Réf. : Cass. civ. 1, 9 novembre 2022, n° 21-17.203, FS-B N° Lexbase : A12988SU
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par Alexandra Martinez-Ohayon
le 16 Novembre 2022
► La Haute juridiction énonce que dans le cadre d’un arbitrage multipartite, lorsque les parties ne s'accordent pas sur les modalités de constitution du tribunal arbitral, la personne chargée d'organiser l'arbitrage ou, à défaut, le juge d'appui, désigne le ou les arbitres ; dans le cas où la clause compromissoire renvoie à l'article 12 (8) du règlement d'arbitrage de la CCI, qui énonce qu’à défaut de tout autre accord entre les parties sur les modalités de constitution du tribunal arbitral, la Cour d'arbitrage de la CCI peut nommer chacun des membres du tribunal arbitral et désigne l'un d'entre eux en qualité de président ; en conséquence, les Hauts magistrats précisent qu’au-delà de ce que prévoit la clause compromissoire, les intérêts des parties au moment du litige doivent être pris en compte dans l'analyse du traitement équitable.
Faits et procédure. Dans cette affaire, en 2000, un pacte d’actionnaires de la société angolaise Unitel a été conclu entre une société britannique, une société portugaise et deux sociétés angolaises. Ce dernier comportait une clause d’arbitrage d’un tribunal siégeant à Paris sous l'égide de la Chambre de commerce internationale (CCI), et composé de quatre arbitres désignés par chacune des parties et d’un président choisi par les arbitres, et à défaut d’accord par l’institution d’arbitrage.
Le 13 octobre 2015, une requête d’arbitrage à l’initiative de la société portugaise a été déposée auprès du secrétariat de la CCI à l’encontre de ses trois coassociés, alléguant avoir été évincée de la gestion de la société Unitel. La requérante sollicitait que le tribunal soit composé de trois arbitres et non de cinq, l'un désigné par elle et l'autre conjointement par les défenderesses, afin que soit respecté le principe de l'égalité des parties dans la constitution du tribunal arbitral, compte tenu des intérêts convergents des défenderesses.
La demanderesse a ainsi désigné son arbitre sous la condition précitée. Toutefois, conformément à la clause compromissoire et contrairement à la condition énoncée par la demanderesse, chacune des autres sociétés a procédé à la désignation d’un arbitre. Quatre arbitres ont dès lors été nommés, et ces derniers ont tous accepté leur mission.
En présence de ce désaccord, la CCI a tenté en vain d’inviter les parties à trouver un nouvel accord sur la désignation des arbitres et a fini par nommer d’office quatre autres arbitres et un président en prononçant la jonction avec une seconde procédure d’arbitrage engagée par les défenderesses. De cette procédure consolidée découle une sentence arbitrale du 20 février 2019 contre laquelle la société britannique a formé un recours en annulation.
Le 26 janvier 2021, le recours a été rejeté par la cour d’appel de Paris.
Le pourvoi. La demanderesse fait grief à l’arrêt rendu le 26 janvier 2021 par la cour d’appel de Paris, d’avoir rejeté le recours en annulation et de l’avoir condamnée à verser à la requérante la somme de 300 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5913MBM.
La demanderesse soutient que, le tribunal arbitral ayant été irrégulièrement constitué, la sentence arbitrale peut être annulée. Elle relève que le centre d’arbitrage n’avait pas le pouvoir de désigner les arbitres compte tenu du fait que les parties s'étaient accordées sur les modalités de constitution du tribunal arbitral dans la convention d'arbitrage et qu’elles avaient par la suite, conformément à ladite convention, chacune désigné un arbitre. Dès lors, le règlement d'arbitrage n'autorisait pas la Cour internationale d'arbitrage à nommer l’ensemble des membres du tribunal arbitral et à désigner l'un d'entre eux en qualité de président.
En l’espèce, les défenderesses avaient manifesté leur refus que le tribunal arbitral soit composé de trois membres en désignant chacune leur arbitre. Dès lors, il existait un désaccord sur les modalités de la constitution du tribunal arbitral, qui justifiait que le centre d’arbitrage a désigné l’intégralité des membres du tribunal, privant toutes les parties du droit de choisir leur arbitre.
Solution. Énonçant les solutions précitées aux termes des dispositions des articles 1453 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2270IPR la Cour de cassation rejette le pourvoi. Les Hauts magistrats relèvent que l'égalité entre les parties a été préservée.
Pour aller plus loin : v. L. Chuk Hen Shun, ÉTUDE : le tribunal arbitral, La désignation du ou des arbitres, in Procédure civile, (dir. É. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E30194YH. |
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