Le Quotidien du 6 juillet 2021 : Actualité judiciaire

[A la une] L’enquête pour « prise illégale d’intérêts » visant Éric Dupond-Moretti s’accélère à la Cour de justice de la République

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[A la une] L’enquête pour « prise illégale d’intérêts » visant Éric Dupond-Moretti s’accélère à la Cour de justice de la République. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/70070782-a-la-une-lenquete-pour-prise-illegale-dinterets-visant-eric-dupondmoretti-saccelere-a-la-cour-de-jus
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par Vincent Vantighem, Grand Reporter à 20 Minutes

le 31 Août 2021

Édit, le 23 juillet 2021 à 13 heures 00 : le 16 juillet 2021, à l'issue de son audition, le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, a été mis en examen par les magistrats de la Cour de justice de la République.

C’est sans doute ça qu’on appelle l’ironie du sort… Éric Dupond-Moretti s’est vu saisir l’un de ses téléphones portables, jeudi 1er juillet, lors d’une perquisition orchestrée dans son ministère par trois magistrats de la Cour de justice de la République (CJR) qui enquêtent sur des soupçons de « prise illégale d’intérêts ». Lorsque l’on pense que tout ça n’aurait pas eu lieu sans l’affaire dite « des écoutes de Paul Bismuth » et sans l’analyse des factures détaillées de plusieurs avocats par des magistrats du parquet national financier, on se dit que la Justice, c’est parfois loin d’être simple comme un coup de fil...

Il était donc 9 heures du matin quand les magistrats de la CJR – seule institution habilitée à juger les ministres pour des délits commis dans l’exercice de leur fonction – se sont présentés, place Vendôme, pour fouiller les lieux. Encadrés par une vingtaine de gendarmes armés de la section de recherches de Paris, ils n’ont rien laissé au hasard. Le bureau du ministre, celui de sa directrice de cabinet, celui de son secrétariat particulier. Sans oublier ceux de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG). En tout, les enquêteurs sont restés 15 heures sur place. De 9 heures donc jusqu’à quasiment minuit.

Preuve de leur ténacité : ils ont même évoqué la possibilité de démonter l’une des presses historiques à sceaux datant de 1810 et qui orne le bureau du ministre pour vérifier qu’elle ne contenait aucun document compromettant. Avant de renoncer, se rendant compte qu’il faudrait, pour cela, recourir aux services des monuments historiques… Avant ça, ils avaient déjà dû faire venir un serrurier après avoir découvert, dans le soubassement de la bibliothèque ministérielle, des coffres-forts datant des années 1960 dont personne ne retrouvait la clef. Meuleuse, perceuse… Il a fallu plus d’une heure et demie à l’homme de l’art pour percer les coffres et aux enquêteurs pour se rendre compte qu’ils ne contenaient … rien du tout.

Peu avant minuit, ils quittaient finalement les lieux non sans avoir prélevé plusieurs dossiers et surtout non sans avoir saisi des téléphones portables, dont l’un de ceux appartenant au ministre. Une décision surprenante pour Christophe Ingrain, l’un des avocats du ministre. « Je comprends d’autant moins cette perquisition que nous avions transmis, en janvier dernier, la totalité des documents […] au sujet de ces deux dossiers... »

Le ministre Dupond accusé de régler les comptes de l’avocat Dupond ?

Les « deux dossiers » évoqués par Christophe Ingrain sont ceux qui empoisonnent la vie d’Éric Dupond-Moretti depuis son arrivée à la tête de ce ministère. Le premier concerne les magistrats du parquet national financier (PNF) ayant enquêté dans l’affaire « des écoutes de Paul Bismuth ». On s’en souvient, ce sont eux qui avaient épluché les factures détaillées d’une dizaine d’avocats, dont Éric Dupond-Moretti, pour tenter de trouver la taupe ayant prévenu Nicolas Sarkozy que sa ligne « Paul Bismuth » était sur écoutes.

Le second dossier porte sur le juge Édouard Levrault. Un magistrat spécialisé dans la lutte contre la corruption avec qui Éric Dupond-Moretti avait eu maille à partir lorsqu’il était encore un ténor des barreaux.

C’est peu dire qu’Acquittator ne les porte pas dans son cœur. Avocat, il a qualifié les premiers de « barbouzes » et le dernier de « cow-boy ». Sauf que depuis, il est devenu garde des Sceaux. Et que les syndicats de magistrats, tout comme l’association Anticor, qui ont déposé des plaintes se demandent s’il ne se sert justement pas de ses nouvelles fonctions de ministre pour régler ses vieux comptes d’avocat. Et pointent, en guise de démonstration, les enquêtes administratives qu’il a ordonnées d’abord contre Édouard Levrault puis contre les magistrats du PNF, à l’été 2020.

Jean Castex a été entendu, le Directeur des services judiciaires aussi

« Ce n’est pas lui qui était à l’initiative [de ses enquêtes], rétorque son entourage. Il n’a fait que suivre les recommandations de ses services composés … de magistrats. » Et pour être bien sûr que le message passe, Éric Dupond-Moretti fait bien savoir à tout le monde qu’il est « serein face à cette procédure ».

Car désormais il s’agit bien d’une procédure. Depuis le dépôt des plaintes des syndicats de magistrats et d’Anticor, les soupçons ont conduit la Cour de justice de la République à ouvrir une information judiciaire pour « prise illégale d’intérêts ». Si l’initiative date de janvier, cette procédure semble s’accélérer depuis quelques semaines. En plus de la perquisition menée, jeudi, les magistrats de la CJR ont en effet auditionné le Premier ministre Jean Castex, le 7 juin dernier, en qualité de témoin. Suffisamment rare pour être souligné...

Selon les informations de Lexbase, ils s’intéressent également à la personnalité de Paul Huber, l’actuel Directeur des services judiciaires (DSJ) du ministère avec qui Éric Dupond-Moretti a échangé plusieurs fois sur le sujet des enquêtes administratives. D’après plusieurs sources concordantes, lui aussi a été entendu par les magistrats de la Cour de justice de la République.

Le prochain sur la liste pourrait être Éric Dupond-Moretti. Sauf que le garde des Sceaux risque, lui, une mise en examen dans ce dossier. Officiellement, l’Élysée ne commente pas les affaires en cours. Officieusement, il se dit que l’ancien avocat a toujours le soutien d’Emmanuel Macron. Jusqu’à quand ? Le président sait bien qu’il serait risqué d’envoyer un ministre mis en examen orchestrer les États généraux de la Justice qu’il a décidé d’organiser en décembre. À quatre mois seulement de l’élection présidentielle…

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