Jurisprudence : TA Lyon, du 02-01-2025, n° 2412158


Références

Tribunal Administratif de Lyon

N° 2412158


lecture du 02 janvier 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2024, et un mémoire complémentaire, enregistré le 28 décembre 2024, M. B A, représenté par Me Denis, demande au juge des référés :

1°) d'ordonner sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛, la suspension de l'exécution de la décision du 30 septembre 2024 par laquelle le maire de la commune de Saint-Etienne a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 16 octobre 2024 ;

2°) d'enjoindre à la commune de Saint-Etienne de le réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière dans un délai d'un mois à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de la commune de Saint-Etienne sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Il soutient que :

- il existe une situation d'urgence à suspendre l'exécution de la décision en litige dès lors que :

* la décision de licenciement préjudicie de manière grave et immédiate à sa situation ;

* elle le prive de ses revenus, de son emploi et de sa qualité de fonctionnaire ;

* l'aide au retour à l'emploi (ARE) qui lui sera versée sera d'un montant inférieur à son revenu net ce qui cause un manque à gagner qui ne sera pas compensé par le versement de la prime de licenciement ;

* ses charges s'élèvent à 1 500 euros par mois ;

* la décision le place dans un état de détresse psychologique.

- il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision de licenciement dès lors que :

* elle a été signée par une autorité incompétente ;

* elle est intervenue en méconnaissance des droits de la défense :

* les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

* la décision est entachée d'une erreur d'appréciation quant à ses compétences professionnelles ;

* la décision est entachée d'un détournement de procédure et constitue une sanction disciplinaire ;

* le montant de l'indemnité de licenciement qui lui a été versée est erroné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2024, la commune de Saint-Etienne, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition tenant à l'urgence n'est pas remplie ; le requérant ne peut se prévaloir d'aucune présomption ; la requête n'a été enregistrée que le 6 décembre 2024 ; M A a perçu une indemnité de licenciement et l'ARE et ne justifie pas de sa précarité financière ; certaines charges dont il se prévaut ne sont pas à prendre en compte ; son droit à l'ARE s'élève à 2 202, 90 euros pour 30 jours ;

- aucun moyen n'est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la requête enregistrée le 22 novembre 2024 sous le n° 2411643 par laquelle le requérant demande l'annulation de la décision en litige.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision par laquelle la présidente du tribunal a désigné Mme Rizzato, première conseillère, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique tenue en présence de Mme Lecas, greffière d'audience :

- le rapport de Mme Rizzato ;

- les observations de Me Denis, pour M. A qui conclut aux mêmes fins que dans ses écritures par les mêmes moyens qu'elle développe oralement. Elle insiste sur l'urgence à suspendre l'exécution de la décision compte-tenu de ses conséquences financières, du montant non établi par la collectivité de l'ARE à laquelle M. A pourra prétendre et de ses charges mensuelles d'un montant de 1 500 euros, du déclassement et de la perte de niveau de vie et des conséquences de la procédure de licenciement sur l'état psychologique du requérant.

- les observations de Me Garaudet, pour la commune de Saint-Etienne qui maintient ses écritures qu'elle développe oralement et soutient en outre qu'il existe un intérêt public à ne pas suspendre la décision en litige compte-tenu de la souffrance causée à certains agents de la collectivité par le comportement de M. A.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. A, conservateur des bibliothèques, a été licencié pour insuffisance professionnelle par décision du 30 septembre 2024 du maire de la commune de Saint-Etienne. Il demande la suspension de l'exécution de cette décision.

Sur les conclusions à fin de suspension et d'injonction :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ". Aux termes de l'article L. 522-3 du même code🏛 : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ".

3. La condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une mesure de suspension de l'exécution d'un acte administratif doit être regardée comme remplie lorsque l'exécution de la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Une mesure prise à l'égard d'un agent public ayant pour effet de le priver de la totalité de sa rémunération doit, en principe, être regardée, dès lors que la durée de cette privation excède un mois, comme portant une atteinte grave et immédiate à la situation de cet agent, de sorte que la condition d'urgence doit être regardée comme remplie, sauf dans le cas où son employeur justifie de circonstances particulières tenant aux ressources de l'agent, aux nécessités du service ou à un autre intérêt public, qu'il appartient au juge des référés de prendre en considération en procédant à une appréciation globale des circonstances de l'espèce (CE, 18 décembre 2024, n° 492519⚖️ B).

4. Il est constant que la décision en litige prive M. A de sa rémunération à compter du 16 octobre 2024. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment des simulations établies par les services de la commune de Saint-Etienne, non sérieusement contestées, que le montant de l'aide au retour à l'emploi dont pourra bénéficier le requérant sera supérieur à 2 000 euros par mois. Il a également perçu une indemnité de licenciement d'un montant de 6368,85 euros. Le requérant, qui indique que sa rémunération avant son arrêt maladie était d'un montant de 2926,21 euros, était placé à demi-traitement à la date de son licenciement, ainsi que cela ressort de son bulletin de paie d'octobre 2024 qui mentionne au demeurant un " cumul net imposable " de 19 584.73 euros le mois précédent. Il fait état de charges mensuelles incompressibles d'un montant de 1185,25 euros auxquelles il convient d'ajouter notamment ses dépenses d'alimentation et n'invoque aucune charge de famille. Par ailleurs, M. A ne justifie pas des conséquences de la décision en litige sur son état de santé déjà dégradé. L'ensemble de ces éléments doivent être regardés comme des circonstances particulières de nature à renverser la présomption d'urgence mentionnée au point 4. Alors même que la décision prive le requérant de sa qualité de fonctionnaire de catégorie A, la condition tenant à l'urgence, ne peut être regardée comme satisfaite.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la condition tenant au doute sérieux sur la légalité de la décision en litige, que M. A n'est pas fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision du 30 septembre 2024 prononçant son licenciement.

Sur les frais de l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Etienne une somme au titre des frais exposés par M. A pour la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Saint-Etienne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Etienne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B A et à la commune de Saint-Etienne.

Fait à Lyon le 2 janvier 2025.

La juge des référés,

C. Rizzato

La greffière,

S. Lecas

La République mande et ordonne au préfet de la Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Un greffier,

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus