La lettre juridique n°761 du 15 novembre 2018

La lettre juridique - Édition n°761

Bancaire

[Jurisprudence] Caractère abusif d’une clause d’exigibilité anticipée en cas de déclaration inexacte insérée dans un contrat de prêt immobilier

Réf. : Cass. civ. 1, 10 octobre 2018, n° 17-20.441, F-P+B (N° Lexbase : A3262YGW)

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N6314BX7

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par Karine Rodriguez, MCF - HDR, Université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA), Responsable du M2 Droit de la consommation

Le 14 Novembre 2018

Contrat de prêt immobilier / Clause d'exigibilité anticipée en cas de déclaration inexacte / Clause abusive (oui) / Office du juge

Alors que la lutte contre les clauses abusives s’étend désormais bien au-delà des contrats conclus entre un consommateur (ou un non-professionnel) et un professionnel [1], les clauses abusives restent paradoxalement extrêmement fréquentes dans les contrats bancaires [2], et notamment dans le domaine des prêts immobiliers [3].  Sans doute l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 10 octobre 2018 permettra-t-il d’en identifier une nouvelle au sein des contrats de prêts immobiliers.

 

En l’espèce, une banque avait consenti un prêt immobilier garanti par un cautionnement pour financer la construction d’une maison d’habitation. Or, les conditions générales applicables au contrat de prêt prévoyaient qu’en cas de déclaration inexacte de la part de l’emprunteur, la banque pouvait faire valoir si bon lui semblait l’exigibilité de toutes les sommes dues (principal et intérêts) quinze jours après notification faite à l’emprunteur par LRAR, la clause précisant qu’aucune mise en demeure, ni aucune formalité judiciaire n’était préalablement requise. Pour obtenir le déblocage de fonds de manière anticipée, l’emprunteuse avait remis des factures insincères de l’entrepreneur de travaux. Considérant qu’il s’agissait de déclarations inexactes, la banque s’est prévalue de ladite clause afin d’obtenir auprès de la caution le remboursement anticipé de toutes les sommes dues [4]. La caution subrogée dans les droits de la banque, demanda donc le remboursement des sommes payées à l’emprunteur. La cour d’appel de Papeete, confirmant la décision de première instance, avait, dans son arrêt du 2 mars 2017, condamné l’emprunteuse à rembourser la caution. Se pourvoyant en cassation, l’emprunteuse invoque le caractère abusif de ladite clause afin qu’elle soit considérée comme non écrite.

 

Pour casser l’arrêt de la cour d’appel, la Cour de cassation se prononce en deux temps. Dans un premier temps, elle affirme que «le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif des clauses contractuelles invoquées par une partie dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet». Dans un second temps, elle dispose, au visa de l’article L. 212-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L3278K9B), que la cour d’appel aurait dû évaluer le caractère abusif de la clause qui autorise la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues en cas de déclaration inexacte de la part de l'emprunteur, en ce qu'elle est de nature à laisser croire que l'établissement de crédit dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l'importance de l'inexactitude de cette déclaration et que l'emprunteur ne peut recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance du terme. Si elle n’est pas surprenante, cette solution suscite néanmoins un éclaircissement et une double réflexion.

 

Au titre de l’éclaircissement, figure une question d’ordre procédural qui n’était pas discutée en l’espèce. En effet, il convient de préciser qu’il est admis que le débiteur principal puisse opposer à la caution qui exerce son recours en remboursement, des exceptions qu’elle aurait opposées au créancier, dès lors que la caution agit en qualité de subrogée dans les droits du créancier. Dans ces conditions, la caution peut se voir opposer les exceptions opposables au subrogeant par le débiteur principal, dès lors qu’elles sont inhérentes à la dette ou qu’elles sont nées avant que la subrogation lui soit opposable [5].

 

Quant aux réflexions, la première porte sur l’office du juge dans la lutte contre les clauses abusives (I), la seconde concerne l’appréciation du caractère abusif de la clause par le juge (II).

 

I - Clause abusive et office du juge

 

La première réflexion que suscite cet arrêt concerne l’office du juge en matière de lutte contre les clauses abusives dans les contrats conclus entre un consommateur (ou non professionnel) et un professionnel.

 

Conformément à l’article L. 212-1 du Code de la consommation, «dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat». Si une clause abusive est considérée comme non écrite, encore convient-il de prouver le caractère abusif de la clause. Pour faciliter la preuve du caractère abusif des clauses, un décret n° 2009-302 du 18 mars 2009 (N° Lexbase : L0482ID9) a dressé une liste de clauses «noires», irréfragablement présumées abusives et une liste de clauses grises réputées abusives de manière simple, le professionnel pouvant dans ce second cas démontrer leur caractère non abusif (v. C. consom., art. R. 212-1 N° Lexbase : L0546K94) [6]. Il reste néanmoins possible pour le juge de qualifier d’abusive une clause ne figurant pas dans ces listes, dès lors qu’il est démontré qu’elle a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Mais le juge peut-il se saisir d’office pour ce faire ? Ce moyen doit-il être soulevé par une partie ?

 

Sur ce point, la décision de la Cour de cassation mérite d’être approuvée en ce qu’elle affirme que le juge est «tenu d’examiner d’office le caractère abusif des clauses […] dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet». Il est désormais clairement acquis que le juge doit relever d’office le caractère abusif de clauses. En effet, non seulement il peut examiner d’office le caractère abusif d’une clause [7] mais surtout, la Cour de justice de l’Union européenne affirme qu’il doit le faire dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires [8]. Elle ajoute, en outre, que le juge national «doit prendre d'office des mesures d'instruction afin d'établir si [la clause] entre dans le champ d'application de la Directive [Directive 93/13 du 5 avril 1993 N° Lexbase : L7468AU7» [9]. C’est pourquoi, depuis la loi «Hamon» du 17 mars 2014 (loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 N° Lexbase : L7504IZX), l’article R. 632-1, alinéa 2, du Code de la consommation (N° Lexbase : L0942K9R) dispose que le juge «écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat». Autrement dit, la cour d’appel aurait dû rechercher si la clause d’exigibilité anticipée en cas de déclaration inexacte était abusive, conformément au relevé d’office qui lui est conféré.


 

II - Clause abusive et appréciation par le juge 

 

Le caractère abusif des clauses requiert l’identification par le juge d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

 

En l’espèce, une clause des conditions générales prévoyait que «toutes les sommes dues en principal, intérêts et accessoires par l’emprunteur seraient exigibles, si bon semble au prêteur, quinze jours après notification faite à l’emprunteur par lettre recommandée avec accusé de réception, et ce sans qu’il soit besoin d’une mise en demeure ni d’aucune formalité judiciaire, dans l’un des cas suivants : / a) en cas de déclaration inexacte de la part de l’emprunteur ou de la caution».

 

Cette clause causerait un tel déséquilibre en ce qu’elle serait de nature à laisser croire que l’établissement de crédit dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l’importance de l’inexactitude de cette déclaration et que l’emprunteur ne peut recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance du terme. Bien entendu, la Cour de cassation ne tranche pas ; elle casse et renvoie à l’appréciation des juges du fond.

 

L’auteur du pourvoi relevait en effet la brutalité du procédé prévu par la clause, le faux document ayant permis un versement anticipé de fonds de quelques semaines seulement, et sans que la clause ne lui permette d’en expliquer les raisons. Il faisait valoir, en outre, un déséquilibre dans les préjudices subis puisque selon lui la banque n’avait en réalité subi aucun préjudice (d’autant moins qu’une hypothèque grevait la maison dont la valeur représentait le triple de la somme empruntée) alors que l’emprunteur se trouvait dans l’impossibilité de rembourser en une seule fois les fonds.

 

Reste à savoir ce qu’en pensera la cour d’appel de renvoi, même si le Cour de cassation semble l’inviter à retenir la qualification de clause abusive. Différents arguments permettent de penser qu’elle devrait statuer en ce sens.

 

D’une part, une recommandation avait été rendue par la commission des clauses abusives à propos des contrats de prêt immobilier. Elle y prévoyait que «les clauses qui autorisent la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues, dès lors, notamment, que […] l’une quelconque des déclarations faites par l’emprunteur ont été reconnues fausses ou inexactes sont de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties» [10]. La commission justifie leur caractère abusif en affirmant que ces clauses tendent à laisser penser que l’établissement de crédit dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, d’une part, l’existence d’une inobservation commise par l’emprunteur et, d’autre part, une inexactitude dans les déclarations de l’emprunteur, et qu’au surplus, elles laissent croire que le consommateur ne peut recourir au juge pour contester le bien-fondé de cette déchéance. Ces clauses apparaissent selon la commission des clauses abusives significativement déséquilibrées, pour des raisons qui ne sont pas sans rappeler celles envisagées dans l’arrêt commenté.

 

D’autre part, s’il était encore besoin d’un autre argument, les clauses de déchéances du terme en matière de crédit à la consommation ne sont en général admises par les juges que lorsqu’elles sont fondées sur la défaillance du débiteur ; en dehors de cette hypothèse (clauses de déchéance par contagion ou en cas d’impayés relatifs à d’autres comptes par exemple), elles sont bien souvent considérées comme abusives [11]. Pourquoi en serait-il différemment en matière de crédit immobilier ? Preuve en est, on constate également une certaine réticence des décisions des cours d’appel [12] à valider ce type de clause en matière immobilière [13]. En particulier, un arrêt de la cour d’appel de Paris du 14 avril 2016 a qualifié d’abusive la clause de déchéance du terme en cas en découverte de faux, ce qui fut le cas en l’espèce, l’emprunteur ayant fourni des documents falsifiés concernant ses revenus [14].

 

Deux arguments de poids qui devraient laisser peu de doutes sur le sens de la décision de la cour d’appel de renvoi.

 

[1] C. com., art. L. 442-6 (N° Lexbase : L7575LB8) : «I. Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : […] 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties» ; C . civ., art.1171 (N° Lexbase : L1981LKL, modifié par la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018, art. 7 N° Lexbase : L0250LKH): «Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation».

[2] V. Dossier, La banque et le droit des clauses abusives, Dir. J. Lasserre-Capdeville, RDBF, mai 2016, n° 3, Dossier, 17 ; L. Abadie et K. Rodriguez, «Une protection à renforcer ? Etude des conditions générales de banque», Banque et droit, in n° spécial «Quel droit pour le développement de la banque en ligne ?», juin 2013, p. 81 et s..

[3] V. notamment à propos des emprunts libellés en francs suisses : Cass. civ.1, 29 mars 2017, n° 15-27.231, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6069UMQ) et n° 16-13.050, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6072UMT). V. également à propos d’une clause de résiliation du contrat de prêt pour une défaillance de l’emprunteur extérieure à ce contrat : Cass. civ.1, 27 novembre 2008, n° 07-15.226, FS-P+B (N° Lexbase : A4581EBB), D., 2009, p.16, obs. V. Avena-Robardet.

[4] Cet élément n’est pas au cœur de l’arrêt mais l’on peut s’étonner de ce que la caution ait payé dans la mesure où la déchéance du terme lui est en principe inopposable (cf. C. civ., art. 1305-5 N° Lexbase : L2143LKL). Néanmoins, il apparaît que cette règle n’est pas d’ordre public de sorte que les clauses contraires sont fréquentes dans les contrats de cautionnement : V. M. Mignot, Droit des suretés et de la publicité foncière, LGDJ, 2017, n° 363.

[5] C. civ., art. 1346-5, al. 3 (N° Lexbase : L0698KZU) : «Le débiteur peut opposer au créancier subrogé les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l'exception d'inexécution, la résolution ou la compensation de dettes connexes. Il peut également lui opposer les exceptions nées de ses rapports avec le subrogeant avant que la subrogation lui soit devenue opposable, telles que l'octroi d'un terme, la remise de dette ou la compensation de dettes non connexes».

[6] V. J. Salvandi, Protection du consommateur-emprunteur immobilier : nouvelles clauses abusives «noires» et «grises», Décret n°2009-302 du 18 mars 2009 portant application de l’article 132-1 du code de la consommation, RDI, 2010, p. 145.

[7] CJCE, 27 juin 2000, aff. jointes C-240/98 à C-244/98 (N° Lexbase : A5920AYW).

[8] CJCE, 4 juin 2009, aff. C-243/08 (N° Lexbase : A9620EHR) JCP éd. G, 2009, 336, G. Paisant ; D., 2010, p. 790, E. Poillot.

[9] CJUE, 9 novembre 2010, aff. C-137/08 (N° Lexbase : A2073GEI) ; D., 2011, p. 974, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud.

[10] Commission des clauses abusives, recommandation n° 04-03 (N° Lexbase : X6240ATB), BOCC, 30 septembre 2004, p. 629 ; RTDCom., 2004, p. 794, D. Legeais.

[11] En ce sens, V. J. Lasserre-Capdeville, Interrogations à propos des clauses de déchéance du terme en matière de crédit immobilier, AJ Contrat, 2018, p. 320.

[12] V. les décisions citées in J. Lasserre-Capdeville, Interrogations à propos des clauses de déchéance du terme en matière de crédit immobilier, préc..

[13] La déchéance du terme fondée sur la défaillance du débiteur est quant à elle valable (C. consom., art. L. 313-51 N° Lexbase : L3281K9E).

[14] CA Paris, Pôle 5, 6ème ch., 4 avril 2016, n° 14/25646 (N° Lexbase : A7585SEN).

newsid:466314

Collectivités territoriales

[Brèves] Publication de la loi relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites

Réf. : Loi n° 2018-957 du 7 novembre 2018, relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites (N° Lexbase : L7649LMA)

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N6299BXL

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par Yann Le Foll

Le 14 Novembre 2018

► La loi n° 2018-957 du 7 novembre 2018, relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites (N° Lexbase : L7649LMA), a été publiée au Journal officiel du 8 novembre 2018.

 

Au nombre des mesures visant à clarifier le rôle de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements, elle indique que l'EPCI compétent remplit ses obligations en matière de création, d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires d'accueil des gens du voyage en créant, en aménageant, en entretenant et en assurant la gestion des aires et terrains dont le schéma départemental a prévu la réalisation sur son territoire. Il peut retenir un terrain d'implantation pour une aire ou un terrain situé sur le territoire d'une commune membre autre que celle figurant au schéma départemental, à la condition qu'elle soit incluse dans le même secteur géographique d'implantation.

 

La loi a également pour objectif la modernisation des procédures d'évacuation des stationnements illicites. Désormais, un maire peut interdire tout stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles en dehors des aires d’accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs, par exemple lorsque l’EPCI dispose d'un emplacement provisoire agréé par le préfet.

 

Ce texte renforce également les sanctions pénales, puisqu’une occupation illicite de terrains d’une commune ayant rempli ses obligations en la matière est punie d'un an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende (contre six mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende auparavant). Toutefois, l'action publique peut être éteinte par le versement d'une amende forfaitaire d'un montant de 500 euros. Le montant de l'amende forfaitaire minorée est de 400 euros et le montant de l'amende forfaitaire majorée de 1 000 euros.

newsid:466299

Consommation

[Brèves] Annulation du Règlement sur l'étiquetage énergétique des aspirateurs

Réf. : Trib. UE, 8 novembre 2018, aff. T‑544/13 (N° Lexbase : A6358YKP)

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par Vincent Téchené

Le 14 Novembre 2018

► Le Règlement sur l’étiquetage énergétique des aspirateurs (Règlement délégué n° 665/2013 de la Commission, du 3 mai 2013 N° Lexbase : L7989LMT) est annulé. En effet, les tests d’efficacité énergétique d’aspirateurs effectués avec un réservoir vide ne reflètent pas des conditions aussi proches que possible des conditions réelles d’utilisation. Tel est le sens d’un arrêt rendu le 8 novembre 2018 par le Tribunal de l’Union européenne (Trib. UE, 8 novembre 2018, aff. T‑544/13 N° Lexbase : A6358YKP).

 

Depuis le 1er septembre 2014, tous les aspirateurs vendus dans l’Union européenne sont soumis à un étiquetage énergétique dont les modalités ont été précisées par la Commission dans un Règlement qui complète la Directive sur l’étiquetage énergétique (Directive 2010/30 du 19 mai 2010 N° Lexbase : L5893IM9). L’étiquetage vise, notamment, à informer les consommateurs du niveau d’efficacité énergétique et des performances de nettoyage de l’aspirateur. Le Règlement ne prévoit pas de tester les aspirateurs avec le réservoir à poussière rempli.

 

Une société commercialisant des aspirateurs fonctionnant sans sac à poussière, soutenait que le Règlement induira les consommateurs en erreur quant à l’efficacité énergétique des aspirateurs, car la performance n’est pas mesurée «pendant l’utilisation» mais uniquement avec un réservoir vide.

 

Cette société a alors demandé au Tribunal d’annuler le Règlement. Celui-ci a rejeté cette demande (Trib. UE, 11 novembre 2015, aff. T-544/13 N° Lexbase : A5865NW7). La CJUE saisie d’un recours a annulé l’arrêt du Tribunal (CJUE, 11 mai 2017, aff. C-44/16 P N° Lexbase : A1061WCB). La Cour a constaté que le Tribunal avait requalifié l’un des arguments de la société en considérant qu’elle critiquait l’exercice de la compétence de la Commission pour adopter le Règlement litigieux. Selon la Cour, il était incontestable qu’il était reproché à la Commission de n'être pas compétente pour adopter ce Règlement. En effet, il s’agissait d’une méconnaissance d’un élément essentiel de la directive et non d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission. La Cour a donc renvoyé l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur cette argumentation.

 

Dans son arrêt du 8 novembre 2018, le Tribunal annule le Règlement sur l’étiquetage énergétique des aspirateurs. Le Tribunal note que la Cour, dans son arrêt, a jugé que l’information du consommateur sur le rendement énergétique des appareils au cours de leur utilisation constituait un objectif essentiel de la directive et reflétait un choix politique du législateur de l’Union européenne.

 

Ensuite, le Tribunal remarque, à l’instar de la Cour, que la Directive vise à harmoniser les mesures nationales concernant l’information des utilisateurs finals sur la consommation d’énergie «pendant l’utilisation», afin qu’ils puissent choisir des produits ayant un «meilleur rendement». Partant, la Commission avait l’obligation, afin de ne pas méconnaître un élément essentiel de la Directive, de retenir une méthode de calcul qui permet de mesurer la performance énergétique des aspirateurs dans des conditions aussi proches que possible des conditions réelles d’utilisation. Cela implique que le réservoir de l’aspirateur soit rempli à un certain niveau, compte tenu des exigences liées à la validité scientifique des résultats obtenus et à l’exactitude des informations fournies aux consommateurs. La Commission ayant retenu une méthode de calcul de la performance énergétique des aspirateurs fondée sur un réservoir vide, le Tribunal juge que cette méthode n’est pas conforme aux éléments essentiels de la directive. Le Tribunal considère donc que la Commission a méconnu un élément essentiel de la directive et annule le Règlement puisque la méthode de calcul de la performance énergétique n’est pas un élément détachable du reste du Règlement.

newsid:466301

Contrats administratifs

[Brèves] Impossibilité de soulever un moyen critiquant l'appréciation des autres offres dans le cadre d’un recours «Tarn-et-Garonne»

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 9 novembre 2018, n° 420654, 420663, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6422YK3)

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N6316BX9

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par Yann Le Foll

Le 14 Novembre 2018

► Un candidat dont l'offre a été à bon droit écartée comme irrégulière ou inacceptable ne saurait soulever un moyen critiquant l'appréciation des autres offres dans le cadre d’un recours «Tarn-et-Garonne» (CE, 4 avril 2014, n° 358994, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6449MIP, ouvrant la possibilité à tous les tiers justifiant d’un intérêt lésé par un contrat administratif la possibilité de contester sa validité devant le juge du contrat). Telle est la solution d’un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 9 novembre 2018 (CE 2° et 7° ch.-r., 9 novembre 2018, n° 420654, 420663, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6422YK3).

 

Il ne saurait, notamment, soutenir que ces offres auraient dû être écartées comme irrégulières ou inacceptables, un tel moyen n'étant pas de ceux que le juge devrait relever d'office. Il en va ainsi, y compris dans l'hypothèse où toutes les offres ont été écartées comme irrégulières ou inacceptables, sauf celle de l'attributaire, et qu'il est soutenu que celle-ci aurait dû être écartée comme irrégulière ou inacceptable.

 

En l’espèce, les requérants soutenaient que, du fait des irrégularités de l'offre de la société attributaire du marché, qui la rendent, selon eux, irrégulière et inacceptable, le contenu du contrat litigieux est lui-même entaché d'un vice.

 

Il résulte du principe précité qu'ils ne peuvent soulever un tel moyen que si le vice ainsi allégué est d'ordre public, c'est-à-dire si le contenu du contrat est illicite. Le contenu d'un contrat ne présente un caractère illicite que si l'objet même du contrat, tel qu'il a été formulé par la personne publique contractante pour lancer la procédure de passation du contrat ou tel qu'il résulte des stipulations convenues entre les parties qui doivent être regardées comme le définissant, est, en lui-même, contraire à la loi, de sorte qu'en s'engageant pour un tel objet, le cocontractant de la personne publique la méconnaît nécessairement.

newsid:466316

Discrimination et harcèlement

[Brèves] Caractère discriminatoire de la retenue relative aux jours d'absence du salarié pour fait de grève

Réf. : Cass. soc., 7 novembre 2018, n° 17-15.833, F-P+B (N° Lexbase : A6737YKQ)

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N6390BXX

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par Blanche Chaumet

Le 14 Novembre 2018

► Présente un caractère discriminatoire l'abattement des primes d'ancienneté, de quart et mensuelle, auquel l'employeur a procédé pour calculer la retenue relative aux jours d'absence du salarié pour fait de grève, alors que les salariés absents pour maladie non professionnelle ayant plus d'une année d'ancienneté bénéficiaient du maintien intégral de leur plein salaire, y compris les primes.

 

Telle est la règle dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 7 novembre 2018 (Cass. soc., 7 novembre 2018, n° 17-15.833, F-P+B N° Lexbase : A6737YKQ ; voir en ce sens également Cass. soc., 23 novembre 2011, n° 10-15.644, F-D N° Lexbase : A0163H3G).

 

En l’espèce, le salarié d’une société depuis 1989, travaillait de manière postée, selon le rythme de 3X8, et percevait au mois de mai 2012 une rémunération brute de 3 027,56 euros pour 138 heures 64 de travail, ainsi que différentes primes, telles que la prime d'ancienneté, la prime de quart et une prime mensuelle. Après avoir été gréviste pendant quatre jours au mois d'avril 2012, soit 32 heures, il a, avec le syndicat CFDT chimie énergie de Haute-Normandie, saisi le 17 septembre 2014 la juridiction prud'homale, contestant la retenue sur salaire pratiquée et demandant réparation du préjudice moral subi.

 

La cour d’appel (CA Rouen, 7 février 2017, n° 15/02038 N° Lexbase : A5460TBT) ayant condamné la société à payer au salarié une somme au titre de la retenue pour fait de grève exercé en avril 2012, cette dernière s’est pourvue en cassation.

En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage « Droit du travail» N° Lexbase : E2583ETT).

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Droit social européen

[Brèves] Objectifs de protection des travailleurs, lutte contre la fraude sociale et prévention des abus : lorsque la réglementation d’un Etat membre va trop loin…

Réf. : CJUE, 13 novembre 2018, aff. C-33/17 (N° Lexbase : A0244YLM)

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N6336BXX

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par Blanche Chaumet

Le 14 Novembre 2018

► Une réglementation d’un Etat membre, selon laquelle les autorités compétentes peuvent imposer à un maître d’ouvrage établi dans cet Etat membre de suspendre les paiements à son cocontractant établi dans un autre Etat membre, voire de verser une caution d’un montant équivalent au prix de l’ouvrage restant à payer, afin de garantir le paiement de l’éventuelle amende qui pourrait être infligée à ce cocontractant en cas d’infraction avérée au droit du travail du premier Etat membre va au-delà de ce qui est nécessaire pour la réalisation des objectifs de protection des travailleurs ainsi que de lutte contre la fraude, notamment sociale, et de prévention des abus.

 

Telle est la règle énoncée par la CJUE dans un arrêt rendu le 13 novembre 2018 (CJUE, 13 novembre 2018, aff. C-33/17 (N° Lexbase : A0244YLM ; pour en savoir plus, voir également le communiqué de presse).

 

En l’espèce, une société établie en Slovénie, a fourni à M. X des services relevant du secteur de la construction d’une valeur de 12 200 euros. Les prestations ont été effectuées par des travailleurs détachés dans une maison appartenant à M. X, située en Autriche. Ce dernier a versé à la société un acompte de 7 000 euros. En 2016, la police financière autrichienne a effectué un contrôle sur le chantier et a reproché à la société deux infractions administratives en matière de réglementation du travail. A la suite de ce constat, la police financière a imposé à M. X de suspendre les paiements et a demandé à l’autorité administrative compétente d’ordonner à M. X de constituer une caution, destinée à garantir une éventuelle amende qui pourrait être infligée à la société dans le cadre de la procédure qui serait engagée à la suite du contrôle. La police financière a demandé à ce que la caution soit fixée à un montant équivalent au solde dû, à savoir 5 200 euros.

 

L’autorité administrative compétente a fait droit à cette demande et M. X a procédé au versement d’une caution à hauteur de ce montant. Une procédure a été engagée à l’encontre de la société pour les infractions administratives alléguées. En octobre 2016, la société a été condamnée à des amendes de 1 000 et 8 000 euros au titre de ces infractions. Après avoir terminé les travaux, la société a facturé à M. X la somme de 5 000 euros. Ce dernier a refusé de payer la somme réclamée en soutenant qu’il avait versé une caution de 5 200 euros à l’autorité administrative compétente. La société a alors engagé une procédure en paiement du solde dû contre M. X.

 

Le tribunal de district de Bleiburg en Autriche demande à la CJUE si le droit de l’Union interdit à un Etat membre d’ordonner à une personne qui a commandé des travaux dans ce même Etat membre de suspendre les paiements et de constituer une caution d’un montant équivalent à celui restant à payer lorsqu’une telle suspension et une telle caution servent uniquement à garantir une éventuelle amende qui pourrait être infligée ultérieurement dans une procédure distincte au prestataire de services qui a effectué ces travaux et qui est établi dans un autre Etat membre.

 

En énonçant la règle susvisée, la CJUE répond positivement.

newsid:466336

Égalité de traitement

[Jurisprudence] L’appréciation de la «situation identique» dans le contentieux de l’égalité de traitement

Réf. : Cass. soc., 24 octobre 2018, n° 17-18.096, F-D (N° Lexbase : A5554YIK)

Lecture: 6 min

N6353BXL

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 14 Novembre 2018

Egalité de traitement • situation identique

 

Résumé

Ne constituent pas des motifs permettant à la Cour de cassation de s’assurer que les salariés auxquels l’intéressée se comparait se trouvaient dans une situation identique à la sienne, le fait qu'au sein des associations, les cadres exerçant les mêmes fonctions que celles de l'intéressée ne bénéficient pas de la même rémunération ni des mêmes conditions d'exercice de leurs fonctions, certains travaillant sur la base d'un horaire hebdomadaire fixe et d'autres dans le cadre d'une durée de travail calculée en forfait jours, que l'hypothèse numéro trois de l'expert permet de retenir l'existence d'un salaire moyen, que la salariée aurait pu, en passant cadre dès le 1er janvier 2009, avoir une rémunération s'inscrivant dans la moyenne des salaires pratiqués pour des postes équivalents, que cette méthode retenue par l'expert permet d'effacer les disparités salariales en raison du non-respect de la politique de classification, qu'au vu des pratiques de rémunération des associations, pour permettre à la salariée de rétablir équitablement le salaire qu'elle aurait dû percevoir si son employeur avait appliqué le statut à compter du 1er janvier 2009, l'hypothèse numéro trois proposée par l'expert sera retenue et les employeurs seront condamnés à verser un rappel de salaire sur cette base.

 

 

L’aspiration à l’égalité de traitement est profondément ancrée dans les mentalités et se trouve au cœur du Pacte républicain depuis la Révolution française. La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, qui a consacré l’égalité de tous «en droits», a également admis que des différences de traitement puissent être instaurées, mais à condition que ces «distinctions sociales» soient fondées sur «l’utilité commune». L’égalité n’est donc pas l’identité. Elle suppose que les personnes dont on compare le traitement soient placés dans une situation identique, à tout le moins comparable, au regard de l’objet de la norme, et l’appréciation de ces «situations», qui détermine l’admission ou le rejet des différences de traitement, n’est pas toujours aisée (I). C’est que nous montre cet arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 24 octobre 2018 ; cette affaire concernait les cadres d’une même entreprise qui n’étaient pas tous soumis au même régime de décompte de la durée du travail (II).

 

I - Le rôle de l’analyse des situations dans les contentieux de l’égalité de traitement 

 

L’importance de l’analyse des situations. Le droit à l’égalité de traitement, sous sa forme la plus sévère (le droit à la non-discrimination) ou dans sa traduction uniquement civile (le principe «à travail égal, salaire égal» applicable entre salariés de même sexe, ou l’égalité de traitement reconnue soit dans le cadre de certains statuts particuliers, soit d’une manière générale), suppose qu’une comparaison soit établie entre la personne qui se plaint et celles avec laquelle elle se compare. Cette comparaison est doublement nécessaire. L’inégalité de traitement ne peut être source de responsabilité que si la comparaison des traitements révèle une défaveur (qui devra, par ailleurs, être considérée comme injustifiée) [1], mais aussi que si cette différence n’est pas uniquement le reflet de la différence des situations dans lesquelles se trouvent les personnes observées.

Ce dédoublement de la comparaison est parfaitement exprimé dans l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (N° Lexbase : L8986H39), qui a transposé en droit français notamment la Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4), et qui définit la discrimination comme le fait qu’une personne soit «traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable». Cette exigence de deux personnes placées dans une situation comparable (droit des discriminations), ou identique (égalité de traitement), figure également dans l’arrêt «Ponsolle» de 1996 qui a reconnu l’existence d’un principe «à travail égal, salaire égal» déconnecté de toute référence à une discrimination sexiste [2].

 

Méthode d’appréciation. L’examen de la jurisprudence de la Cour de cassation de ces dernières années montre que les juges du fond ne doivent pas se contenter d’explications toutes faites, mais qu’ils doivent, au contraire, analyser les situations de manière concrète, et déterminer en quoi une éventuelle différence de situation est susceptible de justifier a priori la différence de traitement au regard de la nature de l’avantage en cause [3].

La «situation» peut ainsi résulter du fait que des salariés n’ont pas la même ancienneté dans une entreprise et qu’ils ont donc relevé de règles collectives distinctes dont l’application les a placés, avec le temps, dans des régimes juridiques différents, qu’il s’agisse d’accords collectifs, d’usages [4], voire de plans de sauvegarde l’emploi [5].

La soumission à des régimes juridiques distincts se vérifie également s’agissant de salariés protégés, lorsque leur licenciement a été annulé, dès lors que l’un avait été licencié sans autorisation administrative préalable et l’autre après une autorisation délivrée mais ultérieurement annulée [6]. Elle interdira également de comparer des salariés à des travailleurs indépendants, tant les différences de statut sont importantes [7]. Elle conduira également, la plupart du temps, à considérer que cadres et non-cadres ne sont pas placés dans la même situation [8].

Les juges prendront en compte des aspects plus matériels des situations, comme le fait que des salariés aient exercé des fonctions identiques [9] ou au contraire différentes et «qui, par leur diversité et leur nature, leur conféraient une meilleure maîtrise de leur poste» [10]. Le juge pourra prendre en compte le fait que certains salariés sont soumis à des contraintes particulières, qui tiennent, par exemple, au fait qu’ils sont astreints à loger sur place [11], ou qu’ils n’exercent pas leur activité dans le même pays [12].

La notion de «situation» conduit le juge à une appréciation globale et à mettre en balance, par exemple, la variété de l’expérience d’un salarié et la plus grande ancienneté d’une autre, les deux se compensant et conduisant le juge à décider que ces deux salariés se trouvent dans une même situation [13].

 

II - Différence de situations entre cadre selon les modalités de décompte de leur temps de travail 

 

L’affaire. Une salariée avait été engagée comme formatrice par un CFA en 1995. A la suite de son licenciement pour inaptitude, elle avait saisi la juridiction prud’homale de différentes demandes et obtenu des indemnités en raison du caractère injustifié de son licenciement, ainsi que la reconnaissance de son statut de cadre à compter du 1er janvier 2009. Elle avait été déboutée de l’ensemble de ses demandes en première instance, mais le jugement fut réformé en appel. Dans un premier arrêt avant dire droit, la cour d'appel d'Amiens a ordonné une expertise comptable afin de calculer le montant du rappel de rémunération auquel pouvait prétendre la salariée et déterminer le montant du salaire de base servant à calculer, à la date du licenciement, le montant des indemnités de rupture.

Pour faire droit à ses demandes de nature salariale, la cour d’appel d’Amiens avait retenu qu'au sein des associations, les cadres exerçant les mêmes fonctions que celles de l'intéressée ne bénéficient pas de la même rémunération ni des mêmes conditions d'exercice de leurs fonctions, certains travaillant sur la base d'un horaire hebdomadaire fixe et d'autres dans le cadre d'une durée de travail calculée en forfait jours, que l'une des hypothèses formulées par l'expert permettait de retenir l'existence d'un salaire moyen, que la salariée aurait pu, en passant cadre dès le 1er janvier 2009, avoir une rémunération s'inscrivant dans la moyenne des salaires pratiqués pour des postes équivalents, que cette méthode retenue par l'expert permettait d'effacer les disparités salariales en raison du non-respect de la politique de classification, qu'au vu des pratiques de rémunération des associations, pour permettre à la salariée de rétablir équitablement le salaire qu'elle aurait dû percevoir si son employeur avait appliqué le statut à compter du 1er janvier 2009, l'hypothèse proposée par l'expert devait être retenue et les employeurs condamnés à verser un rappel de salaire sur cette base.

L’arrêt est cassé, la Cour de cassation considérant, au visa de l’article 455 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6565H7B) (défaut de motivation), que ces motifs ne permettent pas à la Cour de cassation de s’assurer que les salariés auxquels l’intéressée se comparait se trouvaient dans une situation identique à la sienne.

 

Une cassation justifiée. Dans cette affaire, le juge n’avait pas voulu rechercher par lui-même le salaire moyen des autres cadres des deux CFA au sein desquels la salariée avait travaillé, et confié cette tâche à un expert. Ce dernier avait proposé plusieurs méthodes de calcul, dont l’une avait été retenue par le juge, celle consistant à retenir un «revenu moyen des conseillers recrutement placement corrigés des minima conventionnels», mais ne distinguant pas, parmi ces conseillers, ceux qui relevaient de l’horaire collectif et ceux qui étaient soumis à un forfait en jours sur l’année.

La cour d’appel n’avait pas tranché et retenu un salaire moyen indifférencié, ne répondant pas d’ailleurs aux arguments de l’employeur sur ce point, qui faisait valoir que les salariés ne pouvaient pas être comparés entre eux lorsque leur durée de travail est fixée en heures par semaine, ou en jours sur l’année. On comprend immédiatement les limites de l’expertise, qui porte essentiellement sur des données chiffrées, mais qui ne tient pas nécessairement compte des données proprement juridiques de l’affaire. Or, on ne peut comparer que ce qui est comparable, et il convient donc de déterminer, au sein de la grande catégorie professionnelle des cadres, à quelle sous-catégorie il convenait de comparer la salariée, ce qui suppose que soient analysé le degré d’autonomie des salariés, pour déterminer si le demandeur était susceptible de relever de la catégorie des salariés en forfait en jours sur l’année.

La cour d’appel avait sans doute considéré que la qualification de cadres suffisait à caractériser une catégorie homogène au sein de laquelle tous les salariés doivent être traités de la même manière, ce qui est, on le sait, inexact. Entre un cadre soumis à l’horaire collectif et un cadre dirigeant échappant totalement à tout décompte de la durée du travail, en passant par les cadres en forfait jours qui ne sont soumis qu’aux 11 heures de repos consécutifs par jour et aux 35 heures de repos consécutifs par semaine, leur situation, au regard du travail accompli, est très différente. D’ailleurs, lorsque la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur l’égalité de traitement entre salariés appartenant à une même catégorie professionnelle, précisément pour comparer le traitement réservé à deux médecins au sein d’un même établissement, elle a incité les juges du fond à tenir compte des fonctions exercées par ces derniers afin de rendre la comparaison plus pertinente, singulièrement dans ces affaires, pour distinguer le traitement réservé aux médecins généralistes salariés permanents et les vacataires spécialistes employés occasionnellement et exerçant, par ailleurs, leur activité en libéral [14].

 

Décision

 

Cass. soc., 24 octobre 2018, n° 17-18.096, F-D (N° Lexbase : A5554YIK)

Cassation (CA Amiens, 15 mars 2017, n° 13/04009 N° Lexbase : A4927UE9)

 

Textes : C. proc. civ., art. 455 (N° Lexbase : L6565H7B) ; principe d’égalité de traitement.

 

Lien base : (N° Lexbase : E0722ETW).

 

[1] Cass. soc., 7 décembre 2017, n° 16-14.235, FS-P+B (N° Lexbase : A1183W7X), nos obs., Changement de grilles de rémunération et égalité de traitement, Lexbase, éd. soc., n° 724, 2017 (N° Lexbase : N1810BXC) : «Attendu que le principe d'égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce que les salariés embauchés postérieurement à l'entrée en vigueur d'un nouveau barème conventionnel soient appelés dans l'avenir à avoir une évolution de carrière plus rapide dès lors qu'ils ne bénéficient à aucun moment d'une classification ou d'une rémunération plus élevée que celle des salariés embauchés antérieurement à l'entrée en vigueur du nouveau barème et placés dans une situation identique ou similaire» ; Cass. soc., 3 mai 2018, n° 16-11.588, FS-P+B (N° Lexbase : A4407XM8) ; Cass. soc., 17 octobre 2018, n° 16-26.729, FS-P+B (N° Lexbase : A0006YHP).

[2] «La règle de l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes [est] une application de la règle plus générale 'à travail égal, salaire égal' énoncée par les articles L. 133-5, 4° (N° Lexbase : L3149HIH) et L. 136-2, 8° (N° Lexbase : L6242HW4) du Code du travail ; qu'il s'en déduit que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique» (Cass. soc., 29 octobre 1996, n° 92-43.680, arrêt «Ponsolle» N° Lexbase : A9564AAH). S’agissant du principe d’égalité de traitement, Cass. soc., 13 décembre 2017, n° 16-12.397, FS-P+B (N° Lexbase : A1243W8K) : nos obs., Le contrôle du juge sur l'application d'un accord collectif de fin de conflit, Lexbase, éd. soc., n° 725, 2018 (N° Lexbase : N2084BXH), qui renvoie également à la notion de «situation identique».

[3] Cass. soc., 9 juillet 2015, n° 14-16.009, FS-P+B (N° Lexbase : A7711NMK) : nos obs., Plan de sauvegarde de l'emploi et protection du droit des salariés de refuser les mesures de préretraite proposées, Lexbase, éd. soc., n° 625, 2015 (N° Lexbase : N8938BUL) : «si un plan de sauvegarde de l'emploi peut contenir des mesures réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique au regard de l'avantage en cause puissent bénéficier de cet avantage, à moins qu'une différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d'attribution de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables ».

[4] Cass. soc., 28 mars 2018, n° 16-19.260, FS-P+B (N° Lexbase : A8857XIU) : «ayant relevé que certains des salariés avaient acquis l'ancienneté requise avant le 1er janvier 2012 et que d'autres l'avaient acquise après cette date, ce dont il résultait que le régime juridique applicable à la gratification relevait, pour les premiers, de l'usage d'entreprise, et pour les seconds, de la convention collective, la cour d'appel en a exactement déduit que les salariés n'étaient pas placés dans une situation identique, et qu'il n'existait pas de rupture d'égalité de traitement».

[5] Cass. soc., 29 juin 2017, deux arrêts, n° 15-21. 008 (N° Lexbase : A1625WLR) et n° 16-12.007 (N° Lexbase : A1626WLS), FS-P+B+R+I, nos obs., PSE successifs et égalité de traitement : la Cour de cassation consacre l'autonomie de chaque plan, Lexbase, éd. soc., n° 707, 2017 (N° Lexbase : N9483BW7) : «deux procédures de licenciement économique collectif avaient été successivement engagées dans l'entreprise accompagnées de plans de sauvegarde de l'emploi distincts, en sorte que le salarié licencié dans le cadre de la première procédure n'était pas dans une situation identique à celle des salariés licenciés dans le cadre de la seconde procédure au cours de laquelle avait été élaboré, après information et consultation des institutions représentatives du personnel, le plan prévoyant les avantages revendiqués».

[6] Cass. soc., 3 février 2016, n° 14-17.886, FS-P+B (N° Lexbase : A3207PKY) : «si l'omission, dans la demande présentée par l'employeur, de l'un des mandats exercé par le salarié, dès lors qu'elle n'a pas mis l'inspecteur du travail à même de procéder aux contrôles qu'il était tenu d'exercer au regard des exigences de ce mandat, emporte annulation de la décision d'autorisation du licenciement, cette annulation n'a pas pour effet de placer le salarié dans une situation identique à celle d'un salarié licencié en l'absence d'autorisation administrative».

[7] Cass. soc., 16 décembre 2015, n° 14-11.294, FS-P+B (N° Lexbase : A8705NZG) : «le salarié qui se prévaut du principe d'égalité de traitement ne pouvant utilement invoquer la comparaison de sa situation avec des non-salariés, la cour d'appel qui a constaté que l'intéressé se comparait avec des médecins exerçant à titre libéral et que les médecins salariés étaient tous indemnisés sur la même base, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision».

[8] Cass. soc., 27 juin 2018, n° 17-10.372, FS-P+B (N° Lexbase : A5811XUR) : «appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui a retenu que les agents mis à disposition ou détachés auprès d'autres structures, auxquels l'intéressée se comparait, n'étaient pas dans une situation comparable dès lors qu'ils avaient été recrutés en qualité de cadre et n'exerçaient pas des fonctions de valeur égale, a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision».

[9] Cass. soc., 9 décembre 2009, n° 08-42.801, F-D (N° Lexbase : A7190EPY) : «aucun élément tenant à la nature des fonctions exercées ne distinguait les salariées qui se trouvaient dans une situation identique».

[10] Cass. soc., 4 avril 2018, trois arrêts, n° 16-27.703, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A9045XIT), n° 17-11.680 (N° Lexbase : A9046XIU) et n° 17-11.814 (N° Lexbase : A9047XIW) : nos obs., Saga du complément "Poste", épisode VIII : que la maîtrise de ton Poste soit avec toi !, Lexbase, éd. soc., n° 739, 2018 (N° Lexbase : N3711BXQ).

[11] Cass. soc., 15 mai 2014, n° 12-29.746, F-D (N° Lexbase : A5573MLY) : «la cour d'appel […] a constaté hors toute dénaturation que la salariée était logée sur place».

[12] Cass. civ. 1, 16 avril 2015, n° 13-27.690, FS-P+B (N° Lexbase : A9428NGB) : «le principe d'égalité de traitement n'est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié ; que M. X..., qui exerce son activité de vétérinaire à la fois en France et en Belgique, ne se trouve pas dans une situation comparable à celle d'un vétérinaire exerçant cette activité seulement dans l'un ou dans l'autre de ces Etats membres».

[13] La Cour de cassation se contente ici d’opérer un contrôle restreint sur la notion de «situation identique» : Cass. soc., 15 mai 2014, n° 12-29.746, F-D (N° Lexbase : A5573MLY) : «la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument délaissée, a retenu que si l'expérience de Mme ... était plus variée que celle de Mme Z, cette dernière avait une ancienneté plus importante dans la Fondation […] a pu en déduire que les deux salariées se trouvaient dans une situation identique».

[14] Cass. soc., 16 décembre 2015, n° 14-11.294, FS-P+B (N° Lexbase : A8705NZG), notre étude, Médecins salariés et médecins libéraux : comparaison n'est pas raison, Lexbase, éd. soc., n° 639, 2016 (N° Lexbase : N0779BWR).

newsid:466353

Pénal

[Brèves] Confiscation du produit direct de l’infraction : extension au tiers de bonne foi du droit de demander la restitution

Réf. : Cass. crim., 7 novembre 2018, n° 17-87.424, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1753YK7)

Lecture: 2 min

N6297BXI

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par June Perot

Le 14 Novembre 2018

► Il se déduit de l’article 482 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9919IQG) que le jugement qui rejette une demande de restitution est susceptible d’appel de la part de la personne qui a formulé cette demande, sans que puisse lui être opposée l’autorité de la chose jugée de la décision ordonnant la confiscation ;

 

si la demande de restitution doit être examinée sur le fondement de l’article 481 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5014K89) lorsque les biens placés sous main de justice n’ont pas été confisqués, il doit être statué sur cette demande en faisant application des dispositions de l’article 131-21 du Code pénal (N° Lexbase : L9506IYQ) lorsque les biens ont été confisqués ;

 

conformément aux dispositions précises et inconditionnelles de l’article 6, § 2, de la Directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, les droits du propriétaire de bonne foi doivent être réservés, même lorsque le bien constitue le produit direct ou indirect de l’infraction. Tel est l’apport d’un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 7 novembre 2018 (Cass. crim., 7 novembre 2018, n° 17-87.424, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A1753YK7).

 

Au cas de l’espèce, une personne avait bénéficié, en connaissance de cause, de détournements de fonds opérés par un gestionnaire en assurance et en a fait bénéficier à une autre personne, à laquelle elle a remis des chèques de banque tirés de ses comptes bancaires personnels. Cette dernière a ainsi pu acquérir un véhicule, un studio et un appartement. Le véhicule a fait l’objet d’une ordonnance de remise aux domaines et les immeubles ont été saisis. Placé sous le statut de témoin assisté au cours de l’instruction, elle a bénéficié d’un non-lieu, tandis que la première (celle ayant remis les chèques) et deux co-auteurs ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel qui les a reconnus coupables, notamment, des délits d’escroquerie et recel et a prononcé à l’encontre de chacun d’entre eux, une peine de confiscation portant sur les scellés et les biens mobiliers et immobiliers saisis au profit de l’AGRASC. Les premiers juges ont également rejeté la demande de restitution présentée par la bénéficiaire des chèques portant sur les immeubles et son véhicule dont elle est propriétaire. Elle a alors interjeté appel de cette décision.

 

En cause d’appel, pour confirmer le rejet de la demande de restitution, l’arrêt a retenu, d’abord, que les biens saisis avaient été acquis par la requérante avec les fonds obtenus frauduleusement et qu’ils constituaient les produits directs des infractions. Ensuite, que l’autorité de la chose jugée qui s’attache à la condamnation prononcée par le tribunal fait obstacle à la demande de restitution présentée par la requérante qui, si elle revendique à juste titre la qualité de tiers de bonne foi, ne saurait, quelles que soient les conséquences patrimoniales résultant pour elle de la confiscation ordonnée, être considérée comme la victime des infractions.

 

Enonçant la solution susvisée, la Haute juridiction procède à une extension de l’article 131-21, qui vise les victimes, au propriétaire de bonne foi. Il peut donc y avoir une demande de restitution et une remise en cause de l’autorité de la chose jugée concernant la décision de confiscation (cf. l’Ouvrage «Droit pénal général», J. Frinchaboy, Le prononcé de la peine de confiscation N° Lexbase : E2920GAE).

 

newsid:466297

Procédures fiscales

[Jurisprudence] Exonération de l'article 151 septies du CGI et notion d'utilité professionnelle

Réf. : CAA de Nantes, 4 octobre 2018, n° 17NT00880 (N° Lexbase : A6903YEE)

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N6304BXR

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par Franck Laffaille, Franck Laffaille, Professeur de droit public, Faculté de droit (CERAP) - Université de Paris XIII (Sorbonne/Paris/Cité), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 14 Novembre 2018

La cour administrative d’appel de Nantes a jugé, dans un arrêt du 4 octobre 2018 que la détention des titres de société d’expertise comptable ne présente pas d’intérêt ou d’utilité à l’exercice d’une activité de commissaire aux comptes à titre individuel. Ces titres ne se rattachent donc pas à l’actif professionnel.

 

A quelles conditions l'exonération prévue à l'article 151 septies du Code général des impôts (N° Lexbase : L2429HLK) -en faveur des plus-values professionnelles d'éléments de l'actif immobilisé- est-elle applicable ? Telle est la question soumise à l'examen de la cour administrative d’appel de Nantes en ce début de mois d'octobre.

 

Dans le cadre d'une cession de titres de société inscrits au bilan d'une entreprise individuelle, le régime d'exonération de l'article 151 septies du Code général des impôts n'a pas vocation à recevoir application : selon le juge, il n'est pas démontré que la détention des titres était utile pour l'exercice de l'activité professionnelle. En 1993, est créée une entreprise individuelle pour permettre à Monsieur E. d'exercer ses activités d'expert-comptable, de commissaire aux comptes et d'expert judiciaire ; en 1996, à la suite de l'apport de la branche d'expertise comptable par la société 2et2, Monsieur E. reçoit 9997 titres de cette société, titres inscrits à l'actif de son entreprise individuelle ; en 2008, 7999 titres détenus dans la société sont cédés par Monsieur E.. Selon ce dernier, la plus-value réalisée mérite de bénéficier du régime d'exonération visé aux dispositions de l'article 151 septies du Code général des impôts.

 

L'administration fiscale conteste une telle lecture et remet en cause le régime de l'exonération : selon le service vérificateur, les titres cédés ne constituent pas des actifs de l'entreprise individuelle ; quant aux dividendes versés, en 2007 par la société 2et2, ils doivent être imposés en tant que revenus de capitaux mobiliers et point en tant que bénéfices non commerciaux.

 

Saisi, le tribunal administratif de Rennes ne fait pas droit à la demande des requérants tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales (2007), d'impôt sur le revenu et de contributions sociales (2008) auxquelles ils ont été assujettis. Lecture combinée de l'article 151 septies du Code général des impôts et de l'article 93 du Code général des impôts (N° Lexbase : L3954I7L) il doit y avoir. En vertu de ce dernier, le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu «est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou des pertes provenant […] de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession [...]».

 

Que faut-il alors entendre par «éléments d'actifs affectés à l'exercice d'une profession non commerciale» au sens de l'article 93-1 du Code général des impôts ? Les éléments d'actifs peuvent tout d'abord s'entendre des biens qui -spécifiquement nécessaires à l'activité du contribuable- ne peuvent être distraits de l'actif professionnel. Les éléments d'actifs peuvent encore s'entendre des biens qui -de la nature de ceux dont l'usage est requis pour l'exercice de cette activité- sont effectivement utilisés à cette fin par le contribuable.

 

S'il en est propriétaire, ledit contribuable peut les maintenir dans son patrimoine personnel ou les rattacher à son actif professionnel (dans cette dernière hypothèse, cf. l'application de l'article 99 du Code général des impôts N° Lexbase : L3176LCM, avec des biens portés sur le registre des immobilisations). Toutefois, si la détention d'un bien ne revêt aucune utilité professionnelle, un tel bien ne peut constituer, au regard de la loi fiscale, un élément de l'actif professionnel. Cela vaut quand le contribuable a, à tort, inscrit ce bien sur le registre de ses immobilisations. Pour la cour administrative d’appel de Nantes, il est un motif qui ne saurait valoir à l'appui des prétentions des requérants : celui de la création de la société 2et2 en 1996. Si cette société a bien été créée en vue de la préparation de l'arrivée d'un associé dans l'expertise comptable, il n'est aucunement justifié que «la détention d'actions de cette société était une condition nécessaire à l'exercice de l'activité individuelle» Monsieur E. en tant que commissaire aux comptes et expert judiciaire.

 

Le requérant a décidé de poursuivre -postérieurement à la constitution de la société- ces deux activités, indépendamment de cette dernière. Certes, l'argument de la synergie est avancé, synergie entre activité d'expert-comptable (exercée désormais au sein de la société) et celle d'expert judiciaire. Cependant, les assertions des requérants ne sont pas corroborées par des éléments précis. Alors même que Monsieur E. a exercé -avant la création de la société 2et2- les activités de commissaire aux comptes et d'expert judiciaire, il n'est pas fait démonstration de la chose suivante : il n'est pas démontré que l'acquisition des parts de la société ait eu une «incidence précise» sur les activités visées. Les requérants «ne font état d'aucune incidence précise» ; ils se contentent d'invoquer des conventions de prestations.

 

En vertu de ces conventions de prestations, la société a fourni à Monsieur E.   -moyennant facturations- des locaux, du matériel et du personnel afin d'assumer les missions qui sont les siennes. De telles prestations ne permettent pas -en elles-mêmes, par elles-mêmes- de mesurer «l'incidence précise» de l'acquisition des parts de la société sur les activités en question. Dit autrement, la détention des titres de la société d'expertise comptable n'était pas utile à l'exercice des deux autres activités professionnelles. Cela implique que les parts de la société ne peuvent pas être regardées comme relevant du patrimoine professionnel de Monsieur E. ; cela implique que l'administration fiscale a contesté à bon droit l'application du régime d'exonération prévu à l'article 151 septies du Code général des impôts en faveur des plus-values professionnelles d'éléments de l'actif immobilisé.

 

La question de l’éligibilité au régime d’exonération de plus-value professionnelles de l’article 151 septies du Code général des impôts est source de controverses. Bien souvent, il s'agit de cogiter sur la notion de délai, le délai de 5 ans. Citons, par exemple, une autre décision d'une autre cour administrative d’appel, celle de Douai (CAA Douai, 22 janvier 2015, n° 13DA01789 N° Lexbase : A6089NDU) : si les avocats stagiaires peuvent accomplir pleinement les actes attachés à la profession d'avocat (cf. l'indépendance conférée par la prestation de serment), ils ne peuvent disposer d'une clientèle personnelle. Ainsi, le requérant ne peut être regardé comme ayant exercé à titre individuel, avant la fin de son stage, l'activité ayant fait l'objet de la cession de clientèle (à l'origine de la plus-value professionnelle). Ainsi, le requérant n'a pas satisfait à la condition de durée d'exercice permettant de bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 151 septies du Code général des impôts.

 

Dans le cas de notre espèce d'octobre 2018, c'est le critère de l'appréciation de l'exercice de l'activité à titre professionnel qui mérite attention. Cet exercice professionnel signifie participation personnelle, directe et continue en ce qui concerne les actes indispensables à l'activité. S'il est logique d'ajouter que le respect d'une telle condition dépend de chaque situation de fait, cet ajout relève autant de la nécessité que du truisme. Aux dires de l'administration, s'impose une étude approfondie des actes et diligences accomplis par le contribuable ou la société dans la poursuite de l’activité, compte tenu de la nature et de la taille de l’entreprise. Cette analyse pourra être appuyée des éléments du contexte propre à chaque affaire tels que les autres activités exercées par les personnes concernées, leur qualification à participer à l’activité en cause, etc. La décision de la cour administrative d’appel de Nantes se lit encore à l'aune de l'interprétation administrative de la loi fiscale. Les requérants invoquent en effet l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L4634ICM) et l'éventuelle méconnaissance -par l'administration- de la documentation de base 5-G-2112 paragraphe 13, reprise au BOI-BNC-BASE-10-20 paragraphe 170 (N° Lexbase : X7663ALE) (détermination du patrimoine professionnel des personnes réalisant des opérations imposables dans la catégorie des BNC). L'administration aurait dénaturé la notion même d'utilité (utilité de la détention de titres) ; l'administration aurait centré son argumentation sur la seule notion de nécessité, imposant des exigences allant au-delà de ce qui est requis. Selon les requérants, l'utilité -qui ne saurait être confondue avec la nécessité- est démontrée dès lors que la détention des titres revêt un intérêt pour l'exercice de la profession ; c'est à l'aune de cette utilité -qui n'est pas forcément une nécessité- que les requérants insistent sur la synergie entre les différentes activités.

 

La cour administrative d’appel de Nantes rejette sèchement un tel raisonnement, se contentant de répondre que la documentation visée «ne comporte pas d'interprétation différente de celle dont il est fait application». Les prétentions des requérants ne peuvent être accueillies au regard d'une autre argumentation : selon eux, la position de l'administration -qui ne remet pas en cause l'inscription au registre des immobilisations des titres de la société 2et2 lors de la vérification de comptabilité de l'entreprise individuelle pour les années 2001 à 2003- lui est opposable en vertu de l'article L. 80 B du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L6960LLD), sur le fondement du principe de loyauté. La cour administrative d’appel de Nantes écarte ce présumé grief : la position de l'administration -en ce qu'elle ne  remet pas en cause l'inscription au registre des immobilisations des titres de la société 2et2- ne constitue pas une prise de position formelle invocable en vertu de l'article  L. 80 B du Livre des procédures fiscales.

 

Achevant sa décision, la cour administrative d’appel s'arrête in fine sur la nature des produits financiers concernés et par le régime fiscal susceptible de leur être appliqué. Sur le fondement de l'article 109 du Code général des impôts, « 1 - Sont considérés comme revenus distribués : / [...] 2 - Toutes les sommes [...] mises à la disposition des associés [...] et non prélevées sur les bénéfices. [...]». La somme de 15998 euros versées en 2007 à Monsieur E. par la société 2et2 est réputée appartenir à la catégorie des revenus distribués passibles de l'impôt sur le revenu entre les mains du bénéficiaire. Une telle somme doit être incluse dans le revenu imposable du contribuable, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; par la négative, une telle somme ne doit pas être incluse dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

 

 

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Propriété intellectuelle

[Brèves] Possibilité de reporter la charge du droit de suite sur l’acheteur

Réf. : Ass. plén., 9 novembre 2018, n° 17-16.335 (N° Lexbase : A6368YK3)

Lecture: 2 min

N6310BXY

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par Vincent Téchené

Le 14 Novembre 2018

► Si l’article L. 122-8, alinéa 3, du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L9474LBI) prévoit que le droit de suite est à la charge du vendeur, et que la responsabilité de son paiement incombe au professionnel intervenant dans la vente et, si la cession s’opère entre deux professionnels, au vendeur, il ne fait pas obstacle à ce que la personne redevable du droit de suite, que ce soit le vendeur ou un professionnel du marché de l’art intervenant dans la transaction, puisse conclure avec toute autre personne, y compris l’acheteur, que celle-ci supporte définitivement, en tout ou en partie, le coût du droit de suite, pour autant qu’un tel arrangement contractuel n’affecte pas les obligations et la responsabilité qui incombent à la personne redevable envers l’auteur. Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation le 9 novembre 2018 (Ass. plén., 9 novembre 2018, n° 17-16.335, P+B+R+I N° Lexbase : A6368YK3)

 

En l’espèce, soutenant qu’une société de ventes volontaires aux enchères avait, en violation de l’article  L. 122-8, alinéa 3, du Code de la propriété intellectuelle, inséré dans ses conditions générales de vente une clause mettant le paiement du droit de suite à la charge de l’acquéreur, le syndicat national des antiquaires a engagé une action à l’encontre de cette société aux fins de voir qualifier une telle pratique d’acte de concurrence déloyale et constater la nullité de la clause litigieuse. La cour d’appel (CA Versailles, 24 mars 2017, n° 15/07800 N° Lexbase : A6267UIX ; lire les obs. de F. Fagjenbaum et Th. Lachacinski N° Lexbase : N7812BWA), sur renvoi après cassation (Cass. civ. 1, 18 juin 2014, n° 13-21.145, F-D N° Lexbase : A5965MRD), a déclaré nulle et de nul effet la clause litigieuse, énonçant que l’article L. 122-8, alinéa 3, du Code de la propriété intellectuelle, fondé sur un ordre public économique de direction, revêt un caractère impératif imposant que la charge définitive du droit de suite incombe exclusivement au vendeur.

 

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation, énonçant le principe précitée, censure l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 122-8, alinéa 3, du Code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l’article 48 de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 (N° Lexbase : L4403HKB), portant transposition de la Directive 2001/84 (N° Lexbase : L4714GU7), telle qu’interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 26 février 2015 (CJUE, 26 février 2015, aff. C-41/14 N° Lexbase : A2330NCB). 

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Rupture du contrat de travail

[Jurisprudence] Premier éclairage sur le contrôle administratif des accords de rupture conventionnelle collective

Réf. : TA Cergy-Pontoise, 16 octobre 2018, n° 1807099 (N° Lexbase : A9471YHA)

Lecture: 15 min

N6218BXL

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par Magali Gadrat, Maître de conférences à l'Université Paris XIII

Le 14 Novembre 2018

Rupture conventionnelle collective • contrôle administratif

 

Résumé :   

    

Un accord de RCC peut être conclu dans un contexte de difficultés économiques dès lors que l’accord contient un engagement de ne pas prononcer de licenciements pour motif économique pendant les douze mois suivant les premiers départs, ce qui exclut toute volonté de contourner le droit du licenciement pour motif économique

 

Le non-respect du délai d’information de la Direccte sur l’ouverture de négociations relatives à un accord portant RCC n’entraîne pas, en principe, la nullité de la décision administrative de validation de l’accord.

 

Le comité d’entreprise et le CHSCT (pas plus que le CSE s’il existe) n’ont pas à être légalement consultés lors de la négociation d’un accord portant RCC.

 

La Direccte doit simplement s’assurer de la présence dans l’accord des clauses rendues obligatoires par la loi, sans en contrôler le contenu et notamment pas le fait qu’elles respectent le principe d’égalité de traitement.

 

L’ordonnance n° 2017-1387 du 23 septembre 2017, relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail [1] a créé un nouveau mode de rupture du contrat de travail : la rupture conventionnelle collective (RCC) [2], qui s’inspire du régime des «plans de départs volontaires autonomes», id est des plans de départ volontaires exclusifs du prononcé de licenciements pour atteindre l’objectif de suppressions d’emplois fixé par l’employeur [3], plans de départs volontaires autonomes auxquels la RCC ne se substitue pas [4]. En effet, selon le rapport au Président de la République relatif à cette ordonnance, «les plans de départs volontaires qui inspirent la mesure représentent aujourd'hui environ 13 % des plans de sauvegarde de l'emploi. Dans la mesure où cela permet de limiter le nombre de licenciements contraints et d'encourager les projets professionnels et personnels des salariés, le développement du recours au volontariat doit être encouragé» [5], ce qui implique, selon les rédacteurs de l’ordonnance, une clarification des règles applicables, raison pour laquelle a été instituée la rupture conventionnelle collective. Cette rupture repose sur la combinaison d’un accord collectif portant rupture conventionnelle collective qui doit être validé par la Direccte (à l’instar des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) conventionnels [6]) et d’un accord individuel de rupture. La RCC ne relève ni du régime du licenciement pour motif économique [7], ni de celui de la rupture conventionnelle telle que prévue par les articles L. 1237-11 (N° Lexbase : L8512IAI) et suivants du Code du travail [8].

 

Pour que des ruptures d’un commun accord fondées sur un accord portant rupture conventionnelle collective puissent être prononcées, l’accord doit au préalable avoir été validé par la Direccte [9]. Pour la première fois, dans un jugement du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise se prononce sur le contrôle auquel doit se livrer l’administration pour valider un tel accord. Il ressort de cette décision non seulement que l’employeur peut décider de recourir à la RCC en présence de difficultés économiques, sans pour autant être soumis au droit du licenciement pour motif économique, mais également que le contrôle de l’administration est un simple contrôle de légalité ; le tribunal ayant vraisemblablement décidé de ne pas ajouter de contraintes supplémentaires aux conditions et critères légaux afin de ne pas entraver le recours à ce nouveau mode de rupture. En l’espèce, la Direccte a validé un accord portant RCC conclu le 2 mai 2018 au sein d’une société, décision dont l’annulation était sollicitée par un syndicat non signataire de l’accord, le CHSCT de l’un des sites de l’entreprise [10] et un salarié. Le tribunal administratif rejette l’ensemble des arguments développés par les requérants pour tenter d’obtenir l’annulation de la décision de validation de l’accord de RCC. Ainsi, le tribunal estime-t-il que la Direccte peut valider un accord de RCC conclu en présence de difficultés économiques dès lors que celui-ci ne constitue pas un contournement du droit du licenciement pour motif économique et de l’obligation de mettre en place un PSE, ce qui ressortait en l’espèce, selon le tribunal, du fait que l’accord prévoyait qu’aucun licenciement pour motif économique ne serait prononcé dans les douze mois suivant les premières ruptures volontaires (I). En outre, le tribunal estime que le fait que l’administration ait été informée «tardivement» de l’ouverture des négociations relatives à la RCC ne saurait entraîner la nullité de sa décision de validation de l’accord de RCC (II). De même, le tribunal affirme que le fait que le comité d’entreprise et le CHSCT n’aient pas été informés et consultés au titre de leurs compétences générales, ne saurait entacher de nullité la décision de validation de l’accord, dans la mesure où aucune consultation de ces instances n’est prévue dans le cadre de la négociation d’un accord de rupture conventionnelle (III). Enfin, et c’est là sans doute le point le plus discutable de cette décision, le tribunal administratif estime qu’il appartient simplement à la Direccte, saisie d’une demande de validation d’un accord portant RCC, de s’assurer de la présence dans l’accord des clauses prévues par l’article L. 1233-19-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1141H97), sans pour autant en contrôler le contenu. Ainsi, seule la présence des clauses relatives au traitement des candidatures au départ volontaires doit être vérifiée par l’administration, le fait qu’elles soient, selon les requérants, contraires au principe d’égalité, n’ayant pas à être examiné par la Direccte et ne pouvant, dès lors, justifier l’annulation de sa décision de validation de l’accord de RCC (IV).

 

 

I - La possible conclusion d’un accord portant RCC en présence de difficultés économiques

 

Les requérants soutenaient que la décision de validation de l’accord portant RCC devait être annulée en ce que les suppressions d’emploi prévues par l’accord reposaient sur un motif économique et qu’en concluant un accord de RCC, l’employeur avait contourné le droit du licenciement pour motif économique et notamment l’obligation d’élaborer un PSE dont les mesures d’accompagnement auraient été plus favorables que celles prévues par l’accord en application de l’article L. 1237-19-1, 7°, du Code du travail (N° Lexbase : L1460LKB). Cette argumentation est rejetée par le tribunal administratif qui estime que «si les requérants soutiennent que les suppressions de poste envisagées dans le cadre de l'accord collectif reposent sur un motif économique, cette seule circonstance, à la supposer établie, n'était pas, en elle-même, de nature à imposer la mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, dès lors que, conformément aux dispositions de l’article L. 1237-19 du Code du travail (N° Lexbase : L7978LGL), il ressort des stipulations de l'accord collectif, et en particulier de son article 3, que la direction de la société X a expressément pris 1'engagement de ne procéder à aucun licenciement pendant une période de douze mois suivant les premiers départs réalisés en application du même accord ; que ce délai raisonnable est de nature à établir 1'absence de contournement des règles relatives au licenciement pour motif économiqu[11].

 

Ainsi, le tribunal administratif estime qu’un accord de RCC peut être conclu dans une entreprise connaissant des difficultés économiques, sans pour autant que le droit du licenciement pour motif économique n’ait à être respecté dès lors que l’accord ne traduit pas une volonté de l’éluder, ce qui ressort, en l’espèce, d’un engagement de maintien de l’emploi pendant un délai de douze mois à compter des premiers départs. Cette solution ne saurait surprendre, en ce que l’article L. 1233-3 (N° Lexbase : L1446LKR), in fine, du Code du travail dispose expressément que les dispositions du chapitre relatif au licenciement pour motif économique sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant d’une cause économique à l’exception notamment de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord de RCC. A contrario, ce texte signifie donc que des ruptures d’un commun accord fondées sur un motif économique peuvent intervenir dans le cadre d’un accord de RCC, sans que l’employeur ne soit tenu de respecter le droit du licenciement pour motif économique.

 

Il convient, toutefois, de réserver l’hypothèse de la fraude, id est de la conclusion d’un accord de RCC afin de contourner le droit du licenciement pour motif économique. A ce titre, l’administration du travail estime que bien que la loi ne le précise pas, l’engagement de maintien de l’emploi doit expressément figurer dans l’accord [12], ainsi que la durée de mise en œuvre de la RCC [13], et estime qu’il est peu probable qu’un accord de RCC puisse être conclu si le projet de suppression d’effectif implique en réalité, à très court terme, la suppression de l’emploi de salariés qui ne veulent ou ne peuvent quitter l’entreprise dans le cadre de la RCC [14].

 

A ce titre, le tribunal administratif estime que l’engagement pris dans l’accord de ne procéder à aucun licenciement pendant les douze mois suivant les premiers départs démontre que la société n’a pas, en l’espèce, tenté de contourner les règles du licenciement pour motif économique. Ainsi, il semble que si un accord de RCC peut valablement être conclu dans un contexte de difficultés économiques, il est indispensable que la durée de l’engagement du maintien de l’emploi soit «raisonnable» pour que l’accord ne constitue pas une fraude au droit du licenciement pour motif économique ; ce qui justifierait, dans une telle hypothèse, le refus par l’administration de valider l’accord ou l’annulation de sa décision de validation. Reste à déterminer ce que constitue un délai raisonnable… Est-ce qu’un engagement de maintien de l’emploi dans un accord de RCC sur sept ou huit mois serait suffisant à démontrer l’absence de fraude au droit du licenciement pour motif économique ? Il semble, à notre sens, que la réponse devrait être négative, mais il convient d’attendre une prise de position claire de la jurisprudence sur ce point.

 

Par ailleurs, il convient de souligner que le tribunal administratif affirme que la circonstance invoquée par les requérants selon laquelle l'accompagnement des salariés prévu par l’accord de RCC serait moins favorable que celui qui aurait dû être prévu dans le cadre d'un PSE, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision de validation contestée. La Direccte n’a, en effet, pas à se livrer à un contrôle du choix opéré par l’employeur pour réorganiser son entreprise entre un accord de RCC ou la mise en œuvre d’un grand licenciement collectif accompagné d’un PSE, ce qui n’est qu’une réminiscence de la théorie de «l’employeur seul juge» [15], illustrée notamment par l’arrêt «SAT» rendu en 2000 par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation [16].

 

De ce fait, le jugement affirme ainsi, en filigrane, que la Direccte ne doit se livrer qu’à un contrôle de légalité et en aucun cas d’opportunité, ce qui ressortait des travaux parlementaires relatifs à la loi de ratification des ordonnances [17]. Ainsi, si en application de l’article L. 1237-19-3 (N° Lexbase : L1458LK9), la Direccte doit s’assurer de la présence dans l’accord de RCC de mesures précises et concrètes visant à faciliter l'accompagnement et le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, telles que le congé de mobilité, des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion ou des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés, ce qui était le cas en l’espèce, elle n’a pas à en apprécier la pertinence, à l’instar du contrôle allégé dont sont l’objet les PSE adoptés par accord collectif, dont la Direccte n’a pas à contrôler la proportionnalité aux moyens de l’entreprise, du groupe ou de l’UES [18].

 

En tout état de cause, il ressort d’une lecture a contrario de ce jugement et des préconisations de l’administration [19] que si la durée d’engagement de maintien de l’emploi avait été trop courte et avait mis en exergue la volonté de la société de contourner le droit du licenciement pour motif économique, la Direccte n’aurait pas dû valider l’accord, et sa décision aurait pu être annulée sur ce fondement. Ainsi, s'il s'avère que l'employeur détourne le dispositif de RCC de sa finalité afin de contourner l'obligation de mettre en place un PSE (en particulier si les salariés font l'objet de pressions avérées pour obtenir leur consentement), les juges pourraient considérer qu'il s'agit en réalité d'un licenciement économique déguisé et l'employeur pourrait se voir infliger de lourdes sanctions à la fois civiles (nullité des ruptures) et pénales (amende de 3 750 euros prononcée autant de fois qu'il y a de salariés licenciés ; C. trav., art. L. 1238-4 N° Lexbase : L1422H9K) [20].

 

II - L’indifférence de principe du respect du délai d’information de la Direccte

 

En application de l’article L. 1237-19, l'administration est informée sans délai de l'ouverture d'une négociation d’un accord de RCC, l’article D. 1237-7 (N° Lexbase : L6861LHL) précisant même que l’employeur doit informer le Direccte «de son intention d'ouvrir une négociation en application de l'article L. 1237-19». Il ressort donc de ces textes qu’avant même l’ouverture des négociations d’un accord de RCC, l’employeur doit informer la Direccte. A ce titre, les requérants estimaient, en l’espèce, que la décision de validation de l’accord portant RCC devait être annulée en ce qu’alors que les négociations avaient débuté le 10 janvier, l’employeur n’avait informé la Direccte qu’à compter du 1er février. Cette argumentation n’a pas été retenue par le tribunal administratif qui affirme, d’une part, que «l'observation du délai d'information imparti par les dispositions précitées n'est pas prescrite à peine de nullité de la procédure» [21] et, d’autre part, que ce délai «a pour objet principal de permettre à l'administration du travail d'exercer un suivi de la négociation collective, ainsi que de procéder, […] à la désignation du [Direccte territorialement] compétent» [22]. S’il affirme que le non-respect du délai d’information de la Direccte ne saurait entraîner l’annulation de la décision de validation de l’accord de RCC, le tribunal administratif émet, toutefois, une réserve laissant supposer que tel n’aurait pas été le cas si les requérants avaient démontré que le non respect de ce délai avait «eu pour conséquence de porter atteinte à une garantie de procédure ou [avait] exercé une influence sur le sens de la décision litigieuse» [23]. Dans la mesure où une telle démonstration semble, en pratique, quasi-impossible, l’argument du non-respect du délai d’information de la Direccte pour justifier l’annulation de la décision de validation d’un accord de RCC devrait être toujours rejeté.

 

III - L’absence d’obligation de consulter les représentants du personnel sur l’accord de RCC

 

Les requérants estimaient, en outre, en l’espèce, que la décision de validation de la Direccte devait être annulée en ce que ni le comité d’entreprise, ni le CHSCT, n’avaient été consultés au titre de leurs compétences générales. Le tribunal administratif rejette, fort logiquement, cette argumentation. En effet, aux termes de l’article L. 1237-19-3, la Direccte doit simplement s’assurer du respect de la procédure d’information du comité social et économique (CSE) -étant précisé qu’en l’absence de CSE, ses prérogatives en matière de RCC sont dévolues au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel [24] (à l’exclusion donc du CHSCT)- telle qu’elle doit être définie dans l’accord portant RCC en application de l’article L. 1237-19-1, 1° du Code du travail. Dans la mesure où depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, relative au dialogue social et à l'emploi (N° Lexbase : L2618KG3), dite «loi Rebsamen», le comité d’entreprise n’a plus a être consulté sur les projets d’accord collectif [25], cette loi ayant mis fin à la jurisprudence «EDF» [26], à l’instar du CSE en application de l’article L. 2312-14 du Code du travail (N° Lexbase : L8247LGK), l’argument développé par les requérants semblait voué à l’échec. Ainsi, le tribunal administratif souligne-t-il que la Direccte a bien pris le soin de s’assurer que les deux réunions d’information du comité d’entreprise, prévues par l’accord de RCC du 2 mai 2018, s’étaient bien tenues, avant de valider l’accord [27]. Si aucune consultation des représentants du personnel n’est légalement imposée du fait de la conclusion d’un accord de RCC, rien n’empêche, en revanche, les parties de prévoir dans le cadre de l’accord, outre leur information (légalement imposée), leur consultation en en définissant les modalités et conditions ; hypothèse dans laquelle, s’ils ne sont pas consultés, la Direccte devrait rejeter la demande de validation de l’accord de RCC, faute que ses stipulations aient été respectées. Il convient d’indiquer que cette solution semble conforme à la Directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs (N° Lexbase : L9997AUS) qui exige une consultation des représentants des travailleurs en cas de grand licenciement collectif et dont l’article 1er dispose que pour le calcul du nombre de licenciements déclenchant l’application de la Directive, il convient d’assimiler aux licenciements d’autres formes de cessation du contrat de travail intervenues à l’initiative de l’employeur, la Directive ne s’appliquant que «pour autant que les licenciements soient au moins au nombre de cinq» [28], ce qui ne saurait être le cas en présence d’un accord de RCC, par essence exclusif du prononcé de tout licenciement.

 

IV - Le contrôle de la seule présence de clauses relatives au traitement des candidatures, à l’exclusion de celui de leur contenu

 

L’accord portant RCC doit impérativement contenir, en application de l’article L. 1237-19-1 du Code du travail, différentes clauses relatives au traitement des candidatures au départ volontaire dans le cadre de l’accord de RCC, qu’il s’agisse de stipulations relatives aux «conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier» [29], aux «modalités de présentation et d'examen des candidatures au départ des salariés» [30] ou encore aux «critères de départage entre les potentiels candidats au départ» [31]. En l’espèce, les requérants ne niaient pas la présence de ces clauses dans l’accord portant RCC, mais estimaient que les stipulations fixant les modalités de validation des candidatures à la procédure de RCC ainsi que les critères de départage entre salariés en cas de pluralité de demandes de départ sur un même poste, étaient contraires au principe d'égalité, et qu'ainsi l'administration avait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en procédant à la validation de l'accord, justifiant dès lors, selon eux, l’annulation de sa décision. Là encore, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ne retient pas cette argumentation, en ce qu’il estime que l’article L. 1237-19-3 du Code du travail, relatif au contrôle administratif précédant la validation (ou le refus de validation) de l’accord de RCC, impose uniquement à la Direccte de s’assurer de la seule présence des clauses prévues par l’article L. 1237-19-1 et non de leur contenu, interprétant ainsi littéralement et restrictivement ce texte. Le tribunal affirme à ce titre qu’«il n'appartenait pas à l'administration de contrôler les modalités de mise en œuvre de la rupture conventionnelle collective fixées par l'accord collectif et librement négociées entre l'employeur et les organisations syndicales, mais seulement de s'assurer de la présence des clauses prévues à l'article L. 1237-19-1 du Code du travail ; que la décision contestée précise que l'accord inclut l'ensemble de ces clauses ; qu'en particulier, il ressort des termes de la décision attaquée que l'administration a vérifié la présence dans l'accord collectif des clauses portant sur les conditions que doit remplir le salarié pour pouvoir bénéficier de la rupture conventionnelle (3o), sur les modalités de présentation et d'examen des candidatures au départ des salariés (4o), sur les critères de départage entre les potentiels candidats au départ (6o) et enfin sur les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l'accord portant rupture conventionnelle collective (8o) ; qu'en définitive, l'administration a validé l'accord collectif du 2 mai 2018 après avoir effectué, de manière exhaustive et adéquate, le contrôle administratif qu'il lui appartenait d'exercer en application du 2o de l’article L. 1237-19-3 du Code du travail» [32].

 

Sur ce point, la décision du tribunal administratif semble critiquable. En effet, l’administration du travail estime, pour sa part, que si «un accord de RCC peut définir les types d'activités et postes sur lesquels les mesures de départs volontaires sont envisagées, de telles [stipulations] sont licites si elles respectent le principe d'égalité de traitement et si les règles déterminant les salariés éligibles au départ volontaire sont préalablement définies et objectives. L'administration [doit s’assurer] à ce titre que les critères de sélection des candidats au départ sont clairement définis et tiennent compte autant que possible de la viabilité du projet professionnel du salarié» [33]. Certes, les raisons pour lesquelles, en l’espèce les requérants estimaient que les stipulations relatives au traitement des candidatures à la RCC étaient contraires au principe d’égalité de traitement ne sont pas portées à notre connaissance, et bien que l’article L. 1237-19-3 enjoigne simplement à la Direccte de s’assurer de la seule «présence» de ces clauses, il semble toutefois que la Direccte ne devrait pas pouvoir valider un accord de RCC contraire au principe de l’égalité de traitement ou contenant des clauses discriminatoires, comme le souligne d’ailleurs l’administration [34].

 

De ce point de vue, il semble possible que la position du tribunal administratif soit censurée par le Conseil d’Etat qui déciderait d’appliquer les préconisations de l’administration quant au contrôle par la Direccte du respect du principe de l’égalité de traitement par l’accord de RCC [35]. Pour autant, il n’est pas certain qu’il retienne une telle interprétation et pourrait, à l’instar de la Cour de cassation, estimer que les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d'accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées, de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle [36]. Le Conseil d’Etat pourrait ainsi décider que les différences de traitement entre salariés s’agissant des potentiels candidats à l’accord de RCC instaurées par accord collectif seraient présumées justifiées, confirmant ainsi, en quelque sorte, la position du tribunal administratif, tout comme en matière de PSE les mesures de reclassement internes et externes prévues dans un plan adopté par accord collectif n’ont pas à faire l’objet d’un contrôle administratif de proportionnalité [37]

 

La position du Conseil d’Etat sur cette question est donc particulièrement attendue…

 

 

 

[1] Ordonnance n° 2017-1387 du 23 septembre 2017, relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail (N° Lexbase : L7629LGN), JORF, 24 septembre 2017.

[2] Sur ce dispositif, v. not. P. Morvan, La salade des ruptures conventionnelles, Dr. soc., 2018, p. 26 ; L. Marquet de Vasselot et A. Martinon, JCP éd. S, 2017, 1312 ; J.-M. Mir et F. Aknin, JCP éd. S, 2017, 1317 ; R. Dalmasso, Dr. ouvr., 2017, 649 ; G. Loiseau, SSL, 2017, n° 1788, p. 9 ; F. Géa, Un nouveau droit du licenciement économique ?, RDT, 2017, p. 636.

[3] Cass. soc., 26 octobre 2010, n° 09-15.187, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6142GCH), Bull. civ. V, n° 245, D., 2010, 2653, obs. L. Perrin ; ibid., 2011, 1246, obs. G. Borenfreund, E. Dockès, O. Leclerc, E. Peskine, J. Porta, L. Camaji, T. Pasquier, I. Odoul-Asorey et M. Sweeney ; Dr. soc., 2010, 1164, note F. Favennec-Héry ; RDT, 2010, 704, étude F. Géa ; SSL, 2010, n° 1465, p. 8, rapp. P. Bailly ; JCP éd. S, 2010, 1483, note G. Loiseau.

[4] V. le Questions-Réponses sur la rupture conventionnelle collective, mis en ligne sur le site du ministère du Travail le 19 avril 2018.

[5] Rapport au Président de la République sur l’ordonnance n° 2017-1387 du 23 septembre 2017, relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, JORF, 24 septembre 2017.

[6] C. trav., art. L. 1233-57-2 (N° Lexbase : L8609LGX) ; les PSE unilatéraux doivent quant à eux être homologués par la Direccte et sont l’objet à ce titre d’un contrôle «plus approfondi» en application de l’article L. 1233-57-3 du Code du travail (N° Lexbase : L8608LGW).

[7] C. trav, art. L. 1233-3 (N° Lexbase : L1446LKR), in fine.

[8] C. trav., art. L. 1237-16 (N° Lexbase : L1461LKC).

[9] C. trav., art. L. 1237-19-3 (N° Lexbase : L1458LK9) et s..

[10] A ce titre, il est intéressant de souligner qu’alors que la société défenderesse arguait de l’irrecevabilité de la demande du CHSCT, le tribunal administratif ne se prononce pas sur cette question. Or, il semble que, si cette irrecevabilité était soulevée devant le Conseil d’Etat celui-ci devrait considérer que le CHSCT n’a pas qualité à agir en contestation d’une décision de validation administrative d’un accord de rupture conventionnelle collective (RCC) dans la mesure où, d’une part, alors même que, en l’absence de comité social et économique (CSE), sa consultation est prévue en cas de projet de grand licenciement collectif dans une entreprise employant au moins 50 salariés, le Conseil d’Etat estime que le CHSCT ne peut contester la décision d’homologation/validation administrative du projet et du PSE qui l’accompagne (CE, 4° et 5° s-s-r., 21 octobre 2015, n° 386123, mentionné au recueil Lebon N° Lexbase : A0765NUU), et où, d’autre part, sa consultation n’est pas prévue au titre de la RCC, l’article 40, III, de l’ordonnance n° 2017-1387, du 22 septembre 2017, précitée, précisant qu’en l’absence de CSE, ses compétences en matière de RCC sont exercées par le comité d’entreprise, ou à défaut par les délégués du personnel.

[11] TA Cergy-Pontoise, 16 octobre 2018, n° 1807099 (N° Lexbase : A9471YHA), cons. 14.

[12] V. Questions-Réponses la rupture conventionnelle collective, préc., note 4.

[13] Dont l’administration souligne le caractère essentiel, puisque, pendant ce délai, aucun licenciement pour motif économique ne peut être prononcé par l’employeur ; v. Questions-Réponses la rupture conventionnelle collective, préc., note 4.

[14] V. Questions-Réponses la rupture conventionnelle collective, préc., note 4.

[15] Cass. soc., 15 janvier 1960, Bull. civ. V, n° 49 : «l’employeur […] est seul juge de savoir quels sont les salariés qu’il doit conserver dans l’intérêt de son entreprise» ; en ce sens déjà, Cass. soc.,  31 mai 1956, «Brinon», n° 56-04.323, publié (N° Lexbase : A6403CKD), JCP, 1956, II, 9397, note P. Esmein ; D., 1958, p. 21, note G. Levasseur ; Cass. soc., 27 janvier 1971, n° 70-40.120, publié (N° Lexbase : A1411CKH), Bull. civ. V, n° 54 ; Cass. soc., 18 décembre 1972, n° 72-40.068, publié (N° Lexbase : A0702CIT), Bull. civ. V, n° 695.

[16] Ass. plén., 8 décembre 2000, “SAT”, n° 97-44.219 (N° Lexbase : A0328AUP), Bull. Ass. pl., n° 11 ; GADT, 4ème éd., n° 115 ; Dr. soc., 2001, p. 126, concl. P. de Caigny, note A. Cristau ; JCP éd. E, 2001, p. 426, note F. Duquesne ; RJS, 2001, p. 567, chron. P. Waquet ; A. Jeammaud et M. Le Friant, Du silence de l’arrêt «SAT» sur le droit à l’emploi, Dr. soc., 2001, p. 417 ; G. Couturier, Licenciement économique : choix de l’employeur et contrôle du juge, Liais. soc. mag., février 2001, p. 58 ; P.-H. Antonmattei, Le motif économique de licenciement : les limites du contrôle judiciaire, RJS, 2001, p. 95.

[17] V. Rapport n° 194 (2017-2018) de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, déposé le 20 décembre 2017, III, 7, c.

[18] C. trav., art. L. 1233-57-2 (N° Lexbase : L8609LGX).

[19] V. Questions-Réponses la rupture conventionnelle collective, préc., note 4.

[20] V. Questions-Réponses la rupture conventionnelle collective, préc., note 4.

[21] TA Cergy-Pontoise, 16 octobre 2018, n° 1807099, préc., cons. 5.

[22] TA Cergy-Pontoise, 16 octobre 2018, n° 1807099, préc., cons. 5.

[23] TA Cergy-Pontoise, 16 octobre 2018, n° 1807099, préc., cons. 5.

[24] Ordonnance n° 2017/1387 du 22 septembre 2017, préc., art 40, III.

[25] C. trav., art. L. 2323-2, anc. (N° Lexbase : L5637KGU).

[26] Cass. soc., 5 mai 1998, «EDF», n° 96-13.498 (N° Lexbase : A2677AC7), Bull. civ. V, n° 219 ; GADT, 4ème éd., n° 159 ; Dr. ouv., 1998, p. 350, note D. Boulmier ; Dr. soc., 1998, p. 879, rapp. J.-Y. Frouin.

[27] TA Cergy-Pontoise, 16 octobre 2018, n° 1807099, préc., cons. 10.

[28] Directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs  (N° Lexbase : L9997AUS), JOCE n° L 225, 12 août 1998, p. 0016 – 0021.

[29] C. trav., art. L. 1237-19-1 (N° Lexbase : L1460LKB), 3°.

[30] C. trav., art. L. 1237-19-1, 4°.

[31] C. trav., art. L. 1237-19-1, 6°.

[32] TA Cergy-Pontoise, 16 octobre 2018, n° 1807099, préc., cons. 16

[33] V. Questions-Réponses la rupture conventionnelle collective, préc., note 4.

[34] V. Questions-Réponses la rupture conventionnelle collective, préc,. note 4.

[35] V. Questions-Réponses la rupture conventionnelle collective, préc., note 4.

[36] Cass. soc., 8 juin 2016, n° 15-11.324, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0807RSP) ; en ce sens déjà, à propos de salariés de catégories professionnelles différentes : Cass. soc., 27 janvier 2015, n° 13-22.179, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3401NA9) et n° 13-25.437, FS-P+B (N° Lexbase : A6934NA3), Dr. soc., 2015, p. 237, étude A. Fabre ; RDT, 2015, p. 339, obs. E. Peskine ; sur les évolutions jurisprudentielles en la matière, v., J.-G. Huglo, Accords collectifs et principe d'égalité de traitement, SSL, 2016, n° 1727, p. 8.

[37] C. trav., art. L. 1233-57-2 (N° Lexbase : L8609LGX).

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Soins psychiatriques sans consentement

[Brèves] Demande de mainlevée d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement : l’enregistrement doit être immédiat

Réf. : Cass. civ. 1, 7 novembre 2018, n° 17-27.618, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1752YK4)

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N6296BXH

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par Laïla Bedja

Le 14 Novembre 2018

► Le juge des libertés et de la détention est saisi d’une demande de mainlevée d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement par requête transmise par tout moyen permettant de dater sa réception au greffe du tribunal de grande instance et enregistrée dès sa réception ; il statue dans les douze jours à compter de cet enregistrement, qui ne peut être différé qu’en cas de circonstances exceptionnelles.

 

Telle est la solution retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 7 novembre 2011 (Cass. civ. 1, 7 novembre 2018, n° 17-27.618, FS-P+B+I N° Lexbase : A1752YK4).

 

Dans cette affaire, le 21 octobre 2016, le représentant de l’Etat dans le département a pris, à l’égard d’une personne, une décision de réadmission en soins sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète, en application des dispositions de l’article L. 3213-3 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L3006IYY) ; que ce dernier a saisi le juge des libertés et de la détention d’une demande de mainlevée de la mesure.

 

Pour dire que le juge a statué dans le délai imparti, l’ordonnance retient que si la requête est parvenue au greffe du tribunal de grande instance le 26 janvier 2017, elle n’a été reçue par le service du juge des libertés et de la détention que le 31 janvier, lequel l’a enregistrée le 3 février, de sorte que sa décision du 9 février a été rendue dans les douze jours à compter de l’enregistrement.

 

Tel n’est pas l’avis de la Haute juridiction, qui énonçant la solution susvisée, casse et annule l’ordonnance rendue par le premier président de la cour d’appel au visa des articles R. 3211-10 (N° Lexbase : L9939I3I), R. 3211-11 (N° Lexbase : L9938I3H) et R. 3211-30 (N° Lexbase : L9919I3R) du Code de la santé publique, ensemble les articles L. 123-1 (N° Lexbase : L5360LCI) et R. 123-1 (N° Lexbase : L3574IZE) du Code de l’organisation judiciaire (sur Le contrôle des mesures d’admission en soins psychiatrique par le JLD, cf. l’Ouvrage «Droit médical» N° Lexbase : E7544E9B).

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Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Exonération TVA : précisions pour les opérations de transport routier directement liées à l’exportation de biens

Réf. : CJUE, 8 novembre 2018, aff. C-495/17 (N° Lexbase : A5218YKH)

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N6309BXX

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par Marie-Claire Sgarra

Le 14 Novembre 2018

Les articles 146 et 153 de la Directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (N° Lexbase : L7664HTZ), doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une pratique fiscale d’un Etat membre en vertu de laquelle l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée, respectivement, pour les prestations de transport directement liées à des exportations de biens et pour les prestations de services effectuées par des intermédiaires intervenant dans ces prestations de transport est subordonnée à la production par le redevable de la déclaration en douane d’exportation des biens concernés ;

 

►A cet égard, il incombe aux autorités compétentes, aux fins de l’octroi desdites exonérations, d’examiner si la réalisation de la condition afférente à l’exportation des biens concernés peut être déduite avec un degré de vraisemblance suffisamment élevé de l’ensemble des éléments dont ces autorités sont à même de disposer ;

 

►Dans ce contexte, un carnet TIR (transit international routier) visé par les douanes du pays tiers de destination des biens produit par le redevable constitue un élément dont il incombe, en principe, auxdites autorités de tenir dûment compte, à moins que celles-ci n’aient des raisons précises de douter de l’authenticité ou de la fiabilité de ce document.

 

Telle est la solution retenue par la CJUE dans un arrêt du 8 novembre 2018 (CJUE, 8 novembre 2018, aff. C-495/17 N° Lexbase : A5218YKH).

 

En l’espèce, une société établie en Roumanie, est un intermédiaire en matière de services de transport de marchandises par route. A la suite d’un contrôle fiscal, celle-ci s’est vu notifier un avis d’imposition, au titre de la TVA relative à sept prestations de services de transport routier liées à des exportations de marchandises effectuées, pour trois d’entre elles, entre le mois de mars et le mois de mai 2012, vers la Turquie, pour deux d’entre elles, au mois d’août 2012, vers la Géorgie, pour la sixième, au mois de février 2013, vers l’Iraq, et pour la dernière, au mois d’avril 2014, à destination de l’Ukraine.

 

Selon le rapport établi à l’issue de ce contrôle fiscal et ledit avis d’imposition, la société au litige ne pouvait bénéficier de l’exonération de la TVA en ce qui concerne les services de transport concernés dès lors qu’elle n’avait pas été en mesure, lors dudit contrôle, de produire les déclarations en douane d’exportation permettant d’attester que les marchandises concernées avaient bien été exportées.

 

Cette dernière a saisi le tribunal de grande instance de Prahova d’un recours dirigé contre l’avis d’imposition. A l’appui de son recours, elle fait valoir que les documents qu’elle détient, en l’occurrence les carnets TIR et les documents de transport CMR visés par les services douaniers des pays tiers vers lesquels les exportations ont été réalisées, établissent la réalité desdites exportations et justifient que celles-ci soient exonérées de la TVA. La société précise en particulier que les carnets TIR comportent à la fois la mention des marchandises concernées et la certification d’un transit en douane du bureau de départ jusqu’au bureau de douane de destination.

 

En défense, l’administration fiscale fait valoir que les transports en cause au principal ne peuvent constituer des prestations de services exonérées de la TVA, dès lors que, si les documents produits par la société permettent d’établir la réalisation de prestations de transport sur un parcours extérieur au profit des exportateurs, ils n’apportent pas la preuve que les biens ont été effectivement exportés. Une telle preuve requerrait, en vertu de la législation fiscale en vigueur, la production de la déclaration en douane d’exportation. A cet égard, la juridiction de renvoi relève toutefois, notamment, que, en droit interne, il n’existe pas de disposition légale prévoyant expressément quel type de document apporte la preuve de l’exportation des marchandises transportées. Dans ces conditions, le tribunal administratif a sursis à statuer (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X8261ALK).

newsid:466309

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Fraude à la TVA : adoption de la Directive autorisant une autoliquidation généralisée temporaire

Réf. : Directive (CE) 2018/1695 du 6 novembre 2018, modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (N° Lexbase : L8038LMN)

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N6330BXQ

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par Marie-Claire Sgarra

Le 16 Novembre 2018

La Directive (CE) 2018/1695 du 6 novembre 2018 (N° Lexbase : L8038LMN), publiée au JOUE le 12 novembre 2018, modifie la directive TVA 2006/112, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (N° Lexbase : L7664HTZ), en ce qui concerne la période d'application du mécanisme facultatif d'autoliquidation aux livraisons de certains biens et prestations de certains services présentant un risque de fraude et du mécanisme de réaction rapide contre la fraude à la TVA.

 

Pour rappel, le Conseil européen avait, le 2 octobre 2018, marqué son accord sur une proposition qui autorise des dérogations temporaires aux règles normales en matière de TVA dans le but de mieux prévenir la fraude à la TVA.

 

Les Etats membres pourront recourir au mécanisme d'autoliquidation généralisé (MALG) uniquement pour les livraisons intérieures de biens et de services dépassant un seuil de 17 500 euros par opération et uniquement jusqu'au 30 juin 2022, dans des conditions techniques très strictes. En particulier, si un Etat membre souhaite appliquer cette mesure sur son territoire, il faut que 25 % de l'écart de TVA soit dû à la fraude carrousel. Cet Etat membre devra instaurer, entre autres, des obligations appropriées et efficaces en matière de communication d'informations par voie électronique dont devront s'acquitter tous les assujettis, en particulier ceux auxquels ce mécanisme s'appliquerait.

 

Le texte entrera en vigueur le 2 décembre 2018.

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