Le Quotidien du 17 novembre 2022 : Procédure pénale

[Brèves] Souriez, vous êtes filmés ! Le juge d’instruction peut autoriser la mise en place d’une captation d’images dans un lieu privé par drones

Réf. : Cass. crim., 15 novembre 2022, n° 22-80.097 FS-B N° Lexbase : A11098TA

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par Helena Viana

le 23 Novembre 2022

► L’article 706-96 du Code de procédure pénale permettant la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé n’exclut pas que le dispositif utilisé soit un drone. Dès lors que les enquêteurs ont agi sur délégation expresse du magistrat instructeur qui avait autorisé la captation, la chambre de l’instruction a pu justifier le rejet de la requête en nullité de ces opérations de captation.

Faits et procédure. Dans le cadre d’une instruction ouverte pour un trafic de cannabis mis en place entre l’Espagne et la France, le juge d'instruction a autorisé, par ordonnance motivée et pour une durée de quatre mois, une captation d'images par voie aérienne sur le fondement de l’article 706-96 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7418LPG et après réquisitions prises en ce sens du procureur de la République. Les lieux visés par les opérations de captations comprenaient notamment le jardin clos de la maison d’un des mis en cause et ses abords. Il avait été mis à jour que des livraisons régulières étaient réceptionnées à ce domicile. L’individu a été mis en examen à l’issue de son interrogatoire de première comparution et placé en détention provisoire. Il a déposé une requête en nullité, visant notamment les opérations de captations d'images réalisées sur sa propriété par une caméra aéroportée. Statuant sur l’appel, la chambre de l’instruction a rejeté la demande d’annulation et le mis en cause a porté cet arrêt devant la Cour de cassation.

Moyens du pourvoi. Le demandeur au pourvoi reproche au juge d’instruction, et plus encore à la chambre de l’instruction, d’avoir validé le dispositif mis en place par voie aérienne alors que l’article 706-96 du Code de procédure pénale n’autorise, selon lui, que les dispositifs de captation fixes et non les dispositifs mobiles. La mise en place d’un dispositif mobile de type drone méconnaîtrait les articles 6, § 1 et 8 de la CESDH N° Lexbase : L4798AQR, en particulier son droit au respect de la vie privée, ainsi que le principe de légalité des délits et des peines de l’article 111-4 du Code pénal N° Lexbase : L2255AMH, et les articles préliminaire, 75 N° Lexbase : L2765KGI, 78 N° Lexbase : L4984K84, 591 N° Lexbase : L3975AZA, 593 N° Lexbase : L3977AZC et 706-96 du Code de procédure pénale. Le pourvoi reprochait également aux juges du fond d’avoir omis de détailler les circonstances en raison desquelles le recours à un autre dispositif moins intrusif était rendu particulièrement difficile.

Décision. La Chambre criminelle va rejeter l’argumentaire du pourvoi.

Elle commence par rappeler que le domicile est protégé par l’article 8 de la CESDH et que l’ingérence dans ce droit ne peut être admise « qu'à la condition d'avoir une base légale suffisante, et de poursuivre un but légitime dans une société démocratique, en considération duquel ladite ingérence doit être nécessaire et proportionnée ».

En réponse à l’argument selon lequel le dispositif mobile ne serait pas prévu par le corps du texte du Code de procédure pénale, la Chambre criminelle énonce qu’il n’y a pas lieu de faire de distinctions là où la lettre du texte n’en fait pas. Elle ajoute que le recours à ce procédé particulièrement intrusif est limité aux seules enquêtes en matière de criminalité et de délinquance organisées et de crimes et qu’il est placé sous le contrôle d’un magistrat du siège. Partant, la Haute juridiction en déduit que l’ingérence dénoncée est conforme aux exigences européennes susvisées et que la loi est suffisamment claire, prévisible et accessible.

En ce qui concerne les éléments retenus par les juges du fond pour rejeter la requête en nullité, la Cour de cassation relève qu’ils se sont déterminés par des motifs propres au regard des pièces du dossier et prend soin de les énumérer successivement dans sa motivation. En substance, les magistrats du fond relevaient que les opérations ont été prévues par la loi, selon les exigences formulées par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, que le dispositif a été mis en place conformément aux exigences du texte, à savoir par le juge d’instruction sur réquisitions par ordonnance motivée décrivant les lieux précis visés et les circonstances rendant toute surveillance difficile. Ils ajoutaient que les procès-verbaux de ces opérations figuraient au dossier et que le magistrat instructeur avait rappelé comment avaient été mis en évidence le trafic et les lieux ciblés identifiés.

La Cour ajoute aux motivations des juges du fond que les enquêteurs avaient agi sur délégation expresse du magistrat instructeur. De fait, elle en conclut qu’aucun des textes invoqués par le demandeur au pourvoi n’a été méconnu par la chambre de l’instruction.

Technique spéciale d’enquête dérogatoire du droit commun, la sonorisation ou fixation d’image de certains lieux et véhicules s’applique à la criminalité organisée et dans des conditions strictement déterminées par les articles 706-96 et suivants du Code de procédure pénale. Dans les jurisprudences récentes, les dispositifs techniques utilisés pour la captation d’image étaient des endoscopes (Cass. crim., 23 janvier 2013, n° 12-85.059, FS-P+B N° Lexbase : A8792I3Z), des appareils photographiques (Cass. crim., 07 mai 2019, n° 18-85.596, F-D N° Lexbase : A0666ZBB) ou des caméras de vidéosurveillances (Cass. crim., 11 décembre 2018, n° 18-82.365, FS-P+B N° Lexbase : A6902YQP). Pour autant, le drone, semble-t-il, devrait être distingué de ces autres dispositifs, ne serait-ce que par la possibilité qu’il offre à son utilisateur d’accéder à des lieux inaccessibles autrement.

À l’instar du juge administratif, qui, interrogé sur la possibilité de surveiller avec un drone des manifestants et en identifier les participants, a conclu à l’existence d’un traitement de données à caractère personnel nécessitant l’intervention préalable d’un texte (CE, 9e-10e, ch. réunies, décision du 22 décembre 2020 n° 446155 N° Lexbase : A97924AW), il aurait été souhaitable que la Haute juridiction distingue dans la technique utilisée par les enquêteurs. Et ce d’autant plus lorsqu’ils agissent dans le cadre d’un régime dérogatoire comme dans les faits de l’arrêt référencé.

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