SOC. PRUD'HOMMES LG
COUR DE CASSATION
Audience publique du 23 novembre 2011
Cassation
M. BLATMAN, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt no 2434 F-D
Pourvoi no M 10-15.644
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
1o/ Mme Maryline Z Z, domiciliée HLM Super Gap,
appartement 58, bâtiment Gap,
2o/ le syndicat départemental CGT du commerce des Hautes-Alpes, dont le siège est Gap,
contre le jugement rendu le 8 février 2010 par le conseil de prud'hommes de Gap (section commerce), dans le litige les opposant
1o/ à la société Monoprix exploitation, société anonyme, dont le siège est Clichy-La Garenne cedex,
2o/ à la société Monoprix en son établissement de Gap, dont le siège est Gap,
défenderesses à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 25 octobre 2011, où étaient présents M. Blatman, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Goasguen, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller référendaire, M. Aldigé, avocat général, Mme Bringard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Goasguen, conseiller, les observations de la SCP Roger et Sevaux, avocat de Mme Z Z et du syndicat départemental CGT du commerce des Hautes-Alpes, de Me Carbonnier, avocat de la société Monoprix exploitation et de son établissement de Gap, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, qui est recevable
Vu les articles L. 1132-2 et L. 2511-1 du code du travail ;
Attendu que si l'employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour le paiement d'une prime, c'est à la condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que Mme Z Z est employée depuis le 29 juin 2000 par le Groupe Monoprix pour son établissement de Gap ; que le 1er juillet 2007, il a été instauré une prime d'objectif sur performance, dite POP, accordée en fonction du chiffre d'affaires et selon un critère de présence au cours du trimestre considéré dont des modalités sont précisées dans un document intitulé "Kit d'information sociale" ; que Mme Z Z ayant été absente pour cause de grèves nationales interprofessionnelles le 19 janvier et le 29 mars 2009, elle n'a pas perçu la prime "POP" pour ce trimestre ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de salaire à ce titre ainsi que de dommages-intérêts pour préjudice subi ; que l'union départementale CGT est intervenue à ses côtés ;
Attendu que pour débouter la salariée et le syndicat de leurs demandes, le conseil de prud'hommes retient que les motifs d'absence ayant une incidence sur l'attribution de la prime si la durée est supérieure à un jour sont indiqués page 7 du document et que la grève y figure avec les quatorze autres motifs ;
Qu'en statuant comme il a fait, alors que le document intitulé "Kit d'information sociale" relatif à la prime "POP" comporte une liste de motifs d'absences supérieures à une journée n'ayant pas d'impact sur la prime parmi lesquels figurent des congés conventionnels pour événements familiaux, ce dont il résultait que la suppression de la prime d'assiduité en cas de grève constituait une mesure discriminatoire, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 8 février 2010, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Gap ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Grenoble ;
Condamne la société Monoprix exploitation aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme Z Z et au syndicat départemental CGT du commerce des Hautes-Alpes la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour Mme Z Z et le syndicat départemental CGT du commerce des Hautes-Alpes
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Z Z et l'Union départementale CGT des Hautes-Alpes de leurs demandes de paiement de rappel de prime et de dommages et intérêts ;
Aux motifs que le kit d'information sociale fixe les conditions d'attribution de la prime d'objectif sur performance (dite prime POP) sur deux critères - un critère collectif le rapport du chiffre d'affaires réalisé / chiffre d'affaires budgétisé (kit d'information sociale no 2, p. 4) ; - un critère individuel la présence du salarié (un jour d'absence maximum admis dans le trimestre) en dehors des motifs d'absence énumérés dans le document (kit d'information sociale magasin no 2, p. 8) ; que dans ce même document page 7, les motifs d'absence ayant une incidence sur l'attribution de la prime si la durée est supérieure à un jour sont indiqués et que la grève y figure de la même façon [que] les 14 autres motifs ; que l'absence de Madame Z Z est supérieure à un jour dans le courant du 1er trimestre 2009 (le 19 janvier 2009 et le 29 mars 2009) ; que Madame Z Z reconnaît à l'audience que les mêmes critères d'attribution sont appliqués à l'ensemble des salariés, et qu'il n'y a pas lieu de considérer qu'elle a subi un préjudice ; que le motif de grève est retenu dans les absences n'ayant pas d'impact sur l'attribution de la prime si la durée de l'absence est supérieur ou égal à un jour franc dans le trimestre ; que le caractère discriminatoire de la non-attribution de la prime POP pour le motif d'absence du fait de grève n'est pas établi ;
Alors, d'une part, que la liste des absences n'ayant pas d'incidence sur l'attribution de la prime sur objectif de performance, même si elles sont supérieures à une journée, telles que figurant dans le kit d'information sociale no 2, ne comprend pas le motif de grève ; qu'en énonçant que celui-ci était retenu dans les absences n'ayant pas d'impact sur l'attribution de la prime si la durée en était supérieure à un jour, le conseil des prud'hommes a dénaturé les termes clairs et précis dudit kit d'information et violé l'article 1134 du Code civil ;
Alors, d'autre part, que si l'employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour le paiement d'une prime, c'est à la condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution ; qu'il résulte des énonciations du kit d'information qu'un certain nombre d'absences, au nombre desquelles ne figure pas la grève, sont sans impact sur l'attribution de la prime, quelle qu'en soit la durée ; que certains de ces motifs d'absence sont étrangers aux absences reconnues par la loi, a priori comme assimilées à un temps de travail effectif ; que dès lors, la Cour d'appel ne pouvait estimer que les règles gouvernant le retrait de la prime sur objectif de performance n'était pas discriminatoire à l'égard des salariés grévistes sans méconnaître les dispositions de l'article L.1132-2 et L.2511-1 du Code du travail ;
Et alors, subsidiairement, enfin qu'en se bornant à énoncer que la grève était énumérée avec d'autres motifs d'absence comme ayant une incidence sur l'attribution de la prime si la durée en est supérieure à une journée de travail, sans rechercher, comme l'y invitaient les écritures des exposants, s'il n'existait pas d'autres motifs d'absence, sans incidence sur le paiement de la prime, quelle qu'en ait été la durée, et sans rechercher s'il s'agissait d'absences prévues par la loi et assimilées par celle-ci à un temps de travail effectif, le conseil des prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des dispositions précitées ;