systématique. L'indemnisation se fait après vérification par l'Assurance maladie des éléments transmis et sous réserve de l'envoi, selon les procédures habituelles, des éléments de salaire à la caisse de Sécurité sociale.

Par un décret du 10 mars 2020, le Gouvernement est venu étendre les conditions dérogatoires d'octroi des prestations en espèces maladie délivrées par les régimes d'assurance maladie pour les personnes faisant l'objet d'une mesure d'isolement ou de maintien à domicile, aux parents d'enfants faisant l'objet d'une telle mesure.

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Soins psychiatriques sans consentement

[Brèves] Soins psychiatriques sans consentement et pouvoir du JLD : une irrégularité de procédure n’a pas à être relevée d’office

Réf. : Cass. civ. 1, 5 mars 2020, n° 19-23.287, F-P+B (N° Lexbase : A89913HH)

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N2560BYH

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par Laïla Bedja

Le 11 Mars 2020

► Si l’article L. 3216-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L0678LTB) donne compétence au juge des libertés et de la détention pour connaître des contestations relatives à la régularité des décisions administratives prises en matière de soins psychiatriques sans consentement, celui-ci n’est jamais tenu de relever d’office le moyen pris de l’irrégularité de la procédure au regard des dispositions de ce code.

Telle est la solution retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 5 mars 2020 (Cass. civ. 1, 5 mars 2020, n° 19-23.287, F-P+B N° Lexbase : A89913HH).

Les faits. A la demande de sa curatrice, une personne a été admise en soins psychiatrique sans consentement en urgence, le 3 juillet 2019, par décision du directeur d’établissement prise sur le fondement de l’article L. 3212-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L6979IQK). Le 8 juillet 2019, ce dernier a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure. La patiente conteste la prolongation de la mesure.

Moyen du pourvoi. La cour d’appel ayant rejeté sa demande, elle forme un pourvoi en cassation, reprochant à la cour d’appel de ne pas avoir vérifié que le directeur de l’établissement d’accueil avait bien transmis sans délai au représentant de l’Etat, ainsi qu’à la commission départementale des soins psychiatriques, les pièces nécessaires à l’admission, à savoir, une copie du certificat médical d’admission, du bulletin d’entrée et de chacun des certificats médicaux élaborés lors de la période d’observation du patient. Selon elle, cette transmission constitue une garantie essentielle de la personne faisant l’objet d’une admission suivant la procédure d’urgence prévue par l’article L. 3212-3 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L6978IQI).

Rejet de la Cour. L’argument est écarté par les Hauts magistrats qui énoncent la solution précitée. Ils ajoutent que le premier président ayant constaté que le certificat médical initial décrivait un envahissement délirant et hallucinatoire de la patiente accompagné de troubles du comportement et d’une méconnaissance de leur caractère pathologique qui exposaient la patiente à une dangerosité pour elle et pour les autres, il a pu en déduire qu’étaient caractérisés l’urgence, le risque grave d’atteinte à l’intégrité de la personne et la nécessité d’une surveillance médicale constante (cf. l’Ouvrage « Droit médical », Le contrôle des mesures d'admission en soins psychiatriques par le juge des libertés et de la détention N° Lexbase : E7544E9B).

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