La lettre juridique n°276 du 11 octobre 2007

La lettre juridique - Édition n°276

Éditorial

Fourniture d'accès à internet : au bout du fil, une obligation de résultat

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N6222BCG

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


Avec 11 millions d'abonnés ADSL et 30 millions d'internautes, fin 2006, en France (source Médiamétrie), on comprend dès lors que le marché de la fourniture d'accès à internet soit un marché hautement concurrentiel, suscitant une forte prédation, mais dont l'évolution des prix à la baisse pourrait bien connaître ses limites face à l'obligation de plus en plus affirmée, faite aux fournisseurs d'accès à internet (FAI), de rendre des comptes sur l'exécution de leurs prestations de service.

Voilà maintenant près de 10 ans, concurremment au développement exponentiel de l'accès au web, que le contentieux commercial s'enrichit, régulièrement, de nouvelles pages sur la responsabilité des FAI à l'égard de leurs clients. Assistant à une véritable "technonovela", à l'image de ces séries brésiliennes sans fin, les consommateurs auront vu, tour à tour, disparaître, ou du moins prohibées, les clauses contractuelles permettant aux FAI de se dédouaner en cas de difficulté à assurer leur prestation de service. Ainsi, la jurisprudence aura-t-elle condamné les clauses qui ont pour objet ou pour effet de prévoir, notamment, après un fait générateur de responsabilité du professionnel, un délai excessivement court pour que le consommateur puisse faire valoir ses droits ; d'exonérer le professionnel de toute responsabilité ou de la limiter excessivement en cas de manquement à ses obligations contractuelles ; d'écarter la responsabilité du professionnel par le moyen d'une définition de la force majeure plus large qu'en droit commun ; de permettre au professionnel, en cours d'exécution du contrat, hors les cas prévus par l'article R. 132-2 du Code de la consommation, de modifier unilatéralement, sans accord explicite de l'abonné, le service promis ; ou encore de limiter toutes les obligations du fournisseur d'accès à de simples obligations de moyens, et de dégager le professionnel de son obligation d'assurer l'accès au service promis en cas de panne.

Marc d'Haultfoeuille vous propose de revenir, cette semaine, au travers du Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies, notamment, sur deux récentes décisions qui apportent leur contribution à la détermination des contours de l'obligation des FAI. Dans un jugement en date du 26 juin 2007, le tribunal de grande instance de Paris vient encore renforcer les obligations des fournisseurs d'accès à internet envers les consommateurs. Les juges ont considéré que le prestataire de services était soumis à un devoir de conseil l'obligeant à vérifier l'adéquation de son offre avec le lieu de connexion du client et les spécificités techniques de son matériel. Le prestataire est assujetti à une obligation de résultat dès lors qu'il n'émet pas de réserve quant à la possibilité de s'exécuter, le service d'assistance technique n'en constituant qu'un moyen d'exécution. Par ailleurs, dans une décision en date du 12 juillet 2007, le tribunal d'instance de Cherbourg condamne un fournisseur d'accès à Internet pour inexécution de sa prestation contractuelle après avoir annulé la clause définissant celle-ci comme une obligation de moyen.

Avec les FAI, le terrain contractuel est bel et bien miné et la liste des obligations leur incombant tend à s'allonger ; la gratuité des services d'assistance technique pour remédier aux difficultés d'accès à internet rencontrées par le client constituant, sans aucun doute, un point déterminant, à l'avenir, du développement concurrentiel sur le marché de la fourniture d'accès à internet.

Rappelons qu'un fournisseur d'accès à internet (FAI) est un simple organisme offrant une connexion au réseau informatique internet. Il n'est pas obligé, pour ce faire, de disposer de l'ensemble des infrastructures nécessaires pour exécuter sa prestation de service. De nombreux intermédiaires interviennent, en amont, pour garantir l'usage d'une bande passante et ainsi l'accès au web. Le plus connu est, quel que soit le prestataire, l'opérateur historique propriétaire de la boucle locale permettant de relier un réseau au câblage téléphonique de tous les foyers français (ou presque). Ainsi donc, la chose apparaît mathématique : jusqu'à présent la sanction des clauses limitatives de responsabilité ou, plus généralement, des clauses marquant un grave déséquilibre avec les droits des consommateurs n'a pas enrayé la baisse des prix d'accès à internet. Mais, à suivre Thibault Verbiest, Avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, chargé d'enseignement à l'Université Paris I, la réaffirmation constante d'une obligation de résultat couplée à une gratuité des hotlines (complément tarifaire non négligeable pour les opérateurs et qui pouvait rattraper les pertes d'exploitation engrangées par la pratique de prix particulièrement bas) pourrait bien marquer les limites des prix prédateurs. Afin de couvrir leurs obligations, les FAI pourraient ainsi appeler en garantie leurs fournisseurs ou propres prestataires et les soumettre, eux aussi, à une obligation de résultat ; les coûts d'exploitation augmenteraient alors d'autant. Arroseur arrosé, le consommateur soucieux d'obtenir la meilleure prestation pour le plus bas prix pourrait voir sa facture augmenter sensiblement, sans pour autant être satisfait de la prestation de fourniture d'accès à internet ; la synergie entre opérateurs-intermédiaires, parfois concurrents sur le terrain de l'accès à internet, ou de l'accès téléphonique, n'étant pas chose aisée à mettre en oeuvre, si tant est qu'elle soit réalisable sur un marché, au demeurant, concurrentiel.

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Principe d'égalité salariale et différences de traitement conventionnelles : quels pouvoirs d'individualisation pour les partenaires sociaux ?

Réf. : Cass. soc., 3 octobre 2007, n° 06-43.418, Caisse d'allocations familiales (CAF) des Yvelines, F-D (N° Lexbase : A6632DYB) ; Cass. soc., 3 octobre 2007, n° 06-43.013, M. Brigitte Lelong, épouse Degrugillier, F-D (N° Lexbase : A6626DY3)

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N6257BCQ

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

La volonté d'imposer plus de justice salariale dans les entreprise a conduit les juges à intensifier leur contrôle sur les motifs retenus par les partenaires sociaux pour introduire des différences de traitement entre des salariés ayant un même travail, ou un travail de valeur égale. Jusqu'à présent, ce contrôle a presque toujours eu pour conséquence de confirmer les choix réalisés par les partenaires sociaux, comme le démontrent deux nouveaux arrêts inédits rendus par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 3 octobre 2007. Mais jusqu'à quand ? La Cour de cassation ira-t-elle jusqu'à imposer le respect de sa propre conception de la justice salariale ?

Résumés

Pourvoi n° 06-43.418 : il ne saurait y avoir de violation du principe "à travail égal, salaire égal", dès lors que les salariés ne sont pas dans une situation identique à celle des agents avec lesquels ils revendiquent une égalité de rémunération au regard des parcours professionnels spécifiques de ces derniers pris en compte.

Pourvoi n° 06-43.013 : il ne saurait y avoir de violation du principe "à travail égal, salaire égal", dès lors qu'un accord collectif, renvoyant au statut réglementaire de certains agents, prévoit le bénéfice, à titre de compléments de rémunération, de prestations de chauffage et de logement dont les modalités d'attribution sont fixées par arrêtés, dès lors que les modalités d'application de ces dispositions prévoient des avantages déterminés en fonction d'un critère objectif indépendant du travail fourni, tenant compte de la situation de famille des agents, la différence de traitement n'existant qu'entre des salariés placés dans des situations distinctes et ayant un rapport avec les avantages concernés.

1. Egalité salariale et négociation collective

  • L'égalité salariale, sujet de négociation collective

C'est le Code du travail lui-même qui a fait de l'application du principe "à travail égal, salaire égal" un sujet de la négociation collective. Son article L. 133-4 (N° Lexbase : L5697ACY) dispose, en effet, que "la convention de branche conclue au niveau national contient obligatoirement, pour pouvoir être étendue, [...] les modalités d'application du principe 'à travail égal, salaire égal' et les procédures de règlement des difficultés pouvant naître à ce sujet, compte tenu notamment des situations révélées par l'application de l'article L. 132-12, deuxième alinéa" (N° Lexbase : L3144HIB) et ce, en se référant aux "catégories professionnelles" (4°, d).

L'article L. 136-2 du même code (N° Lexbase : L6242HW4) dispose, par ailleurs, que "la commission nationale de la négociation collective est chargée [...] de suivre annuellement l'application dans les conventions collectives du principe 'à travail égal salaire égal', du principe de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et du principe d'égalité de traitement entre les salariés sans considération d'appartenance à une ethnie, une nation ou une race, ainsi que des mesures prises en faveur du droit au travail des personnes handicapées, de constater les inégalités éventuellement persistantes et d'en analyser les causes" (8°).

  • Egalité salariale et politiques conventionnelles

Les conventions collectives peuvent aborder de deux façons différentes l'application du principe "à travail égal, salaire égal".

Elles peuvent, tout d'abord, traquer les inégalités salariales injustifiées et y mettre fin en étendant à tous les salariés le bénéfice d'avantages jusque-là réservés à certains d'entre-eux. Cette négociation est, alors, susceptible d'accompagner celles qui sont destinées à mettre un terme, d'ici le 31 décembre 2010, aux discriminations salariales entre les femmes et les hommes, et ce, notamment, dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire.

Les partenaires sociaux peuvent, également, aborder la question de l'égalité salariale de manière plus dynamique. Sans vouloir égaliser les rémunérations, ce qui n'aurait pas de sens, ils peuvent, en effet, chercher à garantir à certains salariés placés dans des situations particulières le bénéfice de prérogatives spécifiques, soit pour compenser l'infériorité de leur situation, soit, au contraire, pour valoriser certains aspects particuliers de leur situation. Dans cette hypothèse, les salariés qui ne bénéficient pas de ces avantages peuvent contester les choix faits par les partenaires sociaux et en réclamer le bénéfice en nom du principe "à travail égal, salaire égal". Se pose, alors, la question du contrôle que le juge réalisera sur l'application faite dans la convention collective de ce principe et, singulièrement, des motifs qui ont conduit les partenaires sociaux à traiter différemment les salariés mis en comparaison par les demandeurs.

  • Le principe "à travail égal, salaire égal" principe d'ordre public

Une première chose est ici certaine. Le principe "à travail égal, salaire égal" s'impose aux partenaires sociaux dans la mesure où il a valeur de loi. Compte tenu de son importance, ce principe apparaît même comme étant d'ordre public et ne pourrait être écarté par une disposition contraire d'un accord collectif. De nombreux arrêts ont, d'ailleurs, été rendus par la Cour de cassation au visa de dispositions propres aux conventions collectives, comme en témoigne la référence à l'article L. 132-19 du Code du travail (N° Lexbase : L5672AC3), relatif aux accords d'entreprise (1). De ce point de vue, il importe peu que l'inégalité de traitement résulte de mesures de gestion du personnel prises par le chef d'entreprise, de sa propre initiative, ou résulte de l'application des dispositions d'un accord collectif.

2. Respect du principe "à travail égal, salaire égal" et contrôle judiciaire sur les dispositions conventionnelles

  • Les modalités du contrôle judiciaire sur les différences de traitement introduites par les partenaires sociaux

Reste l'épineuse question de la nature du contrôle exercé par les tribunaux sur les inégalités de traitement instaurées par les conventions collectives. La mécanique propre au principe "à travail égal, salaire égal", impose de distinguer deux niveaux d'analyse.

  • Contrôle du juge et notion de "travail égal" ou de "valeur égale"

En premier lieu, il ne saurait y avoir de comparaison possible si les salariés n'exercent pas le même travail, ou un travail de valeur égale. Les accords collectifs peuvent, ici, valablement définir les catégories professionnelles, les métiers ainsi que les niveaux de responsabilité professionnels, sans que les tribunaux n'y trouvent rien à redire.

Ce constat n'est, toutefois, pas de nature à paralyser l'application du principe "à travail égal, salaire égal" dans la mesure où la notion même de "travail égal", ou de "valeur égale", apparaît comme une notion de fait que le juge appréhende de manière pragmatique. Ce n'est donc parce que deux salariés ne bénéficient pas de la même classification conventionnelle, ou occupent des postes définis différemment au regard des critères conventionnels, que le juge ne s'estimera pas en mesure de considérer que tous deux exerçaient effectivement un travail de même valeur.

Ce réalisme du juge rejoint, alors, les développements jurisprudentiels qui accordent aux salariés le bénéfice d'une classification correspondant aux fonctions réellement exercées dans l'entreprise, sans que la qualification adoptée par les parties ne s'impose au juge d'une manière quelconque.

  • Contrôle du juge et justifications des différences de traitement

En second lieu, deux salariés ayant un travail égal, ou de valeur égale, peuvent parfaitement percevoir une rémunération différente dès lors qu'ils se trouvent dans une situation elle-même différente au sein de l'entreprise. Or, les conventions collectives organisent souvent cette différenciation des salariés ; c'est ici que se pose la question du contrôle du juge.

De nombreuses décisions récentes ont donné raison aux partenaires sociaux et considéré comme licites les motifs qui les ont conduits à opérer des différences de traitement, qu'il s'agisse de tenir compte de la situation de famille des salariés, comme le rappelle un arrêt rendu le 3 octobre 2007 par la Chambre sociale de la Cour de cassation (pourvoi n° 06-43.013) (2), de compenser un préjudice causé aux salariés par l'abaissement de la durée du travail (3) ou la modification du mode de rémunération (4), de favoriser l'embauche de chercheurs étrangers de haut niveau (5) ou, encore, de prendre en compte le parcours professionnel des salariés dans l'entreprise (6), comme l'a confirmé un nouvel arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 3 octobre 2007, dans l'interminable contentieux portant sur l'application de l'article 33 de la Convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de Sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du Protocole d'accord du 14 mai 1992 relatif à la classification des emplois des organismes de Sécurité sociale et de leurs établissements (pourvoi n° 06-43.41).

  • Les limites du contrôle judiciaire sur les choix opérés par les partenaires sociaux

On ne compte que très peu d'arrêts ayant considéré que les différences de traitement instaurées par les partenaires sociaux entre salariés exerçant un même travail, ou un travail de valeur égale, n'étaient pas justifiées. Dans un arrêt rendu le 21 février 2007, la Chambre sociale de la Cour de cassation a, toutefois, considéré que le fait qu'une différence de rémunération résulte de l'application d'un accord collectif ne pouvait suffire à justifier, à elle-seule, une différence de traitement entre deux salariés, dès lors que celle-ci n'est pas, par ailleurs, justifiée (7).

Même lorsqu'elle a validé des différences de traitement conventionnelles, la Cour a toujours vérifié que celles-ci étaient justifiées, parfois en ajoutant des réserves. C'est ainsi que la différence de traitement résultant du rattachement, au sein de l'entreprise, à des établissements distincts dotés de leurs propres accords, est valable, mais, a précisé la Cour, "compte tenu de leurs caractéristiques", ce qui semble ajouter une nouvelle condition à la jurisprudence antérieure (8).

Se pose, alors, une question essentielle à laquelle il faudra bien répondre. Les juges peuvent-il substituer leur propre appréciation des motifs qui peuvent conduire à favoriser telle ou telle catégorie de salariés exerçant pourtant un travail égal, ou de valeur égale, à celle des partenaires sociaux ?

Dans la mesure où ces différences de traitement, absolument nécessaires pour tenir compte de la situation personnelle, ou familiale, des salariés, pour récompenser les bons éléments et préserver l'attractivité des carrières, ne se fondent pas manifestement sur des motifs illicites, ou non pertinents, les juges doivent continuer de faire confiance à la négociation collective.

  • L'existence d'un contrôle de proportionnalité des différences justifiées de traitement

Reste une dernière difficulté qui n'a, à notre connaissance, pas donné lieu à prise de position par la Cour de cassation, mais qui ne manquera pas d'apparaître rapidement. Jusqu'à présent, le contrôle opéré par les juges ne concerne que la nécessité des différences de traitement et la légitimité des motifs avancés. Mais, ces différences de traitement sont-elles toujours proportionnées, c'est-à-dire l'ampleur des différences de traitement répond-elle toujours à l'ampleur des différences de situations constatées entre les salariés exerçant un travail de même valeur, ou de valeur égale ?

Ici encore, il convient de faire confiance aux partenaires sociaux en leur laissant une véritable marge d'appréciation. Mais les juges pourraient bien, un jour, s'en inquiéter et s'assurer que les différences de traitement ne sont pas manifestement disproportionnées au regard des différences de situations constatées. Cette nouvelle étape du contrôle, qui semble nécessaire pour garantir l'effectivité du principe d'égalité salariale, risque fort de provoquer de nouvelles vagues de contentieux. Mais, le principe "à travail égal, salaire égal", qui a fêté il y a peu ses 10 ans, n'est encore qu'un "jeune" principe qui n'a certainement pas encore livré tous ses secrets.


(1) Cass. soc., 27 octobre 1999, n° 98-40.769, Electricité de France c/ M. Chaize et autres (N° Lexbase : A4844AGI) ; Dr. soc. 2000, p. 189, chron. G. Couturier.
(2) Dans le même sens, et pour le même statut : Cass. soc., 26 février 2002, n° 00-45.501, Mme Danielle Di Caro c/ Société Houillères du Bassin de Lorraine, FS-P (N° Lexbase : A0705AYR).
(3) Cass. soc., 1er décembre 2005, n° 03-47.197, Société Transports de tourisme de l'océan, Ocecars c/ M. Jean-Pierre Gandon, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8452DLM) ; lire nos obs., Le principe 'A travail égal, salaire égal' impuissant à réduire les inégalités résultant du passage aux 35 heures, Lexbase Hebdo n° 193 du 8 décembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N1672AK7) ; CA Riom, 12 septembre 2006, RG n° 05/01462.
(4) Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 03-42.641, Société Sodemp, FS-P+B (N° Lexbase : A1936DSI) ; et nos obs., La volonté d'empêcher une baisse de rémunération justifie une inégalité salariale, Lexbase Hebdo n° 236 du 16 novembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N5148ALA).
(5) Cass. soc., 9 novembre 2005, n° 03-47.720, Société European synchrotron radiation facility (ESRF) c/ M. Marc Diot, FS-P+B (N° Lexbase : A5949DLW) ; lire nos obs., Nouvelle illustration d'une différence de traitement justifiée en matière de rémunération, Lexbase Hebdo n° 191 du 24 novembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N1188AK9) ; Dr. soc. 2006, p. 221, obs. A. Jeammaud.
(6) Cass. soc., 3 mai 2006, n° 03-42.920, Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (Cramif) c/ Mme Catherine Lefebvre, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2459DPR) ; lire nos obs., L'égalité salariale n'est pas l'identité salariale, Lexbase Hebdo n° 214 du 11 mai 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N8019AK9) ; Dr. soc. 2006, p. 1048, obs. M.-T. Lanquetin ; Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-41.774, Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (Cramif), F-D (N° Lexbase : A0047DQS) ;  Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 05-44.404, F-D (N° Lexbase : A4681DQG) ; Cass. soc., 26 septembre 2006, n° 05-43.565, Caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine (CAF), F-D (N° Lexbase : A3607DRZ) ; Cass. soc., 28 novembre 2006, n° 06-40.224, Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) du Loiret, F-D (N° Lexbase : A7954DSE) ; Cass. soc., 14 mars 2007, n° 06-41.932, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Essonne, F-D (N° Lexbase : A7563DUN).
(7) Cass. soc., 21 février 2007, n° 05-43.136, Association patronage de l'Institut régional des jeunes sourds et aveugles de Marseille, IRSAM Les Hirondelles, FS-P+B (N° Lexbase : A2978DUT) ; lire nos obs., Justifications des inégalités salariales et date d'embauche des salariés, Lexbase Hebdo n° 250 du 29 février 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N1031BAG) ; "la cour d'appel a constaté qu'un salarié engagé après le 11 juillet 1994, date d'entrée en vigueur de l'avenant n° 250 à la convention collective nationale du 15 mars 1966, exerçant les mêmes fonctions que Mme Chabalier et bénéficiant de la même ancienneté dans le poste, obtenait un coefficient supérieur à celui de la salariée, engagée avant cette date, sans qu'aucune justification ne soit donnée à cette différence de traitement autre que l'application de l'avenant n° 250, d'où il résulte que la salariée doit bénéficier, en application du principe à travail égal, salaire égal, du coefficient attribué aux salariés engagés après la date d'entrée en vigueur de l'avenant n° 250 et placés dans une situation identique ; que le moyen n'est pas fondé".
(8) Cass. soc., 18 janvier 2006, n° 03-45.422, Société Sogara France c/ Mme Lasoy Agion, F-P (N° Lexbase : A3972DM3) ; lire nos obs., Une différence de traitement fondée sur la pluralité des accords d'établissement n'est pas illicite, Lexbase Hebdo n° 199 du 26 janvier 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N3620AKB).
Décisions

Cass. soc., 3 octobre 2007, n° 06-43.418, Caisse d'allocations familiales (CAF) des Yvelines, F-D (N° Lexbase : A6632DYB)

Cassation (CA Versailles, 17ème chambre, 7 avril 2006)

Texte visé : principe "à travail égal salaire égal".

Mots-clefs : rémunération ; égalité entre salariés ; différences de traitement ; prise en compte des parcours professionnels spécifiques.

Lien bases :

Cass. soc., 3 octobre 2007, n° 06-43.013, M. Brigitte Lelong, épouse Degrugillier, F-D (N° Lexbase : A6626DY3)

Cassation (CA Douai, chambre sociale, 31 mars 2006)

Texte visé : principe "à travail égal salaire égal".

Mots-clefs : rémunération ; égalité entre salariés ; différences de traitement ; prise en compte de la situation familiale.

Lien bases :

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Droit financier

[Jurisprudence] "Affaire Régina Rubens", la responsabilité civile de droit commun au secours des petits actionnaires ?

Réf. : CA Paris, 9ème ch., sect. B, 14 septembre 2007, n° 07/01477, Dumont Séverine, Elisabeth, Maria épouse Chapellier e.a. c/ Association des petits porteurs actifs e.a. (N° Lexbase : A6174DYC)

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N6240BC4

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par Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

Le 07 Octobre 2010

La confirmation, le 14 septembre dernier, par la cour d'appel de Paris, de la condamnation de la fondatrice du groupe éponyme Régina Rubens et de Mme Séverine Chapellier, son directeur général, constitue-t-elle une nouvelle étape dans l'évolution jurisprudentielle relative à l'indemnisation des actionnaires des sociétés cotées ? En toute hypothèse, à l'heure où la gouvernance s'impose, "par le haut", à travers les travaux du législateur, il apparaît que le juge prend, également, en considération, par la voie contentieuse, les intérêts des actionnaires d'une façon tout aussi efficace. En l'espèce, "l'affaire Régina Rubens" débute dans ses développements boursiers lorsque, le 17 janvier 2001, la chef-comptable du groupe dénonce à la Commission des opérations de bourse (COB) des fraudes comptables massives. Cette dénonciation entraîne la suspension des cotations, le 24 janvier, et, le tribunal de commerce de Paris constatant, par la suite, l'état de cessation de paiements de la société cotée et de sa société mère, ouvrira leur redressement judiciaire, par un jugement en date du 30 avril 2001. Outre les poursuites relatives aux fraudes comptables -qui donneront naissance à d'autres recours-, le volet de droit boursier est, ainsi, directement concerné, puisque la société Régina Rubens SA était cotée depuis le 10 juillet 1998 sur le nouveau marché, alors marché réglementé.

C'est ainsi que les poursuites concernent différents intervenants, investisseurs directs ou indirects, tous touchés par les fraudes, car celles-ci se sont avérées avoir un impact important sur la société mère. La société LV Capital, appartenant au groupe LVMH, actionnaire de la holding de la société cotée, est la première à déposer plainte avec constitution de partie civile. La société Montaigne fashion group, repreneur de la société cotée, fera de même, ainsi qu'un ensemble de petits porteurs.

La diversité des parties en cause, directement ou indirectement touchées par les manipulations comptables opérées au sein du groupe, pose, en l'espèce, au-delà des sanctions pénales (I), la question de l'évolution de l'indemnisation, au plan civil, des différentes catégories de victimes d'infractions financières (II).

I - Les infractions pénales, source du préjudice des actionnaires

Les faits, constatés par les juges du fond, permettent d'établir que, dès l'introduction en bourse de la société Régina Rubens SA, une stratégie de fraude comptable, faussant l'information sur le nouveau marché, avait été mise en place (A), les deux principaux dirigeants de la société y ayant diversement pris part (B).

A - Une stratégie de fraude à l'information sur le nouveau marché

Il ressort, tant de la décision de première instance que de l'arrêt d'appel, que les fraudes concernant le groupe Rubens ont été sciemment organisées, pendant une période couvrant l'épisode de moins de trois ans durant lequel le groupe a été coté. Le juge de première instance, dans sa décision du 22 janvier 2007, établira, ainsi, la naissance, puis, le renforcement d'une stratégie de manipulation de l'information, au sens large, entre les mois de septembre 1998 et de septembre 2000, durée correspondant à deux exercices, l'un clos le 31 décembre 1998, l'autre le 31 décembre 2000. Durant ce laps de temps, la représentation comptable de l'activité de la société Régina Rubens SA a été affectée par cinq types de malversations.

- La création d'un compte "d'attente", compte pivot permettant d'assurer le suivi et le contrôle de fausses facturations de clients et de fournisseurs -et leurs écritures correspondantes-, et ce, afin de gonfler artificiellement le chiffre d'affaires, jusqu'au 1er avril 2000. Ces mouvements fictifs se sont élevés à 23,7 millions de francs (4 161 858 euros) et ont eu une incidence de 6,681 millions de francs (1 018 511 euros) sur le résultat.

- La production de fausses factures clients, en dehors de ce compte, parfois crédibilisées par l'édition de bons de livraison fictifs, le tout pour 6,962 millions de francs (1 061 350 euros).

- La pratique du décalage de l'enregistrement des factures fournisseurs, afin de majorer le résultat, ce décalage ayant eu un impact significatif sur les résultats : 6,5 millions de francs (990 918 euros) pour l'exercice clos au 31 mars 2000 et 3,748 millions de francs (571 378 euros) pour l'état semestriel au 30 septembre 2000.

- L'absence de comptabilisation de provisions pour dépréciation des créances douteuses pour un montant global de 5,58 millions de francs (850 665 euros), ainsi que la surévaluation des stocks pour 6,9 millions de francs (1 051 898 euros).

- Enfin, l'absence de comptabilisation des avoirs en retour de marchandise, ce qui a abouti à une majoration de 944 000 francs (143 911 euros) pour l'exercice clos au 31 mars 2000 et de 1,56 millions de francs (237 820 euros) pour la situation semestrielle au 30 septembre 2000.

Ainsi, les commissaires aux comptes relèveront que les différentes fraudes comptables ont majoré le chiffre d'affaires de 41,15 millions de francs et que les résultats ont été augmentés de 36,6 millions de francs de septembre 1998 à septembre 2000, soit une distorsion de, respectivement, 6,26 millions et 5,58 millions d'euros.

A la suite des différentes plaintes et, notamment, de celle de la société LV Capital qui détenait des parts dans la société-mère, Mmes Rubens et Chapellier sont mises en examen des chefs de :
- faux et usage de faux, pour l'émission de fausses factures clients et fournisseurs ;
- publication ou présentation de comptes annuels ne donnant pas une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine d'une société anonyme ;
- diffusion dans le public d'informations fausses et trompeuses sur les perspectives ou la situation d'un émetteur, à l'occasion de la publication de comptes annuels et de situations comptables semestrielles, ainsi qu'à l'occasion de l'établissement d'une note d'opération visée par la COB et relative à une augmentation de capital ;
- escroquerie par appel public à l'épargne à propos de la diffusion d'une note d'opération indiquant que : "la société n'avait pas connaissance de faits exceptionnels ou litiges susceptibles d'avoir une incidence significative sur ses activités, sa situation financière et ses résultats".

B - Le partage des responsabilités pénales entre les dirigeants

Mmes Rubens et Chapellier seront, ainsi, condamnées en première instance pour : "altération frauduleuse de la vérité dans un écrit", "usage de faux en écriture", "présentation de comptes annuels inexacts pour dissimuler la situation d'une société par actions", "diffusion d'information fausse et trompeuse pour agir sur le cours des titres négociés sur un marché réglementé" et "escroquerie avec appel au public en vue de l'émission de titres". Les condamnations, prononcées à l'audience du 22 janvier 2007 par la 11ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, emporteront une peine d'emprisonnement de 18 mois pour chacune des prévenues, assortie d'un sursis total. Les amendes, en revanche, seront respectivement fixées à 250 000 euros pour Mme Rubens et 160 000 euros pour Mme Chapellier, sous réserve de ce que, en application de l'article L. 621-16 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3132G9U), cette sanction pécuniaire s'impute totalement sur la sanction prononcée par la COB.

Mmes Rubens et Chapellier interjettent, alors, appel, Mme Rubens ne faisant, toutefois, porter son recours que contre le volet civil de la décision. A ce titre, c'est, donc, la seule demande de Mme Chapellier qui va être examinée au regard du droit pénal, l'appelante ne reconnaissant que partiellement les faits et excluant, notamment, toute implication dans les délits commis à l'occasion de l'exercice clos au 31 décembre 1998. Sur ce plan, l'examen des faits, selon les termes même de la cour d'appel, fait apparaître l'aspect contradictoire, -"contraire" nous dit-on- des éléments de fait. Ainsi, il est loisible au juge de relever, à charge, d'une part, que Mme Chapellier avait bien été embauchée par la SA Régina Rubens dès 1997 en qualité de directeur administratif et financier, d'autre part, qu'elle était devenue directrice générale de cette même société (devenue Régina Rubens SA) après la restructuration qui devait donner naissance au groupe et, enfin, qu'elle avait directement été mise en cause par Mme Regina Rubens, elle-même, ainsi que par la chef comptable comme étant l'instigatrice du système de fausses facturations.

En revanche, l'arrêt relève, à décharge, que la chef comptable n'avait, dans une première audition, mise en cause que la seule Mme Rubens à propos des fraudes concernant l'arrêté des comptes de 1998. L'arrêt constate, par ailleurs, l'état de grossesse pathologique de Mme Chapellier durant cette période, état qui l'a rendue pratiquement indisponible entre le début décembre 1998 et le mois d'avril 1999. Cette situation sera confirmée par les commissaires aux comptes, qui établiront son absence lors de l'établissement des comptes de l'exercice 1998. Enfin, un certain nombre de témoignages, dont celui de la co-prévenue, viendront confirmer que Mme Chapellier n'est intervenue que sur l'exercice 1999.

Statuant au bénéfice du doute le juge d'appel va, donc, renvoyer Mme Chapellier des fins de prévention en matière de faux et usage de faux, présentation de comptes inexacts, diffusion d'informations trompeuses sur le marché, pour l'année 1999. Il retiendra, en revanche, sa participation aux autres fraudes, même si elle n'en était pas l'instigatrice, notant, au surplus, que c'est à compter de la situation semestrielle du 30 juin 1999 que de nouveaux procédés de falsification des comptes ont été mis en place et, qu'en définitive, les manipulations comptables de l'exercice 1998 n'ont eu que peu d'influence sur le résultat du groupe Régina Rubens. Le juge réduira donc la peine d'emprisonnement de trois mois en la ramenant de 18 mois à 15 mois avec sursis.

II - L'évolution de l'évaluation du préjudice des actionnaires

C'est sur le fondement de ces décisions pénales que le juge d'appel va avoir à apprécier les modalités de calcul de l'indemnisation, dans un contexte peu favorable aux co-prévenues (A), mais qui n'influencera pas la cour d'appel, le juge s'attachant, au contraire, à opérer une analyse particulièrement précise du dommage subi par les différentes catégories d'actionnaires (B).

A - Un contexte peu favorable aux co-prévenues

Ces condamnations s'inscrivent, ainsi, dans un contexte particulier, que nous rappellerons, marqué à la fois par l'existence d'une double sanction, déjà infligée par la COB aux prévenues, et par la formation de recours contre ces décisions. En effet, la Commission avait prononcé, le 4 mars 2003 (1), à l'encontre de Mmes Rubens et Chapellier, des sanctions pécuniaires de, respectivement, 250 000 et 160 000 euros, la condamnation pécuniaire, prononcée en appel au pénal, correspondant exactement à la sanction financière prononcée par l'autorité boursière. Elle a donc pu s'imputer, en application de l'article L. 621-16 du Code monétaire et financier, sur la sanction prononcée par la COB.

Il demeure que cette sanction était encore contestée au moment où la cour d'appel rendait sa décision, puisqu'un recours dirigé contre la sanction de la COB avait été formé, parallèlement à l'affaire pénale à l'occasion de laquelle les actionnaires de la société s'étaient constitués partie civile. Dès l'origine, en effet, les prévenues avaient demandé l'annulation de la décision de sanction, la cour d'appel de Paris leur donnant partiellement gain de cause, puisqu'elle devait, le 27 avril 2004 (2), d'une part, déclarer d'office irrecevables les recours formés par Mme Rubens, et, d'autre part, annuler la procédure conduite à l'encontre de Mme Chapellier.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation, saisie ensuite de l'affaire, a, cependant, cassé l'arrêt de la cour d'appel, par un arrêt du 14 juin 2005 (3), et renvoyé devant la même juridiction autrement constituée. C'est ainsi que, le 30 mai 2006, la cour d'appel de Paris, statuant une nouvelle fois, mais, sur renvoi après cassation, devait déclarer mal fondés les recours en annulation de la décision de sanction formés par Mmes Chapellier et Rubens, et rejeter leurs demandes (4).

Ces dernières formèrent, alors, un nouveau pourvoi en cassation, à l'encontre du second arrêt de la cour d'appel, pourvoi essentiellement fondé sur la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR), en référence, notamment, à l'irrégularité supposée de la consultation des commissaires aux comptes par la COB. Cette fois, en revanche, la Cour de cassation rejettera la demande, clôturant, de la sorte, la procédure de façon définitive et confirmant la validité de l'ensemble des actes le 25 septembre 2007, soit 15 jours après l'arrêt commenté (5).

Le contexte, évoqué plus avant, fait, ainsi, référence au dynamisme procédural exceptionnel des co-prévenues, qu'on mesurera d'autant mieux, qu'en marge de l'aspect purement boursier de l'affaire (la demande d'annulation de la décision de la COB) la société Régina Rubens holding, dotée des mêmes dirigeantes, était, également, engagée dans un autre recours. Elle avait, en effet, sollicité une expertise aux fins de mettre en cause les insuffisances supposées des commissaires aux comptes de la société Régina Rubens SA, et, faute d'avoir obtenu gain de cause au fond, elle avait formé un recours en cassation que la deuxième chambre civile avait rejeté le 8 septembre 2005.

A l'inverse, les demandes des actionnaires semblaient devoir prospérer, à l'aune des échecs judiciaires successifs subis par les anciennes dirigeantes du groupe.

C'est ainsi qu'en première instance, la société Montaigne fashion group (MFG), venant au droit de la société Regina Rubens SA, demandait 500 000 euros au titre du préjudice moral, en raison des atteintes portées à sa marque et à son image, subies après la reprise des activités de la société cotée, la perte étant estimée à la moitié de la valeur de la marque. Le juge de première instance, toutefois, rejettera cette demande, au motif de l'absence de constatation du préjudice, la marque en question étant valorisée dans les comptes de la société à un montant sensiblement égal, après la découverte de fraudes comptables, qu'au moment de son acquisition.

La société LV Capital, elle, touchée à travers les résultats de la holding, par les manipulations des co-prévenues, réclamait en première instance la somme de 3 millions d'euros, au titre des dommages résultant de la souscription à l'augmentation de capital dans la société holding (Régina Rubens Holding), souscription déterminée par des résultats faussés et aboutissant à l'impossibilité de réaliser l'investissement de façon favorable. Sur ce point, le tribunal relèvera qu'au 30 juin 1999, date de la souscription à l'augmentation de capital, les fraudes s'étaient accélérées, au point de cumuler plus de 4 millions de francs (609 796 euros), pour un chiffre d'affaires, pour l'année 1998, d'environ 46 millions de francs (7 012 654 euros). Le juge établit, donc, que l'influence des fraudes sur la décision d'investissement de la société LV Capital a été très importante, mais que cet investissement revêtait, par ailleurs, un aspect stratégique, et non uniquement financier. Il estimera, ainsi, le préjudice subi à la somme de 1 500 000 euros, soit la moitié de la réparation demandée.

Quant aux petits porteurs, ces derniers seront indemnisés par le juge de première instance sur deux bases différentes : après avoir fait le constat que, d'une façon générale, les acheteurs n'auraient pas acquis les titres au même prix s'ils avaient eu connaissance des actes frauduleux, il décide que, pour les investisseurs ayant acheté leurs actions avant la publication et la diffusion des comptes arrêtés le 31 mars 2002, le préjudice correspondra à la moitié du prix d'acquisition. Pour ceux qui, en revanche, ont investi "en plein coeur des fraudes" c'est-à-dire après cette date, l'indemnisation correspondra à la différence entre le prix d'achat et la valeur de l'action au 20 octobre 2006.

Les trois premiers actionnaires concernés, acheteurs durant la première période, recevront ainsi, au total, la somme de 3 818 euros, alors que les seconds, au nombre de deux, se verront allouer la somme de 3 451,82 euros. Indépendamment, l'association des petits porteurs actifs (l'APPAC) se verra allouer 1 euro de dommages-intérêts, au titre du préjudice moral. Le juge, en outre, condamnera les deux co-accusées à verser la somme de 250 euros à chacun des plaignants personnes physiques, ainsi que 10 000 euros chacune à la société LV Capital.

B - La différenciation de l'analyse du dommage en fonction de la situation de l'investisseur

Ce sont, accessoirement, ces aspects civils de la décision de première instance que les co-prévenues demandaient au juge d'appel de réformer, le ministère public ayant, par ailleurs, interjeté appel, ainsi que les sociétés LV Capital et MFG. Les petits porteurs, en revanche, étaient tous demeurés non appelants. C'est, donc, sur la fixation du préjudice subi par les personnes morales que la cour d'appel va adopter un raisonnement différent de celui du premier juge, appréciant le préjudice subi par les deux sociétés sur un plan plus subjectif que celui qui avait été retenu en première instance.

S'agissant, en premier lieu, de l'action civile de la société MFG, le juge d'appel va relever que la dépréciation de la marque Régina Rubens, bien qu'étant comptabilisée dans le bilan de la société au 31 septembre 2006, était intervenue 4 ans après l'homologation, par le tribunal de commerce, du plan de continuation de Régina Rubens SA, et n'apparaissait pas résulter directement des infractions commises. Divers facteurs, dont des changements de stratégie, la suppression de nom de marques, des pertes d'exploitation des magasins à enseigne "Régina Rubens", expliquent, ainsi, selon la cour d'appel, la dépréciation comptable constatée. Toutefois, le juge retiendra que la révélation des anomalies comptables avait entraîné une perte de confiance des partenaires économiques de la société, qui avait accéléré sa mise en règlement judiciaire ultérieure. L'atteinte au crédit ainsi constatée justifiait, en conséquence, l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de 100 000 euros.

Pour la société LV capital, en revanche, le juge relèvera que cette société avait acquis, à deux occasions, des titres de la société holding, d'abord auprès des co-prévenues en 1999, acquisition pour laquelle elle invoque, par ailleurs, le dol des cédantes devant la juridiction civile et, ensuite, à l'occasion de l'augmentation de capital. C'est cette seconde acquisition qui faisait l'objet du recours, la société invoquant un préjudice résultant de l'absence de sincérité des comptes, pourtant attestée dans la convention de garantie de passif, souscrite par Mmes Rubens et Chapellier. Ces éléments ayant déterminé, selon elle, sa décision d'acquérir, la situation véritable des affaires lui aurait, par ailleurs, toujours été dissimulée. La société LV Capital estimant, ainsi, que son investissement représentant 3 % du capital de Régina Rubens SA, les dommages-intérêts devaient s'apprécier à hauteur de 3 millions de francs (457 347 euros), soit la différence entre le prix payé et la valorisation actuelle de l'action.

Sur ce point, le juge d'appel va répondre en plusieurs temps. D'une part, il rappelle que l'existence de fraudes est avérée et que, même si leur impact financier peut paraître réduit, notamment pour l'année 1998, il n'en est pas moins significatif. C'est sur ce fondement que la société investisseur, en foi du potentiel annoncé, avait été convaincue de souscrire à l'augmentation de capital, le système de "compte pivot", mis en place durant le dernier trimestre de 1998, ne permettant pas de déceler les fraudes. Il souligne, d'autre part, qu'en l'espèce, le préjudice invoqué consistait, essentiellement, en une perte de chance d'investir sur un support plus judicieux et de renoncer plus rapidement à celui qui avait été effectué.

L'arrêt tient ainsi compte, en premier lieu, du faible impact des manipulations comptables au moment de l'acquisition et, en second lieu, du fait que, si les manipulations comptables avaient eu pour but de masquer les pertes d'exploitation, elles n'étaient pas directement à l'origine de ces pertes, qui résultaient à l'époque -partiellement, en tous cas- d'une conjoncture peu favorable pour le secteur d'activité considéré. Il ajoute, en second lieu, que LV capital n'aurait pu, en toute hypothèse, céder aisément sa participation dans la société cotée, sa logique d'investissement dépassant l'aspect comptable pour prendre une dimension stratégique. Il conclut, donc, à l'estimation de la perte de chance à 10 % des sommes investies et, ainsi, à l'allocation d'une somme de 300 000 euros à titre de dommages-intérêt, à comparer à la somme de 1 500 000 euros allouée en première instance.

Concernant les autres parties civiles, le juge d'appel confirme, en revanche, la décision des juges du fond et l'indemnisation quasi-totale du préjudice subi par les petits porteurs.

Le rééquilibrage de l'indemnisation au plan civil semble, ainsi, riche d'enseignement, lorsqu'il se trouve replacé dans la perspective de l'évolution de la réparation des préjudices subis par les petits investisseurs. Il nous semble, en effet, que la cour d'appel de Paris tente d'imposer une logique d'indemnisation extrêmement précise, mesurée en fonction de deux paramètres : la qualité de l'investisseur et l'appréciation de ses motivations au moment de l'investissement. Matériellement, en effet, le juge d'appel recherche, lorsqu'il établit le préjudice d'une société partenaire, les intentions de l'investisseur, la qualité des informations relatives aux pertes et des gains susceptibles d'être réalisés, ainsi que le véritable impact sur les comptes. A l'inverse, il se retranche derrière une logique strictement comptable lorsqu'il apprécie le préjudice subi par les petits porteurs.

Ainsi, cet arrêt laisse augurer d'une nouvelle évolution en faveur des petits actionnaires. Après "l'affaire Sidel" (6), dans laquelle le juge avait laissé la porte ouverte à la reconnaissance prétorienne d'une action collective des actionnaires, et au moment où la question de l'institution d'une procédure de class-actions à la française semble devoir ressurgir (7), la question se pose, une nouvelle fois, de la protection des petits investisseurs. Elle se traduit, en l'espèce, par l'application, en matière boursière, de l'indemnisation fondée sur le principe, de droit commun, de réparation de l'entier dommage. De ce fait, l'aléa boursier lié au risque de perte inhérent à tout investissement ne semble pas être pris en considération.

Sur ce plan, cette décision mérite confirmation, mais on peut, toutefois, mesurer son impact potentiel sur le comportement des dirigeants. En effet, là où, parfois, le droit des marchés financiers semble devoir échouer, faute de l'existence de peines suffisamment dissuasives (du moins eu égard aux profits escomptés), la mise en oeuvre d'une indemnisation au plan civil, fondée sur les règles de droit commun, prend une double dimension. Elle peut permettre, d'une part, de garantir, comme en l'espèce, la juste réparation des préjudices subis par les victimes d'une infraction pénale et, d'autre part, de donner un "signal" aux dirigeants des sociétés cotées quant à l'étendue du droit à réparation dont sont susceptibles de disposer tous les petits actionnaires.


(1) Rapport annuel AMF, 2003, p. 154.
(2) CA Paris, 1ère ch., sect. H, 27 avril 2004, n° 2003/08952, Madame Chapellier Séverine (N° Lexbase : A7234DCW) ; revue mensuelle AMF, n° 4, juin 2004, p. 97 à 101 et rapport annuel AMF, 2004, p. 199.
(3) Cass. com., 14 juin 2005, n° 04-14.329, Mme Régina Rubens, F-P+B (N° Lexbase : A7609DIN) ; F. Leplat, Le droit d'ester en justice de l'AMF, Lexbase Hebdo n° 174 du 29 juin 2005 - édition affaires (N° Lexbase : N6058AI9) ; revue mensuelle AMF, n° 6, juillet-août 2005, p. 107 à 110 et rapport annuel AMF 2005, p. 269 à 270.
(4) CA Paris, 1ère ch., sect. H, 30 mai 2006, n° 2005/21197, Mme Séverine Chapellier (N° Lexbase : A5057DQD) ; rapport annuel AMF, 2006, p. 250.
(5) Cass. com., 25 septembre 2007, n° 06-17.476, Mme Régina Rubens, F-D (N° Lexbase : A5855DYI).
(6) TGI Paris, 12 septembre 2006, n° RG 0018992026, Ministère public c/ Francis Olivier (N° Lexbase : A7599DRU), J.-B. Lenhof, L'affaire du groupe d'emballage "Sidel", "class actions" en paquet en correctionnelle (1ère partie) (N° Lexbase : N3807ALL) et (2nde partie) (N° Lexbase : N3835ALM), Lexbase Hebdo n° 231 du 12 octobre 2006 - édition privée générale.
(7) Précision apportée par la ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi à l'occasion de trois réponses ministérielles (QE n° 281 de M. Lachaud Yvan, JOANQ du 10 juillet 2007 p. 4814, Economie, finances et emploi, réponse publ. le 4 septembre 2007 p. 5453 N° Lexbase : L6372HYN ; QE n° 1452 de M. Cuvillier Frédéric, JOANQ du 24 juillet 2007 p. 4954, Economie, finances et emploi, réponse publ. le 4 septembre 2007 p. 5453 N° Lexbase : L6370HYL ; QE n° 1853 de Mme Aurillac Martine, JOANQ du 31 juillet 2007 p. 5021, Economie, finances et emploi, réponse publ. le 4 septembre 2007 p. 5453 N° Lexbase : L6371HYM).

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Etendue du contrôle judiciaire du licenciement

Réf. : Cass. soc., 26 septembre 2007, 3 arrêts, n° 05-42.599, ADIJ, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5778DYN) ; Cass. soc., n° 06-40.039, Entraide universitaire, FS-P+B (N° Lexbase : A5880DYG) ; Cass. soc., n° 05-45.665, L'Aurore Mas Les Tourelles, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5784DYU)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010



La Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu, le 26 septembre 2007, trois arrêts illustrant la part du contrôle judiciaire dans le droit du licenciement. Trois affaires dont l'objet est différent (licenciement d'un salarié ordinaire ou d'un salarié protégé ; nécessité d'un texte ou non pour constater la nullité d'un licenciement), mais qui, toutes, convergent vers cette même observation.



Résumés

Pourvoi n° 05-42.599 : si l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ne résulte pas, en soi, de l'annulation de l'autorisation de licenciement, la décision du juge administratif se prononçant sur les faits fautifs invoqués par l'employeur ayant retenu que ces faits n'étaient pas établis ou ne justifiaient pas la mesure de licenciement, celle-ci s'oppose à ce que le juge judiciaire, appréciant les mêmes faits, décide qu'ils constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Pourvoi n° 06-40.039 : selon l'article L. 313-24 du Code de l'action sociale et des familles, l'employeur ne peut, pour décider d'un licenciement, prendre en considération le fait, pour un salarié, de témoigner de mauvais traitements ou privations infligés à une personne accueillie ; le pouvoir reconnu, par ce texte, au juge, de prononcer la réintégration du salarié licencié implique nécessairement que le licenciement est nul.

Pourvoi n° 05-45.665 : les articles L. 425-3 et L. 436-3 du Code du travail ne sont pas applicables quand la décision administrative autorisant le licenciement, sur renvoi préjudiciel du juge judiciaire, est déclarée illégale par le juge administratif.

Par le premier arrêt, la Cour décide que, si l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ne résulte pas, en soi, de l'annulation de l'autorisation de licenciement, la décision du juge administratif se prononçant sur les faits fautifs invoqués par l'employeur ayant retenu que ces faits n'étaient pas établis ou ne justifiaient pas la mesure de licenciement, celle-ci s'oppose à ce que le juge judiciaire, appréciant les mêmes faits, décide qu'ils constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 05-42.599, Association départementale d'insertion et de jeunesse (ADIJ), FS-P+B+R). Par le second, la Cour se prononce sur l'article L. 313-24 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L5632HDX), selon lequel l'employeur ne peut, pour décider d'un licenciement, prendre en considération le fait pour un salarié de témoigner de mauvais traitements ou privation infligés à une personne accueillie : la Cour en tire la conséquence que le pouvoir reconnu, par ce texte, au juge, de prononcer la réintégration du salarié licencié implique nécessairement que le licenciement est nul (Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 06-40.039, Association Entraide universitaire, FS-P+B). Enfin, le troisième arrêt vise les articles L. 425-3 (N° Lexbase : L6390ACN) et L. 436-3 (N° Lexbase : L6454ACZ) du Code du travail, qui, selon la Cour de cassation, ne sont pas applicables quand la décision administrative autorisant le licenciement, sur renvoi préjudiciel du juge judiciaire, est déclarée illégale par le juge administratif (Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 05-45.665, Association L'Aurore Mas Les Tourelles, FS-P+B+R).

1. Pouvoir judiciaire de contrôler la cause réelle et sérieuse

La question du régime de l'indemnisation du salarié protégé, licencié alors que l'autorisation administrative est annulée, n'est pas récente et donne lieu à un contentieux récurrent et une production doctrinale assez riche (1) (pourvoi n° 05-42.599). En l'espèce, M. M., salarié de l'Association départementale d'insertion pour la jeunesse et délégué du personnel, a été licencié pour faute grave par lettre du 11 décembre 1998, après autorisation donnée par l'inspecteur du travail le 8 décembre 1998, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité ayant implicitement rejeté le recours hiérarchique de l'intéressé le 5 juin 1998. Le tribunal administratif de Besançon a annulé ces décisions (jugement du 19 décembre 2002). Le salarié, qui avait fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er mai 2002, n'a pas demandé sa réintégration et a saisi la juridiction prud'homale, notamment, de demandes en paiement des indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre l'indemnité spéciale (C. trav., art. L. 425-3, dernier alinéa).

L'employeur fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir qualifié le licenciement de M. M. de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir, en conséquence, condamné au paiement des indemnités de rupture et d'une somme à ce titre. La Cour de cassation rejette le pourvoi.

La solution retenue montre toute la difficulté du contrôle par le juge de la cause réelle et sérieuse du licenciement d'un salarié protégé dont la décision d'autorisation administrative a été annulée par le juge administratif. La solution se compose de deux propositions qu'il faut présenter séparément.

Premièrement, l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ne résulte pas, en soi, de l'annulation de l'autorisation de licenciement.

Deuxièmement, la décision du juge administratif se prononçant sur les faits fautifs invoqués par l'employeur ayant retenu que ces faits n'étaient pas établis ou ne justifiaient pas la mesure de licenciement, s'oppose à ce que le juge judiciaire, appréciant les mêmes faits, décide qu'ils constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Ce contrôle de la cause réelle et sérieuse du licenciement s'explique par une demande du salarié protégé de bénéficier de l'indemnité de licenciement pour défaut de cause réelle et sérieuse, dont la jurisprudence admet le cumul avec l'indemnité spéciale prévue pour le licenciement d'un salarié protégé n'ayant pas demandé sa réintégration. En effet, la jurisprudence a admis le cumul entre les deux indemnisations. La question qui peut faire difficulté est de savoir si le salarié licencié suivant une autorisation annulée peut bénéficier, au titre de l'indemnisation prévue par la loi, qu'il ait souhaité ou non être réintégré, des indemnités de rupture et, éventuellement, d'indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le salarié protégé, qu'il ait ou non demandé sa réintégration, peut prétendre au paiement des indemnités de rupture, s'il n'en a pas bénéficié au moment du licenciement et s'il remplit les conditions pour y prétendre, ainsi qu'au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 122-14-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8990G74), s'il est établi que son licenciement était, au moment où il a été prononcé, dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 5 février 2002, n° 99-43.896, FS-P+B+R N° Lexbase : A0047AYE).

2. Pouvoir judiciaire de prononcer la réintégration du salarié

Le pouvoir judiciaire de prononcer la réintégration du salarié a été apprécié par la Cour de cassation (pourvoi n° 06-40.039), dans l'hypothèse très particulière visée à l'article L. 313-24 du Code de l'action sociale et des familles, selon lequel, dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux, le fait qu'un salarié ait témoigné de mauvais traitements ou privations infligés à une personne accueillie, ou relaté de tels agissements, ne peut être pris en considération pour décider de mesures défavorables le concernant en matière d'embauche, de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat de travail, ou pour décider la résiliation du contrat de travail ou une sanction disciplinaire. Surtout, en cas de licenciement, le juge peut prononcer la réintégration du salarié concerné si celui-ci le demande.

En l'espèce, M. F., employé par l'association Entraide universitaire en qualité de directeur adjoint du Centre d'aide par le travail "Les ateliers de Jemmapes" accueillant des travailleurs handicapés, a été licencié pour faute grave le 11 février 2002. Le salarié a contesté cette décision et demandé sa réintégration. Le conseil de prud'hommes a, le 23 octobre 2003, dit le licenciement illicite et ordonné sa réintégration sous astreinte. Par un second jugement du 3 juin 2003, le conseil de prud'hommes a liquidé l'astreinte. Enfin, par arrêt du 2 février 2005, la cour d'appel de Paris a confirmé cette décision. L'association Entraide universitaire fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que le licenciement de M. F. était nul, de l'avoir condamnée à lui payer diverses sommes au titre du préavis, des congés payés afférents, de rappel de salaires, d'indemnités conventionnelles de licenciement et pour licenciement nul à défaut de réintégration. La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l'employeur.

En effet, selon l'article L. 313-24 du Code de l'action sociale et des familles, l'employeur ne peut, pour décider d'un licenciement, prendre en considération le fait pour un salarié de témoigner de mauvais traitements ou privations infligés à une personne accueillie. La Cour en déduit que le pouvoir reconnu par ce texte, au juge, de prononcer la réintégration du salarié licencié implique nécessairement que le licenciement est nul. Dans la lettre de licenciement, l'employeur reprochait au salarié d'avoir dénoncé des actes de maltraitance : la cour d'appel en a exactement déduit que le licenciement était nul.

Cette jurisprudence évoque la polémique soulevée par les arrêts "La Samaritaine" (Cass. soc., 13 février 1997, n° 96-41.874, Société des Grands Magasins de la Samaritaine c/ Mme Benoist et autre, publié N° Lexbase : A4174AAT), selon lesquels la procédure de licenciement est nulle et de nul effet tant qu'un plan visant au reclassement des salariés s'intégrant au plan social n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés : il en résulte que la nullité qui affecte le plan social s'étend à tous les actes subséquents et, en particulier, les licenciements prononcés par l'employeur, qui constituent la suite et la conséquence de la procédure de licenciement collectif suivie par application de l'article L. 321-4-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8926G7Q), sont eux-mêmes nuls. Certains auteurs avaient critiqué cette jurisprudence, en s'appuyant sur le principe de la nullité, qui doit nécessairement reposer sur un fondement textuel, échappant à l'office du juge, incompétent pour la constater ou la déclarer (2).

L'arrêt rapporté relève de la même configuration, au sens où l'article L. 313-24 du Code de l'action sociale et des familles organise une réintégration du salarié licencié alors qu'il aurait témoigné de mauvais traitements ou privations infligés à une personne accueillie. A la différence de l'article L. 321-4-1, qui prévoyait un cas de nullité mais dont la rédaction était précise et limitée à une seule hypothèse (donnant ainsi toute sa portée à l'arrêt de la Cour de cassation, "La Samaritaine", qui s'était affranchi de cette portée limitée), l'article L. 313-24 du Code de l'action sociale et des familles est rédigé de manière maladroite, ce qui explique sans doute la solution de l'arrêt rapporté : qui dit réintégration dit nullité du licenciement.

Le législateur avait omis de mentionner cette nullité : le juge est passé outre cette négligence rédactionnelle (loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002, rénovant l'action sociale et médico-sociale N° Lexbase : L1438AW8).

3. Pouvoir judiciaire de réparer le préjudice subi par le salarié

L'hypothèse visée porte précisément sur le licenciement du salarié protégé. En l'espèce, Mme G., employée de l'association "Les Tourelles" et salariée protégée en qualité de candidate aux élections professionnelles, a été licenciée le 6 juin 1996, après autorisation de licenciement pour motif économique de l'inspection du travail du 5 juin 1996. La salariée, qui n'a pas attaqué cette décision, a saisi le conseil de prud'hommes le 18 mars 1997 de diverses demandes relatives au licenciement. Par arrêt du 5 septembre 2001, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a renvoyé l'appréciation de la légalité de l'autorisation administrative du 5 juin 1996 devant le tribunal administratif, lequel, par jugement du 4 novembre 2003, a déclaré la décision administrative illégale. Par l'arrêt rapporté, la Cour de cassation tranche deux questions (pourvoi n° 05-45.665).

- La première, finalement la moins délicate, porte sur le contrôle de la cause réelle et sérieuse.

Selon la Cour, la lettre de licenciement ne pouvait être motivée par une autorisation administrative déclarée illégale. Cette lettre de licenciement pour motif économique se bornait à invoquer le refus par la salariée d'accomplir les nouveaux horaires mis en place pour créer deux unités et ne comportait, donc, pas l'énonciation des raisons économiques prévues par la loi et leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié : à défaut d'énonciation du motif économique de licenciement, celui-ci était sans cause réelle et sérieuse.

- Le second point paraît plus délicat. La salariée avait été licenciée en vertu d'une autorisation administrative déclarée illégale.

Les juges du fond ont condamné l'employeur au paiement d'une somme au titre de l'indemnisation pour la période s'étendant du licenciement jusqu'à l'expiration du délai de 2 mois à compter de la notification de la décision du juge administratif, conformément aux articles L. 425-3 et L. 436-3 du Code du travail. Cependant, ces dispositions ne sont pas applicables, selon la Cour de cassation, quand la décision administrative autorisant le licenciement, sur renvoi préjudiciel du juge judiciaire, est déclarée illégale par le juge administratif. Il appartient, dans ce cas, au juge judiciaire, après avoir statué sur la cause réelle et sérieuse de licenciement, de réparer le préjudice subi par le salarié, si l'illégalité de la décision d'autorisation est la conséquence d'une faute de l'employeur.

Aussi, alors que la décision administrative définitive avait été déclarée illégale par jugement du tribunal administratif, la cour d'appel a violé les articles L. 425-3 et L. 436-3 du Code du travail : la Cour prononce la cassation de l'arrêt rendu par la cour d'appel, mais seulement en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à la salariée une indemnité pour la période s'étendant du licenciement jusqu'à l'expiration du délai de 2 mois à compter de la notification de la décision du tribunal administratif de Marseille (4 novembre 2003).

Lorsque l'annulation de la décision d'autorisation est devenue définitive, le représentant du personnel a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il l'a demandée dans le délai de 2 mois, ou à l'expiration de ce délai, dans le cas contraire (C. trav., art. L. 412-19 N° Lexbase : L6339ACR, L. 425-3 N° Lexbase : L6390ACN et L. 436-3 N° Lexbase : L6454ACZ) (3). Le salarié licencié irrégulièrement peut alors, s'il demande sa réintégration pendant la période de protection, prétendre à l'indemnisation des salaires perdus entre la date de son licenciement et celle de sa réintégration (Cass. soc., 10 décembre 1997, n° 94-45.532, M. Coracin c/ Société de gérance du Moulin de Sauveterre, publié N° Lexbase : A1686ACG).

De cette jurisprudence, on croit donc comprendre qu'il faut distinguer deux hypothèses d'indemnisation du salarié protégé illégalement licencié : soit l'annulation de la décision d'autorisation est devenue définitive, le représentant du personnel a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il l'a demandée dans le délai de 2 mois, ou à l'expiration de ce délai, dans le cas contraire (C. trav., art. L. 412-19, art. L. 425-3 et art. L. 436-3, préc.) ; soit la décision administrative autorisant le licenciement, sur renvoi préjudiciel du juge judiciaire, est déclarée illégale par le juge administratif.

Le juge judiciaire, après avoir statué sur la cause réelle et sérieuse de licenciement, ordonne la réparation du préjudice subi par le salarié, si l'illégalité de la décision d'autorisation est la conséquence d'une faute de l'employeur (arrêt rapporté).

Mais, il faut mettre en perspective cette décision avec une jurisprudence de 2001, selon laquelle l'indemnisation prévue par l'article L. 425-3 du Code du travail est acquise au salarié, indépendamment d'une faute de l'employeur ou d'une demande de réintégration du salarié, dès l'instant qu'une décision d'annulation de l'autorisation administrative est devenue définitive (Cass. soc., 12 décembre 2001, n° 99-46.304, F-D N° Lexbase : A6589AXC).


(1) Not., RJS novembre 2001, Y. Frouin, L'indemnisation des salariés protégés licenciés sans autorisation, p. 842.
(2) Dalloz, 3 avril 1997, n° 14, p. 171, note A. Lyon-Caen ; Les Petites Affiches, 12 mars 1997, n° 31, p. 18, note G. Picca ; Droit Social, mars 1997, n° 3, p. 249, note P. de Caigny et G. Couturier.
(3) J.-Y. Kerbouc'h, Le licenciement des salariés protégés, RJS décembre 2003, n° 923 ; v., aussi, J.-Y. Frouin, Les droits pécuniaires du salarié en cas de licenciement, Sem. soc. Lamy 12 janvier 2004, n° 1151, p. 8.
Décisions

Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 05-42.599, Association départementale d'insertion et de jeunesse (ADIJ), FS-P+B+R (N° Lexbase : A5778DYN)

Rejet (CA de Besançon, chambre sociale, 22 mars 2005)

Textes concernés : C. trav., art. L. 425-3 (N° Lexbase : L6390ACN)

Mots-clefs : cause réelle et sérieuse de licenciement ; annulation de l'autorisation de licenciement.

Lien bases : .

Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 06-40.039, Association Entraide universitaire, FS-P+B (N° Lexbase : A5880DYG)

Rejet (CA Paris, 18ème ch., sect. E, 18 novembre 2005) 

Textes concernés : C. act. soc. fam., art. L. 313-24 (N° Lexbase : L5632HDX)

Mots-clefs : établissements et services sociaux et médico-sociaux ; licenciement ; nullité. 

Lien bases : .

Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 05-45.665, Association L'Aurore Mas Les Tourelles, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5784DYU)

Cassation partielle (CA Aix-en-Provence, 9ème ch., sect. B, 12 octobre 2005)

Textes visés : C. trav., art. L. 425-3 (N° Lexbase : L6390ACN) et L. 436-3 (N° Lexbase : L6454ACZ).

Mots-clefs : décision administrative autorisant le licenciement ; juge judiciaire ; juge administratif.

Liens bases : ; .

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Fonction publique

[Jurisprudence] L'inéluctable extension du champ d'application de l'article 6 de la CESDH au contentieux de la fonction publique

Réf. : CEDH, 19 avril 2007, Req. n° 63235/00, Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande (N° Lexbase : A9491DU3)

Lecture: 8 min

N6292BCZ

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par Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme a été élaborée en 1950. Elle en conserve certains stigmates. Ainsi, son fameux article 6 (N° Lexbase : L7558AIR), qui garantit le droit au juge, n'est applicable qu'aux "contestations sur ses droits et obligations de caractère civil" et à "toute accusation en matière pénale". La Cour européenne des droits de l'Homme a élaboré une conception autonome des matières civiles et pénales qui, évidemment, s'est révélée fort extensive et a permis d'inclure, dans le champ d'application de l'article 6 CESDH, la majeure partie du contentieux administratif qui est, donc, considérée de nature "civile". Restent, toutefois, exclus le contentieux fiscal (CEDH, 12 juillet 2001, Req. n° 44759/98, Ferrazzini N° Lexbase : A7683AWH), à l'exception des sanctions fiscales qui ont un caractère pénal (CEDH, 24 février 1994, Req. n° 00012547/86, Bendenoun c/ France N° Lexbase : A2994AUG), les décisions relatives à l'entrée, au séjour et à l'éloignement des étrangers (CEDH, 8 juin 1976, Req. n° 5100/71, Engel et autres c/ Pays-Bas N° Lexbase : A5111AYX ; CEDH, 5 octobre 2000, Req. n° 39652/98, Maaouia c/ France N° Lexbase : A7110AWA) et le contentieux électoral (CEDH, 21 octobre 1997, Req. n° 120/1996/732/938, Pierre-Bloch c/ France N° Lexbase : A9274AHX). Parmi les critères -fort impressionnistes- de la Cour européenne des droits de l'Homme pour déterminer le caractère civil d'un litige, le critère de la nature patrimoniale et subjective du droit litigieux a joué un rôle dans l'extension du champ d'application de l'article 6 CESDH (CEDH, 26 mars 1992, Req. n° 58/1990/249/380, Editions Periscope c/ France N° Lexbase : A6508AWX). Il "permettra de percer une brèche dans le principe d'exclusion de la fonction publique du volet civil de l'article 6, paragraphe 1" (F. Sudre et alii, Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme, 4ème éd. 2007, p. 213). Toutefois, pour la Cour, ne relevaient pas du champ d'application de l'article 6 CESDH, "les contestations concernant le recrutement, la carrière et la cessation d'activité des fonctionnaires" (CEDH, 26 novembre 1992, Req. n° 85/1991/337/410, Giancarlo Lombardo c/ Italie N° Lexbase : A6545AWC), dès lors que se trouvaient principalement en cause "des prérogatives discrétionnaires de l'administration" (CEDH, 24 août 1998, Req. n° 94/1997/878/1090, Couez c/ France N° Lexbase : A7784AW9). Cette jurisprudence s'est révélée en pratique fort pointilliste et n'était, donc, pas dépourvue d'un certain arbitraire.

Elle a été abandonnée par la Cour dans l'arrêt "Pellegrin" (CEDH, 8 décembre 1999, Req. n° 28541/95, Pellegrin c/ France N° Lexbase : A7533AWW), qui considérait alors que "sont seuls soustraits au champ d'application de l'article 6 § 1 de la Convention les litiges des agents publics dont l'emploi est caractéristique des activités spécifiques de l'administration publique dans la mesure où celle-ci agit comme détentrice de la puissance publique chargée de la sauvegarde des intérêts de l'Etat ou des autres collectivités publiques" (n° 66). Ce critère fonctionnel, qui visait à donner une interprétation restrictive des exceptions aux garanties de l'article 6 CESDH, était très directement inspiré de la Cour de justice des Communautés européennes, et, spécialement, à l'article 39, paragraphe 4, CE (N° Lexbase : L5348BC3), selon lequel le principe de la libre circulation des travailleurs n'est "pas applicable aux emplois dans l'administration publique" (CJCE, 17 décembre 1980, aff. C-149/79, Commission des Communautés européennes c/ Royaume-Belgique N° Lexbase : A7240AHM, Rec., p. 3881). Il faut avouer que le parallèle était fort surprenant et pouvait n'apparaître guère rationnel tant les objets de l'article 6 CESDH et de l'article 39 CE semblent distincts.

La jurisprudence "Pellegrin" a fait long feu. Elle a été reconsidérée par l'arrêt du 19 avril 2007 "Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande", dans lequel était en cause des procédures relatives aux salaires d'agents des services de police. La Cour procède à un examen critique de la solution antérieure (I) et propose une solution nouvelle qui n'est, cependant, pas en totale rupture avec l'esprit de la jurisprudence "Pellegrin" (II).

I- L'examen critique de la jurisprudence "Pellegrin"

1. Le critère fonctionnel élaboré par la Cour dans la jurisprudence "Pellegrin" est fondé sur la nature des fonctions et des responsabilités exercées par les agents qui justifie que les contentieux liés à leur emploi ne bénéficient pas des garanties de l'article 6 CESDH. Les personnes titulaires d'un emploi comportant une mission d'intérêt général et participant à l'exercice de la puissance publique exercent une part de la souveraineté qui fonde l'"intérêt légitime de l'Etat à exiger de ces fonctionnaires un lien spécial de confiance et de loyauté" (CEDH, 8 décembre 1999, Req. n° 28541/95, Pellegrin c/ France, n° 65). Si un tel raisonnement constitue un fondement cohérent, en droit communautaire, pour réserver aux nationaux les emplois dans l'administration publique, l'on ne voit pas la relation qu'il y a entre, d'une part, le lien particulier que doit avoir un agent avec son Etat en raison des missions qui lui sont confiées et, d'autre part, son impossibilité de bénéficier des garanties de l'article 6 CESDH en cas de conflit avec l'Etat-employeur ; ce qui devrait être décisif, c'est la nature du litige et non pas la nature des fonctions, sauf à considérer que la nature des fonctions détermine automatiquement la nature des litiges.

Le contexte de l'affaire "Vilho Eskelinen et autres" a permis à la Cour de mettre en évidence les contradictions d'un tel raisonnement. En effet, les requérants, tous employés du ministère de l'Intérieur, agissaient afin de se voir payer des primes qui ne leur avaient pas été versées. Cinq d'entre eux étaient policiers et l'une était assistante administrative. En application de la jurisprudence "Pellegrin", les premiers auraient dû se voir refuser le bénéfice de l'article 6 CESDH, qui était, en revanche, applicable à la seconde, ce qui revenait à les traiter de manière différente alors que la situation (le litige) était identique. La Cour rappelle, d'ailleurs, que "les articles 1 et 14 de la Convention précisent que toute personne relevant de [la] juridiction' des Etats contractants doit jouir, sans distinction aucune', des droits et libertés énumérés au titre I" (n° 58).

2. La critique de la jurisprudence "Pellegrin" débouche sur une remise en cause, plus ou moins implicite, de la rédaction de l'article 6 CESDH et, donc, la mise en lumière de son obsolescence. La limitation du champ d'application de l'article 6 CESDH, si elle pouvait avoir sa raison d'être en 1950, ne paraît plus aujourd'hui justifiée. Telle semble être la position de la Cour européenne des droits de l'Homme lorsque, pour étayer son raisonnement, elle fait référence à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et spécialement à son article 47 qui reprend les garanties de l'article 6 de la CESDH, mais sans en limiter le champ d'application aux matières civiles et pénales.

En outre, la Cour européenne des droits de l'Homme rappelle que la Cour de justice des Communautés européennes avait, jadis, reconnu le principe général du droit communautaire à un recours juridictionnel effectif dans une affaire où était en cause un agent de la police britannique (CJCE, 15 mai 1986, aff. C-222/84, Marguerite Johnston c/ Chief Constable of the Royal Ulster Constabulary N° Lexbase : A7291AHI, Rec., p. 1651). Alors que la Cour de justice se référait explicitement à l'article 6 CESDH, elle ne reprenait pas à son compte la limitation de son champ d'application. Ne peut-on pas voir dans ces références au droit communautaire une invitation aux Etats parties à la Convention, sinon d'amender l'article 6 CESDH lui-même, du moins d'en étendre les garanties à tous les types de contentieux ? Il ne s'agirait, d'ailleurs, pas d'une révolution tant l'idée selon laquelle l'exorbitance du contentieux administratif est désormais largement remise en cause, y compris dans un pays comme la France où elle était pourtant dominante (F. Melleray, L'exorbitance du droit du contentieux administratif, in F. Melleray (dir.), L'exorbitance du droit administratif en question(s), Paris, LGDJ, 2004, p. 277).

La Cour, dont le treaty-making power n'est pas initial, ne dispose donc pas, a priori, d'un tel pouvoir de révision conventionnelle, mais, grâce à un critère partiellement novateur, elle étend le champ d'application de l'article 6 CESDH dans ses confins les plus extrêmes et réécrit même cette disposition.

II- La construction d'un critère partiellement novateur

1. Selon la Cour, "pour que l'Etat défendeur puisse devant la Cour invoquer le statut de fonctionnaire d'un requérant afin de le soustraire à la protection offerte par l'article 6, deux conditions doivent être remplies. En premier lieu, le droit interne de l'Etat concerné doit avoir expressément exclu l'accès à un tribunal s'agissant du poste ou de la catégorie de salariés en question. En second lieu, cette dérogation doit reposer sur des motifs objectifs liés à l'intérêt de l'Etat. Le simple fait que l'intéressé relève d'un secteur ou d'un service qui participe à l'exercice de la puissance publique n'est pas en soi déterminant. Pour que l'exclusion soit justifiée, il ne suffit pas que l'Etat démontre que le fonctionnaire en question participe à l'exercice de la puissance publique ou qu'il existe -pour reprendre les termes employés par la Cour dans l'arrêt Pellegrin- un "lien spécial de confiance et de loyauté" entre l'intéressé et l'Etat employeur. Il faut aussi que l'Etat montre que l'objet du litige est lié à l'exercice de l'autorité étatique ou remet en cause le lien spécial susmentionné. Ainsi, rien en principe ne justifie de soustraire aux garanties de l'article 6 les conflits ordinaires du travail -tels ceux portant sur un salaire, une indemnité ou d'autres droits de ce type- à raison du caractère spécial de la relation entre le fonctionnaire concerné et l'Etat en question. En effet, il y aura présomption que l'article 6 trouve à s'appliquer, et il appartiendra à l'Etat défendeur de démontrer, premièrement, que d'après le droit national un requérant fonctionnaire n'a pas le droit d'accéder à un tribunal, et, deuxièmement, que l'exclusion des droits garantis à l'article 6 est fondée s'agissant de ce fonctionnaire".

Ainsi, quel que soit leur emploi, les agents publics peuvent bénéficier des garanties de l'article 6 CESDH en cas de contentieux avec l'Etat. Pour autant les deux nouveaux critères ne conduisent pas à inclure tout le contentieux de la fonction publique dans le champ d'application de l'article 6 CESDH. Reste, alors, à déterminer dans quels types de litiges le bénéfice de l'article 6 CESDH ne pourra pas être invoqué. Il est possible de penser au recrutement (le concours), la carrière et la procédure disciplinaire, qui peuvent être liés pour certains agents à l'exercice de la puissance publique. On retrouve la logique de la jurisprudence "Lombardi" (préc.), qui n'est, toutefois, plus valable pour l'ensemble des agents publics, mais seulement pour ceux qui disposent de fonction où est en cause l'exercice de prérogatives de puissance publique.

2. La Cour a, ainsi, procédé à une indicible révision de l'article 6 CESDH, car, désormais, la question de son champ d'application est appréhendée selon la même logique que les limitations des articles 8 à 11. L'exclusion doit, d'abord, être prévue par la loi et, ensuite, être justifiée par un motif d'intérêt général. L'utilisation du terme "justifier" laisse penser qu'inéluctablement la Cour se livrera à un contrôle de proportionnalité.

Cette interprétation par la Cour de la notion de "contestations sur ses droits et obligations de caractère civil" n'est plus finalement un problème de champ d'application, mais une question de limitation des garanties de l'article 6 CESDH. L'amont est, ainsi, appréhendé comme l'aval. On rappellera qu'en matière de validation législative, la Cour européenne des droits de l'Homme avait, d'ores et déjà, admis que les garanties de l'article 6 CESDH puissent être limitées au nom "d'impérieux motifs d'intérêt général" (CEDH, 28 octobre 1999, Req. n° 24846/94, Zielinski et Pradal, Gonzalez et autres c/ France, N° Lexbase : A7567AW8, n° 57).

La portée pratique en droit français de l'arrêt "Vilho Eskelinen" ne doit pas être dans un premier temps exagérée. Les garanties de l'article 6 CESDH sont, désormais, applicables dans le contentieux de la fonction publique française. Il ne s'agit, donc, que de la possibilité offerte au fonctionnaire justiciable de s'assurer que les juridictions administratives respectent bien, toujours, les exigences de l'article 6 CESDH.

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Contrats et obligations

[Jurisprudence] Appréciation et réparation de la perte d'une chance

Réf. : Cass. civ. 1, 19 septembre 2007, n° 05-15.139, Société Ton sur ton, FS-P+B (N° Lexbase : A4158DYN)

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 07 Octobre 2010

On se souvient peut-être que, à la faveur d'un arrêt de la deuxième chambre civile du 22 février 2007 (1), confirmant, d'ailleurs, un arrêt de la même deuxième chambre civile du 24 janvier 2002 (2), la Cour de cassation avait entendu assez nettement poser en principe "qu'une victime ne peut obtenir la réparation de la perte de ses rémunérations que si celles-ci sont licites". Autrement dit, rappelant l'une des conditions qui doit être satisfaite pour que le dommage soit réparable, en l'occurrence celle tenant au caractère légitime du dommage, la Cour décidait que la victime en situation indigne ou en situation illicite ne peut prétendre à l'indemnisation de son dommage. Encore faut-il bien entendu redire que la légitimité du dommage n'est que l'une de ses conditions : il doit encore être direct et certain. On n'ignore pas les discussions, particulièrement nombreuses, qui tournent autour de l'exigence d'un lien de causalité entre le fait générateur de responsabilité et le dommage. Des hésitations portent également sur le caractère certain du préjudice, notamment lorsque la victime demande la réparation de la perte d'une chance. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 19 septembre 2007, à paraître au Bulletin, invite précisément à y revenir, au moins brièvement. En l'espèce, une société et son gérant s'étaient portés caution de la dette d'une autre société au profit d'une banque. Assignée en exécution de son engagement de caution, la société a soutenu que celui-ci était nul, faute pour son conseil d'administration d'avoir autorisé son dirigeant à le souscrire. L'argumentation invoquée n'ayant ni convaincu les juges du fond, ni la Cour de cassation, qui a finalement rejeté le pourvoi formé contre la décision des premiers juges, la société qui s'était engagée en qualité de caution a assigné son conseil en responsabilité professionnelle, lui reprochant un manquement à son devoir de conseil pour ne pas lui avoir réclamé, en temps utile, les délibérations du conseil d'administration dont la production aurait été propre à démontrer le bien-fondé de son argumentation. La cour d'appel de Paris, pour débouter la société de sa demande, après avoir retenu que son avocat avait commis une faute en s'abstenant de vérifier que les procès verbaux produits établissaient sans ambiguïté l'absence d'autorisation invoquée et décidé que son préjudice devait s'apprécier en la perte d'une chance que le procès connaisse une issue plus favorable à son égard, a considéré que cette société ne justifiait pas de son préjudice faute pour elle de ne produire aucun document établissant avec certitude la réalité des paiements effectués auprès de la banque. Sous le visa de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT), et, après avoir rappelé que "le préjudice né d'une perte de chance d'éviter une condamnation devenue exécutoire s'apprécie uniquement au regard de la probabilité d'obtenir une décision plus favorable", la Cour de cassation censure les premiers juges en faisant valoir "qu'en se déterminant ainsi, alors que le préjudice de la société [...] résultait de la perte d'une chance d'éviter la condamnation définitive prononcée à son encontre [...], de sorte qu'il appartenait aux juges du fond de rechercher la probabilité pour cette société d'obtenir une décision plus favorable sans la faute retenue contre son avocat puis d'évaluer le montant du préjudice résultant de cette perte de chance, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

La Cour confirme, ainsi, la règle selon laquelle l'élément de préjudice constitué par la perte d'une chance peut présenter, en lui-même, un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition, par l'effet du délit, de la probabilité d'un événement favorable, encore que, par définition, la réalisation d'une chance ne soit jamais certaine (3). Comme l'énonce l'arrêt, il appartient, dès lors, aux juges du fond de rechercher la probabilité d'un événement favorable, autrement dit de mesurer la probabilité de réalisation de l'événement favorable allégué, étant entendu que seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable (4), alors qu'un risque, fût-il certain, ne suffit pas à caractériser la perte certaine d'une chance, le préjudice qui en résulte étant purement éventuel (5). C'est pour ne pas avoir procédé à cette recherche que les juges du fond voient ici leur décision censurée.

Les exemples abondent en jurisprudence, qu'il s'agisse de la perte d'une chance d'évolution favorable de l'activité professionnelle (6), de la perte d'une chance de gagner un procès non plaidé par suite de la négligence d'un avocat (7), ce qui, évidemment, suppose que les juges recherchent quelles étaient les chances véritables de succès (8), la chance perdue étant non celle de voir l'affaire portée en justice, mais celle d'y obtenir satisfaction (9). Il peut également s'agir, en matière médicale, de la perte d'une chance de guérison ou, à tout le moins, d'éviter le dommage (10). Il faut préciser, du point de vue de la réparation, qu'il importe de distinguer le préjudice perte de chance du préjudice dit "final" : ce qui est, en effet, réparé, ce n'est jamais, pour reprendre les exemples précédents, la perte du gain escompté en matière professionnelle, la perte de l'avantage recherché en justice ou encore la maladie ou l'état d'invalidité ; seule est réparée la perte d'une chance, ce qui, concrètement, justifie que la réparation de ce préjudice, autonome, soit moindre que celle à laquelle aurait donné lieu le préjudice final.


(1) Cass. civ. 2, 22 février 2007, n° 06-10.131, Société Le Casino de Trouville-sur-Mer, F-P+B (N° Lexbase : A3018DUC), et nos obs., La perte d'un profit illicite ne constitue pas un préjudice réparable, Lexbase Hebdo n° 251 du 8 mars 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N2990BAY).
(2) Cass. civ. 2, 24 janvier 2002, n° 99-16.576, Mutuelle assurance artisanale de France c/ Mlle Léonore Lima, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A8202AX3), Bull. civ. II, n° 5, D. 2002, p. 2559, note D. Mazeaud, Rép. Defrénois 2002, p. 786, obs. R. Libchaber, et nos observations, La victime indigne ou en situation illicite peut-elle prétendre à l'indemnisation de son dommage ?, Lexbase Hebdo n° 36 du 29 août 2002 - édition affaires (N° Lexbase : N3797AAU).
(3) Cass. crim., 9 octobre 1975, n° 74-93.471, Dame Saignol, Electricité de France EDF c/ Lemaire (N° Lexbase : A2248AZB), Gaz. Pal. 1976, 1, 4 ; Cass. crim., 4 décembre 1996, n° 96-81.163, Leger Ginette (N° Lexbase : A1138AC7), Bull. crim., n° 224.
(4) Cass. civ. 1, 21 novembre 2006, n° 05-15.674, M. Christian Tomme, F-P+B (N° Lexbase : A5286DSL), Bull. civ. I, n° 498, RDC 2006, p. 266, obs. D. Mazeaud.
(5) Cass. civ. 1, 16 juin 1998, n° 96-15.437, Epoux Mazé c/ Epoux Djindjian et autres (N° Lexbase : A5076AWW), Bull. civ. I, n° 216, Contrats, conc., consom. 1998, n° 129, obs. L. Leveneur ; Cass. civ. 1, 19 décembre 2006, n° 05-15.716, M. Louis Vincent, FS-D (N° Lexbase : A0934DTR), JCP éd. G, 2007, II, 10052, note S. Hocquet-Berg.
(6) Voir, not., Cass. civ. 2, 13 novembre 1985, n° 84-11.450, Epoux Desplat c/ Compagnie d'Assurances la Foncière, Mirland Avenat, CPAM de Maubeuge (N° Lexbase : A0695AH9), Bull. civ. II, n° 172.
(7) Voir, not., Cass. civ. 1, 7 février 1989, n° 86-16.730, M. X c/ Mme Ducruet (N° Lexbase : A8651AAN), Bull. civ. I, n° 62 ; Cass. civ. 1, 8 juillet 1997, n° 95-14.067, Consorts Kollen c/ M. X (N° Lexbase : A0446ACI), Bull. civ. I, n° 234.
(8) Cass. civ. 1, 2 avril 1997, n° 95-11.287, Syndicat des copropriétaires de la résidence du Hainaut à Valenciennes et autres c/ M. Delfosse et autres (N° Lexbase : A0306ACC), Bull. civ. I, n° 118 ; Cass. civ. 1, 21 novembre 2006, préc..
(9) Cass. civ. 1, 8 juillet 2003, n° 99-21.504, Société Gelfinger c/ Société Alain Alquie, F-P (N° Lexbase : A1226C9B), Bull. civ. I, n° 164 ; comp., s'agissant d'un pourvoi en cassation dont la déchéance a été prononcée par suite de la négligence d'un huissier de justice, Cass. civ. 1, 16 janvier 2007, n° 06-10.120, Mme Monique Flavius, F-P+B (N° Lexbase : A6269DTD), Bull. civ. I, n° 20 ; ou par suite de la négligence d'un avocat aux Conseils, Cass. Ass. Plèn., 13 avril 2007, n° 06-13.318, Mme Angèle Grandcoing, épouse Biard, D (N° Lexbase : A0320DWR), JCP éd. G, 2007, Actu., 211.
(10) Voir, not., Cass. civ. 1, 18 mars 1969, n° 68-10.252, Marcotorchino c/ Veuve Karoubi (N° Lexbase : A7594ATG), JCP 1970, II, 16422, note Rabut ; Cass. civ. 1, 8 juillet 1997, n° 95-18.113, M. Meurice c/ M. X et autres (N° Lexbase : A0638ACM), Bull. civ. I, n° 238, jugeant qu'en raison de leur persistance dans un diagnostic erroné, des médecins sont responsables de la perte d'une chance, pour le patient, de subir des séquelles moindres.

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Procédure civile

[Chronique] La chronique de procédure civile d'Etienne Vergès, Professeur à l'Université de Grenoble II

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Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en procédure civile réalisée par Etienne Vergès, agrégé des facultés de droit et Professeur à l'Université de Grenoble II. Au sommaire de cette chronique seront abordés, entre autres, la phase préalable obligatoire de conciliation devant le tribunal paritaire des baux ruraux, la transmission de l'action en justice et la disparition d'une copropriété, l'intérêt pour former appel dans une instance en divorce, ou, encore, la procédure d'assistance éducative. I - Préalable obligatoire de conciliation devant le tribunal paritaire des baux ruraux et absence d'une partie
  • La non-comparution de l'une des parties à la tentative de conciliation ne constitue pas une fin de non-recevoir, mais oblige le tribunal à renvoyer l'affaire pour être jugée : Cass. civ. 3, 19 septembre 2007, n° 06-17.267, M. Gérard Lemaréchal, FS-P+B (N° Lexbase : A4286DYE)

La procédure devant le tribunal paritaire des baux ruraux présente cette particularité de comporter une phase de conciliation préalable obligatoire. Ainsi, la conciliation, qui constitue un principe directeur du procès civil prend, en matière de baux ruraux, une connotation particulière (1).

Dans l'espèce étudiée, le propriétaire d'un terrain agricole avait agi contre le locataire en vue de voir constater en justice la résiliation du bail. Pour autant, le demandeur à l'action ne s'était pas présenté en personne devant le juge au jour indiqué pour la tentative de conciliation, contrairement aux dispositions de l'article 883 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L3186ADD). La question se posait alors de savoir quelles étaient les conséquences juridiques du refus d'une partie de se soumettre au préalable de conciliation. Le demandeur au pourvoi invoquait l'existence d'une fin de non-recevoir à l'action. Cette thèse est intéressante, car elle repose sur un arrêt de principe rendu en matière de clause de conciliation dans lequel la Chambre mixte a considéré que le non-respect par un contractant du préalable de conciliation imposé par le contrat constitue une fin de non-recevoir (2).

Pour autant, cette argumentation n'a pas convaincu la Cour de cassation dans la mesure où le Nouveau Code de procédure civile aménage spécifiquement l'hypothèse de la non-comparution d'une partie devant le tribunal paritaire des baux ruraux. Ainsi, l'article 888 du NCPC (N° Lexbase : L3191ADK) prévoit-il qu'en cas de non-conciliation ou de non-comparution d'une partie, l'affaire est renvoyée pour être jugée. En d'autres termes, le code traite le défaut de comparution comme un refus de conciliation.

S'il entre dans la mission du juge de concilier les parties, le préalable obligatoire de conciliation ne les oblige pas à s'entendre, mais simplement à tenter la conciliation. Il faut reconnaître que le Nouveau Code de procédure civile est bien peu exigeant en la matière, lorsqu'il assimile l'absence d'une partie à un refus de se concilier. A l'évidence, c'est considérer la conciliation comme une phase accessoire de l'instance.

II - Transmission de l'action en justice et disparition d'une copropriété

  • La réunion de la totalité des lots composant la copropriété en une seule main entraîne la disparition de la copropriété et la transmission automatique des actions en justice à la personne ayant acquis la totalité des lots : Cass. civ. 3, 12 septembre 2007, n° 06-11.282, Société civile immobilière (SCI) Les Bourgognes, FS-P+B (N° Lexbase : A2155DYH)

Dans cette affaire, une copropriété était en conflit avec plusieurs acteurs de la construction d'un immeuble (constructeur, bureau d'études...) en raison d'un certain nombre de désordres apparus au cours des travaux. Par la suite, l'ensemble des parts sociales avait été réuni en une seule main par l'effet d'une cession d'action, de sorte que la copropriété avait disparu, laissant un propriétaire unique face aux différents professionnels de la construction.

Ces derniers invoquaient, dans leur pourvoi en cassation, l'irrecevabilité de l'action du nouveau propriétaire pour les dommages survenus avant la cession des parts. Selon cette argumentation, la transmission de l'action en justice portant sur les dommages antérieurs à la cession était soumise à l'existence d'une "clause contractuelle de transfert de l'action en réparation" stipulée dans le contrat de vente. Les auteurs du pourvoi arguaient encore que le syndicat de copropriété, s'il devait disparaître avec la copropriété, survivait tout de même pour les besoins de la liquidation et possédait seul l'intérêt pour agir en justice.

Assez logiquement, la Cour de cassation n'a pas retenu cette double argumentation, laquelle reposait sur des fondements juridiques plus que fragiles. Au contraire, elle a jugé que la réunion de la totalité des lots composant la copropriété en une seule main avait eu pour effet la disparition de la copropriété et du syndicat de copropriété et avait entraîné, dans le même temps, la transmission à l'acquéreur des lots de la totalité des actions dont disposait le syndicat avant la cession.

Cette solution est conforme à la règle selon laquelle la transmission d'une action en justice suit le droit substantiel supporté par cette action. Dès lors, si le droit à réparation est transmis d'un propriétaire à l'autre, l'action en réparation suit, elle aussi, la chaîne du transfert de propriété (sur cet arrêt lire également, Bulletin d'actualités en droit immobilier : actualités jurisprudentielles - Cabinet Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés - Octobre 2007, Lexbase Hebdo n° 275 du 4 octobre 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N5797BCP).

III - Intérêt pour former appel dans une instance en divorce

  • L'époux qui a obtenu le divorce aux torts partagés peut interjeter appel pour demander le prononcé aux torts exclusifs de son épouse : Cass. civ. 1, 26 septembre 2007, n° 04-15.051, M. Albert Turgon, FS-P+B (N° Lexbase : A5752DYP)

L'intérêt pour agir doit être apprécié par les juges d'appel selon des considérations spécifiques vis-à-vis de l'action devant les premiers juges. Ainsi, celui qui a obtenu pleinement satisfaction devant les premiers juges perd son intérêt à former un appel. Cette notion de "pleine satisfaction" fait parfois débat.

En l'espèce, un divorce avait été prononcé aux torts partagés en première instance avec attribution d'une prestation compensatoire pour l'épouse. Le mari forma un appel tant sur la forme du divorce que sur la prestation compensatoire. Il demandait, notamment, que la cour prononce le divorce aux torts exclusifs de sa conjointe.

La cour d'appel crut pouvoir déclarer l'appel irrecevable pour défaut d'intérêt à agir en ce qui concerne la forme du divorce. Implicitement, elle considérait que la demande de l'époux (3) à ce que le divorce soit prononcé aux torts de l'épouse était totalement satisfaite dès lors que les juges de première instance avaient relevé des fautes commises par les deux parties et en avait déduit l'existence de torts partagés.

Les juges du second degré assimilaient ainsi la demande en divorce aux torts exclusifs et celle aux torts partagés. C'était ignorer le fait que ces deux formes de divorces ne suivent pas exactement le même régime juridique. Notamment, l'article 266 du Code civil (N° Lexbase : L2833DZX) octroie le bénéfice de dommages et intérêts à l'époux dont le divorce a été prononcé aux torts exclusifs de son conjoint.

La Cour de cassation s'est ainsi écartée de la confusion opérée par la cour d'appel et a considéré que "les prétentions de M. Y n'avaient pas été complètement accueillies, de telle sorte qu'il avait intérêt à interjeter un appel".

On peut en déduire que n'obtient pas pleine satisfaction, celui qui demande à ce que soient reconnus, "à titre exclusif ", les torts de la partie adverse, sans que, pour autant, il ne lui soit reproché de torts personnels. La solution semblait tomber sous le sens, mais, étonnamment, la cour d'appel en avait jugé autrement.

IV - Le juge de l'exécution et la décision au fond

  • Le juge de l'exécution est tenu par le strict respect du dispositif de la décision qu'il est chargé de mettre en oeuvre. Il ne peut statuer au fond sur des questions qui n'ont pas été tranchées : Cass. civ. 2, 13 septembre 2007, n° 06-13.672, Société Sport autos Nantes, FS-P+B (N° Lexbase : A2157DYK)

Le juge de l'exécution intervient à l'issue d'une procédure qui a, en principe, résolu le litige dans sa totalité. Pour autant, il existe des hypothèses dans lesquelles, malgré la décision rendue par les juges du fond, les parties conservent des prétentions qui n'ont pas été tranchées. Tel était le cas dans l'espèce commentée. Un litige avait opposé le vendeur et l'acheteur d'un véhicule automobile. Les juges du fond avaient prononcé la résolution de la vente et condamné le vendeur au remboursement du prix sous condition que le véhicule soit rendu par l'acheteur.

Le litige semblait donc solutionné, mais une difficulté supplémentaire se présenta au moment de mettre en oeuvre la résolution de la vente. En effet, l'acheteur réclamait encore au vendeur des frais de gardiennage du véhicule, frais sur lesquels les juges du fond n'avaient pas statué.

Le vendeur délivra alors un commandement de payer dont l'annulation fut demandée au juge de l'exécution. Une nouvelle instance débuta alors principalement sur la question de l'exécution, mais aussi, accessoirement, sur les frais de gardiennage. Le litige fut porté devant la cour d'appel qui décida que ces frais devaient être supportés par le vendeur du véhicule dont "le comportement et la mauvaise foi" avaient été à l'origine de la résolution de la vente. C'était oublié que la cour statuait sur l'appel d'une décision du juge de l'exécution et qu'elle avait excédé sa compétence.

C'est ce que rappelle la Cour de cassation dans une formulation de principe : "Attendu que le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice servant de fondement aux poursuites, ni remettre en cause la validité des droits ou obligations qu'il constate". En d'autres termes, le juge de l'exécution doit se contenter de trancher les difficultés liées à l'exécution d'une décision sans pouvoir y apporter aucune modification ni aucun complément. Il y avait là un motif évident pour retenir l'excès de pouvoir du juge (4).

On pourrait alors se poser la question du devenir des frais de gardiennage dans cette espèce. A l'évidence, il s'agit d'une prétention nouvelle qui aurait dû donner lieu à une nouvelle instance au fond sans que puisse lui être opposée l'autorité de la chose jugée.

V - La procédure d'assistance éducative face à l'article 6 de la CESDH

  • En matière d'assistance éducative, la partie non-comparante, mais dont l'avocat est présent à l'audience, est en droit de soutenir son appel : Cass. civ. 1, 26 septembre 2007, n° 06-16.445, Mme Catherine Montanier, épouse Couillard-Maugery, FS-P+B (N° Lexbase : A5839DYW)

La procédure d'assistance éducative a soulevé de nombreuses difficultés s'agissant des parties qui ne sont pas assistées d'un avocat. Sous l'effet de condamnations prononcées par la Cour européenne des droits de l'Homme, le décret n° 2002-361 du 15 mars 2002 (N° Lexbase : L6369HYK) a conféré aux parties non assistées de nouveaux droits, notamment d'accès au dossier de la procédure.

La question qui se posait dans l'espèce étudiée était inversée. Il s'agissait de savoir quels étaient les droits d'une partie non-comparante, mais dont l'avocat était présent à l'audience. Une telle question pourrait paraître extravagante, tant il est convenu, en matière civile, que la comparution personnelle d'une partie n'est pas un élément indispensable à l'exercice des droits de la défense. Pour autant, on se trouvait ici dans une procédure très particulière, qui est celle de l'assistance éducative et le Nouveau Code de procédure civile n'est pas clair sur la question de la représentation des parties dans une telle procédure. Tout au plus, l'article 1186 du NCPC (N° Lexbase : L2026ADE) indique-t-il que les parties "peuvent faire le choix d'un conseil ou demander au juge que le bâtonnier leur en désigne un d'office".

La cour d'appel avait ainsi jugé que l'appel d'une partie qui avait été convoquée, mais ne s'était pas présentée devant les juges, n'avait pas été soutenu, alors même que l'avocat de cette partie était présent à l'audience. Les juges du second degré exigeaient ainsi une comparution personnelle là où le code ne dit rien d'aussi précis.

La Cour de cassation aurait pu se contenter de casser l'arrêt d'appel comme ayant créé une condition qui n'était prévue par aucun texte, mais elle est allée plus loin, se référant au droit commun de la procédure devant la cour d'appel (NCPC, art. 931 N° Lexbase : L3237ADA) et surtout à l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR).

La Haute juridiction a, ainsi, affirmé dans un motif de principe que "le droit à un procès équitable exige que soit donné à chacun l'accès au juge chargé de statuer sur sa demande" et qu'"en matière d'assistance éducative, les parties se défendent elles-mêmes et ont la faculté de se faire assister " (5). Dès lors, la cour d'appel ne pouvait considérer que l'appel n'avait pas été soutenu, alors même que l'avocat de l'appelante était présent à l'audience et qu'il avait été entendu en ses observations.

Dans les procédures sans représentation obligatoire, le choix des parties de se défendre seules ou de se faire représenter semble donc se hisser au rang de véritable principe directeur du procès.

Etienne Vergès, agrégé des facultés de droit, Professeur à l'Université de Grenoble II


(1) A l'instar de la procédure prud'homale. Voir sur ce point, par ex., E. Vergès, Procédure civile, PUG, 2007, p. 63.
(2) Cass. mixte, 14 février 2003, n° 00-19.423, M. Daniel Poiré c/ M. Daniel Tripier, P (N° Lexbase : A1830A7W), D. 2003, Juris. , p. 1386-1391, note P. Ancel et M. Cottin.
(3) Qui n'est pas précisée en détail dans l'arrêt de la Cour de cassation.
(4) Ce que la Cour de cassation ne fait pas, se contentant de constater "Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés".
(5) La Cour aurait dû ajouter "et de se faire représenter" conformément à l'article 931 du NCPC.

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Internet - Bulletin d'actualités n° 8

[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Septembre 2007

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N6160BC7

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Le 07 Octobre 2010

Tous les mois, Marc d'Haultfoeuille, avocat associé chez Clifford Chance, vous propose de retrouver l'actualité juridique en matière de Communication Média & Technologies. Au sommaire de ce Bulletin seront abordés, entre autres, les récentes condamnations de fournisseurs d'accès à internet, la décision de la Commission sur la rémunération pour copie privée, prévue à l'article L. 311-5 du Code de la propriété intellectuelle, qui étend l'assiette de la rémunération des auteurs pour copie privée à de nouveaux supports numériques ou, encore, le rejet par le Conseil d'Etat de deux recours en annulation portés par des groupements d'opérateurs de télécommunications concernant le décret du 24 mars 2006 et l'arrêté s'y rapportant, en date du 22 août 2006.

I - Droit d'auteurs

  • La Commission sur la rémunération pour copie privée, prévue à l'article L. 311-5 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2860HPM), étend l'assiette de la rémunération des auteurs pour copie privée à de nouveaux supports numériques : décision du 9 juillet 2007 de la Commission prévue à l'article L. 311-5 du Code de la propriété intellectuelle, relative à la rémunération pour copie privée, n° MCCB0764606S (N° Lexbase : L4162HYS)

Contenu :

La décision de la Commission sur la rémunération pour copie privée, prévue à l'article L. 311-5 du Code de la propriété intellectuelle, étend la rémunération due au titre de la copie privée aux DVD enregistrables et aux supports hybrides amovibles, c'est-à-dire les cartes mémoires, les clés USB et les supports de stockage externes à disques utilisables directement avec un ordinateur personnel, sans qu'il soit nécessaire d'y adjoindre un équipement complémentaire hormis les câbles de connexion et d'alimentation.

Ainsi, une redevance devra être versée aux sociétés de gestion collective lors de l'achat de l'un de ces supports. Celle-ci sera, ensuite, reversée aux auteurs.

Les supports sont classés selon leur type et leur capacité d'enregistrement. Le montant de la redevance varie selon les catégories. Il est fixé selon différents critères, notamment, le taux utilisé pour compresser les fichiers numériques et les pratiques des consommateurs. Un tableau annexé à la décision précise le montant de la redevance. Si la taille des supports dépasse la taille maximale fixée par le tableau, ce montant est calculé selon les critères prévus pour la capacité de stockage la plus élevée pour le type de support.

Les redevables doivent déclarer le nombre de supports vendus ainsi que, pour chacun d'eux, la capacité d'enregistrement. Cette déclaration est valable sauf preuve contraire rapportée par l'organisme chargé de percevoir les redevances.

Cette décision est entrée en vigueur le 1er octobre 2007.

Commentaire :

La Commission étend l'assiette de la rémunération, prévue aux articles L. 311-1 (N° Lexbase : L3451AD8) et suivants du Code de la propriété intellectuelle, à de nouveaux supports qui n'étaient pas affectés jusqu'alors, notamment les DVD enregistrables et les clés USB.

De même que pour les autres supports, tels que les CD ou encore les supports analogiques, cette redevance a pour objectif de compenser le préjudice subi par les auteurs en raison des copies privées de plus en plus nombreuses effectuées par les consommateurs sur ces supports.

Toutefois, une difficulté surgit compte tenu du fait que ces nouveaux supports peuvent contenir des fichiers offrant une durée d'écoute ou de visualisation plus ou moins importante selon leur type, alors que les supports analogiques, qui étaient dédiés à un certain type de contenu, offraient une durée précise. Certes, si le montant de la redevance est arrêté en fonction de la taille du support, il est à croire que la Commission l'a fixé principalement en fonction de la durée d'écoute ou de visualisation.

Enfin, le tableau annexé à la décision n'est que conservatoire : la taille des supports ne cessant d'augmenter, la Commission se réserve la possibilité d'adopter un tableau semblable dans le futur.

II - Informatique

  • Dans une décision du 21 décembre 2006, la Cour de cassation a considéré que le non-respect d'une charte informatique en vigueur dans une entreprise constituait une cause de licenciement pour faute grave : Cass. soc., 21 décembre 2006, n° 05-41.165, F-D (N° Lexbase : A1084DTC)

Faits :

M. X, adjoint du directeur technique au sein de la société AD 2 One, a emprunté le mot de passe d'un autre salarié et s'est connecté sur le poste informatique du directeur de la société. La société a décidé de licencier M. X pour faute grave du fait de la violation de la charte informatique.

Le 25 novembre 2004, la cour d'appel de Versailles a considéré que le comportement de M. X était contraire à l'obligation de respect de la charte informatique en vigueur dans l'entreprise. Elle a, par conséquent, décidé que le licenciement était justifié.

M. X a déposé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Décision :

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi et a considéré que le comportement de M. X était contraire à l'obligation de respect de la charte informatique en vigueur dans l'entreprise, rendait impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et constituait effectivement une faute grave.

Commentaire :

Par cette décision, la Cour de cassation confirme que la violation d'une charte informatique par un salarié peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement pour faute grave.

Le non-respect de la charte informatique en vigueur, en l'espèce l'emprunt du mot de passe d'un autre salarié et la connexion non autorisée sur le poste informatique du directeur de la société, constituait une violation des obligations du salarié découlant du contrat de travail.

III - Internet

  • Dans un jugement en date du 26 juin 2007, le tribunal de grande instance de Paris vient encore renforcer les obligations des fournisseurs d'accès à internet envers les consommateurs : TGI Paris, 4ème ch., 1ère sect., 26 juin 2007, n° RG 05/08845, Madame V. S. et autres c/ SAS Free (N° Lexbase : A5138DXL)

Faits :

Au cours de l'année 2004, trois particuliers ont conclu avec la société Free des contrats d'accès à internet, de téléphonie et de télévision sur IP.

Peu de temps après la mise en service de la ligne, ils rencontrent des difficultés bien qu'ils aient vérifié la compatibilité de leur matériel informatique. Free adresse alors un ticket au Guichet d'Accueil et de Maintenance des Opérateurs Tiers ("GAMOT") de France Télécom pour lui signaler le problème et lui demander d'intervenir sur la boucle locale. Après résolution du problème, les abonnés rencontrent des difficultés similaires.

Après un échange de courriers, les trois abonnés décident de résilier le contrat et de suspendre les prélèvements automatiques sur leurs comptes bancaires. Biens qu'ils soient mis en demeure de payer, ils refusent de s'exécuter et contactent l'association UFC Que choisir qui décide alors d'agir en justice, à leurs côtés, contre Free, auprès du tribunal de grande instance de Paris.

Les demandeurs soutiennent que la société Free a manqué à son obligation de résultat, engageant de ce fait sa responsabilité envers ses clients et l'obligeant à tout mettre en oeuvre pour rétablir le service ou à indemniser ses clients lésés.

L'association UFC Que choisir demande, quant à elle, que le coût d'appel au service technique soit inclus dans le forfait.

La société Free décline toute responsabilité. Elle estime, en effet, d'une part, qu'elle met à disposition de ses abonnés un service d'assistance technique et qu'elle leur fournit toutes les informations nécessaires (coût, durée d'attente) et, d'autre part, qu'elle ne maîtrise pas le câblage de la ligne qui est entièrement géré par France Télécom au nom et pour le compte de l'abonné. Les difficultés rencontrées par les utilisateurs constituent, à ses yeux, une cause étrangère, imprévisible et insurmontable, exonératoire de toute responsabilité compte tenu du fait que Free a fait tout ce qui était en son pouvoir pour tenter de remédier au problème.

Décision :

Le TGI de Paris condamne Free à indemniser ses clients au paiement des sommes suivantes :

- 646,88 euros en faveur de Véronique S.,
- 563,47 euros en faveur de Stéphane D.,
- 528,72 euros en faveur de Florent A.,
- 20 000 euros en faveur de l'UFC Que Choisir,
- et faire publier le jugement dans trois quotidiens réputés à hauteur de 6 000 euros par publication.

Les juges ont considéré que le prestataire de services était soumis à un devoir de conseil l'obligeant à vérifier l'adéquation de son offre avec le lieu de connexion du client et les spécificités techniques de son matériel. Le prestataire est assujetti à une obligation de résultat dès lors qu'il n'émet pas de réserve quant à la possibilité de s'exécuter, le service d'assistance technique n'en constituant qu'un moyen d'exécution.

Par ailleurs, les juges ont énoncé que le prestataire est responsable lorsque l'obligation est mal exécutée même si cette mauvaise exécution est le fait d'un tiers qui participe à l'exécution du contrat.

Le tribunal émet, cependant, une réserve : l'opérateur peut rapporter la preuve d'une faute de la victime, du fait d'un tiers au contrat ou d'un cas de force majeure, ce qui, en l'espèce, n'était pas le cas.

Commentaire :

Dans cette décision, les juges sanctionnent les difficultés rencontrées par les utilisateurs lorsqu'ils tentent de joindre le service d'assistance technique. Plus généralement, tout le système du dégroupage est envisagé.

Bien que cette décision puisse être critiquée, elle confirme que les fournisseurs d'accès sont responsables de plein droit des services fournis aux utilisateurs et sont ainsi soumis à une obligation de résultat.

  • Dans une décision en date du 12 juillet 2007, le tribunal d'instance de Cherbourg condamne un fournisseur d'accès à Internet pour inexécution de sa prestation contractuelle après avoir annulé la clause définissant celle-ci comme une obligation de moyen : TI de Cherbourg, 12 juillet 2007, M. L. c/ Société AOL

Faits :

Monsieur L. a souscrit une offre pour un accès internet à bas-débit auprès de la société AOL durant le mois d'octobre 2000. Il a, par la suite, contacté régulièrement la hot-line durant l'année 2003 en raison de nombreux problèmes de connexion. Il a, ensuite, souscrit auprès du même fournisseur un abonnement ADSL le 26 août 2004.

Après avoir rencontré de nouveaux problèmes de connexion, Monsieur L. a résilié le contrat d'abonnement le 30 août 2006 et a assigné la société AOL en demandant le remboursement des frais d'abonnement mensuel prélevés alors que la prestation n'était pas fournie, le remboursement de la facturation des communications au service d'assistance téléphonique, ainsi que le paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Décision :

Le tribunal d'instance de Cherbourg considère, au visa de l'article L. 132-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L3392ADY), que la clause figurant au contrat d'abonnement et stipulant que le fournisseur d'accès n'est tenu qu'à une obligation de moyen, compte tenu de la nature de la technologie ADSL, crée un déséquilibre significatif au détriment des abonnés, ce qui justifie sa suppression.

Ainsi, l'obligation de la société AOL, envers Monsieur L., est considérée comme une obligation de résultat. Cette société a failli à cette obligation en ne fournissant pas un accès internet opérationnel. Elle a, également, manqué de diligence et fait preuve d'inertie quant à sa volonté d'exécuter la prestation qui lui incombait, en se contentant de réponses évasives et dilatoires sans envoyer de technicien pour résoudre la panne.

Le tribunal d'instance condamne ainsi la société AOL :
- à rembourser à Monsieur L. les frais d'abonnement indûment perçus (370,22 euros) ;
- à rembourser à Monsieur L. les communications téléphoniques (54,10 euros) ;
- à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi (2 000 euros).

Commentaire :

En reconnaissant que les fournisseurs d'accès à internet sont soumis à une obligation de résultat, le tribunal d'instance de Cherbourg sanctionne, ici, non seulement les dysfonctionnements récurrents liés à une connexion internet, mais, également, les difficultés rencontrées par l'abonné pour remédier à ces dysfonctionnements. Ces difficultés se traduisent par les mauvaises prestations de la hot-line et le refus de la part du fournisseur d'envoyer un technicien malgré le prélèvement du montant mensuel de l'abonnement.

Cette jurisprudence est à mettre en parallèle avec la décision du tribunal de grande instance de Paris du 26 juin 2007 (cf. supra) qui a également reconnu une obligation de résultat à la charge du fournisseur d'accès à internet. En l'espèce, trois personnes avaient rencontré des difficultés dans l'accès ou l'utilisation d'un ou de plusieurs services faisant l'objet de leur abonnement. Ces trois personnes ont assigné le fournisseur d'accès à Internet en indemnisation du préjudice qu'elles avaient subi. Ce dernier a considéré que la faute qu'on lui imputait était en fait celle de l'opérateur historique, dont il utilisait les réseaux et le matériel sans avoir sur eux ni contrôle, ni moyen d'intervenir. Pour accueillir la demande en indemnisation des utilisateurs, le TGI de Paris a fondé sa décision sur l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT ; inexécution ou mauvaise exécution de l'obligation d'un contrat) et sur l'article 15 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, pour la confiance dans l'économie numérique (N° Lexbase : L2600DZC), selon lequel "toute personne physique ou morale qui propose ou assure à distance par voie électronique la fourniture de biens ou de services est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci".

Le tribunal d'instance considère, également, que le fournisseur d'accès à internet est tenu à une obligation de résultat sur le fondement de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, qui dispose que, "dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat". Il a, ainsi, considéré que la clause qui définissait l'obligation du fournisseur d'accès comme une obligation de moyen constituait une clause abusive.

Ces deux décisions aboutissent à reconnaître une obligation de résultat aux fournisseurs d'accès à internet, la première sur le fondement du droit des contrats, la seconde sur celui du droit de la consommation.

Par conséquent, les utilisateurs peuvent agir à l'encontre des fournisseurs d'accès selon des fondements juridiques différents. Ils peuvent soulever l'un ou l'autre en fonction du contenu de leur contrat de fourniture d'accès à internet.

  • Dans une décision en date du 19 juin 2007, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a analysé un cas de cessation des prestations de fourniture d'accès à internet et de location de bande passante, et a considéré que la résiliation du contrat relevait de la responsabilité du fournisseur : Cass. com., 16 juin 2007, n° 06-13.706, Société MJA Selafa, agissant en la personne de Mme Brigitte Penet-Weiller, ladite Selafa MJA agissant en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Téléglobe France, F-D (N° Lexbase : A8750DWY)

Faits :

Le 2 juin 2000, la société Téléglobe France et la société XTS Télécom ont conclu un contrat de location de bande passante, et, le 20 juin 2000, un contrat de fourniture d'accès à internet. Dans ces deux contrats, Téléglobe France était le fournisseur de la prestation. Le 15 mai 2002, la société Téléglobe Canada, société mère de la société Téléglobe France, a notifié à XTS Télécom son intention de mettre fin, avec effet au 30 juin 2002, aux prestations de transport de voix et de bande passante. En réaction, XTS Télécom a demandé le paiement de dommages et intérêts à Téléglobe pour rupture brutale et abusive des contrats, la société Selafa MJA intervenant aux débats en tant que liquidateur judiciaire de Téléglobe France.

Le liquidateur judiciaire fait grief à l'arrêt d'appel d'avoir considéré que les deux contrats conclus entre la société XTS Télécom et la société Téléglobe avaient été résiliés aux torts de la société Téléglobe.

La cour d'appel a rejeté les moyens invoqués. Elle a considéré, en effet, que :

- la cessation définitive des prestations par la maison mère de Téléglobe ne pouvait constituer une cause de résiliation définitive du contrat, malgré l'existence d'une clause prévoyant sa résiliation en cas de coupure du réseau de télécommunications par la maison mère et malgré l'existence d'un recours possible (crédits d'interruption de services) en cas d'interruption des services ;
- la clause exonératoire de responsabilité prévoyant que Téléglobe n'était pas responsable envers le client des pertes ou des dommages subis par ce dernier en raison de toute interruption ou détérioration du service, peu importe la durée ou la cause de l'interruption ou de la détérioration, ne s'appliquait pas en cas de résiliation de la convention ;
- le fait de prévoir une exonération de responsabilité de Téléglobe en cas de manquement de sa part sur le fondement de la force majeure ne peut être recevable dans la mesure où cette exonération de responsabilité ne remplit pas les critères de la force majeure.

Décision :

La Cour de cassation confirme l'arrêt de la cour d'appel et rejette le pourvoi. Elle considère, en effet, que les clauses de limitation ou exonératoires de responsabilité ne peuvent justifier la résiliation du contrat du fait, notamment, de l'ambiguïté de leur rédaction.

Elle ajoute, aussi, que ces clauses ne peuvent justifier la résiliation du contrat sur le fondement de la force majeure dans la mesure où les parties n'ont pas entendu exclure de manière contractuelle la nécessaire réunion des conditions retenues par la jurisprudence pour caractériser la force majeure.

Commentaire :

La Cour de cassation applique un principe dégagé pour la première fois en 1808 (Cour de cassation, sections réunies, 2 février 1808, Lubert c/ Wancareghem), selon lequel le juge n'est pas lié par les dispositions du contrat et peut interpréter celles dont l'ambiguïté ne permet pas d'en dégager une interprétation stricte. Ce principe est le pendant judiciaire de l'effet relatif des contrats, impliquant que les qualifications contractuelles ne s'appliquent qu'aux parties. Ainsi, elles ne sont opposables ni aux tiers, ni au juge.

Elle tempère, ainsi, la possibilité d'une interprétation extensive des clauses résolutoires ou exonératoires de responsabilité par les parties à un contrat de location de bande passante ou de fourniture d'accès à internet.

Par ailleurs, la Cour de cassation confirme la position qu'elle avait, notamment, adoptée dans deux arrêts rendus le 14 avril 2006 (Cass. Ass. Plén., 14 avril 2006, n° 04-18.902, M. Stéphane Brugiroux c/ Régie autonome des transports parisiens (RATP), P N° Lexbase : A2092DP8 et n° 02-11.168, M. Philippe Mittenaere c/ Mme Micheline Lucas, épouse Pacholczyk, P N° Lexbase : A2034DPZ et les obs. de D. Bakouche, La force majeure devant l'Assemblée plénière de la Cour de cassation (vers l'unité des approches contractuelle et délictuelle ?), Lexbase Hebdo n° 214 du 11 mai 2006 - édition affaires N° Lexbase : N8030AKM), selon laquelle la force majeure ne peut être caractérisée en cas de manquement contractuel commis par l'une des parties, dans la mesure où elle nécessite la réunion de trois conditions : un événement irrésistible, imprévisible et extérieur à la volonté des parties.

IV - Télécommunications

  • Le Conseil d'Etat a rejeté deux recours en annulation portés par des groupements d'opérateurs de télécommunications concernant le décret du 24 mars 2006 et l'arrêté s'y rapportant, en date du 22 août 2006 : CE 2° et 7° s-s-r., 7 août 2007, n° 293774, Association des fournisseurs d'accès et de services internet (AFA) et autres (N° Lexbase : A8962DX9) et n° 298436, Association française des opérateurs de réseaux et de services de télécommunications (AFORS Télécom) (N° Lexbase : A8979DXT)

Faits :

Un décret adopté le 24 mars 2006 a établi les modalités de conservation de données des communications électroniques à des fins d'enquête judiciaire, à l'encontre des opérateurs de télécommunication (décret n° 2006-358, 24-03-2006, relatif à la conservation des données des communications électroniques N° Lexbase : L8960HHC et lire Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Mars 2006 (2ème partie), Lexbase Hebdo n° 210 du 13 avril 2006 - édition affaires N° Lexbase : N6632AKT). Un arrêté en date du 22 août 2006 a pour sa part fixé la tarification applicable à ces prestations (arrêté du 22 août 2006 pris en application de l'article R. 213-1 du Code de procédure pénale fixant la tarification applicable aux réquisitions ayant pour objet la production et la fourniture des données de communication par les opérateurs de communications électroniques N° Lexbase : L7072HK7). L'AFA, l'AFORS Télécom, ainsi que la société Bouygues Télécom ont déposé un recours en annulation pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat à l'encontre de ces deux textes.

L'AFA reproche au décret de manquer de clarté et de cohérence au regard des données demandées et de ne pas prendre en compte les coûts d'investissement nécessaires à la conservation des informations exigées par la loi.

L'AFORS Télécom reproche à l'arrêté de retenir l'établissement d'un devis comme mode de calcul de la rémunération pour des prestations concernant les opérateurs de téléphonie mobile et fixe ("recherche et identification d'un abonné appelant derrière une tête de ligne ou un serveur" et "détails des trafics en relation avec un abonné d'un opérateur étranger").

Décision :

Le Conseil d'Etat a rejeté les recours en annulation pour excès de pouvoir du décret et de l'arrêté.

Concernant le décret, le Conseil d'Etat considère que le texte distingue de manière suffisamment claire et précise les catégories de données qui doivent être conservées et celles qui doivent, au contraire, être effacées ou rendues anonymes. Il confirme, par ailleurs, que le décret ne porte pas une atteinte au respect de la vie privée qui serait disproportionnée aux buts de sécurité publique poursuivis et ne méconnaît pas les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4798AQR).

Enfin, le fait pour les opérateurs de pouvoir être condamnés pénalement (sur le fondement de l'article L. 39-3 du Code des postes et des communications électroniques N° Lexbase : L1875HHW), en cas d'absence de conservation des données liées au trafic, ne porte pas atteinte au principe de la légalité des délits et des peines.

Concernant l'arrêté, le Conseil d'Etat valide les modalités de tarification s'appliquant aux réquisitions ayant pour objet la production et la fourniture des données de communication par les opérateurs de communications électroniques. Néanmoins, le Conseil considère que l'arrêté contrevient à l'article R. 213-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2889HIT) et à l'article A. 43-2 (N° Lexbase : L1597HSX) du même code inséré par l'arrêté attaqué, qui mentionnent que les prestations concernant les opérateurs fixe et mobile doivent voir leur tarif directement fixé par l'arrêté, sans nécessiter l'établissement d'un devis.

Commentaire :

Ces deux décisions rejettent le recours en annulation pour excès de pouvoir formé par les opérateurs de télécommunications, sauf sur un point précis de l'arrêté concernant les modalités de rémunération relatives à la fourniture de certaines prestations par ces opérateurs à des fins d'enquête judiciaire.

Le recours contre le décret du 24 mars 2006 concerne surtout les diverses atteintes aux libertés individuelles que ce texte était censé mettre en oeuvre. Sur ce point, le Conseil d'Etat procède à une analyse détaillée des dispositions pour aboutir à la conclusion que ces atteintes sont soit justifiées et proportionnées au but à atteindre, qui s'avère être de faciliter les enquêtes des autorités judiciaires sur les infractions commises sur internet, soit trop faibles pour justifier une annulation complète de ces textes.

Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & Technologies
Cabinet Clifford Chance

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] L'employeur peut-il contraindre les sections syndicales à changer de locaux ?

Réf. : Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 06-13.810, Syndicat CFDT Servair 1, FS-P+B (N° Lexbase : A5806DYP)

Lecture: 7 min

N6163BCA

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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010


L'article L. 120-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5441ACI) n'en finit pas d'étendre son champ d'application à tous les secteurs du droit du travail. C'est, désormais, la liberté syndicale, reconnue tant au niveau constitutionnel qu'européen, qui se trouve englobée dans la protection accordée par ce texte, mais aussi enserrée dans les limites qu'il met en place. Il s'agissait de savoir, dans une affaire tranchée par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 26 septembre 2007, si le transfert forcé par l'employeur des locaux syndicaux constituait une atteinte à la liberté syndicale. En répondant à cette question, la Chambre sociale précise les règles gouvernant le déménagement du local syndical (1) et fait entrer la liberté syndicale dans le giron du contrôle de justification et de proportionnalité de l'article L. 120-2 du Code du travail (2).

Résumé

L'employeur ne peut apporter des restrictions aux libertés individuelles et collectives des salariés et de leurs représentants qui ne seraient justifiées par un motif légitime et proportionné au but recherché.

En conséquence, le déménagement des locaux syndicaux, imposé par l'employeur et induisant, pour accéder aux nouveaux locaux, l'obligation de passer un portique électronique, de présenter un badge, voire de subir une fouille, sans que cela soit rendu nécessaire par des impératifs de sécurité, ni ne soit proportionné au but recherché, constitue une atteinte à la liberté syndicale.

1. Des règles gouvernant le déménagement du local syndical

  • L'obligation de fournir un local aux sections syndicales

Lorsque l'entreprise remplit les conditions autorisant les syndicats représentatifs à désigner, parmi les salariés, un délégué syndical et, partant, à créer une section syndicale, l'employeur se trouve dans l'obligation de fournir à cette entité un certain nombre de moyens matériels.

Parmi ces moyens, les représentants syndicaux peuvent, parfois, bénéficier d'un local syndical, selon les termes de l'article L. 412-9 du Code du travail (N° Lexbase : L6347AC3). Si l'entreprise comporte un effectif supérieur à 200 salariés, un seul local commun "convenant à l'exercice de la mission de leurs délégués" est fourni pour l'ensemble des sections syndicales. Si l'effectif dépasse 1 000 salariés, chaque section bénéficiera de son propre local, "convenable, aménagé et doté du matériel nécessaire à son fonctionnement". Au contraire, si l'effectif ne dépasse pas 200 salariés, l'employeur n'est pas tenu de mettre à leur disposition un local spécifique, à moins qu'un accord collectif n'en décide autrement.

On déduit, également, de ce texte que le local doit être situé au sein de l'entreprise ou de l'établissement. Cette question ne posait guère difficulté dans l'arrêt commenté. En effet, si les anciens locaux étaient situés dans le bâtiment principal de l'entreprise, les nouveaux locaux avaient été aménagés dans des locaux sis sur le parking, mais demeurant dans "l'enceinte de l'entreprise".

Reste à savoir si l'employeur pouvait légitimement imposer un déménagement aux sections syndicales.

  • La possibilité de contraindre les sections syndicales à déménager

L'article L. 412-9 du Code du travail demeure laconique quant aux règles précises s'appliquant au fonctionnement du local syndical. Spécialement, rien n'est prévu s'agissant du déménagement des sections dans d'autres locaux.

A l'évidence, tout déménagement doit impliquer que la situation du nouveau local remplisse les conditions initiales, c'est-à-dire qu'il soit situé dans l'enceinte de l'entreprise ou de l'établissement et qu'il mette à disposition des sections des moyens convenables de fonctionnement.

Les juges du fond ont, parfois, eu à connaître de cette hypothèse. Ils ont, le plus souvent, estimé qu'une telle mesure était envisageable (1). Ils exigent, néanmoins, de l'employeur qu'il présente un motif sérieux pour que ce déménagement puisse être imposé (2). Si l'on raisonne par analogie avec les décisions tranchant des litiges relatifs au déménagement du local du comité d'entreprise, on peut alors conclure à l'obligation, pour l'employeur, de s'assurer que les nouveaux locaux présentent des avantages équivalents à ceux que connaissaient les anciens (3).

Il ne s'agit, cependant, que de solutions sporadiques n'ayant jamais été assises par une décision de la Cour de cassation. L'arrêt commenté apporte, sur ce point, quelques précisions.

  • En l'espèce

L'employeur avait pris la précaution, devant le refus des organisations syndicales, de demander en référé l'autorisation de procéder au transfert des locaux vers le nouveau site, autorisation qui lui avait été refusée. Bravant ce refus, il avait, néanmoins, procédé au déménagement forcé. La Cour de cassation estime donc, logiquement, que ce transfert s'étant réalisé sans titre exécutoire, il caractérisait une voie de fait constitutive d'un trouble manifestement illicite et justifiant la décision de la cour d'appel d'imposer une remise en état.

Sur le fond, la décision de la Cour de cassation apporte de véritables précisions aux décisions déjà rendues par les différentes juridictions du fond. Ainsi, sans toutefois préciser si le motif invoqué de "mise en oeuvre de réduction des coûts" constituait un motif suffisamment légitime pour imposer le déménagement, elle exige, tout de même, qu'un "motif légitime et proportionné au but recherché" soit invoqué pour qu'une telle mesure soit prise. Elle reste, cependant, muette quant à l'appréciation du caractère convenable et équivalent des nouveaux locaux.

En réalité, pour déterminer si le déménagement des locaux pouvait être imposé, la Cour de cassation porte une appréciation sur l'atteinte à la liberté syndicale constituée par cette contrainte.

2. L'application de l'article L. 120-2 du Code du travail à la liberté syndicale

  • La protection de la liberté syndicale dans l'entreprise

La liberté syndicale est garantie constitutionnellement par l'alinéa 6 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6815BHU). En outre, plusieurs textes visés dans cet arrêt par la Chambre sociale mettent en application cette liberté, notamment, les articles L. 412-1 (N° Lexbase : L6326ACB) et L. 412-17 (N° Lexbase : L6337ACP) du Code du travail.

S'agissant, plus spécifiquement, du local syndical, la liberté syndicale emporte différentes conséquences. Ainsi, par exemple, la privation de local syndical est une atteinte "grave et manifestement illégale" à la liberté syndicale (4). De la même manière, l'entrée de l'employeur dans les locaux syndicaux sans y avoir été autorisé par les représentants syndicaux ou par le juge constitue une violation de la liberté syndicale et peut être sanctionnée sur le fondement d'un délit d'entrave (5).

Si les deux textes issus du Code du travail sont visés par la Chambre sociale, l'alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946 est délaissé au profit d'un autre fondement dont le visa comporte une symbolique forte.

  • Le rattachement de la liberté syndicale à l'article L. 120-2 du Code du travail

L'article L. 120-2 du Code du travail dispose que "nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché".

La Chambre sociale, par un attendu de principe, reprend cette formule mais l'amende sérieusement. En effet, elle précise que les titulaires de ces libertés sont les salariés, mais aussi leurs représentants. Elle ajoute, en outre, à la lettre du texte puisqu'elle remplace la mention d'une restriction "justifiée par la nature de la tâche à accomplir" et "proportionnée au but recherché" par celle d'une atteinte justifiée par "un motif légitime et proportionnée au but recherché".

Elle apporte donc un nouveau soutien textuel à la liberté syndicale. Ce fondement est justifié puisque la liberté syndicale est bien une liberté individuelle, voire, parfois, collective, des salariés.

Ce texte est, pourtant, probablement moins protecteur que le Préambule de la Constitution de 1946. En effet, il permet implicitement à l'employeur d'apporter des limites aux libertés des salariés, à la condition que celles-ci soient justifiées et proportionnées. Cela ne va pas sans rappeler la formulation de l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4744AQR), dont le second alinéa permet, lui aussi, de porter des atteintes aux droits syndicaux lorsque ces atteintes sont nécessaires et proportionnées (6).

En filigrane, on peut donc lire derrière cette motivation une possibilité parfois reconnue à l'employeur de procéder au déménagement forcé des locaux syndicaux. L'arrêt commenté nous fournit un exemple de ce qui ne constitue pas un motif suffisamment légitime, ni suffisamment proportionné au but recherché.

  • L'exigence d'un motif légitime et d'une mesure proportionnée au but recherché

Il aurait été éventuellement possible d'envisager que la mesure soit fondée sur un motif légitime, la rationalisation des coûts pouvant être un objectif louable dans l'entreprise. Mais, outre qu'une telle considération semble déjà avoir été rejetée par les juges de référé ayant refusé d'autoriser l'employeur à transférer de force les locaux, la motivation de la Cour de cassation se concentre plus précisément sur le caractère proportionné de la mesure.

La cour d'appel avait décidé que le transfert des locaux dans un bâtiment annexe ne nuisait pas à l'exercice des activités syndicales et ne caractérisait pas une volonté de l'employeur de marginaliser l'activité syndicale en rendant l'accès à leurs locaux plus difficile.

Cette argumentation est vigoureusement contestée par la Cour de cassation, au motif que l'accès au bâtiment annexe était soumis à une identification par badge, au passage sous un portique électronique et, éventuellement, à la soumission à une fouille corporelle. De telles mesures correspondent, de manière plus classique, à celles qui sont en général évaluées par le juge afin de déterminer si l'atteinte à la liberté des salariés est ou non justifiée et proportionnée au but recherché (7). On comprend, d'ailleurs, bien mieux le visa de l'article L. 412-17 du Code du travail, dont le troisième alinéa vise la liberté des représentants syndicaux à se déplacer librement dans l'entreprise. Cette liberté serait clairement entravée si l'employeur pouvait, grâce au système de "badgeage", connaître leurs entrées et sorties de leurs locaux. Dans un même ordre d'idée, la Cour de cassation avait déjà estimé que l'employeur ne devait pas être en mesure d'intercepter les communications téléphoniques ou l'identification des correspondants des représentants syndicaux (8). En outre, ce ne se sont pas seulement les représentants syndicaux qui verraient leur liberté restreinte par ce procédé. On peut, en effet, légitimement penser que les salariés hésiteraient à se rendre dans les locaux syndicaux, tout en sachant que l'employeur a les moyens d'avoir connaissance de cette visite.

Pour conclure, il y avait donc là une atteinte à la liberté de circulation des représentants syndicaux et des salariés en tant que composante de la liberté syndicale. Cette restriction était obtenue indirectement par le transfert de leurs locaux, ce qui rendait cette mesure non proportionnée à la volonté de rationalisation des coûts dans l'entreprise. Mais, a contrario, on peut penser que le déménagement forcé aurait pu intervenir si le bâtiment annexe n'avait pas été aussi sécurisé.

L'application de l'article L. 120-2 du Code du travail, en rendant effective la conciliation d'intérêts exigée à l'endroit de la liberté syndicale par la CESDH, gagne donc du terrain en droit du travail et s'affirme comme une disposition majeure du droit du travail à venir.


(1) V., par ex., CA Paris, 14 janvier 1994, RJS 1994, n° 351.
(2) CA Versailles, 9 février 1982, RPDS 1982, somm., p. 218.
(3) TGI Saint Etienne, 4 juin 1987, RPDS 1987, somm. p. 381.
(4) CE 1° et 6° s-s-r., 31 mai 2007, n° 298293, Syndicat CFDT Interco 28 (N° Lexbase : A5282DWK).
(5) V., par ex., Trib. Corr., Limoges, 25 juin 1980, Dr. ouvrier 1980, p. 174.
(6) Sur l'application de ce texte par la Cour européenne des droits de l'Homme, lire nos obs., L'évolution de l'action collective des salariés sous l'influence de la Cour européenne des droits de l'Homme, Lexbase Hebdo n° 272 du 13 septembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2733BC9).
(7) V., par ex., au sujet d'un système de "badgeage" biométrique, TGI Paris, 19 avril 2005, n° RG 05/00382, Comité d'entreprise d'Effia Services c/ Fédération des Syndicats Sud Rail (N° Lexbase : A0577DI9) et les obs. de G. Auzero, De l'illicéité d'un système de "badgeage" par empreintes digitales, Lexbase Hebdo n° 167 du 12 mai 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4025AIW) ; Petites affiches, 3 octobre 2006 n° 197, p. 9.
(8) Cass. soc., 6 avril 2004, n° 02-40.498, M. Jean X c/ Société BDI constructions SA, publié (N° Lexbase : A8005DB4) et les obs. de G. Auzero, Exercice des mandats de représentants du personnel et confidentialité des communications téléphoniques, Lexbase Hebdo n° 116 du 15 avril 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N1221ABT).
Décision

Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 06-13.810, Syndicat CFDT Servair 1, FS-P+B (N° Lexbase : A5806DYP)

Cassation (CA Paris, 14ème ch., sect. B, 13 janvier 2006, n° 05/23341, Compagnie d'exploitation des services auxiliaires aériens c/ Syndicat des copropriétaires CGT des salariés de la Servair N° Lexbase : A0953DNM)

Textes visés : C. trav., art. L. 412-1 (N° Lexbase : L6326ACB), L. 412-17 (N° Lexbase : L6337ACP), L. 412-9 (N° Lexbase : L6347AC3) et L. 120-2 (N° Lexbase : L5441ACI).

Mots-clés : liberté syndicale ; restrictions ; local syndical ; déménagement ; justification ; caractère proportionné.

Liens bases : ; .

newsid:296163

Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] De la naissance des droits à l'indemnité de licenciement

Réf. : Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 06-43.033, Société CCMX devenue la société Cegid, FS-P+B (N° Lexbase : A5928DY9)

Lecture: 6 min

N6187BC7

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010


A quelles conditions un salarié peut-il prétendre au versement de l'indemnité conventionnelle de licenciement doublée ? Pour pouvoir en bénéficier, il faut qu'au moment de la rupture de son contrat de travail, c'est-à-dire à la date d'envoi de la lettre recommandée de licenciement, la qualité de travailleur handicapé lui ait été reconnue par la Cotorep. Une reconnaissance postérieure, fût-elle extrêmement proche, emporte son exclusion du bénéfice de cette indemnité de licenciement spéciale. C'est ce principe que vient appliquer la Haute juridiction, dans un arrêt du 26 septembre 2007, à une salariée reconnue travailleur handicapé postérieurement à la réception de la lettre de licenciement, qui avait bénéficié d'un congé de reclassement et qui croyait que cette prolongation lui permettrait de bénéficier de l'indemnité de licenciement doublée. Cette solution ne peut qu'être approuvée. Une position contraire aurait été source de difficultés et d'inégalités.

Résumé

Le droit à l'indemnité de licenciement naît au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture. Dans la mesure où la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est intervenue postérieurement à la rupture, le salarié ne peut prétendre au bénéfice de l'indemnité spéciale doublée, versée à cette catégorie de salariés.

1. Détermination de la "date de naissance" du droit à l'indemnité de licenciement

  • Droit à l'indemnité légale de licenciement

L'article L. 122-9 du Code du travail (N° Lexbase : L5559ACU) dispose que le salarié, lié par un contrat de travail à durée indéterminée alors qu'il compte 2 ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité minimum de licenciement. Le taux de cette indemnité, ainsi que son montant, varient selon la nature du licenciement et les éléments propres au salarié.

Le législateur ne donne aucune indication sur la naissance du droit à l'indemnité de licenciement. Singulièrement, l'article L. 122-9 du Code du travail ne permet pas de déterminer le moment, entre la date de la rupture et le moment où le salarié quitte l'entreprise, où il convient de se placer pour apprécier le droit du salarié.

Ce sont les juges qui ont précisé et fixé la "date de naissance" du droit à l'indemnité.

  • Fixation jurisprudentielle de la "date de naissance" du droit à l'indemnité de licenciement

La jurisprudence considère que le droit à l'indemnité de licenciement naît à la date de la rupture du contrat de travail et que, sauf clause expresse contraire, ce sont les dispositions légales ou conventionnelles en vigueur à cette date qui déterminent les droits du salarié (Cass. soc., 19 janvier 1994, n° 89-41.245, Société Regit c/ M. Berger, publié N° Lexbase : A9412AAT ; Dr. soc. 1994, 268).

Cette solution est constante, emportant l'exclusion du salarié du bénéfice de l'indemnité de licenciement lorsque, au moment de la rupture du contrat de travail (à cette époque, la date de notification du licenciement), il n'a pas acquis 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise (Cass. soc., 25 novembre 1997, n° 94-45.010, Société Gymnasium Franchise c/ M. Le Goascoz et autre, publié N° Lexbase : A2163AAD ; Dr. soc. 1998, 84, obs. J. Savatier).

S'agissant du montant de cette indemnité, les juges considèrent, en revanche, que, si le droit au bénéfice de l'indemnité de licenciement s'apprécie à la date de notification de la rupture, c'est à la date à laquelle expire le préavis qu'il convient de se placer pour en déterminer le montant (Cass. soc., 25 novembre 1997, précité).

Ce sont ces principes que vient appliquer la Cour de cassation dans la décision commentée, même si, à première lecture, on pourrait croire à un revirement. Les circonstances particulières de l'espèce font, en effet, croire que la Haute juridiction, par cette décision, fait reculer la date retenue pour déterminer le montant de l'indemnité de licenciement au jour de la rupture.

  • Espèce

Dans cette espèce, une salariée avait été licenciée pour motif économique par lettre du 11 juin 2003, présentée le 13 juin. Le 4 juillet 2003, elle informait son employeur qu'elle avait été reconnue travailleur handicapé le 16 juin 2003 par la Cotorep.

La salariée ayant bénéficié d'un congé de reclassement, son contrat de travail avait expiré le 12 mars 2004. Le 26 mars 2004, les parties avaient conclu un protocole d'accord, prévoyant que l'indemnité conventionnelle de licenciement serait versée au moment du solde de tout compte, avec les autres sommes légalement dues.

Invoquant l'article 26 de l'accord d'entreprise et le plan de sauvegarde de l'emploi qui prévoyait un doublement de l'indemnité conventionnelle de licenciement pour les salariés licenciés pour motif économique reconnus travailleurs handicapés par la Cotorep, la salariée avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande de complément d'indemnité de licenciement.

La cour d'appel avait fait droit à sa demande, ce que vient réformer la Cour de cassation.

Elle considère que le droit à l'indemnité de licenciement naît au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec avis de réception notifiant la rupture. Or, s'agissant de la salariée, la reconnaissance de travailleur handicapé avait été postérieure à la rupture, ce qui emportait son exclusion au droit à l'indemnité de licenciement doublée, propre à cette catégorie de salariés.

Cette solution doit être approuvée. Elle n'est que la confirmation d'une décision rendue par la même juridiction début 2007 (Cass. soc., 11 janvier 2007, n° 04-45.250, FS-P+B N° Lexbase : A4798DTU).

2. Confirmation de la date de naissance du droit à l'indemnité de licenciement

  • Conséquence de la fixation de la date de la rupture du contrat de travail au jour de l'envoi de la lettre de licenciement

Le recul de la date de la rupture du contrat de travail d'un salarié licencié, du jour de la notification au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception, n'est pas une surprise.

Cela fait maintenant quelque temps que la Haute juridiction fait application de ce principe. Elle considère, désormais, que la rupture du contrat de travail prend effet au jour où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est-à-dire au jour de l'envoi de la lettre de licenciement (Cass. soc., 26 septembre 2006, n° 05-43.841, Société Parametric technology (PTC), F-P+B N° Lexbase : A3609DR4 ; lire les obs. de Ch. Radé, De la distinction des obligations individuelles et collectives de reclassement, Lexbase Hebdo n° 231 du 12 octobre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N3776ALG ; Cass. soc., 7 novembre 2006, n° 05-42.323, Mme Annie Négouai, FS-P+B N° Lexbase : A3135DSW ; lire nos obs., Licenciement : la date de la rupture ne fixe pas le point de départ du préavis, Lexbase Hebdo n° 237 du 23 novembre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N0396A9K).

C'est donc en toute logique que le droit à l'indemnité de licenciement a été reculé à cette même date ; ce droit devant, comme nous l'avons vu précédemment, être déterminé au jour de la rupture du contrat de travail (Cass. soc., 19 janvier 1994, précité). De ce point de vue, la décision commentée n'est que la confirmation d'une décision rendue en début d'année, dans laquelle la Haute juridiction avait tiré les conséquences du recul de la date de la rupture du contrat de travail au jour de l'envoi de la lettre de licenciement (Cass. soc., 11 janvier 2007, précité).

Cette décision n'est donc pas une surprise sur ce point. Ce qui peut, en revanche, paraître plus surprenant, est le fait que la Haute juridiction refuse au salarié, déclaré handicapé postérieurement à l'envoi de la lettre de licenciement, le bénéfice de l'indemnité doublée, alors même que son contrat n'avait pas expiré à cette date.

Faut-il y voir un revirement de jurisprudence, dans la mesure où la Haute juridiction considère que la date à prendre en considération pour déterminer le montant de l'indemnité de licenciement est la date à laquelle le salarié quitte effectivement l'entreprise, et non la date de la rupture de son contrat de travail ? En aucune manière.

  • Une simple détermination des droits du salarié à l'indemnité de licenciement

Il ne s'agissait pas, ici, de fixer le montant de l'indemnité qu'il convenait de verser au salarié, mais de déterminer si la salariée pouvait, ou non, prétendre à l'indemnité de licenciement spéciale versée aux travailleurs handicapés. Il s'agissait donc d'une question portant sur la naissance du droit à l'indemnité de licenciement et non seulement d'un problème portant sur le montant qui avait été proposé à la salariée.

La question était de savoir si la salariée allait se voir ouvrir des droits à l'indemnité de licenciement versée à tout salarié ayant 2 ans ou plus d'ancienneté dans l'entreprise ou si elle pouvait bénéficier de l'indemnité de licenciement propre aux travailleurs handicapés. Tout était donc question de catégorie, et donc de détermination des droits de la salariée à l'indemnité de licenciement.

On comprend donc mieux que la Haute juridiction ait décidé de retenir comme date, celle de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il n 'y a donc pas, ici, revirement de jurisprudence mais, bel et bien, confirmation de la position qu'elle était venue prendre quelques mois plus tôt.

Décision

Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 06-43.033, Société CCMX devenue la société Cegid, FS-P+B (N° Lexbase : A5928DY9)

Cassation (CA Orléans, 30 mars 2006)

Texte visé : C. trav., art. L. 122-9 (N° Lexbase : L5559ACU).

Mots-clefs : licenciement ; envoi de la lettre recommandée ; date de naissance du droit à l'indemnité de licenciement ; date de la rupture du contrat.

Lien bases :

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] La subvention de fonctionnement dans les entreprises à établissements multiples

Réf. : Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 06-44.246, Société Compagnie IBM France, F-P (N° Lexbase : A5957DYB)

Lecture: 7 min

N6086BCE

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010



Lorsqu'une entreprise comporte des comités d'établissement et un comité central d'entreprise, la subvention de fonctionnement dont est redevable l'employeur, en application de la loi, doit être versée aux premiers, qui bénéficient à son égard d'un droit propre. L'employeur qui ne respecterait pas une telle obligation s'expose, outre à une sanction pénale pour délit d'entrave, à devoir verser de lourdes sommes aux comités d'établissement dans la mesure où la créance en cause est soumise à la prescription trentenaire.



Résumé

Un accord qui ne fait état que de la seule contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles et de la répartition de celle-ci entre les comités d'établissement et le comité central d'entreprise, ne peut pas faire obstacle à la demande d'un comité d'établissement tendant à ce que lui soit versée la subvention de fonctionnement en application de l'article L. 434-8 du Code du travail (N° Lexbase : L6440ACI).

Après avoir exactement retenu que la prescription prévue par l'article 2277 du Code civil (N° Lexbase : L5385G7L) ne s'applique pas lorsque la créance dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et souverainement constaté que la masse salariale déterminant le montant de l'obligation de l'employeur était inconnue du comité d'établissement, c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté la prescription quinquennale. Par ailleurs, la subvention de fonctionnement que tout employeur doit verser au comité d'entreprise n'étant pas une obligation née à l'occasion de son commerce, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la prescription trentenaire était applicable.

1. Répartition de la subvention entre comités d'établissement et comité central d'entreprise

  • Le droit propre des comités d'établissement à la subvention de fonctionnement

Aux termes de l'article L. 434-8 du Code du travail, "le chef d'entreprise verse au comité une subvention de fonctionnement d'un montant annuel équivalent à 0,2 % de la masse salariale brute ; ce montant s'ajoute à la subvention destinée aux activités sociales et culturelles, sauf si l'employeur fait déjà bénéficier le comité d'entreprise d'une somme ou de moyens en personnel équivalents à 0,2 % de la masse salariale brute".

Il faut, ainsi, comprendre que le comité d'entreprise peut être amené à gérer deux budgets : celui des activités sociales et culturelles et celui de "fonctionnement" (1). Ce dernier sert à financer, outre le fonctionnement administratif du comité, ses nombreuses activités dans le domaine économique.

Si le débiteur de la subvention de fonctionnement est aisé à identifier (2), il n'en va pas de même de son créancier, lorsque l'entreprise compte des établissements distincts et un comité central d'entreprise. L'article L. 434-8, qui se borne à viser le "comité", n'étant d'aucun secours, la Cour de cassation a été appelée à combler, en la matière, la regrettable lacune du législateur.

Il est, aujourd'hui, de jurisprudence constante que la subvention de fonctionnement doit, en principe, être versée directement aux comités d'établissement, qui ont un droit propre sur celle-ci. D'abord énoncée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (3), cette règle de principe a, ensuite, été reprise par la Chambre sociale dans un important arrêt en date du 15 mai 2001 (4). Cette solution trouve à se justifier par l'application de l'article L. 435-2 du Code du travail (N° Lexbase : L6446ACQ), qui dispose que les comités d'établissements ont les mêmes attributions que les comités d'entreprise. La Chambre criminelle a logiquement précisé, par la suite, que, tant l'abstention volontaire de verser la subvention de fonctionnement que le refus de communiquer au comité d'établissement le montant de la masse salariale brute sur laquelle sont assises les subventions versées aux comités d'établissement, sont constitutives du délit d'entrave au fonctionnement du comité d'établissement (5).

Soucieuse de ne pas laisser le comité central d'entreprise dans un état de dénuement complet, la Cour de cassation a précisé, dès 2001, que ce dernier "ayant lui-même des frais de fonctionnement, et la loi ne lui accordant pas un droit propre, il est légitime que les comités d'établissement lui rétrocèdent une partie de leur subvention de fonctionnement" (6). Ainsi que l'ont relevé, à juste titre, certains auteurs autorisés, le terme "légitime" peut vouloir dire "conforme au droit", c'est-à-dire "obligatoire" (7). Il n'en reste pas moins que, pour être obligatoire, cette rétrocession ne peut procéder que d'un accord conclu entre le comité central d'entreprise et les comités d'établissement. C'est, au demeurant, ce qu'avait décidé la Chambre sociale dans l'arrêt du 15 mai 2001, en affirmant que "les comités d'établissement n'ayant pu trouver un accord avec le comité central d'entreprise sur le montant de cette rétrocession, il appartenait au juge judiciaire d'arbitrer le différend en fixant lui-même le montant de la rétrocession".

  • Les possibilités de dérogation

Pour en venir à l'espèce sous examen, un accord avait été conclu en 1984 au sein de la société IBM. Cet accord, dit "Accord de partage des compétences entre les comités d'établissement et le comité central d'entreprise dans le domaine des activités sociales et culturelles", comportait une définition de la masse salariale et des modalités de calcul déterminant une clef de répartition des sommes entre les différents comités et concernant un nouveau partage, dans le cadre de la loi du 28 octobre 1982, des compétences dans le domaine des activités sociales et culturelles.

Cet accord, signé entre la société IBM et diverses organisations syndicales, avait été ratifié par le comité d'établissement de l'usine de Montpellier et avait été appliqué jusqu'à sa dénonciation en 1996. Ce comité a, alors, saisi le tribunal de grande instance d'une demande tendant au versement de la subvention de fonctionnement à compter de l'année 1983, en soutenant que l'accord du 25 juin 1984 ne le concernait pas.

Pour confirmer l'arrêt attaqué, la Chambre sociale décide "qu'abstraction faite du motif surabondant relatif à l'accord du 25 juin 1984, la cour d'appel, qui n'était saisie que de sa portée, a exactement retenu que l'accord, qui ne faisait état que de la seule contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles et de la répartition de celle-ci entre les comités d'établissement et le comité central d'entreprise, ne pouvait pas faire obstacle à la demande du comité d'établissement de l'usine de Montpellier tendant à ce que lui soit versée la subvention de fonctionnement en application de l'article L. 434-8 du Code du travail".

Cette décision doit être entièrement approuvée. En effet, si un accord peut organiser la répartition de la subvention de fonctionnement entre les comités d'établissement et le comité central d'entreprise (8), encore faut-il, à l'évidence, que l'accord conclu ait bien un tel objet. Or, tel n'est pas le cas d'un acte juridique relatif à la contribution patronale aux activités sociales et culturelles des comités, dont on a vu, ci-dessus, qu'elle doit être soigneusement distinguée de la subvention de fonctionnement. Par suite, un accord de ce type est impuissant à enlever à un comité d'établissement son droit propre à la subvention de fonctionnement de 0,2 % (9).

On relèvera, pour conclure sur ce point, que seul un accord avec les comités d'établissement intéressés peut permettre une rétrocession partielle de la subvention de fonctionnement au comité central d'entreprise. Un accord conclu avec les syndicats, serait-il unanime, ne saurait, en effet, avoir un quelconque effet sur un droit appartenant en propre à un groupement doté, faut-il le rappeler, de la personnalité juridique (10).

Il résulte de tout cela que le comité d'établissement était en droit de prétendre à la subvention de fonctionnement à compter de 1983, ce qui, on le devine, devait correspondre à une somme importante. Aussi, la société employeur soutenait-elle que cette créance était en partie prescrite.

2. La prescription applicable à la subvention de fonctionnement

  • Rejet de la prescription quinquennale

L'article 2277 du Code civil soumet à la prescription quinquennale les salaires, les arrérages de rentes et de pensions alimentaires, les loyers, fermages et charges locatives, les intérêts des sommes prêtées "et généralement [...] tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts". Il s'agissait, en l'espèce, de déterminer si le paiement de la subvention de fonctionnement relevait de cette dernière catégorie.

La Cour de cassation ayant fini par abandonner la condition de fixité de la créance, il suffit, aujourd'hui, que cette dernière soit périodique (11) et déterminable au moment de son échéance, pour relever de la prescription quinquennale (12). Plus précisément, et ainsi que le rappelle la Chambre sociale dans l'arrêt rapporté, la prescription de l'article 2277 "ne s'applique pas lorsque la créance dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier" (13). Or, dans la mesure où la masse salariale déterminant le montant de l'obligation de l'employeur était inconnue du comité d'établissement, la subvention de fonctionnement ne pouvait relever de la catégorie précitée. Certains pourront juger cette solution bien sévère dans la mesure où il n'est pas impossible au comité d'établissement de déterminer cette masse salariale. On doit, toutefois, rappeler que c'est à l'employeur de communiquer régulièrement cette information au comité d'établissement, sous peine de délit d'entrave (14).

  • Rejet de la prescription décennale

Faisant flèche de tout bois, la société employeur soutenait que la subvention de fonctionnement, faute de relever de la prescription quinquennale, était à tout le moins soumise à la prescription décennale, dont on sait qu'elle s'applique aux obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes (C. com., art. L. 110-4 N° Lexbase : L5548AIC).

Une telle argumentation avait fort peu de chances de prospérer car, ainsi que le relève la Cour de cassation, "la subvention de fonctionnement que tout employeur doit verser au comité d'entreprise par application de l'article L. 434-8 du Code du travail n'est pas une obligation née à l'occasion de son commerce".

On l'aura donc compris aux termes de ces développements, c'est la prescription trentenaire de droit commun qui était ici applicable, imposant par là-même à l'employeur de verser la subvention de fonctionnement à compter de l'année 1983.


(1) Budgets dont on sait qu'ils sont nettement séparés et qu'ils s'apparentent, de ce fait, à des patrimoines d'affectation (v. sur la question, G. Couturier, Les budgets du comité d'entreprise, Dr. soc. 1983, p. 376).
(2) Encore que la notion de "chef d'entreprise" puisse prêter à confusion.
(3) Cass. crim., 31 mars 1992, n° 90-83.938, Lepoutre Stanislas et autres, publié (N° Lexbase : A0358ABU) ; Bull. crim., n° 134 ; JCP éd. E, 1993, II, 409, note O. Godard : "aucun des textes applicables au comité central d'entreprise ne fait obligation au chef d'entreprise de verser une subvention de fonctionnement au comité central ni ne précise dans quelles conditions une partie des subventions allouées aux comités d'établissement en vertu des articles L. 434-8 et L. 435-2 du Code du travail pourrait être reversée au comité central".
(4) Cass. soc., 15 mai 2001, n° 99-10.127, Société Rhodia, publié (N° Lexbase : A4679ATH) : "en principe la subvention de fonctionnement [est] due aux comités d'établissement". Adde, M. Cohen, Les ressources respectives des comités d'établissement et du comité central d'entreprise, RJS 12/01, p. 934.
(5) Cass. crim., 11 février 2003, n° 01-88.650, Dufau Bernard, publié (N° Lexbase : A0019A7T) ; RJS 7/03, n° 905. Lire aussi notre chron., Rappels et précisions autour des attributions respectives du comité central d'entreprise et des comités d'établissement, Lexbase Hebdo n° 69 du 1er mai 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N7141AAQ).
(6) Cass. soc., 15 mai 2001, préc..
(7) V. en ce sens ; M. Cohen, Le droit des comités d'entreprise et des comités de groupe, LGDJ, 8ème éd., 2005, p. 440.
(8) Il importe peu que l'accord ait été conclu antérieurement à la décision du 15 mai 2001, celle-ci ne venant que confirmer une telle possibilité au regard des textes issus de la loi du 28 octobre 1982.
(9) Les termes de l'accord paraissaient, en l'espèce, fort clairs quant à la contribution concernée. Il était, par suite, difficile aux juges du fond de lui faire produire un autre effet dans leur travail d'interprétation.
(10) V., dans le même sens, M. Cohen, ouvrage préc., p. 441.
(11) Cette condition était ici remplie, la subvention de 0,2 % étant annuelle.
(12) V., sur la question, F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 9ème éd., 2005, pp. 1395-1396 et la jurisprudence citée. La Chambre sociale a admis avec retard cet abandon (Cass. soc., 10 octobre 1985, n° 83-42.110, Mme Poinot c/ Société anonyme ''Les maisons Gaston Dreux'', publié N° Lexbase : A5449AA3).
(13) V., par ex., Cass. soc., 26 janvier 1989, n° 86-43.081, Société Portrex c/ M. Ginestière, publié (N° Lexbase : A1350AAA) ; Cass. civ. 1, 13 juin 1995, n° 93-12.872, Monsieur Brunel c/ Groupe des Assurances Nationales (GAN), publié (N° Lexbase : A7648ABU).
(14) Cass. crim., 11 février 2003, préc..
Décision

Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 06-44.246, Société Compagnie IBM France, F-P (N° Lexbase : A5957DYB)

Rejet (CA Toulouse, 4ème chambre, section 1 - chambre sociale, 11 mai 2006)

Textes concernés : C. trav., art. L. 434-8 (N° Lexbase : L6440ACI) ; C. civ., art. 2277 (N° Lexbase : L5385G7L) ; C. com., art. L. 110-4 (N° Lexbase : L5548AIC).

Mots-clefs : comités d'établissement ; comité central d'entreprise ; subvention de fonctionnement ; répartition ; prescription.

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