Jurisprudence : Cass. soc., 02-10-2001, n° 99-42.942, Cassation.



COUR DE CASSATION
Chambre sociale
Audience publique du 2 octobre 2001
Pourvoi n° 99-42.942
société Nikon France
¢
M. Frédéric Y
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
SOC.
PRUD'HOMMES I.G
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 octobre 2001
Cassation
M. ..., conseiller doyen faisant fonctions de président
Arrêt n° 4164 FS P+B+R+I
Pourvoi n° W 99-42.942
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par la société Nikon France, société anonyme, dont le siège est Champigny-sur-Marne,
en cassation d'un arrêt rendu le 22 mars 1999 par la cour d'appel de Paris (18e chambre civile, section A), au profit de M. Frédéric Y, demeurant Paris,
défendeur à la cassation ;
M. Y a formé un pourvoi incident contre le même arrêt

LA COUR, en l'audience publique du 10 juillet 2001, où étaient présents M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Lemoine Jeanjean, conseiller rapporteur, MM. Boubli, Ransac, Chagny, Bouret, Lanquetin, Coeuret, Bailly, conseillers, M. Frouin, Mmes Trassoudaine-Verger, Lebée, M. Richard de la Tour, Mme Andrich, M. Leblanc, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Lemoine Jeanjean, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Nikon France, de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de M. Y, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que la société Nikon France a engagé M. Y le 22 avril 1991 en qualité d'ingénieur, chef du département topographie ; que le 7 septembre 1992, le salarié a conclu avec les sociétés Nikon Corporation et Nikon Europe BV un accord de confidentialité lui interdisant de divulguer certaines informations confidentielles communiquées par ces deux sociétés ; que le 29 juin 1995, il a été licencié pour faute grave, motif pris, notamment, d'un usage à des fins personnelles du matériel mis à sa disposition par la société à des fins professionnelles ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant au paiement d'indemnités fondées sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que d'une somme à titre de contrepartie de la clause de non concurrence conventionnelle ;
Sur le moyen unique du pourvoi de la société Nikon France
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la société Nikon France à payer l'indemnité prévue par la clause de non concurrence conventionnelle, la cour d'appel a énoncé que l'interdiction de divulguer des informations confidentielles revenait à interdire au salarié de s'engager en sa qualité d'ingénieur-géomètre chez un concurrent et que l'accord de confidentialité devait donc produire les effets de cette clause de non-concurrence ;
Attendu, cependant, que l'accord de confidentialité conclu le 7 septembre 1992 entre le salarié et les sociétés Nikon Corporation et Nikon BV interdisait seulement au salarié de divulger des informations, portées à sa connaissance par ces deux sociétés, expressément identifiées comme confidentielles et de nature à permettre le développement d'un programme spécifique ; que, contrairement à la clause de non concurrence prévue par l'article 28 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie applicable en l'espèce, l'accord n'interdisait pas au salarié de s'engager au service d'une entreprise concurrente après avoir quitté la société ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui a donné à l'accord de confidentialité, dont les termes étaient clairs et précis, une portée qu'il n'avait pas, a dénaturé cet accord et ainsi violé le texte susvisé ;
Sur le pourvoi incident de M. Y
Vu l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 9 du Code civil, l'article 9 du nouveau Code de procédure civile et l'article L. 120-2 du Code du travail ;
Attendu que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l'employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur ;
Attendu que pour décider que le licenciement de M. Y était justifié par une faute grave, la cour d'appel a notamment retenu que le salarié avait entretenu pendant ses heures de travail une activité parallèle ; qu'elle s'est fondée pour établir ce comportement sur le contenu de messages émis et reçus par le salarié, que l'employeur avait découverts en consultant l'ordinateur mis à la disposition de M. Y par la société et comportant un fichier intitulé "personnel" ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mars 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille un.

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