La lettre juridique n°309 du 19 juin 2008

La lettre juridique - Édition n°309

Social général

[Panorama] Panorama des arrêts inédits rendus par la Cour de cassation - Semaine du 9 juin 2008 au 13 juin 2008

Lecture: 4 min

N3635BGQ

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Le 07 Octobre 2010

Retrouvez, chaque semaine, une sélection des arrêts inédits de la Cour de cassation, les plus pertinents, classés par thème.
  • Absence de faute grave

Cass. soc., 11 juin 2008, n° 07-40.513, GIE Salac, groupement d'intérêt économique, F-D (N° Lexbase : A0629D98) : la cour d'appel a pu décider que les propos outranciers du directeur d'un groupement d'intérêt économique, dans un contexte de difficultés relationnelles croissantes, n'étaient pas d'une gravité telle qu'ils puissent être susceptibles de justifier un licenciement pour faute grave compte tenu du contexte, ainsi que de l'ancienneté du salarié et de la compétence professionnelle reconnue .

  • Lettre de licenciement / Motif de rupture

Cass. soc., 11 juin 2008, n° 07-42.180, Société BC Partner's immobilier, F-D (N° Lexbase : A0650D9X) : c'est le motif de rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire, ou non, du licenciement, peu important le recours, éventuellement fautif de l'employeur à une mise à pied conservatoire .

  • Licenciement / Absence de cause économique

Cass. soc., 11 juin 2008, n° 07-40.658, Société Cegid, F-D (N° Lexbase : A0631D9A) : sans se contredire, ni s'immiscer dans les choix de gestion de l'entreprise, la cour d'appel, qui devait vérifier si la modification du contrat de travail imposée par la société était justifiée par la nécessité de sauvegarder sa compétitivité, a retenu qu'elle visait, en réalité, à mettre fin à une situation jugée trop favorable au salarié et à aligner son mode de rémunération sur celui en vigueur dans la société absorbante, en vue d'améliorer sa rentabilité, en a exactement déduit que licenciement était dépourvu de cause économique .

  • Prime

Cass. soc., 11 juin 2008, n° 06-45.982, M. José Galocha, F-D (N° Lexbase : A0539D9T) : la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la société n'avait pas ratifié l'accord après la cessation du mandat social, en employant M. G. aux conditions qui avaient été convenues antérieurement, a privé sa décision de base légale car si l'acte nul de nullité absolue ne peut être rétroactivement confirmé, les parties peuvent renouveler leur accord ou maintenir, même tacitement, leur volonté commune lorsque la cause de nullité a disparu .

  • Préavis / Indemnité compensatrice

Cass. soc., 10 juin 2008, n° 07-43.076, Mme Monique Becker, F-D (N° Lexbase : A0656D98) : si le préavis n'est pas exécuté du fait de l'employeur, celui-ci doit payer l'indemnité compensatrice de préavis. La cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait unilatéralement rompu le contrat de travail par une lettre du 31 mars 1999 qui avait renouvelé à la salariée son refus de la conserver à son service .

  • L'action en exécution d'une convention ou d'un accord collectif exercée par un syndicat

Cass. soc., 11 juin 2008, n° 06-22.167, Syndicat CGT des salariés d'Eurocopter, F-D (N° Lexbase : A0534D9N) : la cour d'appel déclare irrecevable l'action du syndicat aux motifs qu'il n'établissait pas, dans d'autres entreprises relevant de la même profession, l'existence d'accords semblables à celui du 26 mars 1998, et que ce dernier n'était pas étendu. En statuant ainsi, alors qu'indépendamment de l'action réservée par l'article L. 135-5 (N° Lexbase : L5718ACR) devenu l'article L. 2262-11 du Code du travail aux syndicats liés par une convention ou un accord collectif de travail, les syndicats professionnels sont recevables à demander sur le fondement de l'article L. 411-11 (N° Lexbase : L6313ACS) devenu l'article L. 2132-3 de ce code l'exécution d'une convention ou d'un accord collectif de travail, même non étendu, son inapplication causant nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel a violé le texte susvisé .

  • Indemnités de chômage / Action en répétition

Cass. soc., 12 juin 2008, n° 07-12.253, Assedic Champagne Ardennes, F-D (N° Lexbase : A0555D9G) : pour débouter l'Assedic de ses demandes en répétition de l'indu, la cour d'appel énonce que le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage, prononcé à titre de sanction d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8990G74), sanctionne le seul employeur fautif et n'ouvre, dès lors, pas droit à l'Assedic d'agir contre l'assurée pour obtenir le remboursement des indemnités de chômage indûment servies. La cour d'appel a violé les articles 1235 (N° Lexbase : L1348ABK) et 1276 (N° Lexbase : L1386ABX) du Code civil car la condamnation de l'employeur sur le fondement de l'article L. 122-14-4, alinéa 2, du Code du travail, devenu l'article L. 1235-4 du même code, ne prive pas l'Assedic du droit d'agir en répétition des prestations indûment versées au salarié .

  • Temps de travail à temps partiel

Cass. soc., 12 juin 2008, n° 06-46.026, Mme Claude Sarlande, épouse Masson, F-D (N° Lexbase : A0541D9W) : les dispositions relatives au travail à temps partiel ne concernent que les entreprises, professions et organismes mentionnés aux articles L. 212-4-1 (N° Lexbase : L5305ACH) et L. 212-4-2 (N° Lexbase : L9587GQ7) du Code du travail, dans leur rédaction alors applicable, et ne sont donc pas applicables à des personnes engagées en qualité d'employé de maison et de jardinier et garde forestier pour être affectés à une résidence .

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Éditorial

Lutte contre les discriminations versus principe de traitement égalitaire : argutie juridique ou désaccord profond ?

Lecture: 3 min

N3496BGL

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de publication

Le 27 Mars 2014


A l'heure où d'aucuns se posent la question de l'utilité du Sénat et, plus généralement, du système bicamériste, lorsque la loi ne doit être que l'émanation de la volonté du Peuple souverain et égalitaire, la gestation de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, adoptée le 27 mai dernier, est un bel exemple de la complémentarité bicamérale du système institutionnel français. Cette complémentarité justifie ainsi pleinement le maintien du Sénat, institution des "Sages" dont le premier rôle est d'alerter l'opinion contre les atteintes à l'identité républicaine française.

Sur des sujets aussi consensuels que celui de la lutte contre les discriminations, on s'attendrait, pourtant, à une position commune de la part des députés comme des sénateurs, mais les débats orchestrés autour de l'adoption de cette loi sont le symbole d'une France divisée sur sa profession de foi : comment assurer l'égalité devant la loi ?

Bien évidemment, ni les députés, ni les sénateurs ne souhaitent attenter au sacro-saint principe gravé sur les frontons de la République. Mais, à la lumière de la transposition de cinq Directives européennes, sur injonction de la Commission, il apparaît clairement que l'approche des députés et celle des sénateurs, sur ce sujet, présente une différence de terminologie révélatrice des confrontations politiques à venir.

D'une part, le rapport du 6 février 2008 de Mme Isabelle Vasseur, député, rappelle une récente étude menée par le Bureau international du travail sur "Les discriminations à raison de l'origine dans les embauches en France", qui a montré que seuls 11 % des employeurs respectent une égalité de traitement lors du recrutement et que 70 % d'entre eux favorisent un candidat portant un nom français par rapport à un candidat portant un nom à consonance étrangère. La Commission de l'Assemblée nationale souligne, alors, la nécessité de transposer les Directives communautaires dans l'ordre juridique interne pour l'approfondissement de la lutte contre les discriminations en France. Ainsi, avec la loi nouvelle, sur laquelle revient, cette semaine, Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, les définitions sont précisées, le champ des discriminations prohibées est étendu et certaines garanties sont renforcées.

D'autre part et, en revanche, le rapport du 2 avril 2008 de Mme Muguette Dini, sénateur, souligne que la recherche d'efficacité semble avoir conduit le Gouvernement à sous-estimer des difficultés de forme et de fond. Ainsi, le texte porterait, en germe, sans que cela soit immédiatement perceptible, une dérive communautariste des rapports sociaux et professionnels éloignée de la vision républicaine française. L'amalgame qu'il crée entre discrimination et inégalité de traitement laisserait, ainsi, penser que les inégalités sont toujours dues à des discriminations. Cette manière de raisonner conduirait chacun à se replier sur ses différences, alors que le combat contre les discriminations gagnerait à s'appuyer sur la conception républicaine de l'égalité, qui cantonne les différences dans l'espace privé et rassemble les hommes autour d'un principe commun. Et, derrière cette question juridique, se profile une interrogation de fond : dans le combat contre les discriminations, veut-on inciter au repli sur soi, à l'excitation des identités particulières, ou veut-on faire valoir des valeurs et des principes communs ?

Lutte contre les discriminations versus principe de traitement égalitaire, si l'objectif est le même, la différence de terminologie et, au-delà, la différence d'approche du problème, marque une confrontation de la conception anglo-saxonne du problème, conception qui semble s'imposer au niveau européen et dans la société civile, à la tradition française de l'égalité des personnes, en tant qu'elles sont humaines, avant toute revendication d'une différenciation expliquant, pour mieux la condamner, une discrimination.

Pour Friedrich Hayek, "il y a toutes les différences du monde entre traiter les gens de manière égale et tenter de les rendre égaux. La première est une condition pour une société libre alors que la seconde n'est qu'une nouvelle forme de servitude". C'est ainsi tout le débat sur la discrimination positive qui, insidieusement, refait surface, opposant l'Assemblée nationale et la Communauté européenne, d'un côté, et le Sénat, de l'autre.

newsid:323496

Licenciement

[Jurisprudence] La Cour de cassation renforce l'obligation de reclassement externe, même conventionnelle

Réf. : Cass. soc., 28 mai 2008, n° 06-46.009, FS-P+B (N° Lexbase : A7828D8G)

Lecture: 9 min

N3636BGR

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

Les difficultés économiques de la société Moulinex avaient, en leur temps, suscitées l'intérêt des médias (délocalisation au profit d'un site situé à l'étranger pour cause de coûts de fabrication moindres et au final, fermeture du site), l'actualité étant, cette fois-ci, judiciaire : la Cour de cassation, dans un arrêt du 28 mai 2008, a censuré les arrêts rendus le 9 mai 2006 par la cour d'appel de Versailles (6ème chambre), en se rangeant aux arguments développés par les salariés. Mme P. et 114 autres salariés licenciés avaient saisi la juridiction prud'homale de demandes en rappel d'heures supplémentaires, puis, devant la cour d'appel, avaient sollicité des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en alléguant que l'employeur n'avait pas saisi les commissions territoriales de l'emploi ou les organisations professionnelles préalablement à leur licenciement, conformément aux dispositions de l'accord national du 12 juin 1987 sur les problèmes généraux de l'emploi dans la métallurgie. La Cour de cassation relève, d'une part, que l'employeur était tenu de respecter l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987, dont l'article 28 lui impose, lorsqu'il envisage de prononcer des licenciements pour motif économique, de rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi. D'autre part, la Cour décide que la méconnaissance par l'employeur de dispositions conventionnelles qui étendent le périmètre de reclassement et prévoient une procédure destinée à favoriser un reclassement à l'extérieur de l'entreprise, avant tout licenciement, constitue un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement et prive celui-ci de cause réelle et sérieuse.
Résumé

L'article 28 de l'Accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 impose à l'employeur, qui envisage de prononcer des licenciements pour motif économique, de rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi. La méconnaissance par l'employeur de dispositions conventionnelles, qui étendent le périmètre de reclassement et prévoient une procédure destinée à favoriser un reclassement à l'extérieur de l'entreprise, avant tout licenciement, constitue un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement et prive celui-ci de cause réelle et sérieuse.

Commentaire

I - Fondement de l'obligation de reclassement

A - Obligation légale

On se souvient que la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 (loi de modernisation sociale N° Lexbase : L1304AW9) avait introduit dans le Code du travail une obligation de reclassement préalable au licenciement pour motif économique (C. trav., art. L. 321-1 N° Lexbase : L8921G7K, devenu art. L. 1233-4 N° Lexbase : L9889HW8), consacrant directement une solution mise en place par la Cour de cassation. La loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 (loi portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques N° Lexbase : L9374A8P) avait confirmé cette solution et la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 (loi n° 2005-32 N° Lexbase : L6384G49) n'est pas revenue sur une règle très largement admise par la communauté des juristes et des praticiens.

L'inégalité entre salariés, selon la taille de l'entreprise et le nombre de licenciements, était, enfin, rompue : auparavant, seuls les salariés de grandes entreprises (plus de cinquante salariés), dans lesquelles étaient prononcés des licenciements collectifs, bénéficiaient de mesures de reclassement, au titre du plan de sauvegarde de l'emploi (soit 39 % de l'ensemble des licenciements économiques (1)). Désormais, le droit au reclassement est reconnu, y compris pour les petites entreprises, les licenciements collectifs inférieurs à dix salariés et les licenciements individuels.

B - Obligation conventionnelle

Le droit du reclassement collectif (associé à la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi) n'a pas, à l'origine, été mis en place, ni conçu par le législateur ou le juge, mais par les partenaires sociaux, dans le cadre de l'Accord national interprofessionnel du 10 février 1969 sur la sécurité de l'emploi (modifié par l'Accord du 20 octobre 1986, art. 10 à 14, titre III, réd. avenant 21 novembre 1974). On se souvient, également, que les dispositifs d'aide au reclassement proposés aux salariés dans l'hypothèse d'une restructuration (se traduisant par un licenciement économique collectif et la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi) se sont, également, inscrits dans un cadre conventionnel (Accord national interprofessionnel du 20 octobre 1986, convention de conversion ; Accord national interprofessionnel du 5 avril 2005, retranscrit dans une "convention relative à la convention de reclassement personnalisé", 27 avril 2005, s'agissant de la convention de reclassement personnalisé).

Si l'emploi est donc un objet très largement conventionnel au plan national, dans le champ interprofessionnel, les branches professionnelles ont, également, fait preuve de dynamisme (en atteste, l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987, invoqué par les salariés dans l'arrêt rapporté). Sans passer sous silence, bien-sûr, les accords d'entreprise, éléments souvent indispensables dans l'architecture juridique d'un projet de restructuration.

C - Obligation jurisprudentielle

La solution a été admise, en premier, par la Cour de cassation : l'obligation de reclassement, à la charge de l'employeur, est appréciée à l'aune du droit du licenciement : son défaut a pour incidence de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. La violation de l'obligation de reclassement emporte condamnation de l'employeur, le licenciement étant, alors, dépourvu de cause réelle et sérieuse. La jurisprudence est constante (Cass. soc., 17 mars 1999, n° 97-40.515, M. Stenger c/ Société Massini N° Lexbase : A4688AGQ, Dr. soc., 1999. 502, RJS, 5/1999, n° 666 ; Cass. soc., 30 mars 1999, n° 97-40.460, Société Roth, société anonyme c/ M. Roger Dury N° Lexbase : A3687C7P, Dr. soc., 1999, 635, obs. G. Couturier, RJS, 5/1999, n° 645) (2). Cette obligation s'impose à l'employeur, même quand un plan de sauvegarde de l'emploi a été établi (3).

II - Périmètre de l'obligation de reclassement

La doctrine (4) a été sensibilisée très tôt au seuil d'exigence que la Cour de cassation pose, s'agissant de l'obligation de reclassement, appréciée à l'aune de son contenu, de ses modalités. La jurisprudence a entendu de manière très large l'obligation de reclassement, qui porte aussi bien sur les emplois de reclassement proposés au sein de l'entreprise qu'en dehors de son périmètre.

A - Reclassement interne

  • Entreprise, établissements, succursales

Il n'existe aucune directive légale ou réglementaire imposant à l'employeur d'adapter son obligation de reclassement en fonction de la structure de l'entreprise. La Cour de cassation ne s'est pas arrêtée à cette difficulté. Sa volonté de pragmatisme l'a conduite à examiner le reclassement, individuel ou collectif, selon les possibilités réelles de l'employeur, examinées in concreto, d'après les capacités financières de l'entreprise, ses effectifs et sa structure. S'inspirant des solutions acquises en droit du reclassement individuel pour motif économique, les juges veillent à ce que le reclassement (individuel) ne se limite pas à un seul chantier ou à un seul magasin (Cass. soc., 17 juin 1992, n° 89-42.769, M. Poirier c/ Mme Lafrechoux N° Lexbase : A9438AAS, Bull. civ. V, n° 403).

  • Groupe

Le groupe est devenu une donnée juridique centrale dans l'appréciation du reclassement, quelles qu'en soient les formes juridiques : reclassement antérieur au licenciement économique individuel du salarié protégé (CE Contentieux, 18 janvier 1980, n° 10804, Ministre du Travail c/ Fédération des Cadres de la Chimie et des Industries annexes N° Lexbase : A7531AIR, D., 1980, 259, note A. Lyon-Caen ; CE Contentieux, 17 novembre 2000, n° 206976, Mme Marie-Louise Goursolas et autres N° Lexbase : A9603AH7 et n° 208993, M. Bruley N° Lexbase : A9613AHI, LSJ, n° 702, p. 7-9) ou du salarié ordinaire (Cass. soc., 7 mars 2001, n° 99-60.442, M. Marrucho et autre c/ Compagnie Laitière Besnieren qualité de société gérantede la SNC Laiterie de la Chevrolière N° Lexbase : A4872ARU, LSJ, n° 711, p. 4 ; Cass. soc., 5 avril 1995, n° 93-42.690, Société Thomson Tubes et Displays c/ Mme Steenhoute et autres N° Lexbase : A4018AA3, Bull. civ. V, n° 123, RJS, 5/1995, n° 497, D., 1995, 503, note M. Keller, D., 1995, somm. 367, obs. I. de Launay-Gallot, JCP éd. S, 1995, II, 22433, note G. Picca) ; reclassement du salarié inapte pour raison professionnelle (CA Poitiers, 26 février 1992, n° 01712/91, M. Pellae c/ Société française des transports pétroliers N° Lexbase : A5275DHT, RJS, 4/1992, n° 418, p. 245) ou non professionnelle. La jurisprudence a même étendu le périmètre du reclassement individuel pour motif économique à une société, membre d'une holding, qui détient une influence déterminante sur l'employeur (CA Limoges, 13 décembre 2000, n° 2000/370, SA Unitrans c/ Madame Josiane Guillot, D., 2001, IR 280 ; F. Duquesne, Les sphères du licenciement économique, TPS, juillet 2002, chron. n° 10, p. 5).

Dès lors, se posait la question de la définition du groupe de reclassement collectif. Car, une fois analysé le périmètre du reclassement, comprenant, désormais, le groupe, reste le point délicat de la définition à adopter. La recherche des possibilités de reclassement doit s'apprécier à l'intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités ou l'organisation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel (Cass. soc., 25 juin 1992, n° 90-41.244, M. Chevalier c/ Société Phocédis N° Lexbase : A3715AAT, Bull. civ. V, n° 420, Dr. soc., 1992, p. 832, concl. R. Kessous ; Cass. soc., 17 mai 1995, n° 94-10.535, Comité central d'entreprise de la société Everite c/ Société Everite N° Lexbase : A4058AAK, Bull. civ. V, n° 159 ; Cass. soc., 18 novembre 1998, n° 96-15.974, Société Kaysersberg c/ Syndicat Filpac CGT d'Alsace et autre N° Lexbase : A8142AY9, Bull. civ. V, n° 502 ; Cass. soc., 30 octobre 2001, n° 00-11.925, F-D N° Lexbase : A9879AWS, SSL, 12 novembre 2001, n° 1050).

  • Reclassement à l'étranger

En 2006, le pouvoir réglementaire avait tenté de fixer un régime juridique aux opérations de reclassement dont le périmètre géographique est spécifique, car les emplois de reclassement seraient proposés à l'étranger (instruction DGEFP n° 2006-01 du 23 janvier 2006, relative à l'appréciation de propositions de reclassement à l'étranger N° Lexbase : L6137HGE) (5).

La Cour de cassation a été sollicité à plusieurs reprises sur ce point assez délicat et a admis que le cadre territorial de la recherche de reclassement individuel dépasse le territoire français, pour s'appliquer, aussi, au cadre étranger (Cass. soc., 5 avril 1995, n° 93-42.690, préc.), sous réserve que la législation nationale n'empêche pas l'emploi de salariés étrangers, ce qui semble en droit communautaire a priori inconcevable, en raison du principe de libre circulation des travailleurs (Cass. soc., 7 octobre 1998, n° 96-42.812, Société Landis et Gyr Building Control c/ M. Bellanger N° Lexbase : A5643ACY, Bull. civ. V, n° 407, D., 1999, p. 310, note K. Adom, D., 1999, somm. 177, obs. B. Reynes).

Récemment, la Cour a reconnu que les possibilités de reclassement doivent s'apprécier à la date où les licenciements sont envisagés et être recherchées à l'intérieur du groupe, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer une permutation du personnel, même si certaines de ces entreprises sont situées à l'étranger, sauf à l'employeur à démontrer que la législation applicable localement aux salariés étrangers ne permet pas le reclassement (6).

B - Reclassement externe

En l'espèce, pour débouter les salariés de leur demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les juges du fond, après avoir relevé que le reclassement interne des salariés non repris n'était pas possible, ont retenu que l'absence de recherche de reclassement externe, hors les sociétés composant le groupe Moulinex, en ce qu'elle constitue une obligation distincte de l'obligation de reclassement préalable au licenciement économique, n'est pas de nature à vicier les licenciements prononcés le 19 novembre 2001.

Conformément à sa jurisprudence, la Cour de cassation (arrêt rapporté) expose une analyse de l'obligation de reclassement très différente de celle développée par les juges du fond. La Cour relève que l'article 28 de l'Accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 impose à l'employeur qui envisage de prononcer des licenciements pour motif économique de rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi.

Sans avoir à solliciter cet accord national sur l'emploi dans la métallurgie, il suffisait à la Cour de pointer l'insuffisance du raisonnement des juges du fond, pour lesquels le reclassement externe, hors les sociétés composant le groupe Moulinex, constitue une obligation distincte de l'obligation de reclassement préalable au licenciement économique, ce qui n'est pas du tout convaincant. La jurisprudence ne fait pas du reclassement externe une obligation distincte de l'obligation de reclassement préalable au licenciement économique ; les textes non plus .

III - Sanction pour manquement à l'obligation de reclassement

A - Sanctions prévues pour défaut de cause réelle et sérieuse

Jusqu'à présent, la Cour avait posé comme règle, seule, que le non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement, préalablement à son prononcé, le prive de cause réelle et sérieuse. L'objectif poursuivi était qu'imposer une nouvelle obligation à l'employeur, mais non assortie de sanctions, revenait à faire de cette obligation une chimère. Lorsqu'en 2002, l'obligation de reclassement est devenue codifiée (C. trav., art. L 1233-4, art. L. 321-1, anc.), la Cour a alors, très logiquement, maintenu ce même régime de sanctions.

Tout l'intérêt de l'arrêt rapporté est que la Cour prolonge la solution retenue jusqu'à présent, en admettant que la méconnaissance par l'employeur de dispositions conventionnelles, qui étendent le périmètre de reclassement et prévoient une procédure destinée à favoriser un reclassement à l'extérieur de l'entreprise avant tout licenciement, constitue un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement et prive celui-ci de cause réelle et sérieuse.

Finalement, que l'obligation de reclassement s'impose à l'employeur, qu'elle soit jurisprudentielle (avant la loi de modernisation sociale de 2002), légale et codifiée (depuis 2002) ou conventionnelle (par exemple, Accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987), le manquement de l'employeur à ses obligations déclenche le même régime de sanction (celui du défaut de cause réelle et sérieuse), quelle que soit l'origine de l'obligation de reclassement (jurisprudentielle, légale, conventionnelle).

B - Pas de nullité du licenciement

Contrairement au reclassement collectif (résultant de la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi), le reclassement individuel ne donne pas lieu à un régime de sanctions très sévères, puisque ni le législateur, ni le juge n'ont retenu comme sanction au manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, la nullité du licenciement (7).

On sait, en effet, que si le plan de sauvegarde de l'emploi présenté au comité d'entreprise peut-être modifié et amélioré dans son contenu au cours des réunions du comité d'entreprise, la procédure de consultation doit être entièrement reprise si le plan initial étant nul, l'employeur est amené à établir un plan de sauvegarde de l'emploi entièrement nouveau (8). De plus, la nullité qui affecte le plan social s'étend à tous les actes subséquents et, en particulier, les licenciements prononcés par l'employeur, qui constituent la suite et la conséquence de la procédure de licenciement collectif suivie par application de l'article L. 1233-61 du Code du travail , sont eux-mêmes nuls (9).


(1) O. Brégier, Les dispositifs publics d'accompagnement des restructurations en 2002, DARES, 1ères info., 1ères synthèses, août 2003, n° 35.1, p. 1.
(2) P.H. Antonmattéi, L'obligation de reclassement préalable au licenciement pour motif économique, Dr. soc., 2002, p. 274 ; B. Boubli, Réflexions sur l'obligation de reclassement en matière de licenciement pour motif économique, RJS, 3/1996, p. 131 ; G. Couturier, Vers un droit du reclassement ?, Dr. soc., 1999, p. 497 ; Plans sociaux et exigences de reclassement, Dr. soc., 1994, p. 436 ; F. Favennec-Héry, Le droit et la gestion des départs, Dr. soc., 1992, p. 581 ; F. Géa, Le principe de l'ultime remède et l'obligation prétorienne de reclassement en matière de licenciement pour motif économique, in C. Marraud et alii, La rupture du contrat de travail en droit du travail français et allemand, PU Strasbourg, 2000, 267 ; Licenciement pour motif économique : l'obligation générale de reclassement, RJS, 7-8/2000, p. 511 ; M. Grévy et alii, Les obligations de reclassement, Action juridique, n° 135, mars 1999, p. 383 ; F. Héas, Les obligations de reclassement en droit du travail, Dr. soc., 1999, p. 504 ; Le reclassement du salarié en droit du travail, 2000, LGDJ ; Droit au reclassement et plan de sauvegarde de l'emploi, dans Le licenciement pour motif économique après la loi de modernisation sociale, préf. A. Supiot, Litec, 2002, p. 273 ; M. Henry, Plans sociaux et reclassement, Dr. ouvrier, 1994, p. 21 ; D. Jourdan, Le droit au reclassement, SSL, supplément au n° 1038, 23 juillet 2001, p. 25 ; B. Lardy-Pélissier, L'obligation de reclassement, D., 1998, chron. 399.
(3) Cass. soc., 26 mars 2002, n° 01-42.397, Mme Katherine Cuiney c/ Société d'exploitation du Riva golf hôtel de Beauvallon (SERGHB), FS-P (N° Lexbase : A3835AYP), Travail et protection sociale, 2002, Comm. 181, obs. P.-Y. Verkindt, RJS, 6/02, n° 665 ; Cass. soc., 9 janvier 2002, n° 00-40.437, Coopérative Les Transporteurs réunis par La Flèche cavaillonnaise c/ M. Gérard Neitzel, F-D (N° Lexbase : A7670AXD), RJS, 3/02, n° 277 ; Cass. soc., 17 janvier 2001, n° 98-46.111, Société Imprimerie Bussière (N° Lexbase : A9307ASI), TPS, 2001, comm. 126, obs. P.-Y. Verkindt ; Cass. soc., 6 juillet 1999, n° 96-45.665, Société Plastic Omnium c/ M. Morisot et autre (N° Lexbase : A4667AGX), RJS, 10/1999, n° 1237 ; Cass. soc., 13 avril 1999, n° 97-41.934, Société Panzani William Saurin c/ M. Guichard (N° Lexbase : A4732AGD), RJS 5/1999, n° 643 ; Cass. soc., 7 juillet 1998, n° 96-41.565, Mme Germon-Vuillier c/ Groupe Origny (N° Lexbase : A5616ACY), Bull. civ. V, n° 370, RJS 8-9/1998, no 966 ; Cass. soc., 22 février 1995, n° 93-43.404, Mutuelle nationale des étudiants de France c/ M. Balvet et autres (N° Lexbase : A4022AA9), Bull. civ. V, n° 66, Dr. soc., 1995, p. 389, obs. J.-E. Ray, RJS, 6/1995, n° 633.
(4) M. Cohen, L'obligation de rechercher aussi un reclassement dans le groupe, RPDS, 1994, p. 203 ; G. Couturier, L'extinction des relations de travail dans les groupes de sociétés, in Les groupes de sociétés et le droit du travail, Ed. Panthéon-Assas, 1998 ; F. Duquesne, Les sphères du licenciement économique, Travail et protection sociale, juillet 2002, chron. n° 10 ; M. Henry, Circulation et reclassement des salariés dans les groupes de sociétés incidences sur les relations individuelles de travail, CSB, septembre-octobre 1996, n° 83, p. 263 ; R. Kessous, La recherche d'un reclassement dans le groupe, préalable au licenciement économique, Dr. soc., 1992, p. 826 ; A. Lyon-Caen, Le contrôle par le juge des licenciements pour motif économique, Dr. ouvrier, 1995, p. 281 ; A. Teissier, L'obligation de reclassement dans le groupe, JCP éd. E, 2000, 1606 ; B. Teyssié, Libres propos sur quelques mots, Mélanges M. Cabrillac, 1999, Litec, p. 807, spéc. 821 ; Q. Uurban, Le licenciement pour motif économique et le groupe, Dr. soc., 1993, p. 272.
(5) Lire nos obs., (Im)précisions réglementaires sur l'emploi de reclassement à l'étranger, Lexbase Hebdo n° 203 du 22 février 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4881AKY).
(6) Cass. soc., 4 décembre 2007, n° 05-46.073, Mme Pascale Geoffroy, FS-P+B (N° Lexbase : A0284D3W) et nos obs., Licenciement économique : appréciation du périmètre géographique du reclassement, Lexbase Hebdo n° 286 du 20 décembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N5547BDS).
(7) Cass. soc., 26 février 2003, n° 01-41.030, M. Albert Benarroche c/ Société Trigano Industries, F-P (N° Lexbase : A2923A7E), Bull. Civ. V, n° 70.
(8) Jurisprudence "Sietam" : Cass. soc., 16 avril 1996, n° 93-20.228, Société Sietam industries c/ Comité central d''entreprise de la société Sietam industries (N° Lexbase : A2041AAT), Bull. civ. V, n° 165, JCP éd. E, 1996, II. 836, note Picca, JCP, éd. E, 1996. II. 597, n° 15, obs. P. Coursier, Dr. soc., 1996, p. 484, note A. Lyon-Caen, RJS, 5/1996, p. 311, concl. R. Kessous ; M. Miné, Consultation du comité d'entreprise et procédure de licenciement collectif pour motif économique, Dr. ouvrier, 1996, p. 317.
(9) Cass. soc., 13 février 1997, n° 96-41.875, Société des Grands Magasins de la Samaritaine c/ Mme Benoist et autre (N° Lexbase : A9112AAQ), Bull. civ. V, n° 64, D., 1997, p. 171, note A. Lyon-Caen, Dr. soc., 1997, p. 254, concl. av. gén. P. de Caigny, Dr. ouvrier, 1997, p. 96, note P. Moussy; JCP éd. S, 1997, II, 22843, chron. F. Gaudu.

Décision

Cass. soc., 28 mai 2008, n° 06-46.009, FS-P+B (N° Lexbase : A7828D8G)

Cassation (CA Versailles, 6ème ch., 9 mai 2006, 3 arrêts)

Textes visés : C. trav., art. L. 1233-4 et L. 122-14-4 ; article 28 Accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987

Mots-clefs : licenciement économique ; obligation de reclassement ; périmètre du reclassement ; reclassement externe ; commission territoriale de l'emploi ; violation par l'employeur ; sanctions ; licenciement ; défaut de cause réelle et sérieuse.

Lien base :

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Droit social européen

[Textes] Présentation sommaire de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

Réf. : Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (N° Lexbase : L8986H39)

Lecture: 3 min

N3589BGZ

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par Fany Lalanne, Rédactice en chef Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

  • Objet : une nécessaire mise en conformité avec les Directives européennes

Adoptée définitivement par le Parlement le 15 mai 2008 et publiée au Journal officiel du 28 mai 2008, la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations a pour objet de compléter la transposition de plusieurs Directives communautaires en matière d'égalité de traitement (Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique N° Lexbase : L8030AUX ; Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail N° Lexbase : L3822AU4 ; Directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 N° Lexbase : L9630A4G, modifiant la Directive 76/207/CEE du Conseil du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail N° Lexbase : L9232AUH). La Commission européenne reproche, en effet, au législateur français, de ne pas avoir inscrit en droit interne la définition des discriminations directes et indirectes, du harcèlement moral et du harcèlement sexuel ; mais, également, d'avoir imparfaitement transposé celles des dispositions qui interdisent d'enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination, et celles qui assurent la défense des droits des victimes de discriminations. Ces différentes mises en conformité avec le droit communautaire permettent, par ailleurs, d'assurer la transposition, dont le délai expire le 15 août 2008, d'une partie des dispositions de la Directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L4210HK7), qui procède à la refonte de directives antérieures, et de transposer la Directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004, mettant en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services (N° Lexbase : L5024GUM), le délai de transposition expirant le 21 décembre 2007.

  • Une vocation volontairement généraliste

Outre ces considérations techniques, l'ambition du texte reste modeste et l'objet limité -il ne s'agit, finalement, comme l'indique son intitulé, que de procéder à certains ajustements pour assurer une meilleure transposition de certaines directives européennes. Pour autant, une singularité certaine mérite d'être remarquée. En effet, sa vocation généraliste induit, logiquement, que le nouveau texte ne vise pas une refonte du dispositif français de lutte contre les discriminations qui est, soulignons-le, déjà bien établi et fort de plusieurs textes législatifs fondamentaux. Mais ces diverses lois ont en commun, à l'exception de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 (N° Lexbase : L5199GU4), qui a créé la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), de compléter ou de modifier des codes existants ou de grandes lois de référence (en fonction publique essentiellement). Tel n'est pas le cas de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, alors même que ses dispositions interfèrent avec des dispositions d'ores et déjà en vigueur. A ces objections, le Gouvernement indique avoir prévu des dispositions transversales non codifiées, qui lui paraissaient mieux à même de garantir une application homogène de l'ensemble du dispositif anti-discrimination à tous les secteurs concernés, et ce, sans courir le risque d'omettre certaines coordinations. Pour autant, sa visibilité s'en trouve, ainsi, réduite. Cette assertion est d'autant plus remarquable en droit social, aucune des dispositions n'étant spécifiques au droit du travail et, a fortiori, codifiées, si ce n'est l'article 6.

Elle ne saurait, cependant, ôter tout intérêt à la nouvelle loi qui, il faut tout de même le souligner, a le mérite d'apporter quelques précisions utiles au dispositif juridique existant, notamment, en matière de discriminations sexuelles. Conforme aux exigences européennes, restera au législateur français à assurer une meilleure cohérence en droit interne en harmonisant, entre autres, les différents critères de discrimination.

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Sécurité sociale

[Jurisprudence] Versement destiné aux transports en commun : question de seuils...

Réf. : Cass. civ. 2, 5 juin 2008, n° 07-14.847, Urssaf de Loire-Atlantique c/ Société EXA, FS-P+B (N° Lexbase : A9331D84)

Lecture: 7 min

N3520BGH

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010


Difficile de s'y retrouver dans les seuils d'effectif. Le versement transport offre un nouvel exemple des difficultés liées au recours à des seuils d'effectif pour déterminer l'assujettissement des entreprises à certaines obligations ou l'accroissement des obligations des entreprises. D'un côté, en effet, une disposition soumet les entreprises de plus de 9 salariés (donc à partir de 9,... salariés) au versement d'une contribution transport. D'un autre côté, ce même texte dispense les entreprises de 10 salariés et plus du versement de la contribution pendant trois ans et leur permet de bénéficier d'un abattement pendant les trois années suivantes. Quid des entreprises se situant entre les 9,... et 10 salariés ? Peuvent-elles bénéficier de l'exonération et du versement progressif ? C'est à cette question que devait répondre la Cour de cassation dans une décision du 5 juin 2008.
La réponse donnée par la Haute juridiction emporte quelques réflexions.
Résumé


La comptabilisation des salariés à temps partiel au prorata de leur temps de présence, c'est-à-dire pour une fraction d'unité, pour l'appréciation du dépassement du seuil entraînant l'assujettissement au versement de transport conduit à l'assujettissement des entreprises dont le nombre de salariés, ainsi calculé, s'avère supérieur à 9, sans que le fait qu'il puisse être inférieur à 10 soit de nature à les priver du bénéfice de la dispense et de la dégressivité du versement, dès lors que, dans cette hypothèse, l'effectif de 10 salariés employés sans distinction de durée du travail est nécessairement atteint.


Commentaire


I - Régime du "versement transport"


  • Objet du versement transport


Le versement transport a été mis en place en 1971. Il permet de faire participer les entreprises au financement des transports en commun. Depuis 2000, il concerne toutes les communes de plus de 10 000 habitants. Ce versement est dû par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui emploie plus de 9 salariés. Seules les fondations et associations reconnues d'utilité publique à but non lucratif et dont l'activité est à caractère social en sont dispensées.


L'assiette du versement est l'ensemble des rémunérations soumises à cotisations sociales, sans application du plafond. Le taux du versement est variable. L'Urssaf assure le recouvrement de ce versement. Dans certains cas, les entreprises assujetties peuvent demander le remboursement des sommes versées (CGCT, art. L. 2333-70 N° Lexbase : L8984AAY, L. 2531-6 N° Lexbase : L9200AAY, D. 2531-5 N° Lexbase : L2145ALZ et D. 2333-89 N° Lexbase : L1891ALM).


  • Conditions d'assujettissement de l'entreprise au versement transport


Selon l'article L. 2333-64 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L7904HBD), les entreprises situées hors de l'Ile-de-France qui emploient plus de 9 salariés peuvent être assujetties au versement d'une somme destinée au financement des transports en commun.


Ce versement est limité aux entreprises atteignant le seuil de 9 salariés ayant leur siège dans une commune ou une communauté urbaine dont la population est supérieure à 10 000 habitants ou se situant dans le ressort d'un établissement public de coopération intercommunale compétent pour l'organisation des transports urbains, lorsque la population des communes membres de l'établissement atteint le seuil de 10 000 habitants.


Ce texte prévoit, dans son second alinéa, que les employeurs qui, en raison de l'accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent l'effectif de 10 salariés, sont dispensés pendant trois ans du paiement du versement. Il est, en outre, précisé que le montant du versement est réduit de 75 %, 50 %, 25 %, respectivement, chacune des trois années suivant la dernière année de dispense.


Par exception, la dispense de versement n'est pas applicable lorsque l'accroissement de l'effectif résulte de la reprise ou de l'absorption d'une entreprise ayant employé 10 salariés ou plus au cours de l'une des trois années précédentes. Dans ce cas, le versement est dû dans les conditions de droit commun dès l'année au cours de laquelle l'effectif de 10 salariés est atteint ou dépassé.


C'est de l'assujettissement de l'entreprise à ce versement et de sa dispense dont il était question dans la décision commentée.


  • Espèce


A la suite d'un contrôle, l'Urssaf avait remis en cause la dispense de paiement du versement transport dont une société avait pensé être exempté, en application de l'alinéa 2 de l'article L. 2333-64 du Code général des collectivités territoriales. L'Urssaf considérait, en effet, qu'en 1997, l'effectif de la société ayant atteint 9,15 salariés (après prise en compte des salariés à temps partiel au prorata de leur durée de travail), elle s'était trouvée assujettie au versement de transport.

Pour la période litigieuse la société ne pouvait donc bénéficier que des réductions prévues pour les 5ème et 6ème année suivant celle de l'assujettissement.

La société avait contesté cette décision.


La cour d'appel avait annulé la décision de l'Urssaf. Elle avait, en effet, considéré que le seuil de 10 salariés constitue, à la fois, la condition d'assujettissement au versement transport et la condition pour bénéficier de la progressivité, la loi n'ayant pu envisager qu'un effectif puisse se situer entre 9 et 10 personnes, même s'il peut y avoir dans l'entreprise des salariés à temps partiel.


La deuxième chambre civile de la Cour de cassation ne voit pas les choses de la même manière. Elle considère, en effet, que la comptabilisation des salariés à temps partiel au prorata de leur temps de travail (c'est-à-dire par fraction d'unité), pour l'appréciation du dépassement du seuil entraînant l'assujettissement au versement transport, conduit à l'assujettissement des entreprises dont le nombre, ainsi, calculé s'avère supérieur à 9. La Haute juridiction poursuit en affirmant que le fait que l'effectif de l'entreprise soit inférieur à 10 n'est pas de nature à priver les entreprises du bénéfice de la dispense et de la dégressivité du versement, dès lors que, dans cette hypothèse, l'effectif de 10 salariés employés sans distinction de durée du travail est nécessairement atteint.


Dans l'espèce, l'effectif de 9,15 salariés ayant été atteint après prise en compte d'employés à temps partiel au prorata de leur durée du travail, l'entreprise se trouvait nécessairement soumise au versement de la contribution transport, contrairement à ce qu'avait affirmé la cour d'appel.


Bien que la décision aille de soi, le principe retenu reste difficile à comprendre. On ne peut que regretter le manque de clarté de la Haute juridiction.


II - Une décision peu claire


Pourquoi trouve-t-on deux seuils distincts dans une même disposition ? La question est d'autant plus pertinente que les deux seuils sont très proches : plus de 9 salariés pour être assujetti à l'obligation, 10 salariés et plus pour en être dispensé...


  • Détermination de l'effectif de l'entreprise pour le versement des cotisations sociales


La détermination de l'effectif de l'entreprise est effectuée en application de l'article R. 243-6 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4910HZU). C'est ce principe dont fait application la Haute juridiction dans la décision commentée.


Ce texte a trait au recouvrement des cotisations sociales par les Urssaf. Il prévoit le principe du versement, les modalités de versement, ainsi que les règles permettant de déterminer l'effectif de l'entreprise.

Le dernier alinéa de l'article R. 243-6 du Code de la Sécurité sociale prévoit, ainsi, que "chaque salarié à temps partiel est pris en compte dans l'effectif du personnel au prorata du rapport entre la durée hebdomadaire de travail mentionnée dans son contrat et la durée légale du travail ou si elle est inférieure, la durée normale de travail accomplie dans l'entreprise ou l'établissement ou il est employés".

Ainsi, bien que toute personne assujettie au régime général des salariés soit incluse dans l'effectif de l'entreprise (CSS, art. L. 311-2 N° Lexbase : L5024ADG et L. 311-3 et s. N° Lexbase : L0590HWR), si cette personne est à temps partiel, sa prise en compte devra se faire au prorata. Le principe retenu par la Haute juridiction n'est donc pas nouveau.


Par conséquent, il est donc logique que, dans la mesure où le seuil de 9 salariés était dépassé, l'entreprise soit soumise au versement transport.


Quid de la dispense ? La prise en compte des salariés à temps partiel au prorata de leur temps de travail est-elle également prescrite ? Dans son attendu de principe, la Haute juridiction donne la solution.


  • Particularité de la dispense et de la dégressivité


La règle n'est pas exactement la même. La Haute juridiction, dans la décision commentée précise, en effet, que,"dès lors que dans cette hypothèse (celle du seuil supérieur à 9 avec décompte au prorata et inférieure à 10), l'effectif de 10 salarié employés sans distinction de durée est nécessairement atteint", le fait que l'effectif puisse être inférieur à 10 n'est pas de nature à priver les entreprises de la dispense et de la dégressivité.

Ainsi, pour apprécier le droit à dispense de l'entreprise, il convient de ne pas prendre en compte le salarié à temps partiel pour une fraction d'unité, mais de le décompter sans distinction de durée.


En application d'une telle règle, lorsque l'effectif de l'entreprise se situe entre 9 et 10 en raison de l'application du prorata, il atteint forcément 10 si l'on ne tient pas compte de la durée du travail du salarié. L'entreprise assujettie se trouve donc dispensée.


Cette solution, malgré son caractère favorable à l'entreprise, semble difficile à admettre. On ne voit pas exactement ce qui justifie cette particularité du décompte de l'effectif pour la détermination du seuil de 10 salariés.


Qu'il s'agisse du seuil supérieur à 9 salariés prescrit pour la mise en place de l'obligation ou du seuil de 10 salariés imposé pour la dispense, les travailleurs à temps partiel doivent être décomptés de la même manière et, singulièrement, compte tenu des règles posées par l'article R. 243-6 du Code de la Sécurité sociale.


Le texte est clair et ne contient aucune particularité. Au-delà de 9 salariés, l'entreprise doit contribuer, au-delà de 10 salariés, elle est temporairement exonérée. Entre les deux, elle contribue sans pouvoir bénéficier d'une quelconque dispense. C'est, sans doute, dans un souci d'équité que la Haute juridiction a retenu cette particularité pour déterminer le seuil de 10 salariés.


Décision


Cass. civ. 2, 5 juin 2008, n° 07-14.847, Urssaf de Loire-Atlantique c/ Société EXA, FS-P+B (N° Lexbase : A9331D84)


Cassation de CA Rennes (chambre sécurité sociale), 14 mars 2007


Mots clefs : versement transport ; seuil d'assujettissement ; atténuation des règles de seuil pour la dispense et la dégressivité du versement.


Lien Base : (N° Lexbase : E3879AU9)

newsid:323520

Procédure administrative

[Panorama] Contentieux administratif : panorama du premier semestre 2008

Lecture: 11 min

N3510BG4

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de faire le point sur l'actualité ayant marqué le premier semestre 2008 en matière de contentieux administratif. Seront abordés, dans une première partie, la compétence du Conseil d'Etat en matière d'appel et en cas d'appel d'un jugement sur recours en appréciation de légalité, ainsi que la compétence des tribunaux administratifs en premier et dernier ressort et la limite apportée à leur pouvoir de statuer en présence d'une série. Dans une seconde partie, seront abordés les délais de recours, la formalisme de procédure de recours, la procédure d'urgence, ainsi que l'annulation de textes règlementaires à effet rétroactif. I - Précisions sur le périmètre de la compétence du juge administratif

A - Compétence du Conseil d'Etat

  • De la compétence du Conseil d'Etat en matière d'appel : CE 2° et 7° s-s-r., 3 mars 2008, n° 299444, M. Derrien (N° Lexbase : A3453D7Z).

A la suite de sa saisine, un tribunal administratif, d'une part, a rejeté pour irrecevabilité les conclusions d'une partie de la demande, et, d'autre part, a transmis au Conseil d'Etat le surplus de la demande. Saisi par le requérant d'un appel contre une seule partie du jugement d'un tribunal administratif, le président de la cour administrative d'appel de Paris a renvoyé au Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article R. 351-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L2998ALM), l'examen des conclusions dont il était saisi. Le Conseil indique que des demandes distinctes relevant de voies de recours différentes ne sauraient présenter entre elles un lien de connexité. Par suite, saisi d'une requête en qualité de juge statuant en premier et dernier ressort, il ne saurait être saisi, par la voie de la connexité, des conclusions d'une requête d'appel. Or, la demande transmise par le président de la cour administrative d'appel, dirigée contre le jugement du tribunal administratif, ne relève pas de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d'Etat. Le Conseil en conclut que c'est par une inexacte application des articles R. 341-1 (N° Lexbase : L2983AL3) et R. 351-2 du code précité, que le président de la cour administrative d'appel de Paris lui a renvoyé l'examen de la requête. En effet, il résulte des dispositions de l'article R. 341-1 que le Conseil d'Etat, saisi d'une requête ressortissant à sa compétence en premier et dernier ressort, est également compétent pour statuer sur une requête connexe à la précédente dont il est saisi, alors même que celle-ci ressortit normalement à la compétence en premier ressort d'un tribunal administratif. Dans un arrêt rendu le 14 mai 2007, le Conseil d'Etat précise que la solution du litige relatif à la légalité d'un permis de construire n'est pas nécessairement subordonnée à celle du litige portant sur la légalité de la déclaration d'utilité publique (CE, 9° et 10° s-s-r., 14 mai 2007, n° 294660, Syndicat mixte du parc naturel régional de la montagne de Reims N° Lexbase : A3897DWA ).

  • De la compétence du Conseil d'Etat en cas d'appel d'un jugement sur recours en appréciation de légalité : CE 1° et 6° s-s-r., 7 mars 2008, n° 297831, Commune du Lavandou (N° Lexbase : A3840D7D).

Il résulte des dispositions des articles R. 321-1 (N° Lexbase : L2976ALS) et R. 222-1 (N° Lexbase : L2818HWB) du Code de justice administrative, que, lorsqu'une cour administrative d'appel est saisie d'un recours dirigé contre un jugement d'un tribunal administratif statuant sur un recours en appréciation de légalité, son président doit transmettre sans délai le dossier au Conseil d'Etat, sauf irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance. En rejetant comme manifestement irrecevable la requête d'une commune présentée devant une cour administrative d'appel et tendant à l'annulation du jugement d'un tribunal administratif, au motif qu'elle avait été introduite devant une juridiction incompétente pour en connaître alors que la lettre de notification du jugement en question précisait les voies et délais de recours, le président de la première chambre de la cour administrative d'appel a donc commis une erreur de droit. En revanche, dans un arrêt du 22 février 2008 (CE 1° et 6° s-s-r., 22 février 2008, n° 301912, M. Fauson N° Lexbase : A3716D7R), la Haute juridiction administrative a indiqué que les présidents de cours administratives d'appel peuvent, par ordonnance, rejeter les requêtes pour défaut de production du jugement attaqué, sans avoir à en demander la régularisation préalable, lorsque l'obligation de cette formalité a été mentionnée dans la notification du jugement. Signalons, cependant, que le juge administratif ne peut rejeter par ordonnance une requête pour défaut de production de la décision attaquée, si le délai laissé à la partie concernée pour régulariser sa requête n'a pas été valablement respecté (CAA Douai, 1ère ch., 24 mai 2006, n° 05DA01517, M. Pierre Courmont N° Lexbase : A5603DQL).

B - Compétence et prérogatives des juridictions du fond

  • Compétence des tribunaux administratifs en premier et dernier ressort : CE 5° s-s., 20 février 2008, n° 274861, SCI Lucien Hellouin (N° Lexbase : A0418D7M) ; CE 2° et 7° s-s-r., 2 avril 2008, n° 283999, Mme Zeggai (N° Lexbase : A7540D7E).

Dans un arrêt du 20 février 2008, le Conseil d'Etat rappelle que la mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat pour refus opposé à une demande de concours de la force publique pour exécuter une décision de justice relève, selon l'article R. 222-13 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L7154HZY), des litiges sur lesquels le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. Dans cette affaire, une SCI avait obtenu la résiliation des baux qu'elle avait conclus avec deux personnes, et, d'autre part, l'expulsion des intéressés dans un délai de trois mois. N'ayant pas obtenu le concours de la force publique pour obtenir l'exécution de ces décisions de justice, elle demande l'indemnisation par l'Etat de ce préjudice. Il appartenait donc à la cour administrative d'appel de transmettre ces requêtes au Conseil d'Etat et non, comme elle l'a fait par l'ordonnance attaquée, de la rejeter comme manifestement irrecevable. Le tribunal administratif est, également, compétent en premier et dernier ressort concernant les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques et les litiges en matière de pensions. Cependant, dans un arrêt du 2 avril 2008, le Conseil a indiqué que ce principe connaît une exception concernant les recours comportant des conclusions tendant au versement ou à la décharge de sommes d'un montant supérieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 (N° Lexbase : L2820HWD) et R. 222-15 (N° Lexbase : L2804ALG) du code précité, à savoir, notamment, 10 000 euros.

  • Encadrement de la possibilité donnée aux tribunaux administratifs de statuer par ordonnance en présence d'une série : CE 4° et 5° s-s-r., 20 février 2008, n° 294396, Ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire c/ M. Waterlot (N° Lexbase : A0443D7K).

Les tribunaux administratifs ne peuvent statuer par ordonnance en présence d'une série si le sens de la solution dépend d'une appréciation spécifique différente de la précédente décision passée en force de chose jugée, indique le Conseil d'Etat dans un arrêt du 20 février 2008. L'article R. 222-1 6° du Code de justice administrative (N° Lexbase : L4210HBK) énonce que "les présidents de formation de jugement des tribunaux [...] peuvent, par ordonnance : [...] 6° Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée [...]". En l'espèce, la cour administrative d'appel avait indiqué que la demande, dont le juge du tribunal administratif était saisi, soulevait le même moyen, tiré de l'absence de délivrance au conducteur, au moment de l'infraction, de l'information prévue par le Code de la route, que celui retenu par le tribunal dans un jugement passé en force de chose jugée, les faits de l'espèce conduisant à retenir une solution identique à celle de ce jugement. Pour la cour, il avait donc légalement fait application de son pouvoir de statuer par ordonnance en présence d'une série. La Haute juridiction administrative indique que, toutefois, si le présent litige présentait une question de droit identique à celle posée dans une précédente décision passée en force de chose jugée, le sens de la solution à y apporter dépendait d'une appréciation spécifique des données de fait propres à l'affaire. La cour administrative d'appel a donc commis une erreur de droit. Par ailleurs, dans un arrêt rendu le 6 juillet 2006, la cour administrative d'appel de Douai a énoncé qu'une ordonnance qui vise deux avis du Conseil d'Etat examinant séparément des questions distinctes et non pas une décision ou un avis tranchant ou examinant ensemble les questions identiques à celles que les requêtes qui ont été jointes présentaient à juger, ne permet aucunement de vérifier que le premier juge a statué sur une requête relevant d'une série.

II - Les voies de recours et les recours pour excès de pouvoir

A - Les voies de recours

1) Les délais de recours

  • Du délai dont dispose l'Etat pour se pourvoir en cassation : CE 4° et 5° s-s-r., 19 mars 2008, n° 301797, Ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire c/ Société Poitevin constructions (N° Lexbase : A5057D7G).

L'Etat dispose de deux mois à compter de la notification au préfet de l'arrêt litigieux pour se pourvoir en cassation, a rappelé le Conseil d'Etat dans un arrêt du 19 mars 2008. Dans les faits rapportés, l'arrêt dont l'annulation est demandée a été notifié au préfet qui assurait la défense de l'Etat devant la cour administrative d'appel le 1er septembre 2006, avec copie au ministre des Transports, intéressé au litige. La Haute juridiction administrative rappelle qu'en application des dispositions de l'article R. 821-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3299ALR), l'Etat disposait de deux mois à compter de la notification au préfet pour se pourvoir en cassation. Ainsi, le pourvoi du ministre de l'Intérieur, également intéressé au litige, qui n'a été enregistré que le 20 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, est tardif et, par suite, irrecevable.

  • Opposabilité des délais de recours à l'encontre d'une décision administrative : CE 2° et 7° s-s-r., 11 avril 2008, n° 307085, Société Defi France (N° Lexbase : A8700D7D).

Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision, rappelle le Conseil d'Etat dans un arrêt du 11 avril 2008. En l'espèce, la décision attaquée a été portée à la connaissance de la requérante le 3 décembre 2003, date à laquelle elle l'a produite devant le tribunal. Le délai de recours contentieux a commencé à courir à l'encontre de Mme X, tiers par rapport à cette autorisation, au plus tard à compter de cette date. L'article R. 421-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L8421GQX) dispose que "sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée". Ainsi, les conclusions formées le 24 février 2004 à l'encontre de cette décision devant le tribunal administratif, soit au-delà du délai de recours de deux mois prévu par l'article R. 421-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L8421GQX), étaient tardives et donc irrecevables.

2) Formalisme de la procédure de recours

  • Un dossier non transmis à une juridiction devant statuer justifie l'annulation de la procédure : CE 4° et 5° s-s-r., 11 avril 2008, n° 300115, M. Bo (N° Lexbase : A8693D74).

Le Conseil rappelle qu'aux termes du troisième alinéa de l'article R. 741-10 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3206ALC), "en cas de recours formé contre la décision devant une juridiction autre que celle qui a statué, le dossier de l'affaire lui est transmis". Il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que le dossier de première instance demandé au tribunal administratif n'a pas été transmis à cette cour, ce dossier ayant été perdu. Or, la cour n'en a pas informé les parties, ni n'a invité celles-ci à produire des copies de leurs écritures de première instance. De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond, rapproché des motifs de son arrêt, que cette irrégularité ait été sans influence sur le règlement du litige. L'intéressé est donc fondé à demander l'annulation de cet arrêt.

3) Procédure d'urgence

  • Le même juge des référés peut se prononcer deux fois sur une demande du même requérant : CE 3° et 8° s-s-r., 17 avril 2008, n° 307866, Caisse des dépôts et consignations gérant la caisse nationale des agents des collectivités locales (N° Lexbase : A9554D7Y).

Dans un arrêt du 17 avril 2008, le Conseil a indiqué que, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3057ALS), d'une demande tendant à ce qu'il prononce, à titre provisoire et conservatoire, la suspension d'une décision administrative, le juge des référés procède dans les plus brefs délais à une instruction succincte pour apprécier si les préjudices que l'exécution de cette décision pourrait entraîner sont suffisamment graves et immédiats pour caractériser une situation d'urgence, et si les moyens invoqués apparaissent, en l'état de cette instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision. Il se prononce par une ordonnance qui n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée, et dont il peut lui-même modifier la portée, au vu d'un élément nouveau invoqué devant lui par toute personne intéressée. Eu égard à la nature de l'office ainsi attribué au juge des référés, la circonstance qu'un juge ait statué sur une première demande en référé ne fait pas, à elle seule, obstacle à ce que ce même juge statue en cette même qualité sur une deuxième demande en référé du même requérant, tendant à la suspension d'une décision ultérieure prise sur la même demande.

B - Les recours pour excès de pouvoir

  • Annulation de textes règlementaires à effet rétroactif : CE 6° s-s., 17 mars 2008, n° 300326, Fédération Interco CFDT (N° Lexbase : A5006D7K) ; CE 1° et 6° s-s-r., 26 mars 2008, n° 301254, Union syndicale autonome justice USAJ/UNSA (N° Lexbase : A5965D73).

Le Conseil d'Etat annule un décret auquel le Gouvernement avait souhaité donner un effet rétroactif, dans un arrêt rendu le 17 mars 2008. En l'espèce, la fédération requérante demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2006-1352 du 8 novembre 2006, relatif à l'attribution d'une prime de sujétions spéciales à certains personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire (N° Lexbase : L1141HTG). Le décret attaqué a prévu en son article 6 que ses dispositions prendraient effet le 1er janvier 2006. Or, aucune disposition législative n'autorisait le Gouvernement à donner à ce décret un effet rétroactif. Il est donc entaché d'excès de pouvoir en tant qu'il comporte une date d'effet antérieure à celle de son entrée en vigueur résultant de sa publication au Journal officiel du 9 novembre 2006. Dans la seconde espèce, la Haute juridiction administrative indique que le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 (N° Lexbase : L1684HKL), en application duquel l'arrêté litigieux a été pris, n'a pas eu pour objet et ne saurait avoir légalement pour effet d'habiliter un ministre à prendre un arrêté à portée rétroactive. Certaines dispositions de l'arrêté attaqué sont, par suite, entachées d'illégalité, en tant qu'elles prévoient, pour son entrée en vigueur, une date antérieure à la date de sa publication.

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Fiscalité des particuliers

[Chronique] Chronique de fiscalité du patrimoine

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N3591BG4

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

Le 07 Octobre 2010


Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique d'actualité en fiscalité du patrimoine, réalisée par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris. Non sans une certaine ironie, l'actualité du mois en matière de patrimoine souffle le froid et le chaud. Le froid, sous la forme du rapport très attendu sur les niches fiscales dans lequel se profilent de lourdes menaces sur l'optimisation fiscale via la défiscalisation, spécialement outre-mer, le chaud, sous la forme d'une confirmation du but non fiscal du schéma de transmission préféré des détenteurs d'un patrimoine immobilier, à savoir l'apport-donation.
  • Plafonner la "dépense fiscale" pour mettre en place un impôt minimum : rapport d'information n° 946 du 5 juin 2008 de la Commission des finances de l'Assemblée nationale sur les "niches fiscales"

Partant du constat selon lequel la dépense fiscale se développe de manière inquiétante, portant ainsi atteinte à l'équité fiscale, la mission issue de la Commission propose d'instaurer des plafonds de déduction afin de maintenir la progressivité de l'impôt.

1. Maîtriser la dépense fiscale

En 2008, on ne dénombre pas moins de 486 dépenses fiscales, soit le double par rapport à l'Allemagne ou le Royaume Uni. On sait que le propre d'une dépense fiscale est de permettre au contribuable qui en bénéficie d'alléger la charge fiscale de ce dernier par rapport à ce qui aurait résulté d'une application mécanique du barème de l'impôt. Un certain nombre de ces dépenses répond au souci d'accroître l'équité de notre système fiscal (prime pour l'emploi, abattement en faveur des personnes âgées ou invalide de condition modeste..). Certaines autres, dont l'objectif est d'inciter le contribuable à investir, prennent la forme d'une exonération d'impôt ou d'une imposition réduite de certains revenus. D'autres, enfin, elles, permettent à un contribuable de réduire l'impôt au titre d'autres catégories de ses revenus (régime "Malraux", réduction d'impôt pour investissement productif outre-mer...). C'est cette dernière catégorie de dépenses fiscales que la mission propose de maîtriser après avoir constaté une utilisation massive par certains contribuables. En effet, il a été constaté une véritable "régressivité" de fait de l'impôt : plus un très gros contribuable a des revenus élevés, moins il paye en proportion d'impôt. Ainsi, par exemple, les 100 contribuables réduisant le plus leur impôt en valeur absolue le réduisent en moyenne de presque 1,2 million d'euros, soit 85 % de la cotisation d'impôt résultant du barème. Certains, même, ne payent aucun impôt ou obtiennent une restitution, ce qui constitue un impôt négatif. La mission a également constaté que, pour les 100 000 plus gros contribuables, plus de 80 % du montant total des réductions et crédits d'impôt résultent du recours à quatre dispositifs qui sont, dans l'ordre d'importance en volume, la réduction d'impôt pour investissement productif outre-mer, la réduction d'impôt pour emploi d'un salarié à domicile, le crédit d'impôt au titre des conventions internationales et la réduction pour investissement dans le logement outre-mer. Ainsi, les travaux de la mission mettent en évidence une véritable concentration au titre des investissements outre-mer. 10 % des utilisateurs bénéficient de 43 % de la dépense fiscale concernant le logement et 5 % bénéficient de près de 45 % de la dépense au titre de l'investissement productif. La mission propose donc un encadrement des dispositifs non encore plafonnés, ainsi que l'instauration d'un plafonnement global.

2. Encadrer les dépenses non encore plafonnées pour rétablir la progressivité de l'impôt

Pour restaurer l'équité de notre fiscalité, sans mettre en cause son efficacité, la mission s'est prononcée en faveur d'une réforme à deux niveaux, l'un concernant un encadrement des quatre dispositifs actuellement non plafonnés, l'autre, concernant l'instauration d'un plafonnement global.

a) Encadrer les dépenses non plafonnées

L'encadrement vise le régime "Malraux", le régime des monuments historiques, le régime des loueurs en meublé professionnels et le soutien à l'investissement outre-mer.

  • Le régime "Malraux" permet à un contribuable de se constituer un patrimoine immobilier partiellement financé par une économie d'impôt. En effet, d'après le rapport d'information, l'avantage total fiscal actualisé, pour un montant d'investissement identique, 200 000 euros, représente 24,6 % du prix du logement pour le régime "Malraux" et 9,9 % pour le régime "Robien". Une diminution de cet avantage serait envisagé par l'introduction, d'une part, d'une réduction d'impôt, au lieu d'une déduction du revenu, dont le taux serait modulé entre 20 et 30 %, d'autre part, d'un plafonnement de l'assiette de cette réduction à 45 000 euros par an.

  • Le régime des monuments historiques serait modernisé en subordonnant le bénéfice du dispositif à un engagement de conservation de 10 ans, en interdisant d'accéder à ce dispositif pour les immeubles nouvellement mis en copropriété, afin d'éviter les opérations spéculatives de découpe, et en plafonnant le déficit annuellement imputable pour les monuments qui ne sont pas ouverts au public.

  • Le régime des loueurs en meublé professionnels serait normalisé au motif qu'il présente des spécificités, comme la possibilité d'amortir un immeuble ancien, dont la légitimité paraît fragile d'autant plus qu'aucune contrepartie n'est exigée des contribuables. La mission propose de réserver le bénéfice de ce régime aux revenus locatifs présentant soit un réel caractère commercial, comme par exemple l'exploitation de chambres d'hôtes, soit un intérêt général spécifique, comme par exemple les résidences avec services dont le développement est prioritaire. Elle propose, également, de ramener de 71 à 30 %, l'abattement applicable dans le cadre du régime "micro".

  • La défiscalisation des investissements outre-mer, qui peut-être soit réalisée "en direct", soit externalisée par l'intermédiaire d'une société de type SNC, recouvre trois dispositifs. Le premier concerne les investissements productifs, comme les travaux de rénovation d'hôtels, ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu (CGI, art. 199 undecies B N° Lexbase : L4664HWN), le second, les investissements ouvrant droit à une déduction de l'assiette de l'impôt sur les sociétés (CGI, art. 217 undecies N° Lexbase : L1793HNQ et 217 duodecies N° Lexbase : L4034HLY) et le troisième, les investissements non productifs, comme la construction d'un logement affecté à la résidence principale d'un locataire, ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu (CGI, art. 199 undecies A N° Lexbase : L2811HZ7). La mission a constaté des effets pervers dans ce dispositif, notamment pour les investissements non soumis à un agrément. Ainsi, des véhicules utilitaires, voire même des véhicules particuliers bénéficieraient de la défiscalisation. De même, la faible obligation de conservation des investissements plaisanciers, pendant cinq ans, favoriserait la création d'un marché fructueux de l'occasion, et non la viabilité économique du projet support de l'investissement. Enfin, s'agissant des montages impliquant la création d'une SNC qui loue un bien à une société exploitante, la mission démontre que 40 % des recettes auxquelles l'Etat renonce dans l'objectif de concourir au développement de l'outre-mer sont in fine captés par d'autres destinataires que les exploitants ultramarins. Ces destinataires non exploitants sont principalement les membres de la SNC et cabinets de défiscalisation. La mission propose, donc, de réformer les conditions de défiscalisation en :

    - réduisant le seuil d'agrément des investissements à 500 000 euros au lieu de 1 million d'euros pour les investissements réalisés directement par les entreprises et à 1 million d'euros au lieu de 4,6 millions d'euros pour les investissements locatifs ;
    - recentrant la défiscalisation des investissements locatifs sur le logement social ;
    - allongeant de cinq à huit ans le délai de détention et réduisant à 50 % le taux de la réduction d'impôt pour la défiscalisation dans l'hôtellerie et la plaisance ;
    - excluant du bénéfice de la défiscalisation l'achat de véhicules particuliers ;
    - plafonnant à 25 000 euros par contribuable et par exercice la réduction d'impôt pour les investissements locatifs.

b) Instauration d'un plafonnement global

La combinaison de plusieurs dispositifs, eux-mêmes plafonnés, permettant malgré tout à un contribuable d'échapper très largement, voire totalement à l'impôt (les dispositifs déjà plafonnés et ceux nouvellement plafonnés permettraient de réduire l'impôt de 167 000 euros environ), il est proposé un plafonnement global. Afin d'éviter la condamnation du dispositif jugé complexe que la loi de finances pour 2006 (loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 N° Lexbase : L6429HET) avait tenté d'instaurer, la mesure proposée prendrait la forme d'un plafonnement en valeur absolue.

En conclusion, on remarquera que la mission a également orienté sa réflexion vers le concept d'impôt minimal, qui pourrait constituer, comme le précise Didier Migaud, son président, le "miroir" du bouclier fiscal.

  • Apport de la nue-propriété d'immeubles à une SCI suivie de la donation des parts : absence d'abus de droit (Cass. com., 20 mai 2008, n° 07-18.397, F-D N° Lexbase : A7139D8W)

L'apport de la nue-propriété d'un immeuble à une SCI permettant aux parents, donateur des parts de la société, de conserver un pouvoir de décision sur la gestion du bien, cette opération ne poursuit donc pas qu'une seule préoccupation fiscale.

1. La gestion du bien dans le cadre d'une SCI préserve les intérêts des apporteurs

La décision de la Cour était attendue. En effet, en vue de transmettre leur résidence principale à leur fils unique, des parents avaient apporté la nue-propriété à une société civile, avant de donner les parts à ce dernier. Saisie du litige, la cour d'appel de Bourges avait jugé que cette opération était la meilleure façon d'écarter les inconvénients d'une indivision successorale en cas de prédécès du donataire, à savoir la crainte de voir les héritiers du nu-propriétaire demander à mettre un terme à cette indivision (CA Bourges, 13 mai 2002, n° 01/00974, Direction des services fiscaux du Département du Cher c/ M. Guillaume Tabourdeau N° Lexbase : A5294DHK). Sur pourvoi de l'administration, la Haute juridiction avait censuré cette décision en relevant qu'aux termes de l'article 815-5 du Code civil (N° Lexbase : L9934HNA), le juge ne peut, à la demande du nu-propriétaire, ordonner la vente de la pleine propriété d'un bien grevé d'un usufruit contre la volonté de l'usufruitier (Cass. com., 16 novembre 2004, n° 02-17.147, F-D N° Lexbase : A9307DD3). Le motif relevé par la cour d'appel était donc impropre à écarter l'abus de droit. La Cour de cassation, après renvoi devant la cour d'appel de Riom, confirme l'absence d'abus de droit. En effet, l'opération, apport de la nue-propriété, puis donation des parts, est regardée comme ne poursuivant pas un seul but fiscal, celui de réduire l'assiette des droits de donation puisque la nue-propriété pouvait être évaluée sans être tenu par le barème de l'article 762 du CGI (N° Lexbase : L8123HLG), au motif qu'elle permettait aux parents donateurs de "conserver un véritable pouvoir de décision sur la gestion du bien transmis". Cette organisation laissait, notamment, aux parents la possibilité d'envisager plus facilement un changement de résidence que si la nue-propriété était détenue directement par leur fils ou, même, en cas de décès par leurs petits-enfants et leur bru. De surcroît, elle permettait de vaincre l'éventuel refus du nu-propriétaire d'assumer ses obligations légales, comme celles concernant les grosses réparations.

2. Une décision qui conforte un schéma de transmission fort utilisé

Cette décision apporte sa pierre à la justification par d'autres motifs que l'intérêt fiscal du recours à une SCI pour transmettre un patrimoine immobilier. Ainsi, outre la conservation d'un pouvoir de gestion, qui n'empêche pas de considérer que le donateur s'est définitivement dépouillé du bien, l'opération d'apport puis donation est déjà sécurisée lorsque la constitution de la société permet au donateur de maintenir la cohésion du patrimoine familial par la mutualisation des aléas locatifs et des différences de rendement pouvant apparaître entre les immeubles (Cass. com., 26 mars 2008, n° 06-21.944, FS-D N° Lexbase : A6041D7U, cf. Chronique de fiscalité du patrimoine, Lexbase Hebdo n° 302 du 24 avril 2008 - édition fiscale N° Lexbase : N7913BES). Le but poursuivi n'est pas uniquement fiscal lorsque le schéma permet de réaliser l'équilibre de la donation, puisqu'il aurait été compliqué de parvenir à cet objectif si la donation avait porté sur la nue-propriété de biens de nature différente, voire d'un bien unique (Cass. com., 3 octobre 2006, n° 04-14.272, F-D N° Lexbase : A7654DRW). Cependant, cette relative sécurité reste toujours menacée par l'absence de consistance. La société doit fonctionner et disposer de revenus. A défaut, le risque de fictivité réapparaît (Cass. com., 15 mai 2007, n° 06-14.262, F-P+B N° Lexbase : A7654DRW).

  • ISF : Exclusion de l'assiette de l'impôt d'une prestation compensatoire versée sous forme de rente (instruction du 27 mai 2008, BOI 7 S-4-08 N° Lexbase : X3358AE4)

L'administration fait sienne l'analyse de la Cour de cassation qui avait décidé qu'une prestation compensatoire versée sous forme de rente, à la suite d'un divorce, ne devait pas être comprise dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune. Cette doctrine mérite d'autant plus d'être relevée que la position de l'administration était, jusqu'à cette instruction récente, en sens inverse.

1. L'analyse de la Haute juridiction

S'appuyant sur l'analyse juridique de la prestation compensatoire, qui présente à la fois un caractère indemnitaire, lié à une responsabilité, et alimentaire, puisque son étendue est fixée par les besoins du créancier et les ressources du débiteur, la Cour décide qu'elle présente un caractère insaisissable (Cass. civ. 2, 27 juin 1985, n° 84-14.663, C. c/ Mme B. N° Lexbase : A4752AAA). Comme l'article 885 E du CGI (N° Lexbase : L8780HLR), qui précise que l'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette des biens droits et valeurs imposables appartenant à un contribuable, vise ainsi les biens ayant une valeur patrimoniale, la prestation compensatoire, insaisissable et incessible, du fait de son caractère alimentaire, ne peut entrer dans cette assiette (Cass. com., 19 avril 2005, n° 03-11.750, FS-P+B N° Lexbase : A9567DHS). Le sort de la prestation compensatoire se distingue de celui d'une rente constituée entre particuliers, comme par exemple, celle servie en rémunération de la vente d'un immeuble, qui, elle, étant cessible et saisissable, a une valeur patrimoniale (lire N° Lexbase : N4443AIE).

2. La position nouvelle de l'administration

Selon l'administration, les seules rentes exonérées étaient celles visées aux articles 885 J (N° Lexbase : L3801HWP) et 885 K (N° Lexbase : L8811HLW) du CGI, l'un concernant les rentes viagères constituées dans le cadre d'une activité professionnelle auprès d'organismes institutionnels, l'autre concernant les rentes et indemnités reçues en réparation de dommages corporels liés à un accident ou une maladie. L'administration considérait que la prestation compensatoire versée sous forme de rente, qui présentait le caractère d'une créance à terme dont l'échéance était mensuelle, constituait un droit patrimonial taxable et devait être prise en compte pour la détermination de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune (QE n° 66974, de C. Goasguen, réponse publiée au JOAN 24 décembre 2001, p. 7426 N° Lexbase : L9105H3M). En intégrant dans sa doctrine la décision rendue par la Cour en 2005, l'administration rapporte son analyse précédente (BOI 7 S-4-08, n° 1). De surcroît, l'instruction précise que l'impôt indûment acquitté sur les sommes déclarées à tort pourra faire l'objet d'une restitution dans la limite du délai de réclamation prévu à l'article R. 196-1, 1, b du LPF (N° Lexbase : L6486AEX). En pratique, cette réclamation concernera l'impôt acquitté au titre des années 2005 à 2007. Elle ne pourra viser, comme le précise l'instruction les années 2002 à 2004. En revanche, l'administration ne modifie pas sa doctrine autorisant le débiteur à déduire le montant de la prestation compensatoire de son actif taxable à l'ISF.

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Contrats et obligations

[Jurisprudence] Du principe de loyauté de la preuve

Réf. : Cass. com., 3 juin 2008, n° 07-17.147, Société Sony France, FS-P+B (N° Lexbase : A9362D8A)

Lecture: 3 min

N3590BG3

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 07 Octobre 2010

La jurisprudence a, depuis longtemps déjà, déduit de l'article 9 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L3201ADW), aux termes duquel "il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention", un principe de loyauté de la preuve prohibant la recherche de la vérité par n'importe quel procédé et interdisant au juge d'admettre une preuve qui aurait été obtenue par un moyen frauduleux (1). Pour le dire autrement, s'il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, cette preuve doit être faite dans le respect du principe de loyauté. Ainsi a-t-il récemment encore été jugé par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, sous le visa de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) et de l'article préliminaire du Code de procédure pénale, ensemble le principe de loyauté des preuves, que "porte atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable la provocation à la commission d'infraction par un agent de l'autorité publique, en l'absence d'éléments antérieurs permettant d'en soupçonner l'existence ; que la déloyauté d'un tel procédé rend irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus, quand bien même ce stratagème aurait permis la découverte d'autres infractions déjà commises ou en cours de commission" (Cass. crim., 4 juin 2008, n° 08-81.045, F-P+F N° Lexbase : A9418D8C). Il y aurait, en quelque sorte, un conflit opposant ici deux intérêts, d'aucuns diront deux droits subjectifs -droit de rapporter la preuve de ce qu'on avance et droit pour celui qui détient éventuellement la preuve d'obtenir qu'elle ne soit pas acquise de manière déloyale- (2), le second constituant la limite du premier (3). Il est, en tout état de cause, certain que la recherche de la vérité peut menacer l'intimité de la personne et risquer de porter atteinte à sa vie privée ou à son image, ce qui explique que des conditions doivent être posées à l'admissibilité des modes de preuve, particulièrement en raison des progrès de la technique. Un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, en date du 3 juin dernier, à paraître au Bulletin, permet précisément d'y revenir.

En l'espèce, et sans qu'il soit sans doute ici utile de rentrer dans les détails de l'affaire à origine du litige, la cour d'appel de Paris (CA Paris, 1ère ch., sect. H, 19 juin 2007, n° 2006/00628 N° Lexbase : A8544DWD) avait approuvé le Conseil de la concurrence (décision Conseil de la concurrence n° 05-D-66 du 5 décembre 2005 N° Lexbase : X4745AD4) d'avoir considéré que les enregistrements téléphoniques, qui étaient produits par la partie saisissante et non pas par les enquêteurs ou le rapporteur, ne pouvaient être écartés au seul motif qu'ils avaient été obtenus de façon déloyale, si bien qu'ils étaient recevables. Cette décision est cassée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui énonce, dans un attendu de principe sous le visa de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, "que l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé par une parti à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve". En tant que telle, la solution ne surprend pas. On se souvient, en effet, que la Cour avait déjà affirmé, dans les mêmes termes, la règle (4), même si elle a plus récemment décidé qu'il n'en allait pas ainsi de l'utilisation, par le destinataire, de messages écrits téléphoniquement adressés (SMS), dès lors que leur auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur (5). En revanche, il est certain que constitue un mode de preuve valable des écoutes téléphoniques dont les salariés ont été dûment avertis (6).

Il reste que, en la matière, le principe de loyauté de la preuve est solide. Ainsi, par exemple, a-t-il été jugé que constitue un mode de preuve déloyal, donc illicite, l'enregistrement par l'employeur, quels qu'en soient les motifs, d'images ou de paroles à l'insu des salariés pendant le temps de travail (7). Dans le même ordre d'idées, la jurisprudence considère que l'employeur ne peut, sans violation de l'intimité de la vie privée du salarié, prendre connaissance des messages personnels émis et reçus par celui-ci grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur (8). On n'ignore pas non plus, dans un autre registre, qu'au sujet de la preuve de l'adultère en matière de divorce, s'il était admis que les lettres missives pouvaient être produites sans le consentement de l'expéditeur et du destinataire malgré le principe de l'inviolabilité de la correspondance, encore fallait-il qu'elles n'aient pas été obtenues "par fraude ou violence" (C. civ., art. 259-1 N° Lexbase : L2630ABZ), règle qui avait été étendue par la Cour de cassation au journal intime (9). Le législateur, à l'occasion de la réforme du divorce par la loi du 26 mai 2004 (loi n° 2004-439 N° Lexbase : L2150DYB), a élargi le champ de l'article 259-1 à l'ensemble des "communications échangées entre son conjoint et un tiers" qu'il aurait obtenues par fraude ou violence (N° Lexbase : L2825DZN).


(1) Sur la question, voir not. A. Leborgne, L'impact de la loyauté sur la manifestation de la vérité ou le double visage d'un grand principe, RTDCiv., 1996, p. 535.
(2) Voir, en ce sens, F. Terré, Introduction générale au droit, 6ème éd., 2003, Précis Dalloz, n° 490.
(3) Encore que, sur la preuve par testing, voir not. L. Collet-Askri, Testing or not testing ?, La Chambre criminelle de la Cour de cassation valide ce mode de preuve, serait-il déloyal..., D., 2003, p. 1309.
(4) Cass. civ. 2, 7 octobre 2004, n° 03-12.653, Mme Annick Slusarek c/ Mme Nicole Andrée Marthe Togni, épouse Collignon, FS-P+B (N° Lexbase : A5730DDL), Bull. civ. II, n° 447.
(5) Cass. soc., 23 mai 2007, n° 06-43.209, Société civile professionnelle (SCP) Laville-Aragon, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3964DWQ), D., 2007, AJ., 1598, obs. Fabre.
(6) Cass. soc., 14 mars 2000, n° 98-42.090, M. Dujardin c/ Société Instinet France (N° Lexbase : A4968AG4), Bull. civ. V, n° 101 ; Cass. soc., 31 janvier 2001, n° 98-44.290, M. Alaimo c/ Société Italexpress (N° Lexbase : A2317AIN), Bull. civ. V, n° 28 ; Cass. soc., 15 mai 2001, n° 99-42.219, Société Transports frigorifiques européens (TFE) c/ M. Mourad Smari (N° Lexbase : A5741AGQ), Bull. civ. V, n° 167.
(7) Cass. soc., 20 novembre 1991, n° 88-43.120, Mme Neocel c/ M. Spaeter (N° Lexbase : A9301AAQ), D., 1992, p. 73, concl. Chauvy.
(8) Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942, Société Nikon France c/ M. Frédéric Onof (N° Lexbase : A1200AWD), Bull. civ. V, n° 291.
(9) Cass. civ. 2, 6 mai 1999, n° 97-12437, Mme X c/ M. Y (LXB=A3223CGH]), Bull. civ. II, n° 85.

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Procédure civile

[Chronique] La chronique de procédure civile d'Etienne Vergès, Professeur à l'Université de Grenoble II

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N3595BGA

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Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en procédure civile réalisée par Etienne Vergès, agrégé des facultés de droit et Professeur à l'Université de Grenoble II. Au sommaire de cette chronique, seront abordés les conditions de mise en oeuvre d'une expertise in futurum, l'office du juge en matière de vérification d'écriture, la preuve électronique et la preuve papier, la compétence du conseiller de la mise en état en matière d'appel et, enfin, le rappel du principe de la communication au ministère public des dossiers relatifs à la filiation.

I - Action en justice : l'intérêt né et actuel et l'action préventive

  • La demande d'expertise in futurum est soumise à l'existence d'un litige potentiel : Cass. civ. 3, 16 avril 2008, n° 07-15.486, Viennot de la Forest Divonne c/ SARL au palais gourmand, P+B+R+I (N° Lexbase : A9366D7Z)

On enseigne traditionnellement que celui qui agit en justice doit justifier d'un intérêt né et actuel. Cela signifie qu'il n'est plus possible d'agir lorsque l'intérêt est passé (préjudice réparé par exemple) ou futur. C'est ainsi que les actions préventives ne sont pas admises, en principe, par le Code de procédure civile. Certains auteurs notent, tout de même, que certaines actions, dites "conservatoires", peuvent être mises en oeuvre avant la naissance du litige (1). Le référé instruction in futurum est, d'ailleurs, analysé comme le prototype de l'action conservatoire puisqu'il s'agit précisément de "conserver ou d'établir avant tout procès la preuve dont pourrait dépendre la solution du litige". Un personne peut alors agir en justice pour obtenir, non pas une décision sur le fond du litige, mais une information qui pourrait lui être utile pour un litige futur.

L'intérêt pour agir est ambigu dans le référé instruction, puisqu'il porte, non pas sur le fond de la prétention (le gain du procès), mais sur l'avantage que pourrait lui procurer la preuve dont il demande l'établissement ou la conservation. L'un des critères de la recevabilité de cette action en référé réside dans la potentialité d'un procès.

Dans l'affaire qui nous intéresse, la Cour de cassation devait précisément s'interroger sur la proximité entre la preuve qui lui était demandée d'établir et le procès qui pouvait découler de la mesure d'instruction. En l'espèce, une procédure avait été engagée entre les parties à un bail commercial à propos de la fixation du loyer du bail renouvelé. Selon l'article L. 145-57 du Code de commerce (N° Lexbase : L5785AI4), à l'issue de cette procédure, le bailleur a le choix entre la conclusion d'un nouveau bail, et le refus de renouvellement qui doit alors s'accompagner d'une indemnité d'éviction.

Pour évaluer chaque terme de cette option, la bailleresse avait sollicité le juge des référés, afin qu'il désigne, selon la procédure de l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2260AD3), un expert chargé d'évaluer le montant de l'indemnité d'éviction. Pourtant, cette action fut rejetée par les juridictions du fond.

Dans son pourvoi, la bailleresse affirmait que cet article autorisait la recherche d'une preuve, "avant tout procès", mais encore "avant même la naissance d'un litige". Plus encore qu'une action conservatoire, le référé instruction était alors présenté comme une action consultative, permettant à un justiciable de saisir une juridiction pour obtenir un éclaircissement sur une question de fait.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi en affirmant "qu'ayant constaté que la bailleresse n'avait pas exercé le droit d'option, la cour d'appel a exactement déduit de ce seul motif qu'il n'existait pas en l'état un litige potentiel, au sens de l'article 145 du Code de procédure civile".

L'expression de "litige potentiel", utilisée ici par la Cour de cassation, est éclairante, car elle constitue en quelques sortes le critère de recevabilité de l'action au regard de l'intérêt pour agir. En l'espèce, la bailleresse n'avait pas encore exercé son droit d'option de sorte que le preneur n'était pas en mesure de lui réclamer une indemnité d'éviction. Aucun litige n'était en germe avant l'exercice de l'option. Le raisonnement adopté par la Haute juridiction est inconfortable pour la bailleresse qui ne pourra pas exercer son option en toute connaissance de cause ; cette option étant par ailleurs irrévocable. Mais l'on pourrait aussi rétorquer que rien n'empêchait alors la bailleresse de solliciter à titre personnel les conseils d'un expert pour évaluer au mieux la valeur de l'indemnité d'éviction. Dans cette affaire, la bailleresse semblait attendre du juge une aide destinée à pallier sa carence.

II - Preuve : office du juge en matière de vérification d'écriture

  • Le juge, saisi d'une contestation d'écriture, doit enjoindre à la partie demanderesse à l'incident de produire d'autres documents et, au besoin, d'ordonner une expertise : Cass. civ. 1, 28 mars 2008, n° 06-18.226, M. Noël Gbetholancy, F-P+B (N° Lexbase : A6019D73)

L'article 1324 du Code civil (N° Lexbase : L1435ABR) permet à une partie à qui l'on oppose un écrit, de désavouer son écriture ou sa signature. Cette disposition est essentielle, d'une part, car l'on connait la valeur probatoire de l'écrit en matière d'actes juridiques et, d'autre part, car elle permet d'éviter que de faux écrits produisent un effet probatoire.

La contestation portant sur un écrit est ainsi confiée à la juridiction qui doit se prononcer sur la véracité du document produit devant lui. La mission du juge est délicate, car il se trouve partagé entre le risque de donner une force probante à un écrit qui pourrait se révéler faux ou, à l'inverse, celui de donner du crédit à la dénégation formulée par une partie de mauvaise foi. Dans le doute, la tâche du juge est donc ardue.

Dans l'espèce soumise à la Cour de cassation, les juges du fond avaient rejeté le désaveu de signature opposé par un particulier au contrat de crédit dont l'exécution était demandée par un établissement bancaire. La solution du litige dépendait donc uniquement de la véracité de la signature de l'emprunteur. Les juges du fond avaient écarté le moyen en considérant que l'emprunteur n'avait versé au débat aucun élément convaincant permettant de mettre en cause cette signature. Notamment, il n'avait produit aucun document permettant une comparaison de signature à l'époque du crédit. La décision semblait emporter la conviction. Ainsi, l'emprunteur qui se contentait de désavouer sa signature sans apporter d'information à ce sujet semblait faire preuve de la plus grande mauvaise foi pour tenter d'échapper aux échéances qu'il avait souscrites.

Pour autant, l'arrêt est cassé et la Cour de cassation a reproché à la juridiction du fond de ne pas avoir enjoint au demandeur à l'incident de produire d'autres documents, ou encore de n'avoir pas ordonné une expertise.

On perçoit, à travers cette décision, le spectre du principe de coopération qui contraint le juge et les parties à rechercher, de concert, et au besoin par la contrainte, les faits qui permettront de résoudre le litige. Mais de façon plus technique, la Cour de cassation s'est contentée de faire application du Code de procédure civile qui prévoit à l'article 287 (N° Lexbase : L2016DKU) que "si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte" et à l'article 288 (N° Lexbase : L2017DKW) que le juge doit "procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d'écriture".

Le Code est donc extrêmement précis sur les obligations de coopération qui pèsent sur le juge en matière de vérification d'écriture. Loin de la tradition de passivité et du caractère prétendument accusatoire de la procédure civile, l'arrêt commenté a le mérite de rappeler que le juge n'est pas le simple arbitre des prétentions des parties, mais qu'il est au service du litige.

III - Preuve électronique et preuve papier

  • La reconnaissance de dette dactylographiée qui ne comporte que la signature manuscrite du débiteur possède la valeur probante d'un acte sous seing privé : Cass. civ. 1, 13 mars 2008, n° 06-17.534, M. Jean-Claude Darmon, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3931D7Q)

Cette décision de justice a déjà fait beaucoup parler d'elle (2) tant parce qu'elle est marquée des cinq étoiles (FS-P+B+R+I), qui signalent généralement un arrêt de principe, mais aussi, car elle semble remettre en cause une solution admise de longue date.

Dans cette espèce, un créancier poursuivait son débiteur en produisant devant les juges une reconnaissance de dette entièrement dactylographiée, et qui ne comportait que la signature de la main du débiteur. La cour d'appel avait considéré que ce document ne constituait qu'un commencement de preuve par écrit, insuffisamment probant par lui-même.

Cette solution traditionnelle reposait sur la rédaction de l'article 1326 du Code civil (N° Lexbase : L2659C3U), dans sa version antérieure à la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 (N° Lexbase : L0274AIY) sur la preuve et la signature électronique. Dans cette version, le Code civil prévoyait que "l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite de sa main, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres".

La règle s'impose aux contrats unilatéraux, et particulièrement au cautionnement, mais aussi à la reconnaissance de dette. Par ailleurs, la loi du 13 mars 2000 en a profondément modifié la substance en substituant à la formule "de sa main", une autre qui ne modifie pas l'esprit de l'article 1326, mais la forme de la mention. Ainsi, la mention manuscrite doit désormais être écrite "par lui-même", c'est-à-dire par le débiteur lui-même. La modification formelle de l'article 1326 a été dictée par la volonté d'adapter le droit de la preuve aux technologies de l'information. La mention manuscrite de la dette n'est évidemment pas compatible avec les impératifs de la preuve électronique ou informatique.

Pour autant, devait-on considérer que la disparition de la mention manuscrite de la dette concernait aussi la preuve papier ? Telle semble être la voie dans laquelle s'est engagée la Cour de cassation dans l'arrêt étudié.

Elle affirme, ainsi, que "si la mention de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres, écrite par la partie même qui s'engage, n'est plus nécessairement manuscrite, elle doit alors résulter, selon la nature du support, d'un des procédés d'identification conforme aux règles qui gouvernent la signature électronique ou de tout autre procédé permettant de s'assurer que le signataire est le scripteur de ladite mention".

Ce motif comporte une affirmation claire et une condition sujette à interprétation. Ce qui est certain, c'est que la mention manuscrite de la dette n'est plus exigée à titre probatoire. Pour autant, l'engagement personnel du débiteur doit être prouvé par un procédé qui permette de s'assurer que ce dernier est bien "le scripteur de ladite mention". Si les procédés informatiques permettent ce type d'identification, tel n'est pas le cas pour un écrit dactylographié comportant seulement la signature du débiteur. Comment savoir qui est l'auteur de la mention dactylographié ? A cette question, la Cour de cassation n'apporte aucune réponse. Elle se contente de déclarer que "la cour d'appel a violé le texte susvisé". Il y a là une part de mystère dans la mesure où le juge du fond qui souhaitera vérifier qu'un écrit dactylographiée est bien l'oeuvre du débiteur qui l'a signé, ne disposera concrètement d'aucune méthode de vérification. Le rapprochement entre signataire et scripteur d'un écrit dactylographié demeure, en pratique, bien hypothétique.

IV - Appel

Deux décisions intéressantes concernant l'appel ont été rendues récemment. Nous les exposons ici rapidement.

  • Le conseiller de la mise en état est compétent pour déclarer l'appel irrecevable quelle qu'en soit la forme : Cass. com. 14 mai 2008, n° 07-11.036, M. Max Picot, F-P+B (N° Lexbase : A5272D8R)

Dans le cadre d'une procédure collective, le gérant d'une société ayant été mis en liquidation judiciaire, le juge-commissaire avait prononcé la vente de l'un de ses biens, décision confirmée par le tribunal de commerce. Le gérant forma alors un appel-nullité contre cette décision, appel qui fut déclaré irrecevable par le conseiller de la mise en état.

En effet, l'article 911 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L3215ADG) donne au conseiller de la mise en état compétence pour statuer sur la recevabilité de l'appel et sur toute question ayant trait à cette recevabilité. Toutefois, dans son pourvoi, le gérant estimait qu'il fallait opérer une distinction entre l'appel-réformation et l'appel-nullité pour excès de pouvoir ou violation d'un principe essentiel de la procédure. Il considérait ainsi que la compétence du conseiller de la mise en état se limitait à l'appel-réformation.

L'argument n'était pas convainquant et il a été rapidement rejeté par la Cour de cassation qui affirme que l'article 911 "ne distingue pas selon que la voie de recours intentée tend à la réformation, à l'annulation ou à la nullité du jugement, de sorte que le conseiller de la mise en état était compétent pour apprécier la recevabilité de l'appel-nullité interjeté par M. X".

La solution semblait ici évidente dans la mesure où les deux formes d'appel, réformation ou annulation, si elles sont porteuses d'un grief différent, suivent le même régime procédural.

  • Le défaut de communication du dossier en appel au parquet général est une cause de nullité de l'arrêt en matière de filiation : Cass. civ. 1, 15 mai 2008, n° 07-17.407, M. Raymond Erin, F-P+B (N° Lexbase : A5394D8B)

L'article 425, 1° du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7708HE9) dispose que le ministère public doit avoir communication des affaires civiles relatives à la filiation (entre autres). Ainsi, dans cette matière relevant des personnes, le ministère public peut intervenir comme partie jointe. La formalité de communication de l'affaire permet d'informer le ministère public, afin que celui-ci décide ou non d'intervenir dans l'instance pour faire connaître son avis sur l'application de la loi (C. proc. civ., art. 424 N° Lexbase : L2663ADY).

Dans l'arrêt étudié, la question s'est posée de savoir si l'obligation de communication devait être renouvelée en appel auprès du procureur général alors même que l'affaire avait été communiquée au ministère public en première instance.

La Cour de cassation a répondu par l'affirmative à cette question en considérant d'abord que "le ministère public doit avoir communication des affaires relatives à la filiation ; que cette règle est d'ordre public", puis en ajoutant qu'une cour d'appel ne satisfait pas à cette exigence lorsqu'il "ne résulte ni des mentions de l'arrêt, ni des pièces de la procédure, que la cause, communiquée au ministère public en première instance, l'ait été, de nouveau, au procureur général".

La solution est sévère, car l'on pourrait considérer que le parquet a été correctement informé en recevant communication du dossier en première instance. De surcroit, le principe d'indivisibilité du ministère public conduit à penser qu'une seule communication produit un effet à l'égard du parquet dans son entier.

Toutefois, la solution adoptée par la Haute juridiction résulte d'une jurisprudence constante comme en témoigne un arrêt rendu en 1997 dans le même sens (3). Il faut, dès lors, admettre qu'il existe, même en procédure civile, certaines matières qui relèvent tout à la fois des intérêts privés des parties et de l'intérêt général. La place occupée par le ministère public dans ces contentieux est considérée par la Cour de cassation comme primordiale, comme le rappelle l'arrêt commenté et la sévérité de la sanction prononcée.

Etienne Vergès,
Professeur agrégé des facultés de droit, Professeur à l'Université de Grenoble II


(1) L. Cadiet, E. Jeuland, Droit judiciaire privé, 5ème éd., n° 354.
(2) Notamment, Dalloz, 2008, act. p. 911.
(3) Cass. civ. 1, 13 juin 1997, n° 95-18.431, Mme X c/ M. Y et autre (N° Lexbase : A0655ACA), Bull. civ. I, n° 183.

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Droit social européen

[Textes] La nouvelle approche des discriminations en droit du travail

Réf. : Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (N° Lexbase : L8986H39)

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N3609BGR

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

L'application de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 au droit du travail ne devrait pas bouleverser l'économie générale de la jurisprudence, qui avait déjà anticipé sur l'application des Directives communautaires dont le texte assure la transposition. On peut même craindre qu'elle n'ajoute de la confusion, dans la mesure où le législateur superpose, aux dispositions existantes du droit du Code du travail, un certain nombre de dispositions directement concurrentes. Ce texte marque, toutefois, un tournant, au moins symbolique, puisqu'il affine et précise le cadre juridique applicable aux discriminations, à la fois pour garantir l'effectivité du droit à la non-discrimination, mais, aussi, et peut-être surtout, pour prévenir les risques de dérives égalitaristes qui pourraient ruiner la nécessité de tenir compte, également, des particularités des personnes en général et, plus spécialement, des salariés. Ces nouvelles règles participent, ainsi, d'une meilleure exigence de prévisibilité de la norme, ce dont on ne pourra que se féliciter. I - La redéfinition de la discrimination
  • La nouvelle définition des discriminations

L'article 1er de la loi définit, pour la première fois en droit français, les notions de discrimination directe et indirecte : "Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. " ; " Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés".

On notera, à titre liminaire, que le texte français n'a pas repris littéralement les dispositions communautaires. Ainsi, le texte français fait référence à la situation d'"une personne [...] traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable", alors que le texte communautaire faisait référence à la situation dans laquelle la personne "aurait" été traitée. La substitution du futur antérieur, inhabituel dans un texte juridique, au conditionnel a été voulue par le Sénat, qui craignait que l'usage du conditionnel n'autorise le constat de discrimination simplement virtuelle ; l'usage du futur antérieur est problématique dans la mesure où il prive cette référence de véritable sens. Face à pareille incertitude, le juge français fera application de la définition communautaire, ce qui lui permettra, certainement, de considérer comme discriminatoire des comportements avant même qu'ils ne puissent produire leurs effets, marquant, ainsi, la volonté de lutter de manière préventive contre ces comportements.

Cette définition ne sera, désormais, pas propre au droit du travail, ce qui explique qu'elle n'ait pas été codifiée. Mais celle-ci, familière aux travaillistes, dans la mesure où des définitions semblables figuraient dans les Directives communautaires relatives à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (1), s'appliquera directement en droit du travail par le jeu de l'article 6, 1° de la loi, qui modifie les termes de l'article L. 1132-1 du Code du travail , pour opérer un renvoi exprès à cette nouvelle double définition.

Ce renvoi au sein de l'article L. 1132-1 du Code du travail fait, d'ailleurs, difficulté, dans la mesure où la définition de droit commun s'ajoute à la définition travailliste, avec laquelle elle entre en concurrence. La liste des motifs prohibés par l'article L. 1132-1, directement issu de l'ancien article L. 122-45 du Code du travail, est, d'ailleurs, plus complète que celle qui figure dans l'article 1er de la loi ; c'est donc la liste des cas la plus favorable aux salariés qui continuera de prévaloir. On se demandera, alors, dans ces conditions, à quoi peut bien servir un renvoi au droit commun formulé en des termes aussi maladroits.

  • L'intégration des hypothèses de harcèlement sexuel

L'article 1er traite, enfin, les hypothèses de harcèlement comme des formes de discrimination, en précisant que "La discrimination inclut : 1° Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant ; 2° Le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2". La loi ne supprime, toutefois, pas la définition que le droit pénal et le Code du travail donnent du harcèlement sexuel, puisque l'article L. 1153-1 du Code du travail demeurera, concurremment à cette nouvelle définition.

  • La mise en place de régimes particuliers

L'article 2 décline le principe de non-discrimination de manière singulière et reprend, pour l'essentiel, d'autres applications particulières présentes dans le Code du travail, qu'il s'agisse, par exemple, de sanctionner les discriminations en matière syndicale (2) ou de protéger la maternité. Le texte englobe, d'ailleurs, ici, ce qu'il est coutume d'appeler, au regard du droit européen, la liberté syndicale "négative", c'est-à-dire celle de ne pas se syndiquer (3), ainsi que la protection de la maternité (4).

  • Le champ d'application des mesures

L'article 5 de la loi prévoit que "les articles 1er à 4 et 7 à 10 s'appliquent à toutes les personnes publiques ou privées, y compris celles exerçant une activité professionnelle indépendante" et précise qu'"ils s'entendent sans préjudice des dispositions et conditions relatives à l'admission et au séjour des ressortissants des pays non membres de l'Union européenne et des apatrides".

Le champ d'application des articles 1 à 4 et 7 à 10, qui apparaît, désormais, plus large que celui qui résulte de la première partie du Code du travail, partie qui contient les principes régissant la lutte contre les discriminations et qui vise les "employeurs de droit privé, ainsi [que] leurs salariés" et le "personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel". Elles laissent, également, intactes les dispositions du Code du travail relatives au travail illégal et qui réglementent l'accès des étrangers au marché du travail français.

Cette extension du champ d'application est logique, dans la mesure où la loi du 28 mai 2008 a une vocation générale qui déborde le seul cadre du droit du travail (4).

  • L'impact sur le droit existant

L'introduction de ces définitions en droit national ne devrait pas bouleverser la jurisprudence de la Cour de cassation, qui s'était déjà inspirée des définitions communautaires existantes, tenue qu'elle était de garantir l'effectivité des Directives en interprétant de manière conforme son droit national, soit pour caractériser l'existence de discriminations directes après avoir déterminé s'il y avait, ou non, "situation comparable" entre les salariés mis en perspective (6), soit pour dénoncer des discriminations indirectes en faisant référence aux critères en apparence "neutres", qui produisaient un effet discriminatoire (7). La référence au traitement qui "aura" (aurait) été réservé à une personne placée dans une situation comparable pourrait, toutefois, permettre d'élargir la liste des comportements sanctionnés, même s'il conviendra d'attendre l'usage que la jurisprudence fera de ces nouvelles dispositions.

II - La sophistication des possibilités de déroger au principe de l'égalité de traitement

  • L'admission d'une clause générale dérogatoire

L'un des points important de la loi réside dans la consécration des dérogations admises au principe de non-discrimination, c'est-à-dire d'hypothèses où des différences de traitement entre personnes placées dans une situation comparable seront considérées comme licites.

Actuellement, un chapitre III intitulé "Différences de traitement autorisées" prévoit la possibilité de prendre en compte l'âge (8) , l'aptitude physique du salarié , lorsque les raisons retenues sont "objectives, nécessaires et appropriées" (9), et la situation de handicap, lorsqu'il s'agit de reconnaître aux salariés concernés des droits supplémentaires . L'article L. 1142-2 du Code du travail permet, également, d'admettre une entorse à l'interdiction de traiter différemment les hommes ou les femmes, "lorsque l'appartenance à l'un ou l'autre sexe est la condition déterminante de l'exercice d'un emploi ou d'une activité professionnelle".

Désormais, un nouvel article L. 1133-1 du Code du travail généralise à toutes les hypothèses de différences de traitement une cause générale de dérogation. Le texte nouveau dispose que "l'article L. 1132-1 ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée".

Le moins que l'on puisse dire est qu'il est extrêmement difficile de deviner concrètement ce que la loi a voulu dire, tant le jargon introduit en droit positif est hermétique. A travers ces expressions, apparaissent clairement plusieurs critères, que l'on peut regrouper autour des concepts familiers de nécessité et de proportionnalité, tels qu'ils résultent, notamment, de la loi de 1992, protégeant les droits et libertés des salariés dans l'entreprise.

S'agissant de la nécessité, la loi impose, tout d'abord, l'existence d'une "exigence professionnelle essentielle et déterminante" ; bref, l'emploi implique, par nature, la prise en compte de critères qui sont, en principe, prohibés, parce que possiblement discriminatoires. Le texte impose, également, un "objectif légitime", qui s'ajoute donc au critère professionnel ; il s'agira certainement, ici, de favoriser certaines catégories particulières de salariés exposés à des risques particuliers.

S'agissant de la proportionnalité, le texte la relie aux "exigences professionnelles" ; l'employeur ne doit donc prendre en compte certaines particularités que dans la stricte limite de ce qui est nécessaire, et pas plus.

  • Vers le statu quo ?

Il ne nous semble pas que ce renchérissement du critère de justification modifie la jurisprudence actuelle. Dès à présent, un employeur ne saurait échapper au grief de discrimination s'il ne prouve pas que la différence de traitement se justifie pleinement par un motif non discriminatoire légitime. Si le motif réel de la mesure ne devait pas être légitime, alors il serait plus que vraisemblable que le juge considérerait comme plausible l'hypothèse de la discrimination.

La nouvelle définition de la justification est, ensuite, plus complète, en ce qu'elle intègre un contrôle de proportionnalité, qui porte sur les moyens mis en oeuvre pour parvenir au but poursuivi, puisque l'article 1er dispose que "les moyens pour réaliser ce but [doivent être] nécessaires et appropriés". L'introduction de ce critère, classique en matière de liberté publique et, également, familier des travaillistes, depuis l'introduction, en 1992, de l'article L. 120-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5441ACI), devenu l'article L. 1121-1 , fait, également, écho aux décisions les plus récentes rendues par la Chambre sociale de la Cour de cassation (10).

La vérification du caractère proportionné des mesures mises en oeuvre pourrait entraîner l'accélération du contrôle exercé par la Cour sur l'ampleur des différences de traitement, singulièrement lorsque les avantages conférés à certains salariés dépassent les limites du nécessaires, les privant, alors, en partie, de leur caractère justifié.

  • La reconnaissance d'hypothèses particulières

L'article 2 de la loi introduit, par ailleurs, dans un désordre relatif, d'autres justifications dans quatre cas de figure spécifiques, qui viennent s'ajouter aux règles existantes.

Le texte prohibe, tout d'abord, "toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race est interdite en matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services ou de fourniture de biens et services", sans aucune dérogation particulière.

Le texte prohibe, ensuite, "toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe, l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle est interdite en matière d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurés par elle, d'accès à l'emploi, d'emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle", mais dispose que "ce principe ne fait pas obstacle aux différences de traitement fondées sur les motifs visés à l'alinéa précédent lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée".

Le texte prohibe, également, "toute discrimination directe ou indirecte [...] en raison de la grossesse ou de la maternité, y compris du congé de maternité", et prévoit que "ce principe ne fait pas obstacle aux mesures prises en faveur des femmes pour ces mêmes motifs".

Enfin, le texte prohibe, "toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe [...] en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services", tout en précisant que "ce principe ne fait pas obstacle : à ce que soient faites des différences selon le sexe lorsque la fourniture de biens et services exclusivement ou essentiellement destinés aux personnes de sexe masculin ou de sexe féminin est justifiée par un but légitime et que les moyens de parvenir à ce but sont nécessaires et appropriés ; au calcul des primes et à l'attribution des prestations d'assurance dans les conditions prévues par l'article L. 111-7 du Code des assurances ; à l'organisation d'enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe", revenant, d'ailleurs, pour cette dernière hypothèse, sur le principe de mixité scolaire, dont on pouvait penser qu'il constituait l'un des piliers de l'école laïque et républicaine...

L'article 6 modifie, d'ailleurs, les termes de l'article L. 1133-1 du Code du travail, pour que la définition des conditions dans lesquelles l'âge peut être pris en compte soient alignées sur la règle générale, ainsi que ceux de l'article L. 1142-2, qui autorise la prise en compte du sexe du salarié, ou de l'article L. 2141-1 , relatives à la liberté syndicale.

  • La généralisation de l'administration judiciaire de la preuve des discriminations

Jusqu'à présent, l'article L. 1134-1 du Code du travail , consacré à l'action en justice, disposait que, confronté aux éléments de fait, établis par le salarié, laissant supposer l'existence d'une discrimination, l'employeur devait prouver que la décision litigieuse "est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination".

Ces dispositions sont bien confortées par l'article 4 de la loi qui contient des dispositions identiques. Le texte nouveau dispose, en effet, que "toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination", le présent article ne s'appliquant pas devant les juridictions pénales.

  • Synthèse des moyens de défense offerts à l'employeur

A cette possibilité de démontrer que, en dépit des apparences, la différence de traitement ne repose pas sur un motif illicite, l'employeur disposera, également, de la possibilité d'invoquer les causes de justification de l'article 1er, qui concerne, lui, non pas l'action en justice, mais la notion même de discrimination, en prouvant qu'une différence de traitement constatée est "objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but [sont] nécessaires et appropriés".

L'employeur disposera, ainsi, de trois moyens de défense : soit il conteste la notion de situation identique ou comparable des salariés en comparaison et échappe, en amont, à tout grief ; soit il conteste l'existence d'un motif prohibé fondant la différence de traitement et établit le véritable motif de la différence de traitement (article 4) ; soit il ne conteste pas le fait qu'il justifie la différence de traitement par un motif en principe prohibé, mais prouve qu'il poursuit un but "légitime et que les moyens pour réaliser ce but [sont] nécessaires et appropriés" (article 1).

III - Les modifications introduites dans le Code du travail

  • L'alignement de certains textes spéciaux

L'article 6 de la loi modifie directement les dispositions du Code du travail pour tenir compte des nouveautés introduites par la loi. Le texte prête, d'ailleurs, à l'âge, une attention toute particulière. L'article L. 1133-2 du Code du travail, qui concerne, aujourd'hui, le sort de l'aptitude, s'enrichit par une définition des motifs qui permettent de prendre en compte l'âge du salarié, puisqu'il s'agit "notamment" (la liste n'est donc pas exhaustive) du "souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi".

  • Les nouvelles modalités de l'affichage obligatoire

L'article 6 introduit de nouvelles modalités d'affichages, censées être plus dissuasives des discriminations, puisqu'il impose, désormais, l'affichage, non plus des dispositions des articles L. 1142-1 à L. 1144-3 du Code du travail, jusque-là réservées aux seules discriminations femmes-hommes, mais, plus largement, des articles 225-1 à 225-4 du Code pénal (N° Lexbase : L3332HIA), qui répriment, également, les autres discriminations.

  • Application particulière en droit pénal

L'article 7 de la loi retranscrit en droit pénal les nouveaux critères de justification qui visent le motif qui constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée, tout en confortant les dispositions du ou des statut(s) de la fonction publique, qui réservent certains emploient aux nationaux.

  • La protection du droit d'agir en justice

L'article 3 de la loi dispose qu'"aucune personne ayant témoigné de bonne foi d'un agissement discriminatoire ou l'ayant relaté ne peut être traitée défavorablement de ce fait", et qu'"aucune décision défavorable à une personne ne peut être fondée sur sa soumission ou son refus de se soumettre à une discrimination prohibée par l'article 2". Ce texte reprend les dispositions, aujourd'hui, présentes dans l'article L. 1132-3 du Code du travail, tout en s'en distinguant à double titre.

En premier lieu, l'article 3 est moins précis quant à la protection accordée au salarié par les anciens textes, puisque l'article L. 1132-3 dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou discriminé, l'article L. 1132-4 frappant toute mesure contraire de nullité, là où l'article 3 ne vise, de manière assez vague, que la notion de "traitement défavorable".

En second lieu, l'article 3 apporte une précision relative à la "bonne foi" du salarié témoignant en justice et qui ne figurait pas dans le texte actuel. Certes, la notion de fraude à la loi pouvait, en l'état actuel des textes, conduire à écarter la protection lorsqu'un salarié savait que les faits qu'il prétendait dénoncer en justice n'étaient pas avérés. Si cette précision semble nécessaire pour éviter les abus, à tout le moins pour les sanctionner, elle risque toutefois d'entraîner des discussions sans fin devant les juges du fond sur la bonne ou mauvaise foi des salariés, et sur la méthode d'appréciation de celle-ci (in concreto ou in abstracto).


(1) Cette définition reprend, notamment, les termes de l'article 2 de la Directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (refonte) (N° Lexbase : L4210HK7).
(2) Principe de libre adhésion aux syndicats , non-discrimination syndicale .
(3) CEDH, 25 avril 1996, Req. 18/1995/524/610, Gustafsson c/ Suède (N° Lexbase : A8411AWG), Gaz. Pal., des 11-12 juillet 1997, p. 31, note C. Pettiti.
(4) V. les obs. de F. Lalanne, Présentation sommaire de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, Lexbase Hebdo n° 309 du 18 juin 2008 - édition sociale.
(5) C. trav., art. L. 1225-1 .
(6) Dernièrement, Cass. soc., 19 septembre 2007, n° 05-45.212, M. Frédéric Maux, F-D (N° Lexbase : A4194DYY) (nationalité) ; Cass. soc., 22 janvier 2008, n° 06-44.802, Société Laboratoires Merck Sharp Dohme Chibert, F-D (N° Lexbase : A1020D4K) (discrimination syndicale) ; Cass. soc., 4 mars 2008, n° 06-44.846, Société Sanofi synthelabo France, F-D (N° Lexbase : A3284D7R) (discrimination syndicale).
(7) Cass. soc., 9 janvier 2007, n° 05-43.962, Mme Françoise Bethus, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4832DT7) : "il résulte des dispositions combinées des articles visés qu'un accord collectif ou une décision unilatérale de l'employeur ne peuvent retenir, afin de régulariser la rémunération, indépendante des heures réellement effectuées chaque mois, du salarié en fin d'année, la durée hebdomadaire moyenne de la modulation, comme mode de décompte des jours d'absence pour maladie pendant la période de haute activité, une telle modalité de calcul constituant, malgré son caractère apparemment neutre, une mesure discriminatoire indirecte en raison de l'état de santé du salarié" et les obs. de S. Martin-Cuenot, Incidence de la maladie sur le décompte annuel des heures de travail dans le cadre d'un accord de modulation : aucune à peine de discrimination indirecte !, Lexbase Hebdo n° 245 du 25 janvier 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N8128A9W).
(8) C. trav., art. L. 1133-1.
(9) C. trav., art. L. 1133-2.
(10) Ainsi, dans l'affaire "Synchrotron 2", mettant en cause une différence de traitement en raison de la nationalité : Cass. soc., 17 avril 2008, n° 06-45.270, M. Pierre Wattecamps, FS-P+B (N° Lexbase : A9619D7E). Lire nos obs., Affaire du "Synchrotron" : la Cour de cassation persiste et signe !, Lexbase Hebdo n° 303 du 7 mai 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N8763BEB) et les références citées : "la privation de cet avantage pour les salariés français repose, ainsi, sur une raison objective, pertinente, étrangère à toute discrimination prohibée et proportionnée à l'objectif légitimement poursuivi par les Etats contractants".

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Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté

Lecture: 13 min

N3592BG7

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du CERDP (ex Crajefe)

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Se trouve, au premier plan de cette actualité, une décision rendue par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 27 mai 2008, portant sur l'application de la procédure collective à un professionnel indépendant. Une décision d'un grand intérêt a, également, été rendue par cette même chambre et le même jour, portant sur le pouvoir spécial exigé d'un notaire pour déclarer la créance de son client au passif du débiteur.
  • De quelques difficultés d'application de la procédure collective à un professionnel indépendant (Cass. com., 27 mai 2008, n° 07-13.131, FS-P+B+I N° Lexbase : A7684D84)

L'histoire des procédures collectives est celle de l'extension progressive de son champ d'application. Jusqu'en 1967, seuls les commerçants, personnes morales ou personnes physiques, pouvaient être déclarés en règlement judiciaire ou en liquidation des biens. La loi n° 67-563 du 13 juillet 1967, sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les banqueroutes (N° Lexbase : L7803GT8) a étendu l'application des procédures collectives aux personnes morales de droit privé. La loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises (N° Lexbase : L4126BMR) a poursuivi l'extension, en permettant l'ouverture des procédures collectives au bénéfice des artisans. La loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988, relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et social (N° Lexbase : L9121AGW) a rendu possible l'ouverture des procédures collectives au profit des agriculteurs. La loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L5150HGT) a poursuivi l'extension en permettant l'ouverture de procédures collectives au bénéfice de tout professionnel indépendant.

On sait que la loi du 26 juillet 2005 est, par principe, inapplicable aux procédures collectives ouvertes antérieurement. Elle s'applique, en revanche, exclusivement pour les procédures collectives ouvertes à compter du 1er janvier 2006. Ce principe peut-il être tenu en échec lorsque la personne assignée en liquidation judiciaire, professionnel indépendant ne relevant pas des procédures collectives avant le 1er janvier 2006, se trouvait en état de cessation de paiement avant cette date ? C'est à cette question que répond la Cour de cassation, dans un arrêt de sa Chambre commerciale du 27 mai 2008, appelé à une large diffusion, même s'il n'est pas prévu qu'il figure au rapport de la Cour de cassation (arrêt FS-P+B+I).

En l'espèce, sur assignation de créanciers publics, une personne, qui exerçait la profession d'agent de recherches privées, a été assignée en liquidation judiciaire. Le tribunal a fait droit à la demande. La cour d'appel a confirmé la décision. Sur pourvoi, le débiteur soutenait que la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 n'était pas applicable aux situations en cours. En l'espèce, les créances dont se prévalaient l'URSSAF, le Trésor public et le comptable des impôts résultaient d'une situation qui était en cours lors de l'entrée en vigueur de cette loi, d'où la violation, selon l'intéressé, par la cour d'appel de l'article 190 de la loi du 26 juillet 2005, qui dispose que "la présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2006".

La Cour de cassation avait, ainsi, à répondre à la question de savoir si une personne en état de cessation des paiements avant le 1er janvier 2006 et qui, à cette date, ne pouvait être soumise à une procédure collective, pouvait, après le 1er janvier 2006, être placée en liquidation judiciaire. Sans surprise, la Cour de cassation répond à la question par l'affirmative : "il résulte des dispositions des articles L. 631-2 (N° Lexbase : L4013HBA), L. 640-2 (N° Lexbase : L4039HB9) du Code de commerce et 190 de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises qu'à compter du 1er janvier 2006, une procédure collective de redressement ou de liquidation judiciaire peut être ouverte à l'encontre d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante dès lors qu'elle est en état de cessation de paiements à la date à laquelle le juge statue, peu important que son passif ait été exigible avant le 1er janvier 2006".

L'imagination des plaideurs est sans limite. Il fallait, en effet, singulièrement ajouter à la lettre de la loi, qui demande, pour placer une personne sous redressement ou sous liquidation judiciaire, qu'elle soit en état de cessation des paiements, un sérieux tempérament, en exigeant que son état de cessation des paiements soit caractérisé après le 1er janvier 2006.

Le seul critère d'application de la loi de sauvegarde dans le temps est que la procédure collective soit ouverte après le 1er janvier 2006. Dès lors que les conditions d'ouverture de cette procédure collective sont réunies à cette date, l'ouverture de celle-ci s'impose. Le plaideur soutenait que la loi de sauvegarde était sans application aux situations en cours, confondant, manifestement, procédures en cours et situations en cours. Il est exact que la loi de sauvegarde des entreprises est inapplicable lorsque la procédure collective est en cours au jour où il est demandé à la juridiction d'ouvrir une procédure collective. Il ne s'agit, d'ailleurs, nullement d'un problème d'application de la loi dans le temps, mais plutôt d'une question d'unicité de procédure. Le principe "faillite sur faillite ne vaut", posé sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 par la jurisprudence, a été clairement réaffirmé par la loi de sauvegarde des entreprises. Il est impossible d'ouvrir une liquidation judiciaire à l'encontre d'une personne déjà placée en redressement judiciaire, tant que sa procédure n'a pas été préalablement clôturée.

Une juridiction du fond avait déjà jugé que, même si l'assignation contre un professionnel libéral avait été délivrée avant le 1er janvier 2006, la procédure pouvait être ouverte à compter de cette date. La solution a été posée pour un médecin (1).

Un avis de la Cour de cassation permettait, également, déjà, de répondre à la question posée. Il avait été estimé que le professionnel libéral pouvait, après le 1er janvier 2006, demander l'ouverture de la procédure collective, alors même qu'il aurait cessé son activité avant l'entrée en vigueur de la loi de sauvegarde des entreprises, et, alors même, que plus d'un an se serait écoulé depuis la date de cessation de son activité, dès lors qu'il se trouvait en état de cessation des paiements et que tout ou partie de son passif provenait de son activité professionnelle (2). La logique qui anime l'avis de la Cour de cassation est exactement la même que celle utilisée dans la présente espèce.

Il y avait, donc, manifestement abus du plaideur à former un pourvoi en cassation en soutenant un tel argument.

Toutefois, le plaideur avait un autre argument à soulever, dans lequel, sans doute, il croyait davantage. En effet, depuis la loi de sauvegarde des entreprises, la procédure collective peut être ouverte à l'encontre d'un professionnel libéral. L'article L. 631-2 du Code de commerce pose, en pareil cas, lorsque les professionnels libéraux sont soumis à un statut ou à une autorité disciplinaire propre, des règles particulières, destinées à associer l'ordre professionnel ou l'autorité professionnelle à la procédure.

Lorsque le débiteur est un professionnel libéral soumis à un statut législatif ou réglementaire, l'ordre professionnel ou l'autorité compétente doit être entendue avant le jugement d'ouverture. La solution est posée pour la procédure de sauvegarde par l'article L. 621-1, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L4127HBH). Ce texte est applicable au redressement judiciaire (C. com., art. L. 631-7 N° Lexbase : L4018HBG) et à la liquidation judiciaire (C. com., art. L 641-1-I N° Lexbase : L4044HBE). Cela doit lui permettre d'exprimer son point de vue au regard des règles déontologiques et disciplinaires dont il a la charge du contrôle (3).

Cette audition préalable ne s'impose, d'évidence, que s'il s'agit d'un professionnel libéral soumis à un statut. Elle interviendra en chambre du conseil.

Quoi qu'il en soit, pour que le dispositif prévu par la loi de sauvegarde des entreprises s'impose, il est nécessaire que l'on soit en présence d'un ordre professionnel ou d'une autorité compétente. En l'espèce, la question se posait de savoir si l'Observatoire des détectives de France et la Confédération nationale des enquêteurs et détectives professionnels devaient être considérés comme des ordres professionnels. C'est ce que soutenait le débiteur. La cour d'appel avait rejeté sa prétention et, de la même façon, la Cour de cassation va rejeter le pourvoi, en indiquant que "lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise un statut législatif réglementaire, le tribunal statue sur l'ouverture la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire après avoir entendu ou appelé l'ordre professionnel auquel ce texte confère la mission de représenter la profession. Et attendu qu'ayant relevé que l'Observatoire des détectives de France et la Confédération nationale des enquêteurs et détectives professionnels s'apparentent à des syndicats professionnels, la cour d'appel a retenu, à juste titre, que ceux-ci ne pouvaient recevoir la qualification d'ordre professionnel et n'avaient donc pas être appelés".

Il faut bien comprendre la portée de l'association de l'ordre professionnel d'un professionnel libéral à la procédure collective intéressant celui-ci. L'ordre sera d'office contrôleur. Un "rôle spécifique lui est reconnu de façon à assurer l'information réciproque de l'ordre, du tribunal et du mandataire judiciaire, et à concilier les actions susceptibles d'être engagées par les uns et les autres" (4). Ce contrôleur nommé d'office aura des prérogatives tendant à la défense des valeurs de la profession (5), et non à la défense des intérêts d'un créancier.

Une juridiction ne peut ouvrir une procédure concernant un professionnel libéral soumis à un ordre, sans désigner d'office l'ordre en qualité de contrôleur. Le jugement est susceptible d'annulation par la cour d'appel, qui, en application de l'effet dévolutif de l'appel, peut ouvrir la procédure et renvoyer l'affaire devant le tribunal, en enjoignant à celui-ci de désigner un contrôleur représentant l'ordre (6).

  • Le pouvoir spécial exigé d'un notaire pour déclarer la créance de son client au passif du débiteur (Cass. com., 27 mai 2008, n° 07-10.167, F-D N° Lexbase : A7835D8P)

Selon une solution aujourd'hui bien acquise en jurisprudence, la déclaration de créance équivaut à une demande en justice. La solution avait été posée sous l'empire de la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967, sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les banqueroutes, à l'époque de la production au passif. Rapidement après l'entrée en vigueur de la loi n° 85-98 du 25 janvier de 1985, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, un contentieux très important se développait sur la question du pouvoir pour déclarer les créances. Saisie de la difficulté, la Cour de cassation avait rendu, en la matière, une décision de principe, fixant sa jurisprudence. Elle énonçait que "la déclaration des créances au passif du redressement judiciaire du débiteur équivaut à une demande en justice que le créancier peut, selon les deux derniers textes susvisés [C. civ., art. 1328 N° Lexbase : L1438ABU et C. proc. civ., art. 853, al. 1, N° Lexbase : L1796ADU], former lui-même ; que, dans le cas où le créancier est une personne morale, cette déclaration faite à titre personnel, si elle n'émane pas des organes habilités par la loi à la représenter, peut encore être effectuée par tout préposé titulaire d'une délégation de pouvoir lui permettant d'accomplir un tel acte, sans que ce pouvoir soit soumis aux règles applicables au mandat de représentation en justice dont un tiers peut être investi ; qu'il peut, enfin, être justifié de l'existence de la délégation de pouvoir, jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance, par la production des documents établissant la délégation, ayant ou non acquis date certaine" (7).

La solution posée par la Cour de cassation concernait l'hypothèse d'une déclaration de créance effectuée par le créancier lui-même. C'est la fameuse question de la délégation de pouvoir lorsque le créancier est une personne morale.

La Cour de cassation devait rapidement statuer sur l'hypothèse toute différente du tiers déclarant la créance du créancier. Le principe posé par la Cour de cassation est que, si le créancier ne déclare pas personnellement sa créance, le déclarant, qui est un tiers, doit être muni d'un pouvoir spécial à cette fin (8). Le pouvoir spécial s'entend d'un pouvoir donné affaire par affaire, au contraire de la délégation de pouvoir reçue pour déclarer la créance de son préposé, qui est générale.

Le régime probatoire de la délégation de pouvoir pour déclarer une créance et celui du pouvoir spécial sont très différents. C'est ce que permet d'illustrer, une nouvelle fois, l'arrêt du 27 mai 2008 de la Chambre commerciale de la Cour de cassation.

En l'espèce, deux époux vendent leur fonds de commerce à une société. L'acte est passé par un notaire. La société fait l'objet d'un redressement judiciaire, sans payer le prix d'acquisition. Le notaire des époux procède, alors, à une déclaration de la créance de prix de vente au passif de cette société. Le représentant des créanciers de la société conteste la déclaration de créance, au motif que le déclarant était un mandataire ad litem devant justifier d'un pouvoir spécial, dans le délai de la déclaration de créance. La cour d'appel va rejeter cette argumentation, en relevant que, au cours de l'instance, le créancier avait justifié du pouvoir spécial donné au notaire deux jours avant la déclaration de créance au passif. Elle soutient, en conséquence, pour considérer régulière la déclaration de créance effectuée, que si le défaut de pouvoir est une irrégularité de fond, tel n'est pas le cas de la tardiveté dans la justification de ce pouvoir, laquelle, au demeurant, n'a causé de griefs à quiconque.

La question posée à la Cour de cassation était, donc, de savoir si un notaire, déclarant la créance de son client, devait justifier, dans le délai de la déclaration de créance, d'un pouvoir spécial. A cette question, la Cour de cassation, sans surprise, répond par l'affirmative, en cassant l'arrêt de la cour d'appel : "la déclaration des créances équivalant à une demande en justice, la personne qui déclare la créance d'un tiers doit, si elle n'est pas avocat, être munie d'un pouvoir spécial et écrit, produit soit lors de la déclaration de la créance, soit dans le délai légal de cette déclaration".

La cause est, donc, entendue. Le notaire, comme tout tiers, doit justifier d'un pouvoir spécial pour déclarer la créance de son client. Jusqu'alors, et c'est là l'intérêt de l'arrêt commenté, la Cour de cassation n'avait pas été amenée à statuer sur l'hypothèse de la déclaration de créance effectuée par un notaire. Deux juridictions du fond avaient, cependant, statué en ce sens (9). A cette époque, nous avions clairement pris parti sur la question dans le sens retenu aujourd'hui par la Cour de cassation (10).

La solution méritait, en effet, d'être rapprochée de celles antérieurement retenues pour l'huissier (11) ou encore pour l'avoué (12). La seule dispense de pouvoir pour déclarer la créance de son client concerne, du fait d'une disposition spéciale du Code de procédure civile, l'avocat (13). Encore faut-il qu'il s'acquitte personnellement de son obligation. A cet égard, il a, en effet, été jugé que si la signature est précédée de la mention "pour ordre ou PO", le seul fait que la déclaration de créance ait été portée sur un bordereau établi au nom du créancier ayant pour avocat Me X, portant le cachet humide de cet avocat, ne permettra pas de rapporter la preuve de l'identité de l'auteur de la déclaration de créance (14). Au contraire, d'une manière souple, la Cour de cassation admet que, dès lors que figure sur la déclaration de créance le cachet de l'avocat, il n'y a pas à rechercher si c'est bien l'avocat qui a signé le courrier contenant la déclaration de créance (15). Ainsi, l'avocat qui part en vacances et qui reçoit instruction de déclarer une créance dont le délai expire pendant celles-ci devra donner instruction à sa secrétaire d'envoyer sur son en-tête la déclaration de créance non signée, plutôt que de donner consigne à sa secrétaire de signer "PO" la déclaration de créance.

Le défaut de pouvoir spécial est une irrégularité de fond. L'article 853, alinéa 1er, du Code de procédure civile oblige le tiers à être investi d'un pouvoir spécial. L'article 416 (N° Lexbase : L2649ADH) du même code oblige ce tiers à en justifier. Non seulement, donc, le notaire devra avoir reçu un pouvoir spécial pour déclarer la créance de son client, mais, en outre, il devra justifier de ce pouvoir spécial dans le délai de la déclaration de créances, c'est-à-dire, dans le délai de l'action. On mesure, ici, la distance qui sépare les exigences probatoires de la justification de la délégation de pouvoir, qui peut être faite jusqu'à ce que le juge statue, et la justification du pouvoir spécial émanant du tiers.

La prudence commandera que le tiers déclarant joigne à l'envoi de la déclaration de créances le pouvoir spécial qu'il a reçu de son client. Il est, en tout cas, certain, selon une jurisprudence bien établie (16), et ici rappelée, que le tiers ne saurait justifier de son pouvoir spécial que dans le délai de la déclaration de créances.

Indiquons qu'il est possible de combiner le régime de la déclaration de créance par un tiers, avec celui de la déclaration de créance effectuée par un préposé. Il faut, ici, supposer que la créance soit déclarée par un tiers, muni d'un pouvoir spécial, ce tiers ayant donné une délégation de pouvoir à l'un de ses préposés. La jurisprudence estime, en effet, que le tiers ayant reçu mandat spécial peut valablement déléguer ce pouvoir à l'un de ses préposés (17), sans que soit exigée de ce dernier la preuve d'un mandat spécial directement reçu du créancier (18), ni que sa délégation de pouvoir revête un caractère spécial (19). La preuve du pouvoir de ce salarié n'a pas à être apportée dans le délai de la déclaration de créance (20).

Observons que le principe selon lequel la justification du pouvoir ne pourra être apportée qu'à l'intérieur du délai de déclaration de créance vaut pour l'huissier de justice, qui tient son mandat de l'avocat du créancier, et qui n'est pas dispensé de prouver l'existence de ce mandat spécial, dans le délai de la déclaration de créance (21). La solution aurait été, en l'espèce, transposable à l'hypothèse du notaire donnant instruction à un avocat de déclarer la créance de son client.

Il ne restera plus aux clients du notaire qu'à rechercher sa responsabilité pour faute professionnelle, le préjudice à réparer n'étant, toutefois, égal qu'à la perte de la chance d'être payé dans la procédure collective.


(1) CA Metz, 1ère ch., 22 mai 2007, n° 06/01005, Gaz. proc. coll., 2007/4, p. 27, note Ch. Lebel.
(2) Avis du 17 septembre 2007, n° 0070010P (N° Lexbase : A5670DYN), D., 2007, AJ, p. 2475, note A. Lienhard ; Gaz. proc. coll., 2007/4, p. 31, n° 4, note Ch. Lebel ; Act. proc. coll., 2007/19, note A. Jacquemont ; lire nos obs., La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre, Lexbase Hebdo - édition privée générale n° 274 du 26 septembre 2007 (N° Lexbase : N5057BCB).
(3) Rapport n° 2095 de Xavier de Roux, p. 182.
(4) Rapport n° 2095 de Xavier de Roux, p. 195.
(5) Lire Pérochon et Bonhomme, Entreprises en difficulté - Instruments de crédit et de paiement, LGDJ, 7ème éd., 2006, n° 212.
(6) CA Bordeaux, 2ème ch., 27 juin 2007, n° 07/01485, SARL Architecture et Design Developpement c/ SELARL Christophe Mandon (N° Lexbase : A1127D7U), Act. proc. coll., 2007/18, n° 203, note S. Rétif.
(7) Cass. com., 8 novembre 1994, n° 93-11.696, Société à responsabilité limitée Ateliers France Lormin et autres c/ Société anonyme Au Bonheur de vivre, inédit (N° Lexbase : A9566CPY), Bull. civ., IV, n° 471; Bull. Joly, 1994, 196, note Jeantin ; JCP éd. E, 1994, II, 573, note M.-J. Campana et M. Calendini ; JCP éd. G, 1994, II, 22200, note J.-P. Rémery ; Banque, février 1994, 93, obs. J.-L. Guillot ; Rev. Sociétés, 1994, 100, note Y. Chartier ; RTD Com., 1994, p. 367, obs. A. Martin-Serf.
(8) Cass. civ. 1, 13 juin 1995, n° 93-18.875, Société du centre commercial Bordeaux préfecture c/ Société civile professionnelle d'huissiers de justice Celle-Lichtwitz-Celle-Da Costa-Noble (N° Lexbase : A7437A3T), RJDA, 1996, n° 126 ; Cass. com., 19 mars 1996, n° 93-16.875, Société Exel GSA c/ Société Jardinerie Legruel (N° Lexbase : A7439A3W), RTD Com., 1996, p. 713, obs. A. Martin-Serf ; Cass. com., 17 décembre 1996, n° 94-19.489, Mme Pascual-Homont c/ Crédit fécampois et autres (N° Lexbase : A6183AWW), Bull. civ., IV, n° 313 ; JCP éd. E, 1997, n° 18, p. 216, rapport J.-P. Remery ; JCP éd. E, 1997, II, 941, note M. Béhar-Touchais ; Cass. com., 5 janvier 1999, n° 95-16.360, Banque nationale de Paris (BNP) c/ Société Hôtel Madame Mère, Société à responsabilité limitée et autres (N° Lexbase : A0049AUD), Act. proc. coll., 1999/4, n° 48 ; Cass. com., 30 mars 1999, n° 96-15.144, Société Chantiers modernes c/ Crédit lyonnais et autres (N° Lexbase : A0112AUP), Bull. civ., IV, n° 75, lire nos obs., LPA, 25 mai 1999, n° 103, p. 7 ; Cass. com., 20 juin 2000, n° 97-16.431, Caisse de Crédit mutuel de Boulogne-sur-Mer c/ M. Michel Pernet, inédit (N° Lexbase : A6550CXU) ; Cass. com., 29 octobre 2002, n° 00-22.135, Société Le Vuache c/ M. Jean Blanchard, F-D (N° Lexbase : A4049A3D), Act. proc. coll., 2003/1, n° 4.
(9) CA Amiens, 20 septembre 2001, n° 00/00271, Epoux Philippo c/ Maître Hebault (N° Lexbase : A4516DPX), Rev. proc. coll., 2002, p. 185, n° 3, obs. F.-F. Legrand ; TGI Dunkerque, ordonnance du juge-commissaire, 16 novembre 2001, Act. proc. coll., 2002/5, n° 57.
(10) Lire nos obs., Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 2008/2009, 4ème éd., n° 662.25.
(11) Cass. com., 15 octobre 1991, n° 90-11.657, Monsieur Gruiec et autres c/ Société Samua et autre (N° Lexbase : A4104ABM), Bull. civ., IV, n° 297, Rev. proc. coll., 1992, 185, no 4, obs. B. Dureuil, JCP éd. G, 1992, I, 3594, obs. M. Cabrillac, Banque, 1992, 1058, obs. J.-L. Rives-Lange ; Cass. com., 11 octobre 1994, n° 92-10.909, Etablissements Dequecker frères c/ M. Dechriste, ès qualités de mandataire-liquidateur de la liquidation (N° Lexbase : A6759ABX), Bull. civ., IV, n° 280 ; Cass. com., 13 novembre 2002, n° 99-19.421, Mme Josette Delalande c/ Société Delabuis, F-P+B (N° Lexbase : A7289A3D), Bull. civ., IV, n° 163, Act. proc. coll., 2002/20, n° 260, D., 2003, AJ, p. 204, RD banc. et fin., 2003/1, p. 27, n° 28, obs. F.-X. Lucas, Dr. et patr., 2003, n° 113, p. 95, obs. M.-H. Monsérié-Bon, Rev. proc. coll., 2003, p. 317, n° 2, obs. F.-F. Legrand, lire nos obs., Dr. et proc., 2003, p. 90, lire nos obs., L'huissier de justice et la déclaration de créance - le point sur la déclaration de créance effectuée par un tiers, Lexbase Hebdo - édition affaires n° 49 du 28 novembre 2002 (N° Lexbase : N4866AAH), LPA, 3 avril 2003, n° 67, p. 14, note O. Tafanelli, Procédures, juin 2003, p. 19, note C. Laporte, RTD Com., 2003, p. 563, n° 1, obs. A. Martin-Serf ; Cass. com., 7 décembre 2004, n° 03-16.364, M. Alain Hautier c/ Caisse régionale du Crédit agricole mutuel (CRCAM) de la Somme, F-D (N° Lexbase : A3650DEW) ; Cass. com., 7 mars 2006, n° 05-11.633, M. Paul Tremelot, en qualité de liquidateur judiciaire de la liquidation judiciaire de la Société à responsabilité limitée Boulangerie-Pâtisserie de l'Eglise c/ Société Amo Moulins du Finistère, F-D (N° Lexbase : A5102DNB) ; Cass. com., 13 mars 2007, n° 05-21.649, Mme Muriel Amauger, mandataire judiciaire, agissant en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Mme Grégoire, F-D (N° Lexbase : A6907DUD).
(12) Cass. com., 28 juin 2005, n° 04-14.651, M. Emmanuel Loeuille, en sa qualité de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Micropuce c/ Société Pharaon, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8671DIY), Bull. civ., IV, n° 143, n° 1127, D., 2005, AJ, p. 1940, obs. A. Lienhard, lire nos obs., D., 2006, somm. comm., p. 84, D., 2006, Jur., p. 545, note P. Julien et N. Fricéro, JCP éd. G, 2005, II, 10113, note J.-P. Rémery, RTD com., 2005/4, p. 840, n° 1, obs. A. Martin-Serf, JCP éd. E, 2005, 1637, p. 1933, note J.-P. Réméry, Bull. Joly, 2006/2, § 33, p. 189, note J.-J. Barbiéri, Rev. proc. coll., 2006/1, p. 61, n° 4, obs. F. Legrand ; Cass. com., 29 novembre 2005, n° 04-16.362, Société Sodirec c/ Société AZ Informatique, F-P+B (N° Lexbase : A8491DL3), Bull. civ., IV, n° 235, n° 1496, D., 2006, AJ, p. 65, obs. A. Lienhard, lire nos obs., Gaz. proc. coll., 2006/1, p. 32, Bull. Joly, 2006, § 34, p. 189, note J.-J. Barbiéri.
(13) Cass. com., 23 janvier 2001, n° 97-21.311, M. Jean Louis Erre (N° Lexbase : A4294ARH), Bull. civ., IV, n° 21, D., 2001, AJ, p. 858, obs. A. Lienhard, JCP éd. E, 2001, n° 42, p. 1674, note M. Behar-Touchais, Gaz. Pal., 2001, 18-20 mars, pan., p. 19 ; CA Paris, 3ème ch., sect. B, 30 avril 2004, 4 arrêts : n° 2003/07680, Société SNC Hôtel de Nantes c/ Société C.F.C.L. (N° Lexbase : A4084DCA), n° 2003/07683, Madame Fedele Denise épouse Drosne c/ SCP Bizouard - Daude (N° Lexbase : A4083DC9), n° 2003/07685, Monsieur Drosne Serge c/ SCP Brouard - Daude (N° Lexbase : A4082DC8) et n° 2003/07686, SNC Alliances c/ Société C.F.C.L. (N° Lexbase : A4081DC7) ; Cass. com., 30 juin 2004, n° 02-19.135, Caisse de Crédit mutuel de Bastia c/ Société Corse mécanographie, F-D (N° Lexbase : A8950DCH).
(14) Cass. com., 13 février 2007, n° 05-17.676, Société Coopérative de Banque populaire "BPCA", F-P+B (N° Lexbase : A2101DUD), Bull. civ., IV, n° 39, n° 300, D., 2007, AJ, p. 661, note A. Lienhard, Gaz. proc. coll., 2007/2, p. 44, note E. Le Corre-Broly, RD banc. et fin., mars-avril 2007, p. 26, n° 72, note F.-X. Lucas, RTD Com., 2007/2, p. 448, n° 3, obs. A. Martin-Serf.
(15) Cass. com., 10 mai 2005, n° 04-13.547, M. Gérard Nodée, mandataire judiciaire c/ Société Prosimo, F-D (N° Lexbase : A2417DID) ; Cass. com., 10 mai 2005, n° 04-13.548, M. Gérard Nodée, pris en sa qualité de représentant des créanciers et liquidateur de la Société Prosimetal c/ Société anonyme Jean D'Huart, F-D (N° Lexbase : A2418DIE) ; Cass. com., 10 mai 2005, n° 04-13.549, M. Gérard Nodee c/ Société Exma, F-D (N° Lexbase : A3810DIX).
(16) Cass. com., 19 novembre 1996, n° 94-19.842, Société Natio Equipement c/ M. Piou (N° Lexbase : A2540ABP), Bull. civ., IV, n° 277, RD banc. et bourse, 1997, 35, n° 2, obs. M.-J. Campana et M. Calendini, RTD Com., 1997, p. 512, obs. A. Martin-Serf, JCP éd. E, 1997, I, 651, n° 7, obs. P. Pétel, JCP éd. E, 1997, II, 932, note Ph. Pétel ; Cass. com., 25 février 1997, n° 95-12.424, Société Béton de France c/ Lecureuil (N° Lexbase : A0727A4P), RD banc. et bourse, 1997, 77, n° 3, obs. M.-J. Campana et M. Calendini ; Cass. com., 12 octobre 1999, 9 arrêts, n° 96-21.366, Société Caquant, Société anonyme c/ Société Génie civil du Nord, Société anonyme et autres, inédit (N° Lexbase : A1633CSB) à n° 96-21.374, Société Cantard industries, Société anonyme c/ Société Génie civil du Nord, Société anonyme et autres, inédit (N° Lexbase : A1641CSL), Act. proc. coll., 1999/19, n° 251 ; Cass. com., 9 juillet 2002, n° 98-17.877, Caisse de Crédit mutuel de Caen-Venoix c/ M. Pascal Soulenan, F-D (N° Lexbase : A0953AZC), Act. proc. coll., 2002/17, n° 220 ; Cass. civ. 1, 6 mai 2003, n° 01-00.956, Mme Dominique Grisot, épouse Frenove c/ M. Pierre Mennesson, F-D (N° Lexbase : A8230BSM) ; Cass. com., 5 novembre 2003, n° 00-18.497, M. Paul Barberousse c/ Caisse fédérale du Crédit mutuel méditérranéen, FS-P+B (N° Lexbase : A0584DAU), Bull. civ., IV, n° 163, Act. proc. coll., 2003/20, n° 254 ; Rev. proc. coll., 2004, p. 275, n° 15, obs. M.-P. Dumont ; Cass. com., 3 décembre 2003, 6 arrêts : n° 01-03.612, Société Etablisements Trouillet et compagnie c/ Société Azuréenne de Sportswear, F-D (N° Lexbase : A3569DAG) à n° 01-03.617, Société Clasquin France c/ Société Azuréenne de sportswear, F-D (N° Lexbase : A3574DAM) ; Cass. com., 11 février 2004, n° 01-12.298, Société Bleu Azur, Société à responsabilité limitée c/ Société Duthoit, F-D (N° Lexbase : A3122DBA) ; Cass. com., 9 novembre 2004, n° 03-11.579, Compagnie générale de garantie c/ M. Simon Lefèvre, F-D (N° Lexbase : A9341DDC) ; Com., 7 décembre 2004, n° 03-16.364, M. Alain Hautier c/ Caisse régionale du Crédit agricole mutuel (CRCAM) de la Somme, F-D (N° Lexbase : A3650DEW) ; Cass. com., 1er février 2005, n° 03-16.814 et n° 03-16.816 (jonction), M. Robert Brissonneau c/ Caisse de Crédit mutuel de Sainte-Pezenne, F-D (N° Lexbase : A6280DGP) ; Cass. com., 10 mai 2005, n° 04-12.332, Société AIOI Insurance Company of Europe, venant aux droits de la Société Chiyoda Europe c/ M. Dominique Delaby, F-D (N° Lexbase : A2399DIP) ; Cass. com., 7 mars 2006, n° 05-11.633, M. Paul Tremelot, en qualité de liquidateur judiciaire de la liquidation judiciaire de la Société à responsabilité limitée Boulangerie-Pâtisserie de l'Eglise c/ Société Amo Moulins du Finistère, F-D, précité ; Cass. com., 7 mars 2006, n° 05-11.635, M. Paul Tremelot, en qualité de liquidateur judiciaire de la liquidation judiciaire de la Société à responsabilité limitée Boulangerie-Pâtisserie de l'Eglise c/ Société Amo Moulins du Finistère, F-D (N° Lexbase : A5103DNC) ; Cass. com., 7 mars 2006, n° 05-11.636, M. Paul Tremelot, en qualité de liquidateur judiciaire de la liquidation judiciaire de la Société à responsabilité limitée Boulangerie-Pâtisserie de l'Eglise c/ Société Amo Moulins du Finistère, F-D (N° Lexbase : A5104DND) ; Cass. com., 26 septembre 2006, n° 05-14.752, M. Laurent Lefèvre, F-D (N° Lexbase : A3488DRM) ; Cass. com., 3 octobre 2006, n° 05-13.244 et n° 05-14.373 (jonction), Société civile immobilière (SCI) Francann, F-D (N° Lexbase : A7788DRU), RD banc. et fin., novembre-décembre 2006, p. 24, n° 207, note F.-X. Lucas, RTD Com., 2007/1, p. 165, obs. P. Le Cannu ; Cass. com., 3 octobre 2006, n° 04-19.457, Société Silvestri et Baujet, F-D (N° Lexbase : A7676DRQ), Act. proc. coll., 2006/19, n° 232, note J. Vallansan, lire nos obs., La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre, Lexbase Hebdo n° 237 du 23 novembre 2006 (N° Lexbase : N0346A9P).
(17) Cass. com., 11 décembre 2007, n° 06-20.863, Caisse fédérale du crédit mutuel Océan, F-D (N° Lexbase : A0785D3H) ; Cass. com., 11 décembre 2007, n° 06-20.864, Caisse de crédit mutuel de Roche Molière, F-D (N° Lexbase : A0786D3I) ; Cass. com., 11 décembre 2007, n° 06-20.865, Caisse de crédit mutuel de Roche Molière, F-D (N° Lexbase : A0787D3K) ; Cass. com., 11 décembre 2007, n° 06-20.866, Caisse de crédit mutuel de Roche Molière, F-D (N° Lexbase : A0788D3L).
(18) Cass. com., 14 janvier 1997, n° 94-18.033, Société Levillain c/ Société Saunier Duval (N° Lexbase : A1525ACH), Bull. civ., IV, n° 12, JCP éd. G, 1997, II, 22837 ; Cass. com., 20 juin 2000, n° 96-18.942, Max Dubois c/ Société Fiat Crédit France (N° Lexbase : A7438A3U), Act. proc. coll., 2000/15, n° 188, RJDA, 2001/1, n° 47 ; Cass. com., 28 juin 2004, n° 02-15.611, BNP-Paribas c/ M. José Serrano, F-P (N° Lexbase : A0505DBC) ; Cass. com., 30 janvier 2007, n° 05-17.141, Société OJM Société holding de participation, actuellement en redressement judiciaire, FS-P+B (N° Lexbase : A7810DTG), Bull. civ., IV, n° 16, n° 134 ; CA Paris, 25ème ch., sect. B, 19 septembe 2003, n° 2001/18094, SCP Brouard Daude c/ SA Daihatsu France (N° Lexbase : A2618DA9).
(19) Cass. com., 30 janvier 2007, n° 05-17.141, Société OJM Société holding de participation, actuellement en redressement judiciaire, FS-P+B, précité, Bull. civ., IV, n° 16, n° 134 ; D., 2007, AJ, p. 508, note A. Lienhard, Gaz. proc. coll., 2007/2, p. 44, note E. Le Corre-Broly, Act. proc. coll., 2007/4, n° 35, note J. Vallansan, RTD com., 2007/2, p. 444, n° 1, obs. A. Martin-Serf, LPA, 12 mars 2007, n° 51, p. 12, note M.-E. Mathieu, RJ com., 2007, p. 224, note J.-P. Sortais.
(20) Cass. com., 12 octobre 1999, 6 arrêts : n° 96-21.366, Société Caquant, Société anonyme c/ Société Génie civil du Nord, Société anonyme et autres, inédit (N° Lexbase : A1633CSB) à n° 96-21.374, Société Cantard industries, Société anonyme c/ Société Génie civil du Nord, Société anonyme et autres, inédit (N° Lexbase : A1641CSL), Act. proc. coll., 1999/19, n° 251.
(21) Cass. com., 13 mars 2007, n° 05-21.649, Mme Muriel Amauger, mandataire judiciaire, agissant en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Mme Grégoire, F-D (N° Lexbase : A6907DUD).

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Horaires d'équivalence dans le secteur médico-social : épilogue ?

Réf. : Cass. soc., 5 juin 2008, n° 06-46.295, Mme Annie Bonnemaison, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9248D8Z)

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N3519BGG

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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Il y a tout juste un an était annoncée, dans ces colonnes, la fin de la saga judiciaire des horaires d'équivalence dans le secteur médico-social (1). L'arrêt présenté aujourd'hui ne vient pas contredire cette affirmation puisqu'il tranche dans un sens identique à celui des deux décisions qui avaient amené cette annonce. La Chambre sociale de la Cour de cassation rappelle, par un arrêt rendu le 5 juin 2008, que l'article 29 de la loi "Aubry II" du 19 janvier 2000 (2) n'est pas applicable aux litiges engagés avant l'entrée en vigueur de la loi mais que, en revanche, ces dispositions sont parfaitement opposables aux justiciables n'ayant engagé leur action qu'après que la loi soit entrée en application. Au vu, notamment, de la large publicité offerte à cet arrêt, il convient de revenir rapidement sur l'évolution ayant mené à ce départage (I). Il faudra, ensuite, observer que les fondements soulevés par les parties différaient de ceux présentés il y a un an et que cette différence ménage un certain nombre d'incertitudes (II).
Résumé

Des salariées du secteur médico-social n'ayant engagé leur action prud'homale, pour obtenir des rappels de salaires au titre de permanences nocturnes effectuées entre 1996 et 2000, que postérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000, ne peuvent prétendre avoir été privées d'une "espérance légitime" ou d'une "valeur patrimoniale préexistante faisant partie de leurs biens", au sens de l'article 1er du Protocole n° 1 annexé à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (3).

Commentaire

I - Bref retour sur la saga des horaires d'équivalence

  • Définition des heures d'équivalence

Les heures d'équivalence (4) se rencontrent dans certaines professions dont l'exercice connaît ordinairement des heures creuses pendant lesquelles le salarié est "désoeuvré". Une durée équivalente à la durée légale peut, alors, être instituée par décret ou par convention collective (5). Tel est le cas des veilleurs de nuits de certains centres médico-sociaux, qui restent sur place pour surveiller les lieux de vie des résidents des centres, sans avoir forcément d'intervention à effectuer.

  • Validation des équivalences conventionnelles

La Convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 avait mis en place un horaire d'équivalence pour ces personnels. Pourtant, l'accord en question n'ayant pas fait l'objet d'une extension, la Cour de cassation décidait, en 1999, que la totalité du temps durant lequel les salariés s'étaient tenus à disposition de l'employeur devait être considéré comme constituant du temps de travail effectif et, partant, devait être intégralement rémunéré (6). Face au coût pharaonique que constituait une telle mesure pour les finances publiques ayant en charge la majeure partie des institutions médico-sociales, l'article 29 de la loi "Aubry II" valida de manière rétroactive le système d'équivalence en vigueur, jusqu'à l'intervention de la Cour de cassation (7).

  • Désaccord judiciaire

La Chambre sociale de la Cour de cassation, se fondant sur l'article 6 § 1 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR), estimait, deux ans plus tard, que l'application de l'article 29 de la loi "Aubry II" devait être écartée (8), position rapidement contredite par l'Assemblée plénière (9). L'affaire aurait probablement été entendue si les juridictions européennes n'avaient pas été saisies de la question.

A côté de l'intervention de la CJCE (10), c'est, surtout, la position prise par le Cour européenne des droits de l'Homme qui compliqua à nouveau l'évolution du système d'heures d'équivalence. En effet, la Cour de Strasbourg décidait que "l'intervention législative litigieuse, qui réglait définitivement, de manière rétroactive, le fond des litiges pendants devant les juridictions internes, n'était pas justifiée par d'impérieux motifs d'intérêt général" et constituait, ainsi, une violation de l'article 6 § 1 de la CESDH (11). En outre, et c'est là le point le plus important au regard de l'arrêt commenté, la Cour européenne des droits de l'Homme sanctionnait, également, le législateur français, sur le fondement de l'article 1er du Protocole additionnel à la CESDH (N° Lexbase : L1625AZ9), en estimant que "la mesure litigieuse a fait peser une 'charge anormale et exorbitante' sur les requérants [...] et l'atteinte portée à leurs biens a revêtu un caractère disproportionné, rompant le juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux des individus" (12). Le juge français devait revoir sa copie.

  • La solution de droit positif : le départage entre action intentée avant ou après la loi du 19 janvier 2000

Ce fut chose faite à l'occasion des arrêts du 13 juin 2007 déjà évoqués. La Cour de cassation procéda à un départage entre les actions engagées antérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 29 de la loi "Aubry II" et celles qui furent exercées ultérieurement. Pour les premières, la loi ne pouvant être rétroactive faute d'impérieux motif d'intérêt général, le texte était rendu inapplicable et la rémunération des salariés devait être intégralement versée. Pour les secondes, au contraire, aucune atteinte au droit à un procès équitable ne pouvait plus être soutenu, si bien que la validation opérée par la loi "Aubry II" devait être considérée comme parfaitement valable.

II - Un dénouement bardé d'incertitudes...

  • En l'espèce : confirmation de jurisprudence

L'arrêt commenté rend une solution en tous points identiques à celles de juin 2007, opérant le même départage entre actions engagées avant ou après l'entrée en vigueur de la loi. Il pourrait donc être affirmé qu'il ne s'agit là que d'une simple confirmation de jurisprudence, parachevant le dénouement de la saga judiciaire des heures d'équivalence. Pourtant, à bien y regarder, une différence notable peut s'extraire de ces deux séries d'arrêts.

  • Argumentation sur le fondement de l'article 1er du Protocole additionnel de la CESDH

En effet, les arrêts de juin 2007 n'avaient eu à statuer que sur la conformité de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 à l'article 6 § 1 de la CESDH, c'est-à-dire au droit de bénéficier d'un procès équitable. Or, la requête introduite devant la Cour de cassation pour l'arrêt commenté n'était plus fondée sur ce texte, mais sur l'article 1er du Protocole additionnel à la CESDH, texte sur le fondement duquel, rappelons-le, la Cour européenne des droits de l'Homme avait, également, censuré la loi de validation.

Comme le relevait parfaitement le Professeur Auzero, le départage opéré entre action introduite avant ou après l'entrée en vigueur de la loi permettait à la Cour de cassation de mettre sa jurisprudence en conformité avec la solution rendue par la Cour de Strasbourg sur le fondement de l'article 6 § 1 de la CESDH (13). Pour autant, cette solution ménageait-elle, également, les règles issues du Protocole additionnel ?

C'est, en tous les cas, l'avis de la Chambre sociale, qui décide que les salariées n'ayant introduit leur action qu'ultérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000, elles ne pouvaient se considérer comme "privées d'une 'espérance légitime' ou d'une 'valeur patrimoniale préexistante faisant partie de leurs biens'", au sens du Protocole additionnel.

Il est probable que cette solution soit conforme à l'argumentation à laquelle la Cour européenne des droits de l'Homme avait procédé dans les arrêts "Aubert", puisque la circonstance que les affaires étaient pendantes lors de l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000 paraissait essentielle dans l'appréciation de l'atteinte aux biens des salariés (14).

  • Un doute résiduel...

Il reste qu'un doute subsiste en raison de la dualité de fondement de la solution de la CESDH.

En effet, le départage appliqué par la Chambre sociale de la Cour de cassation permet parfaitement d'aménager le caractère rétroactif de la loi du 19 janvier 2000 et, partant, de rendre le texte conforme à l'article 6 § 1 de la CESDH. En revanche, l'article 1er du Protocole additionnel ne concerne en rien les exigences d'un procès équitable et ne met pas directement en cause la rétroactivité de la loi. Seule l'atteinte aux biens des salariées est, alors, en cause, celle-ci ne pouvant être justifiée que par une "cause d'utilité publique", cause que la Cour de cassation se dispense de rechercher.

Il est possible que l'atteinte à "l'espérance légitime" ou à la "valeur patrimoniale préexistante faisant partie de leurs biens" ne résulte pas seulement de la rétroactivité de la loi, mais, encore, de la totalité des effets de la loi, y compris ses effets pour l'avenir (15). Concrètement, la loi implique que les heures de garde effectuées avant son entrée en vigueur et pour lesquelles les salariées étaient en droit d'espérer une rémunération intégrale sont considérées comme des heures d'équivalence. La Cour européenne des droits de l'Homme pourrait, dès lors, avoir une interprétation différente de celle de la Cour de cassation et estimer que, malgré la neutralisation de son caractère rétroactif, la loi "Aubry II" continue de porter atteinte aux biens des salariés. Seules les heures de garde effectuées après l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000 ne constitueraient plus une atteinte aux biens des salariés.

Et si, finalement, la saga n'était pas terminée ?


(1) Lire les obs. de G. Auzero, Heures d'équivalence dans le secteur social et médico-social : enfin le bout du tunnel !, Lexbase Hebdo n° 266 du 27 juin 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N5840BBW) (note sous Cass. soc., 13 juin 2007, n° 06-40.823, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8016DWS et Cass. soc., 13 juin 2007, n° 05-45.694, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8179DWT).
(2) Loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, relative à la réduction négociée du temps de travail (N° Lexbase : L0988AH3).
(3) Protocole additionnel à la CESDH, 20 mars 1952, art. 1er (N° Lexbase : L1625AZ9).
(4) Pour un résumé plus exhaustif de l'évolution des heures d'équivalence depuis 1999, v. les obs. de G. Auzero, Heures d'équivalence dans le secteur social et médico-social, préc..
(5) C. trav., art. L. 3121-4 du Code du travail . V., également, J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, Dalloz, 23ème éd., pp. 1051 et s..
(6) Cass. soc., 9 mars 1999, n° 96-45.590, Mme Hecq c/ Société Rond Royal Sablons (N° Lexbase : A4642AGZ), Dr. soc., 1999, p. 522, obs. Ch. Radé, D., 2000, p. 445, note B. Belloir-Caux ; Cass. soc., 29 juin 1999, n° 97-41.567, Association départementale des pupilles de l'enseignement public de c/ M. Auffrère et autres (N° Lexbase : A4754AG8), Dr. soc., 1999, p. 767, concl. S. Kehrig.
(7) Ce texte disposait que, "sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturne comportant des temps d'inaction, effectuées sur le lieu de travail en chambre de veille par le personnel en application des clauses des conventions collectives nationales et accords collectifs nationaux de travail, agréés en vertu de l'article 16 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975, relative aux institutions sociales et médico-sociales (N° Lexbase : L6769AGS), en tant que leur montant serait contesté par le moyen tiré de l'absence de validité desdites clauses".
(8) Cass. soc., 24 avril 2001, n° 00-44.148, Terki c/ Association Etre enfant au Chesnay, publié (N° Lexbase : A2993ATZ), Dr. soc., 2001, p. 723, note J.-P. Lhernould.
(9) Ass. plén., 24 janvier 2003, n° 01-40.967, M. Frédéric Baudron c/ Association départementale des pupilles de l'enseignement public (ADPEP), publié (N° Lexbase : A7263A4R), Dr. soc., 2003. 373, rapp. Merlin. La Chambre sociale finissait par se plier à la solution rendue par l'Assemblée plénière en 2005, v. Cass. soc., 28 janvier 2005, n° 03-40.381, Association APAJH comité de Saône et Loire c/ Mme Madeleine Janet, F-P+B (N° Lexbase : A3054DG9).
(10) CJCE, 1er décembre 2005, aff. C-14/04, Dellas (N° Lexbase : A7836DLS), RJS, 2/06, n° 288 et chron. J.-Ph. Lhernould, p. 89.
(11) CEDH, 9 janvier 2007, Req. 20127/03, Arnolin et autres et 24 autres affaires c/ France (N° Lexbase : A3730DTC).
(12) CEDH, 9 janvier 2007, Req. 31501/03, Aubert et autres et 8 autres affaires c/ France (N° Lexbase : A3743DTS), RJS, 4/07, p. 299, avec les obs. de J.-Ph. Lhernould, RDSS, 2/2007, p. 315 avec la chr. de D. Boulmier.
(13) G. Auzero, Heures d'équivalence dans le secteur social et médico-social, préc..
(14) CEDH, 9 janvier 2007, Req. 31501/03, Aubert et autres, préc., points 84 à 89.
(15) On peut regretter le manque de clarté de la solution de la juridiction européenne en la matière tant il est difficile d'apprécier l'influence du caractère rétroactif de la loi sur la violation du Protocole additionnel...

Décision

Cass. soc., 5 juin 2008, n° 06-46.295, Mme Annie Bonnemaison, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9248D8Z)

Rejet, CA Toulouse, 4ème ch., sect. 2, 20 octobre 2006

Textes visés : Protocole additionnel à la CESDH, 20 mars 1952, art. 1er (N° Lexbase : L1625AZ9)

Mots-clés : secteur médico-social ; horaires d'équivalence ; loi "Aubry II" ; rétroactivité ; protocole additionnel de la CESDH.

Lien base :

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Licenciement

[Jurisprudence] Protection des anciens conseillers prud'hommes contre le licenciement et utilisation de leurs crédits d'heures par les défenseurs syndicaux

Réf. : Cass. crim.,6 mai 2008, n° 07-80.530, M. Christophe Clerand, F-P+F (N° Lexbase : A9409D8Y)

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

L'arrêt rendu le 6 mai 2008 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation est riche d'au moins deux enseignements. Tout d'abord, la Cour de cassation vient affirmer que lorsqu'un conseiller prud'homme renonce à son mandat, le délai de protection contre le licenciement de six mois, dont il bénéficie après la cessation de ses fonctions, commence à courir du jour où cette démission a acquis un caractère définitif, c'est-à-dire un mois à compter de l'expédition de la lettre par laquelle il a démissionné. Ensuite, la Chambre criminelle décide que les modalités d'utilisation du crédit d'heures dont bénéficient les salariés appelés à exercer les fonctions d'assistance ou de représentation devant les juridictions prud'homales ne sauraient être imposées unilatéralement par l'employeur.
Résumé

Les dispositions d'ordre public relatives aux fonctions de conseiller prud'homme ont été instaurées en vue d'assurer la permanence de l'institution. Le délai de six mois pendant lequel le salarié reste protégé contre le licenciement postérieurement à la cessation de ses fonctions commence à courir du jour où la démission des fonctions du conseiller prud'homme a acquis un caractère définitif, c'est-à-dire un mois à compter de l'expédition de la lettre de démission.

A défaut de dispositions légales ou conventionnelles fixant les modalités d'utilisation du crédit d'heures accordé par la loi pour assurer les fonctions d'assistance ou de représentation devant les juridictions prud'homales prévues par l'article L. 516-4 du Code du travail (N° Lexbase : L6606ACN, art. L. 1453-4, recod. N° Lexbase : L0356HXH), un délai de prévenance et la répartition des heures d'assistance ou de représentation ne pouvaient être imposés unilatéralement par l'employeur au défenseur syndical.

Commentaire

I Le statut protecteur du conseiller prud'homme démissionnaire

  • La protection des anciens conseillers prud'hommes

Les conseillers prud'hommes bénéficient, au même titre que les représentants du personnel, d'un statut protecteur contre le licenciement. La rupture de leur contrat de travail à l'initiative de l'employeur ne peut donc intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail .

Si le bénéfice de la protection contre le licenciement concerne, au premier chef, les conseillers prud'hommes en exercice, elle intéresse, également, les anciens magistrats prud'homaux qui, en application de l'article L. 2411-22 du Code du travail, sont protégés pendant une durée de six mois postérieurement à la cessation de leurs fonctions.

L'employeur se doit donc de solliciter l'autorisation administrative lorsqu'il envisage de licencier un conseiller prud'homme qui a cessé ses fonctions depuis moins de six mois. A défaut, il encourt de lourdes sanctions, tant civiles (1) que pénales. A ce dernier titre, l'employeur pourra, en effet, être condamné pour délit d'entrave, sur le fondement de l'article L. 2437-1 du Code du travail , qui dispose que "le fait de rompre le contrat de travail d'un conseiller prud'homme, candidat à cette fonction ou ancien conseiller, en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d'autorisation administrative prévues par le présent livre, est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros" (2).

  • Le point de départ du délai de protection post-mandat

Dans la grande majorité des cas, le délai de six mois pendant lequel le conseiller prud'homme reste protégé contre le licenciement commence à courir à l'échéance de son mandat. Mais, le conseiller prud'homme peut choisir de renoncer à son mandat en démissionnant. C'est ce que rappelle l'article D. 1442-17, alinéa 1er, du Code du travail (art. R. 512-15, anc. N° Lexbase : L0462ADH), en affirmant que "le conseiller qui renonce à son mandat adresse sa démission au président du conseil de prud'hommes et en informe le procureur de la République par lettre recommandée avec avis de réception".

Cette hypothèse ne suscite, a priori, pas plus de difficulté que la précédente, si ce n'est que l'on peut hésiter quant à savoir si l'on fait courir le délai à compter de l'émission de la volonté de démissionner ou à compter de la réception de la lettre de démission par son destinataire. Cela revient à se demander si la renonciation au mandat constitue un acte réceptice ou non réceptice. On est tenté d'affirmer qu'en tant qu'acte unilatéral, la démission relève de la première catégorie. Toutefois, outre qu'une telle assertion peut être contestée, c'est la question même qui n'a pas à être posée.

En effet, en application de l'alinéa 2 de l'article D. 1442-17, "la démission devient définitive à compter d'un mois après l'expédition de cette lettre". Tirant toutes les conséquences de cette disposition, la Chambre criminelle affirme, à la suite des juges du fond, que le délai de six mois pendant lequel le salarié continue de bénéficier du statut protecteur "commence à courir du jour où la démission des fonctions du conseiller prud'homme a acquis un caractère définitif, au sens de l'article R. 512-15, devenu l'article D. 1442-17 dudit code". Afin de conforter la solution retenue, la Cour de cassation affirme que "les dispositions d'ordre public relatives aux fonctions de conseiller prud'homme ont été instaurées en vue d'assurer la permanence de l'institution" (3).

Cette solution nous paraît devoir être approuvée. Conforme à la lettre des textes, elle l'est aussi à leur esprit. Si la démission ne devient définitive qu'au terme du délai d'un mois après l'expédition de la lettre, c'est affirmer, par là même, que, durant ce délai d'un mois, le conseiller prud'homme reste en fonction (4). Il est donc protéger à ce titre contre le licenciement. Ce délai d'un mois permet, par ailleurs, de lui trouver un remplaçant et, ainsi, de ne pas remettre en cause la "permanence de l'institution".

Justifiée en son principe, la solution retenue dans le présent arrêt n'en reste pas moins problématique pour l'employeur dont la loi n'indique malheureusement pas qu'il est le destinataire de la lettre par laquelle le conseiller prud'homme renonce à ses fonctions. N'étant pas nécessairement informé, l'employeur pensera, dans la plupart des cas, que le salarié exerce toujours son mandat, auquel cas il sollicitera l'inspecteur du travail. Mais à supposer qu'il ait eu vent de la démission du salarié de ses fonctions, il lui faudra établir avec précision la date d'expédition de la lettre.

Cette situation n'est, évidemment, pas sans rappeler celle dans laquelle l'employeur licencie l'un de ses salariés en ignorant, en toute bonne foi, qu'il exerce les fonctions de conseiller prud'homme. On sait que la Cour de cassation considère que, compte tenu de l'opposabilité à tous des résultats des élections prud'homales, de la possibilité de consulter la liste des conseillers prud'hommes en préfecture et de la publication de cette liste au recueil des actes administratifs de la préfecture, l'employeur ne peut justifier du non-respect de la procédure spéciale de licenciement par son ignorance du statut de conseiller prud'homme du salarié (5).

Il faut, dès lors, espérer que le législateur aura la sagesse de reprendre l'une des propositions de réforme formulées par la Cour de cassation dans son dernier rapport annuel, selon laquelle le licenciement d'un salarié prononcé dans l'ignorance de sa qualité de conseiller prud'homme, d'ancien conseiller prud'homme ou de candidat aux fonctions de conseiller prud'homme est annulé si, dans les quinze jours à compter de sa notification, le salarié informe l'employeur, par lettre recommandée avec accusé de réception, de sa qualité, en mentionnant auprès de quel conseil de prud'hommes il exerce ou il a exercé ses fonctions, ou il est candidat. Si l'employeur envisage toujours de licencier le salarié, il dispose d'un délai de quinze jours pour engager la procédure prévue par la loi (6).

II De l'utilisation de son crédit d'heures par un défenseur syndical

  • Les fonctions de défenseur syndical

Parmi les différentes personnes habilitées à assister ou à représenter les parties en matière prud'homale sont visés "les délégués permanents ou non permanents des organisations syndicales ouvrières" (C. trav., art. R. 1453-2, art. R. 516-5, anc. N° Lexbase : L0650ADG).

Ces défenseurs syndicaux bénéficient, lorsqu'ils sont salariés, d'un statut particulier. A condition d'exercer leurs fonctions dans un établissement de onze salariés et plus, les salariés exerçant des fonctions d'assistance ou de représentation devant les conseils de prud'hommes et désignés par les organisations syndicales et professionnelles représentatives au niveau national disposent du temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions dans les limites d'une durée ne pouvant excéder dix heures par mois. Si ce temps n'est pas rémunéré comme temps de travail, il est assimilé à une durée de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés, du droit aux prestations d'assurances sociales et aux prestations familiales, ainsi qu'au regard de tous les droits que le salarié tient du fait de son ancienneté dans l'entreprise .

  • Les modalités d'utilisation du crédit d'heures

A l'image des heures de délégation dont bénéficient les représentants du personnel, la loi ne dit mot sur les modalités d'utilisation de son crédit d'heure par un salarié pour assurer les fonctions d'assistance et de représentation devant les juridictions prud'homales. Est-ce à dire, pour autant, qu'un délai de prévenance et la répartition de ces heures ne peuvent être imposés au salarié ?

L'arrêt rapporté donne l'occasion à la Cour de cassation de répondre, pour la première fois à notre connaissance, à cette question. Il ressort, en effet, de l'arrêt rapporté que l'employeur ne saurait en aucune façon fixer les modalités d'utilisation du crédit d'heures d'un défenseur syndical de manière unilatérale. En revanche, de telles modalités peuvent être imposées par une convention ou un accord collectif de travail. Cette solution n'est pas sans rappeler celle adoptée par la Cour de cassation en matière de bons de délégation. On sait, en effet, que ces bons ne peuvent être mis en place qu'à l'issue d'une procédure de consultation et non par décision unilatérale (7). La Chambre criminelle est, toutefois, ici, plus exigeante, dans la mesure où elle se réfère exclusivement à des dispositions conventionnelles et non à une simple procédure de consultation. En tout état de cause, la fixation des modalités d'utilisation des heures de délégation ne saurait aboutir à entraver les fonctions de défenseur syndical. Par suite, nulle autorisation préalable ne saurait être exigée.

Il est, en outre, à remarquer que, en l'espèce, le salarié ne pouvait être taxé d'aucune intention malveillante à l'égard de son employeur puisque, nonobstant l'arrivée tardive du planning des gardes préfectorales, il s'était efforcé d'informer l'employeur de son absence pour l'exercice de ses fonctions de défenseur syndical.

Au final, faute, pour le salarié, d'être tenu de prévenir l'employeur de son absence, celui-ci ne pouvait lui reprocher de s'être absenté de son poste de travail, malgré son refus, pour exercer ses fonctions de défenseur syndical. Par conséquent, le licenciement intervenu à cette occasion était bel et bien fondé sur les activités syndicales de l'intéressé et on doit, avec la Chambre criminelle, approuver les juges du fond d'avoir condamné l'employeur du chef de discrimination syndicale sur le fondement des articles 225-1 (N° Lexbase : L3332HIA) et 225-2 (N° Lexbase : L0449DZN) du Code pénal.


(1) Faute d'autorisation, le licenciement sera annulé et le salarié pourra exiger sa réintégration ou solliciter l'octroi de dommages-intérêts.
(2) Relevons que l'arrêt de la Chambre criminelle comporte une petite erreur matérielle, qui reste, cependant, sans conséquence. En effet, pour ce qui est de la violation du statut protecteur des conseillers prud'hommes l'article L. 531-1 du Code du travail n'est pas devenu l'article L. 1443-3 du même code, mais l'article L. 2437-1.
(3) La Chambre criminelle approuve, dès lors, les juges du fond d'avoir condamné l'employeur pour délit d'entrave. Précisons que, en l'espèce, l'employeur avait licencié le salarié le 7 décembre 2001, tandis que ce dernier avait démissionné (comprendre "avait expédie sa lettre de démission") le 6 juin 2001. Partant, le salarié bénéficiait de la protection contre le licenciement, non pas jusqu'au 6 décembre 2001, mais jusqu'au 6 janvier 2002.
(4) Sans doute peut-on, également, admettre que, durant ce délai, le conseiller peut rétracter sa démission qui n'est que "provisoire".
(5) Cass. soc., 9 juin 1998, n° 96-43.015, Société Les Ophéliades c/ Mlle Heitzmann (N° Lexbase : A5646AC4), Bull. civ. V, n° 314.
(6) V., sur cette proposition de réforme, S. Tournaux, Les propositions de réforme de la Chambre sociale avancées par le rapport de la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n° 305 du 22 mai 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N9554BEL).
(7) V. par ex., Cass. crim., 12 avril 1988, n° 87-84.148, Union départementale Force Ouvrière du Val-d'Oise (N° Lexbase : A7918AAI).

Décision

Cass. crim., 6 mai 2008, n° 07-80.530, M. Christophe Clerand, F-P+F (N° Lexbase : A9409D8Y)

Rejet de CA Nîmes, ch. correctionnelle, 19 décembre 2006

Textes concernés : C. trav., articles L. 1453-4 ; L. 2411-22 ; L. 2437-1 et D. 1442-17 (art. R. 512-15, anc. N° Lexbase : L0462ADH)

Mots-clefs : conseiller prud'homme ; statut protecteur ; protection post-mandat ; durée ; point de départ ; défenseur syndical ; crédit d'heures ; modalités d'utilisation.

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