Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 18 février 2025, n° 492413, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A68606WY
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N2009B3S
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par Adèle Chikouche, Avocate, Droit des affaires
Le 03 Avril 2025
Par une décision du 18 février 2025, le Conseil d’État a rejeté le pourvoi de la SAS Valmer, confirmant les redressements fiscaux opérés par l’administration. Cette affaire porte sur des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et des rappels de TVA, consécutifs à un contrôle fiscal portant sur plusieurs exercices comptables de l’entreprise.
La SAS Valmer contestait les rectifications effectuées par l’administration fiscale en soulevant plusieurs moyens, notamment des irrégularités dans la procédure de contrôle et une mauvaise appréciation de la validité de ses factures. Après un rejet de ses prétentions par la cour administrative d’appel de Douai, l’entreprise s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’État, espérant une révision de l’appréciation des juges du fond.
L’arrêt rendu s’inscrit dans une jurisprudence constante visant à renforcer les exigences probatoires des entreprises en matière de comptabilité et de déduction de TVA. Il rappelle que l’administration fiscale peut rectifier les bases d’imposition lorsqu’elle constate des irrégularités et qu’il appartient au contribuable d’apporter des éléments précis pour contester ces ajustements.
Le Conseil d’État rejette le pourvoi et confirme la décision de la cour administrative d’appel de Douai. Il estime que la SAS Valmer n’a pas apporté les éléments de preuve suffisants pour démontrer que les redressements opérés par l’administration étaient infondés.
L’arrêt repose sur plusieurs principes fondamentaux du contentieux fiscal, savoir :
Dans cette affaire, la SAS Valmer invoquait l’existence de transactions légitimes appuyant ses déclarations fiscales. Cependant, les factures présentées ne répondaient pas aux critères exigés par la réglementation fiscale, notamment en ce qui concerne la mention des prestations réalisées et l’identité des cocontractants. L’administration a donc procédé à des redressements en excluant certaines déductions de TVA et en réintégrant des éléments dans le bénéfice imposable de l’entreprise.
Cet arrêt du Conseil d’État réaffirme avec force le principe selon lequel la charge de la preuve pèse sur les entreprises en cas de redressement fiscal. Lorsqu’un contribuable conteste une rectification opérée par l’administration, il lui appartient de démontrer, à l’appui de documents précis et probants, que celle-ci est infondée. À défaut d’éléments suffisants, la présomption de validité des redressements demeure acquise à l’administration.
Par ailleurs, la décision rappelle l’exigence stricte de régularité des factures pour ouvrir droit à la déduction de la TVA. Une entreprise ne peut prétendre à cet avantage que si les factures produites sont complètes, détaillées et attestent de la réalité effective des opérations commerciales sous-jacentes. Toute irrégularité ou imprécision dans la documentation comptable expose donc le contribuable à un rejet des déductions demandées.
Enfin, cette jurisprudence s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante tendant à renforcer le pouvoir de l’administration fiscale en matière de contrôle et de redressement. En imposant aux entreprises une vigilance accrue quant à la conformité de leurs documents comptables et fiscaux, elle confirme une approche stricte du contentieux fiscal, réduisant d’autant les marges de contestation des contribuables face aux redressements opérés.
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N2014B3Y
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par Sylvain Bouchon, avocat au barreau de Bordeaux
Le 03 Avril 2025
Mots clés : présomption d'urgence • fonctionnaires • sanction disciplinaire • réintégration • révocation
Suite à l’arrêt du Conseil d’État du 18 décembre 2024, les premières décisions des juges du fond précisent le régime de la présomption d’urgence dans le cadre de référés-suspension relatifs aux sanctions disciplinaires les plus graves.
Une sacrée épine en moins dans le pied des requérants. Par son arrêt du 18 décembre 2024 [1], le Conseil d’État, statuant en juge de cassation en matière de référé, a considérablement simplifié la tâche des agents publics sanctionnés disciplinairement.
Le Conseil d’État a établi une présomption d’urgence dans le cas de sanctions ayant pour effet de priver le fonctionnaire ou le contractuel de son traitement pendant au moins un mois.
Le critère de l’urgence constitue l’un des deux critères de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3057ALS qui régit la procédure de référé-suspension, avec le doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Dans cet arrêt, le Conseil d’État ne se contentait pas d’instituer une présomption, puisqu’il établissait la marche à suivre pour renverser cette dernière. Ainsi, la présomption d’urgence cède devant la preuve, à charge de l’employeur public, de « circonstances particulières tenant aux ressources de l’agent », ou des conditions particulières tenant aux « nécessités du service » ou à « un autre intérêt public ». En présence de ces éléments, le Conseil d’État invite le juge des référés à procéder à une appréciation globale de la situation.
La règle du jeu étant fixée, plusieurs questions concrètes restaient en suspens. Par exemple, les revenus de remplacement sont-ils de nature à renverser la présomption d’urgence ? Un agent ayant retrouvé un emploi bénéficie-t-il toujours de la présomption d’urgence ? Quel équilibre trouver entre l’urgence de la situation de l’agent public et la préservation de l’intérêt du service dans le cas du retour de l’agent dans le service ?
Les premières ordonnances des juges du fond dressent une ébauche du régime de la présomption d’urgence.
Il est clair que si l’employeur public ne présente pas de défense, la présomption s’applique de plein droit [2].
Il en va de même si l’employeur ne conclut que sur la question du doute sérieux, sans remettre en cause les arguments du requérant sur l’urgence [3].
Mais la plupart du temps, l’administration tente de renverser la présomption.
Ainsi, le juge des référés du tribunal administratif d’Orléans a eu à connaître d’un dossier de révocation d’une auxiliaire puéricultrice territoriale. Pour tenter d’écarter la présomption d’urgence, son employeur objectait que cette dernière vivait en concubinage, qu’elle percevait l’allocation chômage et qu’elle était propriétaire d’un logement susceptible de lui apporter des revenus locatifs. Par ailleurs, l’employeur soutenait que sa réintégration était impossible en raison des nécessités de service.
Le juge des référés indique tout d’abord que l’allocation de retour à l’emploi ne compense que partiellement la perte de revenus, quand bien même la requérante vit avec son concubin. Quant aux potentiels revenus locatifs, il n’en est pas fait référence, probablement car rien ne démontrait en l’espèce que l’appartement procurait des revenus.
Quant à l’impossibilité de réintégration en raison des nécessités de service, le juge des référés écarte cet argument au motif que l’employeur ne démontrait pas l’impossibilité d’aménager la réintégration en l’affectant à d’autres fonctions.
La présomption d’urgence n’est donc pas renversée par la collectivité [4].
Le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a tenu le même raisonnement dans une ordonnance en date du 17 mars 2025. En l’espèce, un enseignant avait été révoqué. Pour tenter de renverser la présomption et établir des circonstances particulières tenant aux ressources du requérant, le rectorat avait indiqué que celui-ci percevait l’ARE, mais également qu’il effectue des missions dans le secteur du bâtiment.
Le juge des référés observe que ces ressources sont inférieures à celles dont il bénéficiait en tant qu’enseignant et insuffisantes pour couvrir ses charges.
L’administration échoue donc à renverser la présomption d’urgence [5].
Dans deux espèces, au contraire, le juge des référés a suivi le raisonnement de l’administration et conclu au renversement de la présomption d’urgence.
Ainsi, le tribunal administratif d’Orléans a débouté un fonctionnaire territorial licencié pour insuffisance professionnelle. Ce dernier bénéficiait d’un traitement important et justifiait d’emprunts immobiliers conséquents. Toutefois, le Juge des référés retient l’existence de circonstances particulières : le terme de son contrat à durée indéterminée était de toute façon fixé neuf mois plus tard, et il bénéficiait d’un préavis de deux mois ainsi que de congés payés, ce qui lui assurait encore son traitement pendant un certain temps. En outre, il devait percevoir une indemnité de fin de contrat de plusieurs milliers d’euros, puis l’ARE et une pension de retraite de militaire. Dès lors, le juge des référés estimait que les circonstances particulières justifiaient de renverser la présomption d’urgence [6].
Le juge des référés du tribunal administratif de Lyon retenait également l’existence de conditions particulières dans un dossier de licenciement pour inaptitude dans lequel l’administration démontrait que le montant de l’allocation retour à l’emploi était au moins équivalent aux derniers traitements perçus par l’agent, lequel était depuis peu placé en demi-traitement. Ce dernier bénéficiait en outre d’une indemnité de licenciement de plusieurs milliers d’euros [7].
À la lumière de ces premières jurisprudences, il semble que les juges du fond appliquent à la lettre les directives du Conseil d’État : la présomption d’urgence est incontestable, mais non irréfragable.
Le régime de cette jurisprudence va probablement se préciser au fil des dossiers. Reste à savoir désormais quelle en sera la portée exacte, et si, notamment, la logique de la présomption d’urgence pourrait s’appliquer à des professions comme les assistants familiaux et assistants maternels en cas de retrait d’agrément, ainsi qu’aux accueillants familiaux, profession n’ayant pas le droit à l’aide au retour à l'emploi et qui ne perçoit que le RSA dès le lendemain du retrait d’agrément.
[1] CE, 3°-8° ch. réunies, 18 décembre 2024, n° 492519, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A45066N9.
[2] TA Melun, 18 mars 2025, n° 2502809 N° Lexbase : A68320CZ.
[3] TA Paris, 24 mars 2025, n° 2505024 N° Lexbase : A66390CU.
[4] TA Orléans, 17 février 2025, n° 2500421 N° Lexbase : A357468U.
[5] TA Lyon, 17 mars 2025, n°2502596 N° Lexbase : A98420AR.
[6] TA Orléans, 20 février 2025, n°2500607 N° Lexbase : A814367Q.
[7] TA Lyon, 2 janvier 2025, n°2412158 N° Lexbase : A81616PX.
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N2035B3R
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par Jean-Jacques Urvoas, ancien Garde des Sceaux, Professeur de droit public à l’Université de Brest
Le 07 Avril 2025
Il est difficile de s’extraire du vacarme médiatique généré par la condamnation prononcée par le tribunal correctionnel de Paris, lundi dernier, 31 mars 2025, à l’encontre de Madame Le Pen, de son parti et de vingt-trois autres personnes. Pourtant, en Bretagne, l’on sait que le bruit des vagues masque souvent le mouvement des marées profondes. Seule la distance permet donc d’observer dans son ensemble la pièce qui se joue, d’en saisir les actes majeurs et d’en tirer les leçons… qui pourraient s’avérer étonnamment positives.
C’est ainsi qu’il faut d’abord se féliciter de l’égalité devant la loi que traduit ce jugement. Puisque la loi ne distingue pas, ce n’est pas au juge de le faire. La sanction du tribunal est donc logiquement proportionnée à la gravité des faits commis, et les peines sont individualisées, conformément aux critères fixés par l’article 132-1, alinéa 3 du Code pénal N° Lexbase : L9834I3M (circonstances, personnalité, situations matérielles, familiales et sociales). Les juges ont donc fait fi du brouhaha immédiatement orchestré par les responsables du RN en novembre dernier, aux fins de les mettre sous pression. Le président du RN avait notamment qualifié ces réquisitions d’« atteinte à la démocratie », dénonçant par là même un « acharnement » contre Mme Le Pen avant de lancer (déjà) une pétition en ligne en guise de protestation. Cette dernière, promptement invitée le soir même (déjà) sur TF1, s’insurgeait, estimant que c’était « [sa] mort politique qui [était] réclamée » et avait d’ailleurs trouvé des oreilles compréhensives puisque Gérald Darmanin, alors député, lui apporta un soutien inattendu. On gage que, pour les juges du tribunal correctionnel de Paris, l’exercice ne fut pas de tout repos. Comment savoir, comment être sûr qu’une décision est juste ? L’acte de juger est une responsabilité particulière, car le don de juger n’existe pas. Juger n’est pas un honneur mais une charge. Non une source de gloire, mais une exigence de modestie et de doute. Une tâche si délicate que, pour y parvenir, il faut de la sérénité, du courage et ne pas se disperser. « Il faut rendre hommage aux femmes et aux hommes de justice qui n’obtiennent pas, comme ils le mériteraient, la reconnaissance de leurs concitoyens », disait Robert Badinter, le 6 février 1986. Ces mots sont hélas toujours vrais.
Il est tout aussi rassurant de constater que l’opinion mesurée par les entreprises de sondage a fait preuve de davantage de discernement que les invités des plateaux des chaînes de télévision. Ainsi, selon une enquête réalisée le jour même de la condamnation par Elabe, 57 % des personnes interrogées estimaient qu’il s’agissait d’une « décision de justice normale au vu des faits reprochés » à Madame Le Pen, seuls 42 % considéraient que le tribunal avait la « volonté de l’empêcher de se présenter à la prochaine élection présidentielle ». Et, de manière alors cohérente, il se trouvait deux sondés sur trois pour affirmer que « la règle d’exécution provisoire en cas de condamnation pour détournement de fonds publics [était] juste ». Ce week-end, une autre étude conduite par l’IFOP confirmait cette tendance en soulignant que près des deux tiers (64 %) des personnes interrogées n’estimaient pas nécessaire de modifier la loi pour supprimer l’exécution provisoire pour un élu condamné en première instance. Cette fermeté ne surprend pas. En février 2025, l’enquête annuelle que le Cevipof mène sur « la confiance politique » avait souligné l’érosion très importante du crédit qu’accordent les Français à leurs responsables politiques. Ainsi, 74 % des personnes interrogées considéraient que les élus étaient corrompus, un chiffre en progression de six points en une année. À titre de comparaison, en Allemagne, la probité des responsables politiques est contestée par 49 % des sondés (-2 points). L’indignation populaire que prétendent relayer les responsables du RN n’est donc qu’une construction médiatique destinée à occulter le fait principal : la condamnation de Madame Le Pen à quatre ans de prison, dont deux fermes, pour « détournement de fonds publics ». Manifestement, le stratagème a piteusement échoué.
Le troisième enseignement utile tient à la clarification politique opérée en une semaine. Notre espace public est fréquemment submergé par un flot de mots dont la répétition incantatoire finit par en dissoudre le sens. Il en est ainsi de « l’état de droit ». Constamment évoquée, cette notion plastique apparaît comme un objectif partagé, rassemblant toutes les forces politiques dans un immense élan de cohésion sociale. Mais si toutes plaident pour son renforcement, peu s'emploient à le définir clairement. Comment, dans de telles conditions, en évaluer les avantages ? C’est donc l’un des mérites de la semaine écoulée : avoir permis de mesurer le degré d’adhésion des uns et des autres à la limitation des pouvoirs par le biais du droit. L’état de droit implique en effet une soumission de tous à la loi, gouvernants comme citoyens, avec le juge comme garant. Or, les récentes diatribes stigmatisant un « quarteron de procureurs et de juges », une « tyrannie », voire une « dictature des juges », témoignent d'un rejet manifeste de ce principe par certains. Pourtant, notre équilibre ne peut reposer que sur une tension contenue entre le pouvoir politique et des contrepoids homogènes, au premier rang desquels figure le juge. François Luchaire l’avait parfaitement anticipé en 1974, écrivant dans les Mélanges Waline : « Dans la mesure où les pouvoirs législatif et exécutif tendent à se confondre (…) l’indépendance du troisième pouvoir, celui du juge, devient une garantie encore plus nécessaire qu’auparavant pour la protection des libertés. » Si au XIXe siècle, le législatif primait tout comme l’exécutif durant le XXe, le XXIe siècle, lui, pourrait bien être celui du pouvoir des juges en raison de l’importance grandissante de l’espace public, du développement de nouveaux outils de protection des droits individuels, de la diversification des voies d’accès à la justice et de la prise en compte des intérêts collectifs dans le rapport entre la société et l’État. Et, à l’évidence, ce déplacement n’est pas – encore – admis par tous.
Ultime observation : cette place du juge n’est pas suffisamment incarnée. Dans les obligations déontologiques des magistrats éditées par le Conseil supérieur de la magistrature, il est rappelé que, dans son expression publique, le juge doit faire preuve de mesure afin de ne pas compromettre l’image d’impartialité de la justice, indispensable à la confiance du public. Pour autant, le CSM a aussi eu l’occasion de rappeler que cette obligation de réserve « ne saurait servir à réduire un magistrat au silence ou au conformisme ». Bien qu’il soit naturel que les trois magistrats se soient tenus à l’expression de leur décision à travers les 152 pages de motivations particulièrement détaillées de leur jugement, les représentants de l’Union syndicale des magistrats ont dû se sentir assez seuls sur les plateaux face à des journalistes qui n’avaient, de surcroît, manifestement pas assisté aux longues semaines d’audience (entre le 30 septembre et le 27 novembre 2024) ni même parcouru le jugement.
L'inclination des juristes pour les précédents devrait nous conduire à espérer que cette affaire incite à considérer beaucoup plus la forêt que l’arbre. Même si c’est plus difficile.
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par Jérôme Casey, Avocat associé au Barreau de Paris, Ancien Maître de conférences des Universités
Le 08 Avril 2025
C’était une belle matinée de mars, quelque part en Bourgogne. Un TGV tôt le matin, et me voici à pied d’œuvre au mitan de la matinée pour tenir ma place d’avocat dans une « audience de règlement amiable », la fameuse « ARA », dont l’acronyme tient autant du perroquet gris, vif, bavard et intelligent que du point de deal en cité, ce qui constitue une performance linguistique du législateur qu’il convient de saluer à sa juste mesure.
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Réf. : Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-21.602, F-B N° Lexbase : A42310CP
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N2036B3S
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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques
Le 08 Juillet 2025
La Cour de cassation précise que la déclaration d’appel qui énumère les chefs de jugement dont il est demandé la confirmation, et qui sollicite l’infirmation de la décision pour le « surplus » est valide. Dans cette hypothèse, les juges du droit considèrent que si la déclaration précise son objet, alors il se déduit de cette dernière l’énumération des chefs de jugement critiqués.
Faits et procédure. Le 18 février 2020, M. [S] interjette appel à l’encontre d’un jugement qui a été rendu par un Conseil de prud’hommes, et qui a accueilli partiellement ses demandes dirigées contre les sociétés Dassault systèmes et Keonys. La cour d’appel de Versailles statue sur ce recours, dans un arrêt du 23 juin 2022 (CA Versailles, 23 juin 2022, n° 20/00457 N° Lexbase : A640078K). Par la suite, M. [S] décide d’attaquer cette décision devant la Cour de cassation.
Pourvoi/Appel. Le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt de juger qu’au vu de sa déclaration d’appel, l’effet dévolutif n’avait pas opéré et, en conséquence, de dire que la Cour d’appel n’avait pas été saisie d’un recours à l’encontre du jugement prud’homal. Au soutien de son pourvoi, M. [S] affirme que si la déclaration d’appel mentionne « appel total », qu’elle ne vise aucun chef de jugement, et qu’aucune régularisation n’est réalisée dans le délai de conclusion de l’appelant, alors, la Cour d’appel doit constater l’absence d’effet dévolutif et déduire qu’elle n’est saisie d’aucune demande. Dans le cas d’espèce, la déclaration d’appel ne mentionne pas « appel total », mais elle énumérait expressément les chefs de jugement dont il était demandé la confirmation. A contrario, il était demandé à la Cour d’appel d’infirmer le jugement de première instance « pour le surplus ». Dans cette situation, M. [S] considère que sa déclaration d’appel était limitée aux chefs de jugement expressément critiqués, et qu’elle traduisait sa volonté explicite de circonscrire les chefs de jugement dont il demandait l’infirmation. Or, les juges versaillais ne sont pas de cet avis, puisqu’ils considèrent que la déclaration d’appel était imprécise et qu’elle n’emportait pas d’effet dévolutif. Les juges du fond affirment que la demande de M. [S] qui tend à l’infirmation de la décision pour le « surplus », ne satisfait pas à l’exigence de citer les chefs de jugement expressément critiqués. En statuant ainsi, M. [S] considère que la Cour d’appel a violé les articles 562 et 901 du Code de procédure civile.
Solution. Au visa des articles 562 N° Lexbase : L2381MLR et 901, 4° N° Lexbase : L2382MLS du Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 N° Lexbase : L9786MXQ, la Cour de cassation approuve l’argumentation de M. [S]. Après avoir rappelé la lettre de ces articles, et le raisonnement des juges du fond, la Haute juridiction constate que la déclaration d’appel de M. [S] précisait son objet. De ce fait, les juges du droit considèrent que de cet acte, il se déduisait nécessairement l’énumération des chefs de jugement critiqués.
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